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El Gusto - Revue de presse - Accueil

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Théâtre > Danse > Musiques > Clubbing > Enfants > Expos > Cinéma<br />

“<br />

Les Trois petits Cochons” :<br />

le célèbre conte chorégraphié<br />

Week-end à Brême<br />

Darina al-joundi met en scène<br />

sa vie et ses traumas<br />

world<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong><br />

Le chant rebelle<br />

<strong>de</strong> la Casbah<br />

Du 4 au 10 janviEr 2012. SuppLéMEnT à TéLéraMa n° 3234 - nE pEuT êTrE vEnDu SéparéMEnT


safinez bousbia<br />

4<br />

TÉLÉRAMA SORTIR N° 3234 - 4 JANVIER 2012<br />

A la carte<br />

World<br />

Le Casbah Social Club<br />

“<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>” est le fruit <strong>de</strong>s retrouvailles d’une<br />

vingtaine <strong>de</strong> musiciens qui font revivre<br />

le “Chaâbi”, la musique <strong>de</strong>s rues d’Alger.<br />

Il y a, ces temps-ci, quelque chose <strong>de</strong> cubain au<br />

royaume du Maghreb : <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> (“le goût”), groupe<br />

à consonance espagnole <strong>de</strong> vieux messieurs que<br />

le cours <strong>de</strong> l’histoire avait séparés, est désormais à<br />

la musique algérienne ce que le Buena Vista Social<br />

Club fut au son <strong>de</strong> La Havane. A la fois marque <strong>de</strong><br />

fabrique chic, symbole vivifiant d’une résurrection<br />

fraternelle et culturelle, en cette année du<br />

cinquantenaire <strong>de</strong> l’indépendance, et incarnation<br />

émouvante <strong>de</strong> la plus authentique musique<br />

populaire : le chaâbi, ce son du peuple (chaab en<br />

arabe) né dans les années 1920 dans la Casbah<br />

d’Alger. Cerné par <strong>de</strong>s remparts du XVI e siècle,<br />

ce quartier escarpé <strong>de</strong> la vieille ville s’étend sur une<br />

quarantaine d’hectares jusqu’à la mer. Les ordures<br />

ont envahi chaque recoin et les gravats ont éventré<br />

les faça<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s commerces désertés. Pourtant,<br />

en ce matin lumineux <strong>de</strong> décembre, cette marée<br />

grisâtre <strong>de</strong> ruelles tortueuses et d’étroites maisons<br />

ottomanes, fondue dans le bleu insolent <strong>de</strong> la<br />

Méditerranée, a toujours fière allure. C’est ici que<br />

se sont connus, il y a un <strong>de</strong>mi-siècle, la trentaine <strong>de</strong><br />

musiciens et chanteurs d’<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>, un orchestre<br />

hors norme – traditionnellement, il ne compte pas<br />

plus <strong>de</strong> dix musiciens – constitué <strong>de</strong>s maîtres<br />

2 Les 9 et 10 jan.,<br />

20h30, Le Grand<br />

Rex, 1, bd<br />

Poissonnière, 2 e ,<br />

www.legrandrex.<br />

com. (25-60 €).<br />

Le concert<br />

à Marseille<br />

en 2006. Arabes<br />

et Pieds-Noirs<br />

se retrouvaient<br />

pour la<br />

première fois.<br />

d’antan, juifs et musulmans réunis, avec mandole,<br />

mandoline, violon, <strong>de</strong>rbouka, cithare, luth, mais<br />

aussi piano et contrebasse.<br />

“Quand j’étais jeune, je m’adossais au mur <strong>de</strong> la<br />

prison, quatre mandarines aux pieds, pour regar<strong>de</strong>r<br />

les belles filles qui sortaient <strong>de</strong>s maisons closes, et je me<br />

croyais en Californie : c’était mon ‘gusto’ ! ”, clame<br />

l’un d’eux, le débonnaire Mustapha Tahmi,<br />

mémoire vivante, à 74 ans, <strong>de</strong> ce quartier populaire<br />

et cosmopolite. Le chaâbi, mélange d’influences<br />

andalouses, berbères et religieuses, se pratiquait<br />

alors dans les cafés, les mariages, les salons <strong>de</strong><br />

coiffure ou encore les “machachas”, ces fumoirs<br />

privés <strong>de</strong> l’un<strong>de</strong>rground algérois. C’était une<br />

musique d’amateurs autodidactes, qui chantaient<br />

le quotidien, la misère et la romance, le printemps<br />

et la ferveur, en berbère, en arabe ou en français.<br />

“Toutes les communautés s’entendaient : la culture du<br />

chaâbi, c’était aussi un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie basé sur le partage,<br />

le civisme et la courtoisie, explique Mustapha. On<br />

prenait un daf, <strong>de</strong>s percussions bricolées et on tapait le<br />

bœuf, juste pour le plaisir d’être ensemble.” Comme<br />

tous les musiciens d’<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>, il a côtoyé le cheikh<br />

<strong>El</strong> Anka, ce musicien <strong>de</strong> légen<strong>de</strong> originaire <strong>de</strong><br />

Kabylie. Mustapha était son chauffeur, mais il lui<br />

arrivait aussi <strong>de</strong> taquiner le banjo en sa compagnie<br />

pour animer une fête. Le reste du temps, tous<br />

l’écoutaient avec respect. “Quand <strong>El</strong> Anka prenait


son luth, on s’asseyait autour <strong>de</strong> lui et on jouait avec<br />

nos oreilles”, se souvient le jovial Ab<strong>de</strong>l Madjid<br />

Meskoud, joueur <strong>de</strong> mandole : un instrument<br />

hybri<strong>de</strong>, croisement <strong>de</strong> guitare et <strong>de</strong> luth, créé par<br />

<strong>El</strong> Anka, justement. Multi-instrumentiste virtuose,<br />

ce <strong>de</strong>rnier fit du chaâbi un genre à part entière :<br />

il le mo<strong>de</strong>rnisa et le structura en le faisant entrer,<br />

en 1957, au Conservatoire, jusque-là dédié aux<br />

courants classique et andalou.<br />

A quelques pas du mythique Café Malakoff, sur la<br />

place <strong>de</strong>s Martyrs, où le nom d’<strong>El</strong> Anka continue <strong>de</strong><br />

délier les langues, un vieil homme <strong>de</strong> 72 ans, grand<br />

échalas au regard malicieux, exhibe, fier et ému,<br />

une liasse <strong>de</strong> vieilles affiches <strong>de</strong> galas, où on le voit<br />

poser, très jeune, au milieu d’autres musiciens.<br />

C’est en entrant par hasard dans sa minuscule<br />

échoppe, lors d’un périple touristique dans sa ville<br />

natale, que la vie <strong>de</strong> Safinez Bousbia, à l’origine<br />

d’<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>, a changé. “Je voulais connaître le prix<br />

d’un miroir… et je suis restée quatre heures !”, résume<br />

cette architecte <strong>de</strong> 30 ans. C’était en 2003. Ce<br />

jour-là, l’ancien chef d’orchestre et accordéoniste<br />

Mohamed <strong>El</strong> Ferkioui lui a tout raconté : ses<br />

années <strong>de</strong> conservatoire comme professeur <strong>de</strong><br />

musique andalouse, puis comme élève d’<strong>El</strong> Anka,<br />

ses concerts à la télé algérienne… Bouleversée, la<br />

jeune femme décida <strong>de</strong> réunir à nouveau sur scène<br />

tous les premiers élèves d’<strong>El</strong> Anka, disséminés<br />

<strong>de</strong> part et d’autre <strong>de</strong> la Méditerranée. Ce projet<br />

titanesque – relaté dans un documentaire qui sort<br />

en salles en même temps qu’un disque grâce à l’ai<strong>de</strong><br />

du pianiste <strong>El</strong> Hadi Halo, fils du maître – lui a pris<br />

<strong>de</strong>ux ans. Le temps <strong>de</strong> tous les retrouver (une<br />

vingtaine sont encore en vie), et <strong>de</strong> les convaincre.<br />

Pour certains, <strong>de</strong> l’eau bien trop rouge avait coulé<br />

sous les ponts. Celle, d’abord, <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong><br />

libération, qui en<strong>de</strong>uilla la famille <strong>de</strong> presque tous<br />

les musiciens. “On ne pouvait pas chanter quand<br />

d’autres pleuraient”, justifie l’élégant Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r<br />

Chercham. Dans les années 70, le chaâbi refleurit<br />

un peu partout, au conservatoire, où <strong>El</strong> Anka avait<br />

Kays DJILaLI<br />

A gauche :<br />

Mohamed<br />

<strong>El</strong> Ferkioui,<br />

à l’origine <strong>de</strong><br />

la reformation<br />

dans son<br />

échoppe.<br />

Ci-<strong>de</strong>ssous :<br />

Rachid Berkani,<br />

alias le bogosse,<br />

chez son<br />

coiffeur.<br />

A la carte<br />

réouvert une classe, mais aussi dans les théâtres<br />

nationaux, à la radio et à la télé. Et puis, il y eut la<br />

décennie noire du terrorisme… Liamine Haimoun,<br />

lui, n’avait plus chanté <strong>de</strong>puis l’assassinat par<br />

la police <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux fils au début <strong>de</strong>s années 90.<br />

Mais le fameux “gusto”, autrement dit le “kif”,<br />

la joie <strong>de</strong> vivre, aura été le plus fort. A Marseille, où<br />

tous se sont produits ensemble pour la première<br />

fois en 2006, Arabes et Pieds-Noirs se sont tombés<br />

dans les bras. Maurice <strong>El</strong> Medioni, Robert Castel<br />

(le fils <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> Lili Labassi), Luc Cherki…<br />

ils étaient tous là. “Quand j’ai passé le bonjour <strong>de</strong> ses<br />

amis du pays à Robert Perez, il a pleuré comme une<br />

femme, exulte Rachid Berkani. Avec les juifs partis<br />

pour la France à l’indépendance, c’est un peu <strong>de</strong> l’âme<br />

du chaâbi que l’on avait perdue”, regrette-t-il encore.<br />

Chant <strong>de</strong> ralliement dans les prisons françaises<br />

où <strong>de</strong>s musiciens furent torturés, pratiqué dans les<br />

cercles privés pendant les années <strong>de</strong> plomb, le<br />

chaâbi n’est jamais tout à fait mort. Tel un phénix<br />

(el anka en arabe), le blues <strong>de</strong> la Casbah, qui a<br />

même survécu à l’invasion du raï oriental utilisé<br />

comme une arme d’arabisation massive par les<br />

nationalistes, renaît <strong>de</strong> ses cendres. Des musiciens<br />

<strong>de</strong> l’orchestre, comme René Perez ou Ahmed<br />

Bernaoui, sont décédés. Mais la jeune génération<br />

– dont les pères jouèrent avec <strong>El</strong> Anka –, qui<br />

tourne avec eux <strong>de</strong>puis 2006, est déjà prête à<br />

assurer la relève. Anne Berthod<br />

JaKIe KIng<br />

TÉLÉRAMA SORTIR N° 3234 - 4 JANVIER 2012 5


PARIS I sortir<br />

Le bon goût<br />

d’<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong><br />

Juste avant le cinquantenaire <strong>de</strong> l’indépendance algérienne, un orchestre<br />

réuni par une jeune mélomane, célèbre la musique joyeuse et fron<strong>de</strong>use du chaâbi.<br />

