Sciences au Sud n°34 - mars/avril 2006 ( PDF , 1082 Ko) - IRD
Sciences au Sud n°34 - mars/avril 2006 ( PDF , 1082 Ko) - IRD
Sciences au Sud n°34 - mars/avril 2006 ( PDF , 1082 Ko) - IRD
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n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
3,81 €<br />
bimestriel<br />
É d i t o r i a l<br />
Émergence,<br />
science<br />
et politique<br />
Par Jean-François Girard<br />
Président de l’<strong>IRD</strong><br />
Sida, vache<br />
folle, Sras,<br />
grippe aviaire,<br />
chikungunya…<br />
la liste sans<br />
doute continuera de s’allonger.<br />
Sans parler des épidémies<br />
encore circonscrites comme<br />
Ebola et West Nile.<br />
Les maladies infectieuses<br />
émergentes sont incontestablement<br />
devenues une priorité sur<br />
l'agenda scientifique comme<br />
sur l'agenda public.<br />
D’un point de vue scientifique,<br />
les maladies émergentes<br />
présentent trois caractéristiques<br />
qu'il f<strong>au</strong>t prendre en<br />
considération <strong>au</strong> moment<br />
d'organiser et de conduire la<br />
recherche. D’abord, la notion<br />
même d'émergence est un<br />
concept qui force à l'interdisciplinarité.<br />
Au-delà des<br />
sciences biomédicales,<br />
son étude fait en effet appel<br />
<strong>au</strong>x sciences de la Terre,<br />
<strong>au</strong>x sciences du vivant et bien<br />
sûr <strong>au</strong>x sciences humaines.<br />
Ensuite, l’émergence soulève<br />
les mêmes questions pour les<br />
maladies humaines, animales<br />
et végétales et le bon sens<br />
commande de s’y intéresser en<br />
même temps. Pour les deux<br />
premières, l'encéphalite bovine<br />
et la grippe aviaire en<br />
fournissent une illustration<br />
évidente. Quant <strong>au</strong>x maladies<br />
végétales, qui pèsent sur<br />
l’économie mondiale et surtout<br />
menacent dangereusement<br />
la vie des populations du <strong>Sud</strong>,<br />
si elles ne sont pas, en l'état<br />
actuel de nos connaissances,<br />
liées <strong>au</strong>x maladies animales<br />
et humaines, leur émergence<br />
relève probablement de<br />
mécanismes communs. Voilà<br />
le besoin d'interdisciplinarité<br />
encore renforcé.<br />
© <strong>IRD</strong>/A. Debray<br />
(suite page 2)<br />
© <strong>IRD</strong>/M. Dukhan Deuxième<br />
Pour ce généticien de l’unité de<br />
recherche Diversité et génomes<br />
des plantes cultivées<br />
(UR141 / UMR DGPC), l’histoire commence<br />
en 1985 lorsqu’il rédige sa thèse d’État,<br />
Relations évolutives chez le genre<br />
Oryza et processus de domestication<br />
des riz, dans laquelle il propose une<br />
arborescence des riz depuis le tronc<br />
commun d’où a émergé la tribu des<br />
Oryzeae. Le fossile viendrait confirmer<br />
ce scénario évolutif, malheureusement<br />
il est à l’époque égaré. Seuls les croquis<br />
de O. Heer (risque de confusion entre<br />
Oswald et Gérard Second) permettent<br />
de supposer que l’espèce fossilisée, originaire<br />
de deux sites <strong>au</strong> bord du lac de<br />
Constance (Oeningen en Allemagne et<br />
Hohe Rhonen en Suisse) et représentée<br />
par des fragments de feuilles et un<br />
épillet, appartiendrait à l’espèce Oryza<br />
Du Nord <strong>au</strong> <strong>Sud</strong>, d’un continent à<br />
l’<strong>au</strong>tre, la problématique d’insécurité<br />
alimentaire est-elle la même ?<br />
Le titre de l’exposition pourrait laisser<br />
penser qu’elle est centrée sur le débat,<br />
récurrent depuis Malthus, du rapport<br />
entre le nombre de bouches à nourrir et<br />
les disponibilités alimentaires. En réalité,<br />
tout l’effort des équipes d’Agropolis a<br />
été de dépasser ce débat pour aborder<br />
l’ensemble de la question alimentaire<br />
dans le monde. Et notamment deux<br />
aspects qui avaient été singulièrement<br />
négligés et qui vont totalement renouveler<br />
la manière de produire les aliments<br />
et toucher l’ensemble de la chaîne alimentaire<br />
: la protection de l’environnement<br />
et la prise en compte de la santé.<br />
Pour ne prendre que ce dernier aspect,<br />
plus de la moitié de la population mondiale<br />
est atteinte par une forme ou une<br />
<strong>au</strong>tre de malnutrition, maladies de<br />
carences et/ou d’excès. La FAO nous<br />
rappelle chaque année que plus de<br />
granulata, distribuée actuellement en<br />
Asie et dont le statut phylogénétique<br />
d’ancêtre de tous les Oryza est maintenant<br />
confirmé.<br />
Une enquête sur Internet, pour localiser<br />
la collection susceptible de détenir<br />
la pièce manquante, met Gérard<br />
Second en contact avec Milena Pika,<br />
conservatrice de la collection de géologie<br />
de l'ETH. Elle l’invite à venir luimême<br />
fouiller parmi les nombreux<br />
échantillons d’Oswald Heer. Exhumer<br />
cette pièce unique le 9 novembre 2005<br />
et constater qu’il s’agissait bien de<br />
l’épillet dessiné un siècle <strong>au</strong>paravant<br />
fut une véritable émotion. Microscope<br />
à l’appui, il confirme l’absence d’évolution<br />
morphologique visible entre<br />
l’épillet fossile et celui d’Oryza granulata<br />
asiatique. Reste à examiner le fossile<br />
à l’aide de techniques modernes<br />
afin d’évaluer, <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> cellulaire, son<br />
homologie avec l’espèce actuelle. La<br />
validation de la détermination sera<br />
alors complète.<br />
Pourquoi un tel intérêt pour cet échantillon<br />
? « À l’heure où le riz et ses princip<strong>au</strong>x<br />
parents s<strong>au</strong>vages figurent parmi<br />
les plantes dont le génome est le plus<br />
décrypté, ce fossile peut apporter une<br />
preuve permettant de situer l’origine<br />
du riz dans le temps et l’espace »,<br />
répond Gérard Second et il ajoute «en<br />
cohérence avec les toutes récentes<br />
850 millions de personnes continuent à<br />
souffrir de la faim et de l’insécurité alimentaire.<br />
Des centaines de millions<br />
d’<strong>au</strong>tres sont atteintes à des degrés<br />
divers par des carences nutritionnelles<br />
spécifiques, les jeunes enfants et les<br />
femmes étant particulièrement touchés.<br />
La recherche scientifique a révélé le tribut<br />
énorme que ces malnutritions font<br />
peser sur le développement humain et<br />
sur celui des sociétés. Dans le même<br />
temps l’émergence des maladies chroniques<br />
liées à l’alimentation – obésité,<br />
diabète de type 2, maladies cardio- et<br />
cérébro-vasculaires, certains cancers –<br />
devient un sujet de préoccupation<br />
majeure pour be<strong>au</strong>coup de sociétés en<br />
développement. Sur l’ensemble de la<br />
planète s’amorce une véritable épidémie<br />
de ces maladies, qui conduisent à une<br />
morbidité accrue et coûteuse et à une<br />
surmortalité précoce à l’âge adulte. Les<br />
populations de la plupart des pays du<br />
<strong>Sud</strong> cumulent <strong>au</strong> moins momentané-<br />
Le journal de l'<strong>IRD</strong><br />
vie pour un fossile de riz<br />
Retrouvé grâce à la ténacité<br />
de Gérard Second dans<br />
une collection de l’École<br />
polytechnique fédérale (ETH)<br />
de Zurich, le fossile d’Oryza<br />
décrit par le paléontologue<br />
suisse Oswald Heer en 1855<br />
– seul fossile de riz connu<br />
à ce jour – vient confirmer<br />
l’origine du riz.<br />
découvertes en Inde de traces<br />
d’Oryzoïdes – ancêtreS des Oryzeae –<br />
dans des fientes de dinos<strong>au</strong>res fossilisées,<br />
ce fossile permet de calibrer<br />
l’horloge moléculaire déduite des<br />
séquences d’ADN ». Le paléobotaniste<br />
Peter Hochuli, chercheur à l’Institut de<br />
paléontologie de Zurich, rappelle que<br />
les deux sites où ce fossile a été<br />
observé sont datés à –15 et –30 millions<br />
d’années. Ces éléments feront<br />
certainement avancer les discussions<br />
actuelles sur les étapes de l’évolution<br />
des riz et les modalités de leur expansion<br />
mondiale.<br />
Selon Milena Pika, elle-même paléontologue,<br />
« ce coup de projecteur sur<br />
E n t r e t i e n a v e c F r a n c i s D e l p e u c h<br />
Pas de solution miracle<br />
pour nourrir la planète<br />
L’exposition itinérante Nourrir 9 milliards d’hommes a été in<strong>au</strong>gurée fin 2005<br />
à Agropolis Museum à Montpellier. Commandée par le ministère des Affaires étrangères<br />
pour les établissements culturels français dans le monde 1 , cette exposition,<br />
et le livret qui l’accompagne livrent <strong>au</strong> grand public l’analyse, les points de vue<br />
et les diagnostics d’une vingtaine d’experts, agronomes, nutritionnistes, économistes,<br />
sociologues, etc. Entretien avec Francis Delpeuch, nutritionniste de l’<strong>IRD</strong>,<br />
directeur de l’UR106 Nutrition, alimentation, sociétés, sur ce défi majeur du XXI e siècle.<br />
© ETH/Urs Gerber<br />
ment les deux types de pathologies,<br />
double farde<strong>au</strong> coûteux en termes de<br />
vies et de revenus.<br />
Dans l’avant-propos, Gérard Ghersi,<br />
coordinateur de cette réponse collective,<br />
assure que « nous disposons<br />
de toutes les solutions techniques<br />
permettant de vaincre la faim »,<br />
pourquoi alors ce flé<strong>au</strong> endeuille-t-il<br />
encore les populations ?<br />
Le développement considérable des<br />
techniques et du commerce <strong>au</strong> cours de<br />
la deuxième moitié du XX e siècle a permis<br />
de produire suffisamment d’aliments<br />
pour nourrir, du moins en théorie,<br />
les six milliards d’habitants de la<br />
planète. Le paradoxe est donc que malgré<br />
ce succès, des humains meurent<br />
encore de faim. Pourtant cette question<br />
a figuré en bonne place sur l’agenda<br />
politique international des dernières<br />
décennies. Point d’orgue en 2000, le<br />
(suite page 16)<br />
Photo du fossile d’épillet<br />
inclus dans une roche calcaire<br />
fine et de deux épillets<br />
de l’espèce Oryza granulata<br />
originaire<br />
de Birmanie<br />
et cultivée en<br />
serre. À droite,<br />
copie d’un des<br />
dessins publiés<br />
par Oswald<br />
Heer en 1855<br />
sous<br />
l’appelation<br />
Oryza<br />
exasperata.<br />
Tous les<br />
fossiles<br />
dessinés ont<br />
été retrouvés.<br />
l’échantillon de riz va raviver l’intérêt<br />
des paléobotanistes pour la collection<br />
d’Oswald Heer et contribuer à conforter<br />
la réputation du site de Oeningen<br />
où la construction d'un musée est prévue<br />
».<br />
Petit clin d’œil historique, Oswald Heer<br />
(1809-1883), géologue et naturaliste,<br />
fondateur du musée botanique de<br />
Zurich, a entretenu une correspondance<br />
avec son homologue britannique<br />
Charles Darwin… ●<br />
Contact<br />
Gérard Second<br />
gerard.second@mpl.ird.fr<br />
Vallée du fleuve Sénégal<br />
Une ressource<br />
bien répartie<br />
L’équipe Divha (<strong>IRD</strong>, UMR G-EAU)<br />
a développé une méthodologie<br />
analytique visant à optimiser<br />
la gestion du barrage implanté<br />
à Manantali (Mali). La phase de<br />
transfert des connaissances et des<br />
outils prolonge actuellement l’appui<br />
scientifique qui a porté ses fruits. p. 8<br />
Actualités<br />
« Organismes parasitiquement<br />
modifiés » p. 2<br />
Aedes albopictus<br />
Le tour du monde d'un moustique<br />
Histoire du vecteur de la maladie de<br />
chikungunya. p. 3<br />
Partenaires<br />
Thaïlande<br />
Les roboviroses sont-elles<br />
sous-estimées ?<br />
Comprendre l’émergence de pathologies<br />
provoquées par des virus dont les<br />
réservoirs sont des rongeurs. p. 5<br />
Métis Âge à la Caraïbe<br />
Regards croisés sur le métissage p. 6<br />
Recherches<br />
Plantes et parasites<br />
Ennemis intimes<br />
Les plantes et leurs parasites poursuivent<br />
un incessant combat où chaque parade<br />
entraîne une riposte de l’assaillant. p. 7<br />
Quel développement durable pour<br />
l’Aïr-Ténéré ?<br />
Concilier conservation et développement<br />
dans cette région inscrite <strong>au</strong> patrimoine<br />
mondial de l’Unesco. p. 10<br />
Valorisation<br />
Bourbon pointu<br />
Un café réunionnais en quête<br />
d’excellence p. 11<br />
Témoignage<br />
Joseph Diatte<br />
Parcours d’un homme<br />
destin d’un pays p. 16
Actualités<br />
2<br />
Enfin, les maladies émergentes<br />
prennent en déf<strong>au</strong>t la médecine<br />
qui a besoin de temps pour<br />
trouver un traitement adéquat<br />
ou mettre <strong>au</strong> point un vaccin<br />
efficace. Aussi, la recherche<br />
doit-elle contribuer à la détection<br />
des risques d’émergence,<br />
à l’identification précoce<br />
des maladies et à leur contrôle<br />
par des méthodes préventives<br />
adaptées et acceptées.<br />
En termes politiques, cette<br />
succession de maladies<br />
infectieuses donne à la santé<br />
publique une dimension qui lui<br />
était difficilement reconnue<br />
tant qu'il s'agissait surtout de<br />
lutte contre le tabagisme,<br />
l'alcoolisme ou plus récemment<br />
l'obésité. Il est vrai que<br />
les épidémies de maladies<br />
infectieuses frappent<br />
l'imaginaire collectif plus que<br />
les cent mille cancers annuels<br />
et appellent un contrôle et une<br />
intervention de l'État puisqu'il<br />
s'agit de sécurité collective.<br />
Encore f<strong>au</strong>t-il ne pas oublier<br />
que la santé publique passe<br />
inévitablement par une lutte<br />
efficace contre les inégalités<br />
dont les plus criantes sont<br />
celles qui opposent le Nord<br />
et le <strong>Sud</strong>.<br />
Écrivez à :<br />
213, rue La Fayette,<br />
75480 Paris, cedex 10, France<br />
WEB <strong>Sciences</strong>.<strong>au</strong>.sud<br />
@paris.ird.fr<br />
Le journal de l'<strong>IRD</strong><br />
<strong>Sciences</strong>.<strong>au</strong>.sud@paris.ird.fr<br />
<strong>IRD</strong> - 213, rue La Fayette -<br />
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sabrie@paris.ird.fr)<br />
Correspondants<br />
Jacqueline Thomas (Dakar)<br />
Mina Vilayleck (Nouméa)<br />
Frédéric Huynh (Une photo, une recherche)<br />
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Dépôt légal : <strong>mars</strong> <strong>2006</strong><br />
Journal réalisé sur papier recyclé.<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
À la découverte de l’upwelling<br />
côtier néo-calédonien<br />
Des capteurs<br />
de température<br />
et des images satellite<br />
de température de surface<br />
de la mer ont mis<br />
en évidence l’apparition<br />
régulière de larges<br />
extensions d’e<strong>au</strong> froide<br />
le long du récif ouest<br />
de la Nouvelle-Calédonie.<br />
Cette e<strong>au</strong> froide, à l’origine profonde,<br />
émerge en surface par<br />
l’effet du vent alizé durant la<br />
période d’octobre à <strong>avril</strong>. Ce processus,<br />
nommé upwelling côtier, est très<br />
fréquent le long des bords est des<br />
océans. L’upwelling apporte <strong>au</strong>ssi un<br />
surplus en sels nutritifs et fertilise ainsi<br />
les e<strong>au</strong>x côtières, créant des régions<br />
très riches en ressources naturelles.<br />
Ainsi, les écosystèmes d’upwelling<br />
fournissent plus de 40 % des captures<br />
Leurs résultats sont fascinants et<br />
ont d’ailleurs servi de trame à<br />
un documentaire intitulé Le<br />
manipulateur (© VB Films/CNRS Images<br />
Media 2002) qui met en scène un ver<br />
nématomorphe et le grillon qu’il parasite1<br />
. Pour accomplir son cycle de vie, le<br />
ver doit passer du milieu terrestre, où il<br />
existe sous forme larvaire parasite, <strong>au</strong><br />
milieu aquatique qui lui est indispensable<br />
pour se reproduire lorsqu’il a<br />
atteint le stade adulte et libre. Le<br />
nématomorphe machiavélique a développé<br />
<strong>au</strong> cours de son évolution une<br />
stratégie pour contourner cette difficulté.<br />
La larve, d’une taille microscopique,<br />
se fait avaler par un grillon,<br />
s’y développe jusqu’à devenir un ver<br />
qui peut atteindre 12 à 15 cm et<br />
occupe la majeure partie du corps de<br />
son hôte. La manipulation intervient à<br />
ce moment : le parasite conditionne<br />
l’hôte pour le pousser à rechercher<br />
l’élément liquide et à s’y précipiter, à<br />
l’encontre de son instinct de survie<br />
puisque le grillon est un insecte terrestre.<br />
Les chercheurs ont montré,<br />
grâce à des techniques de protéomique,<br />
que ce suicide est bel et bien<br />
piloté par le ver. Celui-ci produit des<br />
molécules mimétiques qui conditionnent<br />
le cerve<strong>au</strong> des malheureux hôtes.<br />
Publiés en 2005 dans les Proceedings<br />
of the Royal Society of London, les<br />
trav<strong>au</strong>x ont consisté à analyser la<br />
production de protéines par le ver et le<br />
système nerveux de l’insecte parasité<br />
juste avant, pendant et après la<br />
noyade. Dans ce « dialogue » de substances<br />
se trouve la clé du comportement<br />
induit.<br />
Depuis, l’équipe a confirmé que l’on<br />
retrouve les mêmes molécules à l’œuvre<br />
des pêcheries mondiales alors qu’ils<br />
représentent seulement 3 % de la surface<br />
de l’océan !<br />
dans les grillons et dans les s<strong>au</strong>terelles.<br />
Pour aller plus loin et essayer d’avoir une<br />
vision d’ensemble des molécules de la<br />
manipulation par les parasites dans des<br />
groupes phylogénétiques plus ou moins<br />
proches, l’équipe OPM collabore avec<br />
une unité de l’<strong>IRD</strong> travaillant sur les<br />
mouches tsé-tsé vectrices de la maladie<br />
du sommeil (Trypanosomoses de<br />
l’homme, de l’animal et des plantes,<br />
UR177). In fine l’hypothèse de convergences<br />
évolutives sera testée. Pour<br />
l’instant, les chercheurs ont réalisé la<br />
comparaison des profils des protéines<br />
de cerve<strong>au</strong>x de tsé-tsé saines, parasitées<br />
mais à un stade non transmissible et<br />
parasitées à un stade transmissible. Les<br />
protéines exprimées sont en cours<br />
d’identification. « Sachant qu’il n’y a<br />
toujours <strong>au</strong>cun vaccin contre le paludisme<br />
et la maladie du sommeil, toute<br />
amélioration des connaissances susceptibles<br />
de devenir des points clés en<br />
matière de santé publique ou vétérinaire<br />
est bonne à prendre », rappelle Frédéric<br />
Thomas qui ajoute, enthousiaste : « Il<br />
est intéressant, lorsqu’on démontre<br />
qu’un vecteur manipulé par le patho-<br />
L’<strong>IRD</strong> Nouméa, sous l’égide de ZoNéCo<br />
(programme d'évaluation des ressources<br />
marines dans la zone économique<br />
de Nouvelle-Calédonie - ZEE)<br />
et du ministère de l’Outre-Mer,<br />
mène actuellement une étude<br />
Images satellite de chlorophylle en surface (à g<strong>au</strong>che) et de température<br />
en surface (à droite). Ces images montrent l’étendue des événements<br />
d’upwelling le long de la pente externe sud-ouest du Territoire.<br />
Des filaments 10 fois plus riches en chlorophylle se propagent<br />
vers le large. L’e<strong>au</strong> froide émergeante couvre une surface importante,<br />
presque de la taille de la Grande Terre.<br />
« Organismes parasitiquement<br />
modifiés »<br />
Pratiquer une recherche de pointe n’exclut pas l’humour<br />
puisque Organismes parasitiquement modifiés (OPM)<br />
est le nom choisi par l’équipe de Frédéric Thomas (CNRS),<br />
affiché sur le site web de l’unité mixte de recherche CNRS/<strong>IRD</strong><br />
Génétique et évolution des maladies infectieuses (UR165/UMR<br />
GEMI). Il f<strong>au</strong>t dire que leur objet d’étude est original :<br />
la manipulation exercée par des parasites sur leurs hôtes.<br />
© Pascal Goetgheluck<br />
gène pique plus fréquemment les hôtes<br />
qu’un vecteur sain, de savoir quels<br />
mécanismes sont à l’œuvre ; cela<br />
change tous les scénarios de transmission<br />
des maladies et les données épidémiologiques.<br />
»<br />
L’équipe OPM a déjà à son actif un gros<br />
travail de décryptage des dialogues et<br />
conflits moléculaires (DCM) entre ces<br />
acteurs (vecteur, hôte, pathogène) qui<br />
emploient donc des « arguments biochimiques<br />
». Il f<strong>au</strong>t savoir qu’il y a même<br />
des contre-manipulateurs ! Un exemple<br />
de deux parasites présents dans le<br />
même hôte se sabotant l’un l’<strong>au</strong>tre a<br />
été publié : le nématode Gammarinema<br />
gammari entre en conflit avec le trématode<br />
Microphallus papillorobustus.<br />
Le premier induit un comportement<br />
aberrant chez l’hôte, le gammare (un<br />
crustacé amphipode) tandis que le<br />
second arrive à en bloquer les effets.<br />
Un <strong>au</strong>tre article sous presse relate<br />
l’analyse d’un nouve<strong>au</strong> type de dialogue<br />
moléculaire, non plus entre le ver<br />
et le grillon mais entre le ver et un<br />
batracien (ou un poisson) prédateur du<br />
grillon. Le parasite doit absolument res-<br />
Après le suicide du grillon à l'intérieur duquel il a atteint sa taille adulte,<br />
le ver nématomorphe rejoint le milieu aquatique pour s'y reproduire.<br />
© GEMI/D. Patrel<br />
pour comprendre, simuler, prévoir et<br />
évaluer les événements d’upwelling<br />
calédoniens.<br />
Les baisses brusques de température,<br />
parfois de l’ordre de 5 °C, et la multiplication<br />
par dix des concentrations de<br />
chlorophylle, observées durant les événements<br />
d’upwelling, ont en effet des<br />
conséquences potentielles importantes<br />
pour l’écosystème marin.<br />
La prévision des upwelling, et plus généralement<br />
de la circulation océanique<br />
dans la ZEE de Nouvelle-Calédonie,<br />
devrait permettre d’améliorer la gestion<br />
des ressources en instruisant les<br />
connaissances de l’impact de la pollution,<br />
de l’échange d’e<strong>au</strong> entre le lagon<br />
et le large, de la trajectoire des cyclones<br />
et du climat régional. ●<br />
Contact<br />
Andres Vega<br />
Andres.Vega@noumea.ird.nc<br />
sortir intact du prédateur si le grillon se<br />
fait avaler. Petit clin d’œil de Frédéric<br />
Thomas : « Et c’est bien ce qui se<br />
passe, le nématomorphe est “polyglotte”<br />
par nécessité. En tout cas cette<br />
stratégie est unique dans le monde du<br />
vivant. »<br />
Des contacts récemment noués avec le<br />
service Neurologie et imagerie médicale<br />
de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris)<br />
vont permettre d’utiliser le dispositif<br />
qui capte dans le cerve<strong>au</strong> humain des<br />
changements de champ électromagnétique<br />
traduisant l’activité cérébrale.<br />
Aucune certitude encore que les<br />
champs électromagnétiques infimes<br />
émis par des insectes soient captés. En<br />
cas de succès, le projet est de comparer<br />
l’activité des cerve<strong>au</strong>x de grillons<br />
sains et de grillons parasités.<br />
Frédéric Thomas précise que « Les<br />
grandes questions que nous posons et<br />
que nous cherchons à résoudre par une<br />
approche pluridisciplinaire (comportement,<br />
protéomique, modélisation…)<br />
sont : Quelle est la diversité des mécanismes<br />
? Qu’est-ce qui détermine cette<br />
diversité ? Les modalités sont-elles limitées<br />
par l’hôte ou par le parasite ? » ●<br />
1. Un second film, en cours de montage,<br />
présentera les avancées publiées récemment<br />
et les perspectives.<br />
Contact<br />
Frédéric Thomas<br />
fthomas@mpl.ird.fr<br />
WEB<br />
L'équipe OPM, de droite<br />
à g<strong>au</strong>che : Fleur Ponton<br />
(en thèse), Frédéric Thomas<br />
(CNRS), David Biron (postdoc<br />
CNRS).<br />
Frédéric Thomas présente<br />
ses trav<strong>au</strong>x sur Canal <strong>IRD</strong> :<br />
http://www.canal.ird.fr/<br />
Rubrique entretien.
