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Jean -Loïc LE QUELLEC<br />
s'agit d'un Roitelet lié par de robustes cables sur une charrette attelée de plusieurs paires de boeufs 116.<br />
122. Jusqu'en 1943 au moins, à Brigueuil (région confolentaise), le lendemain <strong>des</strong> noces, on attrapait<br />
un roitelet qu'on traînait sur une charrette ainsi attelée 122. Nul doute qu'il y ait là trace d'un vieux rite<br />
en rapport avec le nom même du rabrtàud, dérivé de la forme bitriscus remontant à un celtique<br />
biturix qui signifie "roi du monde" 117, 118. Lorsque l'on sait par ailleurs que le nom grec du Roitelet,<br />
est j3UO'LÂ-lOXOS (diminutif de j3UO'LÂ-E'\JS "roi"), on est moins surpris de le voir tenir le même rôle que<br />
l'anguille, substitut du serpent et du Basilic (j3aO'LÂ-lXOV), puisque nous avons vu que les reptiles du<br />
Centre-Ouest sont, de nos jours, le support de nombreuses croyances héritées de l'ancien légendaire<br />
du Basilic. Du reste, le roitelet est parfois accusé dans les Deux-Sèvres, de participer au "cycle du<br />
vrim" en contaminant certains épineux dont les piqûres deviennent alors inguérissables 119.<br />
e)- Nous avons mentionné plus haut le rôle de l'aubépine dans la lutte contre les serpents ... après tout ce<br />
que l'on vient de voir, croira-t-on alors à un hasard si "à la puberté, pour régulariser les menstrues,<br />
on fait prendre aux jeunes filles <strong>des</strong> baies d'aubépine dans du vin rouge" ? 28<br />
Rappelons pour tcrminer que les Pierres de Serpent (Glain neidr) supposées produites par la<br />
salive <strong>des</strong> reptiles, et considérées au Pays de Galles comme étant très efficaces contre les maladies <strong>des</strong><br />
yeux 92, trouvent <strong>des</strong> homologues dans l 'ovum anguinum d'un fameux texte de Pline (Hist. Nat., XXIX,<br />
52-54) selon lequel "en été, <strong>des</strong> serpents innonbrables se rassemblent, enlacés et collés les uns aux autres<br />
par la bave et l'écume de leur corps; cela s'appelle oeuf de serpent". Pline explique que le ravisseur de ce<br />
type d'oeuf "en grand renom dans les Gaules", doit "attendre une certaine lune" pour agir, et qu'il lui<br />
faudra ensuite s'enfuir à cheval, "car les serpents le poursuivent jusqu'à ce qu'ils en soient empêchés par<br />
l'obstacle d'une rivière". Il affirme avoir vu un de ces objets merveilleux, et la <strong>des</strong>cription précise qu'il en<br />
fait correspond tout à fait à celle d'un oursin fossile. En Ecosse, on explique l'éventuelle perforation<br />
centrale que peut présenter cet "oeuf' en disant que lorsque tous les reptiles se sont regroupés pour<br />
le former, l'un d'eux l'a percé de sa queue alors que la pâte était encore molle 92. Les différentes<br />
versions collectées insistent par ailleurs sur la date particulière à laquelle se déroule le regroupement <strong>des</strong><br />
serpents: veille du 1er Mai (pays de Galles) ou veille de la saint Jean (Cornouailles) 92. Il se trouve enfin<br />
que dans toute l'Europe occidentale, de très nombreuses traditions populaires attribuent aux oursins<br />
perforés <strong>des</strong> vertus prophylactiques et apotropaïques, relatives notamment à la lactation 97,123.<br />
La question se pose donc maintenant, du rapport possible entre ce très ancien mythe et les<br />
nombreux oursins pré- ct proto-historiques fossiles perforés découverts en Poitou-Saintonge, comme<br />
celui trouvé par Charbonneau-Lassay dans un tumulus situé près d'une fontaine du village du Poiron en<br />
St-Amand (Deux-Sèvres) : il se trouvait enfermé dans une petite capse formée de six plaques de schiste,<br />
et posé sur l'une de ces plaques, à l'intérieur d'un tertre de 20 m de diamètre, sans aucun vestige<br />
funéraire 93, 94, 95, 96. G. Chauvet précise qu'on ne trouve pas d'oursins fossiles dans cette région 126.<br />
Semblablement, le tumulus néolithique de la Fourcherie à Juicq (Chte-Mme) ne contenait rien d'autre<br />
qu'un oursin fossile 123. Ces objets, dont la perforation paraît généralement trop étroite pour qu'ils aient<br />
pu servir de fusaïoles, sont particulièrement abondants en Charente-Maritime, qui a fourni environ 70 %<br />
<strong>des</strong> échini<strong>des</strong> perforés de France. Or leur répartition n'est pas superposable à celle <strong>des</strong> gisements<br />
d'oursins fossiles (fréquents dans le Crétacé supérieur de Saintonge). Sur 66 exemplaires datés, 3 sont<br />
antérieurs au Néolithique, 18 sont probablement du Néolithique (dont 4 certainement), 26 sont du<br />
Néolithique ou du Bronze, 17 se répartissent, plus ou moins précisément, du Campaniforme à la Tène,<br />
un dernier fut découvert dans un petitfanum de la forêt de Rouvray. Selon 1. Morel, ces objets pourraient<br />
bien donc être l'indice d'une "vénération toute particulière pour l'échinide perforé", élaborée par un <strong>des</strong><br />
groupes du Néolithique <strong>des</strong> Charentes, et que leurs successeurs de l'Age du Bronze et du premier Age du<br />
Fer dans le Centre-Ouest, auraient portée à son apogée 94, 123. La probabilité de l'existence d'une telle<br />
"vénération" semble renforcée par la découverte, en Charente, de plusieurs "imitations" d'Echini<strong>des</strong><br />
perforés, en calcaire ct en terre cuite 124.<br />
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