<strong>El</strong>le débarque sur les écrans et en concert à Paris.<br />

Selon Aristote, philosophe grec<br />

dont chrétiens, juifs, musulmans<br />

et athées se disputent<br />

l’héritage, la catharsis (mot<br />

validé par les anthropologues à propos<br />

<strong>de</strong> toutes les civilisations) est ce<br />

moment idéal où un rituel, un spectacle<br />

musical ou théâtral, rassemble<br />

et réconcilie, calme et fait la paix<br />

entre toutes et tous… Même si les artistes<br />

d’<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> n’ont pas une telle<br />

prétention, ils pensent tous à panser<br />

<strong>de</strong>s plaies mentales mal cicatrisées<br />

<strong>de</strong> part et d’autre <strong>de</strong> la Méditerranée,<br />

<strong>de</strong>puis l962.<br />

10 I TéléObs I<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>, c’est un conte : en 2003,<br />

une jeune Algéro-Irlandaise, Safinez<br />

Bousbia, recherche ses racines dans la<br />

casbah. Cette médina d’Alger, classée<br />

au patrimoine mondial par l’Unesco,<br />

tombe en ruines, abandonnée par ses<br />

habitants pour <strong>de</strong>s HLM. Safinez s’arrête<br />

dans une échoppe pour y acheter<br />

un miroir et sympathise avec le<br />

boutiquier, un ancien musicien qui<br />

lui fait écouter <strong>de</strong>s cassettes. La voici<br />

prise au charme du chaâbi. On la comprend.<br />

Cette musique magnifique et<br />

obsédante est née dans les années<br />

1920. « Chaâbi » signifie simplement<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> joue<br />

une musique<br />

magnifique et<br />

obsédante, née<br />

dans les<br />

années 1920.<br />

Accent<br />

« populaire ». Le chaâbi algérois diffère<br />

du chaâbi marocain, mais tous<br />

<strong>de</strong>ux ont popularisé l’héritage aristocratique<br />

<strong>de</strong> la musique andalouse,<br />

créée au ixe siècle par l’Irakien Ziryab<br />

à Cordoue, perpétuée au Maghreb par<br />

les musiciens juifs et musulmans<br />

expulsés d’Espagne au xve siècle par<br />

les rois catholiques.<br />

Naguère joué dans les bars interlopes<br />

et les fumeries <strong>de</strong> haschisch, le<br />

chaâbi est <strong>de</strong>venu une musique classique/mo<strong>de</strong>rne<br />

méditerranéenne, où<br />

sur une rythmique complexe, décalée,<br />

terriblement swinguante, <strong>de</strong>s<br />

voix fascinantes se mêlent à <strong>de</strong>s instruments<br />

très divers : banjo, <strong>de</strong>rbouka,<br />

flûte, guitare, luth, mandoline, violon,<br />

et surtout le magnifique mandole, inventé<br />

par les luthiers algérois spécialement<br />

pour cette musique.<br />

Juifs, musulmans, pieds-noirs, Algérois<br />

en tout genre se retrouveront<br />

dans la musique aussi lyrique que<br />

dansante d’<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>. En vieil argot<br />

algérois, « el gusto », c’est le bon goût,<br />

la bonne humeur, le plaisir, le « kif »,<br />

comme disent ici les jeunes… <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong><br />

est un beau projet musical, comparable<br />

à l’histoire du Buena Vista Social<br />

Club : le son <strong>de</strong> La Havane a ressuscité<br />

et conquis le mon<strong>de</strong> entier, le<br />

chaâbi d’Alger peut le faire aussi bien.<br />

n GÉRALD ARNAUD<br />

Les 9 et 10, à 20h30, au Grand Rex,<br />

1, boulevard Poissonnière (2 e ) ;<br />

08-92-68-05-96. Le film « <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> »,<br />

en salles à partir du 11 janvier. Livre à<br />

paraître en mars, aux Editions Steinkis.


38 Mondomix.com Sorties / cinéma<br />

CINEMA<br />

EL GUSTO,<br />

LA SAVEUR D’ALGER<br />

Davantage qu’un film sur la renaissance <strong>de</strong> l’orchestre du maître <strong>El</strong> Anka<br />

cinquante ans après sa dispersion, <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> ressuscite l’âge d’or <strong>de</strong> la Casbah<br />

d’Alger et livre une partie méconnue <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’indépendance <strong>de</strong> l’Algérie,<br />

vécue par les musiciens chaâbi.<br />

<br />

Majestueuses, les premières images du film<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> donnent à voir Alger dans toute sa<br />

splen<strong>de</strong>ur : accrochée à la colline, face à la mer,<br />

la Casbah semble impénétrable. C’est dans<br />

ces ruelles étroites que se promène l’architecte<br />

Safinez Bousbia en 2003, lorsque démarre<br />

l’aventure <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>. Née à Alger, elle a grandi<br />

en <strong>de</strong>hors du pays <strong>de</strong> ses parents et visite la<br />

capitale algérienne pendant quelques jours. En<br />

entrant dans une boutique pour ramener un<br />

souvenir, elle remue ceux du miroitier, qui déballe<br />

d’une caisse poussiéreuse <strong>de</strong>s photos jaunies et<br />

une histoire fascinante.<br />

DEUX ANS<br />

À RETROUVER LES ARTISTES<br />

Cette histoire, c’est celle <strong>de</strong> l’Alger <strong>de</strong>s années 50<br />

et <strong>de</strong> sa ban<strong>de</strong>-son : le chaâbi, la version populaire<br />

<strong>de</strong> la musique arabo-andalouse, mélangée à <strong>de</strong>s<br />

racines berbères. Fredonnée par les dockers,<br />

les putains, les maquereaux, les ouvriers, le chaâbi est<br />

enseigné par le maître, l’irremplaçable <strong>El</strong> Anka, à près <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux cent jeunes musiciens juifs et musulmans, dans une<br />

cave du conservatoire d’Alger au début <strong>de</strong>s années 50. Le<br />

miroitier, l’accordéoniste Mohamed <strong>El</strong> Ferkioui, a fait partie<br />

<strong>de</strong> ce cours d’exception, mais a perdu <strong>de</strong> vue ses amis<br />

musiciens <strong>de</strong>puis l’indépendance, en 1962. Emue par son<br />

récit, Safinez Bousbia s’engage à réunir l’orchestre, dispersé<br />

par le temps et l’histoire. <strong>El</strong>le met <strong>de</strong>ux ans à retrouver les<br />

artistes, éparpillés entre Alger, Marseille et Paris, s’entoure<br />

<strong>de</strong> Damon Albarn, <strong>de</strong> Sodi (producteur <strong>de</strong> Fela Kuti ou<br />

Rachid Taha) et du fils du maître <strong>El</strong> Anka pour enregistrer<br />

<strong>de</strong>ux disques, investit une bonne partie <strong>de</strong> l’héritage <strong>de</strong> sa<br />

famille dans le projet, finit par lever <strong>de</strong>s fonds, recrute <strong>de</strong><br />

jeunes musiciens et produit une tournée <strong>de</strong> l’orchestre <strong>El</strong><br />

<strong>Gusto</strong>, soit 42 musiciens en tout.<br />

« Lors <strong>de</strong> l’indépendance,<br />

les musiciens juifs<br />

sont priés <strong>de</strong> choisir entre<br />

“la valise et le cercueil” »<br />

Le documentaire raconte cette aventure émouvante, à<br />

travers les <strong>de</strong>stins multiples <strong>de</strong> musiciens septuagénaires,<br />

qui se souviennent avec <strong>de</strong>s yeux <strong>de</strong> jeunes hommes<br />

du temps que les moins <strong>de</strong> soixante ans ne peuvent pas<br />

connaître… A l’époque, toute la Casbah écoutait du chaâbi,<br />

faisait la fête, juifs et musulmans jouaient ensemble et<br />

chantaient en arabe. Jusqu’à ce que la guerre <strong>de</strong> libération<br />

ne démarre en 1955, obligeant les musiciens à s’enrôler,<br />

passer <strong>de</strong>s armes ou organiser <strong>de</strong> faux mariages dans la<br />

Casbah pour que le FLN puisse se rencontrer incognito…<br />

Puis arrive la rigueur <strong>de</strong> la guerre, avec son couvre-feu, et<br />

enfin l’indépendance, lors <strong>de</strong> laquelle les musiciens juifs sont<br />

priés <strong>de</strong> choisir entre « la valise et le cercueil ». Beaucoup<br />

s’exilèrent à Paris, à Marseille, et laissèrent à Alger une<br />

partie <strong>de</strong> leur passé. Coup dur pour la musique chaâbi, qui<br />

ne se remettra jamais vraiment <strong>de</strong> cet arrachement. Avec<br />

bonheur, les retrouvailles d’<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> bouclent la boucle <strong>de</strong><br />

l’histoire, presque cinquante ans après la signature <strong>de</strong>s<br />

accords d’Evian.<br />

■ LE DISQUE (Remark/warner) le 2 /01<br />

■ EN CONCERT le 9 et 10/01 au Grand Rex Paris<br />

■ LE FILM en salle le 11/01


30 •<br />

CULTURE<br />

WORLDDeuxconcertsparisiens,unCD<br />

etunfilmcélèbrentlesretrouvailles<br />

<strong>de</strong>sartistesmusulmansetjuifsquiont<br />

faitlesgran<strong>de</strong>sheuresduchaabialgérois.<br />

<strong>El</strong><strong>Gusto</strong>,<br />

àdéguster<br />

ParFRANÇOIS­XAVIERGOMEZ<br />

etMADJIDZERROUKY<br />

PhotoÉDOUARDCAUPEIL<br />

Ren<strong>de</strong>z-vousauSentier:dans<br />

ce quartier parisien <strong>de</strong><br />

confectionjuiveoùleurmusiquerésonnetouslesjours,<br />

lesroisduchaabialgéroisvontécrire,<br />

cesoiret<strong>de</strong>mainsurlascèneduGrand<br />

Rex,unnouveauchapitre<strong>de</strong>l’aventure<br />

<strong>El</strong><strong>Gusto</strong>,lancéeen2003etportéepar<br />

l’opiniâtreté d’une femme, Safinez<br />

Bousbia,quis’estmisentête<strong>de</strong>faire<br />

découvriraumon<strong>de</strong>unemusiquemenacéed’extinction(lireci-contre).Après<br />

un disque et une première tournée<br />

en2007,c’estl’heured’<strong>El</strong><strong>Gusto</strong>.2,impressionnanttirgroupéavec,outreles<br />

<strong>de</strong>ux concerts parisiens, un CD paru<br />

voici une semaine et un passionnant<br />

documentairequisortmercredi.<br />

DanslestréfondsduGrandRex,lasalle<br />

<strong>de</strong>danseest<strong>de</strong>venueces<strong>de</strong>rniersjours<br />

local<strong>de</strong>répétition.Legroupeattaque<br />

AlgerAlgeria,ducroonerpied-noirLuc<br />

Cherki,quisesouvient<strong>de</strong>s«verres<strong>de</strong><br />

théauxsenteurs<strong>de</strong>jasmin».Vingt-cinq<br />

musicienssontsouslesordres<strong>de</strong>Sodi,<br />

leproducteurfrançaisquisuitleprojet<br />

<strong>de</strong>puis le début. La plupart viennent<br />

d’Alger,lesautres,issus<strong>de</strong>lacommunautéjuive,viventenFrance,comme<br />

le pianiste Maurice el-Medioni dont<br />

l’arrivée,enprovenance<strong>de</strong>Marseille,<br />

interrompt le travail: embrassa<strong>de</strong>s,<br />

accola<strong>de</strong>s…<br />

Dans la section <strong>de</strong>s violons, joués à<br />

l’orientale,<strong>de</strong>boutsurlacuisse,unvisageunpeuplusconnuquelesautres,<br />

pourlepublicfrançaisdumoins:qui<br />

savaitqueRobertCastel,l’amuseurpataouète,maniaitl’archet?Saprésence<br />

estpourtantplusquelégitime:ilestle<br />

filsd’un<strong>de</strong>sfondateursduchaabi,Lili<br />

Labassi,quijetadanslesannées20les<br />

bases<strong>de</strong>cecocktail<strong>de</strong>musiquesber-<br />

bère, religieuse et andalouse, autour<br />

duquel se réuniront, à Alger, jeunes<br />

juifsetmusulmans.«J’aidébutédans<br />

l’orchestre<strong>de</strong>monpère,raconteCastel,<br />

jejouaisdutar[tambourin,ndlr]et<strong>de</strong><br />

laguitare.En1990,vingtansaprèssa<br />

mort, j’ai sorti son violon <strong>de</strong> l’étui et<br />

pleuré. Je me suis mis à l’instrument à<br />

57ans,parfidélitépourmonpère.»<br />

ENVOÛTEMENT. Avec Lili Labassi,<br />

l’autregrandnomduchaabiestMohamed<br />

el Anka, chanteur et joueur <strong>de</strong><br />

mandole,uninstrumentqu’ilavaitluimêmeconçu,hybri<strong>de</strong>duou<strong>de</strong>t<strong>de</strong>la<br />

mandoline. «<strong>El</strong> Anka a structuré le<br />

chaabietl’aenrichimusicalementeny<br />

ajoutantla<strong>de</strong>rboukaoulebanjo,explique<br />

Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r Chercham, son ancien<br />

