1941-1945 : Jean Foucat, un rescapé de l'enfer témoigne

1941-1945 : Jean Foucat, un rescapé de l'enfer témoigne 1941-1945 : Jean Foucat, un rescapé de l'enfer témoigne

02.07.2013 Views

1941-1945 : Jean Foucat, un rescapé de l'enfer témoigne Jean Foucat fait partie de ces rescapés de l'horreur dont l'histoire a besoin pour la mémoire. Le Plouarétais témoigne dès qu'il peut auprès des jeunes. A l'heure où la lettre de Guy Môquet est lue dans les collèges, le parcours de Jean Foucat parle tout autant d'engagement et de valeurs. Aux heures sombres de l'occupation allemande, militant communiste, il s'engage dans la Résistance. Il réside dans la région parisienne. Le 28 juillet 1941 une distribution de tracts anti-allemands tourne mal. Traqué, il se réfugie à Plougonver. Après cinq mois de clandestinité active, le 16 novembre 1941 il est dénoncé et arrêté. Deux gendarmes français vont le mener tout droit vers les portes de l’enfer « pour une prime ». Le lendemain, il se retrouve à la prison de Guingamp ; puis ce sera la Santé, Fresnes, Clairvaux, Chalons-en-Champagne et Compiègne jusqu’au 12 mai 1944. Ce jour-là, la porte de sa cellule s’ouvre à nouveau mais cette fois c’est pour Buchenwald. « Un voyage épouvantable ; cent dix détenus entassés dans une incroyable promiscuité, sans air, rien à manger ni à boire ». Le comité d’accueil ? « Des chiens, des SS, des kapos ; coups de bottes, coups de crosses, et en route, cinq par cinq, jusqu’au camp où nous attendaient des baquets d’eau glacée, la désinfection, le rasage de la tête aux pieds, la douche écossaise et l’habillement ». Jean Foucat devient le matricule 52320. Travail harassant et dégradant « à la carrière, avec, comme décor, le crématoire qui crachait ses fumées noires ». Puis ce fut le transfert vers l’abyssal enfer du camp de Dora, « le pourvoyeur des crématoires de Buchenwald ». Des nuits entières tenaillé par la faim, le marquage de l’horreur est fort : « Ces images sont toujours présentes dans ma tête tout comme certains visages de camarades pendus ou massacrés devant nous, sans que nous puissions faire quoi que ce soit ». Jusqu’où peut aller la faim Le 3 avril 1945, les coups de butoirs des Alliés bousculent l’Allemagne. Les bombes pleuvent. « Nous étions heureux de voir s’écrouler le IIIème Reich ». Mais la facture est lourde. « 2 500 prisonniers devaient y laisser leur vie » et pour les survivants, l’effroyable exode qui se poursuit, direction le « mouroir de Bergen-Belsen ». « Combien étions- nous dans ces cercueils roulants ? Je ne peux le dire, car nous étions à moitié abrutis ». Chaque gare en ruines ravivait l’espoir, mais le délabrement physique et moral est énorme. « Lorsque le train s’arrêtait, les prisonniers sortaient les cadavres de leurs camarades décédés ». Jean raconte comment, affamé, il fut amener à disputer une

<strong>1941</strong>-<strong>1945</strong> : <strong>Jean</strong> <strong>Foucat</strong>, <strong>un</strong> <strong>rescapé</strong> <strong>de</strong> <strong>l'enfer</strong> <strong>témoigne</strong><br />

<strong>Jean</strong> <strong>Foucat</strong> fait partie <strong>de</strong> ces <strong>rescapé</strong>s <strong>de</strong> l'horreur dont l'histoire a besoin pour la<br />

mémoire. Le Plouarétais <strong>témoigne</strong> dès qu'il peut auprès <strong>de</strong>s je<strong>un</strong>es. A l'heure où la<br />

lettre <strong>de</strong> Guy Môquet est lue dans les collèges, le parcours <strong>de</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Foucat</strong> parle<br />

tout autant d'engagement et <strong>de</strong> valeurs.<br />

Aux heures sombres <strong>de</strong> l'occupation alleman<strong>de</strong>, militant comm<strong>un</strong>iste, il s'engage<br />

dans la Résistance. Il rési<strong>de</strong> dans la région parisienne. Le 28 juillet <strong>1941</strong> <strong>un</strong>e distribution<br />

<strong>de</strong> tracts anti-allemands tourne mal. Traqué, il se réfugie à Plougonver. Après cinq<br />

mois <strong>de</strong> clan<strong>de</strong>stinité active, le 16 novembre <strong>1941</strong> il est dénoncé et arrêté. Deux<br />

gendarmes français vont le mener tout droit vers les portes <strong>de</strong> l’enfer « pour <strong>un</strong>e prime ».<br />

Le len<strong>de</strong>main, il se retrouve à la prison <strong>de</strong> Guingamp ; puis ce sera la Santé, Fresnes,<br />

Clairvaux, Chalons-en-Champagne et Compiègne jusqu’au 12 mai 1944.<br />

Ce jour-là, la porte <strong>de</strong> sa cellule s’ouvre à nouveau mais cette fois c’est pour<br />

