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La terre<br />
ETHNO-HERPETOLOGIEetMŒTHOLOGIE<br />
Les reptiles naissant <strong>des</strong> poils ou <strong>des</strong> cheveux, certaines sorcières savent infester les champs de<br />
vipères, en s'y peignant. Il est peut-être possible de rapprocher cette croyance de la coutume selon<br />
laquelle "il faut jeter les cheveux coupés dans les champs : cela en chasse les lapins" 67. En hiver, les<br />
serpents s'enterrent en formant <strong>des</strong> boules réunissant de très nombreux individus qui se disposent ainsi à<br />
hiverner. Comme on sait par ailleurs que ces animaux, en rampant, "ramassent le venin de la terre", on<br />
comprend pourquoi les vipères sont réputées être particulièrement dangereuses au printemps : c'est<br />
qu'elles ont passé tout l'hiver en terre, à en amasser une provision qui reste intacte tant qu'elles n'ont pas<br />
encore "piqué". On constate ainsi le circuit suivant :<br />
a- en hiver, les serpents ramassent le venin de la terre,<br />
b- au printemps, ce venin "monte au soleil",<br />
c- le venin retombe avec la rosée (à l'occasion parfois de véritables pluies de poissons<br />
(anguilles ?) et de batraciens ... ),<br />
d- il passe alors dans les plantes et dans l'eau ...<br />
e- où les reptiles (et batraciens) le récupèrent.<br />
On ne s'étonnera donc plus du dicton qui affirme que quant 0 molle a la sént Aiarc, 01 érénte lés<br />
vipaeres, mae lIeù vrim ét pus mauvès : la pluie du 25 Avril, et plus généralement les pluies<br />
printanières, étant particulièrement chargées en venin. Un symbolisme ophidien est alors tout à fait<br />
indiqué dans le cas d'un instrument aratoire comme celui de Secondigny, ouvrant la terre et se trouvant<br />
au contact de son vrim (venin).<br />
Les plantes<br />
Les vipères se nourrissent ordinairement <strong>des</strong> fruits rouges de l'Arum maculatum ("pain de<br />
vipère"," raisin de serpent", "herbe a la serpent") qui pressé, donne du lait. Le Muscari comosum est<br />
appelé ail a la serpent(e), ail a la vi-'mine ou ail a la vipaere et sert également de nourriture aux<br />
serpents. Toutes ces plantes sont réputées vénéneuses, et on interdit aux enfants d'en manger, cette<br />
interdicton s'étendant parfois à l'Ail sauvage. L'Ail cultivé ou sauvage [Galium mollugo, Ga/ium<br />
verum ... ] entre généralement dans la composition <strong>des</strong> remè<strong>des</strong> prescrits en cas de morsure de vipère. On<br />
affirme par ailleurs qu'il est possible d'éviter ces morsures toute l'année, si on mange de l'ail vert le<br />
premier Mai, ou si on en frotte sa culotte et ses sabots. Le Gaillet jaune [Galium verum L.] est<br />
localement appelé èrhe au vrim (herbe au venin). Cette omniprésence de l'ail comme nourriture <strong>des</strong><br />
serpents et comme moyen de lutter contre eux est à rapprocher d'une observation répétée <strong>des</strong> anciens<br />
herpétologues, qui notent que lorsque les couleuvres ont peur, elles répandent un liquide d'une odeur<br />
alliacée, secrété par <strong>des</strong> glan<strong>des</strong> spéciales situées près de l'anus 53,66.<br />
Une autre plante généralement citée dans les remè<strong>des</strong> dont on a pu connaître la composition est le<br />
Bouillon blanc [Verbascum thapsus L.], considéré par les toucheurs comme "l'antivenin par excellence".<br />
Il n'est sans doute pas indifférent de savoir que c'est cette même plante qui sert, en décoction passée sur<br />
le pis, pour soigner les mammites 33 : on rejoint là en effet le lait et les bovins. Semblablement, on peut<br />
remarquer que le patea de poràie (cataplasme de poireaux) sert à lutter contre: a- les morsures de<br />
vipère, b-le "dépôt de lait", et c-la "marée" 68.<br />
Les serpents peuvent transmettre leur venin aux plantes, en les mordant à la racine (cas du<br />
Prunus spinosa, localement appelé épene naere : "épine noire") dont les épines deviennent alors<br />
vénéneuses) ou même simplement en les frôlant (cas <strong>des</strong> champignons qui deviennent vénéneux). En ce<br />
qui concerne l'épine noire, citons un témoignage de St-Hilaire-<strong>des</strong>-Loges : "A la St-Jean et à la St<br />
Michel, on fait <strong>des</strong> feux de joie dans les villages. On fait brûler principalement <strong>des</strong> fagots de grosse<br />
épine noire parce que celle-ci fournie [sic] beaucoup de charbon. Quand tout le bois est consumé, on<br />
recueille précieusement le charbon que l'on porte autour <strong>des</strong> puits, <strong>des</strong> fontaines, parce que les paysans<br />
disent que les microbes ont peur du charbon, et par conséquent dans l'cau <strong>des</strong> sources on ne trouvera pas<br />
de microbes" 71. Il est permis de se demander si les "microbes" cités par cet informateur d'Edmond<br />
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