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texte - Le Porche

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Ce qu’il nous dit avec une parfaite clarté dans son <strong>texte</strong> J’aime la Bible. Il rappelle sa conversion<br />

et dit : « Ce nouveau monde dont la porte venait pour moi de s’ouvrir, il n’ôtait pas son intérêt à celuici.<br />

Tous les deux, nous dit l’Écriture, ont été créés ensemble, je veux dire dans un rapport l’un avec<br />

l’autre [...]. Et moi qui sentais dans mon cœur la grande vocation catholique, la vocation de l’Univers,<br />

qu’aurais-je pu faire de mieux que de m’embarquer à la découverte des quatre points cardinaux sur cette<br />

monture spirituelle [...]. Qu’a été ma vie pendant quarante ans que de faire voisiner tous les horizons de<br />

la planète et tous les versants de la sensibilité ? » Après quoi lui vient la révélation que « l’Écriture Sainte<br />

était autre chose qu’un véhicule, qu’elle était par elle-même un édifice sublime » 10 .<br />

Tout se passe donc pour la pensée et l’écriture de Claudel commentant la Bible comme s’il y<br />

avait deux univers créés par la parole de Dieu, l’un le monde, l’autre l’écriture et dont le poète et déjà<br />

l’homme peuvent montrer les rapports et la parenté... non comme une complaisance, mais comme une<br />

démonstration. De là la double série de souvenirs, ceux d’enfance et de jeunesse et ceux du parcours de la<br />

planète : « L’amandier est cet arbre qui fleurit avant tous les autres quand c’est encore l’hiver et février,<br />

obéissant ainsi moins à la sollicitude ambiante qu’à une nécessité intérieure. Il est ainsi l’emblème de la<br />

foi et de cette frissonnante et timide contrefaçon de l’innocence qui sert de prémonition à l’été. En<br />

Chine, c’est un rameau analogue qui ombrage la réunion des Ermites » 11 .<br />

Partout présent, figure le paysage proche, celui du Rhône, puis de Brangues :<br />

C’est la longue montagne bleue du Rhône qui me sert maintenant de pupitre. Vénus au-dessus de la<br />

tour de l’église est ma chandelle, et les peupliers innombrables de cette vallée tournante, me servent de<br />

repères et d’oboles. N’écoutons pas le coucou qui ne cesse de nous dire Là-bas ! là-bas ! Ni Philomèle en<br />

pleurs qui répète : J’aime ! j’aime ! j’aime ! ni la caille ahurie qui s’enquiert de tous côtés : Qu’est-ce qu’il dit ?<br />

Qu’est-ce qu’il dit ? 12<br />

Et à tout instant dans ces pages se lit l’amour du poète pour le spectacle de la nature la plus<br />

simple, la plus humble, en même temps que celui du ciel dans son infinité ; il ouvre un traité<br />

d’astronomie et sa lecture se superpose à celle de la Bible : « Pascal a écrit quelque part : <strong>Le</strong> silence de ces<br />

espaces infinis m’effraie. Mais comment peut-on être effrayé par une prairie ? est-ce qu’une étoile n’est pas<br />

aussi familière à nos cœurs qu’un brin de muguet, aussi désirable qu’une escarboucle ? nous n’avons<br />

qu’à la cueillir » 13 .<br />

<strong>Le</strong> passage<br />

Comment se fait le passage de ce qui est souvenirs personnels de tous âges de la vie – à ce qui<br />

est lecture du <strong>texte</strong> sacré ? Du personnel au <strong>texte</strong> ou du <strong>texte</strong> par un retour en direction de la vie,<br />

présente ou passée. On peut chercher une loi, il n’y en a pas, semble-t-il. Tout se passe comme s’il y<br />

avait pour Claudel au moment où il se plonge dans ce travail qui est à la fois de lecture et d’écriture, une<br />

sorte de communauté vitale d’où sortent dans le mouvement psychique à la fois et successivement les<br />

souvenirs, les évocations et les réflexions, comme si le travail sur la Bible était une présence<br />

chaleureuse, où se fondent les impressions et les réflexions, le subjectif et l’objectif, dans le même<br />

moment du vécu. Ainsi le <strong>texte</strong> biblique peut éveiller les souvenirs et les pensées du moi. Ainsi dans le<br />

Cantique des Cantiques : « Pulchra ut Luna chante notre <strong>texte</strong> ! Miroir de la paix ! Flambeau intérieur !<br />

corbeille de recueillement ! [...] Nous te considérons là-haut qui contemple ! dispensatrice de la charité !<br />

le soleil solennellement nous montre ce lieu où nous sommes, mais la lune éveille en nous le sentiment<br />

de ce lieu là-bas où nous ne sommes pas ». La lune éveille la pensée du lieu de désir. Ce que dira<br />

jusqu’aux derniers jours le Journal de Claudel, et que rappelle ici dans cette énorme page lyrique l’analyse<br />

du Cantique 14 .<br />

Mais c’est une confusion féconde qui paraît ici, par exemple dans l’ouverture du Livre de Tobie,<br />

où s’unissent les souvenirs du spectacle de la nature, le récit biblique et, ce que nous reverrons, la<br />

10 P. Claudel, J’aime la Bible, PB 2, p. 1000.<br />

11 P. Claudel, Vitraux, en PB 1, p. 255.<br />

12 P. Claudel, Vitraux, en PB 1, p. 307.<br />

13 P. Claudel, Note sur les Anges, en PB 1, p. 445.<br />

14 P. Claudel, <strong>Le</strong> Cantique des Cantiques, en PB 2, p. 288.<br />

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