Buchenwald. « Un voyage épouvantable ; cent dix détenus entassés dans <strong>un</strong>e<br />

incroyable promiscuité, sans air, rien à manger ni à boire ». Le comité d’accueil ? « Des<br />

chiens, <strong>de</strong>s SS, <strong>de</strong>s kapos ; coups <strong>de</strong> bottes, coups <strong>de</strong> crosses, et en route, cinq par<br />

cinq, jusqu’au camp où nous attendaient <strong>de</strong>s baquets d’eau glacée, la désinfection, le<br />

rasage <strong>de</strong> la tête aux pieds, la douche écossaise et l’habillement ». <strong>Jean</strong> <strong>Foucat</strong> <strong>de</strong>vient<br />

le matricule 52320. Travail harassant et dégradant « à la carrière, avec, comme décor,<br />

le crématoire qui crachait ses fumées noires ». Puis ce fut le transfert vers l’abyssal enfer<br />

du camp <strong>de</strong> Dora, « le pourvoyeur <strong>de</strong>s crématoires <strong>de</strong> Buchenwald ». Des nuits entières<br />

tenaillé par la faim, le marquage <strong>de</strong> l’horreur est fort : « Ces images sont toujours<br />

présentes dans ma tête tout comme certains visages <strong>de</strong> camara<strong>de</strong>s pendus ou<br />

massacrés <strong>de</strong>vant nous, sans que nous puissions faire quoi que ce soit ».<br />

Jusqu’où peut aller la faim<br />

Le 3 avril <strong>1945</strong>, les coups <strong>de</strong> butoirs <strong>de</strong>s Alliés bousculent l’Allemagne. Les bombes<br />

pleuvent. « Nous étions heureux <strong>de</strong> voir s’écrouler le IIIème Reich ». Mais la facture est<br />

lour<strong>de</strong>. « 2 500 prisonniers <strong>de</strong>vaient y laisser leur vie » et pour les survivants, l’effroyable<br />

exo<strong>de</strong> qui se poursuit, direction le « mouroir <strong>de</strong> Bergen-Belsen ». « Combien étions-<br />

nous dans ces cercueils roulants ? Je ne peux le dire, car nous étions à moitié abrutis ».<br />

Chaque gare en ruines ravivait l’espoir, mais le délabrement physique et moral est<br />

énorme. « Lorsque le train s’arrêtait, les prisonniers sortaient les cadavres <strong>de</strong> leurs<br />

camara<strong>de</strong>s décédés ». <strong>Jean</strong> raconte comment, affamé, il fut amener à disputer <strong>un</strong>e


limace à <strong>un</strong> compagnon polonais : « Je me rappelle encore ce geste et ce goût<br />

dégueulasse <strong>de</strong> la bestiole <strong>de</strong>scendant dans l’estomac ». Plus loin, ce fut la ruée vers <strong>un</strong><br />

tas d’épluchures mais « les kapos firent place nette, en moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ». Arrivés au<br />

camp, la direction SS fit ouvrir <strong>un</strong> silo <strong>de</strong> betteraves à vaches. « Ce fut à nouveau la ruée<br />

malgré les gar<strong>de</strong>s qui nous tiraient comme <strong>de</strong>s lapins. Les hommes tombaient,<br />

assassinés par ce jeu nazi. Jusqu’où peut aller la faim ! »<br />

Le dimanche 15 avril <strong>1945</strong>, les chars anglais entrent dans le camp. « Ce fut <strong>un</strong><br />

moment <strong>de</strong> liesse » mais <strong>Jean</strong> n’avait même plus la force <strong>de</strong> crier. « Voilà dans quel état<br />

le régime nazi m’avait rendu. Ne pas pouvoir prendre part aux joies <strong>de</strong> la Libération ». Et<br />

pourtant l’enfer n’était pas à son terme : <strong>un</strong>e distribution <strong>de</strong> victuailles était annoncée. Les<br />

Anglais apprirent à temps que la nourriture était empoisonnée. « Une fois <strong>de</strong> plus, nous<br />

avions échappé à la mort ».<br />

Battez-vous pour la Liberté et la Paix<br />

<strong>Jean</strong> retrouve Saint-Denis le 29 avril <strong>1945</strong>. La paix revenue, il rencontre Louisette<br />

Gendron, louargataise d’origine. Leur <strong>un</strong>ion est célébrée à Saint-Denis le 18 octobre<br />

1947. Le couple rési<strong>de</strong> à Plouaret <strong>de</strong>puis 1980. Samedi 27 octobre, dans leur ville<br />

d’adoption, Louisette et <strong>Jean</strong> célébraient 60 années <strong>de</strong> vie comm<strong>un</strong>e. A 85 ans, sa tenue<br />

<strong>de</strong> prisonnier précieusement conservée, <strong>Jean</strong>, soutenu par Louisette, poursuit son<br />

combat : « Battez-vous pour la Liberté et la Paix ! » Quant au pardon, <strong>Jean</strong> tranche avec<br />

les mots <strong>de</strong> l’horreur vécue : « Peut-on pardonner aux SS, aux kapos qui ont massacré,<br />

torturé <strong>de</strong>s copains, les ont fait crever <strong>de</strong> faim et réduits à l’état <strong>de</strong> bête ! Non ! Mille fois<br />

non ! Pas d’oubli, ni <strong>de</strong> pardon ! »<br />

Source : Article <strong>de</strong> l’hebdomadaire Le Trégor, 31 janvier 2008.

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