© Susan Ellis, www.forestryimages.org<br />
A e d e s a l b o p i c t u s<br />
Le tour du monde d'un moustique<br />
Les chercheurs de l’unité de recherche <strong>IRD</strong> Caractérisation<br />
et contrôle des populations de vecteur (UR016)<br />
et de l’EID Méditerranée 1 se sont penchés sur l’expansion<br />
planétaire d’un moustique responsable de la transmission<br />
des virus chikungunya et de la dengue,<br />
qui ont provoqué des épidémies à l’île de la Réunion.<br />
Aedes albopictus, moustique<br />
vecteur d’arbovirus, en particulier<br />
des virus chikungunya<br />
et de la dengue, est en passe de coloniser<br />
la planète. Originaire d’Asie, il a<br />
déjà traversé les océans et conquis<br />
<strong>au</strong>jourd’hui tous les continents. Cet<br />
insecte diptère se propage grâce à ses<br />
œufs. Les femelles pondent en bordure<br />
de petites collections d’e<strong>au</strong>, la plupart<br />
du temps d’origine humaine, telles que<br />
des pneus usagés à l’abandon, des<br />
fûts, des boîtes de conserve, des bouteilles<br />
cassées ou des pots de fleurs. De<br />
fait, des pneus en provenance d’Asie<br />
sont probablement responsables de<br />
l’arrivée d’Aedes albopictus en<br />
Amérique du Nord à partir de 1972. Le<br />
moustique ne s’est pas arrêté sur sa<br />
lancée : il a été signalé <strong>au</strong> Brésil vers<br />
1986, puis dans les îles du Pacifique et<br />
des Caraïbes et, plus récemment, en<br />
Europe (Albanie en 1979, Italie en<br />
1990, France en 1999, Belgique en<br />
2000, Serbie et Monténégro en 2000<br />
et Suisse en 2003). Il semble être maintenant<br />
établi dans quelques villes françaises<br />
proche de la frontière italienne.<br />
En Afrique continentale, ce vecteur a<br />
été observé pour la première fois dans<br />
le port de Durban en Afrique du <strong>Sud</strong> en<br />
1989. Il a ensuite été retrouvé <strong>au</strong><br />
Chikungunya<br />
Nigeria, en 1991, où il est maintenant<br />
abondant. Des équipes de l’<strong>IRD</strong> l’ont<br />
mis en évidence <strong>au</strong> Cameroun dès<br />
1999, puis en Guinée équatoriale en<br />
2003.<br />
Cette expansion planétaire s’explique<br />
par l’adaptation de l’espèce à des climats<br />
variés, par sa capacité à se reproduire<br />
dans de nombreux types de gîtes,<br />
la plupart du temps de petite taille et<br />
d’origine anthropique, par la résistance<br />
des œufs à l’assèchement durant de<br />
longs mois et naturellement par l’<strong>au</strong>gmentation<br />
des échanges intercontinent<strong>au</strong>x.<br />
Aedes albopictus colonise rapidement<br />
les niches écologiques qui lui sont favorables.<br />
Ainsi, en Italie, l’espèce est<br />
devenue une véritable nuisance dans<br />
tout le nord du pays. Les larves se développent<br />
en particulier dans l’e<strong>au</strong> des<br />
pots de fleurs. En France métropolitaine,<br />
Aedes albopictus avait été identifié<br />
sur plusieurs sites de stockage de<br />
pneus usés entre 1999 et 2004. Des<br />
mesures immédiates de contrôle,<br />
financées par le ministère de la Santé,<br />
avaient empêché l’installation de l’espèce.<br />
Malheureusement, depuis 2005,<br />
ce moustique a été signalé comme<br />
abondant dans plusieurs quartiers des<br />
villes de Menton et de Nice. Dans cer-<br />
Héritier d'une longue expérience en entomologie<br />
médicale (voir <strong>au</strong>ssi page 4), l'<strong>IRD</strong> participe à la lutte<br />
contre l'épidémie qui frappe la Réunion.<br />
Expertise<br />
Christophe P<strong>au</strong>py, entomologiste médical<br />
à l’<strong>IRD</strong> qui avait pris part à la<br />
Mission d’appui à la lutte contre l’épidémie<br />
de chikungunya de l’Inspection<br />
générale des affaires sociales (Rapport<br />
<strong>2006</strong>-02), a participé en février <strong>2006</strong><br />
à une mission de recherche sur chikungunya<br />
diligentée par les ministères<br />
chargés de la Santé et de la Recherche<br />
et destinée à « mieux cerner … les<br />
axes de recherche qui permettraient<br />
de mieux connaître et par suite<br />
combattre cette maladie émergente ».<br />
Le rapport de mission liste une douzaine<br />
de thèmes de recherche à initier<br />
sans délai, de l’écologie virale <strong>au</strong> stockage<br />
des prélèvements biologiques en<br />
passant par l’étude de la perception<br />
et de la gestion du risque. Au-delà, les<br />
experts ouvrent des pistes pour des<br />
recherches et actions à moyen et<br />
long terme, notamment constitution<br />
d’un rése<strong>au</strong> d’excellence, épidémiosurveillance,<br />
lutte anti-vectorielle, criblage<br />
d’activités anti-virales, études<br />
socio-anthropologiques et organisation<br />
de la première conférence internationale<br />
sur les fièvres de chikungunya<br />
et de Ross River. ●<br />
Le virus<br />
Le virus de chikungunya est un<br />
arbovirus de la famille des<br />
Togaviridae ; c’est un virus à ARN. Il<br />
a été isolé pour la première fois en<br />
Tanzanie et en Ouganda en 1953.<br />
On distingue, sur la base de leurs<br />
caractéristiques biologiques, deux<br />
souches différentes de chikungunya,<br />
une souche africaine et une<br />
souche asiatique.<br />
tains pays, ce nouvel arrivant expansionniste<br />
remplace des espèces <strong>au</strong>tochtones.<br />
Dans le sud des États-Unis, par<br />
exemple, Aedes albopictus a presque<br />
entièrement supplanté Aedes aegypti,<br />
vecteur du virus de la fièvre j<strong>au</strong>ne. Au<br />
Cameroun les chercheurs <strong>IRD</strong> constatent<br />
également depuis 1999 une rapide<br />
colonisation d’Aedes albopictus.<br />
Les conséquences de ces changements<br />
peuvent être de deux ordres. L’installation<br />
d’une espèce vectrice supplémentaire<br />
profitant de niches écologiques<br />
disponibles pourrait créer un<br />
risque de circulation de virus pathogènes<br />
pour l’homme, comme les virus<br />
chikungunya ou les virus de la dengue,<br />
même s’il a été démontré qu’Aedes<br />
albopictus n’est pas un très bon vecteur<br />
de cette dernière. En zone tropicale,<br />
le remplacement de Aedes<br />
aegypti par albopictus pourrait modifier<br />
l’épidémiologie des arboviroses<br />
(maladies transmises par les arthropodes),<br />
diminuant le risque de transmission<br />
de fièvre j<strong>au</strong>ne (pour laquelle<br />
un vaccin existe) et modifiant le risque<br />
de transmission de la dengue (pour<br />
laquelle on ne dispose pas encore de<br />
prophylaxie).<br />
La diffusion de cette espèce dépend<br />
essentiellement des comportements<br />
humains tant pour son transport que<br />
pour la multiplication de gîtes de ponte<br />
favorables. Aedes albopictus est encore<br />
en phase d’expansion et il est certain<br />
que de nouve<strong>au</strong>x pays d’Amérique du<br />
<strong>Sud</strong>, d’Afrique et d’Europe seront à<br />
leur tour colonisés. Les recherches<br />
actuelles visent à caractériser les condi-<br />
Coordination<br />
de la recherche<br />
Le 20 février, le ministère de la Santé<br />
annonçait la mise en place d’une<br />
Cellule nationale de coordination de<br />
la recherche sur la maladie du chikungunya.<br />
Présidée par Antoine<br />
Flah<strong>au</strong>lt, chef du département de<br />
santé publique à l’hôpital Tenon (AP-<br />
HP, Inserm, université Paris 6), elle<br />
réunira les quatre membres de la mission<br />
scientifique, le directeur du<br />
centre d’investigations cliniques de la<br />
Réunion ainsi que des experts reconnus<br />
dans ce domaine de<br />
recherche.<br />
Cette cellule a pour mission de coordonner<br />
les trav<strong>au</strong>x menés par les<br />
équipes du CNRS, de l’Inserm, de<br />
l’Institut Pasteur, de l’Inra, du Cirad,<br />
de l’<strong>IRD</strong>, des universités et des centres<br />
hospitalo-universitaires, investies dans<br />
la recherche sur le virus du chikungunya<br />
<strong>au</strong> plan local comme <strong>au</strong> plan<br />
national. ●<br />
WEB<br />
Ces rapports sont<br />
consultables sur le site<br />
du ministère de la Santé<br />
http://www.sante.gouv.fr/<br />
tions écologiques et climatiques optimales<br />
de l’installation de cette espèce<br />
et à comprendre les facteurs de la<br />
compétition avec Aedes aegypti.<br />
Parallèlement, la capacité de cette<br />
espèce à transmettre divers arbovirus<br />
est évaluée, ce qui permettra de modéliser<br />
les risques d’épidémie. ●<br />
1. Entente interdépartementale pour la<br />
démoustication.<br />
En savoir plus<br />
Fontenille D., Toto J.C., 2001. Aedes<br />
(Stegomyia) albopictus (Skuse), a<br />
potential new Dengue vector in<br />
southern Cameroon. Emerg Infect Dis<br />
7: 1066-7<br />
Schaffner F., Karch S., 2000. First<br />
record of Aedes albopictus (Skuse,<br />
1894) in metropolitan France. Comptes<br />
Rendus de l’Academie des <strong>Sciences</strong>.<br />
Serie III, <strong>Sciences</strong> de la Vie 323: 373-<br />
375<br />
Del<strong>au</strong>nay P., Mathieu B., Marty P.,<br />
F<strong>au</strong>ran P., Schaffner F., 2005 Installation<br />
du moustique Aedes albopictus dans<br />
plusieurs villes des Alpes-Maritimes<br />
(France). Congrès de la Société française<br />
de parasitologie, Paris, 15-16 décembre<br />
2005<br />
Contacts<br />
Didier Fontenille, <strong>IRD</strong>, UR16<br />
didier.fontenille@mpl.ird.fr<br />
Francis Schaffner, EID Méditerranée<br />
fschaffner@eid-med.org<br />
L’épidémie<br />
D’après l’Institut de veille sanitaire,<br />
<strong>au</strong> 23 février <strong>2006</strong>, le nombre<br />
cumulé de cas de chikungunya à<br />
la Réunion depuis son apparition<br />
en <strong>mars</strong> 2005 atteignait 157 000<br />
soit 144 600 cas pour l’année<br />
<strong>2006</strong> et 12 400 pour l’année<br />
2005. À cette date, le rythme de<br />
l’épidémie se situait à quelque<br />
22 000 nouve<strong>au</strong>x cas par semaine.<br />
Selon le Rése<strong>au</strong> de veille épidémiologique<br />
dans l’océan Indien<br />
animé par l’Observatoire régional<br />
de la santé de la Réunion :<br />
• <strong>au</strong>x Seychelles : à la date du 5 février<br />
<strong>2006</strong>, 3 309 cas ont été<br />
déclarés depuis le début de l’année<br />
;<br />
• <strong>au</strong>x Comores et à Madagascar :<br />
à la date du 18 février <strong>2006</strong>,<br />
<strong>au</strong>cun cas n’a été signalé, depuis<br />
le début de l’année.<br />
• à M<strong>au</strong>rice : à la date du 22 février<br />
<strong>2006</strong>, selon le ministère de la<br />
Santé, 786 personnes <strong>au</strong>raient été<br />
atteintes.<br />
L e i s h m a n i a<br />
Vers<br />
des traitements<br />
bien ciblés<br />
Les leishmanioses sont des affections<br />
parasitaires graves, endémiques<br />
dans plus de quatre-vingt-huit pays. À<br />
ce jour, <strong>au</strong>cun vaccin efficace n’est disponible<br />
et la pharmacopée existante<br />
reste limitée. Développer des médicaments<br />
s’avère donc capital pour ces<br />
parasitoses qui menacent plus de<br />
350 millions de personnes. Classiquement,<br />
la recherche de molécules antiparasitaires<br />
est fondée sur une approche<br />
empirique qui consiste à tester l’activité<br />
de molécules naturelles ou synthétiques<br />
sur la viabilité du parasite in vitro. Les<br />
outils moléculaires permettent la démarche<br />
inverse : identifier des gènes<br />
essentiels à la survie du parasite et synthétiser<br />
des molécules spécifiques pour<br />
inhiber l’action de leurs produits.<br />
Chez les organismes eucaryotes, une<br />
protéine découverte il y a quelques<br />
années, SIR2 (Silent information regulator<br />
2), est considérée comme un régulateur<br />
universel de la longévité. Les<br />
protéines de la famille SIR2 font l’objet<br />
d’intenses recherches, notamment en<br />
cancérogenèse. Un membre de cette<br />
famille de protéine a été identifié en<br />
1996 chez le parasite Leishmania<br />
major<br />
3<br />
1 . L’intérêt grandissant pour ces<br />
protéines a conduit Ali Ouaissi, directeur<br />
de l’unité de recherche Pathogénie<br />
des Trypanosomatidés UR008 de<br />
l’<strong>IRD</strong>, en collaboration avec des<br />
équipes de l’Inserm et de l’université<br />
de Porto, à approfondir<br />
les connaissances sur les fonctions<br />
biologiques de SIR2 et son<br />
rôle dans l’infection parasitaire.<br />
Ils ont inactivé le gène SIR2 de<br />
Leishmania infantum, agent de<br />
la leishmaniose viscérale et<br />
montré ainsi qu’il est essentiel à<br />
sa survie. Lorsque le parasite<br />
exprime un nive<strong>au</strong> minimal de<br />
protéine SIR2, il se révèle incapable<br />
de proliférer dans le<br />
macrophage in vitro et se<br />
retrouve progressivement éliminé<br />
<strong>au</strong> cours d’une infection<br />
expérimentale chez la souris.<br />
Cette protéine SIR2 parasitaire<br />
peut dès lors être envisagée<br />
comme cible thérapeutique. Les<br />
chercheurs ont donc testé l’action<br />
d’inhibiteurs spécifiques :<br />
tous présentent une activité<br />
anti-leshmanienne sur le stade<br />
parasitaire présent chez l’hôte<br />
vertébré.<br />
Sur la base de ces résultats, les<br />
recherches se poursuivent, en<br />
collaboration avec d’<strong>au</strong>tres instituts2<br />
a<br />
b<br />
c<br />
Infection de macrophages<br />
humains par le parasite<br />
Leishmania.<br />
a) marquage du noy<strong>au</strong> des<br />
, dans deux directions, cellules et des parasites ;<br />
d’une part l’exploitation de b) immuno-fluorescence<br />
clones parasitaires de virulence<br />
atténuée, d’<strong>au</strong>tre part la validation<br />
du produit du gène SIR2<br />
anti-leishmania ;<br />
c) superposition des deux<br />
images.<br />
comme cible thérapeutique chez leishmania<br />
et éventuellement d’<strong>au</strong>tres<br />
représentants de la famille des<br />
Trypanosomatidae.<br />
Les parasites de virulence atténuée,<br />
rapidement tués par l’hôte, constituent<br />
en effet une source d’antigènes<br />
capables de stimuler la réponse<br />
immune. Une telle approche, mimant<br />
une infection naturelle, induit généralement<br />
une réponse plus efficace que<br />
les vaccins classiques. L’étude des fonctions<br />
et de la structure de SIR2 fournira<br />
pour sa part les informations utiles<br />
pour la conception d’inhibiteurs spécifiques.<br />
●<br />
1. Laboratoire de recherche sur les Trypanosomatidae,<br />
Inserm U415, Institut Pasteur-<br />
Lille.<br />
2. Centre de biochimie structurale, CNRS,<br />
Inserm université de Montpellier et faculté de<br />
pharmacie et Institut de biologie moléculaire<br />
et cellulaire, université de Porto, Portugal.<br />
Contact<br />
Ali Ouaissi<br />
ali.ouaissi@montp.inserm.fr<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
© <strong>IRD</strong>/B. Vergnes<br />
Actualités
Partenaires<br />
4<br />
Burkina Faso<br />
Écoles thématiques<br />
en écologie tropicale<br />
Le maintien des écosystèmes et la<br />
promotion équitable de l’exploitation<br />
des ressources naturelles sont <strong>au</strong> cœur<br />
du développement durable. Dans le<br />
cadre de ces préoccupations d’actualité,<br />
une École Thématique en Écologie<br />
Tropicale intitulée Services écosystémiques<br />
et usage durable des ressources<br />
naturelles s’est tenue du 4 <strong>au</strong> 18 septembre<br />
2005 à l’université polytechnique<br />
de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso).<br />
Organisée par le CNRS, l’<strong>IRD</strong>, l’École normale<br />
supérieure, l’université Paris-6 et<br />
l’université polytechnique de Bobo-<br />
Dioulasso, cette école a réuni une vingtaine<br />
d’étudiants de sept pays d’Afrique<br />
francophone et de France. Objectif : leur<br />
faire partager des expériences et des<br />
enseignements de pointe dans un<br />
domaine de l’écologie en plein développement.<br />
Durant 15 jours, les enseignements ont<br />
porté sur les services écosystémiques,<br />
définis comme l’ensemble des services<br />
rendus par les écosystèmes <strong>au</strong>x sociétés<br />
humaines : production alimentaire,<br />
approvisionnement en e<strong>au</strong>, contrôle de<br />
l’érosion, maintien de la fertilité des<br />
sols, régulation du climat. Ces exposés<br />
ont été complétés par des présentations<br />
méthodologiques en statistiques<br />
et modélisation.<br />
Les matinées étaient consacrées à la<br />
réalisation de projets de recherche par<br />
les étudiants réunis en petits groupes.<br />
Ils portaient sur différents services écosystémiques<br />
indiqués ci-dessous entre<br />
parenthèses :<br />
• effet de la gestion de la matière organique<br />
sur la fertilité des sols (production<br />
alimentaire) ;<br />
• mesure du stockage de carbone dans<br />
des sols de savane (stockage de carbone<br />
limitant potentiellement le changement<br />
global) ;<br />
• évaluation de la biodiversité de la<br />
f<strong>au</strong>ne du sol en fonction du type<br />
d’usage du sol (biodiversité) ;<br />
• évaluation de la stabilité de la savane<br />
à partir d’une analyse de la structure des<br />
bosquets (stabilité des écosystèmes) ;<br />
• influence des termites sur la dynamique<br />
et la mortalité des arbres de<br />
savane (stabilité des écosystèmes).<br />
Chaque groupe a présenté les résultats<br />
obtenus <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres étudiants et chercheurs<br />
lors d’une restitution orale finale.<br />
La problématique des services écosystémiques<br />
convenait parfaitement à une<br />
école dont l’esprit a toujours été de<br />
montrer que les avancées de la science<br />
écologique, même très théoriques, permettent<br />
de répondre à des problèmes<br />
concrets de gestion. Une école se<br />
déroulera d’ailleurs chaque année dans<br />
un pays francophone différent : la prochaine<br />
édition <strong>au</strong>ra lieu <strong>au</strong> Sénégal du<br />
17 septembre <strong>au</strong> 1er octobre <strong>2006</strong> sur<br />
le thème Rése<strong>au</strong>x trophiques : de la<br />
théorie à la gestion<br />
rationnelle des ressources<br />
biologiques –<br />
écosystèmes terrestres<br />
et aquatiques.<br />
L’objectif de ces écoles<br />
thématiques n’est pas<br />
uniquement la formation<br />
d’étudiants. Il s’agit<br />
<strong>au</strong>ssi de favoriser les<br />
échanges Nord-<strong>Sud</strong> et<br />
<strong>Sud</strong>-<strong>Sud</strong>, d'enseignantschercheurs<br />
et d'étudiants,<br />
de valoriser les<br />
trav<strong>au</strong>x menés en écologie<br />
dans le pays d’accueil<br />
et d’y favoriser le<br />
développement de nouvelles<br />
recherches. ●<br />
© <strong>IRD</strong>/S. Barot<br />
Contact<br />
Sébastien Barot<br />
barot@bondy.ird.fr<br />
WEB http://etet2005.free.fr<br />
C’<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
O n c h o c e r c o s e<br />
Un demi-siècle de lutte<br />
En décembre 2005 se tenait à Paris le forum annuel<br />
des acteurs du programme Apoc 1 de lutte contre<br />
la « cécité des rivières ». Ce programme vise à éradiquer<br />
l’onchocercose dans dix-neuf pays où elle existe encore 2 .<br />
Il fait suite à plus de cinquante ans de recherche<br />
et de lutte qui ont permis, notamment avec le programme<br />
OCP 3 , de juguler la maladie dans onze pays 4 .<br />
est en 1956 qu’une première<br />
unité « onchocercose » de<br />
l’<strong>IRD</strong>, alors Orstom, a vu le<br />
jour à Bobo-Dioulasso, h<strong>au</strong>t lieu de la<br />
recherche africaine en santé. Associés<br />
<strong>au</strong>x médecins militaires, qui tenaient<br />
alors le h<strong>au</strong>t du pavé dans la lutte<br />
contre les maladies tropicales, les chercheurs<br />
ont intégré <strong>au</strong> moment des<br />
indépendances l’OCCGE 5 . En véritables<br />
pionniers, les scientifiques ont dû<br />
mettre <strong>au</strong> point à la fois les méthodes<br />
d’étude, de lutte et d’évaluation qui<br />
allaient permettre un engagement<br />
massif contre la maladie. La stratégie<br />
anti-vectorielle retenue a appelé <strong>au</strong><br />
développement d’approches pluridisciplinaires<br />
novatrices dans ce domaine.<br />
Elle a ainsi contribué à l’émergence historique<br />
de l’entomologie médicale à<br />
l’<strong>IRD</strong>. Elle a également requis d’abondantes<br />
compétences en hydrologie.<br />
Par la suite, l’engagement de la commun<strong>au</strong>té<br />
internationale vint appuyer les<br />
© WHO/TDR/Stammers<br />
© WHO/TDR/OCP<br />
Simulie<br />
(Simulium<br />
damnosum).<br />
Coupe<br />
histologique<br />
de nodules<br />
onchocerquiens.<br />
Chef du village de Madina Diassa, <strong>au</strong> Mali,<br />
gravement atteint de l'onchocercose.<br />
Larve de<br />
simulie.<br />
Macrofilaire<br />
(Onchocerca<br />
volvulus).<br />
efforts scientifiques. La mobilisation<br />
importante d’organisations mondiales<br />
et d’institutions nationales, <strong>au</strong> sein du<br />
programme OCP, permet d’obtenir des<br />
résultats jusqu’alors inédits. On estime<br />
que l’OCP a protégé 34 millions de personnes<br />
de la maladie, évitant ainsi<br />
600 000 cas de cécité dans les onze<br />
pays associés <strong>au</strong> programme. Les activités<br />
de lutte anti-vectorielle ont rendu<br />
possible la réinstallation des populations<br />
sur 25 millions d’hectares de<br />
terres du bassin fluvial. Ces terres peuvent<br />
désormais nourrir 17 millions<br />
d’habitants supplémentaires.<br />
À partir de 1987, l’ivermectine est mise<br />
à disposition de tous les États qui en<br />
font la demande pour lutter contre<br />
l’onchocercose. Le programme Apoc,<br />
lancé en 1995, coordonne les distributions<br />
d’ivermectine dans les dix-neuf<br />
pays africains situés en dehors de l’aire<br />
d’OCP. L’objectif de l’Apoc est d’éliminer<br />
l’onchocercose en tant que problème<br />
© WHO/TDR/Stammers<br />
© <strong>IRD</strong>/J.-L. Frézil<br />
© <strong>IRD</strong>/H. Guill<strong>au</strong>me<br />
Une maladie parasitaire<br />
agent de l’onchocercose, le parasite Onchocerca volvu-<br />
L’ lus, est transmis par la piqûre d’un vecteur, la simulie<br />
(Simulium damnosum), une minuscule mouche. Le parasite<br />
est un filaire, dont la femelle adulte se concentre sous la pe<strong>au</strong><br />
humaine. Durant les douze années de sa vie, cette macrofilaire<br />
va produire des millions d’embryons, les microfilaires.<br />
Ceux-ci se pelotonnent sous la pe<strong>au</strong>, en formant des nodules,<br />
et sont responsables des manifestations de la maladie : dans<br />
un premier temps différentes lésions cutanées et des démangeaisons<br />
intolérables puis, avec les ans, un épaississement et<br />
une dépigmentation de la pe<strong>au</strong>. Enfin, des lésions oculaires,<br />
dont la plus grave est, dans 10 % des cas, la cécité.<br />
La simulie a besoin à la fois de cours d’e<strong>au</strong> pour pondre, et<br />
de sang pour la maturation de ses œufs. Ainsi la maladie se<br />
développe <strong>au</strong> long des rivières. Les personnes les plus exposées<br />
sont les paysans vivant et travaillant <strong>au</strong> bord des cours<br />
d’e<strong>au</strong> qui irriguent leurs cultures. Les conséquences socioéconomiques<br />
sont importantes, puisque l’onchocercose est<br />
responsable de l’abandon de ces zones particulièrement<br />
exposées et néanmoins très propices <strong>au</strong>x activités agricoles.<br />
© <strong>IRD</strong>/H. Guill<strong>au</strong>me<br />
de santé publique dans ces pays grâce<br />
à la mise en place de projets de traitements<br />
sous directives commun<strong>au</strong>taires.<br />
Le programme Apoc compte ainsi plus<br />
de 240 000 distributeurs commun<strong>au</strong>taires,<br />
des villageois responsables de la<br />
diffusion du médicament <strong>au</strong> sein de<br />
leur village. Cette stratégie très décentralisée<br />
permet d’atteindre des couvertures<br />
thérapeutiques plus élevées que<br />
les interventions « verticales ». C’est<br />
également la seule qui permette d’assurer<br />
une durabilité des opérations.<br />
Des études menées par l’<strong>IRD</strong> sur les traitements<br />
de masse par l’ivermectine ont<br />
permis de préciser ses effets avant son<br />
utilisation à large échelle. Aujourd’hui,<br />
les chercheurs s’intéressent <strong>au</strong>x effets<br />
secondaires ainsi qu’à l’impact des<br />
doses répétées sur les stades adultes<br />
du parasite.<br />
L’onchocercose <strong>au</strong>jourd’hui<br />
L’onchocercose constitue toujours une<br />
menace pour 90 millions de personnes<br />
dans le monde, 18 millions sont porteuses<br />
de la maladie, 1 million présente<br />
des lésions oculaires et 350 000<br />
d’entre elles sont à jamais aveugles. ●<br />
1. Programme africain de lutte contre l’onchocercose<br />
– African Programme for<br />
Onchocerciasis Control.<br />
2. Burundi, Cameroun, Congo-Brazza,<br />
Éthiopie, Gabon, Guinée équatoriale, Kenya,<br />
Malawi, Mozambique, Nigeria, Ouganda,<br />
RCA, RD Congo, Rwanda, Soudan,<br />
Tanzanie, Tchad, Angola, Liberia.<br />
3. Onchocerciasis Control Program (1974-<br />
2002).<br />
4. Bénin, Burkina Faso, Côte-d’Ivoire,<br />
Ghana, Guinée-Conakry, Guinée-Biss<strong>au</strong>,<br />
Mali, Niger, Sénégal, Sierra Leone, Togo.<br />
5. Organisation de Coordination et de<br />
Coopération pour la lutte contre les Grandes<br />
Endémies.<br />
Contrôle, du vecteur<br />
<strong>au</strong> contrôle du parasite<br />
L a<br />
lutte contre<br />
l’onchocercose,<br />
f<strong>au</strong>te de traitement<br />
efficace sur le parasite,<br />
s’est longtemps<br />
organisée<br />
<strong>au</strong>tour du contrôle<br />
du vecteur, la simulie.<br />
C’est principalement<br />
la destruction<br />
de la mouche <strong>au</strong><br />
© <strong>IRD</strong>/H. Guill<strong>au</strong>me<br />
Hélicoptère en train de<br />
traiter un gîte larvaire.<br />
stade larvaire, dans ses gîtes aquatiques, qui a donné les<br />
meilleurs résultats. Puis, dans les années 1980, la<br />
découverte d’un médicament, l’ivermectine (Mectizan ® ),<br />
a révolutionné la stratégie de lutte. Ce produit, administré<br />
par voie orale une fois par an, permet d’abaisser<br />
et de maintenir les densités microfilariennes à un nive<strong>au</strong><br />
très faible, qui n’occasionne pas de trouble clinique. ●<br />
R e c h e r c h e p o u r l e d é v e l o p p e m e n t<br />
La société américaine d’écologie<br />
se mobilise par Olivier DANGLES et Jean-François SILVAIN 1<br />
La société américaine d’écologie<br />
(ESA) a organisé du 8 <strong>au</strong> 12 janvier<br />
<strong>2006</strong> une conférence internationale<br />
intitulée Écologie dans une ère de<br />
mondialisation : challenges et opportunités.<br />
En proposant, pour la première fois<br />
depuis sa création, une conférence hors<br />
des États-Unis, à Mérida <strong>au</strong> Mexique,<br />
l’ESA a affiché sa volonté de promouvoir la<br />
collaboration entre les scientifiques nordet<br />
sud-américains afin de gérer <strong>au</strong> mieux<br />
les problèmes écologiques posés par la<br />
mondialisation et de proposer des solutions<br />
en termes de développement<br />
durable. Co-présidée par José Sarukhán<br />
de l’Institut écologique national du<br />
Mexique et Jeff Herrick du département<br />
de l’Agriculture des États-Unis, la conférence<br />
s’est articulée <strong>au</strong>tour de trois<br />
grandes thématiques : espèces invasives,<br />
migrations humaines et transformation<br />
des systèmes de production agricole et<br />
industrielle.<br />
Actrice internationale majeure de la<br />
recherche fondamentale en écologie,<br />
l’ESA se positionne désormais comme une<br />
interlocutrice « clé » du développement<br />
durable en Amérique latine. Elle s’est<br />
donné les moyens de ses ambitions en<br />
attribuant 100 bourses à des étudiants<br />
sud-américains pour assister à la conférence<br />
de Mérida. L’ESA a <strong>au</strong>ssi affiché sa<br />
volonté d’aider à fédérer les sociétés<br />
d’écologie des pays nord- et sud-<br />
Tribune<br />
américains et d’étendre à l’Amérique<br />
latine son programme Seeds d’éducation<br />
des jeunes à l’écologie. En réunissant plus<br />
de 500 participants originaires de 20 pays<br />
et provenant de disciplines <strong>au</strong>ssi variées<br />
que l’agronomie, l’écologie, les sciences<br />
sociales, économiques et politiques ou<br />
l’anthropologie, l’ESA a montré sa capacité<br />
d’adaptation à un monde en<br />
complète mutation où l’influence de<br />
l’homme s’accroît chaque jour. En dépit<br />
de la très faible assistance des chercheurs<br />
européens à cette conférence, il apparaît<br />
clairement qu’une nouvelle écologie « for<br />
a crowded planet » est en marche. À<br />
nous de ne pas manquer ce train et de<br />
permettre <strong>au</strong>x scientifiques d’Amérique<br />
latine de conserver un partenariat diversifié<br />
avec les pays du Nord 2 . ●<br />
1. Olivier Dangles est chargé de recherches<br />
dans l’unité <strong>IRD</strong> Biodiversité et évolution des<br />
complexes plantes-insectes ravageurs-antagonistes<br />
(UR072). Jean-François Silvain est<br />
directeur de cette unité de recherche qui<br />
développe un programme sur les insectes<br />
invasifs dans les agrosystèmes andins.<br />
2. Les princip<strong>au</strong>x résultats de cette conférence<br />
seront présentés dans le numéro de<br />
<strong>mars</strong> <strong>2006</strong> de Frontiers in Ecology and<br />
Environment.<br />
Contact<br />
© <strong>IRD</strong>/L. Ferrara<br />
Jean-François Silvain<br />
silvain@pge.cnrs-gif.fr<br />
Recherche<br />
de simulies.<br />
Passage de<br />
torrent <strong>au</strong> nord<br />
du Bénin, entre<br />
1958 et 1960.
