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3 Les mondes du roman - Hachette

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3 <strong>Les</strong> <strong>mondes</strong> <strong>du</strong> <strong>roman</strong><br />

Quelles images de la société présentent<br />

les <strong>roman</strong>s <strong>du</strong> XIX e siècle ?<br />

■ À la découverte<br />

La société française au XIX e siècle 78<br />

■ Lire et s’exprimer<br />

1. Un jeune arriviste<br />

Le Père Goriot, Balzac 80<br />

1. <strong>Les</strong> espérances d’un jeune homme<br />

2. L’ambition de Rastignac<br />

2. Une bourgeoise de province<br />

Madame Bovary, Flaubert 83<br />

1. <strong>Les</strong> rêves d’une jeune fi lle<br />

2. <strong>Les</strong> désillusions d’une femme<br />

3. La fortune de M. Grandet<br />

Eugénie Grandet, Balzac 86<br />

4. La rénovation de Paris<br />

La Curée, Zola 88<br />

■ Lecture d'œuvre intégrale<br />

Jean Valjean dans <strong>Les</strong> Misérables 90<br />

■ Parcours comparé<br />

Le <strong>roman</strong> historique 94<br />

■ Bilan<br />

Le <strong>roman</strong> <strong>du</strong> XIX e siècle 98<br />

■ Propositions de lecture<br />

Lire des <strong>roman</strong>s <strong>du</strong> XIX e siècle 99<br />

■ Histoire des arts<br />

Arts de l’espace<br />

Le Paris d’Haussmann 100<br />

ZOOM <strong>Les</strong> travaux d’Haussmann<br />

LES AUTEURS DU XIX e SIÈCLE<br />

■ Méthode<br />

Arts <strong>du</strong> visuel<br />

La composition d’un tableau 102<br />

Statut <strong>du</strong> narrateur et point de vue 103<br />

■ Vocabulaire<br />

La ville et ses habitants 104<br />

■ Langue<br />

Écrire des narrations 105<br />

Écrire à partir de notions de langue<br />

Améliorer son expression écrite<br />

■ Écriture<br />

Écrire des narrations 106<br />

Écrire à partir des thèmes <strong>roman</strong>esques<br />

Écrire à partir de textes de Zola,<br />

de Flaubert et de Balzac<br />

Écrire à partir d’images<br />

■ Évaluation<br />

Vers le brevet 108<br />

Le Comte de Monte-Cristo, Dumas<br />

LANGUE<br />

Leçons et exercices<br />

12. Révisions : temps, modes et personnes 304<br />

13. Révisions : les voix 307<br />

36. <strong>Les</strong> connecteurs spatiaux et temporels 360<br />

1800 1900<br />

Walter Scott<br />

1771-1832<br />

Honoré de Balzac<br />

1799-1850<br />

Alexandre Dumas<br />

1802-1870<br />

Victor Hugo<br />

1802-1885<br />

Prosper Mérimée<br />

1803-1870<br />

Gustave Flaubert<br />

1821-1880<br />

Émile Zola<br />

1840-1902<br />

Hilaire Germain Edgar de Gas, dit Edgar Degas (1834-1917), La famille Bellelli, 1858-1867,<br />

huile sur toile, 250 x 200 cm, Musée d’Orsay, Paris.<br />

1 À quelle classe sociale appartient, selon vous, la famille Bellelli ?<br />

Justifi ez votre réponse en vous appuyant sur des éléments <strong>du</strong> décor ou sur les vêtements<br />

des personnages.<br />

2 a. Quelle impression donne la mère, par son attitude, ses vêtements et l’expression de son visage ?<br />

b. Décrivez la position <strong>du</strong> père.<br />

c. Quelle attitude le père a-t-il vis-à-vis de sa famille ?<br />

3 a. L’organisation des axes verticaux et horizontaux et le choix des couleurs contribuent-ils,<br />

