Éditorial - Faculté de médecine - Université Laval

Politique Le GGlobbe && MMed - mardi 24 octobre
Penser et dépenser
Je vois dans le tollé qu’ont déclenché les propos
de Mario Dumont une démonstration de la faible
confiance en soi des Québécois, de même qu’une utilisation
désespérée des demandes d’excuses publiques à des
fins politiques. Il y a quelque temps, le chef de l’Action
démocratique du Québec a soutenu que Pierre Corbeil, le
ministre des Ressources naturelles, mentait comme un
arracheur de dents en ce qui concerne la crise de l’industrie
forestière qui touche le Québec. M. Corbeil étant
dentiste de profession, il n’en a pas fallu plus pour que
l’association des chirurgiens dentistes demande à Mario
Dumont de s’excuser. Les dentistes trouvent que M.
Dumont salit leur travail professionnel. Il faut quand
même réaliser que l’expression « mentir comme un
arracheur de dents » est très ancienne et bien implantée
dans la langue française, et que le chef de l’ADQ l’a utilisée
à titre de figure de style, et non comme insulte
envers un ordre professionnel. J’espère que l’association
des chirurgiens dentistes développera une maturité et un
sens de l’autocritique qui lui ont fait défaut.
*****
Tout le monde trouve inacceptable que Harper veule
quitter le protocole de Kyoto. Avez-vous réfléchi un
instant à ce que vous avez fait pour respecter le cadre de
cet accord? À voir les moteurs tourner au ralenti quinze
minutes pour réchauffer les habitacles, à voir les gens
rouler à 125 km/h sur l’autoroute et ainsi consommer
beaucoup plus d’essence qu’à 100 km/h (par le principe
de résistance exponentielle de l’air), je me demande qui
est le plus à critiquer sur le respect de Kyoto. Ce n’est
pas parce qu’un premier ministre signe un traité que le
Canada vire au vert, et ce n’est pas parce le Premier
Ministre rationalise l’ancienne paraphe que le pays pollue
plus. Changez votre mode de vie avant de critiquer
les politiques fédérales.
*****
Quelques jours après la tragédie du viaduc de la
Concorde, le gouvernement Charest a annoncé qu’il
bonifiait de 10 millions de dollars les subventions
accordées à l’industrie du film pour l’année en cours. Le
budget d’origine étant de 12 millions, les Libéraux affirment
que cette allocation permettra d’éviter une crise du
cinéma. Comment un gouvernement peut-il faire appa-
10
Rémi Savard-Dolbec
rsdolbec@hotmail.com
«Les actions sont beaucoup plus constructives
que les réactions»
raître 10 millions de dollars dans
le cadre d’un budget jugé sans marge de manœuvre afin
de financer une industrie malsaine mais représentant un
puissant lobby, alors que des viaducs tombent sur des
gens à certains endroits de la province?
L’industrie du cinéma québécois est une machine redoutable.
Les gouvernements faisant pleuvoir les millions,
les cinéastes ne sont pas obligés de réaliser des films
rentables, donc appréciés du public, afin de se financer.
Aucun gouvernement n’a cependant le courage d’affronter
le lobby du cinéma en restructurant les méthodes de
financement, donc chacun signe les chèques en espérant
acheter l’appréciation du peuple. Ces 10 millions-là,
pensez-vous qu’ils auraient été plus utiles dans la santé,
les transports et l’éducation?
Chaque palier de gouvernement devrait, avant de se
lancer dans toutes sortes d’extravagances, voir à compléter
sa mission première : fournir des services à la
population. Cependant, afin de donner à tous l’apparence
d’une société où il fait bon vivre, les partis politiques en
quête de réélection distribuent des centaines de millions
à gauche et à droite. Chaque année, des organisateurs
d’événements, des regroupements quelconques et des
artisans idéologistes comptent sur le gouverne-maman
comme source de financement. Une telle bonbonnière à
millions ne peut pas susciter l’amélioration de la société.
Pour réussir cela, il faut appliquer la théorie de l’évolution
de Darwin, la loi de la jungle. Ce n’est pas juste pour
tout le monde, vrai, mais au bout du compte, la société
progresse. Des Québécois bien éduqués, profitant d’un
réseau routier efficace et sécuritaire et jouissant d’une
santé leur donnant des ailes sont plus en mesure de bâtir
un Québec à l’économie florissante. Et c’est seulement
lorsqu’on a une économie prospère et une dette nulle
qu’on peut se permettre de dépenser de l’argent à gauche
et à droite afin de satisfaire tout le monde.
Malheureusement, tout le monde sait que dans la balance
de la politique, la rationalité ne fait pas le poids contre
l’émotivité des électeurs et des élus. À vous de prendre
la lourde décision de faire basculer les plateaux..