© <strong>IRD</strong>/ V. Herbrete<strong>au</strong><br />
T h a ï l a n d e<br />
Les roboviroses<br />
sont-elles sous-estimées ?<br />
En Thaïlande, l’<strong>IRD</strong> et ses partenaires conduisent un vaste programme d’éco-épidémiologie<br />
des roboviroses. Il a pour objectif de comprendre les circonstances de l’émergence chez<br />
l’homme de pathologies provoquées par des virus dont les réservoirs sont des rongeurs.<br />
Les pathogènes peuvent être<br />
présents de façon discrète dans<br />
l’environnement, en dehors des<br />
zones d’endémie reconnues pour les<br />
pathologies humaines, et n’avoir<br />
besoin que d’un changement minime<br />
des conditions pour provoquer chez<br />
l’homme l’émergence d’une pathologie<br />
nouvelle. Les captures sur le terrain<br />
de mammifères potentiellement réservoirs,<br />
la recherche de la présence de<br />
pathogènes et le recensement des cas<br />
Importance et complexité<br />
de l’épidémiologie<br />
Entretien de Jean-Pierre HUGOT avec Yupin SUPUTTHAMONGKOL<br />
Entretien entre Jean-Pierre Hugot<br />
et le Dr. Yupin Suputthamongkol<br />
à l’hôpital de Siriraj, Bangkok. Médecin,<br />
Yupin Suputthamongkol dirige<br />
un laboratoire de référence pour<br />
la leptospirose chez les malades humains.<br />
Pourquoi entreprendre une enquête<br />
poussée sur la distribution des<br />
Hantavirus en Asie du <strong>Sud</strong>-Est ?<br />
Les Hantavirus sont surtout connus<br />
dans les continents du nord et dans la<br />
région néotropicale. Leurs réservoirs<br />
sont des rongeurs Muridae. Ils peuvent<br />
être transmis <strong>au</strong>x humains et sont responsables<br />
chez eux de fièvres hémorragiques<br />
dont certaines formes sont mortelles.<br />
Il existe une relation entre la<br />
génétique des virus, leur pouvoir pathogène,<br />
leur spécificité pour des rongeurs<br />
d’un groupe particulier, leur localisation<br />
géographique et le type de symptômes<br />
provoqués chez les humains.<br />
Des virus de ce type sont présents en<br />
Asie du <strong>Sud</strong> : un virus, « Thaïlande », a<br />
été isolé et partiellement séquencé chez<br />
un Bandicota indica ; des investigations,<br />
réalisées en Thaïlande sur des populations<br />
de rongeurs et sur des sérums<br />
humains, ont révélé quelques cas non<br />
ambigus de positivité ; très récemment,<br />
nous avons identifié le premier cas clinique<br />
caractérisé d’infection humaine à<br />
Hantavirus, en Thaïlande. Ces résultats<br />
conduisent à suspecter que la présence<br />
et éventuellement le rôle pathogène<br />
des Hantavirus soient actuellement<br />
sous-estimés en Thaïlande et potentiellement<br />
dans toute l’Asie du <strong>Sud</strong>.<br />
On soupçonne donc une possible<br />
confusion entre différentes fièvres<br />
transmises par les rongeurs en<br />
Thaïlande ?<br />
Plusieurs fièvres hémorragiques existent<br />
à l’état chronique en Thaïlanède (en<br />
particulier la leptospirose, le typhus des<br />
broussailles et la dengue) dont les<br />
symptômes peuvent être confondus<br />
avec ceux des fièvres dont sont responsables<br />
les Hantavirus.<br />
© <strong>IRD</strong>/J.P. Hugot<br />
© <strong>IRD</strong>/ V. Herbrete<strong>au</strong><br />
humains, couplés <strong>au</strong> développement<br />
de modèles mathématiques des systèmes,<br />
peuvent permettre : de mettre<br />
en évidence l’importance de la transmission<br />
virale entre mammifères et<br />
réservoirs ; de caractériser les dynamiques<br />
de l’infection chez le réservoir<br />
et l’homme dans la zone d’endémie et<br />
de faciliter l’évaluation de l’exposition<br />
des populations humaines et donc des<br />
risques, pour guider les mesures de<br />
prévention.<br />
Notre collaboration avec l’<strong>IRD</strong> doit<br />
permettre de poursuivre l’étude<br />
systématique de la prévalence des<br />
Hantavirus, et d’<strong>au</strong>tres pathogènes<br />
transmis par les rongeurs<br />
thaïlandais et d’en identifier précisément<br />
les réservoirs et les distributions<br />
particulières. Les informations<br />
recueillies par nos partenaires<br />
français sur les hantaviroses européennes<br />
et sur leurs réservoirs<br />
constituent des hypothèses que<br />
nous chercherons à valider, ou à<br />
réfuter dans le contexte épidémiologique<br />
spécifique de l’Asie du<br />
<strong>Sud</strong> et de la Thaïlande.<br />
Pourquoi associer à ce projet un<br />
volet : relations hommes-rongeurs<br />
en Thaïlande ?<br />
Dans le cadre de l'étude des conditions<br />
qui facilitent le transfert des agents<br />
pathogènes des anim<strong>au</strong>x réservoirs <strong>au</strong>x<br />
humains, il nous paraît important que<br />
soit considéré l'aspect ethnozoologique<br />
et culturel. L'attitude générale des<br />
populations humaines vis-à-vis des anim<strong>au</strong>x<br />
et en particulier des rongeurs<br />
varie be<strong>au</strong>coup selon les régions. En<br />
Thaïlande par exemple, les rongeurs<br />
sont des mets de choix dans certaines<br />
provinces du nord-est : ils y sont chassés<br />
et préparés comme de la viande de boucherie.<br />
Cela s'accompagne d'un savoir<br />
concernant les rongeurs eux-mêmes.<br />
Votre projet inclut également l’utilisation<br />
d’un système d’information<br />
géographique pour le traitement et<br />
l’interprétation des résultats.<br />
Le logiciel que nous utilisons, SavGIS,<br />
est conçu et amélioré par nos parte-<br />
A fin<br />
d’évaluer les risques<br />
d’apparition d’épidémies<br />
© <strong>IRD</strong>/ V. Herbrete<strong>au</strong><br />
Un programme transdisciplinaire<br />
provoquées par les Hantavirus<br />
dont certains rongeurs sont des<br />
réservoirs ou des vecteurs, l’unité<br />
de recherche Conditions et territoires<br />
d'émergence des maladies<br />
(UR178) conduit avec ses partenaires<br />
thaïlandais un programme<br />
transdisciplinaire intitulé Étude<br />
de l’éco-épidémiologie comparée<br />
des roboviroses à Hantavirus en<br />
Europe et en Asie du <strong>Sud</strong>-Est 1 . Ce programme,<br />
financé sur trois ans par<br />
l’Agence nationale de la recherche,<br />
comporte les objectifs et les étapes suivantes<br />
:<br />
• Consolidation des connaissances sur<br />
les rongeurs réservoirs (systématique,<br />
distribution espèce-spécifique, structuration<br />
génétique des populations) ainsi<br />
que sur les Hantavirus (diversité génétique,<br />
distribution hôte-spécifique)<br />
dans des localités de Thaïlande choisies<br />
pour leur représentativité. Construction<br />
d’une phylogéographie comparée<br />
de ces organismes.<br />
Analyse et organisation des données<br />
archivées par le système de santé<br />
thaïlandais concernant les cas<br />
humains de fièvre hémorragique ;<br />
étude de la prévalence des virus chez<br />
les hôtes réservoirs ; tests de séroprévalence<br />
sur les cas humains suspects<br />
et dans les localités où la prévalence<br />
est forte chez les rongeurs commens<strong>au</strong>x<br />
des habitations humaines.<br />
Enquête ethnozoologique : étude des<br />
relations hommes-rongeurs en Thaïlande<br />
dans leur contexte socioculturel.<br />
naires français de l’<strong>IRD</strong>. Il offre tous les<br />
outils nécessaires pour la constitution<br />
et la gestion d’un SIG, les analyses de<br />
télédétection d’images satellites, les<br />
traitements géostatistiques et l’analyse<br />
spatio-temporelle des données. Les SIG<br />
permettent l’estimation du risque de<br />
transmission des maladies, en prenant<br />
en compte à la fois la présence du<br />
complexe hôte-parasite et la vulnérabilité<br />
des populations exposées. Une<br />
base de données sous SavGIS, recou-<br />
Contact<br />
Jean-Pierre Hugot<br />
Jean-Pierre.Hugot@ird.fr<br />
Bandicota savilei,<br />
l’un des rongeurs étudiés,<br />
dans la province de Phrae,<br />
Thaïlande.<br />
Analyse des rongeurs sur le terrain<br />
dans la province de Loei, Thaïlande.<br />
Glossaire<br />
• Analyse et exploitation des données.<br />
Cartographie des données sur la distribution<br />
des rongeurs et des virus.<br />
Caractérisation des milieux, extrapolation<br />
de ces modèles <strong>au</strong>x localités non<br />
échantillonnées. Modélisation de la<br />
probabilité de transmission.<br />
• Finalisation des objectifs et diffusion<br />
des résultats.<br />
Mise en forme des données épidémiologiques.<br />
Recoupement des données<br />
de terrain et des systèmes d’information<br />
géographique. Étalonnage des<br />
facteurs de risque. Réalisation des<br />
cartes de distribution et de risque.<br />
Comparaison des données épidémiologiques<br />
obtenues en Asie et en<br />
Europe. ●<br />
1. Ce programme associe plusieurs équipes<br />
françaises ou thaïlandaises. En particulier : la<br />
Division of infectious diseases and tropical<br />
medicine, Faculty of medicine Siriraj hospital,<br />
Mahidol university, Thailand ; le<br />
Laboratoire de Biométrie et Biologie Évolutive<br />
de l’université C.-Bernard Lyon-1 ; le<br />
Centre de Biologie et Gestion des<br />
Populations, Montpellier ; l’UR178 de l’<strong>IRD</strong><br />
en Thaïlande.<br />
© <strong>IRD</strong>/J.P. Hugot<br />
vrant l’ensemble de la Thaïlande, est<br />
disponible et régulièrement mise à jour.<br />
Elle comprend des données environnementales,<br />
démographiques, sociales et<br />
économiques ainsi que des données<br />
sur le système de soins.<br />
La connaissance spatio-temporelle du<br />
risque de transmission des Hantavirus,<br />
des rongeurs à l’homme, représente un<br />
outil efficace de prévention et de<br />
contrôle de l’émergence d’hantaviroses.<br />
●<br />
Comme les virus transmis par des arthropodes (moustiques)<br />
ont été dénommés arbovirus, de l’anglais arthropod<br />
borne viruses, les virus transmis par des rongeurs<br />
sont dénommés robovirus pour rodent borne viruses.<br />
Dissection des rongeurs dans un laboratoire<br />
du ministère de la Santé de la province<br />
de Sakhon Nakhon, Thaïlande.<br />
Hugot<br />
Dispensaire dans la province<br />
<strong>IRD</strong>/J.P.<br />
de Sakhon Nakhon, Thaïlande. ©<br />
Travail des rizières<br />
dans une région épidémique<br />
pour la leptospirose,<br />
dans la province de Loei, Thaïlande.<br />
© <strong>IRD</strong><br />
© <strong>IRD</strong>/Y. Gillon<br />
Laphygma<br />
exempta,<br />
Noctuidae de<br />
Côte-d’Ivoire.<br />
Du nouve<strong>au</strong> sur<br />
les lépidoptères<br />
foreurs<br />
L’<strong>IRD</strong> et l’Icipe 1 organisaient, du 24 <strong>au</strong><br />
28 octobre 2005, une conférence<br />
internationale sur les lépidoptères<br />
foreurs de graminées (princip<strong>au</strong>x ravageurs<br />
des cultures céréalières) en<br />
Afrique 2 .<br />
L’unité de recherche Biodiversité et<br />
évolution des complexes plantesinsectes<br />
ravageurs-antagonistes de l’<strong>IRD</strong><br />
développe depuis 2001 un vaste chantier<br />
de recherche portant sur l’étude de<br />
ces insectes et notamment sur les<br />
espèces de la famille des Noctuidae.<br />
Ces trav<strong>au</strong>x, menés pour mieux<br />
connaître la f<strong>au</strong>ne des noctuelles<br />
foreuses et préciser les interactions qui<br />
existent entre les espèces de foreurs,<br />
leurs plantes hôtes et leurs antagonistes,<br />
ont abouti à des résultats particulièrement<br />
origin<strong>au</strong>x. En effet, plusieurs<br />
de ces résultats contredisent des<br />
hypothèses antérieures largement diffusées<br />
dans la commun<strong>au</strong>té des entomologistes<br />
africains et servant de base<br />
à des méthodes de lutte considérées<br />
comme novatrices.<br />
Cette manifestation, qui réunissait une<br />
cinquantaine de spécialistes africains<br />
du sujet, était l’occasion de discuter ces<br />
trav<strong>au</strong>x et leurs résultats.<br />
Au cours des différentes sessions, les<br />
participants ont manifesté la volonté<br />
de créer un atelier inter-africain de formation<br />
à la f<strong>au</strong>nistique et à la systématique<br />
des lépidoptères foreurs, des<br />
plantes hôtes qui leur sont associées et<br />
des parasitoïdes qui interviennent dans<br />
la régulation de leurs populations et<br />
sont utilisés dans les programmes de<br />
lutte biologique.<br />
Il est également apparu nécessaire de<br />
créer un rése<strong>au</strong> de coordination des<br />
activités de recherche afin de standardiser<br />
les méthodes d’échantillonnage<br />
et de collecte.<br />
De même, le principe d’un site Internet<br />
rassemblant les données biologiques,<br />
écologiques et moléculaires disponibles<br />
pour les foreurs et leurs parasitoïdes<br />
est acquis.<br />
Les participants ont enfin défini des<br />
axes de recherche prioritaires, parmi<br />
lesquels :<br />
• l’amélioration des connaissances sur<br />
l’influence de l’habitat, des agents biologiques<br />
ainsi que d’<strong>au</strong>tres facteurs<br />
biotiques ou abiotiques (fertilité des<br />
sols, climat...) sur les populations naturelles<br />
des lépidoptères foreurs ;<br />
• le développement d’un ou plusieurs<br />
modèles de prédiction de fluctuation<br />
des populations de foreurs adaptés <strong>au</strong>x<br />
conditions environnementales locales ;<br />
• le développement de nouve<strong>au</strong> marqueurs<br />
moléculaire pour l’identification<br />
des lépidoptères foreurs et de leurs<br />
parasitoïdes associés ;<br />
• l’évaluation du potentiel de régulation<br />
des populations des parasitoïdes<br />
du genre Cotesia d’Australie sur les<br />
foreurs africains. ●<br />
1. International Centre of Insect Physiology<br />
and Ecology, Nairobi.<br />
2. ICLCBA, International Conference on<br />
Lepidopterous Cereal stem and cob Borers in<br />
Africa.<br />
Contact<br />
Jean-Francois Silvain<br />
silvain@pge.cnrs-gif.fr<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
Partenaires<br />
5
Partenaires<br />
6<br />
Crises hydriques,<br />
crises sociales<br />
Le séminaire international P<strong>au</strong>vreté<br />
hydr<strong>au</strong>lique et crises sociales, perspectives<br />
de recherche et d’action a réuni, à<br />
Agadir du 11 <strong>au</strong> 15 décembre 2005,<br />
une soixantaine de scientifiques, notamment<br />
de l’équipe Thermes 1 , universitaires<br />
et représentants d’organisations<br />
gouvernementales. Les 56 communications<br />
étaient consacrées <strong>au</strong>x rapports<br />
entre e<strong>au</strong>x et p<strong>au</strong>vreté, <strong>au</strong>x<br />
actions des ONG et de la société civile et<br />
<strong>au</strong>x questions de politiques hydr<strong>au</strong>liques<br />
et de gouvernance.<br />
La comparaison des situations concrètes<br />
suggère que les phénomènes d’app<strong>au</strong>vrissement,<br />
d’exclusion et de dégradation<br />
existent et ne faiblissent pas sur<br />
tous les continents, dans les milieux<br />
urbains comme rur<strong>au</strong>x. Les politiques<br />
proposées pour enrayer l’exclusion<br />
sociale et garantir l’accès à l’e<strong>au</strong> ont<br />
été comparées dans différentes aires<br />
culturelles et politiques, en Afrique<br />
<strong>au</strong>strale, de l’Ouest et du Nord, en<br />
Amérique latine et en Asie du <strong>Sud</strong> et<br />
du <strong>Sud</strong>-Est.<br />
La synthèse finale s’est structurée<br />
<strong>au</strong>tour de quatre grandes questions :<br />
pourquoi l’e<strong>au</strong> peut-elle se convertir en<br />
un facteur d’exclusion et d’aggravation<br />
de la p<strong>au</strong>vreté ? Sous quelle condition<br />
l’e<strong>au</strong> peut-elle devenir un élément<br />
d’éradication de la p<strong>au</strong>vreté ? Quels<br />
sont les éléments de connaissance et<br />
d’institutions pour que se démocratisent<br />
l’accès et la gestion des e<strong>au</strong>x ? Face à<br />
ces questions, quelles peuvent être les<br />
fonctions des chercheurs, étudiants, responsables<br />
et membres d’ONG ? ●<br />
1. Territoires hydr<strong>au</strong>liques et rur<strong>au</strong>x, mondialisation,<br />
e<strong>au</strong>x et sociétés, alors UR44 de<br />
l'<strong>IRD</strong> ; depuis janvier <strong>2006</strong>, elle fait partie de<br />
l’UR168, Dynamiques environnementales<br />
entre forêt, agriculture et biodiversité.<br />
Contacts<br />
Habib Ayeb habib : ayeb@ird.fr<br />
Thierry Ruf : thierry.ruf@ird.fr<br />
Sur le terrain, chercheurs d'Afrique, d'Inde<br />
et d'Amérique latine écoutent les explications<br />
d’un collègue marocain.<br />
Histoire et gestion<br />
des e<strong>au</strong>x<br />
L’équipe Thermes est très active<br />
<strong>au</strong> sein de l’International water history<br />
association (IWHA). Cette dernière rassemble<br />
plusieurs centaines de spécialistes<br />
des sciences de l’e<strong>au</strong> et de<br />
sciences humaines, qui abordent les<br />
rapports des sociétés avec les e<strong>au</strong>x perçues<br />
comme des environnements singuliers,<br />
des ressources multiples et des<br />
enjeux politiques et soci<strong>au</strong>x. Lors de la<br />
4 e conférence de l’IWHA, qui s’est tenue<br />
du 1 er <strong>au</strong> 4 décembre 2005 à l’Unesco<br />
à Paris, la diversité des approches et<br />
des territoires qui occupent l'équipe<br />
Thermes a suscité l’intérêt. Celle-ci<br />
opère en effet de la Thaïlande à l’Équateur,<br />
en passant par le Maroc, et s’intéresse<br />
tant à l’histoire du contrôle de<br />
l’e<strong>au</strong> qu’<strong>au</strong>x institutions et à leurs politiques<br />
de l’e<strong>au</strong>. Une session particulière,<br />
organisée conjointement avec<br />
ses collègues mexicains a illustré la<br />
démarche partenariale de l'équipe. ●<br />
Contact<br />
Thierry Ruf<br />
thierry.ruf@ird.fr<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
© <strong>IRD</strong>/ T. Ruf © <strong>IRD</strong>/ T. Ruf<br />
Métis Âge à la Caraïbe<br />
Un colloque international et interdisciplinaire s'est tenu<br />
du 9 <strong>au</strong> 11 novembre 2005, à Fort-de-France, sur le thème :<br />
Regards croisés sur le métissage, rencontres euro-caribéennes.<br />
Il était organisé par le Conseil de la culture, de l’éducation<br />
et de l’environnement (CCEE) et par l’<strong>IRD</strong>, avec la collaboration<br />
de l’université des Antilles et de la Guyane 1 .<br />
Longtemps connoté péjorativement<br />
<strong>au</strong> nom de la pureté, le<br />
métissage est une notion chargée<br />
de valeurs et objet de représentations<br />
variables, selon l’époque, le lieu<br />
et l’approche disciplinaire. Bien que<br />
cela soit devenu trivial dans les milieux<br />
scientifiques, il f<strong>au</strong>t le répéter avec<br />
force : il n'y a qu'une seule espèce<br />
humaine et donc les notions de pureté<br />
et de races n’ont pas de sens. Tous les<br />
groupes humains sont métissables et<br />
métissés. Il en va de même des langues<br />
et des cultures, qui évoluent progressivement<br />
et s'adaptent en contact les<br />
unes avec les <strong>au</strong>tres.<br />
Il n'en demeure pas moins que les<br />
notions de races et de métissage, qui<br />
ont historiquement joué un rôle important,<br />
demeurent très vivaces dans les<br />
représentations et les rapports soci<strong>au</strong>x.<br />
« À travers ce colloque, précise Daniel<br />
Barrete<strong>au</strong>, linguiste et représentant de<br />
l’<strong>IRD</strong> à la Martinique, même si le sujet a<br />
déjà été largement débattu dans la littérature<br />
scientifique, il était important<br />
de rassembler dans la Caraïbe, lieu de<br />
rencontres par excellence, des compétences<br />
diverses (historiens, philosophes,<br />
anthropologues, sociologues,<br />
linguistes, démographes...) et des personnes<br />
travaillant sur des terrains fort<br />
différents (Colombie, Venezuela, Brésil,<br />
Jamaïque, Haïti, Guadeloupe, Martinique,<br />
Guyane... ; même la banlieue<br />
parisienne et l'Asie étaient <strong>au</strong> rendezvous)<br />
pour “croiser les regards”, des<br />
regards de l'extérieur et de l'intérieur,<br />
des analyses fouillées sur le passé, l'expression<br />
du ressenti complexe du vécu<br />
et la prospection sur l'avenir. Chacun a<br />
pu apprendre des <strong>au</strong>tres disciplines et<br />
des <strong>au</strong>tres horizons. L'histoire doit être<br />
constamment revisitée, les problématiques<br />
et les méthodologies soumises à<br />
l'épreuve des “découvertes” et de<br />
l'avancée du monde. »<br />
Les approches de la notion et des processus<br />
de métissage se prêtent à une<br />
forte remise en question. Deux conséquences<br />
épistémologiques et méthodologiques<br />
apparaissent, non sans<br />
tension parfois : une confrontation<br />
nécessaire entre des approches pragmatiques,<br />
de type « terrain anthropologique<br />
», et des perspectives plus spéculatives<br />
; un brouillage, pour un<br />
certain nombre de chercheurs, entre<br />
analyse externe et témoignage personnel,<br />
chacune des perspectives semblant<br />
cependant c<strong>au</strong>tionner ou garantir<br />
l’<strong>au</strong>tre.<br />
La notion de métissage est une affaire<br />
de catégorisation et de représentation<br />
qui passe, à la fois, par le temps, l’appartenance<br />
sociale, le corps et le langage.<br />
Alors qu’à « première vue », les<br />
différences visibles (phénotypiques)<br />
paraissent d'ordre naturel, il n'en est<br />
rien : tout est affaire de construction et<br />
de représentation. Nous ne pouvons<br />
donc pas en rester à des catégorisations<br />
fondées sur des perceptions<br />
apparemment « spontanées » et « naturelles<br />
», qui en réalité résultent largement<br />
de l’histoire. Elles portent la<br />
trace, sans même que l'on en soit toujours<br />
bien conscient, de positionnements,<br />
de conflits et de vécus souvent<br />
douloureux. L'histoire et le langage<br />
continuent à imposer leur vision !<br />
« Il f<strong>au</strong>t néanmoins être prudents dans<br />
cette nouvelle analyse des représentations.<br />
Même si, sur le plan de la biologie,<br />
de la philosophie, de l'éthique et<br />
de la politique, nous devons remettre<br />
fondamentalement en c<strong>au</strong>se les<br />
notions de “pureté” et de “métissage”,<br />
des discriminations sont encore, hélas,<br />
d'actualité. En conséquence, à l'ère de<br />
la globalisation, bien que l'on puisse<br />
être tenté, dans notre sphère d'inventivité<br />
propre à la Caraïbe, d'enjamber<br />
allègrement les étapes passant du colo-<br />
E u r o p e<br />
Sur le chemin<br />
du 7 e PCRDT<br />
La discussion sur le 7 e Programme-cadre de recherche<br />
et de développement technologique (PCRDT) européen<br />
pour la période 2007-2013 entre dans sa phase finale.<br />
La Commission a présenté, le 6<br />
<strong>avril</strong> 2005, sa proposition pour<br />
le 7 e PCRDT. Le 21 septembre,<br />
ce fut le tour des 7 programmes spécifiques<br />
relatifs à sa mise en œuvre et le<br />
23 décembre, la proposition pour les<br />
règles de participation et de diffusion<br />
était publiée. La proposition de la<br />
Commission se caractérise d’une part<br />
par sa durée portée de 5 à 7 ans de<br />
façon à couvrir la totalité de la période<br />
des perspectives financières de l’Union,<br />
d’<strong>au</strong>tre part par un budget en très<br />
forte <strong>au</strong>gmentation (72 milliards d’euros<br />
pour les 7 ans contre 17,5 précédemment<br />
pour 4 ans). Sur le fond, elle<br />
présente des innovations majeures en<br />
faveur de la recherche fondamentale<br />
(le Conseil européen de la recherche),<br />
des infrastructures et des initiatives<br />
technologiques conjointes (partenariat<br />
public/privé sur de grands projets). Les<br />
ressources humaines bénéficient d’un<br />
soutien accru et, sans déroger <strong>au</strong> critère<br />
de l’excellence, quelques actions<br />
sont prévues en direction des régions.<br />
En matière de coopération internationale,<br />
les propositions sont moins satisfaisantes.<br />
L’ouverture de tous les programmes<br />
(s<strong>au</strong>f pour la recherche<br />
fondamentale) <strong>au</strong>x pays tiers est réaffirmée,<br />
mais la partie proprement<br />
internationale du 7 e PCRDT est limitée à<br />
des actions de coordination. Cela soustend<br />
la fin des programmes à vocation<br />
régionale en direction des pays en<br />
nialisme à la négritude, puis de la créolité<br />
<strong>au</strong> “Métis Âge”, il ne s<strong>au</strong>rait être<br />
question, <strong>au</strong>jourd'hui, de nous fondre<br />
dans un mélange où tous les êtres<br />
seraient “assimilés”, sans identité et<br />
sans histoire. L'ère du “Métis Âge” ne<br />
s<strong>au</strong>rait reposer sur l'hyper-valorisation<br />
essentialiste du métis mais, bien <strong>au</strong><br />
contraire, sur la reconnaissance de<br />
l'<strong>au</strong>tre, des <strong>au</strong>tres, sur la diversité. » ●<br />
I sabelle<br />
Contact<br />
Daniel Barrete<strong>au</strong><br />
representant@ird-mq.fr<br />
1. L'organisation matérielle de ce colloque a<br />
été possible grâce <strong>au</strong> soutien du Conseil<br />
régional et du Conseil général de la<br />
Martinique, de la Direction régionale des<br />
Affaires culturelles et de l’Agence universitaire<br />
de la francophonie.<br />
Une anthropologue métisse<br />
face <strong>au</strong>x miroirs de l’Autre<br />
HIDAIR, chargée d’enseignement<br />
à l’université des Antilles et<br />
de la Guyane, étudie les populations<br />
créoles de Guyane. Elle a présenté un<br />
témoignage vécu et vivant sur la relativité<br />
de la notion de métissage.<br />
« Dès les premiers contacts avec le<br />
terrain s’est posée la question de<br />
mon apparence physique dans sa<br />
relation supposée avec mon appartenance<br />
culturelle. Selon les situations,<br />
l’une et l’<strong>au</strong>tre deviennent des atouts<br />
ou des inconvénients1 . Du fait de ma<br />
couleur de pe<strong>au</strong>, la plupart des personnes<br />
rencontrées me placent d’office<br />
dans la catégorie des “noncréoles<br />
guyanais”. Pour gagner leur confiance, j’adapte mon accent, mes<br />
vêtements et les sujets abordés ; j’insiste <strong>au</strong>ssi sur mon enfance et mon adolescence<br />
passées en Guyane.<br />
Par ailleurs, le français que j’emploie me place souvent dans la catégorie des<br />
“Négropolitains” 2 . J’ai appris à adapter mon langage et mes attitudes en fonction<br />
des entrevues puisque d’<strong>au</strong>tres informateurs valorisent ma supposée origine<br />
métropolitaine. Dans d’<strong>au</strong>tres circonstances, je dois m’exprimer en français régional,<br />
accentué à la manière créole. Lorsque les personnes rencontrées ressentent le<br />
besoin de s’exprimer en créole, c’est le signe de la confiance qu’elles m’accordent.<br />
Par ailleurs, j’observe que bon nombre de personnes se demandent comment une<br />
Créole peut objectivement étudier la société dont elle est issue. En revanche, ces<br />
personnes ne sont pas choquées par le fait qu’un anthropologue parisien étudie<br />
Paris. De ce fait, ce qui est remis en c<strong>au</strong>se est l’“objectivité” et la “neutralité”, des<br />
aptitudes qui ne sont pas considérées comme dominantes chez les Créoles. Je souligne<br />
que j’ai pu observer cette attitude <strong>au</strong>ssi de la part de confrères anthropologues<br />