élèveauconservatoired’Alger.Chercham<br />

lance un nouveau morceau, <strong>El</strong><br />

Haraz, une histoire d’envoûtement,<br />

après avoir précisé: «Mo<strong>de</strong> zidane en<br />

mi». Sodi, tee-shirt et barbe <strong>de</strong> trois<br />

jours,règneavecbienveillancesurce<br />

qu’ilappelle«unbor<strong>de</strong>lagréable».Les<br />

musiciensjouentsanspartitionet«ils<br />

s’enpassenttrèsbien»,expliquel’un<strong>de</strong>s<br />

producteursfrançaislesplus<strong>de</strong>mandés,<br />

aprèssontravailavecFela,RachidTaha<br />

oulaManoNegra.«Ilsconnaissentun<br />

répertoireénormegrâceauxmariages,<br />

leursoreillessont<strong>de</strong>smagné-<br />

tophones.Dèsqu’unmusicienattaqueunthème,tousembrayent.»Leplustruculent<strong>de</strong>smembres<strong>de</strong>lajoyeusetroupeest<br />

sans conteste l’accordéonisteMohame<strong>de</strong>l-Ferkioui,<br />

lemiroitier<strong>de</strong>lacasbahàl’origine<strong>de</strong><br />

l’histoire.«<strong>El</strong><strong>Gusto</strong>»estd’ailleursune<br />

<strong>de</strong>sesexpressions:«Jel’aitoujoursemployée,jenesavaispasquec’étaitunmotespagnol.Legustopourmoi,c’estlapassion,l’amourdutravailbienfait.»Impeccable<br />

en costume-cravate, toqué<br />

d’unbonnetsigléNikequiletransforme<br />

encommandant<strong>Gusto</strong>,Mohame<strong>de</strong>l-<br />

Ferkioui,72ans,sedit,dansunsavoureuxfrançaisteintéd’arabe,«<strong>de</strong>uxfoisartiste:parlamusiqueetparmontravail».Etilextrait<strong>de</strong>sonportefeuille<strong>de</strong>s<br />

«J’aitoujoursemployécette<br />

expression.Legusto,pourmoi,<br />

c’estlapassion,l’amourdutravail<br />

bienfait.»<br />

Mohame<strong>de</strong>l­Ferkiouiaccordéoniste<strong>de</strong>l’orchestre<br />

photos<strong>de</strong>magnifiquescoffres<strong>de</strong>bois<br />

qu’ildécoreaupinceau,«àmainlevée»,<br />

<strong>de</strong>rosacesbellescomme<strong>de</strong>smandalas<br />

bouddhistes.<br />

Juste après l’indépendance, Ferkioui<br />

sillonnaitlepays.«Onlouait<strong>de</strong>sPeugeot<br />

403 place du Gouvernement<br />

LIBÉRATIONLUNDI9JANVIER2012<br />

[aujourd’huiplace<strong>de</strong>sMartyrs,ndlr],<br />

etonallaitpartout:est,ouest,Sahara…<br />

Jenecomptepluslenombre<strong>de</strong>foisoùles<br />

rouessesontensablées…»serappellet-il.<strong>El</strong><strong>Gusto</strong>luiapermis<strong>de</strong>renouer<strong>de</strong><br />

vieilles amitiés: «Je n’avais pas vu<br />

RobertCastel<strong>de</strong>puiscinquanteans.Tout<br />

commeMauriceelMedioni,LucCherki»,<br />

dit-il en parlant <strong>de</strong>s enfants du petit<br />

peuplejuifd’Alger,installéautour<strong>de</strong><br />

DjamaaLihoud(«lamosquée<strong>de</strong>sjuifs»<br />

–lagran<strong>de</strong>synagogue).<br />

EXIL.«Musulmansetjuifsjouaientensemble,serappellel’accordéoniste.On<br />

étaitvoisins,ilshabitaientavecnous.»La<br />

guerrevainterromprebrutalementcette<br />

convivialité.Apartir<strong>de</strong>1961,plus<strong>de</strong><br />

100000juifsd’Algérieprennentlechemin<strong>de</strong>l’exil.«Onn’ajamaispenséqu’ils<br />

partiraient.S’iln’yavaitpaseul’OAS,ils


LIBÉRATIONLUNDI9JANVIER2012 CULTURE • 31<br />

seraient restés. Ils n’avaient rien fait»,<br />

conclutFerkioui.Aujourd’hui,ilveut<br />

croireàunerenaissanceduchaabiaprès<br />

lesannéessombres<strong>de</strong>«cettemer<strong>de</strong><strong>de</strong><br />

terrorisme».Luiaperduunfils,policier,<br />

dansunattentaten1994.Ilsalueletravail<strong>de</strong>SafinezBousbia(«Jelaconsidère<br />

comme ma fille») mais aussi celui du<br />

gouvernement.«GrâceàBouteflikaet<br />

KhalidaToumi[ministre<strong>de</strong>laCulture,<br />

ndlr],ilya<strong>de</strong>sfêtesunpeupartout.La<br />

relèvevaarriver.Lesartistesontrecommencéàtravailler.»Etsonaveniràlui?<br />

«Je sais que je mourrai un jour, mais<br />

avant,jeveuxapporterduplaisir.C’est<br />

mon gusto», lance le vieil artisan en<br />

éclatant<strong>de</strong>rire.•<br />

ELGUSTOGrandRex,1,bdPoissonnière,<br />

75002.Cesoiret<strong>de</strong>mainà20h30.<br />

CD:ELGUSTO(Remark).<br />

RobertCastel<br />

etlegroupe<br />

<strong>El</strong><strong>Gusto</strong><br />

enrépétition<br />

auGrandRex<br />

àParis,jeudi.<br />

SafinezBousbia,àl’origine<br />

<strong>de</strong>cettereformation:<br />

«Ilyaeu<br />

beaucoup<br />

d’obstacles»<br />

DepuislejouroùSafinezBousbiaapousséla<br />

porte<strong>de</strong>laboutique<strong>de</strong>Mohame<strong>de</strong>l-Ferkioui,danslaCasbahd’Alger,huitanssesontécoulés.Letemps<strong>de</strong>tournerundocumentaire,<strong>de</strong>monterplusieurstournéesinternationales,d’enregistrer<strong>de</strong>uxdisques.Huitlonguesannéesdurantlesquellescettearchitecte<strong>de</strong>31ans,néeàAlgeretvivantàDublin,adéployéunecolossaleénergiepourfaireexistercetteaventure.<br />

Sonprincipalennemiaétél’hydrebureaucratique<br />

durégimealgérien,peuenclinàlaissers’exprimer<br />

unehistoireoùmusulmans<br />

et juifs reprennent, après<br />

cinquanteans<strong>de</strong>séparation,<br />

leurdialogueséculaire.<br />

Plusqueteloutelmusicien,<br />

lehéros<strong>de</strong>votrefilmestun<br />

quartier,laCasbahd’Alger…<br />

C’étaitessentiel,danslamesureoùleurmusiqueestun<br />

DR<br />

hommageàlaCasbah.C’estsonberceau,lasource<br />

<strong>de</strong>leurinspiration.Lecentred’Alger,qu’oncontinued’appeler«lavilleeuropéenne»,estuntriangleblancetbleu,avecaumilieulaCasbah,couleur<br />

<strong>de</strong>terre.Lequartieraperdusonâmequandona<br />

chassésesvieuxhabitants.Ilsontétéremplacés<br />

par<strong>de</strong>spaysansquiontfuilescampagnespendant<br />

ladécennienoire[lesannées90,ndlr].Aujourd’hui<br />

lesruessontsales,lesorduress’empilent...99%<br />

<strong>de</strong>séchoppesd’artisanssontfermées,celle<strong>de</strong>Mohame<strong>de</strong>stuneexception.<br />

Quel a été votre première idée, le film ou le<br />

concert?<br />

Aucun<strong>de</strong>s<strong>de</strong>ux.Al’origine,leprojetétaitd’ai<strong>de</strong>r<br />

monsieurFerkiouiàretrouversesamis.Lepremier<br />

travailconsistaitàretrouverleurtrace,cequim’a<br />

prisuntempsfou.TousavaientquittélaCasbah<br />

pourêtrerelogésenpériphérie.Ilfautsavoirqu’à<br />

Alger, il n’y a pas d’adresses, <strong>de</strong> rues avec <strong>de</strong>s<br />

nomset<strong>de</strong>snuméros.C’estplutôt:«Tuprends<br />

telleroute,auniveauduplusgrosarbre,tutournes<br />

etàcôtédupoteauélectrique,c’estlà.»Aufuret<br />

à mesure <strong>de</strong> mon enquête, je me disais qu’une<br />

histoirepareille,c’estunfilm.En2005,j’aicommencéàchercherunfilconducteur.D’oùl’idée<br />

duconcert:puisqueleurlien,c’estlechaabi,on<br />

valesfilmersurscène,aveclesmusiciensjuifsqui<br />

viendraient<strong>de</strong>France.<br />

Quelsobstaclesavez-vousrencontrésdansvotre<br />

parcours?<br />

Par où commencer? Il y en a eu tellement!<br />

En2006,j’aicherché<strong>de</strong>sfinancements.Etantarchitecte,onnemeprenaitpasausérieux.Alorsj’aivendumamaisonenIrlan<strong>de</strong>,mesbijoux,puisdémarré.Dèsquej’aimontrélespremièresimages,lesprofessionnelsontétéséduits.Hélas,lesmusiciens<br />

juifs n’ont pas pu venir en Algérie. Nous<br />

avionslesautorisationsmais<strong>de</strong>uxsemainesavant<br />

levoyage,lesautoritésontmisleurveto,sansexplication.J’aidoncdécidé<strong>de</strong>déplacerleconcert<br />

àMarseille,enfaisantvoyager70personnes.<br />

Lesobstaclesvenaientdurefus<strong>de</strong>voirréunisjuifs<br />

etmusulmans?<br />

J’ensuissûre.Lestracasseriesontétéconstantes.<br />

Commenousn’avionspasl’agrémentduministère<br />

<strong>de</strong>laCulture,ilétaitimpossible<strong>de</strong>tournerdans<br />

larue.Leproblèmes’estrégléquandlatélévision<br />

algérienneestentréedanslaproduction.J’aifait<br />

<strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> courriers à la ministre <strong>de</strong> la<br />

