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La suffixation en - Laboratoire de Linguistique Formelle - CNRS

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A paraître dans <strong>La</strong>ngages, 2003.<br />

Bernard Fradin, UMR 7110 <strong>CNRS</strong> & Paris 7<br />

bernard.fradin@linguist.jussieu.fr<br />

LE TRAITEMENT DE LA SUFFIXATION EN -ET<br />

1. Phénoménologie d’un procédé<br />

1.1. <strong>La</strong> morphologie diminutive<br />

<strong>La</strong> <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET est le principal procédé <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s diminutifs <strong>en</strong><br />

français contemporain. En tant que telle, elle relève <strong>de</strong> la morphologie<br />

évaluative. A la différ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la morphologie ordinaire, qu’on qualifie<br />

parfois <strong>de</strong> conceptuelle parce qu’elle fournit <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s permettant <strong>de</strong><br />

catégoriser les objets dont on parle, la morphologie évaluative exprime une<br />

appréciation sur ceux-ci et r<strong>en</strong>seigne sur le positionnem<strong>en</strong>t du locuteur visà-vis<br />

<strong>de</strong> ce qu’il décrit ou <strong>de</strong> son interlocuteur. De ce fait, elle véhicule très<br />

souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s connotations pragmatiques 1 .<br />

Outre les diminutifs, la morphologie évaluative inclut les procédés<br />

permettant <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s augm<strong>en</strong>tatifs et <strong>de</strong>s appréciatifs. Toutes les<br />

langues ne possèd<strong>en</strong>t pas ces trois procédés ; certaines n’<strong>en</strong> possèd<strong>en</strong>t aucun<br />

et beaucoup ont <strong>de</strong>s diminutifs sans avoir ni augm<strong>en</strong>tatifs ni appréciatifs. A<br />

l’intérieur <strong>de</strong> chaque procédé, les effets sémantiques induits sont nombreux<br />

et vari<strong>en</strong>t selon les langues tout <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>tant une certaine homogénéité. <strong>La</strong><br />

formation diminutive ne fait pas exception. Dans une étu<strong>de</strong> m<strong>en</strong>ée sur un<br />

échantillon typologiquem<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>tatif <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> soixante langues,<br />

(Jurafsky 1996) donne la liste prés<strong>en</strong>tée dans le tableau 1 <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>s le plus<br />

régulièrem<strong>en</strong>t exprimés par la morphologie diminutive 2 :<br />

CATÉGORIE BASE DIMINUTIF<br />

1. Petitesse ka khnaay ‘la souris’ ?ii khnaay ‘la souricette’<br />

2. Enfant / Rejeton kwe ‘femme’ kwez<strong>en</strong>s ‘fille’<br />

3. G<strong>en</strong>re féminin mapa ‘nappe.MAS’ mapit ‘serviette.FEM’<br />

4. Modèle réduit hε˜ ‘couteau’ hε˜-ví ‘rasoir’<br />

5. Imitation csillag ‘étoile’ csillagocska ‘astérisque’<br />

6. Int<strong>en</strong>sité parvus ‘petit’ parvulus ‘très petit’<br />

7. Approximation ksinos ‘aigre’ ksinutsikos ‘aigrelet’<br />

8. Individuation azMur ‘oliviers’ tazMurt ‘un olivier’<br />

Tableau 1. Valeurs du diminutif<br />

1 <strong>La</strong> question <strong>de</strong> savoir si la morphologie évaluative est <strong>de</strong> nature dérivationnelle,<br />

flexionnelle ou ni l’une ni l’autre a été très débattue dans les travaux morphologiques<br />

réc<strong>en</strong>ts. Je r<strong>en</strong>voie à (Grandi 2002 : 98sq) qui résume la situation sur le sujet. Pour le<br />

français, il fait ne pas <strong>de</strong> doute qu’elle relève <strong>de</strong> la dérivation. En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’affixation, le<br />

français fabrique <strong>de</strong>s unités ayant une interprétation évaluative par <strong>de</strong>ux autres procédés : la<br />

réduplication e.g. bébête, guéguerre et l’accourcissem<strong>en</strong>t e.g. prof (< professeur), grasse<br />

mat (< grasse matinée).<br />

2 <strong>La</strong>ngues : 1 : khasi (Mon-kmer) 2 : ojibwa (algonqui<strong>en</strong>), 3 : hébreu, 4 : ewe (Niger-<br />

Congo), 5 : hongrois, 6 : latin, 7 : grec, 8 : berbère. En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s abréviations courantes,<br />

j’emploierai les suivantes : Nb = nom base, Nr = nom recteur, Nd = nom dérivé.


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

Le français actuel ne possè<strong>de</strong> pas les types 6 et 8. En revanche, il <strong>en</strong><br />

prés<strong>en</strong>te d’autres qui ne figur<strong>en</strong>t pas dans ce tableau (voir §§5.1). <strong>La</strong><br />

question <strong>de</strong> savoir comm<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> cette variété <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s tout <strong>en</strong><br />

cherchant à maint<strong>en</strong>ir l’unicité sémantique <strong>de</strong> la catégorie du diminutif se<br />

pose tant au niveau général <strong>de</strong> la typologie — et/ou <strong>de</strong> la « Grammaire<br />

universelle » — qu’à celui <strong>de</strong>s grammaires particulières. On peut<br />

hiérarchiser trois niveaux <strong>de</strong> questions :<br />

1) Y a-t-il <strong>de</strong>s t<strong>en</strong>dances universelles qui se dégag<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’organisation<br />

<strong>de</strong>s diminutifs dans les langues ? Ces t<strong>en</strong>dances contraign<strong>en</strong>t-elles<br />

l’organisation <strong>de</strong> cette catégorie dans les langues particulières ?<br />

2) Comm<strong>en</strong>t se situe le système du français par rapport à ces t<strong>en</strong>dances<br />

universelles ?<br />

3) Quelle est l’organisation <strong>de</strong> la catégorie du diminutif <strong>en</strong> français ?<br />

Jurafsky répond par l’affirmative à 1 et propose un modèle radial, <strong>de</strong> type<br />

Modèle Cognitif Idéalisé (<strong>La</strong>koff 1987), qui vise à décrire à la fois les<br />

valeurs sémantiques universellem<strong>en</strong>t observées du diminutif, les connexions<br />

<strong>en</strong>tre ces valeurs et les ext<strong>en</strong>sions diachroniques que connaît la catégorie du<br />

diminutif. Ce modèle radial comporte « une signification c<strong>en</strong>trale<br />

prototypique avec <strong>de</strong>s ext<strong>en</strong>sions conceptuelles représ<strong>en</strong>tées par un réseau<br />

<strong>de</strong> nœuds et <strong>de</strong> li<strong>en</strong>s » (Jurafsky 1996 : 542). Les nœuds du réseau sont les<br />

s<strong>en</strong>s prototypiques observés et les li<strong>en</strong>s les ext<strong>en</strong>sions. Ces ext<strong>en</strong>sions sont<br />

assurées par quatre types <strong>de</strong> mécanismes : infér<strong>en</strong>ce (I), métaphore (M),<br />

généralisation (G) et lambda-abstraction (A). Quant à la signification<br />

c<strong>en</strong>trale, Jurafsky déf<strong>en</strong>d l’idée qu’elle correspond à la catégorie sémantique<br />

‘<strong>en</strong>fant’. Il formule <strong>de</strong>s universaux implicatifs pour r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong>s<br />

contraintes qui pès<strong>en</strong>t sur la répartition <strong>de</strong>s valeurs attestées et leur chaînage<br />

unidirectionnel.<br />

Je ne chercherai pas à répondre à 1 ici et c<strong>en</strong>trerai l’étu<strong>de</strong> sur la troisième<br />

question, qui lui est préalable. Quelques élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> réponse à 2 seront<br />

néanmoins avancés. L’objectif est <strong>de</strong> fournir une <strong>de</strong>scription globale d’une<br />

sous-partie du système <strong>de</strong>s diminutifs <strong>en</strong> français. Cette <strong>de</strong>scription se limite<br />

à la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET qui construit <strong>de</strong>s noms 3 . Je laisserai <strong>de</strong> côté celle qui<br />

dérive <strong>de</strong>s adjectifs (g<strong>en</strong>tillet, mollet, tristounet) ou <strong>de</strong>s verbes (voleter,<br />

marqueter) et les procédés suffixaux plus anci<strong>en</strong>s, la plupart du temps<br />

improductifs (diable > diablotin, baleine > baleineau, ours > ourson, balle<br />

> ballot, etc.). Je ne dirai ri<strong>en</strong> non plus <strong>de</strong>s aspects morphophonologiques<br />

<strong>de</strong> cette <strong>suffixation</strong> et notamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’intercalation fréqu<strong>en</strong>te d’un segm<strong>en</strong>t<br />

phonique (v<strong>en</strong>t > v<strong>en</strong>t-el-et) et r<strong>en</strong>voie à (Plénat & Roché 2001) où ce<br />

phénomène reçoit un traitem<strong>en</strong>t nouveau <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> prosodie.<br />

Parmi l’abondante littérature sur les diminutifs <strong>en</strong> français, il existe <strong>de</strong>ux<br />

travaux réc<strong>en</strong>ts d’importance : (Dal 1997) et (Delhay 1996). Ces travaux<br />

intégrant les acquis <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s antérieures, c’est principalem<strong>en</strong>t par rapport<br />

à eux que la discussion sera m<strong>en</strong>ée.<br />

1.2. Caractéristiques <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET<br />

3 <strong>La</strong> notation -ET recouvre les formes -ette et -et. Elle ne préjuge pas du fait que certaines<br />

propriétés soi<strong>en</strong>t associées à un marqueur plutôt qu’à l’autre.<br />

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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

<strong>La</strong> <strong>suffixation</strong> diminutive se distingue d’autres procédés <strong>de</strong> dérivation du<br />

français par plusieurs caractères.<br />

1.2.1. Grand nombre <strong>de</strong> significations attestées<br />

Il est notoire que les mots suffixés <strong>en</strong> -ET prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t une palette d’effets <strong>de</strong><br />

s<strong>en</strong>s très gran<strong>de</strong> : une quinzaine pour les noms (voir §6), plus si on inclut les<br />

verbes dérivés <strong>en</strong> -ET. C’est beaucoup plus que ce qu’offr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s procédés<br />

<strong>de</strong> dérivation typiques comme l’affixation <strong>en</strong> -Able, <strong>en</strong> anti- (Fradin 1997,<br />

2003 (à par.)), <strong>en</strong> -ize (Plag 1998) ou <strong>en</strong> -ship (Aronoff & Cho 2001) pour<br />

l’anglais, <strong>en</strong> -bar (Riehemann 1998) pour l’allemand. De plus, le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre<br />

chacun <strong>de</strong> ces s<strong>en</strong>s et les autres n’est pas immédiat : quel rapport établir<br />

<strong>en</strong>tre baladurette et cadrette, <strong>en</strong>tre maisonnette et baïonnette ou <strong>en</strong>tre<br />

chacun <strong>de</strong> ces dérivés ? D’où la question : est-il possible d’obt<strong>en</strong>ir <strong>de</strong><br />

manière réglée tous ces effets <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s à partir d’une signification première<br />

unique ? <strong>La</strong> réponse à cette question sera <strong>en</strong>visagée au §5. Il faut noter <strong>en</strong>fin<br />

que l’apport sémantique <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET ne vise pas nécessairem<strong>en</strong>t<br />

à construire une classe <strong>de</strong> référ<strong>en</strong>ts (ou <strong>de</strong> prédicats).<br />

1.2.2. Dérivés multiples<br />

Il est assez fréqu<strong>en</strong>t d’avoir plusieurs dérivés <strong>en</strong> -ET sur une même base,<br />

comme l’illustre (1). On obti<strong>en</strong>t alors <strong>de</strong>s formes homonymes, qui dénot<strong>en</strong>t<br />

chacune un référ<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>t, ce qui <strong>en</strong>traîne qu’elles sont souv<strong>en</strong>t traitées<br />

comme <strong>de</strong>s acceptions d’un même vocable par les dictionnaires (voir aussi<br />

serinette, aiguillette).<br />

(1) HERMINETTE 1. ‘Jeune hermine’, 2. ‘Hermine ayant sa fourrure d’été<br />

(qui n’est pas blanche)’, 3. ‘Fourrure imitant l’hermine’, 4.<br />

‘Hachette à tranchant recourbé (comme le museau <strong>de</strong> l’hermine)’.<br />

MESURETTE 1. ‘Ust<strong>en</strong>sile servant à mesurer <strong>de</strong> petites quantités <strong>de</strong><br />

substances <strong>en</strong> poudre’, 2. ‘Mesure administrative qui n’a pas les<br />

effets escomptés’.<br />

D’autres procédés dérivationnels aboutiss<strong>en</strong>t aussi à <strong>de</strong>s unités ayant <strong>de</strong>s<br />

s<strong>en</strong>s attestés différ<strong>en</strong>ts : -IER e.g. poivrier 1. ‘Arbrisseau dont les baies<br />

constitu<strong>en</strong>t le poivre’, 2. ‘Petit ust<strong>en</strong>sile servant à cont<strong>en</strong>ir et à disp<strong>en</strong>ser le<br />

poivre’ (voir (Corbin & Corbin 1991)) ; -EUX e.g. 1. ‘Qui conti<strong>en</strong>t Nb <strong>en</strong><br />

abondance’ sol argileux, 2. ‘Qui a la couleur <strong>de</strong> Nb’ teint argileux. Ce<br />

phénomène est fréqu<strong>en</strong>t avec les procédés construisant <strong>de</strong>s adjectifs, mais<br />

beaucoup plus rare quand le dérivé est un N 4 . Tout traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la<br />

<strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET <strong>de</strong>vra r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> la multiplicité <strong>de</strong>s significations<br />

attestées.<br />

1.2.3. Interprétations multiples simultanées<br />

De manière récurr<strong>en</strong>te, les étu<strong>de</strong>s citées not<strong>en</strong>t qu’un nombre important <strong>de</strong><br />

suffixés <strong>en</strong> -ette prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t simultaném<strong>en</strong>t plusieurs <strong>de</strong>s interprétations<br />

imputables au suffixe : ‘petite taille’ et ‘maniable’ (fourchette, mitraillette,<br />

4 Pour les N, souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s règles dérivationnelles différ<strong>en</strong>tes sont <strong>en</strong> jeu cf. SINGERIE1,<br />

‘Grimace que fait un singe’, SINGERIE 2, ‘Enclos où sont parqués les singes dans une<br />

ménagerie’. Mais à la différ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> ce qui se passe pour -ET, il est difficile d’établir un li<strong>en</strong><br />

<strong>en</strong>tre ces règles au moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> mécanismes sémantiques généraux.<br />

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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

poussette), ‘petite taille’ et ‘édulcoré’ (facturette, cigarette), ‘inexpéri<strong>en</strong>ce’<br />

et ‘proche du locuteur’ (cousette), ‘sexe féminin’ et ‘hypocoristique’<br />

(g<strong>en</strong>darmette). Ce cumul interprétatif ne se retrouve pas avec les autres<br />

affixes, même quand ils sont porteurs <strong>de</strong> plusieurs significations. Par<br />

exemple, le préfixe anti- peut avoir une interprétation oppositive<br />

(antiémeute, antigaulli<strong>en</strong>) ou antipodique (antimatière, anti-Madonna)<br />

(Fradin 1997). Un lexème préfixé par anti- peut pr<strong>en</strong>dre les <strong>de</strong>ux<br />

interprétations (antihéros), mais dans un contexte donné il aura l’une ou<br />

l’autre, pas les <strong>de</strong>ux e.g. Une littérature antihéros apparaît à cette époque ;<br />

Dracula est un antihéros tragique. Autre fait important : n’importe quelle<br />

interprétation ne peut pas cumuler avec n’importe quelle autre (voir §6.2).<br />

1.2.4. Surplus d’interprétation<br />

De manière plus surpr<strong>en</strong>ante, les lexèmes opaques <strong>en</strong> -ET, peuv<strong>en</strong>t acquérir<br />

un surplus d'interprétation sémantique – très souv<strong>en</strong>t ‘petite taille’ —<br />

attribuable au suffixe. Ainsi, les dictionnaires not<strong>en</strong>t-ils que l’alouette (a. fr.<br />

aloe, lat. alauda < gaul.) est un ‘petit oiseau’, qu’une baguette (it. bachetta <<br />

bacchio ‘bâton’) est ‘un petit bâton mince et flexible’. Les <strong>de</strong>ux sont<br />

opaques et seul le premier fut jadis dérivé <strong>en</strong> français. <strong>La</strong> même<br />

remotivation sémantique s’observe avec carpette (ang. carpet, a. fr. carpite<br />

‘tapis’ < it. carpita), qui désigne un tapis <strong>de</strong> petite dim<strong>en</strong>sions (Delhay<br />

1996 : 164) ou avec bi<strong>de</strong>t ‘petit cheval’ (a. fr. bi<strong>de</strong>r ‘trotter’). Certes on<br />

pourrait dire que l’interprétation ‘petit X’ est liée à la sémantique même du<br />

mot, comme dans clou, ou fourmi, et n’a ri<strong>en</strong> à voir avec sa forme. Mais on<br />

sait aussi que la forme conduit à <strong>de</strong>s relectures sémantiques (étymologie<br />

populaire) 5 . On se souvi<strong>en</strong>t que (Corbin 1987) a introduit la notion<br />

d’intégrateur paradigmatique précisém<strong>en</strong>t pour désigner ces terminaisons<br />

ayant l’appar<strong>en</strong>ce d’un affixe mais qu’il est impossible <strong>de</strong> corréler à une<br />

règle morphologique dérivationnelle <strong>en</strong> bonne et due forme (cf. peuplier et<br />

la série <strong>de</strong>s noms d’arbres fruitiers). Si cette notion d’intégrateur a un s<strong>en</strong>s,<br />

il n’est pas étonnant que la finale -ET induise pour les lexèmes <strong>en</strong> question<br />

<strong>de</strong>s interprétations normalem<strong>en</strong>t associées au suffixe <strong>de</strong> manière c<strong>en</strong>trale, <strong>en</strong><br />

l’occurr<strong>en</strong>ce l’idée <strong>de</strong> petitesse. Quoi qu’il <strong>en</strong> soit, cette manière <strong>de</strong><br />

contagion sémantique n’est pas traitable dans les modèles ordinaires <strong>de</strong> la<br />

morphologie, puisque ces mots y serai<strong>en</strong>t au pire inanalysés, au mieux <strong>de</strong>s<br />

mots complexes non construits. De surcroît, ce problème n’est pas<br />

particulier à -ET et se retrouve avec d’autres lexèmes non construits<br />

prés<strong>en</strong>tant une finale id<strong>en</strong>tique à un suffixe (cf. la discussion générale dans<br />

