Liaisons 85 (format PDF - 5,12 Mo ) - Préfecture de Police de Paris ...

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© Florence Durand / Sipa Vous êtes aujourd’hui la seule femme démineur de France, un métier que vous exercez au service du déminage du Laboratoire Central de la Préfecture de Police. Comment êtes-vous parvenue à ce poste ? Ma passion pour le secteur des explosifs remonte à 1997, alors que j’occupais un poste de technicienne au Laboratoire Central où j’étais chargée de rechercher des traces d’explosifs sur les lieux d’attentats. Titulaire d’une licence de biochimie, j’étais captivée par l’analyse de ces substances. Après avoir occupé plusieurs autres fonctions en police technique et scientifique, je suis revenue à métier Delphine Gallet, femme démineur la passion du terrain Captivée par le secteur des explosifs, Delphine Gallet est la seule femme à exercer le métier de démineur en France. cette première passion et me suis intéressée au métier de démineur en découvrant que le concours était ouvert aux femmes. Aucune, jusque-là, ne s’y était jamais présentée. Après le concours, j’ai intégré le service du déminage du Laboratoire Central, en novembre 2003. En quoi consistent vos missions ? Essentiellement en interventions sur des colis abandonnés dans des lieux publics : métro, jardins publics… La manœuvre consiste toujours à démanteler un éventuel engin explosif dissimulé dans le colis, de manière à le neutraliser. Lorsque nous arrivons sur les lieux suite à un appel des forces de police, nous essayons d’obtenir le maximum de renseignements sur les circonstances de la découverte de l’objet suspect afin d’utiliser la méthode la plus adéquate : usage du robot, ouverture du sac suspect à distance à l’aide d’un explosif pour voir ce qu’il contient, etc. N’avez-vous jamais peur ? Je ne pense pas au danger. En posant le dispositif de neutralisation, je suis très concentrée tout en veillant à ce que personne n’entre à l’intérieur du périmètre de sécurité mis en place par la police autour du colis. Nous respectons toutes les consignes de prudence. De plus, nous nous entraînons souvent en prévision de situations dangereuses. Quel est le rythme de vos interventions ? Il n’y a pas de règle, c’est une affaire de circonstances. Après la psychose liée à l’attentat de Madrid du 11 mars 2004, nous avions plus de 20 interventions par jour. En période calme, il y en a 4 ou 5. Mais nous avons d’autres missions, comme les visites de sécurité sur les lieux où doivent se rendre des personnalités de haut rang. On vérifie qu’il n’y ait pas d’engin ou de bombe dissimulé sur place avec l’aide des chiens de l’Unité cynophile de la Direction de la Police Urbaine de Proximité ( PP) spécialisés dans la détection d’explosifs. Nous procédons aussi à des enlèvements de munitions - obus, bombes - trouvés parfois par des ouvriers sur des chantiers ou entreposés comme « souvenirs » de guerre dans des greniers de particuliers. Nous menons également des perquisitions avec la Brigade de Recherche et d’Intervention pour récupérer des armes dangereuses - grenades, lance-roquettes - dans le cadre d’affaires de grand banditisme. N’est-ce pas difficile d’être une femme dans un milieu totalement masculin ? Au départ, on vous attend « au tournant ». J’avais quelques appréhensions, mais j’ai été agréablement surprise par l’accueil qui m’a été réservé. Où vous voyez-vous dans quelques années ? Dans le même service. J’aime être toujours sur le terrain, au contact des particuliers, des services de police, et j’ai le privilège de pénétrer dans des lieux auxquels je n’aurais pas accès si je n’étais pas tenue d’y effectuer des visites de sécurité. J’ai vraiment trouvé ma voie. 16 liaisons n°85 / avril - mai - juin 2005
La vie à tout prix En ce 20 novembre 2004, à 20h20, Michel Favoulet, Agent de Surveillance de Paris au sein des Compagnies centrales de circulation de la PP, attend sur le quai de la station Gare de Lyon le RER qui doit le ramener chez lui. Soudain, un homme descend sur la voie, s’acheminant vers un tunnel. “En dix secondes, je réalise que cet homme va forcément se faire écraser ou se faire aspirer par la vitesse d’un train, tandis que je vois mon RER approcher dans son dos. Dans un réflexe, je sors ma carte de service et l’agite désespérément devant le conducteur, qui stoppe la rame aussi rapidement qu’il le peut”, raconte-t-il ; “Je lui explique qu’un homme vient de s’engouffrer dans le tunnel devant