02.07.2013 Views

La suffixation en - Laboratoire de Linguistique Formelle - CNRS

La suffixation en - Laboratoire de Linguistique Formelle - CNRS

La suffixation en - Laboratoire de Linguistique Formelle - CNRS

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

— couleur : roussette, rouget, bleuet, jaunet (plante aquatique), fauvette,<br />

rousselette (poire), griset (oiseau).<br />

— saveur: farinet, doucette (= mâche ; d’amère, <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t douce après les<br />

gelées).<br />

— o<strong>de</strong>ur : f<strong>en</strong>ouillette (type <strong>de</strong> pomme), muguet (< a fr. mugue ‘musc’),<br />

ambrette (graine exhalant une o<strong>de</strong>ur d’ambre).<br />

— forme : rosette, sapinette (type d’épicéa), pommette.<br />

— nourriture : chardonneret (cet oiseau est friand <strong>de</strong> chardons).<br />

— habitat : bergeronnette, souchette (champignon qui croît sur les souches).<br />

— saisonnalité : pâquerette (fleurit vers Pâques).<br />

— taille : basset.<br />

— bruit caractéristique : gr<strong>en</strong>ouillette 2 (maladie <strong>de</strong>s glan<strong>de</strong>s salivaires qui<br />

fait que ceux qui <strong>en</strong> sont affectés parl<strong>en</strong>t <strong>en</strong> coassant).<br />

Ces caractéristiques saillantes fond<strong>en</strong>t les Conditions Motivées<br />

Lexicalem<strong>en</strong>t (cf. §6.1).<br />

Les dérivés <strong>de</strong> L3’ partag<strong>en</strong>t les propriétés <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> L3. <strong>La</strong> seule<br />

différ<strong>en</strong>ce est qu’ils dénot<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>en</strong>tités nuisibles ou mauvaises. Dénommer<br />

celles-ci au moy<strong>en</strong> d’un diminutif, formé sur une propriété saillante, c’est<br />

faire comme si elles appart<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t à la sphère intime du locuteur alors même<br />

qu’il a toutes les raisons <strong>de</strong> s’<strong>en</strong> gar<strong>de</strong>r. D’où la lecture propitiatoire<br />

associée à ces dérivés. L’exemple canonique est celui <strong>de</strong> belette (< belle).<br />

Dans (Fradin, Hathout & Meunier 2003), nous avons considéré que riflette<br />

‘guerre’ (< rifle ‘fusil’) est une réactivation <strong>de</strong> ce schéma 39 . Oubliette s’y<br />

rattacherait aussi.<br />

A côté <strong>de</strong>s noms d’espèces naturelles, il semble exister quelques dérivés<br />

dénotant <strong>de</strong>s artefacts concrets non fonctionnels qui prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

l’interprétation précéd<strong>en</strong>te ‘familier au locuteur’ : singallette (étoffe<br />

fabriquée à Saint-Gall), barcelonnette (couverture <strong>de</strong> berceau), piquette (vin<br />

qui pique).<br />

Les dérivés L4 ont tous affaire au goût et à l’alim<strong>en</strong>tation. Certains sont<br />

anci<strong>en</strong>s et fortem<strong>en</strong>t marqués comme andouillette, rillettes, sanguette,<br />

tartiflette. D’autres sont réc<strong>en</strong>ts et dénot<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s alim<strong>en</strong>ts d’une variété<br />

nouvelle (gariguette, torsa<strong>de</strong>tte, macaronette) ou d’un apprêt nouveau<br />

(croquette, goujonnette, gigolette, jambonnette) et se veul<strong>en</strong>t cons<strong>en</strong>suels.<br />

L’apport sémantique du suffixe n’est pas facile à cerner. Pour le premier<br />

type, la dénomination diminutive pourrait viser à induire que ces produits<br />

sont <strong>de</strong>s alim<strong>en</strong>ts que le locuteur aime bi<strong>en</strong>, qu’ils ont ses préfér<strong>en</strong>ces, voire<br />

qu’ils l’id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t presque (socialem<strong>en</strong>t ou géographiquem<strong>en</strong>t). Pour le<br />

second, il <strong>en</strong> irait <strong>de</strong> même, à l’id<strong>en</strong>tification près. Qu’il s’agisse d’une<br />

dénomination commerciale n’<strong>en</strong>lève ri<strong>en</strong> au fait que c’est la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong><br />

-ET qu’on a choisie. Dans ces <strong>de</strong>ux cas, on joue sur le fait que le type<br />

d’alim<strong>en</strong>tation, et a fortiori <strong>de</strong> cuisine, fonctionne comme un id<strong>en</strong>tifiant<br />

culturel et social fort (<strong>La</strong>hlou 1998; Bourdieu 1979). Pour le <strong>de</strong>rnier cas,<br />

l’idée qu’il s’agit <strong>de</strong> mets <strong>en</strong> portions élaborés avec soin semble plus près <strong>de</strong><br />

l’information lexicale qui correspond<strong>en</strong>t exactem<strong>en</strong>t aux caractéristiques m<strong>en</strong>tionnées (voir<br />

le traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lapin et vache dans (Martin 2001 : 69, 77)). Ces informations sont souv<strong>en</strong>t<br />

du type <strong>de</strong> celles que (Pustejovsky 1995) met sous le quale ‘constitutif’.<br />

39 Riflette, attesté dans le corpus <strong>de</strong> Libération dans l’expression être bon pour la riflette<br />

‘être bon pour la guerre’, est rec<strong>en</strong>sé dans le TLF avec plusieurs exemples.<br />

26/06/2003 22

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!