(Delhay 1996 : 160-170)).<br />

1.2.5. Productivité du procédé<br />

Qu’on évalue sa productivité au moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> critères qualitatifs (Dressler &<br />

<strong>La</strong>dányi 1998) ou quantitatifs (Baay<strong>en</strong> 1992; Baay<strong>en</strong> & Lieber 1991), la<br />

<strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET constitue un procédé morphologique productif. On<br />

constate par exemple qu’elle produit <strong>de</strong> nombreux types nouveaux<br />

(macaronnette, torsette, aspirette, cadrette, lingette) 6 , y compris avec les<br />

5 Dans le cas prés<strong>en</strong>t, une étu<strong>de</strong> psycholinguistique <strong>de</strong>vrait permettre d’éclaircir le point.<br />

6 « Macaronette. Toute la ron<strong>de</strong>ur d'un petit macaron aux aman<strong>de</strong>s. » Boite <strong>de</strong> biscuits LU<br />

Guet-ap<strong>en</strong>s. 1999. ◊ « TORSETTES AU SAUMON FUMÉ. Les torsettes sont <strong>de</strong> petites pâtes <strong>en</strong><br />

forme <strong>de</strong> vrille, appelées égalem<strong>en</strong>t torsa<strong>de</strong>s. » Cosmopolitan Années 90. ◊ « Aspirette sans<br />

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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

sigles (PDGette) ou les emprunts (beurette, scoopinet). Les mesures <strong>de</strong><br />

productivité <strong>en</strong> corpus proposées par Baay<strong>en</strong> indiqu<strong>en</strong>t que plusieurs <strong>de</strong>s<br />

patrons servant à construire <strong>de</strong>s lexèmes <strong>en</strong> -ET sont productifs (Fradin,<br />

Hathout & Meunier 2003) parce qu’ils produis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s types nouveaux 7 .<br />

Dans le même temps, un nombre considérable <strong>de</strong> suffixés <strong>en</strong> -ET sont<br />

opaques et ne se rattach<strong>en</strong>t à aucun patron <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> lexème<br />

actuellem<strong>en</strong>t disponible (voir §4). Cette situation contraste avec celle<br />

qu’offr<strong>en</strong>t la plupart <strong>de</strong>s procédés morphologiques productifs (e.g. la<br />

<strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -able, -esque ou -ier), pour lesquelles les formes opaques sont<br />

résiduelles. <strong>La</strong> question <strong>de</strong> la productivité <strong>de</strong> -ET étant abordée <strong>en</strong> détail<br />

dans l’article précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t cité, il n’<strong>en</strong> sera pas question ici.<br />

1.2.6. Un ou <strong>de</strong>ux suffixes<br />

Il n’est pas indiffér<strong>en</strong>t d’affixer -et ou -ette, comme le montre l’abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s<br />

formes (2) qui sont les formes att<strong>en</strong>dues par défaut si l’on suppose que le<br />

g<strong>en</strong>re du dérivé est id<strong>en</strong>tique à celui du lexème-base.<br />

(2) Baladur, Chalandon *baladuret, *chalandonnet,<br />

opéra, talon *opéret, *talonnet<br />

castor, chinchilla, vison *castoret, *chinchillet, *visonnet<br />

Le fait qu’il existe <strong>de</strong>s doublets <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s différ<strong>en</strong>t, comme boulet / boulette,<br />

claquet / claquette, piquet / piquette, tiret / tirette, doublet / doublette milite<br />

pour dire que ces <strong>de</strong>ux marques ne sont pas <strong>de</strong>s variantes qui se<br />

différ<strong>en</strong>ci<strong>en</strong>t uniquem<strong>en</strong>t par le g<strong>en</strong>re. Heuristiquem<strong>en</strong>t, il paraît sage <strong>de</strong><br />

supposer qu’on a un seul procédé <strong>de</strong> <strong>suffixation</strong> pour ce qui regar<strong>de</strong> la<br />

sémantique mais <strong>de</strong> décompter -et et -ette comme <strong>de</strong>ux suffixes différ<strong>en</strong>ts<br />

pour ce qui regar<strong>de</strong> la forme. C’est le seul moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> voir comm<strong>en</strong>t ces<br />

formes se répartiss<strong>en</strong>t vis-à-vis <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s significations attestées 8 .<br />

Cet article ne cherchera pas à établir ce qui règle la répartition <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux<br />

formes.<br />

2. Cadre théorique et <strong>de</strong>scriptif<br />

Le cadre adopté ici est celui d’une morphologie lexématique, qui reconnaît<br />

comme signe minimal le lexème et non le morphème 9 . Un lexème est une<br />

unité multistratale qui conjoint plusieurs plans <strong>de</strong> l’analyse linguistique ;<br />

minimalem<strong>en</strong>t une strate phonologique, une strate sémantique et <strong>de</strong>s<br />

informations concernant le (Mel'cˆ<br />

syntactique uk 1993), c’est à dire la<br />

fil. Pour débarrasser la table <strong>de</strong> ses miettes, ce mini-aspirateur intègre ses accessoires dans<br />

son socle. » ELLE à table, 7, avril 2000, p 127. ◊ « En occupant votre place, le conducteur<br />

<strong>de</strong> la Clio ébranle aussi votre statut social et professionnel (cadrette = place <strong>de</strong> parking<br />

perso) » BIBA #261 Déc. 2001 p 87.<br />

7<br />

Un patron <strong>de</strong> dérivation est une correspondance réglée <strong>en</strong>tre un lexème-base et un lexèmedérivé<br />

(e.g. le patron qui construit les noms d’ag<strong>en</strong>t <strong>en</strong> -EUR). Les objets construits par le<br />

patron sont <strong>de</strong>s types (<strong>de</strong> lexèmes) e.g. brasseur, tanneur, couvreur, monteur, barreur.<br />

8<br />

Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la productivité, (Fradin, Hathout & Meunier 2003) montre que -ette est<br />

plus productif quantitativem<strong>en</strong>t que -et.<br />

9<br />

En fait, certaines <strong>de</strong>s hypothèses discutées sont compatibles avec une approche<br />

morphématique, mais on verra justem<strong>en</strong>t qu’elles ne peuv<strong>en</strong>t être maint<strong>en</strong>ues (cf. §3).<br />

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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

combinabilité <strong>de</strong> l’unité <strong>en</strong> question (catégorie lexicale, classe <strong>de</strong><br />

déclinaison, sous-catégorisation, etc. voir (Fradin 2003 (à par.))). <strong>La</strong><br />

morphologie constructionnelle est la partie <strong>de</strong> la grammaire qui s’occupe <strong>de</strong><br />

la formation <strong>de</strong>s expressions ayant vocation à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s unités lexicales.<br />

Les règles <strong>de</strong> la morphologie constructionnelle, appelées aussi Règles<br />

Morphologiques Lexicales (RML) (Stump 1991), seront décrites ici comme<br />

<strong>de</strong>s patrons mettant <strong>en</strong> correspondance un lexème base (lxmb) et un lexème<br />

dérivé (lxmd), suivant le schéma (3), qui illustre le schéma <strong>de</strong> dérivation <strong>de</strong>s<br />

suffixés <strong>en</strong> -ET.<br />

(3) LXMb LXMd<br />

a (…) (…εt)<br />

b cat:X ↔ cat:n<br />

c Sb’ Sd’<br />

Je ferai aussi l’hypothèse que le lexique est une organisation hiérarchisée <strong>de</strong><br />

types lexicaux et non une simple liste <strong>de</strong> lexèmes (Ko<strong>en</strong>ig 1998; Fradin<br />

2003 (à par.); Ko<strong>en</strong>ig 1999). A chaque type sont associées <strong>de</strong>s propriétés et<br />

les nœuds <strong>de</strong>s types fils hérit<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong>s nœuds pères. Un <strong>de</strong>s<br />

objectifs <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> est <strong>de</strong> dégager les patrons permettant <strong>de</strong> construire<br />

les lexèmes dérivés <strong>en</strong> -ET. Il s’agit <strong>de</strong> mettre au clair le système <strong>de</strong> cette<br />

dérivation. Une autre étape serait <strong>de</strong> voir comm<strong>en</strong>t ces patrons se<br />

manifest<strong>en</strong>t dans la langue à travers l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la répartition <strong>de</strong> ces formes<br />

dans <strong>de</strong>s corpus. <strong>La</strong> question <strong>de</strong> savoir comm<strong>en</strong>t les locuteurs perçoiv<strong>en</strong>t et<br />

interprèt<strong>en</strong>t ces formes <strong>de</strong>vra aussi faire l’objet d’une étu<strong>de</strong>.<br />

3. Analyses antérieures<br />

3.1. Le traitem<strong>en</strong>t constructionniste<br />

J’appelle constructionniste le modèle d'analyse morphologique dans lequel<br />

la représ<strong>en</strong>tation sémantique du lexème dérivé (RSd) est conçue comme le<br />

résultat <strong>de</strong> l’application d’une fonction à la représ<strong>en</strong>tation sémantique du<br />

lexème-base (RSb). Ce modèle peut être schématisé par (4), où la fonction<br />

est prés<strong>en</strong>tée comme associée à la sémantique <strong>de</strong> l’affixe :<br />

(4) S AFX•RSb RSd<br />

Ce modèle met l’acc<strong>en</strong>t sur l’input, c’est-à-dire sur les conditions que les<br />

unités <strong>de</strong> départ doiv<strong>en</strong>t satisfaire pour que la dérivation soit correcte. Pour<br />

chaque lexème-construit, il impose <strong>de</strong> répondre à la question suivante :<br />

quelles propriétés sémantiques doit-on assigner aux élém<strong>en</strong>ts constitutifs<br />

(base et affixe) pour que leur combinaison, modulo l'interv<strong>en</strong>tion év<strong>en</strong>tuelle<br />

<strong>de</strong> principes sémantiques généraux, permette d'id<strong>en</strong>tifier le référ<strong>en</strong>t du<br />

construit mot attesté? Ce modèle est adopté par défaut par la plupart <strong>de</strong>s<br />

théories morphologiques, quelle soi<strong>en</strong>t morphématiques ou lexématiques 10 .<br />

Il sous-t<strong>en</strong>d aussi les travaux m<strong>en</strong>és au sein <strong>de</strong> l’équipe SILEX (Corbin<br />

10 Par exemple, pour les premières (Moortgat 1988). Pour les secon<strong>de</strong>s : (Carrier 1979;<br />

An<strong>de</strong>rson 1992 : 186; Beard 1995 : 164, 180; Plag 1999 : 120sq).<br />

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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

1987; Corbin & Corbin 1991; Corbin, Dal & Temple 1993), qui mélang<strong>en</strong>t<br />

les <strong>de</strong>ux approches. Dans ce cadre, G. Dal pose les contraintes suivantes sur<br />

le schéma dérivationnel <strong>de</strong> -ET :<br />

1. <strong>La</strong> base est un lexème possible, attesté e.g. fourche > fourchette ou non<br />

attesté e.g. °siffloir > sifflet, °oublioir > oubliette.<br />

2. Le suffixe -ET conserve les traits classifiants <strong>de</strong> la base, c’est-à-dire sa<br />

catégorie lexicale.<br />

3. Il prés<strong>en</strong>te un apport <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s constant et unique : il est<br />

fondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t un marqueur d'appropriation.<br />

4. Les écarts <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s observés <strong>en</strong>tre la signification construite RSd du<br />

dérivé <strong>en</strong> -ET et celle attestée ne sont pas imputables à -ET mais à <strong>de</strong>s<br />

mécanismes <strong>de</strong> type analogie, métaphore, métonymie, conversion, etc.,<br />

qui intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t avant la <strong>suffixation</strong>, sur la RSb du lexème-base, ou<br />

après, sur la signification RSd du lexème dérivé.<br />

L’idée que le diminutif fonctionne comme un « marqueur d’appropriation »<br />

a maintes fois été exprimée dans la littérature sous <strong>de</strong>s formes diverses. On<br />

veut dire par là qu’<strong>en</strong> employant un diminutif, le locuteur signifie que ce<br />

dont il parle est dans la sphère <strong>de</strong> ce qui lui est familier ou intime, ou <strong>en</strong>core<br />

relève d’un espace qu’il contrôle sans effort ou dans lequel il n’a ni à<br />

exhiber ses déf<strong>en</strong>ses ni à faire bonne figure (Dressler & Merlini Barbaresi<br />

1994 : 148) 11 . Si beaucoup <strong>de</strong> diminutifs marqu<strong>en</strong>t une appropriation <strong>de</strong> ce<br />

g<strong>en</strong>re (voir les cas L3 plus bas §5.3), il <strong>en</strong> est d’autres pour lesquels cette<br />

interprétation est plus difficile, par exemple opérette, buvette, réformette.<br />

C’est un premier problème. Un autre problème est que, même si le terme<br />

marqueur d’appropriation caractérise bi<strong>en</strong> l’effet produit par l’emploi <strong>de</strong>s<br />

diminutifs, il ne fournit pas d’instruction sémantique à partir <strong>de</strong> laquelle les<br />

multiples s<strong>en</strong>s attestés pourrai<strong>en</strong>t être calculés. Il constitue un comm<strong>en</strong>taire<br />

qui subsume <strong>de</strong>s manifestations d’effets <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s sans r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong><br />

chacune. Il y a clairem<strong>en</strong>t un problème <strong>de</strong> modélisation <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s<br />

s<strong>en</strong>s observables.<br />

Un système morphologique qui intègre les postulats 1-4 est conduit à<br />

postuler <strong>de</strong>s étapes dérivationnelles peu fondées, par exemple : siffler ><br />

°siffloir > sifflet. <strong>La</strong> <strong>de</strong>uxième étape n’est pas sémantiquem<strong>en</strong>t motivée et<br />

nous met sur les bras d’avoir à expliquer l’abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la forme att<strong>en</strong>due<br />

°siffleret (cette analyse est abandonnée par (Dal 1999)). D’autres problèmes<br />

du même ordre sont m<strong>en</strong>tionnés dans (Fradin 2001) auquel je r<strong>en</strong>voie pour<br />

le détail.<br />

Mais les problèmes les plus graves concern<strong>en</strong>t les points évoqués aux<br />

§§1.2.1-1.2.4 ci-<strong>de</strong>ssus. L’approche constructionniste n’autorisant qu’un<br />

seul s<strong>en</strong>s construit par règle dérivationnelle, elle ne permet d’obt<strong>en</strong>ir<br />

plusieurs dérivés qu’<strong>en</strong> faisant jouer la contrainte 4. Pour HERMINETTE, cela<br />

marche bi<strong>en</strong> pour le s<strong>en</strong>s 3, la règle opérant sur la signification ‘fourrure’<br />

obt<strong>en</strong>ue par métonymie (sur ce modèle cf. chinchillette, visonnette). En<br />

revanche, l’obt<strong>en</strong>tion du s<strong>en</strong>s 4 est plus problématique car on ne voit pas sur<br />

quoi s’appliquerait la règle <strong>de</strong> <strong>suffixation</strong> : même si un hypothétique<br />

°hermine désignait par métonymie le museau <strong>de</strong> l’animal, le fait que le<br />

11 <strong>La</strong> remarque <strong>de</strong> (Delhay 1996 : 212) va dans le même s<strong>en</strong>s, bi<strong>en</strong> qu’elle me paraisse<br />

forcée : « utiliser un diminutif, c’est manifester une prise <strong>de</strong> pouvoir sur l’autre, puisque<br />

(…) l’instauration d’une situation intime ne peut prov<strong>en</strong>ir que <strong>de</strong> celui qui est placé dans<br />

une position hiérarchiquem<strong>en</strong>t supérieure ».<br />

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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

dérivé dénote un outil reste à expliquer <strong>de</strong> même que l’analogie <strong>de</strong> forme<br />

qui lie l’un à l’autre. On ne voit pas quel mécanisme linguistique général<br />

pourrait ai<strong>de</strong>r à obt<strong>en</strong>ir le s<strong>en</strong>s attesté. Une situation id<strong>en</strong>tique se retrouve<br />

avec MÉSANGETTE qui dénote un « piège <strong>de</strong>stiné à attraper les mésanges ou<br />

les petits oiseaux ». (Dal 1999 : 126) doit reconstruire un °mésanger non<br />

attesté et peu plausible, désignant pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t un instrum<strong>en</strong>t (ici, un<br />

piège), sur lequel opérerait la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET.<br />

<strong>La</strong> possibilité d’avoir <strong>de</strong>s interprétations multiples simultanées pour un<br />

même dérivé est un autre casse-tête pour l’approche constructionniste. Les<br />

interprétations <strong>en</strong> question correspond<strong>en</strong>t, dans la plupart <strong>de</strong>s cas, à un<br />

apport sémantique imputable à la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET. Ainsi ‘petite taille’ se<br />

retrouve dans un grand nombre <strong>de</strong> dérivés <strong>de</strong> manière indép<strong>en</strong>dante <strong>de</strong><br />

l’interprétation ‘maniable, commo<strong>de</strong>’ e.g. églisette, montagnette, fleurette.<br />

Inversem<strong>en</strong>t, cette <strong>de</strong>rnière interprétation apparaît avec <strong>de</strong>s dérivés dont le<br />

référ<strong>en</strong>t n’est pas nécessairem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> petite taille e.g. ch<strong>en</strong>illette,<br />

fourgonnette. Le point est que les <strong>de</strong>ux interprétations cohabit<strong>en</strong>t dans <strong>de</strong>s<br />

dérivés tels que baïonnette, mitraillette, carrelette, caqueret, tablette, etc.<br />

L’approche constructionniste ne peut absolum<strong>en</strong>t pas r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> cas<br />

<strong>de</strong> ce g<strong>en</strong>re car, pour elle, si un dérivé prés<strong>en</strong>te plusieurs significations, c’est<br />

au terme <strong>de</strong> parcours dérivationnels différ<strong>en</strong>ts, donc non simultaném<strong>en</strong>t.<br />

Les lexèmes non construits à finale -ET qui prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t un effet<br />

d’interprétation régulièrem<strong>en</strong>t associé à la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET échapp<strong>en</strong>t aussi<br />

à l’approche constructionniste. Toute interprétation <strong>de</strong>vant correspondre au<br />

s<strong>en</strong>s construit ou à une modification réglée <strong>de</strong> celui-ci, l’approche ne peut<br />

ri<strong>en</strong> dire <strong>de</strong>s lexèmes dont le s<strong>en</strong>s n’est pas construit (voir §6.4).<br />