qui n’échappent pas <strong>au</strong>x rapports, concrets et symboliques, pensés et<br />
entretenus lors de ces interactions complexes dans un contexte de concurrence.<br />
En résumé, les multiples apparences et appartenances engendrent une réalité<br />
complexe que les acteurs soci<strong>au</strong>x tentent de saisir à travers une grille d’analyse<br />
simplifiée. Avant d’accepter tout entretien, ils veulent d’abord me situer dans<br />
cette grille.<br />
De plus, j’ai pu constater que, d’une part, rendre publiques des pratiques refoulées<br />
fait passer l’ethnologue pour quelqu’un de dangereux, et d’<strong>au</strong>tre part, quels<br />
que soient nos efforts, ce sont les <strong>au</strong>tres qui décident si on est intégré ou non. »<br />
1. Mon père est créole guyanais et ma mère est arménienne.<br />
2. Nom péjoratif donné <strong>au</strong>x Noirs ou <strong>au</strong>x métis ayant assimilé la culture française métropolitaine.<br />
développement, des pays méditerranéens<br />
et des pays de l’ancienne Union<br />
soviétique ou, tout <strong>au</strong> moins, compliquera<br />
sérieusement leur mise en<br />
œuvre éventuelle.<br />
L’examen des propositions de la<br />
Commission par le Conseil et le Parlement<br />
a souffert de l’absence d’accord<br />
sur les perspectives financières. Le<br />
Conseil est cependant parvenu le 28 novembre<br />
dernier à définir des « Orientations<br />
générales partielles » qui, <strong>au</strong><br />
regard de la coopération internationale,<br />
présentent des avancées certaines.<br />
L’accord sur les perspectives<br />
financières obtenu ensuite <strong>au</strong> Conseil<br />
européen du 16 décembre fixe le cadre<br />
budgétaire dans lequel s’inscrit le PCRDT<br />
et ne devrait pas être fondamentalement<br />
remis en c<strong>au</strong>se par le Parlement.<br />
Ainsi, le budget devrait finalement se<br />
situer <strong>au</strong>tour de 50 milliards d‘euro. La<br />
proposition de la Commission est<br />
actuellement en discussion <strong>au</strong> Parlement<br />
qui devrait faire connaître ses<br />
premières conclusions fin <strong>mars</strong> début<br />
<strong>avril</strong>. Sur cette base, et sur celle des<br />
« Orientations générales partielles »<br />
du Conseil du 28 novembre 2005 et<br />
dans le cadre des perspectives financières<br />
qui devraient à cette date avoir<br />
été arrêtées, la Commission a l’intention<br />
de présenter une proposition<br />
modifiée qui malgré la réduction du<br />
© DR<br />
budget ne remettrait pas en c<strong>au</strong>se la<br />
structure et les équilibres génér<strong>au</strong>x de<br />
sa proposition initiale. Elle espère ainsi<br />
que le 7 e PCRDT pourra être adopté rapidement<br />
à l’<strong>au</strong>tomne par le Conseil et<br />
le Parlement (dans l’hypothèse où une<br />
seconde lecture <strong>au</strong> Parlement ne serait<br />
pas nécessaire).<br />
Si l’on souhaite que le programmecadre<br />
puisse démarrer <strong>au</strong> début 2007,<br />
les délais sont effectivement extrêmement<br />
courts. Il f<strong>au</strong>t, en effet, non seulement<br />
adopter selon la même procédure,<br />
dite de codécision, les règles de<br />
participation mais <strong>au</strong>ssi, après une<br />
simple consultation du Parlement, les<br />
7 programmes spécifiques. Pour la<br />
mise en œuvre de ces derniers, des<br />
comités vont devoir se prononcer sur<br />
les programmes de travail qui permettront<br />
ensuite de lancer les premiers<br />
appels à proposition. En ce qui<br />
concerne la coopération scientifique et<br />
technique internationale, une communication<br />
de la Commission est attendue<br />
pour la fin juin <strong>2006</strong> et devrait<br />
permettre de préciser la stratégie de<br />
l’Union européenne en la matière. ●<br />
Contact<br />
Jean-Michel Chasséri<strong>au</strong>x<br />
Représentant de l’<strong>IRD</strong> à Bruxelles<br />
jean-michel.chasseri<strong>au</strong>x@clora.net<br />
© <strong>IRD</strong>/D. Barrete<strong>au</strong>
© <strong>IRD</strong>/D. Fernandez<br />
P l a n t e s e t p a r a s i t e s<br />
Ennemis<br />
intimes<br />
Les plantes et leurs parasites poursuivent<br />
un incessant combat où chaque parade<br />
entraîne une riposte de l’assaillant.<br />
À l’<strong>IRD</strong>, l’unité de recherche Diversité<br />
et génome des plantes cultivées (UR141 /UMRDGPC)<br />
étudie les mécanismes de défense des plantes<br />
et inventorie la diversité génétique<br />
qui les sous-tend afin d'améliorer la longévité<br />
de ces résistances, enjeu essentiel pour la plante.<br />
our survivre <strong>au</strong>x stress<br />
environnement<strong>au</strong>x, les<br />
plantes ont développé<br />
des mécanismes de défense<br />
variés. Des barrières<br />
chimiques ou mécaniques, des<br />
modifications métaboliques peuvent<br />
perturber, voire bloquer l’extension<br />
d’une maladie parasitaire. Parfois<br />
cependant, la mise en œuvre de stratégies<br />
plus élaborées s’avère nécessaire.<br />
Elles font appel à l’activation<br />
de gènes spécifiques de résistance<br />
dont les produits interagissent avec<br />
ceux des gènes dits d’avirulence<br />
(avr) du microorganisme. On parle<br />
alors de système ou d’interaction<br />
« gène pour gène » dont l’aboutissement,<br />
en cas d’incompatibilité entre<br />
l’hôte et le parasite, est la réaction<br />
Symptômes de rouille sur feuille<br />
de Coffea arabica infectée par<br />
le champignon Hemileia vastatrix.<br />
En réponse à cette attaque<br />
fongique, le caféier met en place<br />
une réaction d’hypersensibilité.<br />
d’hypersensibilité. Si la relation<br />
plante-microorganisme est compatible,<br />
le parasite est apte à contourner<br />
les défenses, il est dit virulent, la<br />
plante résiste mal ou pas du tout à la<br />
maladie.<br />
La réaction d’hypersensibilité est<br />
une forme de mort cellulaire génétiquement<br />
programmée, c’est-à-dire<br />
la capacité du végétal à sacrifier une<br />
partie de lui-même afin de circonscrire<br />
l’infection. Ce mécanisme,<br />
reconnu dès 1950, est un système<br />
h<strong>au</strong>tement efficace, redoutable pour<br />
le microorganisme, mais risqué pour<br />
la plante qui doit éviter son emballement.<br />
Par mutations, les microorganismes<br />
parviennent à s’adapter et à<br />
retrouver leur virulence, il ne reste<br />
plus à la plante qu’à trouver une<br />
<strong>au</strong>tre parade. C’est une course <strong>au</strong>x<br />
armements sans fin, en d’<strong>au</strong>tres<br />
termes une co-évolution. En conditions<br />
naturelles, l’acquisition d’une<br />
nouvelle résistance nécessite plu-<br />
sieurs générations. C’est là que se<br />
focalise la recherche, dont les<br />
acteurs souhaitent aider la plante en<br />
proposant des variétés à résistance<br />
durable.<br />
L’équipe Résistance des plantes (UMR<br />
DGPC, <strong>IRD</strong>-Cirad-université Montpellier<br />
II) développe des compétences<br />
sur le sujet depuis les années<br />
1990. Leurs recherches portent sur<br />
des plantes d’intérêt économique<br />
majeur pour les pays du <strong>Sud</strong>,<br />
sujettes à des attaques parasitaires<br />
dévastatrices. Il a fallu tout d’abord<br />
comprendre les mécanismes de base<br />
chez les microorganismes et chez les<br />
plantes, car la réaction d’hypersensibilité<br />
fait intervenir une variété de<br />
molécules impliquées dans des fonctions<br />
diverses telles la signalisation,<br />
l’activation<br />
de<br />
gènes<br />
du suicide<br />
cellulaire ou de défense des tissus<br />
infectés. Pour simplifier, lorsque les<br />
cellules de la plante se trouvent en<br />
présence du parasite, elles doivent<br />
percevoir sa présence, pour activer<br />
la réaction et le neutraliser en provoquant<br />
la mort des cellules déjà<br />
infectées.<br />
En amont de la réaction d’hypersensibilité,<br />
l’étude des déterminants<br />
génétiques a révélé des homologies<br />
dans les gènes de résistance isolés<br />
de différentes plantes. On retrouve<br />
dans les produits de ces gènes des<br />
motifs connus pour leur rôle dans les<br />
interactions protéine-protéine chez<br />
les anim<strong>au</strong>x. Les produits des gènes<br />
de résistance des plantes sont des<br />
protéines qui possèdent deux fonctions<br />
: reconnaître le parasite via le<br />
produit de son gène avr, puis moduler<br />
la transmission d’un signal<br />
d’alerte. Parfois, ce n’est pas directement<br />
le produit du gène avr qui est<br />
reconnu par la plante, mais une<br />
molécule dont il induit l’apparition.<br />
Ainsi pour expliquer l’interaction<br />
« gène pour gène » <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> biochimique,<br />
différentes combinaisons<br />
sont proposées, de la plus simple, où<br />
Site nourricier (S) induit par le nématode Meloidogyne exigua (N) dans<br />
une racine de Coffea arabica. Pour limiter la reproduction du nématode<br />
parasite, le caféier doit empêcher la formation de ce site.<br />
la protéine issue du gène avr se lie à<br />
la protéine réceptrice de l’hôte, produit<br />
du gène de résistance, à la plus<br />
complexe qui fait intervenir des protéines<br />
intermédiaires du parasite et<br />
de l’hôte. Un complexe de protéines<br />
est toujours le déclencheur de la<br />
réaction d’hypersensibilité.<br />
Une fois que les postes avancés de<br />
l’hôte ont capté la présence du parasite,<br />
le signal est transmis <strong>au</strong>x zones<br />
voisines de l’infection. Cette transmission<br />
implique des événements<br />
complexes, par exemple la production<br />
de formes réactives de l’oxygène, l’activation<br />
de protéines de liaison, la<br />
modification de l’équilibre ionique ou<br />
l’intervention d’enzymes spécialisés.<br />
Les formes réactives de l’oxygène<br />
apparaissent en faibles quantités dans<br />
le fonctionnement normal de tout<br />
organisme, mais produites à h<strong>au</strong>tes<br />
doses elles deviennent toxiques. La<br />
gestion des formes réactives de l’oxygène<br />
(production/élimination) constitue<br />
le stress oxydant, étape importante<br />
dans le contrôle de la réaction<br />
d’hypersensibilité. L’évolution de la<br />
cinétique de leur production dans une<br />
cellule végétale est donc différente<br />
selon qu’il s’agit d’une interaction<br />
compatible ou incompatible.<br />
Parmi les mécanismes complexes qui<br />
composent la réaction d’hypersensibilité,<br />
l’activation de certains gènes<br />
peut aboutir à la production de molécules<br />
de défense comme les phytoalexines<br />
qui ont une activité antimicrobienne<br />
puissante. Cette production<br />
est déclenchée par des sign<strong>au</strong>x de<br />
deuxième génération, en particulier<br />
les oxylipines, dérivés d’oxydation des<br />
lipides, dont l’acide jasmonique, une<br />
hormone également impliquée dans la<br />
défense des plantes.<br />
La résistance<br />
du cotonnier<br />
à la bactériose<br />
L es<br />
mécanismes génétiques et<br />
physiologiques de la résistance<br />
du cotonnier (Gossypium spp) à son<br />
principal agent pathogène microbien,<br />
la bactérie Xanthomonas campestris<br />
pv. malvacearum repose sur<br />
le concept gène pour gène. Les<br />
interactions entre la plante et ce<br />
parasite atteignent ici le maximum<br />
Les mécanismes décrits ci-dessus<br />
expliquent comment la plante bloque<br />
localement l’agresseur. Parallèlement,<br />
la résistance dite systémique<br />
s’exprime dans l’ensemble de la<br />
plante et lui permet de se défendre<br />
contre une plus large gamme<br />
d’agents pathogènes. La mise en<br />
place de cette résistance généralisée<br />
se réalise grâce à un rése<strong>au</strong> de communications<br />
intercellulaires. Des<br />
hormones, tel l’acide salicylique,<br />
sont libérées par les cellules initiales<br />
sièges de la réaction d’hypersensibilité<br />
et transmettent un message<br />
qui diffuse vers les <strong>au</strong>tres<br />
cellules, non infectées, et déclenche<br />
la réponse systémique.<br />
Ainsi, pour réagir <strong>au</strong>x infections, la<br />
plante produit des molécules très<br />
diverses impliquées dans un vaste<br />
rése<strong>au</strong> de mécanismes de défense<br />
dont la réaction d’hypersensibilité<br />
est la plus sophistiquée. En fonction<br />
de la nature de l’agresseur (champignon,<br />
bactérie, virus, nématode,<br />
insecte) la plante peut moduler son<br />
métabolisme pour favoriser une<br />
résistance locale ou générale.<br />
L’identification des stratégies de<br />
défense les plus efficaces pour chaque<br />
couple plante-parasite permet <strong>au</strong>x<br />
chercheurs d’identifier et de proposer<br />
pour les cultures des variétés présentant<br />
une meilleure résistance. ●<br />
En savoir plus<br />
Atlas de Biologie végétale, Associations<br />
et interactions chez les plantes,<br />
E. Duhoux et M. Nicole, 2004,<br />
Dunod-<strong>IRD</strong>, Paris, 176 pages, 28 €.<br />
Contact<br />
Michel Nicole,<br />
Michel.Nicole@mpl.ird.fr<br />
Réaction d’hypersensibilité vue<br />
<strong>au</strong> microscope, « suicide »<br />
cellulaire génétiquement<br />
programmé chez le cotonnier.<br />
de complexité connu. Une description complète de ces mécanismes vient<br />
d’être publiée, notamment par les chercheurs de l’équipe Résistance des<br />
plantes (<strong>IRD</strong>, UMR DGPC) 1 . Ils y décrivent en détail les gènes de résistance du<br />
cotonnier, les gènes d’avirulence de la bactérie, la réaction d’hypersensibilité,<br />
les hormones de signalisation, la synthèse de molécules antimicrobiennes (les<br />
phytoalexines) et la mort programmée des cellules de l’hôte. La résistance du<br />
cotonnier à Xanthomonas est l’un des rares cas où ces phytoalexines sont<br />
présentes dans les cellules de la réaction hypersensible à des doses efficaces<br />
contre l’agent pathogène. ●<br />
1. Resistance of cotton towards Xanthomonas campestris pv. malvacearum, Delannoy E.,<br />
Lyon B.R., Marmey P., Jalloul A., Daniel J.-F., Montillet J.-L., Essenberg M., Nicole M.,<br />
Annual Review of Phytopathology, 43: 63-82, 2005.<br />
© <strong>IRD</strong>/ M. Nicole<br />
© <strong>IRD</strong>/ F. Anthony<br />
Recherches<br />
plante par plante<br />
Bananier (Musa sp.)<br />
Quelles recherches ?<br />
Recherche de nouvelles sources de résistance<br />
<strong>au</strong>x nématodes (Pratylenchus coffeae,<br />
Radopholus simili, Meloidogyne<br />
incognita) ; Recherche de marqueurs<br />
biochimiques de la résistance<br />
Quels résultats ?<br />
Caractérisation de génotypes présentant<br />
une meilleure résistance<br />
Synthèse de flavonoides en réponses<br />
<strong>au</strong>x nématodes<br />
Quels partenaires ?<br />
Département Productions fruitières et<br />
horticoles du Cirad ; Pôle de Recherche<br />
Agronomique de Martinique (PRAM) ;<br />
Centre Africain de Recherches sur<br />
Bananiers et Plantains (Cameroun) ;<br />
Institut Brésilien de Recherche sur l’Agriculture<br />
et l’Élevage (Embrapa, Brésil)<br />
Caféier (Coffea arabica)<br />
Quelles recherches ?<br />
Génomique de la résistance à la rouille<br />
(Hemileia vastatrix) et <strong>au</strong>x nématodes<br />
(Meloydogine exigua, M. arabicida,<br />
M. incognita) ; Évaluation de la résistance<br />
des caféiers <strong>au</strong>x nématodes et à<br />
l’anthracnose (Colletotrichum kahawae);<br />
Amélioration par croisements des variétés<br />
résistantes ; Préservation de la qualité<br />
du café à la tasse<br />
Quels résultats ?<br />
Cartographie des gènes de résistance à<br />
la rouille et <strong>au</strong>x nématodes<br />
Élucidation des mécanismes moléculaire<br />
et cellulaire de la réaction d’hypersensibilité<br />
chez le couple café / rouille<br />
et café / nématodes<br />
Explicitation des mécanismes de la<br />
résistance à l’anthracnose<br />
Validation <strong>au</strong> champ de génotypes<br />
résistant à l’anthracnose<br />
Quels partenaires ?<br />
Coffee Research Foundation (Kenya)<br />
Ethiopian Agricultural Research Organization<br />
(Éthiopie) ; Coffee Research Institute<br />
(Inde) ; Catie, Promecafe (Costa<br />
Rica) ; Embrapa et Institut Agronomique<br />
de Campinas (Brésil) ; Centre de<br />
recherche sur les rouilles du caféier<br />
(Portugal) ; UMR Génomique appliquée<br />
<strong>au</strong>x caractères agronomiques (PIA) ;<br />
Province <strong>Sud</strong> (DDR) de Nouvelle-<br />
Calédonie ; université de Bonn (Allemagne)<br />
Cotonnier (Gossypium sp.)<br />
Quelles recherches ?<br />
Étude de la réaction d’hypersensibilité<br />
du cotonnier à la bactériose c<strong>au</strong>sée par<br />
Xanthomonas campestris pv malvacearum<br />
Quels résultats ?<br />
Démonstration du rôle de l’oxydation<br />
des lipides dans le contrôle de la réaction<br />
d’hypersensibilité<br />
Quels partenaires ?<br />
Faculté d’agronomie de Damas (Syrie)<br />
CEA (Cadarache, France)<br />
Riz (Oryza sp.)<br />
Quelles recherches ?<br />
Mécanismes du contournement de la<br />
résistance du riz <strong>au</strong> virus de la panachure<br />
j<strong>au</strong>ne (RYMV) ; Caractérisation de<br />
la résistance du riz <strong>au</strong>x nématodes<br />
(H. sacchari et M. graminicola)<br />
Quels résultats ?<br />
Mise en évidence du contournement<br />
de la résistance par le RYMV<br />
Connaissance du déterminisme de<br />
l’avirulence du RYMV<br />
Caractérisation de la spécificité de la<br />
résistance <strong>au</strong>x nématodes<br />
Évaluation <strong>au</strong> champ de lignées de riz<br />
résistantes <strong>au</strong>x nématodes<br />
Quels partenaires ?<br />
Inera, Institut de Recherches Agronomiques<br />
(Burkina Faso) ; Adrao, (Bénin) ;<br />
Fofifa, Institut agronomique malgache<br />
(Madagascar) ; université de Dar es-<br />
Salam (Tanzanie) ; Irri (Philippines) ; UR121<br />
Génome et développement des plantes<br />
(CNRS, <strong>IRD</strong>, université de Perpignan) ●<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
Recherches<br />
7
Recherches<br />
© <strong>IRD</strong>/O. Dargouge<br />
8<br />
« Un exemple<br />
de souveraineté<br />
partagée »<br />
par Mohamed Salem OULD MERZOUG,<br />
H<strong>au</strong>t-Commissaire de l’OMVS<br />
« La coopération transfrontalière Mali -<br />
M<strong>au</strong>ritanie - Sénégal plonge ses racines<br />
dans l'histoire de la construction de<br />
l'Organisation pour la mise en valeur<br />
du fleuve Sénégal. La dynamique d'intégration<br />
a régulièrement progressé<br />
pour aboutir, <strong>au</strong>jourd'hui, à un<br />
exemple unique de souveraineté partagée...<br />
Le moteur de cette dynamique<br />
découle de la mise <strong>au</strong> point d'un<br />
ensemble d'outils intégrés d'action et<br />
d'aide à la décision, gages d'une gestion<br />
optimisée et transparente des ressources<br />
en e<strong>au</strong> dans un contexte caractérisé<br />
par le binôme insuffisance et<br />
aléas... À cet effet, l'OMVS a construit,<br />
avec l'<strong>IRD</strong>, un partenariat stratégique<br />
articulé, entre <strong>au</strong>tres éléments, <strong>au</strong>tour<br />
de l'amélioration des logiciels déjà opérationnels,<br />
leur appropriation par le<br />
H<strong>au</strong>t-Commissariat de l'OMVS et par les<br />
membres de la Commission permanente<br />
des e<strong>au</strong>x et l'approfondissement<br />
des simulations<br />
par l'intégration des<br />
prévisions de la chaîne<br />
Arpège de Météo France…<br />
Ces outils “hydr<strong>au</strong>liques”…<br />
ont servi de cadre à<br />
l'élaboration de<br />
la Charte des<br />
e<strong>au</strong>x du fleuve<br />
Sénégal (28 mai<br />
2002), qui définit<br />
<strong>au</strong>jourd'hui<br />
les règles de<br />
répartition des<br />
e<strong>au</strong>x entre les<br />
usages. » ●<br />
Mohamed Salem OULD MERZOUG,<br />
H<strong>au</strong>t-Commissaire de l’OMVS.<br />
Clés en main<br />
Pour consolider les acquis du POGR et<br />
mieux s’approprier la maîtrise des outils<br />
développés dans ce cadre, le H<strong>au</strong>t-<br />
Commissariat de l'OMVS souhaite poursuivre<br />
la coopération avec l'<strong>IRD</strong> durant<br />
les années 2005 et <strong>2006</strong>. L'appui de<br />
l’<strong>IRD</strong> <strong>au</strong>x services techniques de l'OMVS<br />
est réalisé par les personnels de l’UR183-<br />
UMR G-EAU.<br />
Ce programme de transfert des<br />
connaissances a débuté à Dakar par un<br />
atelier de familiarisation des membres<br />
de la Commission permanente des<br />
e<strong>au</strong>x (CPE) <strong>au</strong> logiciel Simulsen. Ceci en<br />
lien avec la préparation des réunions de<br />
la CPE, notamment celle du mois d'août<br />
devant aboutir à la programmation du<br />
soutien de crue.<br />
Les hydrologues des États membres, du<br />
H<strong>au</strong>t-Commissariat, de la Sogem (gestionnaire<br />
de Manantali) et de la Soged<br />
(gestionnaire de Diama) seront formés<br />
sur le terrain à l'installation et à l'entretien<br />
des stations radio de télétransmission<br />
des observations hydropluviométriques.<br />
Les formations prennent en<br />
compte les techniques récentes mises<br />
<strong>au</strong> point par I'<strong>IRD</strong>.<br />
Feront ainsi l’objet de sessions de formation<br />
toutes les connaissances<br />
acquises de 1997 à 2004 notamment<br />
en matière de modélisation, d’analyse<br />
d’images satellitaires, d’utilisation de la<br />
base de données Hydraccess de logiciels<br />
(Progeman, Gesdiam).<br />
La prévision saisonnière des ressources<br />
en e<strong>au</strong> à Bakel ayant été rendue opérationnelle<br />
et précise, une formation sera<br />
organisée afin de mettre en place, avec<br />
le logiciel Simulsen, une prévision des<br />
volumes écoulés à Bakel en septembre<br />
et octobre. L'intérêt économique d’une<br />
telle prévision à 3 mois sera ensuite<br />
évalué. ●<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
V a l l é e d u f l e u v e S é n é g a l<br />
Une ressource bi<br />
L’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS)<br />
qui regroupe quatre pays d’Afrique de l’Ouest<br />
(Guinée, Mali, M<strong>au</strong>ritanie, Sénégal) dispose désormais des outils<br />
de gestion des ressources en e<strong>au</strong> du bassin du fleuve Sénégal.<br />
L’unité de recherche Gestion de l'e<strong>au</strong>, acteurs et usages (UR183-UMR G-EAU1 bi<br />
)<br />
a développé une méthodologie analytique visant à optimiser<br />
la gestion du barrage implanté à Manantali (Mali).<br />
La phase de transfert des connaissances et des outils prolonge<br />
actuellement l’appui scientifique qui a porté ses fruits.<br />
ong de 1 800 km, le<br />
fleuve Sénégal est<br />
caractérisé par une<br />
crue annuelle de juillet<br />
à octobre, essentiellement<br />
alimentée par la mousson sur<br />
le h<strong>au</strong>t bassin (Guinée, Mali) et suivie<br />
d’un tarissement progressif pouvant<br />
aboutir à l’arrêt total de l’écoulement<br />
de <strong>mars</strong>-<strong>avril</strong> à mai ou juin. À<br />
l’aval de Bakel (Sénégal), à plus de<br />
800 km de l’embouchure, la crue ne<br />
reçoit plus que des apports assez<br />
faibles et se propage dans une vallée<br />
à très faible pente où elle inonde un<br />
vaste lit majeur, <strong>au</strong> grand bénéfice<br />
de l’environnement et de l’agriculture<br />
traditionnelle sur les deux<br />
rives du fleuve (M<strong>au</strong>ritanie, Sénégal) :<br />
recharge des nappes phréatiques,<br />
frayères pour la f<strong>au</strong>ne piscicole,<br />
pâturages pour le bétail, forêts<br />
comme source de combustible,<br />
cultures de décrue. Or cette ressource<br />
en e<strong>au</strong>, vitale pour les populations<br />
des pays limitrophes, subit<br />
les caprices climatiques. D’une part,<br />
l’écoulement naturel du fleuve est<br />
très variable d’une année à l’<strong>au</strong>tre.<br />
D’<strong>au</strong>tre part, la faiblesse globale des<br />
écoulements dès les années 1970 et<br />
surtout la succession de crues très<br />
faibles dans les années 1980 ont eu<br />
des conséquences catastrophiques.<br />
Pour pallier ces aléas, le barrage de<br />
Manantali (Mali) a été mis en service<br />
en 1987 par l’OMVS. Il devait produire<br />
de l’énergie et réguler les débits de<br />
façon à satisfaire les multiples<br />
besoins en e<strong>au</strong>. De fait, il contrôle<br />
environ la moitié des écoulements du<br />
fleuve, produit annuellement 800 Gwh<br />
d’électricité et permet d’irriguer plus<br />
de 120000 hectares de terres dans<br />
la vallée, grâce à des volumes d’e<strong>au</strong>x<br />
relâchés tout <strong>au</strong> long de l’année.<br />
Mais rien n’est simple car ces<br />
lâchers ne sont possibles qu’après un<br />
stockage partiel du volume de crue.<br />
Ceci affaiblit l’inondation du lit<br />
majeur, <strong>au</strong> détriment des cultures de<br />
décrue encore vitales pour les populations<br />
et de l’équilibre écologique de<br />
la vallée, très lié à la crue annuelle.<br />
Pour limiter ces impacts négatifs, le<br />
barrage doit donc assurer un soutien<br />
de crue potentiellement pénalisant<br />
pour les <strong>au</strong>tres usages.<br />
Comment concilier tous les objectifs<br />
assignés à cet ouvrage hydr<strong>au</strong>lique ?<br />
C’est à cette question qu’a été consacrée<br />
une grande partie du Programme<br />
d’optimisation de gestion<br />
des réservoirs (POGR) réalisé entre<br />
1997 et 2002 par l’<strong>IRD</strong> à la demande<br />
© <strong>IRD</strong>/X. Le Roy<br />
de l’OMVS, sur financement du Fonds<br />
d’aide pour la coopération (France)<br />
et de la Banque mondiale.<br />
Le premier objectif consistait à définir<br />
un soutien de crue permettant<br />
d’obtenir une superficie donnée de<br />
cultures de décrue, tout en lâchant<br />
le moins possible d’e<strong>au</strong> afin de minimiser<br />
les pertes de production<br />
d’électricité car les débits dépassant<br />
la capacité des turbines doivent être<br />
partiellement déversés.<br />
À cette fin, des modélisations ont été<br />
établies à partir de données de différentes<br />
natures : chroniques journalières<br />
de cote du plan d’e<strong>au</strong> (certaines<br />
remontent jusqu’à 1904 pour<br />
les principales stations), mesures de<br />
débit, statistiques agricoles de<br />
superficies de cultures de décrue<br />
(période 1946-1999), imagerie<br />
satellitaire. Outre des modélisations<br />
des nive<strong>au</strong>x de plans d’e<strong>au</strong>, des<br />
superficies inondées et des relations<br />
nive<strong>au</strong>-débit, un des aboutissement<br />
du POGR est la mise <strong>au</strong> point de<br />
modèles de propagation (en débit ou<br />
en cote) le long du fleuve.<br />
Ces modélisations ont ensuite servi à<br />
définir l’hydrogramme (débit en fonction<br />
du temps), objectif minimal de<br />
crue du Sénégal à Bakel, en fonction<br />
de la superficie de cultures de décrue<br />
envisagée. Cet hydrogramme assure<br />
la submersion des zones à cultiver<br />
pendant <strong>au</strong> moins 25 jours, créant<br />
une réserve d’e<strong>au</strong> suffisante dans le<br />
sol pour le développement des plantes<br />
jusqu’à maturité. Sont corrélées à cet<br />