Culture.Enréponse,elleatenté<strong>de</strong>débaucherles<br />

musicienspourmonterunOrchestrenational<strong>de</strong><br />

chaabi.Tousontrefusé.<br />

RecueilliparF.-X.G.<br />

Unconte-documentaireplein<strong>de</strong><br />

chaleur,d’émotionetd’humour.<br />

Crépuscule<br />

surlaCasbah<br />

ELGUSTO<br />

undocumentaire<strong>de</strong><br />

SAFINEZBOUSBIA<br />

1h33.Ensallesmercredi.<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> est également<br />

un documentaire qui<br />

adoptelastructuredu<br />

conte.Dansuneéchoppe<strong>de</strong><br />

laCasbahd’Alger,unejeune<br />

femme rencontre un vieux<br />

miroitier qui lui raconte sa<br />

vie<strong>de</strong>musicien.Lepouvoir<br />

<strong>de</strong>s mots fait ressurgir un<br />

passéoublié,quelaréalisatricevadécouvriraufild’un<br />

enchaînement<strong>de</strong>rencontres.<br />

CommeAlice,elletraversele<br />

miroirpourentrerdansun<br />

univers inconnu, chaque<br />

personnage lui livrant un<br />

fragment<strong>de</strong>l’histoire.Une<br />

histoirequel’Algérieindépendante<br />

a niée et enfouie<br />

sousterre,maisquelestémoinsfontressurgir:dansce<br />

dédale<strong>de</strong>ruelles,ilaexisté<br />

unesociétéoùmusulmanset<br />

juifsvivaientenharmonie,<br />

aupointqu’unemusiqueest<br />

née <strong>de</strong> leur rencontre, le<br />

chaabi.<br />

Commedanstoutconte,les<br />

héros poursuivent un but,<br />

verslequelconvergenttous<br />

leursefforts:ici,unconcert<br />

quiréunirait,aprèsun<strong>de</strong>misiècle<strong>de</strong>séparation,lesmu<br />

© PROJECT NIM LTD/UK FILM COUNCIL, 2011 CRÉDITS NON CONTRACTUELS.<br />

PHOTO © HARRY BENSON TOUS DROITS RÉSERVÉS 2011<br />

MEILLEUR<br />

RÉALISATEUR<br />

DE DOCUMENTAIRE<br />

FESTIVAL DE<br />

LE PROJET<br />

Un film <strong>de</strong> James Marsh<br />

siciens jadis complices. Le<br />

déchirement <strong>de</strong> l’exil, le<br />

sentimentduparadisperdu,<br />

la nostalgie d’un âge d’or<br />

sont autant <strong>de</strong> motifs universels<br />

sur lesquels bro<strong>de</strong><br />

<strong>El</strong><strong>Gusto</strong>.Lachaleur,l’émotionetl’humourprési<strong>de</strong>ntà<br />

cettegalerie<strong>de</strong>personnages<br />

dont l’importance dans<br />

l’histoireculturelle(etaffective)dupaysestpasséesous<br />

silence.Leurchaabiestaussi<br />

délaisséparlesautoritésque<br />

cette Casbah sale et en<br />

ruines, magnifiquement<br />

filméeparSafinezBousbia,<br />

architecte <strong>de</strong> formation.<br />

Danscelabyrinthe,quiest<br />

aussicelui<strong>de</strong>lamémoire,ses<br />

gui<strong>de</strong>sluimontrentcequ’il<br />

reste<strong>de</strong>lamaisond’enfance,<br />

lecafé<strong>de</strong>ssportsaujourd’hui<br />

muré, ou la synagogue qui<br />

n’enestplusune.<br />

Au-<strong>de</strong>là<strong>de</strong>l’émotion,ilya<br />

dans <strong>El</strong><strong>Gusto</strong> quelques leçonsàretenirsurcefameux<br />

«vivre ensemble» qui est<br />

<strong>de</strong>venu un thème du discours<br />

politique. En France<br />

commeenIsraël,oùlefilm<br />

<strong>de</strong>vrait avoir un certain<br />

écho,etbiensûrenAlgérie,<br />

oùleministère<strong>de</strong>laCulture<br />

n’atoujourspasautorisésa<br />

diffusion.<br />

F.-X.G.


Jakie King/Quidam production <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong><br />

1.<br />

Dans l’Algérie <strong>de</strong>s années 1950,<br />

Musique. « <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> »<br />

Les papis<br />

du chaâbi<br />

s’inventa dans la Casbah d’Alger<br />

une musique populaire, mélange<br />

<strong>de</strong> chants berbères, <strong>de</strong> mélodies<br />

andalouses et <strong>de</strong> refrains religieux.<br />

On l’appela le medh, puis<br />

le chaâbi. Ceux qui la jouaient<br />

étaient arabes et juifs… L’indépendance<br />

en 1962 sépara les uns et<br />

les autres, qui s’établirent <strong>de</strong> part<br />

et d’autre <strong>de</strong> la Méditerranée.<br />

Cinquante ans plus tard, une jeune<br />

femme, Safinez Bousbia, a eu<br />

l’idée folle <strong>de</strong> rassembler une<br />

quarantaine <strong>de</strong> ces « papis du<br />

chaâbi », d’abord pour un concert,<br />

puis pour un film où ces éternels<br />

garnements nous font redécouvrir<br />

cette musique joyeuse, poétique<br />

et profondément humaine. Mais<br />

il s’agit <strong>de</strong> quelque chose d’encore<br />

plus profond, comme une histoire<br />

d’amour interrompue par la guerre<br />

qui reprend <strong>de</strong> plus belle une fois<br />

la paix venue. Il suffit d’entendre<br />

un seul <strong>de</strong> ces morceaux pour ressentir<br />

ce bonheur qu’ils nomment<br />

entre eux « el gusto ». Y. P.<br />

« <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> », documEntairE musical dE safinEz BousBia, sortiE En sallEs<br />

lE 11 JanviEr. 1 cd WarnEr music Et dEux concErts au Grand rEx, 1, BoulEvard<br />

PoissonnièrE, Paris-2 e . m o BonnE-nouv<strong>El</strong>lE. tél. : 01-45-08-93-83.<br />

lEs 9 Et 10 JanviEr, à 20 h 30. dE 25 à 60 Euros. WWW.lEGrandrEx.com<br />

Sur iPad, découvrez<br />

<strong>de</strong>s contenus enrichis.<br />

72 7 janvier 2012<br />

- 73


la culture.<br />

3.<br />

Cd. coffret jazz<br />

Labels et le meilleur<br />

En 2010, Sony avait eu<br />

l’excellente idée <strong>de</strong> rassembler<br />

dans un coffret<br />

vingt-cinq albums essentiels<br />

<strong>de</strong> jazz provenant<br />

<strong>de</strong> ses différents labels.<br />

Voici la suite, avec<br />

quelques-uns <strong>de</strong>s<br />

meilleurs disques <strong>de</strong><br />

Duke <strong>El</strong>lington, Thelonious<br />

Monk, Chet Baker,<br />

Sonny Rollins ou Aretha<br />

Franklin pour n’en citer<br />

que quelques-uns. Y. P.<br />

« Jazz 2, thE PErfEct Jazz collEction, 25 oriGinal alBums »,<br />

25 cd, sony music.<br />

2. expo. « erre »<br />

Dédale <strong>de</strong> lignes<br />

« Variations labyrinthiques », annonce le<br />

sous-titre. C’est le cas : l’exposition se développe<br />

comme un dédale aux lignes brisées,<br />

le long duquel se font face <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong><br />

nature, d’époque et d’origine diverses, mais<br />

qui ont en commun l’idée du labyrinthe,<br />

<strong>de</strong> la ligne si complexe que l’œil échoue à<br />

la suivre, <strong>de</strong> l’ordre invisible et néanmoins<br />

présent. Le principe est affirmé dès l’entrée :<br />

les Stoppages étalon <strong>de</strong> Marcel Duchamp,<br />

une compo si tion abstraite et zigzagante<br />

<strong>de</strong> Frank Stella… Surgissent Malevitch, les<br />

architectures utopiques <strong>de</strong> Kiesler et celles<br />

<strong>de</strong> Renaudie, le médium Lesage… Dessins,<br />

peintures, maquettes, archéologie, psychiatrie,<br />

art actuel : tout cela dialogue grâce<br />

à l’intelligence d’un parcours remarquablement<br />

conçu. Ph. D.<br />

Chanson française. réédition<br />

Dominique AAA<br />

en 1992, une chanson fragile vantait « le courage <strong>de</strong>s oiseaux » et<br />

lançait la carrière <strong>de</strong> dominique a. <strong>de</strong>s artistes aussi distincts que<br />

Miossec, cali, jeanne cherhal, Mickey 3d ou Vincent <strong>de</strong>lerm ont dit,<br />

plus tard, l’importance qu’ont eue ce titre et le répertoire du nantais<br />

dans leur réconciliation avec la chanson française. Vingt ans après,<br />

on réédite l’intégrale <strong>de</strong> ce rénovateur. Soit huit albums – La Fossette,<br />

Si je connais Harry, La Mémoire neuve, Remué, Auguri, Tout sera<br />

comme avant, L’Horizon, La Musique/La Matière –, chacun doublé,<br />

dans cette nouvelle édition, d’un second cd, garni <strong>de</strong> raretés et d’inédits.<br />

L’occasion <strong>de</strong> mesurer l’exigence, la constance et les évolutions<br />

d’un auteur-compositeur-interprète, à la frontière <strong>de</strong> la chanson et <strong>de</strong><br />

l’avant-gar<strong>de</strong> rock. La sortie d’un 9e « ErrE, variations laByrinthiQuEs ». cEntrE PomPidou-mEtz, 1, Parvis dEs droits-dE-l’hommE,<br />

mEtz (mos<strong>El</strong>lE). tél. : 03-87-15-39-39. JusQu’au 5 mars. 7 €.<br />

4.<br />

album est prévue en mars. S. D.<br />

réédition dEs 8 alBums dE dominiQuE a Par lEs laB<strong>El</strong>s Emi Et cinQ 7. concErts au théâtrE dE<br />

la villE, à Paris, WWW.thEatrEd<strong>El</strong>avillE-Paris.com, lEs 26 Et 27 JanviEr, à 20 h 30.<br />

Gianni colombo/cnac/adaGP. sony music. franck loriou<br />

métaillié noir. mars distribution. christophe raynaud <strong>de</strong> lage<br />

5.<br />

polar. « Betty »<br />

Roman<br />

d’apprentissage<br />

on connaît et apprécie<br />

l’islandais arnaldur indridason<br />

pour sa série <strong>de</strong> livres<br />

autour du commissaire<br />

erlendur (L’Homme du lac,<br />

Hiver arctique ou Hypothermie).<br />

Voici un <strong>de</strong> ses<br />

premiers romans noirs, qu’il<br />

écrivit en 2003. dans Betty,<br />

où apparaît fugacement le<br />

commissaire dans une<br />

conversation entre <strong>de</strong>ux<br />

policiers, Sara, une juriste,<br />

raconte, alors qu’elle est<br />

en prison, l’engrenage qui<br />

l’a conduite à être accusée<br />

du meurtre d’un homme<br />

d’affaires. La construction<br />

est impeccable. Les personnages<br />

principaux, Betty et<br />

Sara, sont croqués avec<br />

subtilité. L’intrigue, quoique<br />

prévisible, ne manque pas<br />

<strong>de</strong> charme. Pourtant, roman<br />

d’apprentissage un poil<br />

apprêté, Betty n’a pas<br />

encore l’épaisseur sombre<br />

et bourrue <strong>de</strong>s enquêtes du<br />

commissaire erlendur. Y. P.<br />

Betty, d’arnaldur indridason,<br />

traduit dE l’islandais Par PatricK<br />

Gu<strong>El</strong>Pa, éditions métailié,<br />

214 PaGEs, 18 €.<br />

6.<br />

CinéMa. « une Vie MeiLLeure »<br />

Cédric Kahn<br />

face aux banques<br />

en prenant l’en<strong>de</strong>ttement et l’absurdité du système bancaire<br />

comme sujets <strong>de</strong> son film, cédric Kahn n’a pas choisi la facilité. inutile<br />

<strong>de</strong> dire qu’on redoutait que ce thème, certes en rapport direct<br />

avec l’actualité <strong>de</strong> la crise économique, aboutisse à un déluge<br />

d’images oscillant entre misérabilisme, conformisme et dénonciations<br />

faciles. Pas du tout. a petites touches subtiles et sensibles, le<br />

réalisateur nous fait partager les rêves, puis les angoisses <strong>de</strong> nadia<br />