Malgré ces insuffisances, plusieurs aspects du traitem<strong>en</strong>t<br />

constructionniste doiv<strong>en</strong>t être maint<strong>en</strong>us : (i) toutes les fois qu’il y a une<br />

corrélation possible <strong>en</strong>tre lexème-base et lexème-dérivé, celle-ci doit être<br />

exprimée par l’analyse ; (ii) la valeur d’appropriation marquée par le<br />

diminutif <strong>en</strong> -ET doit être inférable dans tous les cas où elle est prés<strong>en</strong>te ;<br />

(iii) il convi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> distinguer soigneusem<strong>en</strong>t ce qui revi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> propre à la<br />

<strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET et ce qui incombe à d’autres mécanismes sémantiques ;<br />

(iv), <strong>en</strong>fin, l’idée doit être conservée que <strong>de</strong>s mécanismes métaphoriques<br />

(ou autres) peuv<strong>en</strong>t interv<strong>en</strong>ir sur la base ou sur le dérivé <strong>en</strong> -ET 12 .<br />

3.2. L’approche par prototype<br />

Le travail <strong>de</strong> C. Delhay porte sur tous les diminutifs du français, passés et<br />

prés<strong>en</strong>ts. Son approche se démarque <strong>de</strong> l’approche silexi<strong>en</strong>ne, qu’elle juge<br />

trop morphématique, <strong>en</strong> posant d’<strong>en</strong>trée <strong>de</strong> jeu que la catégorie <strong>de</strong>s<br />

diminutifs est multipolaire. Elle distingue un pôle diminutif [D] dont<br />

relèv<strong>en</strong>t toutes les valeurs glosables par ‘petit X’ ou ‘un peu X’ ; un pôle<br />

relationnel [R] qui <strong>en</strong>globe les dérivés qui sont dans une relation qualifiée à<br />

leur base (similitu<strong>de</strong>, couleur, etc. e.g. cheval / chevalet, rouge / rouget ), et<br />

un pôle énonciatif [E], illustré par les diminutifs à interprétation connotative<br />

et les hypcoristiques (sœurette, bichounette). Rejetant l’idée d’une<br />

signification unique <strong>de</strong> la catégorie diminutive, elle propose un modèle<br />

12 Grâce à sa précision et au caractère explicite <strong>de</strong> ses analyses, le travail <strong>de</strong> G. Dal a donné<br />

prise à une critique constructive. Sans lui, le traitem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>té ici n’aurait pas vu le jour.<br />

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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

prototypique dans la lignée <strong>de</strong> (Rosch 1978; <strong>La</strong>koff 1987). Les diminutifs<br />

<strong>en</strong> -ET sont au cœur du système : « On peut dire qu'<strong>en</strong> français la catégorie<br />

du ‘diminutif’ s'organise autour d'un prototype, le diminutif <strong>de</strong> nom<br />

commun défini par une forme (la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -et(te) le plus souv<strong>en</strong>t) et un<br />

s<strong>en</strong>s (une paraphrase du type ‘petit X’ ou ‘petit Y <strong>en</strong> rapport avec X’). »<br />

(Delhay 1996 : 144). Je me cont<strong>en</strong>terais <strong>de</strong> cette prés<strong>en</strong>tation très succincte<br />

et passe directem<strong>en</strong>t aux comm<strong>en</strong>taires que m’inspire ce modèle.<br />

Ce modèle met <strong>en</strong> jeu une utilisation <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s prototypes et <strong>de</strong>s<br />

Modèles Cognitifs Idéalisés qui nous paraît inconséqu<strong>en</strong>te, car la notion <strong>de</strong><br />

prototype y est employée <strong>de</strong> manière floue. C. Delhay ne nous dit pas si elle<br />

opte pour la théorie standard ou pour la théorie ét<strong>en</strong>due <strong>de</strong>s prototypes<br />

(Kleiber 1990). Dans la première, les élém<strong>en</strong>ts relèv<strong>en</strong>t d’une catégorie<br />

sémantique unique (monosémie) e.g. ‘oiseau’ (‘moineau’, ‘merle’…<br />

’casoar’), et tous les élém<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la catégorie vérifi<strong>en</strong>t au moins un trait du<br />

prototype. Le meilleur exemplaire (qui peut rester abstrait) les vérifie tous<br />

par défaut, ce qui n’est pas le cas <strong>de</strong>s membres périphériques. Dans la<br />

théorie ét<strong>en</strong>due, les élém<strong>en</strong>ts apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s catégories conceptuelles<br />

distinctes (polysémie) e.g. ‘veau’ : ‘animal’, ‘vian<strong>de</strong>’, ‘peau’, etc. et le li<strong>en</strong><br />

<strong>en</strong>tre eux est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> la ressemblance <strong>de</strong> famille. Ce li<strong>en</strong> est assuré par<br />

<strong>de</strong>s principes ou mécanismes sémantiques généraux (analogie, métaphore,<br />

métonymie) : « Ces différ<strong>en</strong>ts principes produis<strong>en</strong>t, même sur la base d'un<br />

seul maillon, les similarités nécessaires à l'intégration dans la même famille<br />

catégorielle » (Kleiber 1990 : 164-165). Ces principes assur<strong>en</strong>t aussi le<br />

chaînage <strong>en</strong>tre les élém<strong>en</strong>ts dans la théorie <strong>de</strong>s MCI (cf. §2.1) ; mais à la<br />

différ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la théorie ét<strong>en</strong>due, les MCI postul<strong>en</strong>t une structure radiale<br />

avec un élém<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tral que caractérise un faisceau <strong>de</strong> propriétés<br />

converg<strong>en</strong>tes : « Une structure radiale est une structure compr<strong>en</strong>ant un cas<br />

c<strong>en</strong>tral et <strong>de</strong>s variations conv<strong>en</strong>tionalisées à partir <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier qui ne<br />

peuv<strong>en</strong>t être prédites par <strong>de</strong>s règles générales » (<strong>La</strong>koff 1987 : 87).<br />

Le fait que la dérivation <strong>en</strong> -ET constitue le meilleur élém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la<br />

catégorie (voir citation ci-<strong>de</strong>ssus) d’une part, l’insistance mise sur le<br />

caractère flou <strong>de</strong>s frontières <strong>en</strong>tre les diverses interprétations <strong>de</strong>s diminutifs<br />

d’autre part, laiss<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>ser que le modèle proposé adopte la théorie<br />

standard du prototype. Mais s’il <strong>en</strong> est ainsi, on aimerait connaître la ou les<br />

propriété(s) que partag<strong>en</strong>t tous les membres <strong>de</strong> la catégorie 13 . A l’inverse, le<br />

fait même que la catégorie soit appréh<strong>en</strong>dée comme multipolaire donne à<br />

p<strong>en</strong>ser qu’on se situe dans la théorie ét<strong>en</strong>due, voire dans le cadre <strong>de</strong> MCI.<br />

Mais dans ce cas, il faut non seulem<strong>en</strong>t dire quel est l’élém<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tral mais<br />

indiquer explicitem<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t se fait le chaînage <strong>en</strong>tre les divers s<strong>en</strong>s<br />

reconnus au diminutif (petite taille, incomplétu<strong>de</strong>, etc.). Or cela n’est que<br />

très rarem<strong>en</strong>t fait. Bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t, on ne sait pas comm<strong>en</strong>t les s<strong>en</strong>s sont<br />

interconnectés. Comm<strong>en</strong>t passe-t-on, par exemple, <strong>de</strong> ‘petit X’ à<br />

‘incomplétu<strong>de</strong>’ ou à ‘ressemblance’ 14 ? Tant que ce réseau <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s n’est pas<br />

13 Dans la citation suivante, le terme archi-valeur pourrait faire allusion à une telle<br />

propriété : « on dira qu'une unité lexicale Xd sera réputée appart<strong>en</strong>ir à la Catégorie D si elle<br />

forme un couple avec une unité X et que la relation asymétrique <strong>en</strong>tre X et Xd r<strong>en</strong>voie à<br />

une archi-valeur abstraite qui subsume les pôles [R][D][E]. » (op.cit. : 141). Mais celle-ci<br />

reste non définie, contrairem<strong>en</strong>t à ce qui se pratique dans les travaux sur les prototypes.<br />

14 L’ouvrage ne fournit aucune analyse concrète <strong>de</strong>s dérivés diminutifs. Un modèle<br />

implicite <strong>de</strong> dérivation existe pourtant et il semble être constructionniste (voir §2.4) : « Le<br />

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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

élaboré, on ne peut prét<strong>en</strong>dre fournir un modèle <strong>de</strong> la catégorie du diminutif<br />

(Tyler & Evans 2001).<br />

Ce que recouvre le pôle [R], et sa nécessité même, ne me semble pas<br />

clair. Dire que ce pôle subsume tous les dérivés Y qui sont simplem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

relation avec une base X (Delhay 1996 : 222), c’est reconnaître que ce pôle<br />

n’a pas <strong>de</strong> consistance sémantique interne et qu’il n’est pas structuré. Du<br />

coup, est-il <strong>en</strong>core un pôle ? De fait, il rassemble <strong>de</strong>s significations très<br />

hétérogènes dont nous verrons qu’elles relèv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mécanismes différ<strong>en</strong>ts<br />

e.g. chalandonnette, vizirette (< marque <strong>de</strong> lessive Vizir), becquet, lainette,<br />

etc. <strong>La</strong> seule caractérisation positive qui soit donnée <strong>de</strong> ce pôle est qu’il<br />

« est à la base <strong>de</strong> toute construction <strong>de</strong> nouvelles unités lexicales » (op. cit. :<br />

140). L’étu<strong>de</strong> sur corpus m<strong>en</strong>ée dans (Fradin, Hathout & Meunier 2003)<br />

montre que cette assertion est inexacte.<br />

L’approche <strong>en</strong> question m<strong>en</strong>tionne les dérivations multiples (§1.2.2)<br />

comme un problème, mais ne propose ri<strong>en</strong> pour <strong>en</strong> r<strong>en</strong>dre compte. Elle ne<br />

dit ri<strong>en</strong> non plus du traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s interprétations cumulées ni du problème<br />

du surplus d’interprétation (§§1.2.3, 1.2.4). Sur ces points, ses résultats ne<br />

sont pas meilleurs que ceux <strong>de</strong> l’approche constructionniste.<br />

En bref, bi<strong>en</strong> que le modèle discuté nous laisse sur notre faim, je<br />

reti<strong>en</strong>drai du travail <strong>de</strong> C. Delhay, outre <strong>de</strong> précieuses remarques <strong>de</strong> détail,<br />

(i) l’idée que le traitem<strong>en</strong>t doit pouvoir combiner les valeurs <strong>de</strong> -ET, et (ii)<br />

l’idée « d’une prise <strong>de</strong> position axiologiquem<strong>en</strong>t positive » que fait le<br />

locuteur <strong>en</strong> utilisant la <strong>suffixation</strong> diminutive dans certains emplois. Les<br />

remarques formulées dans cette section ne disqualifi<strong>en</strong>t pas une approche<br />

<strong>de</strong>s diminutifs <strong>en</strong> termes <strong>de</strong> MCI, comme la partie suivante va le montrer.<br />

4. L’organisation sémantique <strong>de</strong>s dérivés <strong>en</strong> -ET<br />

Les significations considérées dans cette étu<strong>de</strong> repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t celles qui ont été<br />

distinguées dans la littérature ou dans les dictionnaires. Compte comme<br />

signification distincte, toute interprétation qui est attestée, reproductible,<br />

indép<strong>en</strong>dante du contexte et non inférable d’une signification déjà<br />

répertoriée 15 . Les écarts à ce <strong>de</strong>rnier principe seront m<strong>en</strong>tionnés et justifiés.<br />

Concernant l’organisation globale du système <strong>de</strong>s diminutifs <strong>en</strong> -ET <strong>en</strong><br />

français, je fais <strong>de</strong>ux hypothèses. <strong>La</strong> première est que les diminutifs sont<br />

sémantiquem<strong>en</strong>t organisés <strong>en</strong> Modèle Cognitif Idéalisé. Cette hypothèse<br />

vise à se donner les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte à la fois <strong>de</strong> la multiplicité <strong>de</strong>s<br />

significations attestées et <strong>de</strong> l’unicité du phénomène. <strong>La</strong> secon<strong>de</strong> est que<br />

l’organisation <strong>de</strong>s diminutifs est bipolaire <strong>en</strong> français. Elle vise d’abord à<br />

r<strong>en</strong>dre compte du fait que les diminutifs français n’ont pas certains emplois<br />

typiques que prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s langues à morphologie évaluative développée<br />

(itali<strong>en</strong>, espagnol, polonais, etc.). Le reste <strong>de</strong> cette section sera consacré à<br />

prés<strong>en</strong>ter ces <strong>de</strong>ux hypothèses.<br />

pôle [R] r<strong>en</strong>voie à l'exist<strong>en</strong>ce d'une relation asymétrique ori<strong>en</strong>tée du terme <strong>de</strong> base (X) vers<br />

le dérivé D (Xd) qui lui correspond; autrem<strong>en</strong>t dit Xd présuppose X. » (Delhay 1996 : 141).<br />

15 L’interprétation ‘lieu où pousse Nb’ associée à olivette, aulnette, coudrette, par <strong>de</strong>s<br />

dictionnaires n’a pas été ret<strong>en</strong>ue car le suffixe provi<strong>en</strong>t du latin -etum (Dal 1997 : 80), luimême<br />

issu du gaulois et repérable dans <strong>de</strong> nombreux toponymes e.g. fayette/fagette, Faouet<br />

(Trépos 1982 : 142).<br />

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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

4.1. Bipolarité<br />

Je fais l’hypothèse que la catégorie du diminutif s’organise pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />

autour <strong>de</strong> trois pôles : un pôle Référ<strong>en</strong>t, un pôle Locuteur et un pôle<br />

Interlocuteur. Concernant le français, je paramètre cette hypothèse <strong>en</strong> disant<br />

que l’organisation <strong>de</strong>s diminutifs <strong>en</strong> -ET est bipolaire (voir figures 1 et 2), le<br />

pôle Interlocuteur étant inexistant dans cette langue.<br />

Le premier pôle est nommé « pôle Référ<strong>en</strong>t » parce qu’il regroupe <strong>de</strong>s<br />

significations ayant trait aux propriétés constitutives ou fonctionnelles <strong>de</strong><br />

l’<strong>en</strong>tité dénotée par le dérivé <strong>en</strong> -ET. Toutes les significations regroupées<br />

dans ce pôle mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> jeu la notion d’échelle. Celle-ci est graduée quand le<br />

prédicat a une ext<strong>en</strong>sion lacunaire (e.g. les prédicats <strong>de</strong> taille). Quand le<br />

prédicat n’a pas une ext<strong>en</strong>sion lacunaire, on a <strong>de</strong>ux zones antonymiques<br />

séparées par une frontière : pour un trait T, si une zone est [αT], l’autre est<br />

[–αT] (e.g. [+fem] vs [–fem]). L’effet sémantique induit par la <strong>suffixation</strong><br />

<strong>en</strong> -ET pour ce pôle est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> la diminution : <strong>en</strong> gros, l’<strong>en</strong>tité dénotée<br />

par le dérivé possè<strong>de</strong> une propriété à un <strong>de</strong>gré inférieur au <strong>de</strong>gré standard<br />

fixé, <strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce, par le référ<strong>en</strong>t du lexème-base 16 .<br />

Le second pôle regroupe toutes les significations ayant trait à<br />

l’interaction du locuteur avec le référ<strong>en</strong>t. Alors que le premier pôle se situe<br />

dans une perspective <strong>de</strong>scriptive, le second se situe dans une perspective<br />

qualitative 17 . Ce pôle <strong>en</strong>globe notamm<strong>en</strong>t tous les cas où « le dérivé ne<br />

r<strong>en</strong>seigne pas sur une propriété du référ<strong>en</strong>t, mais sur la relation que pose<br />

l'énonciateur <strong>en</strong>tre lui-même et le référ<strong>en</strong>t : ce qui est diminué, c'est la<br />

distance <strong>en</strong>tre le locuteur et ce dont il parle. On peut parler alors d'une forme<br />

d'appropriation du mon<strong>de</strong> par le locuteur. » (Delhay 1996 : 191) 18 . A la<br />

différ<strong>en</strong>ce du premier, ce pôle ne fait pas interv<strong>en</strong>ir d’échelle et n’implique<br />

donc pas l’idée <strong>de</strong> diminution.<br />

Le troisième pôle <strong>en</strong>visageable regroupe les significations relatives à<br />

l’interaction du locuteur avec l’interlocuteur (pôle Interlocuteur), interaction<br />

qui vise à l’intégrer dans sa sphère ou à se faire admettre dans la si<strong>en</strong>ne. En<br />

général, la portée du diminutif s’ét<strong>en</strong>d à toute la phrase et il marque une<br />

atténuation <strong>de</strong> l’acte <strong>de</strong> langage. L’emploi du diminutif manifeste<br />

l’empathie du locuteur vis-à-vis <strong>de</strong> son interlocuteur : diminutiva puerilia,<br />

conniv<strong>en</strong>ce ludique, etc. (Dressler & Merlini Barbaresi 1994). Dans la<br />

mesure où le diminutif concerne la relation <strong>en</strong>tre les participants à l’acte <strong>de</strong><br />

langage, et non un objet du mon<strong>de</strong>, ce pôle prés<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s<br />

purem<strong>en</strong>t pragmatiques, abs<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s autres pôles. Ce pôle est inexistant <strong>en</strong><br />

français 19 (voir (Fradin 1999) pour une discussion), ce qui explique qu’on<br />

n’ait pas l’équival<strong>en</strong>t <strong>de</strong> (5), (6) ou (7). Les exemples allemands et itali<strong>en</strong>s<br />

sont tirés <strong>de</strong> (Dressler & Merlini Barbaresi 1994) auquel je r<strong>en</strong>voie pour les<br />

analyses détaillées et pertin<strong>en</strong>tes qu’il fournit :<br />

16 Pour les échelles à <strong>de</strong>ux valeurs, on a une inversion <strong>de</strong> polarité e.g. merle / merlette.<br />

17 L’évaluation associée à la morphologie évaluative « peut faire référ<strong>en</strong>ce à <strong>de</strong>s propriétés<br />