hydrogramme une procédure de calcul<br />
du débit à libérer à Manantali en<br />
fonction des débits naturels observés<br />
sur le Bakoye et la Falémé (affluents<br />
du fleuve Sénégal) et la détermination<br />
du meilleur moment dans l’année<br />
pour effectuer le soutien de crue<br />
sans trop déstocker à Manantali. La<br />
date optimale se situe fin août, elle<br />
est suffisamment précoce pour permettre<br />
le développement complet des<br />
cultures de décrue avant la saison<br />
froide.<br />
Une fois défini comment dépenser le<br />
moins d’e<strong>au</strong> possible pour obtenir une<br />
crue fournissant une superficie de<br />
cultures de décrue donnée, la question<br />
est de savoir quelle superficie<br />
viser pour ne pas grever exagérément<br />
la production d’énergie. La réponse<br />
est apportée par le logiciel Simulsen<br />
développé par les chercheurs de l’<strong>IRD</strong>,<br />
qui permet de simuler jour par jour la<br />
gestion du barrage. Plus de 200 scénarios<br />
de gestion ont ainsi été testés<br />
pour Manantali sur la base des débits<br />
naturels observés entre 1970 et<br />
2000. Les résultats obtenus par<br />
simulation numérique permettent de<br />
Enfants repiquant des plants d'oignons sur une parcelle en cours d'irrigation.<br />
À l’embouchure du fleuve Sénégal, le barrage de Diama empêche,<br />
en période d’étiage, que les e<strong>au</strong>x salées de la mer viennent envahir<br />
la vallée du fleuve sur des centaines de kilomètres.<br />
choisir des règles de gestion qui respectent<br />
un juste équilibre entre les<br />
différents objectifs du barrage.<br />
Ces avancées concrètes permettent<br />
à la Commission permanente des<br />
e<strong>au</strong>x du fleuve Sénégal, réunie<br />
chaque année vers le 20 août, de<br />
programmer depuis 2002 le soutien<br />
de crue. L’hydrogramme objectif de<br />
© <strong>IRD</strong>/J.P. Lamagat<br />
© <strong>IRD</strong>/J.P. Lamagat<br />
crue, défini en fonction d’un compromis<br />
adopté par les différents pays,<br />
est choisi en tenant compte du stock<br />
en e<strong>au</strong> disponible dans le réservoir à<br />
cette date cruciale.<br />
Pour affiner encore cette programmation,<br />
il f<strong>au</strong>t tenir compte des possibilités<br />
de reconstitution du stock jusqu’en<br />
fin de mousson, qui dépendent<br />
be<strong>au</strong>coup de la crue naturelle du<br />
fleuve à Bakel durant les mois de<br />
septembre et octobre. C’est pourquoi<br />
l’<strong>IRD</strong>, associé à Météo France, s’est<br />
intéressé <strong>au</strong> problème de la prévision<br />
saisonnière des débits du fleuve<br />
Sénégal. La démarche consiste à utiliser<br />
les prévisions saisonnières de<br />
pluviométrie établies fin juillet pour<br />
les 4 mois à venir par le modèle<br />
Arpège Climat de Météo France.<br />
Outre la programmation, le POGR a<br />
également fourni les instruments de<br />
gestion en temps réel des deux<br />
grands barrages, Manantali et<br />
Diama. Ce dernier, situé à proximité
en répartie<br />
de l’embouchure du fleuve, est un<br />
barrage anti-sel. Il prévient l’envahissement<br />
de centaines de kilomètres<br />
du fleuve par les e<strong>au</strong>x salées<br />
de la mer en période d’étiage. Clé de<br />
voûte du système, un rése<strong>au</strong> de<br />
postes radio a été installé sur certaines<br />
stations, permettant <strong>au</strong>x gestionnaires<br />
des barrages de connaître<br />
quotidiennement la situation hydrologique<br />
sur l’ensemble du bassin.<br />
Ces données sont à leur tour utilisées<br />
par les logiciels Progeman et<br />
Gesdiam qui sont des outils d’aide à<br />
la gestion des deux ouvrages et sont<br />
assortis de manuels de gestion.<br />
L’ensemble a été transmis à l’OMVS et<br />
est opérationnel depuis 2002.<br />
Outre diverses sessions de formation<br />
organisées entre 1997 et 2002, un<br />
programme spécifique de transfert<br />
des connaissances est mené <strong>au</strong>près<br />
de l’OMVS en 2005 et <strong>2006</strong> pour renforcer<br />
la maîtrise des outils transférés<br />
<strong>au</strong>x agents de ce partenaire.<br />
Le barrage de Manantali (Mali),<br />
sur le fleuve Sénégal, et ses<br />
installations hydroélectriques.<br />
Mis en service en 1987,<br />
il fournit 800 Gwh d’électricité<br />
et permet l’irrigation régulière<br />
de plus de 120 000 ha<br />
dans la vallée.<br />
Le projet POGR a produit des<br />
méthodes, outils et résultats qui sont<br />
utilisés par l’OMVS pour atteindre les<br />
objectifs de gestion de ses barrages<br />
tout en minimisant les impacts négatifs.<br />
À ce titre, il est perçu par la<br />
commun<strong>au</strong>té internationale comme<br />
un exemple de coopération aboutie<br />
et l’OMVS et l’<strong>IRD</strong> exposent les résultats<br />
obtenus <strong>au</strong> 4 e Forum mondial de<br />
l’e<strong>au</strong>, en <strong>mars</strong> <strong>2006</strong> à Mexico. ●<br />
1. Unité mixte Cemagref, Cirad, Engref, <strong>IRD</strong>.<br />
Contacts<br />
Jean-Cl<strong>au</strong>de Bader<br />
bader@mpl.ird.fr<br />
Jean-Pierre Lamagat<br />
lamagat@ird.sn<br />
WEB www.mpl.ird.fr/divha,<br />
www.montpellier.<br />
cemagref.fr/ irrigation/,<br />
www.omvs.org<br />
© <strong>IRD</strong>/J.P. Lamagat<br />
© <strong>IRD</strong>/ J.P. Lamagat<br />
© <strong>IRD</strong>/J.P. Lamagat<br />
Prévision<br />
saisonnière<br />
a prévision du stock<br />
d’e<strong>au</strong> disponible dans le<br />
réservoir à la fin de la<br />
saison des pluies facilite<br />
la programmation du<br />
soutien de crue opéré de fin août à<br />
mi-octobre par le barrage de<br />
Manantali. Pour atteindre cet objectif<br />
on prévoit en août le volume d’écoulement<br />
naturel du fleuve à Bakel pour<br />
septembre-octobre, à partir des<br />
indices de pluie simulés fin juillet sur<br />
l’Afrique de l’Ouest pour les 4 mois<br />
suivants par Arpège Climat, modèle<br />
mis <strong>au</strong> point par Météo France. Les<br />
résultats obtenus – calés sur la<br />
période 1979-2000 et validés sur<br />
2001-2005 – présentent une assez<br />
bonne corrélation entre volumes réels<br />
et prévus. Les simulations réalisées<br />
montrent que l’utilisation de ces prévisions<br />
pour gérer Manantali permettrait<br />
d’obtenir environ 80 % des<br />
bénéfices obtenus par une prévision<br />
théoriquement parfaite. Ces premiers<br />
résultats assez encourageants ont<br />
conduit l’<strong>IRD</strong>, dont le contrat se termine<br />
en 2007, à prendre l’initiative<br />
de rapprocher l’OMVS et Météo France<br />
afin de signer (novembre 2005) un<br />
protocole de fourniture des résultats<br />
d’Arpège Climat pour les 10 années à<br />
venir : « Chaque année, <strong>au</strong> début de la<br />
saison des pluies, Météo France fournira<br />
à l’OMVS des indices mensuels de<br />
précipitations concernant la zone<br />
d’alimentation en pluie du bassin du<br />
fleuve Sénégal. » Ce modèle de prévisions<br />
saisonnières continue d’être<br />
amélioré conjointement par l’<strong>IRD</strong> et<br />
Météo France grâce à l’utilisation de<br />
nouvelles données. ●<br />
Les chutes de Gouina (Mali) à une centaine de kilomètres en aval<br />
du barrage de Manantali, site d’un projet d’aménagement<br />
hydroélectrique <strong>au</strong> fil de l’e<strong>au</strong> qui, tirant profit de l’e<strong>au</strong> libérée<br />
par Manantali, viendrait en <strong>au</strong>gmenter la capacité hydroélectrique.<br />
Des outils sur mesure<br />
O utils<br />
d’aide à la gestion stratégique,<br />
le logiciel Simulsen<br />
permet de simuler avec un pas de<br />
temps journalier la gestion opérationnelle<br />
d’un barrage à objectifs<br />
multiples, tel que celui de<br />
Manantali. Les résultats de ces<br />
simulations servent à évaluer les<br />
performances potentielles de l’ouvrage<br />
et la satisfaction de ses objectifs,<br />
en fonction de ses caractéristiques<br />
techniques, des apports en<br />
e<strong>au</strong> et des consignes de gestion<br />
envisagés. Son second objectif<br />
consiste à déterminer pour tout<br />
moment de l’année, les limites minimales<br />
ou maximales de nive<strong>au</strong> de<br />
plan d’e<strong>au</strong> à respecter dans le<br />
réservoir pour pouvoir atteindre<br />
certains objectifs de gestion avec un<br />
t<strong>au</strong>x de réussite donné. En plus de<br />
l’étude d’optimisation du barrage de<br />
Manantali, Simulsen a été utilisé<br />
dans le cadre de deux avant-projets<br />
de réalisation du barrage de<br />
Sambangalou sur le fleuve Gambie.<br />
Le logiciel Progeman apporte une<br />
aide à la gestion en temps réel du<br />
barrage de Manantali. Il permet<br />
tout d’abord de tenir à jour une<br />
banque de données concernant les<br />
apports en e<strong>au</strong> sur le h<strong>au</strong>t bassin du<br />
Sénégal, l’état de la retenue et les<br />
réglages des vannes de l’ouvrage,<br />
ainsi que la liste des consignes de<br />
gestion à respecter. Sa fonction<br />
principale consiste ensuite à calculer<br />
en temps réel le débit qu’il est<br />
nécessaire de lâcher par chaque<br />
organe d’évacuation (vannes de surface<br />
et de fond, turbines) pour<br />
satisfaire <strong>au</strong> mieux les objectifs de<br />
gestion, compte tenu de la situation<br />
hydrologique.<br />
Le logiciel Gesdiam fournit une aide<br />
à la gestion en temps réel du barrage<br />
de Diama en calculant principalement,<br />
à partir des données de<br />
nive<strong>au</strong>x de plans d’e<strong>au</strong> amont et aval<br />
et des réglages de vannes, les débits<br />
lâchés instantanés et les énergies<br />
dissipées associées. Il détermine<br />
également, en fonction du nive<strong>au</strong><br />
amont, les plages d’ouverture de<br />
vannes qu’il est nécessaire d’éviter<br />
pour ne pas entraîner une dissipation<br />
d’énergie excessive, dangereuse<br />
pour la sécurité de l’ouvrage.<br />
Hydraccess est un logiciel d'hydrologie<br />
à vocation générale, qui allie une<br />
gestion complète de bases de données<br />
hydrométriques avec de nombreux<br />
traitements, réalisés en prise directe<br />
sur ces bases. La première version<br />
date de 2001. Amélioré depuis, il<br />
peut être téléchargé gratuitement<br />
(http://www.mpl.ird.fr/hybam/outils/<br />
hydraccess.htm). En huit mois, Hydraccess<br />
a été téléchargé par<br />
280 personnes appartenant à plus<br />
de 100 institutions différentes et travaillant<br />
dans 35 pays. La dernière<br />
version qui contient toute l’information<br />
concernant le bassin du fleuve<br />
Sénégal sera installée â l'OMVS et le<br />
personnel formé à son utilisation. ●<br />
© <strong>IRD</strong>/H. Maïga<br />
© <strong>IRD</strong>/M. Dukhan<br />
Témoignage<br />
Entretien avec<br />
Noël Guiguen,<br />
Dakar<br />
Parmi les intervenants <strong>IRD</strong> du programme<br />
POGR, chacun avait son rôle :<br />
Jean-Pierre Lamagat était le coordinateur<br />
du programme et le conseiller<br />
<strong>au</strong>près de l’OMVS, Jean-Cl<strong>au</strong>de Bader le<br />
chercheur-modélisateur basé à Montpellier<br />
et Noël Guiguen, hydrologue de<br />
terrain, était plus spécialement chargé<br />
d’effectuer des mesures sur les sites<br />
(stations et cuvettes) en utilisant les<br />
technologies les plus récentes (ADCP,<br />
DGPS, appareils numériques, etc.). Ces<br />
informations, une fois contrôlées, ont<br />
été regroupées dans des banques de<br />
données gérées par le logiciel<br />
Hydraccess, développé par Philippe<br />
V<strong>au</strong>chel.<br />
N. Guiguen a connu le fleuve Sénégal à<br />
l’état naturel, avant les barrages puisqu’il<br />
a été sur le terrain de 1973 à 1976<br />
et après le barrage, de 1998 à <strong>2006</strong>.<br />
Maintenant près de la retraite, il se<br />
souvient que le régime du fleuve a bien<br />
changé après l’installation des<br />
ouvrages mais <strong>au</strong>ssi à c<strong>au</strong>se de la centrale<br />
électrique : avant que celle-ci ne<br />
soit installée, les lâchers de soutien de<br />
crue étaient faits annuellement entre<br />
1987 et 2002. Depuis que la centrale<br />
est en fonctionnement à Manantali, le<br />
débit moyen d’environ 200 m 3 /s destiné<br />
à passer dans les turbines pour<br />
produire de l’électricité ne permet pas<br />
toujours un lâcher de soutien de crue,<br />
par exemple en 2004, il n’y en a pas<br />
eu, la réserve d’e<strong>au</strong> n’étant pas suffisante.<br />
Depuis Dakar, Noël Guiguen est en<br />
contact radio quotidien avec les personnels<br />
de l’OMVS en charge de la gestion<br />
des barrages et de la surveillance permanente<br />
des stations du fleuve, une<br />
douzaine situées <strong>au</strong> Mali et <strong>au</strong> Sénégal.<br />
Ces observateurs, souvent anciens, sont<br />
très consciencieux et heureux d’apporter<br />
leur contribution à la bonne gestion<br />
de leur fleuve. « Ceux-ci passent une à<br />
deux fois par jour, voire trois fois en<br />
période de crue. Un des jeunes techniciens<br />
du service Annonce de crues en<br />
poste à Bakel, la station principale,<br />
m’appelle familièrement “papa” car j’ai<br />
travaillé il y a 30 ans avec son père qui<br />
remplissait les mêmes fonctions que lui<br />
<strong>au</strong>jourd’hui ! » ●<br />
Contact<br />
guiguen@ird.sn<br />
Relevé hydrologique du nive<strong>au</strong><br />
du fleuve Sénégal à la h<strong>au</strong>teur<br />
de Podor.<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
Recherches<br />
9
Recherches<br />
10<br />
Histoire<br />
d’une réserve<br />
Située <strong>au</strong> nord du Niger, la réserve<br />
naturelle nationale de l’Aïr et du<br />
Ténéré est l’une des plus vastes aires<br />
protégées du continent africain. Le<br />
massif de l’Aïr, culminant à plus de<br />
2 000 m d’altitude, abrite une flore et<br />
une f<strong>au</strong>ne représentatives des écosystèmes<br />
arides et semi-arides d’Afrique<br />
de l’Ouest. L’Aïr est essentiellement<br />
habité par des éleveurs ou agriculteurs<br />
touaregs, en partie nomades, très<br />
dépendants des ressources naturelles.<br />
D’une aridité extrême et inhabité (hormis<br />
lors du passage de caravanes), l’erg<br />
du Ténéré se caractérise par une<br />
richesse paysagère exceptionnelle. La<br />
biodiversité remarquable mais extrêmement<br />
fragile de cette région, lentement<br />
façonnée par l’aridité et le relief, est<br />
<strong>au</strong>jourd’hui menacée par le développement<br />
accéléré des activités humaines<br />
(intensification de l’agriculture, coupe<br />
de bois de feu, braconnage…) mais<br />
<strong>au</strong>ssi par la sécheresse.<br />
Les premiers projets de conservation de<br />
l’Aïr-Ténéré remontent <strong>au</strong> milieu des<br />
années 1970. Ils avaient le souci<br />
d’éviter l’extinction d’espèces emblématiques<br />
de la grande f<strong>au</strong>ne saharosahélienne<br />
(oryx, addax) ou la raréfaction<br />
d’<strong>au</strong>tres espèces menacées<br />
(guépard, <strong>au</strong>truche à cou rouge,<br />
gazelle daman…). La réserve est officiellement<br />
créée par l’administration<br />
nigérienne en 1988. Le « sanctuaire<br />
des addax » (1,3 million d’hectares),<br />
intégralement protégé, constitue le<br />
noy<strong>au</strong> central de la réserve nationale<br />
(7,7 millions d’hectares) qui bénéficie<br />
d’un statut de protection moins<br />
contraignant. La création de l’aire protégée<br />
a suscité rapidement un intérêt<br />
d’envergure internationale : en 1991,<br />
elle est inscrite sur la liste des sites du<br />
patrimoine mondial de l’Unesco, puis<br />
intégrée <strong>au</strong> rése<strong>au</strong> des réserves de biosphère<br />
du programme MAB (Man and<br />
Biosphere). En termes d’approche de la<br />
conservation, la réserve de l’Aïr-Ténéré<br />
s’est révélée novatrice : les différents<br />
projets de gestion qui se sont succédé<br />
ont rapidement réorienté les objectifs<br />
initi<strong>au</strong>x de stricte préservation, d’où<br />
l’Homme était exclu, pour responsabiliser<br />
et impliquer les populations locales<br />
dans la gestion des ressources naturelles.<br />
Ceci s’est notamment traduit par<br />
la reconnaissance et la délimitation <strong>au</strong><br />
sein de la réserve de « terrains de parcours<br />
», espaces nécessaires <strong>au</strong>x pasteurs<br />
ou agro-pasteurs pour réaliser un<br />
cycle annuel de production. Il était également<br />
prévu de créer des assemblées<br />
constituées de représentants élus de<br />
manière à assurer la participation des<br />
populations <strong>au</strong>x décisions dans la gestion<br />
de cette aire protégée.<br />
Après plusieurs années d’abandon dû à<br />
la rébellion touarègue et à des dissensions<br />
<strong>au</strong> sein du programme<br />
de gestion, la f<strong>au</strong>ne et le cou-<br />
Cavalier<br />
touareg.<br />
vert végétal se sont nettement<br />
dégradés. Un<br />
nouve<strong>au</strong> projet de<br />
gestion a été lancé<br />
en 2005, financé<br />
par le Fonds<br />
pour l’environnement<br />
mondial. En<br />
parallèle, un<br />
suivi écologique<br />
à long terme de la réserve sera<br />
mis en œuvre par le programme Roselt-<br />
Niger, dans le cadre de l’Observatoire<br />
du Sahara et du Sahel. ●<br />
© <strong>IRD</strong>/P. Cayré<br />
Paysage de la réserve dominé par<br />
des touffes de Panicum turgidum,<br />
"plante nurse". Au fond,<br />
les montagnes de l'Aïr font place<br />
<strong>au</strong>x dunes du Ténéré.<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
© <strong>IRD</strong>/F. Anthelme<br />
Quel développement<br />
durable pour<br />
l’Aïr-Ténéré ?<br />
La pression démographique, l’intensification<br />
de l’agriculture et la sécheresse<br />
menacent <strong>au</strong>jourd’hui la fragile biodiversité<br />
de la réserve naturelle de l’Aïr-Ténéré.<br />
Des chercheurs de l’université de Niamey<br />
et de l’<strong>IRD</strong> étudient les écosystèmes de cette aire<br />
protégée et évaluent l’impact des changements<br />
en cours pour que, à terme, conservation<br />
et développement puissent se concilier<br />
dans cette région inscrite<br />
<strong>au</strong> patrimoine mondial de l’Unesco.<br />
u sein de la réserve<br />
naturelle de l’Aïr-<br />
Ténéré <strong>au</strong> nord du<br />
Niger, la conservation<br />
des écosystèmes est<br />
mise en péril par les effets combinés<br />
d’un climat aride et aléatoire, et par<br />
des mutations socio-économiques récentes<br />
liées à un accroissement démographique<br />
élevé. Dans ce contexte, un<br />
programme de recherches pluridisciplinaires<br />
associant l’<strong>IRD</strong> (UR136) 1 et<br />
l’université de Niamey a été mis en<br />
œuvre de 2003 à 2005. Ces trav<strong>au</strong>x<br />
ont notamment visé à identifier les<br />
espèces indispensables à l’écosystème,<br />
à mieux connaître certains<br />
milieux jusqu’alors peu étudiés <strong>au</strong><br />
sein de la réserve, en particulier<br />
ceux d’altitude, et à comprendre les<br />
interactions entre l’Homme et l’environnement<br />
dans les zones cultivées.<br />
Ces trois thématiques ont permis<br />
d’intéressantes avancées en termes<br />
de compréhension des processus<br />
écologiques en milieu aride.<br />
Plantes nurses<br />
Renforcée par les sécheresses, la<br />
surexploitation du milieu par<br />
l’Homme et son bétail conduit, dans<br />
la réserve de l’Aïr-Ténéré, à une<br />
dégradation importante du couvert<br />
végétal, notamment des steppes qui<br />
constituent les écosystèmes les plus<br />
importants en termes de ressources.<br />
« Nous avons donc tenté d’identifier<br />
certaines plantes, dites “nurses” 2 ,<br />
qui peuvent freiner cette dégradation<br />
et régénérer le couvert végétal.<br />
Cela avait été démontré expérimentalement<br />
dans d’<strong>au</strong>tres écosystèmes<br />
arides, mais jamais en milieu saharien,<br />
souligne Fabien Anthelme,<br />
chargé de recherche à l’<strong>IRD</strong>. Nous<br />
avons mis en évidence le fait que de<br />
nombreuses espèces végétales utilisent<br />
des touffes de Panicum turgidum<br />
(famille des Poacées) comme<br />
refuges face à un environnement<br />
hostile. Celles-ci semblent bénéficier<br />
de la protection des tiges et du socle<br />
de terre formé par la plante nurse. »<br />
Les trav<strong>au</strong>x indiquent que P. turgidum<br />
facilite le développement des<br />
jeunes Acacia grâce à deux effets<br />
positifs <strong>au</strong> moins : d’une part, en les<br />
protégeant efficacement contre les<br />
anim<strong>au</strong>x herbivores ; d’<strong>au</strong>tre part,<br />
en diminuant l’amplitude thermique<br />
journalière et en réduisant la perte<br />
d’e<strong>au</strong> chez les plantes qui lui sont<br />
associées, pendant les heures les<br />
plus ch<strong>au</strong>des de la journée. « Cet<br />
exemple montre que la connaissance<br />
de certains processus écologiques<br />
majeurs, ici les interactions positives<br />
entre espèces, peut être un élément<br />
clé pour la protection durable<br />
de l’environnement dans les aires<br />
protégées », précise le chercheur.<br />
Les jardins de l’Aïr<br />
Dans le centre et le sud de l’Aïr, sur<br />
les berges des koris 3 , les jardins,<br />
petites surfaces de cultures irriguées<br />
(1 à 2 hectares), se multiplient<br />
depuis une dizaine d’années.<br />
Cet essor est favorisé par l’adoption<br />
de nouvelles pratiques culturales et<br />
une intensification de l’irrigation.<br />
Les populations sédentarisées y<br />
cultivent le plus souvent des plantes<br />
maraîchères (oignon, pomme de<br />
terre, ail, tomate), du maïs, du blé,<br />
des palmiers-dattiers et <strong>au</strong>tres<br />
arbres fruitiers. « L’oignon tend<br />
actuellement à supplanter les <strong>au</strong>tres<br />
cultures du fait de sa rentabilité élevée.<br />
Cette orientation vers la monoculture<br />
n’est cependant pas sans<br />
risque, explique Maman Waziri Mato,<br />
enseignant-chercheur à l’université<br />
de Niamey. Une surproduction en<br />
A u<br />
cours de leurs prospections dans le massif de l’Aïr,<br />
les chercheurs ont observé un arbre endémique des<br />
massifs saharo-sahéliens, l‘olivier de Laperrine (Olea europea<br />
subsp. laperrinei), qui a un statut prioritaire en<br />
termes de conservation dans la réserve. Ils se<br />
sont attachés à déterminer la probabilité<br />
de survie de cet olivier s<strong>au</strong>vage en<br />
fonction de trois critères : les<br />
effectifs, la distribution et le<br />
mode de reproduction.<br />
Il est apparu que l’olivier est<br />
très rare dans l’Aïr et totalement<br />
absent <strong>au</strong>-dessous<br />
d’une altitude de 1 500 m. La<br />
fragmentation des peuplements<br />
de l’olivier de Laperrine<br />
constitue un risque supplémentaire<br />
d’extinction de l’espèce<br />
dans la réserve : vestige d’un climat<br />
passé plus favorable, sa présence est<br />
limitée à quatre massifs de l’Aïr, isolés les<br />
uns des <strong>au</strong>tres par plusieurs kilomètres, ce qui<br />
réduit considérablement les possibilités de croisement<br />
entre les peuplements. Le troisième facteur qui conduit à<br />
2004 a par exemple conduit certains<br />
agriculteurs à la faillite et à abandonner<br />
plusieurs centaines de jardins.<br />
»<br />
L’expansion de la culture irriguée à<br />
la périphérie de la réserve, et parfois<br />
même à l’intérieur, et sa mutation<br />
vers une activité de rente intensive<br />
ont d’importantes conséquences<br />
sur l’écosystème. Parmi celles-ci, la<br />
régression des espaces de pâturage,<br />
la surexploitation des nappes phréatiques,<br />
la disparition d’arbres, tel le<br />
Gao (Faidherbia albida), et l’utilisation<br />
croissante de pesticides et d’engrais<br />
chimiques pourraient constituer<br />
un frein <strong>au</strong> développement<br />
durable et à la pérennisation des<br />
écosystèmes sur le long terme. « Le<br />
bilan n’est cependant pas catastrophique<br />
pour ce qui concerne la diversité<br />
végétale, souligne le chercheur.<br />
On observe notamment la résistance<br />
de plantes natives comme le palmier<br />
doum (Hyphaene thebaica) qui<br />
montre de nombreuses germinations<br />
et laisse entrevoir la possibilité de<br />
régénération si l’Homme réduit son<br />
exploitation du milieu. »<br />
L’essor des cultures irriguées dans<br />
cette région représente donc un<br />
formidable défi, à la fois économique<br />
et environnemental. Les habitants<br />
de la réserve et de sa périphérie se<br />
trouvent confrontés à un choix : une<br />
logique basée sur un productivisme à<br />
outrance qui pourrait avoir des<br />
conséquences désastreuses sur cet<br />
écosystème fragile ; ou, <strong>au</strong> contraire,<br />
une agriculture raisonnée, moins<br />
lucrative à court terme, mais qui<br />
pourrait être la clé d’un développement<br />
socio-économique durable de<br />
l’Aïr. ●<br />
1. UR136, Aires protégées : écosystèmes,<br />
gestion et fonctions périphériques.<br />
2. Espèces qui ont un effet positif remarquable<br />
sur la croissance des jeunes individus<br />
d’<strong>au</strong>tres espèces.<br />
3. Cours d’e<strong>au</strong> temporaires (oueds).<br />
Contacts<br />
L’olivier de Laperrine va-t-il disparaître ?<br />
© <strong>IRD</strong>/F. Anthelme<br />
Jardins de l'Aïr, Bagzanes.<br />
Maman Waziri Mato<br />
depgeo@intnet.ne<br />
Fabien Anthelme<br />
fabien.anthelme@mpl.ird.fr<br />
Dimitri de Boissieu<br />
dimidb@free.fr<br />
Cette page de a été réalisée dans le cadre du séminaire « La<br />
vulgarisation scientifique <strong>au</strong> service du développement durable », coorganisé<br />
à Niamey <strong>au</strong> Niger par l’<strong>IRD</strong> et l’Iftic (Institut de formation <strong>au</strong>x<br />
techniques de l’information et de la communication) avec le soutien de<br />
la coopération française. Ce séminaire, encadré par Nathalie Prévost<br />
(service de coopération et d’action culturelle), Christian Sotty (RFI),<br />
Johanna Derrider et Marie-Lise Sabrié (<strong>IRD</strong>), a bénéficié des conseils scientifiques<br />
de Patrice Cayré (directeur du département ressources vivantes<br />
de l’<strong>IRD</strong>), Fabien Anthelme et Dimitri de Boissieu (UR136), Anne Luxere<strong>au</strong><br />
(UMR CNRS/<strong>IRD</strong>-UR169) et Maman Waziri Mato (université de Niamey). Cette<br />
page a été rédigée avec les étudiants de l’Iftic, et notamment Amadou<br />
Oumarou.<br />
penser que l’espèce est menacée est lié à son mode de<br />
reproduction. La floraison et la fructification sont extrêmement<br />
rares, ce qui exclut quasiment toute possibilité de<br />
régénération par voie sexuée. L’olivier de Laperrine<br />
ne se maintient alors que grâce à une reproduction<br />
végétative, par rejets de<br />
souche. Il est aidé en cela par sa<br />
grande longévité – certains individus<br />
étant vraisemblablement<br />
millénaires. Cette capacité à<br />
persister dépend pourtant de<br />
ses interactions avec l’Homme<br />
qui, après l’avoir longtemps<br />
exploité, semble atténuer ses<br />
prélèvements, et même le<br />
sacraliser dans les zones où il<br />
est le plus rare. L’espoir de<br />
conservation de cet arbre remarquable<br />
