La suffixation en - Laboratoire de Linguistique Formelle - CNRS

Suffixation en -ette
faisant l’objet de l’évaluation peut être une propriété constitutive de l’objet
ou bien une propriété qu’elle acquiert par sa fonction. Toutes les propriétés
constitutives ont une évaluation lacunaire (evaluation gap), sauf R3
(merle/merlette). Dans tous ces cas, la suffixation en -ET indique que le
degré d’une dimension DMS i que possède le référent du lexème-dérivé est
inférieur au degré que présente l’objet de référence (odr), en l’occurrence le
référent type du N-base (objet ou événement). Ce référent est du type objet,
à l’exception de R8 où il est un lieu et de R9 où il est un événement. Le
changement sémantique est noté dans le tableau 2 pour chacune des
significations du pôle Référent 28 .
En R1, le N dérivé dénote un objet qui a une taille inférieure à la taille
standard du référent du Nb. Autres exemples : clochette, balisette,
baraquette, bastidette, brossette, brochurette, mésangette, châtelet,
maisonnette, vaguelette, potelet…
R2 regroupe les cas qui tournent tous autour de l’idée que le référent du
dérivé présente sous une forme édulcorée les (ou certaines des) propriétés
caractéristiques du référent du lexème-base : soit ces propriétés ne se
retrouvent pas dans le référent du dérivé, soit elles s’y retrouvent sur un
mode atténué 29 e.g. opéra / opérette, cigare / cigarette, histoire / historiette,
cerveau / cervelet, berline / berlinette, sucre / sucrette, hermine /
herminette 2, table / tablette, moulin / moulinet, poivre / poivrette. Par
exemple avec opéra, pour la propriété ‘avoir un thème’, la dimension
‘sérieux’ aurait la valeur ‘+’ ce qui se noterait ‘eq•(val•x•sérieux)•plus’ dans
la notation du tableau 4. Avec opérette, le suffixe -ET indique que le thème
de l’opérette est moins sérieux que celui de l’opéra
‘inf•(val•x 2•sérieux’)•(val•x 1•sérieux’)’, où x 1 correspond à opéra et x 2 à
opérette. La même chose se reproduit pour les autres propriétés et
dimensions 30 . En toute logique, le cas R1 est un sous-cas de R2 comme
l’indique (8c). Si on ne l’a pas fait figurer sous ce dernier, c’est à cause du
nombre des types qu’il recouvre et de son importance comme prototype
dans le dispositif cognitif de l’évaluation.
En R3 la dimension concerne exclusivement la sexuisemblance. R3
regroupe les significations où l’on bascule d’une valeur à l’autre 31 : mâle vs
femelle e.g. fliquette, gigolette (< gigolo), punkette, fantômette, beurette,
PDGette, cadrette. Ces dérivés présentent fréquemment une connotation
hypocoristique (L5).
En R4 la propriété en question est l’âge. L’interprétation est du type
‘jeune de l’espèce Nb’ e.g. brebiette, porcelet, poulet. Par l’inférence (8a),
ce cas pourrait être vu comme une extension de R1.
28 Ces notations sont une sténographie simplifiée de ce qui se passe et nullement une
représentation formelle en bonne et due forme. Les propriétés constitutives pour les
dimensions concernées s’expriment par des adjectifs (grand, cher, vieux, etc.) dont le degré
standard auquel ils sont vrais est fixé en contexte (Kennedy & McNally 1999).
29 Se rattachent à ce type les produits de mercerie qui imitent le référent du nom base :
satinette, cotonnette, bisette (Delhay 1996).
30 Le quantificateur universel dans le tableau 4 est trop fort, car l’implication posée ne vaut
que pour la majorité des propriétés ou des dimensions et non pour toutes.
31 Inversement, le suffixe -et a servi à marquer des basculements de femelle vers mâle e.g.
lanier ‘faucon femelle dressé pour la chasse’ / laneret cf. (Dal 1997 : 23-24). Le corpus
atteste aussi bavolette ‘femme qui porte un bavolet’.
26/06/2003 18