‘physiques’, objectives et vérifiables <strong>de</strong>s <strong>en</strong>tités considérées ou bi<strong>en</strong> aux qualités <strong>de</strong> ces<br />

mêmes <strong>en</strong>tités telles qu’elles sont subjectivem<strong>en</strong>t perçues par les locuteurs » (Grandi 2002 :<br />

31).<br />

18 Ces cas regroup<strong>en</strong>t plus que les diminutifs énonciatifs (sœurette) qu’y met C. Delhay.<br />

19 Qui se sert <strong>de</strong> petit N et non du diminutif. Seuls certains diminutifs hypocoristiques<br />

mettant <strong>en</strong> jeu <strong>de</strong>s personnes prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t un emploi qui pourrait être ambigu <strong>en</strong>tre le pôle<br />

Locuteur et le pôle Interlocuteur.<br />

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Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

(5) Ja, was is-erl d<strong>en</strong>n? (op. cit.: 175)<br />

oui quoi est-DIM PART<br />

'Oh, qu’est-ce qui se passe?'<br />

Oggi mangiamo (l'ov-etto+la carn-ina). (op. cit.: 177)<br />

aujourd’hui mangeons (le œuf-DIM+la vian<strong>de</strong>-DIM)<br />

'Aujourd’hui, on va manger (son coco+sa petite vian<strong>de</strong>)'<br />

(6) Anch'io avrei una domand-ina (op. cit.: 333)<br />

*Moi aussi, j'aurais une questionn-ette.<br />

Ah, was für ein köstliches Supp-erl ! (op. cit.: 89)<br />

*Ah ! quelle soup-ette délicieuse !<br />

(7) Idziemy do dom-ku / Wez´ palt-eczko<br />

Allons à maison-DIM / pr<strong>en</strong>ds manteau-DIM<br />

*Allons à la maisonnette / *Pr<strong>en</strong>ds ton mantelet<br />

Si l’on reconnaît, à la suite (Mel'cˆ <strong>de</strong> uk 1994 : 32), quatre types d’<strong>en</strong>tités<br />

pouvant faire l’objet d’une expression linguistique, à savoir : le fait<br />

langagier F l (c'est-à-dire l’acte <strong>de</strong> parole), le participant à l’acte <strong>de</strong> parole<br />

P l,k , le fait narré F n , et le participant au fait narré P n,j , on voit que les pôles <strong>en</strong><br />

question concern<strong>en</strong>t les participants à l’acte <strong>de</strong> parole (pôle locuteur et<br />

interlocuteur) et les participants au fait narré pour le pôle référ<strong>en</strong>t. Il est<br />

remarquable que ces distinctions se reflèt<strong>en</strong>t dans l’organisation <strong>de</strong> la<br />

catégorie du diminutif.<br />

Je conclus cette section <strong>en</strong> rappelant que l’hypothèse d’une organisation<br />

bipolaire <strong>de</strong>s diminutifs <strong>en</strong> -ET se fon<strong>de</strong> sur trois argum<strong>en</strong>ts.<br />

1) Le fait que le français n’utilise pas les diminutifs pour marquer une<br />

atténuation <strong>de</strong> l’acte illocutoire et, conséquemm<strong>en</strong>t, n’a pas tous les effets<br />

sémantiques liés à ce type d’emploi 20 .<br />

2) Le fait que le cumul d’interprétation se fait toujours <strong>en</strong>tre<br />

significations appart<strong>en</strong>ant à <strong>de</strong>s pôles différ<strong>en</strong>ts (cf. §1.2.4). Quand ce n’est<br />

pas le cas, c’est qu’on a affaire à <strong>de</strong>s infér<strong>en</strong>ces générales, mais révisables,<br />

basées sur <strong>de</strong>s connaissances <strong>en</strong>cyclopédiques, comme <strong>en</strong> (8) :<br />

(8) a Pour une espèce animale donnée, si X est un <strong>en</strong>fant et Y un<br />

adulte, alors la taille <strong>de</strong> X est inférieure à la taille <strong>de</strong> Y.<br />

b Si X est un ersatz <strong>de</strong> Y, alors X est moins cher que Y.<br />

c Si X est une version édulcorée <strong>de</strong> Y, alors la taille <strong>de</strong> X est<br />

inférieure à la taille <strong>de</strong> Y.<br />

3) Le fait que <strong>de</strong>s interprétations sémantiques différ<strong>en</strong>tiées sont associées<br />

à chaque pôle. Le pôle Référ<strong>en</strong>t marque une diminution <strong>de</strong> <strong>de</strong>gré d’une<br />

propriété associée au référ<strong>en</strong>t. Le pôle Locuteur marque la proximité<br />

assumée <strong>en</strong>tre le locuteur et une <strong>en</strong>tité. Le pôle Interlocuteur marque<br />

l’empathie <strong>en</strong>tre le locuteur <strong>de</strong> son interlocuteur.<br />

20 (Dressler & Merlini Barbaresi 1994) assigne à la catégorie diminutive le trait<br />

pragmatique ‘non sérieux’ (et le trait sémantique ‘petit’). (Jurafsky 1996 : 563) critique ce<br />

point <strong>de</strong> vue et souti<strong>en</strong>t que ‘petit’ suffit. Quoi qu’il <strong>en</strong> soit, il semble bi<strong>en</strong> que le trait ‘non<br />

sérieux’ ne puisse être maint<strong>en</strong>u que s’il est cantonné au pôle Interlocuteur. Les diminutifs<br />

<strong>de</strong>s pôles Référ<strong>en</strong>t et Locuteur ne véhicul<strong>en</strong>t aucune connotation <strong>de</strong> non sérieux.<br />

26/06/2003 12


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

Le fait que <strong>de</strong>s interprétations soi<strong>en</strong>t regroupées <strong>de</strong> cette manière ne<br />

découle pas immédiatem<strong>en</strong>t d’une approche <strong>de</strong>s diminutifs <strong>en</strong> MCI. Mais<br />

elle est tout à fait compatible avec celle-ci, comme nous allons le voir.<br />

4.2. L’organisation <strong>en</strong> MCI<br />

Le recours au MCI pour la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET se justifie par le double constat<br />

(i) que les manifestations <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s attachées à ce suffixe ne sont ni<br />

calculables, ni a fortiori calculées, <strong>en</strong> ligne à partir d’une signification<br />

origine, abstraite ou non ; (ii) qu’elles prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s relations <strong>en</strong>tre elles.<br />

Ce recours prés<strong>en</strong>te l’intérêt <strong>de</strong> décharger la morphologie d’avoir à r<strong>en</strong>dre<br />

compte <strong>de</strong> ces relations, ce qui est souhaitable car elles ne sont pas<br />

différ<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> celles qu’on observe <strong>en</strong>tre les significations stabilisées d’un<br />

lexème. Il est donc tout indiqué qu’un même mécanisme général les<br />

pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> charge.<br />

En général, un MCI a pour objet <strong>de</strong> fournir la <strong>de</strong>scription d’un réseau<br />

polysémique qui soit rationalisée et fondée sur <strong>de</strong>s principes. Dans le cas<br />

prés<strong>en</strong>t, les nœuds du réseau ne sont pas <strong>de</strong>s significations mais <strong>de</strong>s points<br />

<strong>de</strong> régularité, matérialisés par les règles morphologiques construisant les<br />

dérivés <strong>en</strong> -ET. Il peut se faire cep<strong>en</strong>dant qu’un point du réseau correspon<strong>de</strong><br />

à <strong>de</strong>s formations isolées, sans suite ou trop peu nombreuses pour qu’on<br />

puisse dire qu’elles fond<strong>en</strong>t une régularité 21 . Dans ce cas, le MCI permet <strong>de</strong><br />

rattacher ces lexèmes au réseau sans impliquer qu’ils soi<strong>en</strong>t produits par une<br />

règle morphologique. Dans le reste <strong>de</strong> l’article, je m’<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>drai au réseau où<br />

les nœuds sont <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> régularité. Ce qui suit est l’ébauche d’un tel<br />

réseau.<br />

J’admettrai que la signification ‘petit X’ constitue la signification<br />

c<strong>en</strong>trale <strong>de</strong> la catégorie diminutif <strong>en</strong> français conçue comme MCI 22 . Cette<br />

signification se rattache au pôle référ<strong>en</strong>t. Ce que met <strong>en</strong> jeu la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong><br />

-ET, pour les cas ‘petit X’, c’est (a) une échelle où se plac<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s valeurs, (b)<br />

l’indication que l’échelle concerne la taille et (c) que la valeur spécifiée est<br />

inférieure au standard valable pour la catégorie <strong>en</strong> question. Ce qu’exprime<br />

(Jurafsky 1996) <strong>en</strong> disant « plus bas que le <strong>de</strong>gré standard sur l’échelle <strong>de</strong> la<br />

taille » et que je traduirai par ‘inf•(<strong>de</strong>g•x•taille’)•<strong>de</strong>g S’ (le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> taille (du<br />

référ<strong>en</strong>t du dérivé) est inférieur au <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> taille standard pour le type<br />

d’objet considéré 23 ). Ce dispositif est <strong>de</strong> nature tout à fait générale, puisqu’il<br />

21 C’est ce qui se passe, semble-t-il, pour cousette ‘jeune couturière inexpérim<strong>en</strong>tée’ et<br />

arpette ‘appr<strong>en</strong>ti’ < suisse rom. apetr ‘mauvais ouvrier (horloger)’ < all. Arbeiter. Ces<br />

formations s’appar<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à ce qu’on a sous R6 (voir §5.1), où l’idée d’abs<strong>en</strong>ce d’effici<strong>en</strong>ce<br />

prédomine, et à R4, où c’est l’idée d’incomplétu<strong>de</strong>. Pour autant, il serait peu fondé <strong>de</strong><br />

postuler un patron qui construise <strong>de</strong>s dérivés <strong>en</strong> -ette ayant l’interprétation ‘immature dans<br />

sa spécialité’. Un raisonnem<strong>en</strong>t semblable pourrait être t<strong>en</strong>u pour franquette (< franc).<br />

Associé au s<strong>en</strong>s ‘égérie <strong>de</strong> N’, N étant une ve<strong>de</strong>tte, on a peut-être un patron dérivationnel<br />

qui émerge avec la petite série clau<strong>de</strong>tte (< Clau<strong>de</strong> François), juppette (désignant<br />

ironiquem<strong>en</strong>t une femme du gouvernem<strong>en</strong>t Juppé), zizette (< Zizou = Zidane).<br />

22 Le fait qu’elle soit attestée très tôt dans la langue et qu’elle se manifeste dans beaucoup<br />

d’occurr<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> diminutifs milite dans ce s<strong>en</strong>s (voir les critères proposés par (Tyler &<br />

Evans 2001 : 734) pour les prépositions).<br />

23 On suppose par défaut que le référ<strong>en</strong>t du lexème-base prés<strong>en</strong>te le <strong>de</strong>gré standard (<strong>de</strong>gs)<br />

pour chaque dim<strong>en</strong>sion qu’il possè<strong>de</strong>, soit ‘eq•(<strong>de</strong>g•x 1•taille’)•<strong>de</strong>g S’, ou ‘eq’ vaut pour ‘≥’.<br />

Un mot du formalisme. Le "•" infixé indique que la fonction M s'applique à l’argum<strong>en</strong>t N,<br />

soit (M•N). Cette formule est équival<strong>en</strong>te à M(N) <strong>en</strong> notation logique. Quand il n’y a pas<br />

d'ambiguïté, le par<strong>en</strong>thésage a été allégé <strong>en</strong> M•N ; ainsi, M•N•U ≡ ((M•N)•U) et veut dire<br />

26/06/2003 13


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

est nécessaire au traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s comparatives (Klein 1980)ou <strong>de</strong>s adjectifs<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>gré (K<strong>en</strong>nedy & Mcnally 1999).<br />

Par une abstraction fréqu<strong>en</strong>te <strong>en</strong> morphologie (Fradin 2000 : §7), le<br />

mécanisme <strong>de</strong> la lambda-abstraction permet d’abstraire la dim<strong>en</strong>sion ‘taille’<br />

<strong>en</strong> une variable qui vaudra pour d’autres sortes <strong>de</strong> dim<strong>en</strong>sions, <strong>en</strong><br />

l’occurr<strong>en</strong>ce l’âge et le prix. <strong>La</strong> représ<strong>en</strong>tation (λD. inf•(<strong>de</strong>g•x•D)•<strong>de</strong>g S)<br />

ainsi obt<strong>en</strong>ue coiffe donc tous les dérivés où -ET exprime le faible <strong>de</strong>gré<br />

d’une propriété sur une échelle monodim<strong>en</strong>sionnelle (cf. R1, R4, R5 ciaprès)<br />

24 . Mais l’objet considéré peut avoir plusieurs dim<strong>en</strong>sions et la<br />

<strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET affecter sur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> la diminution chacune <strong>de</strong> ces<br />

dim<strong>en</strong>sions. On a alors une généralisation <strong>de</strong> la situation précéd<strong>en</strong>te : pour<br />

chaque dim<strong>en</strong>sion du référ<strong>en</strong>t du N dérivé, le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> celle-ci est inférieur<br />

au <strong>de</strong>gré que prés<strong>en</strong>te le référ<strong>en</strong>t du N base pour la même dim<strong>en</strong>sion, ou<br />

bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>core, le référ<strong>en</strong>t du Nd est dépourvu d’une propriété qu’avait le Nb.<br />

Cette situation sera illustrée par la signification R2 (historiette, tablette,<br />

berlinette).<br />

Si l’on <strong>en</strong> croit (Jurafsky 1996 : 546), la métaphore ‘LES FEMMES SONT<br />

DES PETITES CHOSES’ (WOMEN ARE SMALL THINGS) établit le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre les<br />

emplois où le diminutif marque la sexuisemblance (g<strong>en</strong>darmette, merlette)<br />

et la signification c<strong>en</strong>trale <strong>de</strong> la catégorie. Cet emploi se rattache aux<br />

précéd<strong>en</strong>ts par le fait qu’on a aussi échelle mais réduite à <strong>de</strong>ux zones du fait<br />

<strong>de</strong> la nature du prédicat.<br />

Dans tous les cas considérés jusqu’à prés<strong>en</strong>t, le diminutif opérait sur les<br />

propriétés inhér<strong>en</strong>tes d’un référ<strong>en</strong>t. Par généralisation, il peut aussi opérer<br />

sur ses propriétés fonctionnelles. Trois types <strong>de</strong> dérivés se rattach<strong>en</strong>t à ce<br />

sous-pôle : R6, R7 et R8. Le diminutif indique que la fonction est m<strong>en</strong>ée à<br />

bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> manière diminuée ou sur un mo<strong>de</strong> mineur. Ultime généralisation, le<br />

domaine <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET peut être ét<strong>en</strong>du aux événem<strong>en</strong>ts ou actions<br />

ayant une fonction ou visant un effet (R9, R10). Les paramètres actifs dans<br />

la structuration du pôle Référ<strong>en</strong>t sont résumés dans le tableau 2.<br />

OBJET INHÉRENT R1 clochette,<br />

R4 porcelet<br />

26/06/2003 14<br />

DIMENSION<br />

MONO MULTI<br />

R5 chinchillette<br />

R2 opérette<br />

FONCTION R6 roitelet,<br />

R7 vinaigrette<br />

R8 couchette<br />

EVÉNEMENT INHÉRENT R9 bronzette<br />

FONCTION R10 réformette<br />

Tableau 2. Structuration du pole Référ<strong>en</strong>t<br />

que (M•N) s'applique à U, le résultat <strong>de</strong> cette application étant une fonction s'appliquant à<br />

N. Les par<strong>en</strong>thèses sont associatives à gauche pour l’application et à droite pour<br />

l'abstraction. L'écriture <strong>de</strong>s lambdas emboîtés a aussi été simplifiée : (λx. (λy. (N•x•y)))<br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t (λxy. N•x•y). Sur le lambda-calcul voir (R<strong>en</strong>aud 1996; Chambreuil 1989).<br />

24<br />

Notons au passage que la diminution se représ<strong>en</strong>te et n’est pas « une matrice très<br />

abstraite » (Delhay 1996 : 142).