(interprétée par la sensible Leïla Bekhti) et yann (guillaume canet,<br />

impeccable), <strong>de</strong>ux jeunes amoureux qui veulent ouvrir un restaurant<br />

près d’un lac et se trouvent pris dans le cercle infernal<br />

d’emprunts monstrueux à rembourser. Le film bascule lorsque<br />

nadia disparaît et laisse yann s’occuper seul <strong>de</strong> son fils (joué <strong>de</strong><br />

main <strong>de</strong> maître par Slimane Khettabi). La confrontation entre les<br />

<strong>de</strong>ux et leur plongée dans les affres <strong>de</strong> la précarité sont traitées<br />

avec justesse et intelligence. La fin, lumineuse et blanche, dans les<br />

gran<strong>de</strong>s plaines canadiennes, est un joli moment d’espoir. Y. P.<br />

une vie meiLLeure, dE cédric Kahn, avEc lEïla BEKhti, GuillaumE canEt, slimanE KhEttaBi.<br />

7.<br />

ThéâTre. « La triLogie <strong>de</strong> La ViLLégiature »<br />

Vacances bourgeoises<br />

Branle-bas <strong>de</strong> combat à la Comédie-française ! le<br />

6 janvier, la vénérable salle richelieu ferme ses portes,<br />

pour <strong>de</strong> gros travaux <strong>de</strong> rénovation. le 11 janvier, le<br />

Théâtre éphémère en bois (photo), situé à l’emplacement<br />

<strong>de</strong> la galerie orléans, entre les colonnes <strong>de</strong><br />

Buren et les jardins du palais-royal, ouvre ses portes<br />

avec La Trilogie <strong>de</strong> la villégiature, <strong>de</strong> Carlo Goldoni.<br />

C’est alain françon qui, après Giorgio strehler en 1979,<br />

met en scène cette œuvre en trois parties <strong>de</strong> 1761, où<br />

l’auteur vénitien observe, avec gaieté et mélancolie,<br />

les mœurs d’un groupe <strong>de</strong> bourgeois en villégiature à<br />

la campagne. avec une belle distribution. F. Da.<br />

La triLogie <strong>de</strong> La viLLégiature, dE carlo Goldoni. misE En scènE : alain<br />

françon. comédiE-françaisE, théâtrE éPhémèrE, PlacE colEttE, Paris-1 er .<br />

tél. : 0825-10-16-80 (0,15 € ttc/min.). du 11 JanviEr au 12 mars, à 19 hEurEs.<br />

74 - 7 janvier 2012 75


la culture.<br />

8.<br />

phoTo. « <strong>de</strong>niS Brihat, LeS Sudre »<br />

Génies <strong>de</strong> la chambre noire<br />

Plonger dans les pétales graciles et transparents d’un coquelicot, disséquer un kiwi pour<br />

en saisir toutes les nuances : le photographe <strong>de</strong>nis Brihat, né en 1928, n’a eu <strong>de</strong> cesse<br />

d’explorer l’infinie richesse <strong>de</strong> la nature et <strong>de</strong> repousser les limites <strong>de</strong> la technique<br />

photographique. Ses images ont une perfection irréelle. une rétrospective à L’isle-surla-Sorgue<br />

(Vaucluse) permet <strong>de</strong> revisiter cette œuvre toujours restée à part : dans l’aprèsguerre,<br />

alors que la mo<strong>de</strong> était au reportage, <strong>de</strong>nis Brihat et quelques autres a<strong>de</strong>ptes<br />

<strong>de</strong> la « photographie créative » ont préféré faire <strong>de</strong>s recherches formelles, expérimenter<br />

avec la matière, célébrer la beauté <strong>de</strong> la nature. Les images méticuleuses d’un autre génie<br />

<strong>de</strong> la chambre noire, aux préoccupations proches, jean-Pierre Sudre, sont célébrées, en<br />

parallèle, à la Bibliothèque <strong>de</strong> Lyon. Cl. G.<br />

« PhotoGraPhiEs 1958-2011 », dE dEnis Brihat. cEntrE d’art camPrEdon, 20, ruE du doctEur-tallEt, l’islE-sur-la-sorGuE.<br />

du mardi au samEdi, dE 10 hEurEs à 12 h 30 Et dE 14 hEurEs à 17 h 30. tél. : 04-90-38-17-41. JusQu’au 4 févriEr. 6 €.<br />

« lEs sudrE, unE famillE dE PhotoGraPhEs ». GalEriE-BiBliothèQuE dE la Part-diEu, 30, BoulEvard viviEr-mErlE, lyon-3 e .<br />

JusQu’au 21 JanviEr. du mardi au vEndrEdi, dE 10 hEurEs à 19 hEurEs, lE samEdi dE 10 hEurEs à 18 hEurEs. EntréE liBrE.<br />

10.<br />

Pages réalisées par Yann Plougastel, avec Samuel Blumenfeld, Rosita Boisseau, Philippe Dagen,<br />

Fabienne Darge, Stéphane Davet et Claire Guillot.<br />

danse. « danS Le Ventre du LouP »<br />

Mignonnes<br />

cochonnes<br />

<strong>de</strong> l’histoire en tire-bouchon <strong>de</strong>s trois<br />

petits cochons et du grand méchant loup,<br />

la chorégraphe Marion lévy a tiré une saga<br />

intitulée Dans le ventre du loup sur<br />

les gran<strong>de</strong>s étapes <strong>de</strong> la vie, à travers la<br />

construction <strong>de</strong>s trois fameuses maisons.<br />

ses héros rose bonbon sont en réalité<br />

9.<br />

<strong>de</strong> petites cochonnes, tout ce qu’il y a<br />

<strong>de</strong> mignonnes, qui ne se feront pas manger<br />

toutes crues mais dégusteront ensemble<br />

le loup bouilli dans la marmite.<br />

Bon appétit, les filles ! R. Bu<br />

dans Le ventre du Loup, dE marion lévy. théâtrE dE chaillot,<br />

PlacE du trocadéro, Paris-16 e . tél. : 01-53-65-30-00.<br />

JusQu’au 13 JanviEr, à 20 h 30, sauf lE 11 JanviEr à 14 h 30<br />

(tarif uniQuE à 32 €) Et lE 7 JanviEr, à 15 hEurEs Et 20 h 30.<br />

dE 8 à 32 €. à Partir dE 6 ans.<br />

dVd. « guerre et Paix »<br />

La gran<strong>de</strong> époque<br />

du cinéma soviétique<br />

La meilleure adaptation du roman épique<br />

<strong>de</strong> tolstoï est celle réalisée par Serguei<br />

Bondartchouk. un projet d’une telle<br />

ampleur, pour un budget estimé aujourd’hui<br />

à 541 millions d’euros, n’était envisageable<br />

qu’à la gran<strong>de</strong> époque du cinéma<br />

soviétique, au début <strong>de</strong>s années 1960. La<br />

séquence <strong>de</strong> la bataille <strong>de</strong> Borodino, où<br />

apparaissent plus <strong>de</strong> 120 000 figurants, est<br />

l’un <strong>de</strong>s moments forts du film, et peut-être<br />

la plus impressionnante <strong>de</strong> l’histoire du<br />

cinéma, par sa durée aussi : quarante-cinq<br />

minutes. curiosité et chef-d’œuvre<br />

méconnu d’un cinéma soviétique qui se<br />

construisait contre les films à grand<br />

spectacle hollywoodiens, Guerre et paix est<br />

l’expression d’un art désormais perdu. S. Bd<br />

5 dvd, vErsion russE sous-titréE En français (4 h 41),<br />

éditions montParnassE.<br />

76 - 7 janvier 2012<br />

<strong>de</strong>nis Brihat. thomas rollo. Editions montparnasse


<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> célèbre le chaâbi, musique <strong>de</strong> paix<br />

et <strong>de</strong> mélange née dans les ruelles d’Alger<br />

Concerts au Grand Rex à l’occasion <strong>de</strong> la sortie du film consacré au groupe<br />

Le groupe <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> a été fondé par <strong>de</strong>s vétérans du chaâbi en 2007. DR<br />

Musiques du mon<strong>de</strong><br />

Mardi 10 janvier, le Grand<br />

RexàParisdonneleton<strong>de</strong><br />

laréconciliation,cinquante<br />

ans après l’indépendance <strong>de</strong> l’Algérie,<br />

qui marqua le triomphe <strong>de</strong><br />

l’anticolonialismemaisaussil’amère<br />

séparation d’avec la terre mère<br />

pour la plupart <strong>de</strong>s juifs d’Algérie.<br />

Réuni en 2007 par Safinez Bousbia,<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> est un groupe formé par<br />

<strong>de</strong>svétérans <strong>de</strong> la chanson populaire<br />

algéroise, le chaâbi, ceux <strong>de</strong><br />

là-bas, et ceux d’ici, juifs et musulmans.<br />

Le propos, venant d’une jeune<br />

Irlandaise née à Alger, avi<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

reconstituer ses racines, est militant.Pour<strong>de</strong>smusiciens<br />

âgés(<strong>de</strong>ux<br />

sont morts <strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong><br />

l’aventure)ayantperduàjamaisl’eldorado<br />

d’une Algérie multiraciale,<br />

méditerranéenne et festive, il ne<br />

l’est pas moins.<br />

Après un concert donné à Marseille(l’arrivée<strong>de</strong>sbateaux<strong>de</strong>l’exil)<br />

en 2007, puis un autre au Palais<br />

omnisports<strong>de</strong>Paris-Bercy,<strong>El</strong><strong>Gusto</strong><br />

est revenu pour <strong>de</strong>ux soirs au<br />

Grand Rex fêter la sortie en salle<br />

d’undocumentaire<strong>de</strong>SafinezBousbia<br />

et celle d’un disque. Chau<strong>de</strong><br />

ambiance, youyous et battements<br />

<strong>de</strong> mains: la vie et le sens <strong>de</strong> la fête<br />

terrassent la nostalgie sans la tuer.<br />

En 1999, Enrico Macias, juif <strong>de</strong><br />

Constantine, avait tenté <strong>de</strong> ressou<strong>de</strong>r<br />

les cultures en donnant un<br />

concert<strong>de</strong>malouf,répertoirearabo-<br />

andalou, avec le musicien algérien<br />

Taoufik Bastanji. <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> pousse le<br />

bouchonplus loin,offrant en début<br />

<strong>de</strong> concert un duo entre le rabbin<br />

Philippe Darmon et le muezzin<br />

Mohamed Touzene.<br />

Maurice<strong>El</strong>-Medioni,leplusornemental<br />

<strong>de</strong>s pianistes francarabes,<br />

est à gauche, Paul Sultan (piano) à<br />

droite. Au centre, Robert Castel (le<br />

fils<strong>de</strong> Lili Labassi, l’un<strong>de</strong>s piliers du<br />

chaâbi)auchantetauviolon,Liamine<br />

Haimoun à la mandole, Mohamed<br />

Ferkioui, qui serre son accordéon<br />

«comme une femme»,<br />

Mabrouk Hamaï, habile joueur <strong>de</strong><br />

kanoun, Lucien Cherki, bro<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />

guitare…Vingt-septartistesentout.<br />

Corpus <strong>de</strong> poésie<br />

Au Rex, les plaies se pansent à<br />

l’ombre<strong>de</strong>LiliBonicheou<strong>de</strong>Reinette<br />

l’Oranaise, mais aussi avec la<br />

chanson Ya Rayah («Le voyageur»)<br />

<strong>de</strong> Dahmane <strong>El</strong>-Harrachi (1926-<br />

1980), star absolue du chaâbi <strong>de</strong><br />

l’émigrationoucellesd’<strong>El</strong>-Anka.«Si<br />

on commençait à dégager la chaux<br />

qu’il y a sur tous les murs <strong>de</strong> la kasbah,<br />

chaque grain réciterait un poème<br />

d’<strong>El</strong>-Anka, tellement [sa<br />

musique] est incrustée dans le<br />

sang», ditunmusiciend’<strong>El</strong><strong>Gusto</strong><br />

dans le film dont le début est projeté<br />

en introduction du concert. Hadj<br />

Mohamed <strong>El</strong>-Anka (1907- 1978) fut<br />

uncompositeurprolixeetleprofesseur<br />

ou le collègue<strong>de</strong> quelques-uns<br />

<strong>de</strong> ces musiciens. Il a structuré cette<br />

musique née <strong>de</strong> la longue cohabitation<br />

<strong>de</strong>s juifs et <strong>de</strong>s arabes, corpus<br />

<strong>de</strong> poésie dansante inventé au fond<br />

<strong>de</strong>s ruelles <strong>de</strong> la Casbah. Le chaâbi a<br />

accompagnélavied’uneAlgériedissipée,<br />

où se croisaient voyous et<br />

filles du port ; dockers, artisans et<br />

fumeurs <strong>de</strong> haschisch.p<br />

Véronique Mortaigne<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>, 1CD Quidam/Remark Music.<br />

Un film <strong>de</strong> Safinez Bousbia. Prochain<br />

concert; samedi 14janvier à Bruxelles<br />

(Bozar).