pourrait donc naître d’une<br />
gestion par les populations locales.<br />
Celle-ci devra néanmoins être accompagnée<br />
d’un suivi scientifique, si l’on ne veut pas<br />
voir à moyen terme l’olivier de Laperrine disparaître des<br />
sommets de l‘Aïr. ●<br />
© <strong>IRD</strong>/F. Anthelme
© Cirad/B. Bertrand © Cirad/B. Bertrand<br />
B o u r b o n p o i n t u<br />
Un café réunionnais<br />
en quête d’excellence<br />
Dans l’objectif de stimuler son secteur agricole<br />
actuellement peu compétitif, l’île de la Réunion cherche<br />
à développer un produit à h<strong>au</strong>te valeur ajoutée.<br />
L’idée est venue de remettre à l’honneur<br />
le café Bourbon pointu, une variété traditionnelle,<br />
cultivée sur l’île jusqu'à la fin du XIX e siècle,<br />
qui produisait un café de h<strong>au</strong>te qualité.<br />
repose sur deux<br />
volets indissociables, une<br />
L’aventure<br />
expérimentation préalable à la<br />
création d'une filière, confortée par un<br />
projet de recherche. Sur un financement<br />
de la Région, le programme d'expérimentation<br />
(2002-2007) dont le chef de<br />
projet est le Cirad, associe le conseil<br />
régional, l'Union européenne et Café-<br />
Réunion1 pour l’identification de terroirs<br />
quantitativement et qualitativement<br />
performants et l'élaboration de références<br />
technico-économiques pour la<br />
production de cafés « à h<strong>au</strong>te valeur<br />
ajoutée ». Le programme de recherche<br />
fait l’objet d’une convention de<br />
recherche <strong>IRD</strong>/Cirad et bénéficie d’une<br />
convention antérieure <strong>IRD</strong>/Région. Le<br />
financement est assuré par l’<strong>IRD</strong> (40 %),<br />
l’Union européenne (36 %) et la Région<br />
(24 %). L’université de la Réunion est<br />
également de la partie, puisqu’une formation<br />
universitaire sera créée pour<br />
transmettre les techniques mises en<br />
œuvre <strong>au</strong> cours du programme. À<br />
Montpellier et à la Réunion, des chercheurs<br />
<strong>IRD</strong> de l’unité de recherche<br />
Diversité génétique des plantes cultivées<br />
(UR141 unité mixte AgroM-Cirad-Inra-<strong>IRD</strong>)<br />
et du programme Café du Cirad travaillent<br />
<strong>au</strong>x quatre opérations connexes :<br />
analyse des effets de l’environnement<br />
sur le fonctionnement des gènes impliqués<br />
dans la qualité organoleptique du<br />
café Bourbon pointu (<strong>IRD</strong>-Cirad) ; caractérisation<br />
de la variété Bourbon pointu<br />
(<strong>IRD</strong>) ; analyse de la diversité observée<br />
pour la forme des grains (<strong>IRD</strong>-Cirad) ;<br />
étude de la variabilité génétique (Cirad).<br />
De l’avis des spécialistes, cette variété<br />
réunionnaise a une place à conquérir.<br />
Elle a vocation à se hisser <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> des<br />
cafés « Gourmets » voire des « Grands<br />
crus » de Jamaïque, Hawaï et Porto<br />
Rico mais cela demande une filière totalement<br />
maîtrisée. Pour prétendre à ces<br />
labels prestigieux, le Bourbon pointu<br />
doit démontrer des qualités sensorielles<br />
indiscutables, un t<strong>au</strong>x de caféine faible<br />
et stable et une traçabilité des grains,<br />
bref, il f<strong>au</strong>t viser l’excellence !<br />
Retrouver<br />
le Bourbon pointu<br />
La lignée Bourbon pointu est issue d’un<br />
mutant de la variété Bourbon. Par rapport<br />
<strong>au</strong>x arabicas classiques, ce café<br />
affiche une teneur en caféine inférieure<br />
de 50% d’où une amertume très atténuée,<br />
qualité fort appréciée. Par ailleurs,<br />
ses grains ont une forme très<br />
reconnaissable, un ovale plus<br />
pointu que ceux du Bourbon<br />
d’origine,<br />
d’où son<br />
nom. Ce<br />
caractère<br />
permet une<br />
traçabilité<br />
visuelle pour le<br />
consommateur et<br />
fiabilise donc la<br />
filière. La<br />
culture<br />
en a été<br />
abandonnéedepuis<br />
un bon<br />
siècle, mais des<br />
arbres survivent ça et<br />
là chez les habitants,<br />
d’où l’idée de lancer un concours en<br />
2002 puis une prospection en 2003<br />
pour les retrouver. Trente-cinq géniteurs<br />
ont pu être identifiés, multipliés<br />
et mis en pépinière puis plantés dans<br />
100 parcelles de producteurs de Café-<br />
Réunion. Les caféiers étant productifs<br />
dès 18 mois, les nouve<strong>au</strong>x plants permettent<br />
des récoltes depuis 2003. Une<br />
série de tests et d’analyses sont effectués<br />
sur ces plants. Pour estimer si le jeu en<br />
v<strong>au</strong>t la chandelle, les opérateurs doivent<br />
répondre à trois questions : la mutation<br />
– qui touche l’ensemble de la plante –<br />
est-elle stable ? la qualité du breuvage<br />
est-elle réelle ? quels rendements sont<br />
possibles ? En 2008, à l'échéance du<br />
programme d'expérimentation préalable,<br />
Café-Réunion disposera des éléments<br />
pour la poursuite ou l’abandon de ce<br />
projet de filière. Les premières observa-<br />
➧<br />
Grains de café Bourbon.<br />
tions permettent de dire que le Bourbon<br />
pointu a une productivité intéressante ;<br />
la variété est remarquablement bien<br />
adaptée <strong>au</strong>x conditions pédoclimatiques<br />
de l'île ; les premiers échantillons dégustés<br />
montrent des caractéristiques sensorielles<br />
encourageantes ; reste à trouver les<br />
terroirs, les conditions de culture et procédés<br />
de traitement post-récolte qui permettront<br />
de fabriquer un « Grand cru »...<br />
L’un des objectifs de recherche est<br />
d’identifier les bases biologiques d’un<br />
critère de choix des terroirs, même si ce<br />
choix se fera d’abord sur des notes de<br />
dégustation. Il f<strong>au</strong>t savoir que les différences<br />
organoleptiques entre terroirs<br />
sont dues <strong>au</strong>x variations de composition<br />
biochimique des grains, elle-même sous<br />
la dépendance d’enzymes pour<br />
lesquelles codent des gènes<br />
influencés par l’environnement.<br />
Il f<strong>au</strong>t également<br />
déterminer à<br />
quel moment de la<br />
maturation du grain<br />
le changement<br />
d’expression<br />
génique a des<br />
conséquences sur la<br />
boisson.<br />
Deux cent<br />
soixantedix<br />
gènes<br />
sont suivis<br />
sur seize sites.<br />
Dans un premier<br />
temps, l’expression de<br />
ces gènes a été étudiée<br />
<strong>au</strong> cours de la<br />
maturation du fruit. Les résultats sont<br />
en cours d’analyse statistique.<br />
Une variété<br />
homogène<br />
Caféiers d'environ deux ans<br />
en parcelle expérimentale<br />
en milieu paysan.<br />
➧<br />
© <strong>IRD</strong>/M. Dukhan<br />
Grains de café Bourbon pointu.<br />
Rappelons que le Bourbon pointu est<br />
formé, comme tous les arabicas, de<br />
Le prix du café<br />
2 génomes hybridés naturellement il y a<br />
des milliers d’années et dont les représentants<br />
actuels les plus proches seraient<br />
ceux de Coffea canephora (= robusta,<br />
espèce cultivée) et de Coffea eugenioides<br />
(espèce s<strong>au</strong>vage). Étant donné<br />
ses caractéristiques de port d’arbre et de<br />
teneur en caféine, il semblerait que les<br />
gènes de canephora ne s’expriment pas<br />
ou peu dans le mutant Bourbon pointu.<br />
Une thèse, encadrée par l’<strong>IRD</strong> et financée<br />
par le projet, vise à identifier les princip<strong>au</strong>x<br />
gènes dont le fonctionnement diffère<br />
entre la variété ancestrale Bourbon<br />
et son mutant Bourbon pointu. Les<br />
recherches sur les différences d’expression<br />
entre les deux variétés ont été réalisées<br />
sur de jeunes plantules. Sur les<br />
2 300 gènes séquencés, 10 % ont montré<br />
une expression significativement différente<br />
entre les plantules des deux<br />
variétés. Les résultats sont en cours de<br />
confirmation.<br />
La forme des grains montre une variabilité,<br />
avec un continuum depuis la graine<br />
ronde jusqu’à la graine très pointue qui<br />
correspond <strong>au</strong> phénotype commercialisable.<br />
La notion de graine pointue ou<br />
ronde est donc assez subjective. La présence<br />
d’une diversité de forme entre<br />
graines issues d’un même arbre est<br />
confirmée. Enfin, il existe des différences<br />
entre arbres à l’intérieur d’une parcelle et<br />
ce selon des gradients suggérant ici l’influence<br />
environnementale. Par contre la<br />
forme des grains n’affecte pas la teneur<br />
en caféine.<br />
L’analyse des feuilles de 27 géniteurs par<br />
des techniques moléculaires montre qu’il<br />
n’y a <strong>au</strong>cune variabilité. En conclusion,<br />
l’hypothèse selon laquelle les différents<br />
pieds mères collectés appartiennent à<br />
une variété homogène issue d’une<br />
mutation récessive, sélectionnée par les<br />
caféiculteurs à la fin du XIX e siècle dans<br />
les populations de Bourbon, est la plus<br />
probable. ●<br />
1.Café-Réunion : caféiculteurs associés pour<br />
une filière économique à la Réunion.<br />
Contacts<br />
Benoit Bertrand, Cirad<br />
Benoit.Bertrand@mpl.ird.fr<br />
Michel Noirot, <strong>IRD</strong><br />
noirot@cirad.fr<br />
Frédérique Descroix, Cirad<br />
frederic.descroix@cirad.fr<br />
unité est le sac de 60 kg de grain vert c’est-à-dire non torréfié, dans lequel il<br />
L’ reste 10 à 12 % d’humidité. Si le prix en bourse est à une cote de 100 pour<br />
du café arabica « Colombie » ou « <strong>au</strong>tres doux », le prix des « Cafés spéci<strong>au</strong>x »<br />
(dont les cafés certifiés bio ou équitables) est à une cote de 115 à 170 en<br />
moyenne avec des pointes à 210, les cafés « Grands crus » sont à 200 et pour<br />
quelques-uns (0,1 à 0,2 % de la production), le prix s’envole à plus de 300 (Blue<br />
Mountain de la Jamaïque, Sidamo d’Éthiopie). Pour donner une idée, 1 kg de café<br />
torréfié du meilleur terroir de la variété Blue Mountain se négocie environ 267 € !<br />
Autant dire que les filières d’excellence échappent <strong>au</strong>x lois du marché. ●<br />
© <strong>IRD</strong>/M. Dukhan<br />
Culture de café Bourbon ➧<br />
pointu dans les serres<br />
de Montpellier.<br />
© Cirad/B. Bertrand<br />
© Cirad/B. Bertrand<br />
À g<strong>au</strong>che :<br />
paysage caractéristique<br />
des H<strong>au</strong>ts de la Réunion :<br />
bananiers, cannes à sucre<br />
et caféiers.<br />
Ci-contre : fruits de café Bourbon<br />
pointu en cours de maturation.<br />
© <strong>IRD</strong>/J. Lemoalle<br />
© <strong>IRD</strong>/J. Lemoalle<br />
Expertise<br />
dans le bassin<br />
de la Volta<br />
La coordination du projet Volta du<br />
Challenge programme E<strong>au</strong> et alimentation<br />
(CPEA) a été confiée à l’<strong>IRD</strong> (unité de<br />
recherche Gestion de l’E<strong>au</strong>, Acteurs,<br />
Usages, UR183/UMR G-e<strong>au</strong>) qui représente<br />
les institutions françaises <strong>au</strong> comité de<br />
pilotage de ce programme international<br />
issu du Groupe consultatif pour la<br />
recherche agricole internationale (GCRAI).<br />
Le Challenge programme E<strong>au</strong> et alimentation<br />
a pour principal objectif d’<strong>au</strong>gmenter<br />
la productivité agricole de l’e<strong>au</strong><br />
<strong>au</strong>x différentes échelles, du champ <strong>au</strong><br />
bassin versant, en vue de réduire la p<strong>au</strong>vreté<br />
et d’améliorer l’alimentation, la<br />
santé et la sécurité environnementale.<br />
Les actions de recherche en cours, d’un<br />
budget d’environ 30 M€, portent sur<br />
des thématiques transversales et sur<br />
neuf bassins fluvi<strong>au</strong>x : bassins andins,<br />
Sao Francisco, Volta, Limpopo, Nil,<br />
Karkeh, Indo-Gange, Mékong et fleuve<br />
J<strong>au</strong>ne. De nouve<strong>au</strong>x développements<br />
du programme ont été mis en place<br />
récemment, sous la dénomination de<br />
Basin Focal Projects (BFP). Ils concernent<br />
quatre bassins, Volta, Karkeh, Sao<br />
Francisco et Mékong. Il est prévu<br />
d’aborder les <strong>au</strong>tres bassins en <strong>2006</strong>.<br />
Expérience de conservation<br />
de l'e<strong>au</strong> de pluie pour le ménage,<br />
<strong>au</strong> Nord Ghana.<br />
➧<br />
Une mare artificielle pour<br />
l'abreuvement du bétail<br />
<strong>au</strong> Nord Ghana.<br />
➧<br />
Associant instituts de recherche du Nord<br />
et du <strong>Sud</strong>, le projet Volta a comme<br />
objectif d’identifier les questions les plus<br />
pertinentes en matière de recherche et<br />
de transfert pour le développement<br />
dans le domaine de l’e<strong>au</strong> ainsi que de<br />
définir les conditions nécessaires à la<br />
mise en place de ces actions. Ceci afin<br />
d’<strong>au</strong>gmenter la productivité de l’e<strong>au</strong> et<br />
d’améliorer le sort des populations les<br />
plus p<strong>au</strong>vres du bassin, essentiellement<br />
rurales. La productivité agricole de l’e<strong>au</strong><br />
et une analyse des relations e<strong>au</strong>p<strong>au</strong>vreté<br />
sont les points d’entrée<br />
communs <strong>au</strong>x différents BFP qui permettront<br />
de cibler <strong>au</strong> mieux les prochains<br />
appels d’offre du Challenge programme<br />
E<strong>au</strong> et alimentation. ●<br />
Contact<br />
Jacques Lemoalle,<br />
lemoalle@mpl.ird.fr<br />
WEB www.waterforfood.org/<br />
Newsletter/Index.htm<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
Valorisation<br />
11
Planète <strong>IRD</strong><br />
12<br />
Thierry LEBEL, directeur de recherche<br />
<strong>au</strong> Laboratoire d’étude des transferts<br />
en hydrologie et environnement (UR012)<br />
et responsable du programme Amma<br />
(Analyse multidisciplinaire de la mousson<br />
africaine), a reçu le prix Adrien<br />
Constantin de Magny 2005, de l’Académie<br />
de sciences pour avoir « fortement<br />
contribué à la renommée de l’hydrologie<br />
française, dont il est l’un des<br />
très brillant représentant ». Ce sont<br />
notamment les applications de ses<br />
recherches <strong>au</strong> Sahel (programme<br />
Catch, Couplage de l’atmosphère tropicale.<br />
et des cycles hydrologiques) qui<br />
sont ainsi distinguées.<br />
Thierry.Lebel@hmg.inpg.fr<br />
Anne GEIGER, chargée de recherches<br />
dans l'UR177, Trypanosomoses de<br />
l’homme, de l’animal et des plantes, a<br />
reçu un prix de la Fondation de la<br />
recherche médicale. Son projet d’étude<br />
du sécrétome de Trypanosoma brucei<br />
gambiense, parasite responsable de la<br />
maladie du sommeil lui v<strong>au</strong>t cette<br />
récompense de 10 000 euro.<br />
anne.geiger@mpl.ird.fr ●<br />
Économiste, représentant de l’<strong>IRD</strong> en<br />
Égypte, Jean-Yves MOISSERON le 9 janvier<br />
<strong>2006</strong> soutenait son habilitation à<br />
diriger des recherches sur le thème du<br />
partenariat euro-méditerranéen, à<br />
l’université de Grenoble Pierre Mendès<br />
France, sous la direction de Jacques<br />
FONTANEL.<br />
irdegypt@idsc.gov.eg<br />
À l’université Montpellier I le 29 novembre<br />
2005, Christian LAURENT, de<br />
l’unité de recherche VIH/Sida et<br />
Maladies associées (UR145, <strong>IRD</strong>/université<br />
Montpellier I), a soutenu son habilitation<br />
à diriger des recherches. Ses trav<strong>au</strong>x<br />
tentent d’améliorer la prise en<br />
charge des patients africains infectés<br />
par le VIH et de contrôler l’épidémie, en<br />
apportant les informations nécessaires<br />
à la définition des programmes de<br />
santé publique. Ils sont axés, pour l’essentiel,<br />
sur l’évaluation du traitement<br />
antirétroviral en Afrique.<br />
Christian.L<strong>au</strong>rent@mpl.ird.fr. ●<br />
Un portail vers<br />
l’Amérique<br />
latine<br />
Depuis fin 2005, les représentations<br />
de l’<strong>IRD</strong> en Amérique<br />
latine (Bolivie, Brésil, Chili, Équateur,<br />
Mexique, Pérou) disposent chacune<br />
d’un site internet bilingue, interconnectés. Une<br />
entrée commune Portail <strong>IRD</strong> Amérique latine, qui permet<br />
de naviguer d’un site à l’<strong>au</strong>tre, a pour objectif de<br />
valoriser les trav<strong>au</strong>x des équipes de recherche de<br />
l’Institut et de ses partenaires dans cette région géographique<br />
; elle facilite notamment l’appréhension<br />
du caractère régional de nombre des programmes de<br />
recherche conduits dans cette partie du monde.<br />
Ce besoin de valoriser via internet les trav<strong>au</strong>x de<br />
recherche à l’échelle du continent latino-américain<br />
est apparu en 2001, peu après la création du rése<strong>au</strong><br />
Irdal (rése<strong>au</strong> <strong>IRD</strong> Amérique latine). Afin que la gestion<br />
et l’actualisation des informations mises en ligne<br />
soient plus faciles, ces sites et le portail internet partagent<br />
leurs données. Le Portail <strong>IRD</strong> Amérique latine<br />
bénéficie des informations mises en ligne sur les sites<br />
loc<strong>au</strong>x. Il est par exemple possible d’accéder sur le<br />
portail à la liste complète des quatre-vingt-sept programmes<br />
réalisés dans la région ou <strong>au</strong>x seuls vingt et<br />
un programmes conduits <strong>au</strong> Brésil sur le site local.<br />
Les contenus des sites entièrement bilingue (français/espagnol<br />
et français/portugais <strong>au</strong> Brésil) offrent<br />
enfin localement une meilleure visibilité du rôle et de<br />
la place de l’<strong>IRD</strong> <strong>au</strong>près de ses partenaires en<br />
Amérique latine. ●<br />
Contact<br />
Catherine Luro : luro@ird.fr<br />
WEB http://irdal.ird.fr<br />
Prix<br />
HDR<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
C l u b j e u n e s<br />
Biodiversité urbaine<br />
en Seine-Saint-Denis<br />
Des lycéens de V<strong>au</strong>jours 1 , dans la grande banlieue parisienne,<br />
font partie depuis peu d’un nouve<strong>au</strong> club JRD. Leurs activités, centrées<br />
sur la biodiversité dans la zone péri-urbaine, s’inscrivent dans<br />
la réflexion pour la biodiversité, l’environnement et le développement<br />
durable, décennie 2005-2014 de l’Unesco.<br />
Il y a de la vie <strong>au</strong>tour du béton,<br />
veulent croire les 32 élèves d’une<br />
classe de seconde du lycée Fénelon<br />
de V<strong>au</strong>jours. Ils se sont lancés, avec le<br />
soutien de leurs professeurs et de chercheurs<br />
de l’<strong>IRD</strong>, dans un projet d’étude<br />
de la biodiversité. Cette initiative, intitulée<br />
club Bio vert cité, a débuté en 2005<br />
par un atelier, puis une visioconférence,<br />
dans le cadre de la conférence internationale<br />
Biodiversité : science et gouvernance<br />
2 . L’éducation à l’environnement<br />
et <strong>au</strong> développement durable est une<br />
priorité de l’Éducation nationale, en<br />
France comme dans de nombreux pays.<br />
Ces jeunes, qui vivent dans un milieu<br />
urbain de transition ville-campagne, à<br />
forte densité, ont voulu poursuivre la<br />
réflexion entamée, donnant à leur étude<br />
une dimension plus territoriale. Leur<br />
objectif est de partir à la découverte de la<br />
Le prix Christiane Doré 2005 1 a été<br />
décerné à Nicaise Georges TUIKUE<br />
NDAM, étudiant de nationalité camerounaise,<br />
qui vient de soutenir une<br />
thèse de doctorat à l’université René<br />
Descartes-Paris V. Remis à l’occasion de<br />
la cérémonie des vœux le 6 janvier dernier,<br />
il récompense ses trav<strong>au</strong>x de mastère<br />
qui portaient sur le paludisme de<br />
la femme enceinte, et s’intitulaient<br />
Caractérisation phénotypique et moléculaire<br />
des isolats de Plasmodium falciparum<br />
associés.<br />
© DR<br />
biodiversité qui entoure leur lycée et ses<br />
environs. Ce projet, qui doit durer tout <strong>au</strong><br />
long de l’année scolaire 2005-<strong>2006</strong>, les<br />
confrontera à des problématiques et des<br />
approches typiquement scientifiques. Ils<br />
<strong>au</strong>ront ainsi à mettre en œuvre des techniques<br />
de recensement et de détermination<br />
des espèces vivantes sur les sites<br />
considérés. Ils étudieront quelques-unes<br />
des interactions qui conduisent <strong>au</strong>x divers<br />
paysages de leur cité.<br />
Le Conseil général de Seine-Saint-<br />
Denis, qui est très attentif à sa politique<br />
environnementale et qui dispose d’un<br />
observatoire de la biodiversité, accompagne<br />
le projet. Il a fourni des images<br />
aériennes des environs, permettant <strong>au</strong>x<br />
lycéens de caractériser la zone étudiée.<br />
Enfin les trav<strong>au</strong>x du club seront présentés<br />
à la Biennale de l’environnement de<br />
Bobigny, en septembre prochain.<br />
R e n d e z - v o u s<br />
Pêche à Campeche<br />
Le colloque international sur les écosystèmes côtiers Vers un savoir intégré pour<br />
une approche écosystémique des pêches se tiendra à Campeche <strong>au</strong> Mexique,<br />
du 26 <strong>au</strong> 29 juin <strong>2006</strong>. En collaboration avec l’université Montpellier II (Ecolag)<br />
et plusieurs instituts mexicains, l’unité de recherche de l’<strong>IRD</strong> Réponses adaptatives<br />
des populations et des peuplements de poissons <strong>au</strong>x pressions de l’environnement<br />
(UR070) l’organise. On y discutera Évaluation et tendance des pêcheries<br />
estuariennes et lagunaires ; Dynamique environnementale ; Indicateurs<br />
biologiques et écologique des modifications ; Modèles et outils pour la gestion<br />
des pêches et Gestion intégrée.<br />
Contact<br />
Guy Vidy<br />
vidy@ird.fr<br />
Prix Christiane Doré<br />
© <strong>IRD</strong>/O. Dargouge<br />
WEB http://etzna.uacam.mx/<br />
epomex/icce/icce.html<br />
Cette année et pour la première fois le<br />
jury a en outre accordé à l’unanimité,<br />
une mention exceptionnelle à Saratta<br />
TRAORE. Cette reconnaissance tient à<br />
ses mérites particuliers lors de la présentation<br />
de son mémoire de DEA,<br />
intitulé L’intensification du travail agricole<br />
féminin dans les campagnes<br />
du Burkina : le cas des Bwaba de<br />
Bondoukuy. ●<br />
1. Ce prix, qui porte le nom d’une figure de l’institut restée célèbre pour avoir organisé l’accueil<br />
de très nombreux stagiaires et allocataires de recherche, est attribué chaque année par l’association<br />
des œuvres sociales à un étudiant venu travailler dans les laboratoires de l’<strong>IRD</strong>. Il est<br />
accordé <strong>au</strong> vu de deux critères tenant à la qualité des recherches, et à la persévérance et l’engagement<br />
pour le développement dont a fait preuve le candidat lors de son accueil. aos@ird.fr<br />
© <strong>IRD</strong>/O. Dargouge<br />
© <strong>IRD</strong>/M. Gosset<br />
Pour leurs professeurs, Martine Robert et<br />
Jean-Marc Rafenberg, ce travail permet<br />
d’aborder des aspects importants des<br />
programmes (mise en place d’un protocole<br />
expérimental, sensibilisation <strong>au</strong><br />
développement durable, participation<br />
citoyenne, etc.). Cette pédagogie de<br />
projet stimule l’interrogation des jeunes<br />
sur le monde qui les entoure, et favorise<br />
les échanges entre enseignants et élèves.<br />
Partenariat avec les rectorats<br />
Le radar Xport, entièrement<br />
conçu et développé par une<br />
équipe de l’UR012 Laboratoire<br />
d’étude des transferts en hydrologie et<br />
environnement, est opérationnel à<br />
Djougou (Bénin) depuis juin 2005.<br />
Fonctionnant en bande X – longueur<br />
d’onde de 3 cm – ce radar météorologique<br />
offre les mêmes performances<br />
en termes de résolution spatiale<br />
et de sensibilité que des appareils<br />
de plus grande longueur d’onde pour<br />
un coût et un encombrement moindres.<br />
Il s’avère donc plus maniable pour les<br />
opérations de terrain.<br />
Cette expérience s’inscrit dans la stratégie<br />
d’observation à long et moyen<br />
terme du programme Amma. Le radar<br />
fonctionnera à Djougou pendant les<br />
trois saisons de pluies de la période<br />
d’observation intensive, afin d’échantillonner<br />
les précipitations qui alimentent<br />
en e<strong>au</strong> le bassin instrumenté<br />
de la Donga, l’un des sous-bassins de la<br />
h<strong>au</strong>te vallée de l’Ouémé. Couvrant une<br />
surface totale d’environ 10 000 km 2 ,ce<br />
site méso-échelle Amma est représentatif<br />
du cycle de l’e<strong>au</strong> en climat<br />
soudanien, alors que<br />
jusqu’à présent le cycle de<br />
1. Lycée du paysage et de l’environnement<br />
Fénelon à V<strong>au</strong>jours, en Seine-Saint-Denis,<br />
2. Unesco, Paris 24-28 janvier 2005.<br />
Contact<br />
M<strong>au</strong>rice Fay – ClubsJRD@ird.fr<br />
WEB http://www.clubsjrd.ird.fr/<br />
L’<strong>IRD</strong> vient de signer une convention avec le rectorat et le CRDP d’Amiens, lequel<br />
est pôle national de référence. Des chercheurs de l’<strong>IRD</strong>, Catherine Aubertin et<br />
Christian Lévêque, participeront à une journée d’information des professeurs, le<br />
31 mai prochain, dans le cadre de la semaine du Développement durable.<br />
Une visioconférence permettra <strong>au</strong>ssi de mettre en partage les projets de différents<br />
pays, le Brésil, le Cameroun et la France, avec des jeunes d’Amiens et de V<strong>au</strong>jours.<br />
À Montpellier, <strong>au</strong> sein d’Agropolis, l’<strong>IRD</strong> est également engagé dans une étude<br />
de la biodiversité et de ses enjeux, avec le rectorat.<br />
P r o g r a m m e A m m a<br />
Les pluies africaines<br />
<strong>au</strong> radar bande X<br />
© DR<br />
l’e<strong>au</strong> associé à la mousson a surtout<br />
été étudié en zone sahélienne.<br />
« Grâce <strong>au</strong>x nouvelles technologies de<br />
diversité de polarisation (envoi simultané<br />
d’ondes électromagnétiques horizontales<br />
et verticales pour estimer la<br />
forme et la taille des gouttes de pluie)<br />
et de réception cohérente (outil d’analyse<br />
de la manière dont ces deux types<br />
d’ondes se propagent à travers la pluie)<br />
qui équipent Xport, on espère une<br />
amélioration de l’estimation quantitative<br />
des pluies sur toute la zone de couverture<br />
du radar » explique Marielle<br />
Gosset, chargée de recherche à l’UR012.<br />
L’imagerie h<strong>au</strong>te résolution obtenue<br />
grâce à ce radar permet d’observer<br />
finement la structure des champs de<br />
pluie et d’en analyser la variabilité spatiale<br />
et temporelle. « Ces observations<br />
h<strong>au</strong>te résolution sont importantes<br />
notamment pour valider les modèles<br />
de désagrégation de pluies, ces<br />
modèles étant eux-mêmes une étape<br />
indispensable dans la chaîne de prévision<br />
de ressources en e<strong>au</strong> » poursuitelle.<br />
Le dépouillement des données<br />
2005 est en cours<br />
et les premières<br />
analyses montrent<br />
que cette campagne<br />
a été un<br />
succès. Une affaire<br />
à suivre... ●<br />
Contacts<br />
marielle.gosset@ird.fr,<br />
frederic.cazenave@ird.fr<br />
Le radar Xport sur la tour<br />
construite pour<br />
l’expérience à Djougou et<br />
partie aérienne du radar<br />
avec son antenne<br />
polarimétrique,<br />
les caissons d’émission<br />
et de réception accolés<br />
et le positionneur.