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

Le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre le pôle Référ<strong>en</strong>t et le pôle Locuteur passe par une métaphore.<br />

<strong>La</strong> dim<strong>en</strong>sion <strong>en</strong> jeu est celle qui existe <strong>en</strong>tre le locuteur et les objets qu’il<br />

introduit dans son discours. Ne se rapportant pas à un objet du mon<strong>de</strong>, cette<br />

dim<strong>en</strong>sion n’est pas objective, au s<strong>en</strong>s où l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d Grandi (voir note 17). Ce<br />

que marque -ET dans tous ces cas, c’est la proximité du locuteur avec ces<br />

objets, proximité qui ne se manifeste que socialem<strong>en</strong>t. Elle se décline <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux manières suivant que le locuteur contrôle les objets <strong>en</strong> question<br />

(artefacts) ou ne les contrôle pas (animaux, plantes, personnes) (cf. figure<br />

2). Sous ce <strong>de</strong>uxième sous-pôle figur<strong>en</strong>t aussi les dérivés où le diminutif<br />

marque un rapprochem<strong>en</strong>t ou une proximité dont le vecteur est le goût, dont<br />

on sait qu’il constitue un marqueur fort <strong>de</strong> l’id<strong>en</strong>tification sociale, et les<br />

hypocoristiques. Ces <strong>de</strong>rniers marqu<strong>en</strong>t la proximité affective du locuteur<br />

avec l’objet dont il parle (<strong>en</strong> discours direct). Le détail sémantique <strong>de</strong>s<br />

interprétations est donné au §5.3.<br />

Les Modèles cognitif idéalisés apport<strong>en</strong>t une rationalisation au système<br />

du diminutif <strong>en</strong> établissant <strong>de</strong>s li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre les divers points <strong>de</strong> régularité qui<br />

constitu<strong>en</strong>t le réseau <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET. En revanche, ils ne dis<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong><br />

du fonctionnem<strong>en</strong>t effectif <strong>de</strong> ces points <strong>de</strong> régularité, c’est-à-dire <strong>de</strong>s<br />

patrons, ou Règles Morphologiques Lexicales (Stump 2001), qui permett<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> construire <strong>de</strong> nouveaux types <strong>de</strong> dérivés. Ils ne se situ<strong>en</strong>t pas au niveau<br />

où les patrons sont utilisés par les locuteurs, parce que ces <strong>de</strong>rniers ne<br />

mobilis<strong>en</strong>t pas les mécanismes assurant les ext<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s à partir <strong>de</strong><br />

‘petit X’ quand ils produis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s dérivés <strong>en</strong> -ET. Or il est capital <strong>de</strong> décrire<br />

ce niveau-ci, si on veut compr<strong>en</strong>dre le fonctionnem<strong>en</strong>t du système. En bref,<br />

bi<strong>en</strong> que les MCI soi<strong>en</strong>t nécessaires pour modéliser l’organisation globale<br />

<strong>de</strong> la catégorie du diminutif, ils ne peuv<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> ses aspects<br />

proprem<strong>en</strong>t morphologiques et notamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la construction <strong>de</strong>s dérivés.<br />

4.3. Mise <strong>en</strong> perspective<br />

L’organisation <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET exposée ici vaudrait d’être comparée<br />

à la t<strong>en</strong>tative <strong>de</strong> (Grandi 2002) <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s axes <strong>de</strong> classification<br />

opératoires pour cette catégorie. Grandi propose <strong>de</strong> classer les diverses<br />

valeurs sémantiques que pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les marques produites par la morphologie<br />

évaluative sur la base <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux couples <strong>de</strong> primitives sémantiques<br />

BIG/SMALL d’un côté et GOOD/BAD <strong>de</strong> l’autre (Goddard & Wierzbicka<br />

1994; Wierzbicka 1994). Le premier couple concerne l’appar<strong>en</strong>ce externe<br />

<strong>de</strong>s objets et relève <strong>de</strong> la perspective <strong>de</strong>scriptive ; le second concerne<br />

l’appréciation que porte le locuteur et relève <strong>de</strong> la perspective évaluative.<br />

Chaque primitive correspond à la valeur + ou – pour une dim<strong>en</strong>sion. On<br />

aboutit ainsi au tableau 3 :<br />

Description Appréciation<br />

+ BIG GOOD<br />

– SMALL BAD<br />

Tableau 3. Classification sémantique <strong>de</strong>s évaluatifs<br />

Les valeurs dans chaque dim<strong>en</strong>sion sont antagoniques. Par contre, les<br />

primitives peuv<strong>en</strong>t se combiner d’une dim<strong>en</strong>sion à l’autre <strong>de</strong> la manière<br />

suivante : (BIG), (BIG, GOOD), (BIG, BAD), (SMALL), (SMALL,<br />

26/06/2003 15


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

GOOD), (SMALL, BAD). Pour la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET, le classem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

valeurs activées donne ceci : (SMALL) : R1, R2, R4, R5 ; (SMALL,<br />

GOOD) : L1, L3, L4 ; (SMALL, BAD) : R6. Pour intéressant et utile qu’il<br />

soit, ce classem<strong>en</strong>t ne pr<strong>en</strong>d pas <strong>en</strong> compte toutes les significations<br />

rec<strong>en</strong>sées pour -ET <strong>en</strong> français. Il semble complém<strong>en</strong>taire <strong>de</strong> celui exposé<br />

ici 25 .<br />

5. Analyse morphologique <strong>de</strong> la dérivation <strong>en</strong> -ET<br />

5.1. Hypothèses générales<br />

Un procédé morphologique dérivationnel doit répondre à <strong>de</strong>ux questions :<br />

(i) comm<strong>en</strong>t s’établit la relation <strong>en</strong>tre le lexème base (lxmb) et le lexème<br />

dérivé (lxmd) ? ; (ii) quel est l’apport sémantique du procédé ?<br />

Pour la première, la conception <strong>de</strong> la dérivation diminutive <strong>en</strong> -ET<br />

déf<strong>en</strong>due ici souti<strong>en</strong>t qu’il existe <strong>de</strong>ux possibilités. Soit cette relation est<br />

établie classiquem<strong>en</strong>t au moy<strong>en</strong> d’une Règle Morphologique Lexicale<br />

(RML). Soit la relation n’est pas établie par la morphologie mais par un<br />

mécanisme infér<strong>en</strong>tiel, dénommé Infér<strong>en</strong>ce <strong>Linguistique</strong> Générale (ILG),<br />

opérant à partir d’informations sémantiques associées à chacun <strong>de</strong>s lexèmes.<br />

Pour la secon<strong>de</strong>, la réponse est double aussi. L’apport sémantique du<br />

procédé peut se faire <strong>en</strong> mo<strong>de</strong> interne, la signification construite du dérivé<br />

résulte alors <strong>de</strong> l’application <strong>de</strong> la sémantique du suffixe à celle du lexème<br />

base. C’est ce qui se passe quand une Règle Morphologique Lexicale<br />

(RML) corrèle le lexème base et le lexème dérivé. Mais il peut aussi se faire<br />

<strong>en</strong> mo<strong>de</strong> externe. Dans ce cas, le procédé se limite à introduire une propriété<br />

sémantique sur la base d’informations associées au référ<strong>en</strong>t du nom dérivé 26 .<br />

<strong>La</strong> <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET n’établit alors aucune corrélation sémantique <strong>en</strong>tre<br />

lexème base et lexème dérivé. Cette analyse suppose que l'information<br />

sémantique à laquelle est s<strong>en</strong>sible -ET n’est pas uniquem<strong>en</strong>t d’ordre<br />

lexématique mais relève aussi <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> lexèmes. Ceci veut dire, par<br />

exemple, qu’un nom comme camionnette, héritera <strong>de</strong> la propriété générale<br />

‘commo<strong>de</strong> à manœuvrer’ apportée par la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ette sur la base du<br />

fait que ce nom dénote une <strong>en</strong>tité relevant <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong>s ‘moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

transports’. Un conditionnem<strong>en</strong>t semblable se décl<strong>en</strong>chera pour tous les N<br />

héritant <strong>de</strong> cette propriété dans le lexique hiérarchique. Cette hypothèse<br />

permet <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong>s phénomènes <strong>de</strong> cumul et <strong>de</strong> surplus <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s.<br />

L’information ajoutée par les conditions croisées <strong>en</strong> question pourra servir<br />

dans <strong>de</strong>s isotopies discursives.<br />

<strong>La</strong> répartition <strong>de</strong>s mécanismes qu’on vi<strong>en</strong>t d’expliciter se fait comme suit<br />

pour chacun <strong>de</strong>s pôles. Pôle Référ<strong>en</strong>t :<br />

— les lexèmes base et dérivé sont corrélés par une RML. Il y a donc une<br />

corrélation sémantique forte <strong>en</strong>tre RSb et RSd.<br />

— la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET marque uniformém<strong>en</strong>t la diminution.<br />

Pôle Locuteur :<br />

25 (Grandi 2002 : 55) décline les combinaisons <strong>de</strong> valeurs possibles a priori et les illustre. Il<br />

reste à voir pourquoi le français n’<strong>en</strong> possè<strong>de</strong> pas certaines et pourquoi il <strong>en</strong> a développé <strong>de</strong><br />

nombreuses qui échapp<strong>en</strong>t à cette combinatoire.<br />

26 Je parlerai <strong>de</strong> Condition Motivée Lexicalem<strong>en</strong>t (CML).<br />

26/06/2003 16


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

— les lexèmes base et dérivé sont corrélés par une ILG, s’ils sont corrélés.<br />

Donc, s’il y a une corrélation sémantique, celle-ci n’est pas instaurée par la<br />

morphologie.<br />

— la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET exprime, au moy<strong>en</strong> d’une Condition Motivée<br />

Lexicalem<strong>en</strong>t (CML), que le référ<strong>en</strong>t du N dérivé est dans la sphère <strong>de</strong><br />

contrôle ou l’intimité du locuteur.<br />

Je vais maint<strong>en</strong>ant prés<strong>en</strong>ter une à une les significations discriminées.<br />

Taille<br />

Propriétés<br />

constitutives<br />

Attributs<br />

définitoires<br />

Sexe<br />

Valeur<br />

5.2. Le pôle référ<strong>en</strong>t<br />

Quand le référ<strong>en</strong>t est un objet (animé ou non), il doit être dénombrable 27 .<br />

Mais il peut aussi être un événem<strong>en</strong>t (pissette, réformette). <strong>La</strong> propriété<br />

27 Le français construit rarem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s diminutifs sur <strong>de</strong>s indénombrables. Est attesté<br />

brumelette, qui relève <strong>de</strong> R2 ‘brume peu d<strong>en</strong>se’. Ceci va <strong>de</strong> pair avec l’abs<strong>en</strong>ce d’une<br />

catégorie 8 (tableau 1) qui permettrait e.g. sable-DIM = ‘grain <strong>de</strong> sable’. Paillette n’est pas<br />

un contre-exemple, puisqu’on a paille comme nom comptable.<br />

26/06/2003 17<br />

PÔLE RÉFÉRENT<br />

OBJET: Propriétés du référ<strong>en</strong>t<br />

EFFET: minimum <strong>de</strong> l’échelle<br />

Référ<strong>en</strong>t objet Référ<strong>en</strong>t événem<strong>en</strong>t<br />

Age<br />

Propriétés<br />

fonctionnelles<br />

Propriétés<br />

constitutives<br />

Ag<strong>en</strong>t Lieu Attributs<br />

définitoires<br />

Ingrédi<strong>en</strong>ce<br />

Propriétés<br />

fonctionnelles<br />

Effet<br />

inhér<strong>en</strong>t<br />

R1 R2 R3 R4 R5 R6 R7 R8 R9 R10<br />

Figure 1<br />

PÔLE LOCUTEUR<br />

OBJET: Interaction avec le référ<strong>en</strong>t<br />

EFFET: dans la sphère du locuteur<br />

Contrôle Intimité / familiarité<br />

Usage Origine Apparti<strong>en</strong>t au Appréciation<br />

quotidi<strong>en</strong><br />

L1g L1v<br />

L2 L3 L4 L5 L6<br />

Figure 2<br />

Hypocoristique


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

faisant l’objet <strong>de</strong> l’évaluation peut être une propriété constitutive <strong>de</strong> l’objet<br />

ou bi<strong>en</strong> une propriété qu’elle acquiert par sa fonction. Toutes les propriétés<br />

constitutives ont une évaluation lacunaire (evaluation gap), sauf R3<br />

(merle/merlette). Dans tous ces cas, la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET indique que le<br />

<strong>de</strong>gré d’une dim<strong>en</strong>sion DMS i que possè<strong>de</strong> le référ<strong>en</strong>t du lexème-dérivé est<br />

inférieur au <strong>de</strong>gré que prés<strong>en</strong>te l’objet <strong>de</strong> référ<strong>en</strong>ce (odr), <strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce le<br />

référ<strong>en</strong>t type du N-base (objet ou événem<strong>en</strong>t). Ce référ<strong>en</strong>t est du type objet,<br />

à l’exception <strong>de</strong> R8 où il est un lieu et <strong>de</strong> R9 où il est un événem<strong>en</strong>t. Le<br />

changem<strong>en</strong>t sémantique est noté dans le tableau 2 pour chacune <strong>de</strong>s<br />

significations du pôle Référ<strong>en</strong>t 28 .<br />

En R1, le N dérivé dénote un objet qui a une taille inférieure à la taille<br />

standard du référ<strong>en</strong>t du Nb. Autres exemples : clochette, balisette,<br />

baraquette, basti<strong>de</strong>tte, brossette, brochurette, mésangette, châtelet,<br />

maisonnette, vaguelette, potelet…<br />

R2 regroupe les cas qui tourn<strong>en</strong>t tous autour <strong>de</strong> l’idée que le référ<strong>en</strong>t du<br />

dérivé prés<strong>en</strong>te sous une forme édulcorée les (ou certaines <strong>de</strong>s) propriétés<br />

caractéristiques du référ<strong>en</strong>t du lexème-base : soit ces propriétés ne se<br />

retrouv<strong>en</strong>t pas dans le référ<strong>en</strong>t du dérivé, soit elles s’y retrouv<strong>en</strong>t sur un<br />

mo<strong>de</strong> atténué 29 e.g. opéra / opérette, cigare / cigarette, histoire / historiette,<br />

cerveau / cervelet, berline / berlinette, sucre / sucrette, hermine /<br />

herminette 2, table / tablette, moulin / moulinet, poivre / poivrette. Par<br />

exemple avec opéra, pour la propriété ‘avoir un thème’, la dim<strong>en</strong>sion<br />

‘sérieux’ aurait la valeur ‘+’ ce qui se noterait ‘eq•(val•x•sérieux)•plus’ dans<br />

la notation du tableau 4. Avec opérette, le suffixe -ET indique que le thème<br />

<strong>de</strong> l’opérette est moins sérieux que celui <strong>de</strong> l’opéra<br />

‘inf•(val•x 2•sérieux’)•(val•x 1•sérieux’)’, où x 1 correspond à opéra et x 2 à<br />

opérette. <strong>La</strong> même chose se reproduit pour les autres propriétés et<br />

dim<strong>en</strong>sions 30 . En toute logique, le cas R1 est un sous-cas <strong>de</strong> R2 comme<br />

l’indique (8c). Si on ne l’a pas fait figurer sous ce <strong>de</strong>rnier, c’est à cause du<br />

nombre <strong>de</strong>s types qu’il recouvre et <strong>de</strong> son importance comme prototype<br />

dans le dispositif cognitif <strong>de</strong> l’évaluation.<br />

En R3 la dim<strong>en</strong>sion concerne exclusivem<strong>en</strong>t la sexuisemblance. R3<br />

regroupe les significations où l’on bascule d’une valeur à l’autre 31 : mâle vs<br />

femelle e.g. fliquette, gigolette (< gigolo), punkette, fantômette, beurette,<br />

PDGette, cadrette. Ces dérivés prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t fréquemm<strong>en</strong>t une connotation<br />

hypocoristique (L5).<br />

En R4 la propriété <strong>en</strong> question est l’âge. L’interprétation est du type<br />

‘jeune <strong>de</strong> l’espèce Nb’ e.g. brebiette, porcelet, poulet. Par l’infér<strong>en</strong>ce (8a),<br />

ce cas pourrait être vu comme une ext<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> R1.<br />

28 Ces notations sont une sténographie simplifiée <strong>de</strong> ce qui se passe et nullem<strong>en</strong>t une<br />

représ<strong>en</strong>tation formelle <strong>en</strong> bonne et due forme. Les propriétés constitutives pour les<br />

dim<strong>en</strong>sions concernées s’exprim<strong>en</strong>t par <strong>de</strong>s adjectifs (grand, cher, vieux, etc.) dont le <strong>de</strong>gré<br />

standard auquel ils sont vrais est fixé <strong>en</strong> contexte (K<strong>en</strong>nedy & McNally 1999).<br />

29 Se rattach<strong>en</strong>t à ce type les produits <strong>de</strong> mercerie qui imit<strong>en</strong>t le référ<strong>en</strong>t du nom base :<br />

satinette, cotonnette, bisette (Delhay 1996).<br />

30 Le quantificateur universel dans le tableau 4 est trop fort, car l’implication posée ne vaut<br />

que pour la majorité <strong>de</strong>s propriétés ou <strong>de</strong>s dim<strong>en</strong>sions et non pour toutes.<br />

31 Inversem<strong>en</strong>t, le suffixe -et a servi à marquer <strong>de</strong>s basculem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> femelle vers mâle e.g.<br />

lanier ‘faucon femelle dressé pour la chasse’ / laneret cf. (Dal 1997 : 23-24). Le corpus<br />

atteste aussi bavolette ‘femme qui porte un bavolet’.<br />

26/06/2003 18


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

<strong>La</strong> dim<strong>en</strong>sion ret<strong>en</strong>ue pour R5 est le prix. Plusieurs <strong>de</strong> ces dérivés<br />

dénot<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s imitations <strong>de</strong> fourrure dont la valeur est bi<strong>en</strong> moindre que celle<br />

<strong>de</strong> la fourrure auth<strong>en</strong>tique : chinchillette, castorette, herminette 2, angorette.<br />

Par (8c), ces cas pourrai<strong>en</strong>t être vu comme un sous-type <strong>de</strong> R2 puisque les<br />

référ<strong>en</strong>ts sont <strong>de</strong>s ersatz du référ<strong>en</strong>t du N-base. <strong>La</strong> seule différ<strong>en</strong>ce est que<br />

dans ce <strong>de</strong>rnier cas, le côté ersatz est sciemm<strong>en</strong>t rev<strong>en</strong>diqué parce qu’il r<strong>en</strong>d<br />

ces produits plus accessibles aux chalands. Pour cette raison, on retrouve les<br />

dérivés <strong>de</strong> type R5 dans le pôle Locuteur (L1).<br />

R6 regroupe <strong>de</strong>s dérivés dont le nom-base dénote <strong>de</strong>s individus ou <strong>de</strong>s<br />

<strong>en</strong>tités qui, par définition, exerc<strong>en</strong>t une fonction ou sont dotés <strong>de</strong> pouvoirs.<br />

<strong>La</strong> <strong>suffixation</strong> -ET indique que ces pouvoirs ou ces fonctions sont amoindris<br />

et n’ont plus les effets escomptés 32 . Roitelet, foutriquet, bombinette, <strong>en</strong> sont<br />

<strong>de</strong>s exemples.<br />

<strong>La</strong> fonction discriminée par R7 est bi<strong>en</strong> id<strong>en</strong>tifiée : elle correspond à<br />

celle d’une substance servant d’ingrédi<strong>en</strong>t non majoritaire dans une<br />

préparation culinaire e.g. anisette, vinaigrette, cerisette (Dal 1997 : 137-<br />

144). Ce patron fournit <strong>de</strong>s types nouveaux comme citronnette 33 . Le français<br />

dénomme les préparations où le N-base dénote l’ingrédi<strong>en</strong>t majoritaire par<br />

<strong>de</strong>s dérivés <strong>en</strong> -a<strong>de</strong> e.g. poivra<strong>de</strong> (Aliquot-Su<strong>en</strong>gas 1997), d’où les paires<br />

minimales citronnette / citronna<strong>de</strong>, anisette / anisa<strong>de</strong>.<br />

R8 rassemble les dérivés qui dénot<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s lieux où l’activité exprimée par<br />

le verbe-base s’effectue <strong>de</strong> manière temporaire. Il y a quatre N <strong>de</strong> ce type :<br />

buvette, couchette, cachette, oubliette (lieu où l’on oublie exprès<br />

quelqu’un) 34 . Le caractère temporaire (vs. perman<strong>en</strong>t) est net dans les paires<br />

cachette / cache et couchette / couche.<br />

Le type R9 dénote <strong>de</strong>s événem<strong>en</strong>ts ou <strong>de</strong>s actions dont une ou plusieurs<br />

dim<strong>en</strong>sions (durée, amplitu<strong>de</strong>, int<strong>en</strong>sité) sont diminuées par rapport à celles<br />

que manifeste le verbe base. Ces dérivés sont assez nombreux : déprimette,<br />

farfouillette, giclette, sifflette, r<strong>en</strong>iflette, risette, grimpette, causette, tapette,<br />

trempette, bronzette. Pour ce type aussi, il existe <strong>de</strong>s paires minimales qui<br />

illustr<strong>en</strong>t le rôle du suffixe : causerie / causette, déprime / déprimette,<br />

grimpée / grimpette, tape / tapette, giclée / giclette, bronzage / bronzette.<br />

Le type R10 <strong>en</strong>fin rassemble les dérivés qui dénot<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s événem<strong>en</strong>ts ou<br />

<strong>de</strong>s actions dont l’effet est moindre que celui assuré par le référ<strong>en</strong>t du nom<br />

base : réformette, mesurette, passionnette.<br />

Le tableau 2 résume l’apport sémantique <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET pour le<br />

pôle Référ<strong>en</strong>t.<br />

EXEMPLE ENTRÉE SORTIE<br />

R1 clochette objet’•x 1 ∧ nombrable’•x 1 inf•(<strong>de</strong>g•x 2•taille’)•(<strong>de</strong>g•x 1•taille’)<br />

R2 opérette,<br />

cigarette<br />

<strong>en</strong>tité’•x 1<br />

26/06/2003 19<br />

∀P i. P i•x, ∧ ∀DMS k ∈ P i, (P i•x 2 =><br />

inf•(<strong>de</strong>g•x 2•DMS k)•(<strong>de</strong>g•x 1•DMS k)) ∨<br />

32 Comme <strong>en</strong> R2, cet effet sémantique est particulièrem<strong>en</strong>t difficile à formuler. Dans le<br />

tableau 4, R 1…R n not<strong>en</strong>t les résultats <strong>en</strong>traînés par les pouvoirs <strong>de</strong> x.<br />

33 « SAUMON FUMÉ EN SALADE AU PAMPLEMOUSSE ET À LA BANANE. (…) Préparez la<br />

citronnette <strong>en</strong> émulsionnant dans un bol la moutar<strong>de</strong>, 2 cuillérées à soupe <strong>de</strong> jus <strong>de</strong> citron,<br />

le jus r<strong>en</strong>du par les quartiers <strong>de</strong> pamplemousse, 4 cuillérées à soupe d'huile. » Cosmopolitan<br />

Années 90.<br />

34 Ce dérivé se retrouve aussi dans le pôle Locuteur sous L3. Aux quatre N cités, on peut<br />

rajouter le très rare, et opaque, psallette ‘Ecole <strong>de</strong> chant rattachée à une église’.