OLIVIER NUC<br />

<br />

MUSIQUE Le chaâbi est mis à l’honneur par ses interprètes historiques, ce soir à Paris,<br />

et au cinéma, dans un passionnant documentaire, en salle mercredi.<br />

Tout a commencé par la promesse<br />

d’une jeune femme <strong>de</strong> 23 ans<br />

àunvieuxmiroitier<strong>de</strong>lacasbah<br />

d’Alger. « Je vais t’ai<strong>de</strong>r à retrouver<br />

tes vieux amis.»C’était<br />

en 2003. Émue par les souvenirs <strong>de</strong><br />

l’homme, Safinez Bousbia se lançait sans<br />

vraiment le savoir dans une aventure qui<br />

allait changer le cours <strong>de</strong> sa vie. Huit ans<br />

plus tard, l’étudiante en architecture s’est<br />

transformée en chef d’une troupe <strong>de</strong> 30<br />

musiciens. « Ce qui m’a poussé, c’est le<br />

côté humain » expliquait-elle hier dans<br />

une loge du Grand Rex, à Paris, quelques<br />

heures avant la première <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux représentations<br />

<strong>de</strong> l’orchestre <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>. «Ce<br />

nom exprime la passion <strong>de</strong> ces hommes,<br />

leur sourire, leur joie <strong>de</strong> vivre ». Après<br />

avoir déplacé <strong>de</strong>s montagnes, et bravé <strong>de</strong><br />

multiples obstacles, elle s’est lancée dans<br />

la réalisation d’un délicieux film qui narre<br />

l’histoire <strong>de</strong>s interprètes historiques du<br />

chaâbi, la musique populaire d’Alger. Séparés<br />

par la guerre d’indépendance il y a<br />

cinquante ans, ces hommes d’âge mûr vivent<br />

aujourd’hui une secon<strong>de</strong> jeunesse<br />

grâce à l’énergie peu commune <strong>de</strong>cette<br />

femme qui est allée jusqu’à vendre sa<br />

maison afin que le projet aboutisse.<br />

D’émouvantes retrouvailles<br />

Native d’Alger, mais élevée aux quatre<br />

coins du mon<strong>de</strong>, l’anglophone Safinez<br />

Bousbia avait à cœur <strong>de</strong> revenir sur les<br />

plaies laissées par la guerre. « Les Anglo-<br />

Saxons ne savent rien <strong>de</strong> cette partie <strong>de</strong><br />

l’histoire <strong>de</strong> l’Algérie, explique-t-elle. Je<br />

tenais à montrer les événements à travers<br />

les souvenirs du petit peuple.» Anciens<br />

élèves du Conservatoire, les camara<strong>de</strong>s -<br />

musulmans et juifs mêlés - avaient été<br />

éparpillés à la fin <strong>de</strong> la guerre. Tandis que<br />

les musulmans étaient relogés dans différents<br />

quartiers d’Alger, leurs amis juifs<br />

-citoyensfrançais<strong>de</strong>puisledécretCrémieux<br />

<strong>de</strong> 1870 - rejoignaient l’autre côté<br />

<strong>de</strong> la Méditerranée. Leurs retrouvailles<br />

sur un quai <strong>de</strong> Marseille constituent l’une<br />

<strong>de</strong>s plus belles scènes du documentaire.<br />

C’est dans cette ville symbolique que<br />

l’orchestre <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> fit sa première apparition<br />

sur scène. Depuis, ce large ensemble<br />

a donné une quinzaine <strong>de</strong> concerts,<br />

<strong>de</strong> Londres à Essaouira en passant par<br />

Berlin. Mais toujours pas à Alger.<br />

« On va se battre pour que le film sorte<br />

là-bas », concè<strong>de</strong> Safinez Bousbia, pleine<br />

d’enthousiasme. L’orchestre, qui regroupe<br />

la fine fleur <strong>de</strong>s interprètes <strong>de</strong><br />

cette musique largement improvisée, a<br />

par ailleurs enregistré un excellent al-<br />

bum éponyme, qui atteste <strong>de</strong> la vivacité<br />

<strong>de</strong> ce style typique <strong>de</strong>s faubourgs algérois.<br />

La configuration inhabituelle d’<strong>El</strong><br />

<strong>Gusto</strong>, qui réunit sept chanteurs, a obligé<br />

les vétérans à bouleverser leurs habitu<strong>de</strong>s.<br />

« Leur éducation veut qu’un musicien<br />

doive être sérieux et rigoureux sur<br />

scène. Il a fallu du temps pour qu’ils adoptent<br />

une attitu<strong>de</strong> plus relâchée, apte aux<br />

dialogues entre instruments », témoigne<br />

Safinez Bousbia, qui ne fait pas mystère<br />

<strong>de</strong> conflits d’ego. «Ladifficultéavec<strong>de</strong>s<br />

musiciens d’un âge aussi avancé est qu’ils<br />

sont parfois compliqués à gérer. Je n’ai<br />

jamais cherché à les diriger. »Pourtant,<br />

la tendresse et l’affection <strong>de</strong>s regards<br />

que ces messieurs posent sur la trentenaire<br />

ressemblent bien à <strong>de</strong> la reconnaissance.<br />

■<br />

en bref<br />

▼<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong><br />

(ici hier soir<br />

au Grand Rex,<br />

à Paris)<br />

regroupe<br />

la fine fleur<br />

<strong>de</strong>s interprètes<br />

du chaâbi,<br />

la musique<br />

populaire<br />

d’Alger.<br />

SORIANO/LE FIGARO<br />

Préavis <strong>de</strong> grève illimitée<br />

àlaComédie-Française<br />

Les salariés <strong>de</strong> la Comédie-<br />

Française ont déposé un préavis<br />

<strong>de</strong> grève illimitée, à partir<br />

<strong>de</strong> mercredi, afin d’obtenir une<br />

augmentation <strong>de</strong> la part variable<br />

<strong>de</strong> leur salaire, liée aux excé<strong>de</strong>nts<br />

<strong>de</strong> l’établissement.<br />

Cet appel à la grève fait suite<br />

àunpremierarrêt<strong>de</strong>travail<br />

<strong>de</strong> cinq jours, entre le 27<br />

et le 31 décembre. Mercredi,<br />

la Comédie-Française doit<br />

étrenner son Théâtre Éphémère,


<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>, la belle rencontre<br />

<strong>de</strong>s maîtres du chaâbi algérois<br />

Cet album paru début janvier coïnci<strong>de</strong> avec <strong>de</strong>ux soirées exceptionnelles au Grand Rex et la sortie du fi lm<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>. Un événement qui met en lumière l’amitié très forte entre mélomanes <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux rives <strong>de</strong> la Méditerranée.<br />

Sorti début janvier, l’album<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> (le plaisir,<br />

la satisfaction, le kif)<br />

est un projet né d’une<br />

rencontre en 2006 <strong>de</strong> la jeune<br />

réalisatrice algérienne Safinez<br />

Bousbia avec un musicien <strong>de</strong><br />

chaâbi d’Alger. L’idée est alors<br />

venue d’une aventure semblable<br />

à celle du fameux Buena<br />

Vista Social Club <strong>de</strong> Cuba, réalisé<br />

par Wim Wen<strong>de</strong>rs, en 1999.<br />

Safinez Bousbia en achetant un<br />

miroir, en 2003, dans une ruelle<br />

<strong>de</strong> la Casbah d’Alger, fait une<br />

rencontre fantastique avec Mohamed<br />

<strong>El</strong> Ferkioui, un ancien<br />

membre <strong>de</strong> l’orchestre dirigé par<br />

cheikh <strong>El</strong> Anka, « le cardinal ».<br />

Le parcours <strong>de</strong> l’accordéoniste<br />

et le genre musical ont suscité<br />

l’intérêt <strong>de</strong> la réalisatrice. <strong>El</strong>le<br />

déci<strong>de</strong> d’aller rechercher les<br />

membres <strong>de</strong> cet orchestre séparés<br />

par la guerre, puis par la vie.<br />

Cette histoire, qui pourrait<br />

être celle d’un roman, a donné<br />

naissance au film documentaire<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>. Réalisé par Safinez<br />

Bousbia, ce long métrage <strong>de</strong><br />

quatre-vingt-huit minutes,<br />

qui sera en salles à partir du<br />

11 janvier, a fait l’objet <strong>de</strong> nombreuses<br />

recherches. La cinéaste<br />

a sillonné les quartiers d’Alger,<br />

<strong>de</strong> Marseille et <strong>de</strong> Paris afin <strong>de</strong><br />

retrouver les autres musiciens<br />

partis après l’indépendance <strong>de</strong><br />

l’Algérie. Ceux qui ont rejoint<br />

l’autre rive sont d’anciens musiciens<br />

juifs <strong>de</strong> la Casbah. Ils<br />

vivaient pour leur passion, le<br />

chaâbi. Ce genre musical leur<br />

UGC<br />

Le chaâbi, né au cœur <strong>de</strong> la Casbah d’Alger, a permis à <strong>de</strong>s générations <strong>de</strong> musiciens d’oublier la misère et <strong>de</strong> chanter l’amour.<br />

a permis d’oublier « la misère,<br />

la faim et la soif ».<br />

Le chaâbi reste un mythe<br />

pour les profanes. Le musicologue<br />

Bachir Hadj Ali en donne<br />

une définition très judicieuse :<br />

« Par “chaâbi” j’entends beaucoup<br />

plus l’auditoire d’<strong>El</strong> Anka<br />

que le caractère populaire <strong>de</strong><br />

son riche répertoire musical. »<br />

« Le cardinal » <strong>El</strong> Anka a suscité<br />

<strong>de</strong>s émules : Hadj Mrizek,<br />

Khelifa Belkassem, Bouhraoua,<br />

<strong>El</strong> Ankis, Guerrouabi, Hssissen,<br />

Mekraza, Chaou, et le regretté<br />

Moh Seghir La’ma, maître incontesté<br />

<strong>de</strong> la guitare. Tout au<br />

long du film, les témoignages<br />

émouvants <strong>de</strong>s artistes se succè<strong>de</strong>nt.<br />

Rachid Berkani (luth),<br />

Philippe Castel (fils <strong>de</strong> Lilli<br />

Bassi), Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r Chercham<br />

(mandole), Ab<strong>de</strong>rrahman<br />

Guellati (banjo), Meskoud, <strong>El</strong><br />

Hadi <strong>El</strong> Anka… tous reviennent<br />

cinquante ans en arrière<br />

et partagent leurs souvenirs. La<br />

plupart ont vu leur vie basculer.<br />

La réalisatrice Safinez Bousbia<br />

a pris le bateau pour Marseille<br />

avec ses « amis » <strong>de</strong> la Casbah.<br />

Ils ont été rejoints par d’autres<br />

célébrités comme Kamel Hamadi,<br />

Amar <strong>El</strong> Achab, René Pérez,<br />

José <strong>de</strong> Souza, Luc Cherki<br />

et Maurice <strong>El</strong> Médioni. L’orchestre<br />

composé <strong>de</strong> quarante<strong>de</strong>ux<br />

musiciens s’est reformé en<br />

France pour présenter <strong>de</strong> nombreux<br />

concerts internationaux.<br />

Depuis 2008, ils ont enregistré<br />

un album et ils se sont produits<br />

sur <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s scènes, comme<br />

le Zénith <strong>de</strong> Paris. Un livre sur<br />

l’aventure <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> sera publié<br />

l’an prochain. Ils seront sur la<br />

scène du Grand Rex à Paris les<br />

9 et 10 janvier. Un moment rare<br />

pour les puristes et les fans du<br />

chaâbi.<br />

MUSTAPHA HAMIDOUCHE<br />

Album <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>, chez Remark Records.<br />

Concerts 9 et 10 janvier, au Grand Rex,<br />

1, boulevard Poissonnière, Paris 2 e .<br />

Tél. : 01 45 08 93 89.


