La suffixation en - Laboratoire de Linguistique Formelle - CNRS
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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />
poussette), ‘petite taille’ et ‘édulcoré’ (facturette, cigarette), ‘inexpéri<strong>en</strong>ce’<br />
et ‘proche du locuteur’ (cousette), ‘sexe féminin’ et ‘hypocoristique’<br />
(g<strong>en</strong>darmette). Ce cumul interprétatif ne se retrouve pas avec les autres<br />
affixes, même quand ils sont porteurs <strong>de</strong> plusieurs significations. Par<br />
exemple, le préfixe anti- peut avoir une interprétation oppositive<br />
(antiémeute, antigaulli<strong>en</strong>) ou antipodique (antimatière, anti-Madonna)<br />
(Fradin 1997). Un lexème préfixé par anti- peut pr<strong>en</strong>dre les <strong>de</strong>ux<br />
interprétations (antihéros), mais dans un contexte donné il aura l’une ou<br />
l’autre, pas les <strong>de</strong>ux e.g. Une littérature antihéros apparaît à cette époque ;<br />
Dracula est un antihéros tragique. Autre fait important : n’importe quelle<br />
interprétation ne peut pas cumuler avec n’importe quelle autre (voir §6.2).<br />
1.2.4. Surplus d’interprétation<br />
De manière plus surpr<strong>en</strong>ante, les lexèmes opaques <strong>en</strong> -ET, peuv<strong>en</strong>t acquérir<br />
un surplus d'interprétation sémantique – très souv<strong>en</strong>t ‘petite taille’ —<br />
attribuable au suffixe. Ainsi, les dictionnaires not<strong>en</strong>t-ils que l’alouette (a. fr.<br />
aloe, lat. alauda < gaul.) est un ‘petit oiseau’, qu’une baguette (it. bachetta <<br />
bacchio ‘bâton’) est ‘un petit bâton mince et flexible’. Les <strong>de</strong>ux sont<br />
opaques et seul le premier fut jadis dérivé <strong>en</strong> français. <strong>La</strong> même<br />
remotivation sémantique s’observe avec carpette (ang. carpet, a. fr. carpite<br />
‘tapis’ < it. carpita), qui désigne un tapis <strong>de</strong> petite dim<strong>en</strong>sions (Delhay<br />
1996 : 164) ou avec bi<strong>de</strong>t ‘petit cheval’ (a. fr. bi<strong>de</strong>r ‘trotter’). Certes on<br />
pourrait dire que l’interprétation ‘petit X’ est liée à la sémantique même du<br />
mot, comme dans clou, ou fourmi, et n’a ri<strong>en</strong> à voir avec sa forme. Mais on<br />
sait aussi que la forme conduit à <strong>de</strong>s relectures sémantiques (étymologie<br />
populaire) 5 . On se souvi<strong>en</strong>t que (Corbin 1987) a introduit la notion<br />
d’intégrateur paradigmatique précisém<strong>en</strong>t pour désigner ces terminaisons<br />
ayant l’appar<strong>en</strong>ce d’un affixe mais qu’il est impossible <strong>de</strong> corréler à une<br />
règle morphologique dérivationnelle <strong>en</strong> bonne et due forme (cf. peuplier et<br />
la série <strong>de</strong>s noms d’arbres fruitiers). Si cette notion d’intégrateur a un s<strong>en</strong>s,<br />
il n’est pas étonnant que la finale -ET induise pour les lexèmes <strong>en</strong> question<br />
<strong>de</strong>s interprétations normalem<strong>en</strong>t associées au suffixe <strong>de</strong> manière c<strong>en</strong>trale, <strong>en</strong><br />
l’occurr<strong>en</strong>ce l’idée <strong>de</strong> petitesse. Quoi qu’il <strong>en</strong> soit, cette manière <strong>de</strong><br />
contagion sémantique n’est pas traitable dans les modèles ordinaires <strong>de</strong> la<br />
morphologie, puisque ces mots y serai<strong>en</strong>t au pire inanalysés, au mieux <strong>de</strong>s<br />
mots complexes non construits. De surcroît, ce problème n’est pas<br />
particulier à -ET et se retrouve avec d’autres lexèmes non construits<br />
prés<strong>en</strong>tant une finale id<strong>en</strong>tique à un suffixe (cf. la discussion générale dans<br />
(Delhay 1996 : 160-170)).<br />
1.2.5. Productivité du procédé<br />
Qu’on évalue sa productivité au moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> critères qualitatifs (Dressler &<br />
<strong>La</strong>dányi 1998) ou quantitatifs (Baay<strong>en</strong> 1992; Baay<strong>en</strong> & Lieber 1991), la<br />
<strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET constitue un procédé morphologique productif. On<br />
constate par exemple qu’elle produit <strong>de</strong> nombreux types nouveaux<br />
(macaronnette, torsette, aspirette, cadrette, lingette) 6 , y compris avec les<br />
5 Dans le cas prés<strong>en</strong>t, une étu<strong>de</strong> psycholinguistique <strong>de</strong>vrait permettre d’éclaircir le point.<br />
6 « Macaronette. Toute la ron<strong>de</strong>ur d'un petit macaron aux aman<strong>de</strong>s. » Boite <strong>de</strong> biscuits LU<br />
Guet-ap<strong>en</strong>s. 1999. ◊ « TORSETTES AU SAUMON FUMÉ. Les torsettes sont <strong>de</strong> petites pâtes <strong>en</strong><br />
forme <strong>de</strong> vrille, appelées égalem<strong>en</strong>t torsa<strong>de</strong>s. » Cosmopolitan Années 90. ◊ « Aspirette sans<br />
26/06/2003 4