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

26/06/2003 20<br />

¬P i•x 2<br />

R3<br />

R4<br />

R5<br />

R6<br />

merlette mâle’•x1 porcelet animal’•x1 chinchillette fourrure’•x<br />

roitelet exercer’•x1•pouvoir’ =><br />

(R1…Rn) vinaigrette substance’•x1 femelle•x2 inf•(<strong>de</strong>g•x2•âge’)•(<strong>de</strong>g•x1•âge’) inf•(<strong>de</strong>g•x2•prix’)•(<strong>de</strong>g•x1•prix’) exercer’•x2 •pouvoir’ => ¬(R1…Rn) substance’•x1•(dans•x2) ∧<br />

préparation’•x2 ∧ ¬majoritaire’•x1• R7<br />

R8 couchette V•e•x1... (dans•x2) V•e•x1•(dans•x2) ∧ temporaire’•e<br />

R9<br />

R10<br />

giclette,<br />

causette<br />

réformette<br />

V•e1•x… V•e•x1 ∧ effet-<strong>de</strong>’•e1•e2 V•e2•x… ∧ ∀DMSk, inf•(<strong>de</strong>g•e2•DMSk)•(<strong>de</strong>g•e1•DMSk) V'•e•x3 ∧ effet-<strong>de</strong>’•e3•e4 ∧ ∀DMSk, inf•(<strong>de</strong>g•e4•DMSk) •(<strong>de</strong>g•e2•DMSk) 5.3. Pôle Locuteur<br />

Tableau 4. Sémantique du pôle Référ<strong>en</strong>t<br />

<strong>La</strong> distinction <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sous-pôles ‘Contrôle’ et ‘Intimité / familiarité’<br />

correspond, <strong>en</strong> gros, à la distinction <strong>en</strong>tre ce sur quoi le locuteur peut agir et<br />

ce sur quoi il ne le peut pas. ‘Contrôle’ rassemble exclusivem<strong>en</strong>t les dérivés<br />

dont le référ<strong>en</strong>t est un artefact fonctionnel concret (instrum<strong>en</strong>t, outil, arme,<br />

pièce <strong>de</strong> vêtem<strong>en</strong>t, etc.) ou abstrait (mesure administrative). Le second souspôle<br />

rassemble au contraire <strong>de</strong>s dérivés dénotant <strong>en</strong> majorité <strong>de</strong>s espèces<br />

naturelles (L3) ou <strong>de</strong>s animés (L5). Les dérivés sous L4 détonn<strong>en</strong>t<br />

puisqu’ils dénot<strong>en</strong>t généralem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s alim<strong>en</strong>ts. Leur prés<strong>en</strong>ce à cette place<br />

sera motivée plus loin.<br />

Le groupe L1g (L1 général) regroupe les dérivés dénotant <strong>de</strong>s objets ou<br />

<strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> dispositifs conçus pour servir à l’accomplissem<strong>en</strong>t d’une<br />

fonction précise (artefacts fonctionnels) : allumette, arielette, baïonnette,<br />

boulet, caqueret, chaufferette, débarbouillette, douchette, fauchette,<br />

fourchette, gâchette, hachette, herminette 4, lunette, mésangette, mesurette,<br />

mitraillette, mouillette, moulinette, mouvette, passette, pipette, raclette,<br />

roulette, serpette, sonnette, sucette, sucette, traceret, vizirette, etc. Ri<strong>en</strong><br />

d’étonnant à ce que beaucoup soi<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s outils ou <strong>de</strong>s ust<strong>en</strong>siles. L’idée,<br />

souv<strong>en</strong>t notée à leur propos, est qu’ils sont <strong>de</strong>s objets maniables 35 , dont il est<br />

commo<strong>de</strong> <strong>de</strong> se servir ou qui facilit<strong>en</strong>t l’exécution <strong>de</strong> certaines tâches. Pour<br />

cette raison, la sémantique qui sera associée à L1 exprime la maniabilité, la<br />

facilité d’emploi. Elle est génériquem<strong>en</strong>t notée ici ‘maniable’•x’. On peut<br />

discriminer <strong>de</strong>s sous-groupes à l’intérieur <strong>de</strong> L1, pour lesquels l’apport <strong>de</strong><br />

s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> peut être précisé <strong>en</strong> fonction du type <strong>de</strong> l’objet. Celui<br />

<strong>de</strong>s véhicules au s<strong>en</strong>s large (LIv) e.g. camionnette, fourgonnette, patinette,<br />

pétrolette, avionnette, caninette serait ‘facile à conduire / manœuvrer’ ;<br />

celui <strong>de</strong>s parties d’habit (L1h) e.g. épaulette, talonnette, cuissette,<br />

35 <strong>La</strong> main a partie liée avec les diminutifs. (Jurafsky 1996 : 540) reproduit une analyse <strong>de</strong><br />

E. Contini-Morava, qui donne comme origine <strong>de</strong>s diminutifs <strong>en</strong> swahili <strong>de</strong>s ‘objets<br />

utilitaires assez petits pour t<strong>en</strong>ir dans la main’. Plutôt qu’étalon <strong>de</strong> mesure tout court, <strong>en</strong><br />

français elle serait étalon <strong>de</strong> mesure d’un faire.


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

manchette, poignet serait quelque chose comme ‘améliore (la fonction d’)un<br />

vêtem<strong>en</strong>t’. Celui <strong>en</strong>fin <strong>de</strong>s fourrures (L1f) e.g. chinchillette, castorette, déjà<br />

vues au pôle Référ<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tant qu’imitations, pourrait être ‘(plus) faciles à<br />

porter’ puisque celles-ci sont moins chères et moins fragiles que les vraies<br />

fourrures.<br />

Pour tout le groupe L1, le terme ‘contrôle’ exprime le fait que le locuteur<br />

se sert du référ<strong>en</strong>t pour ses fins propres. En L2, le contrôle se traduit par le<br />

fait que le référ<strong>en</strong>t dénoté par le dérivé n’aurait pas existé sans l’action du<br />

référ<strong>en</strong>t du N-base, lequel est toujours une personnalité politique. Pour cette<br />

raison, on pourrait relier le nom propre servant <strong>de</strong> base et le dérivé L2 par la<br />

Règle Morphologique Lexicale suivante : ‘origine-<strong>de</strong>’•x•y ∧ Np•x ∧<br />

mesure-administrative’•y’. Cette RML peut être vue comme une<br />

instanciation <strong>de</strong> la métaphore ‘LES ACTES SONT LES ENFANTS DE CEUX QUI<br />

LES FONT’, ce qui rattache L2 au cœur du système conceptuel du diminutif.<br />

Le fait que les expressions <strong>de</strong> L2 mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> jeu une RML ne justifie pas<br />

qu’on les place sous le pôle R. En effet, l’effet <strong>de</strong> diminution caractéristique<br />

du pôle Référ<strong>en</strong>t ne se retrouve dans aucune. L’effet interprétatif associé à<br />

L2 est plutôt celui d’une mesure administrative qui apporte un bénéfice<br />

inatt<strong>en</strong>du dans le quotidi<strong>en</strong>, même s’il est mo<strong>de</strong>ste. Ceci appar<strong>en</strong>te<br />

clairem<strong>en</strong>t L2 à L4 et L5. Le procédé L2 est productif 36 , comme <strong>en</strong><br />

témoigne la série chalandonnette, baladurette, juppette, périssolette,<br />

arthuisette, aubryette, jospinette, pro<strong>de</strong>tte (< Romano Prodi).<br />

Les dérivés L3 nous plac<strong>en</strong>t au cœur <strong>de</strong> la valeur d’appropriation<br />

reconnue à la <strong>suffixation</strong> -ET. Celle-ci exprime l’accointance qui existe <strong>en</strong>tre<br />

le locuteur et le référ<strong>en</strong>t du dérivé. Elle se traduit par la manière même dont<br />

le dérivé est construit : il pr<strong>en</strong>d comme base un lexème exprimant une<br />

caractéristique physique ou comportem<strong>en</strong>tale saillante <strong>de</strong> ce référ<strong>en</strong>t. Mais<br />

cette caractéristique n’est saillante qu’à celui qui a une connaissance précise<br />

<strong>de</strong>s particularités physiques <strong>de</strong> la plante ou <strong>de</strong> l’animal que dénote le dérivé<br />

ou <strong>de</strong> son mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie. Par exemple, dénommer bergeronnette un oiseau<br />

parce qu’il fréqu<strong>en</strong>te assidûm<strong>en</strong>t les troupeaux suppose qu’on est familier<br />

<strong>de</strong> cet oiseau 37 . Il s’agit d’une dénomination qui n’est pas purem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>scriptive, contrairem<strong>en</strong>t à hoche-queue, son autre nom. Les dérivés <strong>de</strong> L3<br />

se situ<strong>en</strong>t aux antipo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s noms savants, qui sont élaborés sur la base <strong>de</strong><br />

caractères observables et estimés pertin<strong>en</strong>ts dans la mise <strong>en</strong> place d’une<br />

taxinomie. Les caractéristiques <strong>de</strong>s espèces naturelles les plus fréqu<strong>en</strong>tes <strong>en</strong><br />

L3 sont les suivantes 38 :<br />

36 Son origine remonte peut-être au XVII e siècle avec paulette ‘Taxe annuelle que <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t<br />

payer les titulaires <strong>de</strong> charges <strong>de</strong> judicature pour <strong>en</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir propriétaires’ (PR) (< Paulet,<br />

nom du fermier <strong>de</strong> cet impôt). Dans cet étymon, seule l’idée <strong>de</strong> filiation existe.<br />

37 Parfois localem<strong>en</strong>t dénommé bergerette. R<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts pris auprès d’ornithologues<br />

internautes, que je remercie ici, il est connu que la bergeronnette se complait à vivre autour<br />

<strong>de</strong>s moutons paissant, voire à saisir les insectes accrochés à leur dos. Il arrive qu’elle les<br />

accompagne <strong>en</strong> transhumance et qu’elle fasse son nid dans les bergeries. Pour ces raisons,<br />

elle a été vue comme la bergère du troupeau. L’étymologie qui veut que son nom vi<strong>en</strong>ne <strong>de</strong><br />

berge fait problème à cause du /r/ qui suit le radical. Ce n’est pas le cas du /on/, qui marque<br />

une <strong>suffixation</strong> décalée (Plénat & Roché 2001).<br />

38 Ces caractéristiques se retrouv<strong>en</strong>t dans d’autres types <strong>de</strong> dérivation. Ainsi pour la<br />

nourriture : linote < lin (se nourrit <strong>de</strong> graines <strong>de</strong> lin) et aussi fourmilier, serp<strong>en</strong>taire,<br />

guépier. Inversem<strong>en</strong>t : épervière ‘plante servant <strong>de</strong> nourriture aux éperviers’. Certaines<br />

approches lexicographiques utilisant les « frames » prévoi<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s tiroirs pour stocker<br />

26/06/2003 21


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

— couleur : roussette, rouget, bleuet, jaunet (plante aquatique), fauvette,<br />

rousselette (poire), griset (oiseau).<br />

— saveur: farinet, doucette (= mâche ; d’amère, <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t douce après les<br />

gelées).<br />

— o<strong>de</strong>ur : f<strong>en</strong>ouillette (type <strong>de</strong> pomme), muguet (< a fr. mugue ‘musc’),<br />

ambrette (graine exhalant une o<strong>de</strong>ur d’ambre).<br />

— forme : rosette, sapinette (type d’épicéa), pommette.<br />

— nourriture : chardonneret (cet oiseau est friand <strong>de</strong> chardons).<br />

— habitat : bergeronnette, souchette (champignon qui croît sur les souches).<br />

— saisonnalité : pâquerette (fleurit vers Pâques).<br />

— taille : basset.<br />

— bruit caractéristique : gr<strong>en</strong>ouillette 2 (maladie <strong>de</strong>s glan<strong>de</strong>s salivaires qui<br />

fait que ceux qui <strong>en</strong> sont affectés parl<strong>en</strong>t <strong>en</strong> coassant).<br />

Ces caractéristiques saillantes fond<strong>en</strong>t les Conditions Motivées<br />

Lexicalem<strong>en</strong>t (cf. §6.1).<br />

Les dérivés <strong>de</strong> L3’ partag<strong>en</strong>t les propriétés <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> L3. <strong>La</strong> seule<br />

différ<strong>en</strong>ce est qu’ils dénot<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>en</strong>tités nuisibles ou mauvaises. Dénommer<br />

celles-ci au moy<strong>en</strong> d’un diminutif, formé sur une propriété saillante, c’est<br />

faire comme si elles appart<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t à la sphère intime du locuteur alors même<br />

qu’il a toutes les raisons <strong>de</strong> s’<strong>en</strong> gar<strong>de</strong>r. D’où la lecture propitiatoire<br />

associée à ces dérivés. L’exemple canonique est celui <strong>de</strong> belette (< belle).<br />

Dans (Fradin, Hathout & Meunier 2003), nous avons considéré que riflette<br />

‘guerre’ (< rifle ‘fusil’) est une réactivation <strong>de</strong> ce schéma 39 . Oubliette s’y<br />

rattacherait aussi.<br />

A côté <strong>de</strong>s noms d’espèces naturelles, il semble exister quelques dérivés<br />

dénotant <strong>de</strong>s artefacts concrets non fonctionnels qui prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

l’interprétation précéd<strong>en</strong>te ‘familier au locuteur’ : singallette (étoffe<br />

fabriquée à Saint-Gall), barcelonnette (couverture <strong>de</strong> berceau), piquette (vin<br />

qui pique).<br />

Les dérivés L4 ont tous affaire au goût et à l’alim<strong>en</strong>tation. Certains sont<br />

anci<strong>en</strong>s et fortem<strong>en</strong>t marqués comme andouillette, rillettes, sanguette,<br />

tartiflette. D’autres sont réc<strong>en</strong>ts et dénot<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s alim<strong>en</strong>ts d’une variété<br />

nouvelle (gariguette, torsa<strong>de</strong>tte, macaronette) ou d’un apprêt nouveau<br />

(croquette, goujonnette, gigolette, jambonnette) et se veul<strong>en</strong>t cons<strong>en</strong>suels.<br />

L’apport sémantique du suffixe n’est pas facile à cerner. Pour le premier<br />

type, la dénomination diminutive pourrait viser à induire que ces produits<br />

sont <strong>de</strong>s alim<strong>en</strong>ts que le locuteur aime bi<strong>en</strong>, qu’ils ont ses préfér<strong>en</strong>ces, voire<br />

qu’ils l’id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t presque (socialem<strong>en</strong>t ou géographiquem<strong>en</strong>t). Pour le<br />

second, il <strong>en</strong> irait <strong>de</strong> même, à l’id<strong>en</strong>tification près. Qu’il s’agisse d’une<br />

dénomination commerciale n’<strong>en</strong>lève ri<strong>en</strong> au fait que c’est la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong><br />

-ET qu’on a choisie. Dans ces <strong>de</strong>ux cas, on joue sur le fait que le type<br />

d’alim<strong>en</strong>tation, et a fortiori <strong>de</strong> cuisine, fonctionne comme un id<strong>en</strong>tifiant<br />

culturel et social fort (<strong>La</strong>hlou 1998; Bourdieu 1979). Pour le <strong>de</strong>rnier cas,<br />

l’idée qu’il s’agit <strong>de</strong> mets <strong>en</strong> portions élaborés avec soin semble plus près <strong>de</strong><br />

l’information lexicale qui correspond<strong>en</strong>t exactem<strong>en</strong>t aux caractéristiques m<strong>en</strong>tionnées (voir<br />

le traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lapin et vache dans (Martin 2001 : 69, 77)). Ces informations sont souv<strong>en</strong>t<br />

du type <strong>de</strong> celles que (Pustejovsky 1995) met sous le quale ‘constitutif’.<br />

39 Riflette, attesté dans le corpus <strong>de</strong> Libération dans l’expression être bon pour la riflette<br />

‘être bon pour la guerre’, est rec<strong>en</strong>sé dans le TLF avec plusieurs exemples.<br />