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Changez <strong>de</strong> disque !<br />

par Emilie Munera<br />

du lundi au vendredi <strong>de</strong> 17h à 18h<br />

présentation émission archives contact<br />

jeudi 5 janvier 2012<br />

Le pianiste Leon McCawley & l'Ensemble Mare Nostrum<br />

Emilie Munera nous présente, aujourd'hui, la sortie disque du pianiste Leon McCawley qui se<br />

consacre au compositeur américain Samuel Barber.<br />

Egalement à l'écoute l'Ensemble Mare Nostrum et Vox Luminis qui nous offrent Le concert<br />

<strong>de</strong>s violes chez Barini.<br />

En fin d'émission, comme tous les jeudi, en partenariat avec le quotidien Le Mon<strong>de</strong>, Emilie Munera<br />

vous fera partager <strong>de</strong>ux extraits du volume XIII du Mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Musique Sacrée dédié cette<br />

semaine au compositeur Joseph Haydn.<br />

http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/changez-disque/emission.php?e_id=100000059<br />

(ré)écouter<br />

> émission du jeudi 5 janvier<br />

en archives<br />

> cette émission est disponible en écoute à la<br />

carte pendant 30 jours après sa diffusion à<br />

l'antenne<br />

RSS<br />

> abonnez-vous au fil RSS <strong>de</strong> l'émission<br />

liens<br />

> Site Officiel <strong>de</strong> Leon McCawley<br />

portraits<br />

CHANGEZ DE DISQUE! avec<br />

Emilie Munera sur France<br />

Musique on Facebook<br />

Like 104<br />

> Franz Joseph Haydn<br />

> Samuel Barber<br />

06/01/12 15:06<br />

Page 1 sur 4


Changez <strong>de</strong> disque<br />

semaine au compositeur Joseph Haydn.<br />

La chronique<br />

par Philippe Krümm<br />

L'orchestre <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> d'Alger<br />

L'émission Changez <strong>de</strong> disque! accueille un nouveau<br />

membre en la personne <strong>de</strong> Philippe Krümm, qui tiendra<br />

désormais une nouvelle chronique consacrée aux<br />

musiques du mon<strong>de</strong>. Pour sa première, il a décidé <strong>de</strong><br />

vous faire découvrir l'Orchestre <strong>de</strong>s Musiciens du<br />

Conservatoire d'Alger qui se reconstitue après 50 ans<br />

<strong>de</strong> disparition.<br />

Ces retrouvailles, Safinez Bousbia en a réalisé un<br />

documentaire qui sort en salle sous le titre <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> le<br />

11 janvier 2012.<br />

La ban<strong>de</strong> originale du film est distribué par Warner<br />

Music France et dans les bacs <strong>de</strong>puis le 02 janvier.<br />

L'Orchestre <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> sera en concert à Paris au Grand Rex les 09 et 10 janvier 2012.<br />

liens :<br />

@ Rencontre avec la réalisatrice Safinez Bousbia qui nous parle <strong>de</strong> l'orchestre <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong><br />

@ Critique du film par le quotidien algérien LIBERTE<br />

programmation musicale<br />

Franz Schubert, Symphonie n°7 en Si mineur "Unfinished" - I Allegro<br />

mo<strong>de</strong>rato<br />

http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/changez-disque/emission.php?e_id=100000059<br />

> Franz Schubert<br />

choix <strong>de</strong> France Musique<br />

partager<br />

Tweeter<br />

La Création <strong>de</strong> Haydn<br />

à découvrir aussi...<br />

06/01/12 15:06<br />

> Plaisirs d'amour<br />

samedi 31 décembre : Dernier jour <strong>de</strong> l'année Liszt<br />

> A côté du piano<br />

lundi 2 janvier : A côté du piano<br />

> Rapido con brio<br />

dimanche 1er janvier : (Pas <strong>de</strong> diffusion)<br />

> Le point du jour<br />

vendredi 6 janvier : Le point du jour<br />

> Venez quand vous voulez<br />

vendredi 6 janvier : Haydn : Sonate en Ut Maj HOB<br />

XVI : 48<br />

> Horizons chimériques<br />

jeudi 5 janvier : César, par Haen<strong>de</strong>l et quelques<br />

autres...<br />

> Chefs d'oeuvres et découvertes<br />

samedi 31 décembre : Albert Roussel : Bacchus et<br />

Ariane<br />

> Le jardin <strong>de</strong>s critiques<br />

dimanche 1er janvier : STRAUSS : Der<br />

Rosenkavalier Op. 59 avec Stéphane Gol<strong>de</strong>t, Jean-<br />

Pierre Derrien, Vincent Warnier et Christian Schirm<br />

> Le Matin <strong>de</strong>s musiciens, jeudi<br />

jeudi 5 janvier : Madrigaux et Nouveaux madrigaux,<br />

VI<br />

Page 2 sur 4


Changez <strong>de</strong> disque<br />

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1 commentaire | page 1/1<br />

Gilles<br />

05/01/2012 - 17h02<br />

mo<strong>de</strong>rato<br />

Tonhalle-Orchester Zürich, direction David Zinman<br />

[RCA Red Seal - 88697 95335 2]<br />

Samuel Barber, Souvenirs, Op. 28 - I Waltz<br />

Leon McCawley<br />

[SOMM Celeste - SOMMCD 0108]<br />

Samuel Barber, Sonate pour Piano, Op. 26 - Allegro vivace e leggero<br />

Leon McCawley<br />

[SOMM Celeste - SOMMCD 0108]<br />

Bernard Herrmann, Moby Dick: The ribs and terrors in the whale<br />

Poul Emborg, Rasmus Gravers, Uffe Henriksen<br />

Danish National Symphony Orchestra, direction Michael Schonwandt<br />

[Chandos - CHSA 5095]<br />

Girolamo Frescolbaldi, Fiori Musicali, Canzon dopo l'Epistola<br />

Ensemble Mare Nostrum, Vox Luminis, direction Andrea <strong>de</strong> Carlo<br />

[Ricercar - RIC 320]<br />

Cherubino Waesich, O rubella d'amor (Madrigale a sei concertato con<br />

l'istromenti)<br />

Ensemble Mare Nostrum, Vox Luminis, direction Andrea <strong>de</strong> Carlo<br />

[Ricercar - RIC 320]<br />

Ferruccio Busoni, Giga, Bolero e Variazioni BV 254 (nach Mozart aus:<br />

An die Jugend)<br />

Roland Pöntinen<br />

[CPO 777 427-2]<br />

Philippe Courbois, Orphée: Dieu redouté qui régnés sur les ombres<br />

Hugo Oliveira<br />

Ludovice Ensemble, direction Fernando Miguel Jalôto<br />

[Ramée - RAM1107]<br />

Joseph Haydn, Extrait <strong>de</strong> La Création<br />

Choeur <strong>de</strong> la cathédrale Sainte-Edwige, Orchestre Philharmonique<br />

<strong>de</strong> Berlin, direction Igor Markevitch<br />

[Le Mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Musique sacrée Vol 13]<br />

Joseph Haydn, Extrait <strong>de</strong> La Création<br />

Wolfgang Meyer<br />

Choeur <strong>de</strong> la cathédrale Sainte-Edwige, Orchestre Symphonique <strong>de</strong><br />

Berlin, direction Karl Forster<br />

[Le Mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Musique sacrée Vol 13]<br />

http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/changez-disque/emission.php?e_id=100000059<br />

06/01/12 15:06<br />

Page 3 sur 4


Changez <strong>de</strong> disque<br />

Bonjour.<br />

J'adore votre émission. Sincèrement. Mais, <strong>de</strong> grâce, le mot "dramatisme" n'existe pas.<br />

Meilleurs vœux pour la nouvelle année à Emilie et à toute l'équipe.<br />

[France Musique] Bonne année à vous aussi et promis, en 2012, je cesse d'inventer <strong>de</strong>s<br />

mots...<br />

Les propos publiés ici n'engagent que leurs auteurs.<br />

http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/changez-disque/emission.php?e_id=100000059<br />

06/01/12 15:06<br />

Un site <strong>de</strong> l'entreprise Radio France.<br />

copyright © RF 2012. Droits <strong>de</strong> reproduction réservés<br />

Page 4 sur 4


cinéma ﺎﻤﻨﯿﺳ<br />

EL GUsto<br />

La résurrection du chaâbi<br />

NOSTALGIE Musique populaire née dans les bas-fonds d’alger<br />

dans les années 1920, le “blues <strong>de</strong> la Casbah” est à l’honneur<br />

ce mois-ci par la grâce <strong>de</strong> ceux qui lui ont donné ses lettres <strong>de</strong><br />

noblesse. Bienvenue aux papys du chaâbi dans les salles <strong>de</strong> cinéma<br />

et <strong>de</strong> concert. Par Amélie Duhamel<br />

L’aventure Buena Vista Social<br />

Club en 1999 a fait<br />

<strong>de</strong>s petits et c’est une<br />

bonne nouvelle. Souvenez-vous<br />

du film, <strong>de</strong> tous ces vieux musiciens<br />

émerveillés <strong>de</strong> jouer <strong>de</strong>vant<br />

le public du Carnegie Hall<br />

<strong>de</strong> New York, après <strong>de</strong>s décennies<br />

d’oubli. Eh bien <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>,<br />

c’est un peu la même histoire,<br />

version maghrébine.<br />

Tout a commencé en 2003 par<br />

une rencontre à la Casbah<br />

d’Alger entre un vieux joueur <strong>de</strong><br />

chaâbi, Mohamed <strong>El</strong> Ferkioui, et<br />

une jeune Irlandaise d’origine<br />

algérienne, Safinez Bousbia qui,<br />

en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> Lili Boniche, ne<br />

connaissait rien à cette musique,<br />

ne savait pas un mot<br />

d’arabe et baragouinait un français<br />

approximatif. C’est pourtant<br />

86 Le COUrrier De L’aTLaS<br />

à la faveur <strong>de</strong> ce contact chaleureux<br />

qu’a démarré l’aventure <strong>de</strong><br />

l’orchestre <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>, dont le film<br />