© <strong>IRD</strong>/ B. Pouy<strong>au</strong>d<br />
P a t a g o n i e<br />
Entre climat polaire<br />
et climat tropical<br />
Après un forage test<br />
encourageant, les glaciologues<br />
de l’<strong>IRD</strong> et leurs partenaires<br />
chiliens préparent un forage<br />
profond en Patagonie.<br />
La recherche des traces du climat<br />
passé figées dans les<br />
glaces de l’hémisphère <strong>Sud</strong>,<br />
s’est essentiellement concentrée sur<br />
deux grandes zones géographiques,<br />
d’une part les Andes centrales entre<br />
l’équateur et 20° sud, d’<strong>au</strong>tre part, en<br />
Antarctique, <strong>au</strong>-delà de 60° sud, de la<br />
péninsule <strong>au</strong> pôle.<br />
Cependant, certains paramètres du climat<br />
évoluent de façon très différente<br />
dans la région tropicale et <strong>au</strong>x h<strong>au</strong>tes<br />
latitudes. De plus, peu d’information<br />
concernant les connexions climatiques<br />
entre ces deux zones existe. Pour<br />
compléter nos connaissances, les chercheurs<br />
de l’unité de recherche Great<br />
ice de l’<strong>IRD</strong> (UR032) et du Centre d’études<br />
scientifiques de Santiago (CECS) <strong>au</strong> Chili<br />
lancent un nouve<strong>au</strong> programme de<br />
forage profond, à environ 47° sud, à la<br />
frontière entre l’Argentine et le Chili,<br />
sur les glaces qui couvrent deux des<br />
sommets les plus élevés de Patagonie,<br />
le San Valentin et le San Lorenzo (3 900<br />
et 3 500 m respectivement).<br />
Un forage test court a été effectué en<br />
<strong>mars</strong> 2005 <strong>au</strong> sommet du San Valentin<br />
Du 25 <strong>au</strong> 27 janvier dernier,<br />
Oujda <strong>au</strong> Maroc a accueilli le<br />
premier séminaire international<br />
sur la culture scientifique et technique<br />
<strong>au</strong> <strong>Sud</strong>. Ce séminaire, organisé<br />
par l’<strong>IRD</strong> avec l’appui de l’Institut français<br />
de l’Oriental, s’inscrit dans le cadre<br />
des actions du PCST 1 .<br />
Une quarantaine d’acteurs de la culture<br />
scientifique et technique sont venus de<br />
sept pays : Cameroun, Centrafrique,<br />
Madagascar, Mali, Sénégal, Yémen et<br />
France. Le Maroc bénéficiait d’une forte<br />
représentation avec des associations de<br />
Rabat, Marrakech, Kenitra, Casablanca<br />
et Oujda, témoignant du fort dynamisme<br />
et des enjeux de la diffusion de<br />
la culture scientifique dans ce pays.<br />
Le séminaire a offert à tous les participants<br />
l’occasion de partager leurs<br />
expériences : fêtes de la science,<br />
semaine de l’astronomie, forums et<br />
conférences, expositions, pièces de<br />
théâtre, sites Internet, journ<strong>au</strong>x, clubs<br />
de journalisme scientifique... Les réalisations<br />
sont apparues <strong>au</strong>ssi diverses<br />
dans leur forme que riches dans leur<br />
contenu. Les débats ont ouvert des<br />
perspectives d’évolution, qui constituent<br />
<strong>au</strong>tant de promesses pour l’épanouissement<br />
de la culture scientifique<br />
et technique dans les pays du <strong>Sud</strong>.<br />
© <strong>IRD</strong>/ B. Pouy<strong>au</strong>d<br />
afin d’estimer l’accumulation neigeuse<br />
sur ce sommet. Les premiers résultats<br />
analytiques confirment que ce site présente<br />
toutes les caractéristiques attendues<br />
pour y conduire un forage profond,<br />
excepté, peut-être, celle de<br />
l’accessibilité. En effet, bien que peu<br />
élevées les montagnes de Patagonie<br />
représentent par leur escarpement et<br />
les conditions météorologiques exécrables<br />
qui y règnent la majeure partie<br />
de l’année, un véritable défi pour les<br />
alpinistes les plus chevronnés.<br />
Après une première reconnaissance des<br />
difficultés en 2003 et en 2004, c’est en<br />
hélicoptère que l’équipe (Patrick Ginot,<br />
maître foreur de l’UR Great Ice, et<br />
les hydrologues-glaciologues Bernard<br />
Pouy<strong>au</strong>d (<strong>IRD</strong>) et Gino Casassa, chef du<br />
département Glaciologie et changements<br />
climatiques <strong>au</strong> CECS) s’est fait<br />
déposer sur le plate<strong>au</strong> sommital du San<br />
Valentin en 2005.<br />
Une carotte de 16 m a été extraite<br />
dans un site où les mesures radar<br />
indiquent une épaisseur d’environ<br />
170 m. Avec une température mesurée<br />
dans le trou de forage de –12 °C,<br />
Il est apparu, d’une part, la nécessité de<br />
professionnaliser les acteurs par la mise<br />
en place de formations, particulièrement<br />
dans le domaine de l’animation de<br />
manifestations scientifiques. Certains<br />
ont également préconisé des actions de<br />
sensibilisation et d’initiation à destination<br />
des médias qui, dans leur très<br />
grande majorité, réduisent à la portion<br />
congrue l’actualité des sciences et des<br />
techniques. De nombreux intervenants<br />
ont, d’<strong>au</strong>tre part, souligné le besoin de<br />
fédérer leurs activités en rése<strong>au</strong>x nation<strong>au</strong>x,<br />
voire région<strong>au</strong>x. Ceci contribuerait<br />
à mutualiser les moyens et à rendre<br />
les actions plus efficaces et visibles.<br />
Enfin, l’ensemble des participants a<br />
appelé à une véritable reconnaissance<br />
de la culture scientifique et technique de<br />
la part des <strong>au</strong>torités, notamment des<br />
ministères en charge de la Recherche,<br />
de l’Enseignement supérieur ou de la<br />
Culture, afin que des moyens soient mis<br />
à disposition et des mesures prises en<br />
faveur d’une meilleure diffusion des<br />
savoirs issus de la recherche.<br />
Une équipe du Cerlis (Centre de<br />
recherche sur les liens soci<strong>au</strong>x, CNRS-<br />
Université Paris V) a fait état des résultats<br />
préliminaires d’une vaste étude en<br />
cours sur la culture scientifique et technique<br />
dans les dix pays du programme.<br />
Au sommet du San Valentin (3 900 m). À l’horizon<br />
la silhouette du San Lorenzo (3 500 m) se découpe sur le ciel.<br />
la glace est suffisamment froide pour<br />
conserver d’excellents sign<strong>au</strong>x paléoclimatiques,<br />
de plus, elle ne présente<br />
<strong>au</strong>cune empreinte de sublimation suivie<br />
de phénomènes de regel, ni d’infiltration<br />
d’e<strong>au</strong>, deux événements préjudiciables<br />
à la bonne conservation du<br />
signal. L’absence de trace de poussières<br />
ou de cendres ne permet pas de<br />
caler les enregistrements sur une date<br />
d’éruption connue. Afin de proposer<br />
une datation sur cette carotte, des<br />
analyses chimiques et isotopiques, sur<br />
lesquelles un cycle saisonnier peut<br />
être observé, ont été conduites. De<br />
plus, des mesures sur des radionucléides,<br />
indicateurs de tests nucléaires<br />
ou bien éléments radioactifs<br />
présentant une décroissance connue,<br />
ont été menées. Les différents types<br />
d’analyses convergent et montrent<br />
que l’accumulation de neige annuelle<br />
serait d’environ 33 cm et la période<br />
passée recouverte par cette carotte<br />
s’étendrait de 1965 à 2005, soit environ<br />
40 ans. Cette estimation de l’accumulation<br />
neigeuse a be<strong>au</strong>coup surpris<br />
les chercheurs de l’UR Great ice qui<br />
s’attendaient à be<strong>au</strong>coup plus. Ainsi,<br />
ils espèrent pouvoir remonter à des<br />
périodes passées lointaines.<br />
La potentialité d’étudier l’histoire de<br />
notre climat à cette latitude, jusqu’à<br />
présent p<strong>au</strong>vre en reconstructions<br />
paléoclimatiques et l’abondance d’information<br />
climatique conservée dans<br />
l’archive glaciaire ont conduit l’équipe<br />
de Great ice à programmer avec ses<br />
partenaires chiliens, pour mi-<strong>mars</strong><br />
<strong>2006</strong>, deux carottages sur toute<br />
l’épaisseur des glaciers du San<br />
Valentin et du San Lorenzo, à 50 km<br />
plus <strong>au</strong> sud. « L’épaisseur de glace <strong>au</strong><br />
San Valentin laisse espérer une h<strong>au</strong>te<br />
résolution de signal pour <strong>au</strong> moins les<br />
2 000 dernières années, précise<br />
Patrick Ginot, la partie la plus profonde<br />
de la carotte nous conduirait<br />
jusqu’à la dernière période glaciaire, il<br />
y a plus de 20 000 ans. » ●<br />
Contacts<br />
Patrick Ginot,<br />
ginot@lgge.obs.ujf-grenoble.fr<br />
Françoise Vimeux,<br />
vimeux@lsce.saclay.cea.fr<br />
C u l t u r e s c i e n t i f i q u e a u S u d<br />
Partager les expériences<br />
Fédérer les initiatives<br />
Le séminaire a également été marqué par le lancement<br />
des deux premiers outils de formation et<br />
d’information élaborés dans le cadre du PCST.<br />
D’une part, un Carnet de route qui dispense<br />
idées, conseils et recommandations essentielles<br />
pour réaliser un projet de culture scientifique.<br />
D’<strong>au</strong>tre part, Latitudesciences, un site Internet dédié à de la culture scientifique<br />
et technique <strong>au</strong> <strong>Sud</strong>, destiné à favoriser les échanges d’informations et à<br />
fédérer les acteurs en rése<strong>au</strong> : www.latitudesciences.ird.fr<br />
Pour obtenir le Carnet de route ou la Lettre du PCST : pcst@paris.ird.fr<br />
Les premières données recueillies mettent<br />
en évidence une hétérogénéité des structures<br />
(associations, institutions culturelles,<br />
organismes de recherche, universités...),<br />
des activités (conférences et débats,<br />
clubs scientifiques, sites Internet, expositions,<br />
supports multimédia...) et des<br />
moyens. Cependant, <strong>au</strong>-delà de ces disparités,<br />
tous les acteurs interrogés partagent<br />
une même mission que résume<br />
ainsi une association burkinabè : « La<br />
culture scientifique et technique, c’est,<br />
pour nous, amener les populations à<br />
s’investir dans leur propre développement.<br />
Parce qu’à travers cette diffusion<br />
des savoirs, elles adoptent des comportements<br />
qui contribuent à l’amélioration<br />
des milieux de vie ou de l’environnement.<br />
» Permettre <strong>au</strong>x populations, tout<br />
particulièrement les jeunes, de devenir<br />
les acteurs du développement de leur<br />
pays, un rôle capital que l’ensemble participants<br />
du séminaire a unanimement<br />
assigné à la culture scientifique et technique.<br />
●<br />
1. Projet FSP mobilisateur, Promotion de la<br />
Culture Scientifique et Technique dans la zone<br />
de solidarité prioritaire, voir ,<br />
n° 33, janvier-février <strong>2006</strong>. Un ambitieux programme<br />
de diffusion de la culture scientifique<br />
et technique <strong>au</strong> <strong>Sud</strong>, mis en œuvre par l’<strong>IRD</strong> à<br />
la demande de la direction générale de la<br />
Coopération internationale et du Développement.<br />
Contact<br />
Marie-Lise Sabrié ou Raphaële Nisin<br />
pcst@paris.ird.fr<br />
© <strong>IRD</strong>/ B. Pouy<strong>au</strong>d<br />
Quoi de neuf<br />
docteur ?<br />
Réalisée <strong>au</strong> Laboratoire <strong>IRD</strong>-Centre<br />
Pasteur du Cameroun d’épidémiologie<br />
et de santé publique, la thèse de Joseph<br />
KAMGNO a été soutenue le 15 décembre<br />
2005, à l’université Paris VI. Pour entreprendre<br />
ses Études sur l’impact de l’onchocercose,<br />
l’effet macrofilaricide de<br />
l’ivermectine et les difficultés liées à la<br />
co-endémie avec la loase, il travaillait<br />
sous la direction de Michel BOUSSINESQ de<br />
l'UR024, Épidémiologie et prévention :<br />
environnement et efficacité des interventions.<br />
michel.boussinesq@wanadoo.fr<br />
Le Cesbio (UR113) accueillait le 2 décembre<br />
2005 la soutenance par Olivier<br />
MERLIN de sa thèse de l’université<br />
Toulouse III. Il y était question de Synergie<br />
des observations multispectrales :<br />
application en hydrologie. Des recherches<br />
validées par deux applications,<br />
dirigées par Ghani CHEHBOUNI de l’<strong>IRD</strong>.<br />
http://www.cesbio.ups-tlse.fr/<br />
Thi Thanh THUY NGUYEN a soutenu sa<br />
thèse le 15 décembre 2005, à<br />
Montpellier, sur le sujet Étude de la fermentation<br />
de mélanges de riz et soja<br />
par des bactéries lactiques amylolytiques<br />
en combinaison avec différents<br />
procédés : nouvelles voies d’élaboration<br />
d’aliments de complément du<br />
jeune enfant. Jean Pierre GUYOT de<br />
l’UR106, Nutrition alimentation sociétés,<br />
dirigeait ces recherches.<br />
jpguyot@mpl.ird.fr<br />
Stockage et protection du carbone dans<br />
le sol sous systèmes en semis direct avec<br />
couverture végétale des H<strong>au</strong>tes Terres<br />
malgaches est le titre de la thèse que<br />
Tantely RAZAFIMBELO a soutenue le<br />
28 novembre 2005 à l’École nationale<br />
supérieure agronomique de Montpellier.<br />
Christian FELLER et Alain ALBRECHT, de<br />
l’UR179 Séquestration du carbone et biofonctionnement<br />
des sols, ont dirigé la<br />
thèse.<br />
Tantely.Razafimbelo@mpl.ird.fr<br />
Géologue-géophysicien chilien, Andres<br />
PAVEZ a soutenu, le 12 decembre 2005,<br />
une thèse de doctorat à l’Institut de<br />
Physique du Globe de Paris (IPG) intitulée<br />
Structure et déformations du volcan<br />
Lascar (nord Chili) à partir d’observations<br />
par satellites et <strong>au</strong> sol : Apports à<br />
la connaissance et la surveillance des<br />
volcans andésitiques. Des recherches<br />
réalisées sous la direction de Sylvain<br />
BONVALOT (<strong>IRD</strong>, UR154/UMR LMTG) et de<br />
Michel DIAMENT, professeur à l’IPG.<br />
http://www.chile.ird.fr<br />
Ses trav<strong>au</strong>x intitulés Analyse et inversion<br />
de séries interférométriques et<br />
microgravimétriques temporelles sur<br />
les volcans actifs : apport à la quantification<br />
d’effets de sites et à la compréhension<br />
de la dynamique volcanique<br />
ont permis à Dominique REMY, ingénieur<br />
de recherche à l’<strong>IRD</strong> de soutenir le<br />
16 décembre 2005 une thèse de doctorat<br />
à l’Institut de Physique du Globe<br />
de Paris. Sylvain BONVALOT (<strong>IRD</strong>, UR154/UMR<br />
LMTG) et Michel DIAMENT, professeur à<br />
l’IPG codirigeaient ce travail.<br />
http://www.chile.ird.fr<br />
Moussa GEYE a soutenu sa thèse La<br />
stratégie de reproduction du tilapia<br />
Sarotherodon melanotheron heudelotii<br />
en milieux naturels le 10 février <strong>2006</strong> à<br />
l’université Cheikh Anta Diop, à Dakar.<br />
Jean Jacques ALBARET de l’UR070 RAP de<br />
l’<strong>IRD</strong> et Papa Ndiaye, de l’IFAN, codirigeaient<br />
ses trav<strong>au</strong>x.<br />
Le 30 janvier à l’université Cheikh Anta<br />
Diop de Dakar, Ngansoumana BA,<br />
allocataire <strong>IRD</strong>, soutenait La commun<strong>au</strong>té<br />
phytoplanctonique du lac de<br />
Guiers (Sénégal) : types d’associations<br />
fonctionnelles et approches expérimentales<br />
de leurs facteurs de régulation,<br />
un travail de thèse dirigé par<br />
Marc BOUVY, de l’<strong>IRD</strong>, UR167, Cyroco et<br />
A.T. Ba.<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
Planète <strong>IRD</strong><br />
13
Ressources<br />
14<br />
© <strong>IRD</strong>/A. Debray<br />
Aide <strong>au</strong> développement<br />
Expertise et empirisme<br />
Jean-François BARÉ, directeur de l’unité<br />
de recherche Intervention publique, espaces,<br />
sociétés (UR102), a dirigé la rédaction<br />
d’un ouvrage collectif intitulé Paroles d’experts.<br />
Études sur la pensée institutionnelle<br />
du développement. Entretien.<br />
Pourquoi avez-vous souhaité, dans cet<br />
ouvrage, aborder l’aide <strong>au</strong> développement<br />
<strong>au</strong> travers des conceptions qu’en<br />
a le personnel des institutions chargées<br />
de la dispenser ?<br />
Nous avons constaté que, s’il existe une<br />
somme considérable d’analyses et de<br />
commentaires sur les pays et les sociétés<br />
récipiendaires, il en existe assez peu<br />
sur l’activité des fonctionnaires et des<br />
cadres qui finalement « constituent »<br />
l’aide <strong>au</strong> développement. Nous portons<br />
l’attention sur la manière de penser des<br />
fonctionnaires et cadres du développement<br />
dans des contextes donnés. Parce<br />
que l’aide <strong>au</strong> développement est une<br />
activité éminemment « cognitive ».<br />
Nous avons voulu mettre en évidence<br />
l’idée qu’impulser et gérer l’aide est un<br />
processus de connaissance, donc <strong>au</strong>ssi<br />
de méconnaissance, les deux sont inséparables.<br />
Je suis sûr<br />
que be<strong>au</strong>coup de<br />
chercheurs de l’<strong>IRD</strong> y<br />
verront une banalité,<br />
mais celle-ci est<br />
bien souvent ignorée<br />
ailleurs qu’à l’<strong>IRD</strong>,<br />
notamment <strong>au</strong> sein<br />
des instances, nationales<br />
et internationales,<br />
s’occupant<br />
d’aide <strong>au</strong> développement.<br />
Paroles d’experts<br />
Études sur<br />
la pensée<br />
institutionnelle<br />
du développement,<br />
Sous la direction de<br />
J.-F. Baré, Karthala,<br />
445 pages, 29 €<br />
Quelles sont les connaissances, et<br />
méconnaissances, en c<strong>au</strong>se ici, s’agit-il<br />
en particulier de bien connaître le<br />
contexte spécifique de chaque pays ?<br />
L’intervention de développement relève<br />
évidemment d’un processus de<br />
connaissance des contextes loc<strong>au</strong>x. Il<br />
est souvent rudimentaire, mais be<strong>au</strong>coup<br />
plus riche qu’on se plaît à le souligner.<br />
Je ne crois pas trahir les <strong>au</strong>teurs<br />
en disant que nous ne sacrifions pas à<br />
l’antienne selon laquelle le développement<br />
ne « marche pas » parce que les<br />
développeurs ne comprennent rien<br />
(bien qu’une des contributions semble<br />
soutenir cette position, dans le cas particulier<br />
de l’ouest de Madagascar). Le<br />
développement marche un peu, be<strong>au</strong>coup,<br />
passionnément, pas du tout. Il<br />
peut être dramatique par certains côtés<br />
et positif dans d’<strong>au</strong>tres (la construction<br />
de grands barrages, par exemple) et<br />
l’on ne sait pas toujours différencier ce<br />
qui relève de l’intervention publique<br />
elle-même, des dynamiques propres des<br />
ensembles humains concernés, notamment<br />
de leurs capacités <strong>au</strong>tonomes<br />
d’échanges économiques, en partie<br />
grâce à l’intervention publique, en partie<br />
en dehors d’elle.<br />
Mais l’intervention de développement,<br />
telle que la pratiquent ses gestionnaires,<br />
c’est <strong>au</strong>ssi et peut-être d’abord<br />
un processus de connaissance de son<br />
propre contexte institutionnel ; en<br />
d’<strong>au</strong>tres termes, pour travailler pour des<br />
projets Banque mondiale ou AFD il f<strong>au</strong>t<br />
parler Banque mondiale ou AFD, voire<br />
les deux. Imaginez ce que représente<br />
propager la démocratie locale dans les<br />
commun<strong>au</strong>tés mexicaines du point de<br />
vue du Programme des Nations unies<br />
pour le développement, un exemple<br />
traité ici ; ou bien « optimiser » ces lieux<br />
de tension que sont les frontières du<br />
Pérou pour des fonctionnaires des<br />
douanes françaises. C’est du « sur<br />
mesure », pas du « prêt-à-porter »,<br />
pour reprendre l’excellente expression<br />
de l’un des <strong>au</strong>teurs. Il f<strong>au</strong>t définir<br />
<strong>au</strong>près des <strong>au</strong>torités politiques, ce<br />
qu’est la démocratie (scrutin uninominal,<br />
mais les minorités ne sont pas représentées,<br />
comme sous la V e République<br />
française ; proportionnel avec toutes ses<br />
variantes, mais les minorités sont surreprésentées,<br />
etc.) ; il f<strong>au</strong>t définir « optimiser<br />
» (faire que le trafic frontalier s’officialise,<br />
pour éviter les conflits ;<br />
contrôler ce trafic, mais jusqu’à quel<br />
point, etc.) <strong>au</strong>près du ministère des<br />
Finances, etc. Pour <strong>au</strong>tant, se débarrasser<br />
de tout ceci en disant « c’est politique<br />
» me paraît relever d’une t<strong>au</strong>tologie<br />
de Café du Commerce, car même<br />
les hommes politiques pensent et ont à<br />
connaître des choses, bien ou mal c’est<br />
une <strong>au</strong>tre question.<br />
Le succès de l’aide <strong>au</strong> développement<br />
repose donc moins sur des savoirs techniques<br />
que sur un ensemble de connaissances<br />
empiriques ?<br />
Quand je dis dans l’introduction que<br />
l’aide <strong>au</strong> développement relève tout<br />
<strong>au</strong>tant de la « pensée s<strong>au</strong>vage » <strong>au</strong><br />
sens de C. Lévi-Str<strong>au</strong>ss que de corpus<br />
techniques constitués et indépendants<br />
des contextes, il ne f<strong>au</strong>t pas y voir<br />
une position anti-techniciste ou antiscientiste<br />
– ce serait très paradoxal de la<br />
part d’un chercheur, même en sciences<br />
humaines. Il est possible qu’on arrive<br />
finalement à des corpus techniques<br />
pour transférer de la démocratie ou<br />
optimiser les frontières. Mais pour<br />
prendre des exemples que je crois parlants<br />
et qui ne sont pas traités dans le<br />
livre, l’invention de la trithérapie contre<br />
le sida ou de l’arrosage par goutte à<br />
goutte sont éminemment techniques.<br />
Cependant pour faire bénéficier X ou Y<br />
de ces trithérapies et de ces systèmes<br />
d’irrigation, il f<strong>au</strong>t des médiations institutionnelles<br />
capables d’identifier les<br />
bénéficiaires et les <strong>au</strong>tres, et surtout de<br />
faire que ces techniques parviennent à<br />
ceux qui en ont le plus besoin parce que<br />
dans les médiations institutionnelles<br />
comme dans la vie, j’allais dire normale,<br />
on est souvent dans la rareté. Cela<br />
relève de ce que Lévi-Str<strong>au</strong>ss appelle le<br />
bricolage de la pensée s<strong>au</strong>vage, c’est-àdire<br />
que le bricoleur mobilise les<br />
moyens qu’il a <strong>au</strong>tour de lui, par opposition<br />
à l’ingénieur qui fabrique une<br />
machine répondant à sa question.<br />
En somme, ce livre rappelle l’empirisme<br />
consubstantiel à l’aide <strong>au</strong> développement,<br />
ce qui n’est pas forcément critique<br />
une fois encore. Tout ceci a des<br />
conséquences directes et applicables<br />
sur une des vocations que je crois<br />
essentielles à la mission de l’<strong>IRD</strong>, la formation,<br />
à laquelle mon unité de<br />
recherche a porté be<strong>au</strong>coup d’attention<br />
depuis plusieurs années. Pour moi, l’objet<br />
empirique de toute formation c’est<br />
bien sûr l’apprentissage de sujets très<br />
spécialisés (ainsi par exemple de la<br />
socialisation des cadres des ONG en<br />
général, de la décentralisation dans une<br />
Égypte fortement centralisée, etc.)<br />
mais <strong>au</strong>ssi et indissolublement la lecture<br />
attentive de grandes œuvres, de philosophie,<br />
de littérature, d’histoire, qui ne<br />
sont pas techniques ni spécialisées,<br />
mais qui sont pourtant précieuses pour<br />
une appréhension des contextes et des<br />
enjeux intellectuels propres à l’intervention<br />
de développement. ●<br />
Contact<br />
Jean-François Baré<br />
jfbare@wanadoo.fr<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
La Sierra Madre occidentale<br />
Un châte<strong>au</strong> d’e<strong>au</strong> menacé<br />
Éditeurs scientifiques : Luc Descroix, Juan<br />
Estrada, José Luis Gonzalez Barrios, David<br />
Viramontes, Éditions de l’<strong>IRD</strong>, collection<br />
latitudes 23, 328 pages, 42 €<br />
La Sierra Madre occidentale,<br />
châte<strong>au</strong><br />
d’e<strong>au</strong> pour tout le<br />
nord du Mexique,<br />
est un espace<br />
convoité. La relative<br />
abondance en<br />
e<strong>au</strong> y a entraîné le<br />
développement de<br />
pâturages et d’exploitationsforestières,<br />
provoquant<br />
une surexploitation<br />
des milieux et des ressources. La dégradation<br />
des sols liée <strong>au</strong> surpâturage et <strong>au</strong> déboisement<br />
conduit de fait inévitablement<br />
à celle de l’e<strong>au</strong> et menace <strong>au</strong>jourd’hui le<br />
potentiel de toute cette région. À travers<br />
des études de cas précises, cet ouvrage<br />
montre comment la gestion de l’e<strong>au</strong> est<br />
liée a celle de l’espace et nécessite la prise<br />
en compte des besoins de l’ensemble des<br />
usagers, du bûcheron <strong>au</strong> gardien de troupe<strong>au</strong>x.<br />
Cette gestion patrimoniale, qui<br />
permet de régler les nombreux conflits<br />
d’usage, forme un modèle de développement<br />
dont de nombreux pays de montagne<br />
pourraient s’inspirer.<br />
Le fleuve, le barrage et les poissons<br />
Le Sinnamary et le barrage<br />
de Petit-S<strong>au</strong>t en Guyane française<br />
Bernard de Mérona, Éditions de l’<strong>IRD</strong>,<br />
136 pages, 23 €<br />
Quatre années d’observation<br />
avant la<br />
construction du barrage<br />
hydroélectrique<br />
de Petit-S<strong>au</strong>t en<br />
Guyane, puis neuf<br />
années après ont permis<br />
<strong>au</strong>x chercheurs<br />
de l’<strong>IRD</strong> d’acquérir<br />
des données exh<strong>au</strong>stives<br />
concernant les<br />
conséquences de la<br />
construction d’un<br />
barrage sur les peuplements de poissons.<br />
Didactique et bien illustré, cet ouvrage de<br />
référence pour tout projet de barrage en<br />
milieu tropical est <strong>au</strong>ssi accessible à un<br />
large public.<br />
Biodiversité et savoirs naturalistes<br />
loc<strong>au</strong>x en France<br />
Sous la direction de L<strong>au</strong>rence Bérard,<br />
Marie Cegarra, Marcel Djama, Sélim<br />
Louafi, Philippe Marchenay, Bernard<br />
Roussel, François Verde<strong>au</strong>x, Édition :<br />
Cirad, Iddri, IFB, Inra, Cemagref, Ifremer,<br />
272 pages, 30 €<br />
Avec la Convention<br />
sur la diversité biologique,<br />
qui a porté les<br />
commun<strong>au</strong>tés <strong>au</strong>tochtones<br />
et locales<br />
sur le devant de la<br />
scène internationale,<br />
l’homme a retrouvé<br />
une place centrale<br />
dans les questions<br />
liées à l’environnement.<br />
Ses savoirs et<br />
savoir-faire liés à la<br />
nature, longtemps dépréciés, ont été réhabilités<br />
et sont devenus le centre d’actions<br />
de conservation et de valorisation de la<br />
biodiversité. Cet ouvrage présente des<br />
contributions originales sur l’expérience<br />
française, provenant de chercheurs de disciplines<br />
variées, de praticiens, d’hommes<br />
politiques. Ouvrant une réflexion collective,<br />
synthétique et critique, il s’adresse<br />
<strong>au</strong>x négociateurs, mais <strong>au</strong>ssi à tous ceux<br />
qui s’intéressent à l’<strong>au</strong>tochtonie et <strong>au</strong>x<br />
savoirs loc<strong>au</strong>x sur la nature. Avec l’objectif<br />
de nourrir les débats, notamment internation<strong>au</strong>x.<br />
États, ONG et production des normes<br />
sécuritaires dans les pays du <strong>Sud</strong><br />
Sous la direction de Niagalé Bagayoko-<br />
Penone et Bernard Hours, L’Harmattan,<br />
314 pages, 26,50 €<br />
La production des<br />
normes sécuritaires<br />
est un effet de la globalisation.<br />
Les États<br />
et les ONG se présentent<br />
comme des producteursparticulièrement<br />
visibles de<br />
normes sécuritaires<br />
pour la plupart formulées<br />
par des instances<br />
du Nord. Cet<br />
ouvrage se penche<br />
sur la production des normes sécuritaires<br />
considérées à travers les outils de la science<br />
politique et de la sociologie. Il envisage les<br />
normes sécuritaires du point de vue de la<br />
puissance étatique et multilatérale <strong>au</strong>ssi<br />
bien que sous l’angle des normes et valeurs<br />
sociales qui donnent sens à la sécurité entendue<br />
dans ses multiples dimensions sectorielles.<br />
Recherche intégrée sur la santé des populations à Niakhar<br />
Sous la direction de Jean-Philippe Chipp<strong>au</strong>x, Éditions de l’<strong>IRD</strong>, 32 pages, 15 €<br />
À 150 km de Dakar, 30 villages répartis sur<br />
200 km 2 constituent depuis 1962 la zone<br />
d’étude de Niakhar. Dans cette région rurale,<br />
des enquêtes démographiques et épidémiologiques<br />
sont conduites sans interruption depuis<br />
plus de quarante ans. L’informatisation des<br />
données collectées depuis 1983 à permis de<br />
constituer une importante base d’informations<br />
fonctionnelles. L’ouvrage en propose<br />
une synthèse abondamment illustrée et<br />
commentée. D’abord destiné <strong>au</strong>x populations<br />
locales qui se prêtent à ces<br />
études et <strong>au</strong>x <strong>au</strong>torités sénégalaises, cet<br />
ouvrage qui offre une image actualisée<br />
et raisonnée de l’évolution d’une<br />
commun<strong>au</strong>té rurale du Sahel africain<br />
s’adresse <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong>x étudiants, chercheurs<br />
et praticiens du développement.<br />
Ils y trouveront une image actualisée et<br />
raisonnée de l’évolution d’une commun<strong>au</strong>té<br />
rurale du Sahel africain.<br />
Intégration à la ville et services<br />
urbains <strong>au</strong> Maroc<br />
Coordonné par Cl<strong>au</strong>de de Miras, INAU, <strong>IRD</strong>,<br />
478 pages<br />
Dans le contexte de<br />
métropolisation <strong>au</strong><br />
Maroc, les enjeux<br />
de gouvernance urbaine,<br />
de décentralisation<br />
municipale<br />
et de participation<br />
d’une société civile<br />
en formation, onze<br />
études sont proposées<br />
par des<br />
géographes, économistes,<br />
politistes et sociologues. À partir<br />
des périphéries socio-spatiales, des pratiques<br />
des habitants, des trajectoires d’acteurs<br />
et des compromis institutionnels qui<br />
s’y révèlent, les équipes de recherche<br />
franco-marocaines examinent méthodiquement<br />
les processus et les difficultés de<br />
I’intégration à la ville. Cet ouvrage collectif<br />
livre des regards croisés et une synthèse<br />
en interrogeant <strong>au</strong>tant les théories que<br />
les actions du développement urbain des<br />
grandes métropoles émergentes.<br />
La microfinance en Asie<br />
Entre traditions et innovations<br />
Isabelle Guérin, Kamala Marius-Gnanou,<br />
Thierry Pair<strong>au</strong>lt et Jean-Michel Servet, IFP,<br />
<strong>IRD</strong>, Karthala, 230 pages, 18 €<br />
L’Asie est un vaste<br />
laboratoire où les<br />
pratiques microfinancièrescontribuent<br />
activement à<br />
lutter contre I’exclusion<br />
des plus<br />
p<strong>au</strong>vres. Ce livre<br />
évalue des politiques<br />
et des expériences<br />
menées en Inde, <strong>au</strong><br />
Cambodge, <strong>au</strong> Laos,<br />
<strong>au</strong> Viêt-nam et en<br />
Chine. À la lecture<br />
de cet ouvrage, la microfinance en Asie apparaît<br />
comme une coproduction faite d’hybridations,<br />
de métissages et d’emprunts<br />
croisés où « traditions » et « innovations »<br />
s’enrichissent mutuellement. Les <strong>au</strong>teurs<br />
concluent en s’enquérant de leur avenir.<br />
Sans tomber dans le pessimisme, ils ne se<br />
laissent pas aveugler par I’optimisme ambiant<br />
sur les objectifs du millénaire pour la<br />
lutte contre la p<strong>au</strong>vreté et n’occultent pas<br />
les faiblesses avérées des institutions de<br />
microfinance.<br />
Movilidad, elementos esenciales y<br />
riesgos en el distrito metropolitano<br />
de Quito<br />
Florent Demoraes, Municipio des distrito<br />
metropolitano de Quito, IFEA, <strong>IRD</strong>, 228 pages<br />
Ce livre présente les<br />
résultats obtenus par<br />
le programme Système<br />
d’information<br />
et risques dans Ie<br />
DMQ conduit par la<br />
Direction métropolitaine<br />
du Territoire et<br />
du Logement de la<br />
municipalité de Quito et l’<strong>IRD</strong> pour prévenir<br />
de façon efficace les risques <strong>au</strong>xquels est<br />
exposée la capitale équatorienne compte<br />
tenu des problèmes de mobilité habituels<br />
ou exceptionnels. Le livre propose une base<br />
de réflexion utile <strong>au</strong>x gestionnaires, fournit<br />
des pistes pour la réduction des vulnérabilités<br />
et apporte des orientations pour la prévention<br />
des crises.<br />
Gouvernance urbaine et accès à l’e<strong>au</strong><br />
potable <strong>au</strong> Maroc<br />
Partenariat Public-Privé à Casablanca<br />
et Tanger-Tétouan<br />
Cl<strong>au</strong>de de Miras et Julien Le Tallier,<br />
L’Harmattan, ISTED, LPED, 276 pages,<br />
22,50 €<br />
Premiers éléments<br />
d’un bilan de l’expérimentation<br />
de partenariat<br />
public-privé<br />
dans le domaine de<br />
l’accès à l’e<strong>au</strong> potable<br />
<strong>au</strong> Maroc ;<br />
une analyse méticuleuse<br />
qui présente<br />
une somme<br />
de connaissances et<br />
les met en perspective<br />
dans un cadre<br />
théorique qui permet<br />
<strong>au</strong>x <strong>au</strong>teurs de proposer une analyse<br />
interprétative des mécanismes observés.<br />
Autrepart n° 36<br />
Migrations entre les deux rives<br />
du Sahara<br />
Armand Colin, Éditions de l’<strong>IRD</strong>, 200 pages,<br />
19 €<br />
Anthropologues,<br />
géographes, sociologues<br />
exposent ici<br />
des études de cas qui<br />
portraiturent la nouvelle<br />
donne migratoire<br />
de l’Afrique<br />
subsaharienne vers<br />
l’Afrique du Nord.<br />
Une migration qui<br />
s’intensifie, qui transforme<br />
les lieux de<br />
transit entre Sahel et<br />
Méditerranée, et qui touche une grande<br />
diversité de migrants.<br />
Los peligros volcánicos asociados<br />
con el Cotopaxi<br />
Daniel Andrade, Minard Hall, Patricia<br />
Mothes, Liliana Troncoso, Jean-Philippe<br />
Eissen, Pablo Samaniego, Jose Egred,<br />
Patricio Ramon, David Rivero, Hugo Yepes,<br />
Corporación editora nacional, IG-EPN,<br />
<strong>IRD</strong>,148 pages 10 €<br />
Troisième volume de<br />
la collection consacrée<br />
<strong>au</strong>x aléas volcaniques<br />
en Équateur,<br />
cet ouvrage très clair,<br />
largement illustré,<br />
évoque l’histoire géologique<br />
du Cotopaxi,<br />
les types de phénomènes<br />
volcaniques<br />
qui l’animent, la surveillance<br />
dont il fait<br />
l’objet, son activité actuelle et les scénarios<br />
possibles d’une future éruption.<br />
Carnet de route<br />
Réaliser un projet de culture<br />
scientifique et technique<br />
<strong>IRD</strong>, DGCID, 63 pages<br />
Plein d’idées et<br />
de conseils, ce<br />
guide pratique,<br />
réalisé dans le<br />
cadre du projet<br />
de promotion<br />
de la culture<br />
scientifique et technique en zone de solidarité<br />
prioritaire du ministère des Affaires<br />
étrangères, est disponible sur le site :<br />
www.latitudesciences.ird.fr<br />
Anthropologie et histoire face <strong>au</strong>x légitimations politiques<br />
Le journal des anthropologues, n° 104-105, Association française des anthropologues,<br />
455 pages, 21,50 €<br />
À l’heure où, en France, le débat sur la réhabilitation de la colonisation<br />
dans l’enseignement de l’histoire est à peine clos, ce numéro<br />
du Journal des anthropologues présente un dossier coordonné<br />
par Marie-Pierre Ballarin et Monique Sélim de l’<strong>IRD</strong> et Alain Forest<br />
du Sedet (CNRS, université Paris7), qui invite à une réflexion sur les<br />
disciplines de l’anthropologie et de l’histoire confrontées à l’instrumentalisation<br />
politique.<br />
« Le déf<strong>au</strong>t de discours de représentations, d’instances et de structures<br />
légitimatrices qui soient reconnues par l’ensemble d’une société<br />
se traduit par une véritable surproduction de tentatives de légitimation.<br />
» Ce dossier rassemble une quinzaine d’exemples de cette quête<br />
de légitimation, recueillis sur tous les continents, <strong>au</strong> Nord et <strong>au</strong> <strong>Sud</strong>.