26/06/2003 22


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

la réalité. Néanmoins, je propose <strong>de</strong> manière provisoire que l’effet <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s<br />

générique associé à L4 soit ‘le goût du référ<strong>en</strong>t est apprécié par le locuteur’.<br />

Les dérivés L5 sont <strong>de</strong>s hypocoristisques. C’est là une fonction anci<strong>en</strong>ne<br />

<strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET qui est toujours productive e.g. cochonnette, pépette,<br />

pulpinette. L’exam<strong>en</strong> <strong>de</strong>s corpus indique que les suffixes élargis par -oun-,<br />

et parfois -in-, t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à s’employer pour marquer la valeur hypocoristique<br />

pure e.g. bichounette, chatounette, pitchounette, scoopinet, zigounette. De<br />

cette façon, on évite la confusion avec les dérivés <strong>de</strong> type R1 e.g. bichette<br />

ou R3 cadrette, vampirette, punkette.<br />

Le tableau 3 résume les instructions sémantiques pour le second pôle. <strong>La</strong><br />

colonne Décl<strong>en</strong>cheur conti<strong>en</strong>t l’information héritée qui id<strong>en</strong>tifie la classe<br />

sémantique du lexème dérivé. C’est elle qui détermine l’information<br />

apportée par la <strong>suffixation</strong> (cf. §6.1).<br />

EXEMPLE DÉCLENCHEUR APPORT SÉMANTIQUE<br />

L1g serpette, objet-fonctionnel’•x maniable’•x<br />

L1v camionnette véhicule’•x manœuvrable’•x<br />

L1f chinchillette imitation-fourrure’•x abordable’•x<br />

L1h talonnette partie -vêtem<strong>en</strong>t’•x améliorer’•e•x•y ∧ vêtem<strong>en</strong>t’•y<br />

L2 baladurette mesure-adm’•x favoriser’•e•x•y ∧ mesure-adm•x<br />

L3 bergeronnette espèce-nat’•x dans’•x•y ∧ sphère-<strong>de</strong>-loc •y<br />

L4 rillettes alim<strong>en</strong>t’•y goût’•z•y ∧ apprécier’•e•x•z ∧ loc’•x<br />

L5 fripounette personne’•x avoir-affection-pour’•e•x•y<br />

6. Dérivations<br />

Tableau 5. Sémantique du pôle Locuteur<br />

Il est temps d’exposer comm<strong>en</strong>t s’opère la dérivation <strong>de</strong> quelques lexèmes<br />

<strong>en</strong> -ET. Seront prés<strong>en</strong>tés successivem<strong>en</strong>t les cas ayant recours aux Règles<br />

Morphologiques Lexicales (§6.1), aux Conditions Motivées Lexicalem<strong>en</strong>t<br />

(§6.2) et aux Infér<strong>en</strong>ces Lexicales Générales (§6.3). Les dérivés du pôle<br />

Référ<strong>en</strong>t mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> jeu le premier mécanisme, ceux du pôle Locuteur les<br />

<strong>de</strong>ux autres, exclusivem<strong>en</strong>t. Les cas <strong>de</strong>s lexèmes non construits avec surplus<br />

<strong>de</strong> s<strong>en</strong>s seront abordé <strong>en</strong>suite (§6.4).<br />

6.1. Dérivations par Règle Morphologique Lexicale<br />

J’illustrerai ce cas par trois <strong>de</strong>s patrons correspondant aux significations R1,<br />

R3 et R9 discriminées sous le pôle Référ<strong>en</strong>t. Chaque patron instancie le<br />

modèle <strong>de</strong> règle donné <strong>en</strong> (3). Celui <strong>de</strong> R1 ‘Petite dim<strong>en</strong>sion’ serait (9).<br />

(9) (G) X Xette<br />

(F) (…) (…εt)<br />

(SX) cat:n cat:n ∩ ger:fem<br />

(S) objet’•x 1 ∧ comptable’•x 1 (λx 2. inf•(<strong>de</strong>g•x 2•taille’)•<br />

(<strong>de</strong>g•x 1•taille’))<br />

Il met <strong>en</strong> relation un nom dénotant un objet comptable et un dérivé pr<strong>en</strong>ant<br />

ce <strong>de</strong>rnier pour base. Par défaut, on suppose qu’un objet donné a la taille<br />

normale moy<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> sa catégorie, soit : eq•(<strong>de</strong>g•x 1•taille’)•<strong>de</strong>g S<br />

26/06/2003 23


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

(voir note 23). Par transitivité, on <strong>en</strong> déduit que la taille <strong>de</strong> l’objet dénoté<br />

par le dérivé est inférieure à la taille moy<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>s référ<strong>en</strong>ts types dénotés<br />

par le N-base. Ce qui semble intuitivem<strong>en</strong>t correct cf. place / placette.<br />

Le second est celui <strong>de</strong> R3 ‘Sexuisemblance’. Ce patron établit une<br />

relation <strong>en</strong>tre un N masculin désignant un individu <strong>de</strong> sexe mâle à un N<br />

féminin désignant un individu <strong>de</strong> sexe femelle. Sans que cette contrainte soit<br />

absolue, il est préférable que le Nb se termine par une consonne (ancrée ou<br />

non).<br />

(10) (G) X Xette<br />

(F) (…C) (…εt)<br />

(SX) cat:n ∩ ger:mas cat:n ∩ ger:fem<br />

(S) animal’•x 1 ∧ mâle•x 1… animal’•x 1 ∧ femelle’•x 1…<br />

Sur le modèle <strong>de</strong> merle / merlette, ce patron peut produire °dauphinette,<br />

°cougouarette, °tamanoirette, etc. mais pas *?panthérette, *?busette,<br />

*?fouinette. Ces dénominations sont souv<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>ties comme hypocoristiques<br />

et convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t certes mieux à un livre d’histoires pour <strong>en</strong>fants qu’à un traité<br />

<strong>de</strong> zoologie. Dans le modèle proposé ici, le cumul d’interprétation qui <strong>en</strong><br />

résulte ne pose pas problème (voir §6.4).<br />

Le troisième patron est celui <strong>de</strong> R9. Il établit une relation <strong>en</strong>tre un verbe<br />

dénotant un événem<strong>en</strong>t processif (activité) et un nom dénotant le même type<br />

d’événem<strong>en</strong>t, mais dont les dim<strong>en</strong>sions (DMS) propres sont affaiblies par<br />

rapport à ce qu’elles sont normalem<strong>en</strong>t. Le mécanisme est parallèle à (9).<br />

(11) (G) X Xette<br />

(F) (…) (…εt)<br />

(SX) cat:v cat:n ∩ ger:fem<br />

(S) V’•e 1•x 1 (λDMS. λx 2. (V•e 2•x… ∀DMS.<br />

inf•(<strong>de</strong>g•x 2•DMS)•(<strong>de</strong>g•x 1•DMS))<br />

On suppose que les dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> chaque événem<strong>en</strong>t (amplitu<strong>de</strong>, int<strong>en</strong>sité,<br />

durée, etc.) ont par défaut le <strong>de</strong>gré standard (∀DMS. eq•(<strong>de</strong>g•x 1•DMS)•<br />

<strong>de</strong>g S). Ceci permet d’inférer que les noms dérivés <strong>en</strong> question dénot<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

événem<strong>en</strong>ts dont les dim<strong>en</strong>sions sont diminuées par rapport à la normale cf.<br />

causette, trempette.<br />

Au plan sémantique, les RML exprim<strong>en</strong>t tout ce qu’il y a à dire <strong>de</strong> la<br />

corrélation <strong>en</strong>tre base et dérivé : elles spécifi<strong>en</strong>t l’apport sémantique corrélé<br />

au suffixe, elles énonc<strong>en</strong>t quel est le li<strong>en</strong> sémantique <strong>en</strong>tre base et dérivé. De<br />

ce point <strong>de</strong> vue, les dérivations qui les mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> jeu sont d’un type<br />

classique <strong>en</strong> morphologie.<br />

6.2. Dérivations par Condition Motivée Lexicalem<strong>en</strong>t<br />

Pour le pôle Locuteur, l’apport sémantique apporté par la <strong>suffixation</strong> ne se<br />

fait pas par les mécanismes qui établiss<strong>en</strong>t la relation <strong>en</strong>tre base et dérivé<br />

(quand elle existe). Les premiers sont les Conditions Motivées<br />

Lexicalem<strong>en</strong>t, les seconds les Conditions Lexicales Générales. Mais<br />

contrairem<strong>en</strong>t aux fonctions précéd<strong>en</strong>tes, les CML sont c<strong>en</strong>trées sur le<br />

dérivé. Ce qui décl<strong>en</strong>che l’interprétation évaluative propre au pôle Locuteur,<br />

26/06/2003 24


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

ce n’est pas l’information portée par le lexème-base mais le type sémantique<br />

du référ<strong>en</strong>t du N-dérivé. Ce type sémantique (e.g. objet-fonctionnel’,<br />

véhicule’, plante’, etc.) est inférable à partir <strong>de</strong> la catégorie sémantique du<br />

référ<strong>en</strong>t du N-dérivé. Ce qui se passe se représ<strong>en</strong>te adéquatem<strong>en</strong>t si on<br />

adopte un modèle hiérarchique du lexique. L’idée à la base du lexique<br />

hiérarchique 40 est que « les propriétés <strong>de</strong>s items lexicaux peuv<strong>en</strong>t être<br />

factorisées <strong>en</strong> diverses classes générales, qui sont chacun définies par les<br />

attributs communs à leurs membres » (Ko<strong>en</strong>ig 1999 : 13). On cherche à<br />

minimiser la redondance. L’item lexical ne conti<strong>en</strong>t que les informations<br />

idiosycrasiques ; toutes les autres sont inférées à partir <strong>de</strong>s classes<br />

auxquelles apparti<strong>en</strong>t l’item <strong>en</strong> question. Chaque item apparti<strong>en</strong>t à plusieurs<br />

classes et hérite <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong> chacune. A chaque classe sont associées<br />

<strong>de</strong>s propriétés par défaut (‘pr<strong>en</strong>d un DET’ pour les N, ‘y tel que<br />

fabriquer’•e•x•y’ pour les artefacts, etc.). Les classes sont arrangées <strong>en</strong> un<br />

réseau hiérarchisé dans lequel les classes particulières hérit<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

l’information attachée aux classes les plus générales. <strong>La</strong> figure 3 donne une<br />

représ<strong>en</strong>tation partielle <strong>de</strong>s hiérarchies lexicales incluant les types ‘moy<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong> transport’, ‘vêtem<strong>en</strong>t’, ‘outil’, qui hérit<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong> plusieurs<br />

dim<strong>en</strong>sions (trois sont m<strong>en</strong>tionnées ici). A chacun <strong>de</strong> ces types sont<br />

associées <strong>de</strong>s informations caractéristiques, souv<strong>en</strong>t définitoires, dont (12)<br />

fournit quelques exemples.<br />

Origine<br />

Espèce-nat.<br />

Artefact Substance Objet<br />

… Artefact-fct … … …<br />

Vêtem<strong>en</strong>t<br />

Constitution<br />

Moy<strong>en</strong>-<strong>de</strong>transport<br />

Figure 3<br />

(12) a Moy<strong>en</strong>-<strong>de</strong>-transport : (λx 3. transporter’•e•x 1•x 2•(avec’•x 3))<br />

b Outil: (λx 3. agir-sur’•e•x 1•x 2•(au-moy<strong>en</strong>-<strong>de</strong>’•x 3))<br />

c Vêtem<strong>en</strong>t: (λx 3. habiller’•e•x 1•x 2•(avec’•x 3))<br />

Le type ‘Outil’ est proche <strong>de</strong> la propriété associée aux ‘Artefacts<br />

fonctionnels’, qui serait quelque chose comme (13), où V’ est la RS d’un<br />

verbe ag<strong>en</strong>tif.<br />

(13) (λV’. λx 3. V’•e•x 1•x 2•(au-moy<strong>en</strong>-<strong>de</strong>’•x 3))<br />

40 Sur le lexique hiérarchique voir (Pollard & Sag 1987; Davis 2001). Cette conception du<br />

lexique se retrouve chez (Pustejovsky 1995), qui a un cadre différ<strong>en</strong>t.<br />

26/06/2003 25<br />

Outil<br />

Nature<br />

Concret<br />

Abstrait


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

A titre d’illustration, la CML mise <strong>en</strong> jeu par (12a)(dérivés L1g) pourrait<br />

s’écrire comme (14) 41 :<br />

(14) (G) Xette<br />

(F) (…εt)<br />

(SX) cat:n ∩ ger:fem<br />

(S) (moy<strong>en</strong>-transport’•x 1 ∧ manœuvrer’•e•x 1•x 2 ∧ facile’•e)<br />

(14) est une condition sur les représ<strong>en</strong>tations. Elle énonce que les dérivés <strong>en</strong><br />

-ette qui dénot<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> transport porteront aussi l’information<br />

qu’ils sont faciles à manœuvrer (conduire, etc.). <strong>La</strong> propriété ‘moy<strong>en</strong>-<strong>de</strong>transport’•x’<br />

étant associée à un type <strong>de</strong> N, tous les N <strong>en</strong> -ET héritant <strong>de</strong> ce<br />

type auront cette information. Parallèlem<strong>en</strong>t, les dérivés <strong>de</strong> L3 qui dénot<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>s animaux ou <strong>de</strong>s plantes serai<strong>en</strong>t sous le coup <strong>de</strong> la condition (15) 42 :<br />

(15) XET<br />

{$1 (…εt) / (…ε)}<br />

cat:n ∩ {$1 ger:fem ∪ ger:mas}<br />

(espèce-nat’•x 1 ∧ inclus-dans’•x 1•x 2 ∧ sphère-<strong>de</strong>’•x 3•x 2 ∧<br />

locuteur’•x 3)<br />

Ces conditions conjoign<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s exig<strong>en</strong>ces qui sont <strong>de</strong>s informations héritées<br />

par le type du N et d’autres qui provi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET. Elles<br />

énonc<strong>en</strong>t qu’il existe <strong>de</strong>s signes bi<strong>en</strong> formés du français qui se termin<strong>en</strong>t<br />

phonologiquem<strong>en</strong>t par /εt/ et qui ont telle ou telle propriété sémantique. Non<br />

seulem<strong>en</strong>t ce résultat est atteint sans faire interv<strong>en</strong>ir la notion <strong>de</strong> morphème,<br />

mais on ne voit pas comm<strong>en</strong>t on pourrait l’atteindre si on l’avait 43 .<br />

6.3. Les Infér<strong>en</strong>ces Lexicales Générales<br />

Pour le pôle locuteur, la corrélation sémantique <strong>en</strong>tre le lexème-base et le<br />

lexème dérivé, quand elle existe, doit être établie indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

l’information apportée par la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET. Je fais l’hypothèse qu’elle<br />

l’est par un mécanisme d’infér<strong>en</strong>ce général qui fonctionne par défaut. <strong>La</strong><br />

condition nécessaire pour que la relation s’établisse est que le lexème dérivé<br />

soit analysable : la partie qui reste quand on a retranché le suffixe doit<br />

correspondre à la rubrique phonologique d’un lexème existant, que je<br />

nommerai aussi lexème-base (ou à un <strong>de</strong> ses thèmes supplétifs). Le<br />

mécanisme <strong>en</strong> question tire parti <strong>de</strong>s informations prés<strong>en</strong>tes dans la RS du<br />

lexème dérivé, ou inférables à partir <strong>de</strong> son type sémantique, et<br />

d’informations prés<strong>en</strong>tes dans la RS du lexème-base. Il s’agit <strong>de</strong> trouver un<br />

signe qui combine optimalem<strong>en</strong>t ces informations. Supposons que les<br />

dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription (16) soi<strong>en</strong>t associées aux types Espèce-naturelle<br />

41 Parallèlem<strong>en</strong>t à ‘facile à manœuvrer’ on peut avoir ‘simple à utiliser’ ou ‘bi<strong>en</strong> adapter à<br />

son usage’. Pour les outils, l’apport d’information serait ‘facile à manier’.<br />

42 <strong>La</strong> notation est adaptée <strong>de</strong> (Krieger & Nerbonne 1993 : 105) et indique que les élém<strong>en</strong>ts<br />

<strong>de</strong>s disjonctions $n portant le même numéro sont appariés suivant l’ordre <strong>de</strong> la liste.<br />

43 Outre la multiplication <strong>de</strong>s morphèmes homonymes pour -ET, l’approche morphématique<br />

aurait à faire face à tous les problèmes évoqués au §1.2.<br />

26/06/2003 26


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

(esp-nat) et Artefact concret (artfct-c) et les dim<strong>en</strong>sions (17) aux sous-types<br />

Animal et Plante :<br />

(16) esp-nat artfct-c<br />

COULEUR MATIÈRE<br />

TAILLE PROVENANCE Ngéographique<br />

FORME FORME<br />

ODEUR<br />

HABITAT<br />

(17) animal plante<br />

BRUIT SAVEUR<br />

NOURRITURE SAISON<br />

Ces dim<strong>en</strong>sions sont les propriétés caractéristiques m<strong>en</strong>tionnées au §2.6.<br />

Animal et Plante hérit<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s dim<strong>en</strong>sions du type esp-nat puisqu’ils sont <strong>de</strong>s<br />

sous-types <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier. Ces dim<strong>en</strong>sions fonctionn<strong>en</strong>t comme <strong>de</strong>s attributs<br />

dont les valeurs sont <strong>de</strong>s RS d’adjectifs (rouge, bleu… ; fauve, bas), <strong>de</strong><br />

noms (Pâques, berge, lin…), <strong>de</strong> verbes (piquer…). Voyons quelques<br />

exemples. Supposons que la représ<strong>en</strong>tation partielle <strong>de</strong> bleuet soit (18).<br />

(18) bleuet<br />

(bløε)<br />

cat:n ∩ ger:mas<br />

(λx 1. fleur’•x 1 ∧ inclus-dans’•x 1•x 2 ∧ sphère-<strong>de</strong>-loc’•x 2 ∧<br />

(eq•(val• x 1•couleur’)•bleu’)<br />

Les prédicats ‘inclus-dans’•x 1•x 2 ∧ sphère-<strong>de</strong>-loc’•x 2’ sont corrélés à la<br />

<strong>suffixation</strong> par -ET (type L3). Le dérivé dénotant une fleur, il hérite<br />

pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s attributs associés aux espèces naturelles. Dans le cas<br />

prés<strong>en</strong>t, la sous-formule ‘(eq•(val• x 1•couleur’)•bleu’’ <strong>de</strong> (18) note que la<br />

propriété <strong>en</strong> jeu est la couleur. Cette formule assure la corrélation<br />

sémantique <strong>en</strong>tre le nom bleu, dont la représ<strong>en</strong>tation lexicale partielle est<br />