raconte l’histoire.<br />

Au début <strong>de</strong>s années 1920,<br />

<strong>El</strong> Hadj <strong>El</strong> Anka, ancien élève du<br />

grand Cheikh Nador qui lui enseigna<br />

la musique savante araboandalouse,<br />

eut l’audace <strong>de</strong> décortiquer<br />

les partitions classiques et<br />

d’y mêler <strong>de</strong>s sonorités berbères<br />

et <strong>de</strong>s chants religieux, donnant<br />

naissance à un style musical original,<br />

le chaâbi. Le peuple <strong>de</strong> la<br />

ville s’empara aussitôt <strong>de</strong> cette<br />

musique bouillonnante et libérée<br />

<strong>de</strong> toute contrainte, jouée et<br />

chantée dans les cafés et fumeries<br />

<strong>de</strong> la Casbah.<br />

En 1947, les autorités coloniales<br />

acceptèrent, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

du maître, <strong>de</strong> créer une classe <strong>de</strong><br />

chaâbi au conservatoire d’Alger,<br />

qui réunit jusqu’à <strong>de</strong>ux cents<br />

élèves, jeunes chanteurs et instrumentistes<br />

juifs et musulmans,<br />

pour la plupart habitant la<br />

médina. Ils racontent que leur<br />

passion était telle qu’ils priaient<br />

ensemble, les musulmans se<br />

mêlant aux juifs à la synagogue<br />

pendant le sabbat pour écouter<br />

du chaâbi.<br />

Une aventure stoppée<br />

par la guerre d’Algérie<br />

Un orchestre vit le jour : quarante<br />

musiciens mêlant luth,<br />

violon joué à la verticale, <strong>de</strong>rbouka,<br />

tambourin, mandole,<br />

piano, qanoun et f’hel (petite<br />

flûte). Ils se produisirent dans<br />

les quartiers populaires, accom-<br />

pagnant fêtes religieuses et mariages<br />

et propageant dans toute<br />

la ville d’Alger une ivresse musicale<br />

enthousiasmante.<br />

Mais la guerre d’Algérie mit un<br />

frein brutal à ce déchaînement<br />

artistique spontané. Dès le début<br />

<strong>de</strong>s “événements”, certains musiciens<br />

quittèrent le pays. A partir<br />

<strong>de</strong> 1961, les attentats <strong>de</strong> l’Organisation<br />

armée secrète (OAS)<br />

achevèrent <strong>de</strong> boucler le processus,<br />

les personnes possédant la<br />

nationalité française – dont les<br />

juifs <strong>de</strong>venus français par la<br />

grâce du décret Crémieux <strong>de</strong><br />

1870 – étant priées <strong>de</strong> choisir<br />

entre “le cercueil et la mort”.<br />

Cinquante ans après, Safinez<br />

Bousbia s’est lancée dans un<br />

projet pour le moins hasar<strong>de</strong>ux :<br />

réunir en un orchestre baptisé<br />

pour l’occasion <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> (la<br />

bonne humeur, en algérois)<br />

d’anciens élèves du conservatoire<br />

d’Alger pour qu’ils se produisent<br />

en public, enregistrent<br />

un disque, elle-même entamant<br />

la réalisation d’un film qui relate<br />

l’aventure <strong>de</strong> ces retrouvailles.<br />

Projet ambitieux pour une jeune<br />

NUMÉRO 55 janvier 2012<br />

Jackie King/Quidam Production <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong><br />

Safinez Bousbia/Quidam Production <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong><br />

architecte qui, en fait <strong>de</strong> cinéaste,<br />

n’avait jamais produit<br />

autre chose que <strong>de</strong> la matière<br />

grise, ni réalisé le moindre documentaire,<br />

ni managé <strong>de</strong> tournée<br />

musicale, ni édité d’album…<br />

Pari pourtant réussi, malgré la<br />

difficulté <strong>de</strong> remettre la main sur<br />

<strong>de</strong>s Algériens éparpillés par les<br />

autorités lorsqu’elles procédèrent<br />

au relogement <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong><br />

la Casbah, et sur <strong>de</strong>s juifs obligés<br />

<strong>de</strong> quitter leur pays pour émigrer<br />

en France. “Cette recherche m’a<br />

pris trois ans”, explique Safinez,<br />

qui a retrouvé une trentaine <strong>de</strong><br />

personnes. Parmi les anciens,<br />

seize ont accepté <strong>de</strong> participer à<br />

la tournée <strong>de</strong> concerts entamée à<br />

Marseille en 2007. “On <strong>de</strong>vait<br />

commencer par l’opéra d’Alger,<br />

mais un attentat terroriste qui s’est<br />

produit quelques jours plus tôt a découragé<br />

les musiciens juifs qui <strong>de</strong>vaient<br />

venir <strong>de</strong> France.”<br />

Qu’à cela ne tienne. Safinez a<br />

tenu bon. Alger annulé, ren<strong>de</strong>zvous<br />

à Marseille, au théâtre du<br />

Gymnase. “Les musiciens<br />

n’avaient que cinq jours pour répéter<br />

et ils étaient tellement contents<br />

<strong>de</strong> se revoir qu’ils ne travaillaient<br />

pas, ils ne faisaient que papoter,<br />

raconte la jeune femme. En plus,<br />

la veille du spectacle, on n’avait<br />

vendu qu’une <strong>de</strong>mi-salle. J’étais<br />

morte d’inquiétu<strong>de</strong>.” Ce qu’elle<br />

ignorait, c’est qu’aussi bien dans<br />

les communautés arabes que<br />

juives du Maghreb, on n’a pas<br />

l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> réserver ses places.<br />

On vient, c’est tout. Le soir<br />

même, c’était complet. Trois<br />

cents personnes ont même dû<br />

rester à la porte.<br />

Un film porté<br />

à bout <strong>de</strong> bras<br />

I<strong>de</strong>m au Palais omnisport <strong>de</strong><br />

Bercy où l’orchestre s’est produit<br />

dans la foulée à la Nuit du ramadan<br />

organisée par la Mairie <strong>de</strong><br />

Paris. “Un succès très émouvant<br />

parce que toutes les communautés<br />

étaient présentes ensemble, grandsparents,<br />

parents, enfants, toutes générations<br />

confondues, plongées dans<br />

une même communion, dans un<br />

même enthousiasme.”<br />

NUMÉRO 55 janvier 2012<br />

A Marseille, <strong>de</strong>s musiciens juifs<br />

d’<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> accueillent leurs<br />

camara<strong>de</strong>s arrivant d’Algérie.<br />

Début janvier 2011, le chaâbi<br />

sera à nouveau à l’honneur en<br />

France. <strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> sort en salle le<br />

11, tandis que l’orchestre entame<br />

une tournée <strong>de</strong> lancement qui<br />

débute les 9 et 10 par <strong>de</strong>ux<br />

concerts au Grand Rex à Paris, en<br />

même temps que sort la ban<strong>de</strong><br />

originale du film.<br />

Safinez et son équipe en ont<br />

<strong>de</strong>s sueurs froi<strong>de</strong>s. Pour arriver<br />

à financer l’ensemble du projet,<br />

la réalisatrice a risqué le tout<br />

pour le tout. “J’ai eu besoin <strong>de</strong><br />

3 millions d’euros et je les ai trouvés,<br />

se réjouit-elle. Pour démarrer,<br />

j’ai créé une boîte <strong>de</strong> production et<br />

j’ai engagé <strong>de</strong>s biens personnels.<br />

Ensuite, j’ai démarché tous azimuts,<br />

en Irlan<strong>de</strong>, en Algérie, en<br />

France… J’ai obtenu <strong>de</strong>s fonds par<br />

<strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> mécénat et <strong>de</strong>s<br />

donations. J’ai beaucoup bataillé<br />

pour convaincre que je pourrais<br />

parvenir à mes fins alors que j’étais<br />

sans expérience. Mais quand les repérages<br />

ont débuté, l’argent a commencé<br />

à rentrer. Au bout du<br />

compte, si j’arrive seulement à<br />

éponger mes <strong>de</strong>ttes, j’aurai gagné.”<br />

On lui souhaite pourtant<br />

mieux. Car le film est une véritable<br />

réussite. Raconté au moyen<br />

d’une trame cinématographique<br />

sans doute un peu simpliste, il<br />

est porté par l’enthousiasme <strong>de</strong>s<br />

musiciens, par <strong>de</strong> merveilleuses<br />

images qui dévoilent la splen<strong>de</strong>ur<br />

chaotique <strong>de</strong> la Ville blanche,<br />

l’énergie <strong>de</strong> ses habitants et la<br />

chaleur <strong>de</strong>s personnages, et surtout,<br />

par la flamboyance <strong>de</strong> ce<br />

chaâbi algérois ressuscité.<br />

Ce film est aussi un document<br />

d’histoire. Il raconte comment,<br />

au plus fort <strong>de</strong> la guerre d’Algé-<br />

Les musulmans se mêlaient aux juifs<br />

à la synagogue pour écouter du chaâbi<br />

rie, les musiciens furent les seuls<br />

“indigènes” autorisés à circuler<br />

plus ou moins librement. “Ils animaient<br />

<strong>de</strong>s mariages ou <strong>de</strong>s cérémonies<br />

‘mascara<strong>de</strong>s’ à la Casbah pour<br />

permettre aux dirigeants du FLN <strong>de</strong><br />

se réunir parmi les invités alors que<br />

tout rassemblement était interdit,<br />

explique Safinez. Ils pouvaient<br />

aussi dissimuler <strong>de</strong>s armes, <strong>de</strong>s<br />

tracts, <strong>de</strong>s documents et les introduire<br />

dans <strong>de</strong>s cafés, hôtels ou salles<br />

<strong>de</strong> spectacles. Les musiciens <strong>de</strong> chaâbi<br />

furent d’authentiques combattants<br />

pour l’indépendance. La chanson<br />

‘Khanata’ est ainsi <strong>de</strong>venue un<br />

symbole <strong>de</strong> cette lutte.”<br />

Alcool, cannabis<br />

et piété<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> évoque également un<br />

autre aspect <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’Algérie<br />

: celui <strong>de</strong> la population<br />

juive. Expulsés d’Espagne par<br />

Isabelle la Catholique au terme<br />

<strong>de</strong> la Reconquista au XV e siècle,<br />

les juifs s’étaient en cinq siècles<br />

pleinement intégrés à la population<br />

algérienne. Ils partageaient<br />

la même culture – notamment<br />

la musique arabo-andalouse –,<br />

parlaient la même langue, vivaient<br />

dans les mêmes quartiers.<br />

L’histoire du chaâbi en apporte<br />

la preuve. “Ils ont vécu leur migration<br />

comme une véritable déchirure,<br />

observe Safinez. L’OAS, organisation<br />

terroriste d’extrême<br />

droite partisane <strong>de</strong> l’Algérie française,<br />

me paraît largement respon-<br />

sable d’un divorce qui n’était souhaité<br />

ni d’un côté ni <strong>de</strong> l’autre.”<br />

Le déroulement <strong>de</strong> la tournée<br />

<strong>de</strong> 2007 semble donner raison à<br />

la cinéaste qui a sous-titré son<br />

film par la mention suivante :<br />

“L’histoire les a séparés, la musique<br />

les a réunis.” Dans l’orchestre <strong>El</strong><br />

<strong>Gusto</strong>, trois groupes se sont formés<br />

: les buveurs d’alcool, les fumeurs<br />

<strong>de</strong> cannabis et les pieux.<br />

Dans les trois groupes, il y a <strong>de</strong>s<br />

juifs et <strong>de</strong>s musulmans, <strong>de</strong>s<br />

Français et <strong>de</strong>s Algériens. Leurs<br />

points <strong>de</strong> convergence se manifestent<br />

non par leur appartenance<br />

communautaire, mais par<br />

leur manière d’apprécier la vie<br />

en société.<br />

L’aventure d’<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong> saura-telle<br />

faire revivre le chaâbi comme<br />

Buena Vista Social Club a redonné<br />

ses lettres <strong>de</strong> noblesse à la musique<br />

populaire cubaine ? C’est ce<br />

qu’on espère. Inch’Allah.<br />

DANS LES SALLES<br />

LE 11 JANVIER<br />

<strong>El</strong> <strong>Gusto</strong>, documentaire<br />

<strong>de</strong> Safinez Bousbia, 1 h 30.<br />

La sortie en salle sera précédée<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux concerts les 9 et 10 janvier<br />

à 20 h 30 au Grand rex<br />

1, boulevard Poissonnière - Paris 2 e<br />

Le COUrrier De L’aTLaS 87

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