nous et qu’il faut à tout prix aller le récupérer. Je monte alors dans la rame et nous décidons de le rejoindre à toute petite vitesse. Une fois l’homme repéré, je descends sur la voie, l’interpelle en douceur et le fais monter dans le train avec l’aide du conducteur”. L’homme, qui avait voulu se suicider, est pris en charge par les forces de police à la station suivante. “Je suis fier d’avoir sauvé cet homme”, souligne Jean-Michel Favoulet, “Car même si la vie est difficile - et je peux en témoigner en tant qu’enfant de la DDASS - elle doit être préservée à tout prix. C’est d’ailleurs pour porter assistance aux autres que j’ai choisi d’exercer ce métier, sous quelque facette que ce soit, y compris pour fluidifier la circulation et éviter les bouchons aux automobilistes, ce qui constitue ma fonction de base. Ce fait a tranches de vie Drames et actes héroïques Ils sont policiers ou agents de surveillance de Paris. Au cœur de la vie urbaine et de ses drames, ils vivent des moments forts. Témoignages. liaisons n°85 / avril - mai - juin 2005 renforcé ma conviction que nous devons, en tant que forces de police, être constamment en alerte”. Des questions obsédantes 1996. La brigade criminelle se rend sur une scène de crime, dans un pavillon de Sceaux. Au rez-de-chaussée, Michel Vielfaure, à l’époque enquêteur, et ses collègues découvrent un petit garçon mort, recroquevillé dans son lit. Au bout d’un escalier en colimaçon, sa mère est retrouvée pendue. Près d’elle gît un deuxième petit garçon, une corde autour du cou, une couverture posée sur lui comme pour lui éviter d’attraper froid. Un peu plus loin, dans la chambre des parents, le père est également retrouvé mort. L’enquête montrera que c’est la mère qui a tué les siens. “Dans cette affaire, plusieurs faits m’interpellent toujours, plusieurs années après”, confie Michel Vielfaure, aujourd’hui commandant chef de groupe à la brigade criminelle ; “Il y a évidemment l’horrible découverte de ces enfants. Ensuite, ce geste de la couverture jetée par la mère sur son fils mort ou appelé à mourir, ce sursaut d’instinct maternel, m’a troublé. Il évoquait le rôle protecteur d’une mère qui a pourtant ôté la vie à ses propres enfants. Elle a aussi décimé toute sa famille et par cet acte s’est attaquée à cette notion si importante de noyau familial. Autre grande question : pourquoi ce geste ? Le témoignage des proches n’a rien donné. Un manque d’explication logique à ce point dans une affaire, c’est rare et montre les limites d’une enquête”, fait-il remarquer. “Cette scène de crime est présente dans ma mémoire et me laisse encore perplexe. Elle montre combien les être humains sont divers et complexes. Au-delà de l’aspect dramatique des situations auxquelles nous sommes confrontés, je considère que l’une des grandes richesses de notre métier est de nous faire découvrir différents milieux sociaux et profils psychologiques”. Gérer l’imprévu En ce début de matinée du 10 septembre 2004, Yves Gaël, gardien de la paix à la Compagnie de Garde de l’Elysée, est en patrouille dans la rue du Faubourg Saint- Honoré. Soudain, une femme en pyjama paniquée sort d’un immeuble en hurlant qu’il y a le feu au deuxième étage. Le jeune policier demande alors à un collègue d’alerter les pompiers tout en le prévenant qu’il va entrer dans l’immeuble. “En apnée à cause de la fumée, je suis monté au premier étage. Là, se trouvait une personne que j’ai aidée à sortir dans la rue. Je suis ensuite monté au deuxième étage, où une personne gisait sur le sol. Je l’ai aidée à se relever et à quitter les lieux. Retournant au deuxième étage, j’ai ouvert la porte d’un appartement pour voir si quelqu’un s’y trouvait. La tête me tournait, j’entendais le crépitement des flammes. Ne voyant personne, je suis monté au troisième et dernier étage, où j’ai aidé deux personnes à descendre. Retourné à cet étage, j’ai trouvé une personne endormie dans un appartement, que j’ai également évacuée. A l’arrivée des pompiers, j’ai relâché mes efforts et c’est seulement à ce moment que j’ai ressenti de forts maux de tête. J’ai compris à quel point on pouvait s’oublier dans l’effort”. Et Yves Gaël de conclure : “Je suis fier d’avoir sauvé ces personnes, mais je prends conscience que ce type de situation imprévisible peut s’imposer à moi tous les jours dans le cadre de mon métier. Depuis, j’admire encore plus les pompiers, dont c’est le quotidien”. 17
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