(19), et bleuet par le fait que bleu instancie la variable dont le type est<br />

‘couleur’ dans la RS <strong>de</strong> bleuet 44 .<br />

(19) bleu<br />

(blø)<br />

cat: a<br />

bleu’ <br />

(18) dit que le bleuet est une fleur dont la couleur est bleue. Mais cette<br />

assertion n’a ri<strong>en</strong> à voir avec l’apport sémantique <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong>.<br />

Soit maint<strong>en</strong>ant f<strong>en</strong>ouillette, qui désigne un type <strong>de</strong> pomme (Corbin &<br />

Temple 1994). Le f<strong>en</strong>ouil étant une plante, le N f<strong>en</strong>ouil hérite <strong>de</strong>s<br />

44 Dans le formalisme employé ici, l’information héritée par fleur apparaît sous la forme (a)<br />

(λw. λx 1. (eq•(val• x 1•couleur’)•w ∧ fleur’•x 1). Bleu’ remplace la variable w. Dans un<br />

formalisme <strong>de</strong> traits typés, bleu’ instancierait la valeur du trait ‘couleur’ dans la sémantique<br />

<strong>de</strong> bleuet. En Grammaire cognitive, cette opération serait un cas <strong>de</strong> conflu<strong>en</strong>ce (bl<strong>en</strong>ding)<br />

(Fauconnier & Turner 1997).<br />

26/06/2003 27


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

dim<strong>en</strong>sions <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription associables aux plantes. Pour le f<strong>en</strong>ouil, les<br />

dim<strong>en</strong>sions <strong>en</strong> jeu sont la saveur et l’o<strong>de</strong>ur. Elles prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t une valeur qui<br />

est caractéristique <strong>de</strong> la plante <strong>en</strong> question et qui fait partie <strong>de</strong> ses propriétés<br />

stéréotypiques 45 . Ces valeurs sont dénommées dans la langue par les<br />

syntagmes ‘o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> N’, ‘saveur <strong>de</strong> N’ (abrégés <strong>en</strong> ‘odN’ et ‘sdN’). Ainsi,<br />

(20a) dit ‘le f<strong>en</strong>ouil a une o<strong>de</strong>ur caractéristique <strong>de</strong> f<strong>en</strong>ouil’, ce qui construit<br />

odf<strong>en</strong>ouil’ comme un cont<strong>en</strong>u <strong>de</strong> la RS du lexème FENOUIL.<br />

(20) a eq•(val•y•o<strong>de</strong>ur’)•odf<strong>en</strong>ouil’ ∧ f<strong>en</strong>ouil’•y<br />

b eq•(val•y•saveur’)•sdf<strong>en</strong>ouil’ ∧ f<strong>en</strong>ouil’•y<br />

En tant que fruit d’une plante, le type pomme hérite égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

dim<strong>en</strong>sions ‘o<strong>de</strong>ur’, ‘saveur’, ‘couleur’, etc. Dans le cas <strong>de</strong> f<strong>en</strong>ouillette,<br />

c’est l’o<strong>de</strong>ur qui est pertin<strong>en</strong>te, ce qui se traduit par la prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> (20a)<br />

dans la RS <strong>de</strong> ce dérivé.<br />

(21) f<strong>en</strong>ouillette<br />

(fe<br />

n u jε t )<br />

cat:n ∩ ger:fem<br />

(λx 1. pomme’•x 1 ∧ inclusdans’•x<br />

1•x 2 ∧ sphère-<strong>de</strong>-loc’•x 2 ∧<br />

(eq•(val• x 1•o<strong>de</strong>ur’)•odf<strong>en</strong>ouil’)<br />

Comme précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t, (20a) peut être vu comme résultant <strong>de</strong> l’application<br />

<strong>de</strong> la fonction (λw. λx 1. eq•(val•x 1•o<strong>de</strong>ur’)•w ), héritée <strong>de</strong> (16) par<br />

f<strong>en</strong>ouillette, à odf<strong>en</strong>ouil’ . Il existe <strong>de</strong>s cas plus complexes que ceux que<br />

je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> prés<strong>en</strong>ter, tel herminette 4, où il s’agit <strong>de</strong> mettre <strong>en</strong> relation un<br />

outil et la partie caractéristique d’un animal.<br />

Comme le laisse prévoir (16b), <strong>de</strong>s corrélations lexicales fondées sur <strong>de</strong>s<br />

dim<strong>en</strong>sions pot<strong>en</strong>tielles héritées du type sémantique du référ<strong>en</strong>t se<br />

r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t aussi pour les artefacts, qu’ils soi<strong>en</strong>t fonctionnels ou non :<br />

— prov<strong>en</strong>ance 46 : baïonnette, singallette (étoffe fabriquée à Saint-Gall),<br />

espagnolette (type <strong>de</strong> crémone dont l’origine vi<strong>en</strong>t d’Espagne),<br />

barcelonnette (couverture <strong>de</strong> berceau fabriquée à Barcelone).<br />

— forme : cornette (coiffe <strong>de</strong> religieuse), ch<strong>en</strong>et, palmette (ornem<strong>en</strong>t<br />

architectural), lancette (<strong>en</strong> architecture), vannette (coquillage <strong>en</strong> forme <strong>de</strong><br />

van), m<strong>en</strong>tonnet (t<strong>en</strong>on d’arrêt faisant saillie comme un m<strong>en</strong>ton), robinet<br />

(Robin, surnom du mouton ; les premiers robinets figurai<strong>en</strong>t une tête <strong>de</strong><br />

mouton), becquet, fourchette, épinglette, lunette, herminette 4.<br />

— saveur : piquette (vin qui pique).<br />

— nombre : doublette, quadrette (aux boules, équipe <strong>de</strong> 2, 4 joueurs).<br />

De plus, la définition même du type artefact r<strong>en</strong>d disponible comme source<br />

<strong>de</strong> relation l’ag<strong>en</strong>t à l’origine <strong>de</strong> l’artefact (quale origine chez Pustejovsky).<br />

C’est ce qui se passe avec munitionnette (femme travaillant dans une usine<br />

d’armem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant la guerre <strong>de</strong> 14-18).<br />

45 Le stéréotype est une croyance, vraie ou fausse, socialem<strong>en</strong>t partagée (Putnam 1975). Il<br />

ne doit pas être confondu avec le prototype.<br />

46 Cette dim<strong>en</strong>sion est parfois active pour les animaux e.g. guinette (< Guinée) ‘pinta<strong>de</strong>’.<br />

26/06/2003 28


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

Je terminerai par trois exemples où la relation s’établit au moy<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

verbes. Le premier est celui d’épaulette (même chose avec cuissette ou<br />

talonnette). Je supposerai que les parties <strong>de</strong> vêtem<strong>en</strong>t sont associées par<br />

défaut à la partie du corps avec laquelle elles sont <strong>en</strong> contact. Cette<br />

information est représ<strong>en</strong>tée sous (22). Quant à l’information apportée par le<br />

épaule, elle figure sous (23) :<br />

(22) (λx 1. partie’x 1•x 2 ∧ vêtem<strong>en</strong>t’•x 2 ∧ <strong>en</strong>-contact’•x 1•x 3 ∧ pdcorps’•x 3)<br />

(23) épaule’•x 1 ∧ pdcorps’•x 1<br />

<strong>La</strong> relation sémantique <strong>en</strong>tre le dérivé et le Nb repose sur le fait que épaule’<br />

spécifie la valeur <strong>de</strong> x 3 : l’épaulette est une partie <strong>de</strong> vêtem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> contact<br />

avec (ou situé sur) l’épaule. L’apport sémantique du suffixe vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sus, ce<br />

qui donne (24) :<br />

(24) épaulette<br />

(epolεt)<br />

cat:n ∩ ger:fem<br />

(λx 1. partie’x 1•x 2 ∧ vêtem<strong>en</strong>t’•x 2 ∧ <strong>en</strong>contact’•x<br />

1•x 3 ∧ pdcorps’•x 3 ∧ épaule’•x 3 ∧<br />

améliorer’•x 1•x 2)<br />

Le cas <strong>de</strong> carrelette est assez proche du précéd<strong>en</strong>t. Le fait que ce mot dénote<br />

un outil permet <strong>de</strong> récupérer l’information (13), la représ<strong>en</strong>tation<br />

sémantique associée au type Artefact-fonctionnel. Ici aussi, le Nb spécifie la<br />

valeur d’une variable, ce qui aboutit à la représ<strong>en</strong>tation schématique (25),<br />

qui intègre aussi l’apport propre au type L1g, noté ici ‘facile’•e’ (ç’aurait pu<br />

être ‘manier’•e 2•x 1•x 3 ∧ facile’•e 2’).<br />

(25) (λx 3. découper’•e 1•x 1•x 2•(au-moy<strong>en</strong>-<strong>de</strong>•x 3) ∧ outil’•x 3 ∧ carreau’•x 2<br />

∧ humain’•x 1 ∧ facile’•e 1)<br />

Enfin, pour <strong>de</strong>s dérivés comme calculette, pipette, raclette, lavette, arielette,<br />

etc., la mise <strong>en</strong> relation du dérivé et du lexème-base s’opère directem<strong>en</strong>t<br />

puisque le verbe-base instancie le verbe mis <strong>en</strong> jeu dans (13). Ainsi, la RS<br />

<strong>de</strong> calculette pourrait être (26).<br />

(26) (λx 3. calculer’•e 1•x 1•x 2•(au-moy<strong>en</strong>-<strong>de</strong>•x 3) ∧ outil’•x 3 ∧ humain’•x 1 ∧<br />

facile’•e 1)<br />

Dans <strong>de</strong>s cas comme ch<strong>en</strong>illette, au contraire, le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre le dérivé et le<br />

lexème base sera plus compliqué à établir, car les ch<strong>en</strong>illes sont une partie<br />

fonctionnelle du référ<strong>en</strong>t du dérivé.<br />

Le mécanisme <strong>de</strong>s ILG peut paraître ad hoc car trop peu contraint. On<br />

peut objecter au contraire qu’un mécanisme id<strong>en</strong>tique est à l’œuvre dans<br />

l’établissem<strong>en</strong>t du li<strong>en</strong> sémantique <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux lexèmes <strong>de</strong>s composés<br />

N1N2. Par exemple, le fait qu’on interprète requin-marteau comme un<br />

poisson qui a la forme d’un marteau (et non comme un requin qui martèle),<br />

alors qu’on interprète voiture-balai comme une voiture qui ramasse les<br />

éclopés (et non comme une voiture qui a la forme d’un balai) requiert <strong>de</strong>s<br />

26/06/2003 29


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

procédés voisins <strong>de</strong> ceux qu’on a mis <strong>en</strong> lumière pour -ET. Dans les <strong>de</strong>ux<br />

cas, le mécanisme morphologique ne fournit pas une interprétation précise<br />

(comme le font les RML) mais délimite les possibles d’une telle<br />

interprétation, qui s’élabore à partir <strong>de</strong> procédés d’héritage et d’infér<strong>en</strong>ce<br />

très généraux, dont le fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t est cognitif (voir (Downing 1977) et aussi<br />

(Sweetser 1999)).<br />

6.4. Cas avec surplus d’interprétation<br />

En français contemporain, alouette est au mieux un lexème construit<br />

opaque, au pire un lexème non construit. A ce titre, il n’est pas possible <strong>de</strong><br />

lui associer une interprétation construite au moy<strong>en</strong> d’une RML du pôle<br />

référ<strong>en</strong>t. Seule l’information ‘dans la sphère du locuteur’ (L3) inférable à<br />

partir <strong>de</strong> la Condition Motivée Lexicalem<strong>en</strong>t associé aux animaux est<br />

imputable aux mécanismes morphologiques. Néanmoins, si l’on estime que<br />

la sémantique <strong>de</strong> ce lexème comporte l’information ‘petit X’ et que celle-ci<br />

a partie liée avec le suffixe -ette, il faut trouver un moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre compte<br />

<strong>de</strong> cet effet <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s. L’hypothèse que je ferai est qu’une variante <strong>de</strong> la RML<br />

qui donne R1 <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> jeu. Au lieu du patron (27a) (voir tableau 2), on aurait<br />

(27b) où odr S désigne l’objet <strong>de</strong> référ<strong>en</strong>ce standard :<br />

(27) a inf•(<strong>de</strong>g•x 2•taille’)•(<strong>de</strong>g•x 1•taille’)<br />

b inf•(<strong>de</strong>g•x 2•taille’)•odr S<br />

Dans tous ces cas, l’objet <strong>de</strong> référ<strong>en</strong>ce standard constitue le type sémantique<br />

du référ<strong>en</strong>t du dérivé, <strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce oiseau’. L’interprétation produite par<br />

le biais <strong>de</strong> (27b) est ‘oiseau d’une taille plus petite que la taille standard<br />

pour un oiseau’, c’est-à-dire petit oiseau, ce qui paraît conforme à<br />

l’intuition. Le mécanisme sémantique invoqué opère donc par généralisation<br />

<strong>de</strong> l’instance au type.<br />

7. Conclusion<br />

Le tableau 6 offre une vue synthétique du traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET<br />

proposé dans cet article.<br />

RML CML ILG<br />

serpe serpette oui, R1 oui, L1g<br />

montagne montagnette oui, R1<br />

merle merlette oui, R3<br />

bleu bleuet oui, L3 oui<br />

carreau carrelette oui, L1g oui<br />

calculer calculette oui, L1g oui<br />

– baguette oui, L1g<br />

– alouette R1 ét<strong>en</strong>due oui, L3<br />

Tableau 6. Exemples <strong>de</strong> traitem<strong>en</strong>t<br />

Du point <strong>de</strong> vue sémantique, serpette cumule les effets <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s R1 et L1g<br />

parce que son interprétation se construit à la fois par une RML et par l’CML<br />

26/06/2003 30


Suffixation <strong>en</strong> -ette<br />

associée aux artefacts fonctionnels. Montagnette n’a que l’interprétation R1<br />

et merlette celle <strong>de</strong> R3 car seule la RML correspondante opère. Bleuet n’a<br />

que l’interprétation L3, et baguette, carrelette, calculette que l’interprétation<br />

L1g parce que leur sémantique est construite uniquem<strong>en</strong>t par CML. Mais à<br />

la différ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s autres items <strong>de</strong> la série, baguette n’est pas construit<br />

(emprunt à l’itali<strong>en</strong>). Il <strong>en</strong> va <strong>de</strong> même d’alouette, qui parvi<strong>en</strong>t tout <strong>de</strong><br />

même à avoir l’interprétation R1 par généralisation, <strong>en</strong> sus <strong>de</strong><br />

l’interprétation L3. Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la forme, la relation <strong>en</strong>tre la base et<br />

le dérivé est assurée soit par une RML (dérivation classique), soit par une<br />

ILG, les <strong>de</strong>ux mécanismes s’excluant l’un l’autre. Les formes non<br />

construites ne connaiss<strong>en</strong>t évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t aucune <strong>de</strong> ces possibilités, ce qui ne<br />

les empêche pas d’avoir un effet interprétatif lié à la prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> -ET.<br />

Les principaux points qui fond<strong>en</strong>t ce traitem<strong>en</strong>t sont les suivants :<br />

1. <strong>La</strong> <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET du français est organisée autour <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pôles, un<br />

pôle Référ<strong>en</strong>t et un pôle Locuteur.<br />

2. Les li<strong>en</strong>s sémantiques <strong>en</strong>tre ces pôles et <strong>en</strong>tre les types qu’ils mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

jeu sont du ressort <strong>de</strong> Modèles Cognitifs Idéalisés.<br />

3. Seuls les dérivés relevant du pôle Référ<strong>en</strong>t sont construits au moy<strong>en</strong><br />

d’une Règle Morphologique Lexicale classique, qui associe <strong>de</strong> manière<br />

étroite construction <strong>de</strong> la forme et opération sémantique. Pour les dérivés du<br />

pôle Locuteur, <strong>en</strong> revanche, la mise <strong>en</strong> relation du lexème-base et du<br />

lexème-dérivé est découplée <strong>de</strong> l’apport sémantique propre au suffixe. Le<br />

cont<strong>en</strong>u <strong>de</strong> cet apport dép<strong>en</strong>d du type sémantique du référ<strong>en</strong>t du N dérivé.<br />

<strong>La</strong> relation formelle et sémantique, <strong>en</strong> revanche, met <strong>en</strong> jeu <strong>de</strong>s mécanismes<br />

généraux qu’on retrouve à l’œuvre dans les procédés <strong>de</strong> composition<br />

morphologique.<br />

4. Concernant le pôle Locuteur, cette analyse conduit à supposer que la<br />

<strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET n’opère pas sur le cont<strong>en</strong>u sémantique <strong>de</strong> la base pour<br />

construire conceptuellem<strong>en</strong>t une nouvelle signification, comme cela se<br />

passe dans la dérivation ordinaire (CHER > CHERTÉ, LOCAL > LOCALISER ><br />

DÉLOCALISER > DÉLOCALISATION, etc.), mais se borne à mettre <strong>en</strong> avant une<br />

caractéristique du référ<strong>en</strong>t du dérivé. Il n’y a pas élaboration d’un concept<br />

mais création d’une dénomination.<br />

5. Le traitem<strong>en</strong>t proposé r<strong>en</strong>d compte <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong> la <strong>suffixation</strong> <strong>en</strong> -ET<br />

d’une manière plus satisfaisante que les précéd<strong>en</strong>ts, même si beaucoup <strong>de</strong><br />

questions rest<strong>en</strong>t à régler. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu’on adopte un modèle hiérarchique<br />

du lexique. Il ne fait pas usage <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> morphème. Celle-ci serait<br />

même un obstacle pour tous les faits relevant du pôle Locuteur.<br />

Remerciem<strong>en</strong>ts<br />

Une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s données et pas mal <strong>de</strong>s idées prés<strong>en</strong>tées dans cet<br />

article ont été discutées avec Nabil Hathout et Fanny Meunier au cours du<br />

travail <strong>en</strong> commun que nous avons m<strong>en</strong>é sur -ET. Une première version <strong>de</strong><br />

ce texte a bénéficié <strong>de</strong>s remarques et comm<strong>en</strong>taires <strong>de</strong> Georgette Dal,<br />

Françoise Kerleroux, Yannick Mathieu et Marc Plénat.<br />

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