C o n t r a t d ’ o b j e c t i f s<br />
Mobiliser le potentiel scientifique français<br />
Le contrat d’objectifs entre l’État et l’<strong>IRD</strong> pour la période<br />
<strong>2006</strong>-2009 confère à l’Institut un cadre ambitieux<br />
pour stimuler la recherche française pour le développement.<br />
Si pour répondre <strong>au</strong>x questions<br />
scientifiques soulevées par le<br />
développement des pays du<br />
<strong>Sud</strong>, la France dispose d’institutions<br />
spécialisées fortes d’un large rése<strong>au</strong><br />
d’implantations à travers le monde<br />
(notamment le Cirad et l’<strong>IRD</strong>), elle doit<br />
néanmoins, pour faire face à cette<br />
priorité majeure, amplifier son effort et<br />
mobiliser l’ensemble de son potentiel<br />
scientifique dans les universités et<br />
organismes de recherche. Telle est<br />
l’ambition qui guide le nouve<strong>au</strong><br />
contrat d’objectifs en cours entre l’État<br />
et l’<strong>IRD</strong> pour les années <strong>2006</strong> à 2009.<br />
En effet, tout en restant un opérateur<br />
de recherche et en s’appuyant sur son<br />
expérience, ses partenaires et ses<br />
implantations, l’<strong>IRD</strong> se dote d’une fonction<br />
d’agence d’objectifs, de programmation<br />
et de moyens <strong>au</strong> service du<br />
développement. Ainsi, l’Institut, force<br />
de proposition et de conseil, sera à<br />
même, sur les grandes questions prioritaires<br />
pour le développement des pays<br />
du <strong>Sud</strong>, de mobiliser des moyens bien<br />
supérieurs à ses seules capacités, avec<br />
le dessein de répondre à la demande<br />
des pays partenaires et de leur permettre<br />
de se doter des ressources<br />
humaines pour poursuivre par euxmêmes<br />
le processus. L’État pour sa part<br />
s’engage à doter l’<strong>IRD</strong> des moyens<br />
humains et budgétaires nécessaires à<br />
cette ambition.<br />
La rédaction a abouti à un document<br />
dense dans lequel le portrait de l’<strong>IRD</strong><br />
pour les prochaines années est brossé<br />
en une vingtaine de pages. Dans sa<br />
première partie, le contrat d’objectifs<br />
identifie des priorités de politique<br />
scientifique et géographique définies<br />
par rapport à des enjeux majeurs et<br />
répondant <strong>au</strong>x grandes orientations de<br />
la politique française d’aide <strong>au</strong> développement.<br />
Les défis scientifiques afférents<br />
sont déclinés en six grandes priorités<br />
: politiques publiques de lutte<br />
contre la p<strong>au</strong>vreté et pour le développement<br />
; migrations internationales ;<br />
maladies infectieuses émergentes ;<br />
changement climatique et aléas naturels<br />
; ressources en e<strong>au</strong> et accès à<br />
l’e<strong>au</strong> ; écosystèmes et ressources naturelles.<br />
Il s’agit là de priorités de la<br />
recherche pour le développement, et<br />
non seulement de l’<strong>IRD</strong>. Ainsi certains<br />
thèmes, comme l’énergie, s’ils ne sont<br />
guère étudiés par les chercheurs de<br />
l’<strong>IRD</strong> n’en sont pas moins essentiels<br />
pour le développement. Actuellement,<br />
environ 45 % des chercheurs de l’<strong>IRD</strong><br />
sont impliqués dans ces priorités.<br />
« L’ambition n’est pas que la totalité<br />
des chercheurs se consacrent à ces<br />
priorités, précise Jean-François Girard,<br />
président de l’<strong>IRD</strong>, il f<strong>au</strong>dra néanmoins<br />
qu’<strong>au</strong> cours des quatre prochaines<br />
années cette proportion <strong>au</strong>gmente. »<br />
En termes géographiques, la stratégie<br />
de l’Institut reposera sur les priorités et<br />
une photo, une recherche<br />
Le 7 février dernier, le président et le directeur général de l'<strong>IRD</strong> ont in<strong>au</strong>guré, à Cayenne, la station<br />
de surveillance de l’environnement assistée par satellite SEAS Guyane. Chantal Berthelot,<br />
première vice-présidente de la Région Guyane, a ouvert la cérémonie en in<strong>au</strong>gurant l’antenne<br />
de réception, située sur le site du CNES à Montabo, en présence des partenaires publics et privés et<br />
de nombreux invités étrangers.<br />
Unique en Europe et en Amérique du <strong>Sud</strong>, la station de réception à h<strong>au</strong>te résolution 1 , qui exploitera<br />
les données issues des satellites européens Spot et Envisat, arrive à point nommé pour répondre <strong>au</strong><br />
besoin croissant de surveillance de l’environnement lié à l’évolution rapide du territoire (pression foncière,<br />
orpaillage, déforestation...) du littoral (envasement, érosion...). En mer, le contrôle des unités de<br />
pêche nécessite <strong>au</strong>ssi un suivi accru.<br />
Antenne SEAS<br />
Radar<br />
dynamiques suivantes : Afrique et<br />
Méditerranée, Europe de la recherche,<br />
dynamique régionale et partenariat<br />
<strong>Sud</strong>-<strong>Sud</strong>. L’<strong>IRD</strong> procédera notamment à<br />
une ouverture nationale et internationale<br />
de ses centres, en commençant<br />
par celui de Dakar. Les cinq centres de<br />
l’Institut dans l’outre-mer tropical français,<br />
quant à eux, joueront un rôle prépondérant<br />
dans la participation de<br />
l’Institut à la construction de l’Europe<br />
de la recherche. Ils seront également<br />
importants, avec les représentations<br />
dans les pays émergents, pour l’établissement<br />
de partenariats <strong>Sud</strong>-<strong>Sud</strong>, à<br />
l’image des missions franco-brésiliennes<br />
dans les pays d’Afrique lusophone<br />
(voir n° 32, novembredécembre<br />
2005).<br />
La seconde partie du contrat propose<br />
une vision opérationnelle de l’évolution<br />
de l’<strong>IRD</strong> <strong>au</strong>tour d’une dizaine d’objectifs<br />
assortis d’indicateurs qui permettront<br />
un suivi régulier (annuel) de l’exécution<br />
du contrat. Les objectifs sont déclinés<br />
selon trois dimensions : la fonction<br />
d’agence, l’activité scientifique et l’or-<br />
Les bases de données qui seront constituées permettront de disposer d’un véritable observatoire de l’environnement<br />
amazonien pour la gestion des ressources, l’aménagement et la surveillance du territoire.<br />
Les données satellite acquises et traitées à partir de la station de Guyane seront gracieusement mises<br />
à disposition des collectivités et des services de l’État, pour des missions de service public en Guyane,<br />
et de la commun<strong>au</strong>té scientifique. ●<br />
1. Voir n° 30,<br />
mai/juillet 2005, page 13.<br />
Contact<br />
Frédéric Huynh – US140 Espace<br />
huynh@ird.fr<br />
ganisation et la gestion. Les indicateurs<br />
se rapportent par exemple <strong>au</strong> nombre<br />
de projets européens ou internation<strong>au</strong>x<br />
coordonnés ou gérés par l’<strong>IRD</strong>, <strong>au</strong><br />
nombre de chercheurs en accueil, <strong>au</strong><br />
nombre de projets région<strong>au</strong>x <strong>au</strong> <strong>Sud</strong>,<br />
<strong>au</strong> nombre de publications, de brevets,<br />
etc. Le contrat est enfin complété par<br />
une annexe décrivant la correspondance<br />
des priorités qu’il affiche avec les<br />
thèmes retenus par ailleurs dans le<br />
nouve<strong>au</strong> cadre budgétaire et comptable.<br />
Loin d’être une fin, note la direction de<br />
l’<strong>IRD</strong>, ce contrat est un point de départ<br />
qui ouvre des portes pour la finalisation<br />
du schéma stratégique en cours d’élaboration<br />
et qui doit être rendu public à<br />
l’<strong>au</strong>tomne <strong>2006</strong>. Pour les représentants<br />
des tutelles <strong>au</strong> conseil d’administration<br />
de l’<strong>IRD</strong>, ce contrat, innovant dans sa<br />
forme, prend place, sur le fond, dans<br />
un ensemble d’une grande cohérence<br />
entre les missions dévolues à l’Agence<br />
française de développement et la<br />
réforme du dispositif français de<br />
coopération internationale. ●<br />
WEB www.espace.ird.fr<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
Planète <strong>IRD</strong><br />
15<br />
Cayenne, le 7 décembre 2005,<br />
première image obtenue à partir<br />
des données reçues par l'antenne SEAS<br />
Guyane en provenance du satellite Spot 5.<br />
Au centre du zoom on peut voir l’antenne<br />
elle-même à côté du radar du CNES.
© <strong>IRD</strong>/A. Lericollais<br />
Sereer dans l’âme et dans le<br />
sang, tout <strong>au</strong> long de sa vie, ce<br />
petit homme n’a cessé d’incarner<br />
à sa façon, modestement, le destin<br />
d’un pays, le Sénégal, ses mythes, ses<br />
espoirs et ses échecs. Son parcours professionnel<br />
symbolise l’évolution des<br />
campagnes du Sénégal. Entre 1964 et<br />
1967, Joseph Diatte commence son travail<br />
d’enquêteur et de médiateur. Dans<br />
les concessions et terroirs de la région<br />
de Fatick, à Sob notamment (dans le<br />
centre-ouest du pays), il participe à la<br />
compréhension d’un modèle agropastoral<br />
dont il est issu, celui de la<br />
société paysanne sereer présente <strong>au</strong><br />
cœur du Sine, entre Niakhar, Toucar et<br />
Diohine. Entre 1968 et 1971, Joseph<br />
Diatte poursuit son travail avec des<br />
chercheurs du CNRA 1 de Bambey :<br />
ensemble, ils perçoivent déjà les limites<br />
du système arachidier, à la fois faiblement<br />
rémunérateur pour les paysans et<br />
destructeur pour l’environnement.<br />
sommet du Millénaire des Nations unies<br />
a fait de l’éradication de la faim son premier<br />
objectif de développement, reprenant<br />
le principal but du sommet mondial<br />
de l’alimentation de 1996 qui était<br />
de réduire de moitié le nombre de sousalimentés<br />
d’ici 2015. Cependant, retenant<br />
les leçons du prix Nobel 1998<br />
d’économie, Amartya Sen, l’accent a été<br />
mis moins sur le manque de nourriture<br />
que sur la p<strong>au</strong>vreté et le manque de travail,<br />
donc sur les questions d’accès à<br />
l’alimentation. Augmenter les aliments<br />
disponibles, <strong>au</strong>ssi nécessaire que soit<br />
cette condition, ne suffira pas. Il f<strong>au</strong>t en<br />
effet que les consommateurs disposent<br />
de moyens pour les acquérir et que<br />
cette nourriture soit bien là quand on a<br />
besoin d’elle. Mais <strong>au</strong>-delà, le système<br />
alimentaire mondial est à un carrefour.<br />
Dans un contexte de mondialisation et<br />
d’urbanisation, il est confronté à des<br />
changements majeurs qui se produisent<br />
à un rythme et à une échelle sans précédents<br />
: remise en c<strong>au</strong>se de la priorité<br />
accordée <strong>au</strong>x cultures vivrières destinée<br />
à la production locale et donc des agricultures<br />
paysannes, industrialisation de<br />
l’alimentation avec des chaînes alimentaires<br />
de plus en plus longues et<br />
<strong>Sciences</strong> <strong>au</strong> <strong>Sud</strong> - Le journal de l’<strong>IRD</strong> - n° 34 - <strong>mars</strong>/<strong>avril</strong> <strong>2006</strong><br />
Témoignage<br />
J o s e p h D i a t t e<br />
Parcours d’un homme<br />
destin d’un pays<br />
par Adama FAYE (ISRA Sénégal), André LERICOLLAIS (<strong>IRD</strong>), Jérôme LOMBARD (<strong>IRD</strong> France)<br />
et Olivier NINOT (Université de Lille – France)<br />
Ce témoignage qui évoque, à travers le parcours d’un homme,<br />
l’évolution rurale du Sénégal <strong>au</strong> cours des 50 dernières années<br />
est une version très réduite d’un texte plus complet, publié<br />
parallèlement sur le site Internet de l’<strong>IRD</strong>.<br />
Au début des années 1970, le déclin du<br />
vieux pays sereer est tempéré par le<br />
développement des nouvelles terres<br />
agricoles du Sénégal oriental. En 1972,<br />
Joseph Diatte est sollicité pour recruter<br />
et accompagner, dans leur migration<br />
volontaire vers l’est, les paysans du Sine<br />
et d’ailleurs. Avec des chercheurs de<br />
l’Orstom 2 , il travaille à l’analyse de cette<br />
colonisation agricole. Devenu agent de<br />
la STN 3 , il écoute, conseille, concilie. Il<br />
voit ainsi le modèle qui sous-tend le<br />
pays depuis une centaine d’années se<br />
reproduire dans d’<strong>au</strong>tres contrées et<br />
tente de redonner espoir <strong>au</strong> Sénégal.<br />
Avec la décennie 1980, une <strong>au</strong>tre ère<br />
s’ouvre. Joseph Diatte est muté à<br />
Mboro, <strong>au</strong> bord de l’Atlantique, où il<br />
accompagne le développement des basfonds<br />
(Niayes) et de l’agriculture maraîchère.<br />
Ce changement professionnel est<br />
complexes, concentration des entreprises<br />
de l’agroalimentaire, libéralisation<br />
du commerce et globalisation des marchés,<br />
émergence des supermarchés<br />
dans le monde en développement,<br />
modifications des modes de vie et des<br />
goûts, etc. Enfin, les modes de production<br />
et de consommation dominants<br />
posent avec acuité la question du respect<br />
d’objectifs environnement<strong>au</strong>x tels<br />
que la durabilité et la préservation de la<br />
biodiversité dans les systèmes alimentaires.<br />
La multiplicité des problèmes alimentaires<br />
et nutritionnels, la diversité<br />
des situations et la complexité des<br />
c<strong>au</strong>ses montrent bien que ces questions<br />
ne peuvent pas être résolues en se<br />
contentant de produire plus d’aliments,<br />
même s’il reste indispensable, à long<br />
terme, d’accroître la production dans les<br />
pays p<strong>au</strong>vres. Aujourd’hui la question<br />
n’est plus seulement celle de la sécurité<br />
alimentaire, mais celle de la mise en<br />
œuvre de politiques alimentaires et<br />
nutritionnelles.<br />
Quels sont les blocages à cette mise<br />
en œuvre ?<br />
Face à cette complexité, la modestie<br />
scientifique est plus que jamais néces-<br />
ambigu. Il traduit la nouvelle<br />
stratégie moderniste du<br />
pays, orientée vers le développement<br />
d’une agriculture<br />
destinée à la ville et à l’exportation.<br />
Mais il signifie <strong>au</strong>ssi,<br />
avec la disparition de la STN en<br />
1984, que le Sénégal tourne<br />
le dos <strong>au</strong>x sociétés nationales<br />
de développement rural.<br />
Désormais, chaque paysan devient producteur<br />
: à lui de se débrouiller avec la<br />
nouvelle politique agricole et la concurrence<br />
internationale.<br />
Mais Joseph Diatte croit en son pays.<br />
En 1985, il renaît chez lui en devenant<br />
enquêteur principal dans un programme<br />
de recherche Isra 4 -Orstom,<br />
avec pour objectif de décrire et d’analyser<br />
l’évolution des systèmes de production<br />
agro-pastor<strong>au</strong>x du Sine. Vingt<br />
ans après, il reprend le fil de la société<br />
sereer là où il l’avait laissé, il traverse les<br />
villages, arpente les parcelles, défait et<br />
refait les comptes lignagers lors des<br />
funérailles des anciens. Mais tout a<br />
changé : il ne parcourt plus les chemins<br />
E n t r e t i e n a v e c F r a n c i s D e l p e u c h<br />
Pas de solution miracle pour nourrir la planète<br />
(Suite de la page 1)<br />
© <strong>IRD</strong>/V. Del<strong>au</strong>nay<br />
saire. Mais on peut évoquer un premier<br />
écueil. Il f<strong>au</strong>t faire en sorte que les politiques<br />
soient en phase avec les changements<br />
en cours qui modifient la façon<br />
dont les aliments sont produits, transformés,<br />
commercialisés et consommés.<br />
Les systèmes alimentaires font de plus<br />
en plus appel <strong>au</strong>x procédés industriels,<br />
les populations se concentrent dans les<br />
villes, <strong>au</strong> Nord comme <strong>au</strong> <strong>Sud</strong>, et les<br />
marchés alimentaires se mondialisent.<br />
Ces changements semblent insuffisamment<br />
pris en compte par les institutions<br />
et les politiques de développement. Par<br />
exemple, la transition alimentaire et la<br />
montée associée des maladies chroniques<br />
liées à l’alimentation n’ont pas<br />
été considérées dans les objectifs de<br />
développement du Millénaire. La prise<br />
de conscience des nouve<strong>au</strong>x enjeux<br />
progresse mais reste faible chez de<br />
nombreux acteurs politiques et économiques<br />
car ces enjeux sont dilués dans<br />
des réformes économiques plus globales.<br />
Ces politiques doivent <strong>au</strong>ssi s'appuyer<br />
sur des éléments scientifiques, ce<br />
qui n’a été que très rarement le cas. Se<br />
contentant de rechercher la quantité,<br />
peu d’entre elles, dans les pays industrialisés<br />
ou dans les pays en développe-<br />
© <strong>IRD</strong>/V. Del<strong>au</strong>nay<br />
de divagation du bétail (ped) qui<br />
ont disparu sous le poids de la<br />
pression agraire ; il enquête<br />
à Gassane, car les troupe<strong>au</strong>x<br />
de bovins se nourrissent<br />
et s’abreuvent désormais<br />
là, à près de deux<br />
cents kilomètres de leurs<br />
propriétaires ; il est présent<br />
chaque lundi <strong>au</strong> marché<br />
de Niakhar, chaque mercredi<br />
à celui de Toucar et chaque<br />
samedi à celui de Patar. La ville est en<br />
campagne, l’argent est partout, l’arachide<br />
est moribonde, mais les Sereer<br />
bougent, vendent, achètent : le Sine<br />
est encore sereer mais en mouvement,<br />
traversé de multiples influences,<br />
défis, migrations, véhicules,<br />
« horaires » 5 .<br />
En 1989, Joseph Diatte entre à l’Orstom<br />
comme salarié et responsable d’enquêtes<br />
démographiques et médicales.<br />
À nouve<strong>au</strong>, dans le triangle Niakhar-<br />
Toucar-Diohine, il recommence en<br />
mobylette à interroger les gens, les<br />
femmes et les hommes, les jeunes et les<br />
vieux, les malades et les migrants. Il<br />
poursuit sa tâche jusqu’à sa retraite, en<br />
décembre 2000. Et là, comme tous les<br />
Sénégalais, avec ténacité, il cherche la<br />
dépense quotidienne nécessaire à la vie<br />
de la concession. Il reprend l’agriculture,<br />
il a quelques contrats avec un<br />
ou deux chercheurs, il espère ouvrir un<br />
commerce de boissons. Mais il est fatigué,<br />
Joseph. Malgré l’arrivée de l’électricité<br />
à Niakhar, la migration incessante<br />
à Dakar de ses jeunes filles et jeunes<br />
hommes, les camions qui passent sur la<br />
piste de Fatick, l’économie sereer est en<br />
panne structurelle, sans avenir, sans<br />
projet.<br />
En 2004, Joseph Diatte refait le chemin<br />
du passé. Avec des chercheurs, il se<br />
déplace pour la dernière fois <strong>au</strong>x terres<br />
neuves, là même où, pour le Sénégal, il<br />
a œuvré à un avenir meilleur. En arrivant<br />
dans « sa » zone, il voit combien<br />
elle est en crise, combien le modèle de<br />
ment, ont inclus des objectifs<br />
de santé ou d’environnement.<br />
Enfin, une question peu abordée<br />
est celle de l’intégration<br />
des différentes politiques<br />
publiques sectorielles, largement<br />
fragmentées lorsqu’elles<br />
existent. La recherche<br />
d’une cohérence entre politiques<br />
publiques est essentielle,<br />
mais elle est confrontée<br />
à des intérêts contradictoires.<br />
Intégrer des objectifs de santé<br />
et d’environnement dans les<br />
modes de production et de<br />
consommation oblige à repenser<br />
les fondements théoriques<br />
et pratiques des politiques<br />
et programmes<br />
alimentaires. Cette intégration <strong>au</strong>ra<br />
inévitablement à affronter de multiples<br />
résistances. Des éb<strong>au</strong>ches de nouve<strong>au</strong>x<br />
modèles existent d’ores et déjà comme<br />
celui de la région européenne de<br />
l’Organisation mondiale de la santé, qui<br />
repose sur trois piliers: sécurité sanitaire<br />
des aliments, approvisionnement alimentaire<br />
durable, nutrition. Ce modèle<br />
est admis par les décideurs qui élaborent<br />
dès à présent des plans nation<strong>au</strong>x.<br />
Il reste à convaincre les <strong>au</strong>tres acteurs :<br />
économistes, agriculteurs, industriels de<br />
l’agroalimentaire, distributeurs,<br />
consommateurs, etc. Ces initiatives peuvent-elles<br />
influencer, voire inverser, les<br />
dynamiques en cours ? En insistant sur<br />
© <strong>IRD</strong>/M. Dukhan<br />
l’arachide, là <strong>au</strong>ssi, a vécu, combien les<br />
charbonniers ont défiguré les forêts,<br />
combien les pistes, symboles du projet<br />
passé, sont défoncées. Le pays de l’espoir<br />
est maintenant sur la route du<br />
Mali, à Tambacounda, la capitale régionale<br />
où les jeunes tentent de trouver<br />
raison de vivre.<br />
Interprète et informateur insatiable,<br />
acteur d’un savoir en évolution, chercheur<br />
de vérités, intercesseur du jour et<br />
de la nuit, cet habile médiateur, qui évitait<br />
<strong>au</strong>x uns de se fourvoyer, tout en<br />
expliquant patiemment <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres les<br />
raisons de sa présence, est passé à son<br />
tour de l’<strong>au</strong>tre côté. Depuis le 20 novembre<br />
2005, Joseph Diatte n’est plus.<br />
Il est décédé à Kaolack et enterré à<br />
Niakhar. ●<br />
1. Centre national de recherches agronomiques<br />
<strong>au</strong> Sénégal.<br />
2. Office de la recherche scientifique et technique<br />
outre-mer, devenu <strong>IRD</strong> en 1998.<br />
3. Société des terres neuves.<br />
4. Institut sénégalais de recherche agricole.<br />
5. Ces minibus qui, le matin à heure fixe, partent<br />
des villages pour Dakar.<br />
Que la terre du Sine lui soit légère.<br />
L’article complet sur internet www.ird.fr,<br />
rubrique actualités, n° 34<br />
le fait que de multiples changements<br />
doivent encore intervenir si l’on ne veut<br />
pas que ces nouvelles politiques restent<br />
de l’ordre du discours, l’exposition se<br />
termine sur cette question : « Peut-on se<br />
permettre de rester inactif ? ». ●<br />
1. Réalisée par l'Association pour la diffusion<br />
de la pensée française, l'exposition peut être<br />
consultée et commandée sur le site<br />
www.adpf.asso.fr, rubrique adpf publications.<br />
Contact<br />
Photo de fond © <strong>IRD</strong>/A. Lericollais<br />
Francis Delpeuch,<br />
Francis.Delpeuch@mpl.ird.fr<br />
© <strong>IRD</strong>/J. Lombard<br />
© <strong>IRD</strong>/V. Del<strong>au</strong>nay