selon vous, à créer de la profondeur ? Justifi ez votre réponse.<br />

b. Pourquoi le peintre a-t-il fait un tel choix ?<br />

76 3. LES MONDES DU ROMAN 77


À la découverte<br />

La société française au xIx e siècle<br />

La Révolution, sujet de <strong>roman</strong><br />

La Révolution de 1789 a profondément bouleversé<br />

la société française.<br />

La société d’Ancien Régime était fondée sur trois<br />

ordres : la noblesse, qui dirigeait le pays politiquement<br />

et économiquement (environ 1% de la société) ;<br />

le clergé, puissant et organisé (0,5% de la société) ; et<br />

le tiers état, regroupant toutes les autres composantes<br />

sociales.<br />

La société d’Ancien Régime disparaît progressivement<br />

à partir de la Révolution. La richesse se répartit autrement,<br />

en particulier au profi t d’une classe ascendante,<br />

la bourgeoisie, qui conquiert peu à peu le pouvoir politique.<br />

<strong>Les</strong> idées républicaines se diffusent.<br />

Ces changements sont au cœur de <strong>roman</strong>s comme<br />

<strong>Les</strong> Chouans (1829), d’Honoré de Balzac (1799-1850),<br />

ou Quatrevingt-treize (1874), de Victor Hugo (1802-<br />

1885).<br />

Affi che de la Révolution française,<br />

1792, Musée Carnavalet, Paris.<br />

La société dans les grands cycles <strong>roman</strong>esques<br />

Au cours <strong>du</strong> XIX e siècle, la noblesse, affaiblie,<br />

s’allie avec la bourgeoisie enrichie pour tenter<br />

de conserver ses privilèges. Ces alliances se font<br />

par les affaires et par les mariages. Une séparation<br />

se crée entre une haute bourgeoisie, au pouvoir, et<br />

une moyenne et une petite bourgeoisie, qui aspirent<br />

à davantage d’aisance.<br />

<strong>Les</strong> pauvres ne sont plus seulement des paysans<br />

ou des artisans, mais aussi des ouvriers.<br />

Balzac, dans le cycle de La Comédie humaine, ainsi<br />

que Gustave Flaubert (1821-1880) et plus tard Émile<br />

Zola (1840-1902), avec <strong>Les</strong> Rougon-Macquart, situent<br />

l’action de leurs <strong>roman</strong>s dans cette société en<br />

mouvement.<br />

Alexandre Steinlen (1859-1923), affi che pour L’Assommoir<br />

de Zola, adapté au Théâtre de la Porte Saint-Martin,<br />

Musée Carnavalet, Paris.<br />

La révolution in<strong>du</strong>strielle et les changements économiques et politiques<br />

Adolf von Menzel (1815-1905), Laminoir, 1875,<br />

huile sur toile, 253 x 153 cm, Nationalgalerie, Berlin.<br />

<strong>Les</strong> écrivains dans leur siècle<br />

Certains écrivains se sont engagés politiquement<br />

<strong>du</strong>rant le XIX e siècle, en particulier Victor<br />

Hugo (1802-1885), Alphonse de Lamartine (1790-<br />

1869) et Émile Zola (1840-1902).<br />

Hugo et Lamartine ont été élus à des fonctions<br />

diverses, Zola s’est engagé au moment de l’affaire<br />

Dreyfus. Le statut de l’écrivain change : de moins<br />

en moins dépendant <strong>du</strong> pouvoir politique, il est<br />

aussi contraint de gagner sa vie, soit en publiant<br />

beaucoup, notamment dans la presse, soit en exerçant<br />

un second métier.<br />

VOCABULAIRE<br />

■ Révolution de 1789 : la Révolution de 1789, commencée le 14 juillet<br />

par la prise de la Bastille, a mené à l’abolition de la royauté (Louis XVI a<br />

été guillotiné le 21 janvier 1793), et à la mise en place de la I re République.<br />

Elle sera suivie par le Premier Empire, puis par le rétablissement<br />

de la royauté.<br />

■ Ancien Régime : nom sous lequel on désigne le régime politique antérieur<br />

à la Révolution de 1789.<br />

■ La Comédie humaine : c’est sous ce titre que Balzac a regroupé<br />

137 œuvres dont 95 <strong>roman</strong>s. De nombreux personnages apparaissent<br />

ainsi dans plusieurs <strong>roman</strong>s, comme Eugène de Rastignac. Le titre a été<br />

choisi par l’écrivain en référence à la Divine Comédie (1314-1321) de<br />

Dante (1265-1321).<br />

■ <strong>Les</strong> Rougon-Macquart : le projet de Zola n’est pas le même que celui<br />

de Balzac ; il s’agit là de l’histoire d’une famille, observée sur cinq générations,<br />

à travers les différences d’hérédité, de milieu social et de<br />

moment historique. Cet ensemble regroupe 20 <strong>roman</strong>s de l’auteur écrits<br />

entre 1871 et 1893.<br />

■ révolution in<strong>du</strong>strielle : on parle aussi aujourd’hui de « première<br />

in<strong>du</strong>strialisation ». C’est l’émergence des in<strong>du</strong>stries manufacturières<br />

dans l’Europe des XVIII e et XIX e siècles.<br />

■ affaire Dreyfus : le capitaine Dreyfus fut injustement accusé de trahison,<br />

à cause de ses origines juives. L’affaire divisa l’opinion française<br />

entre 1894 et 1906.<br />

Le grand tournant économique est la<br />

révolution in<strong>du</strong>strielle : au Royaume-<br />

Uni, puis dans le reste de l’Europe, les<br />

progrès technologiques permettent la naissance<br />

d’une in<strong>du</strong>strie, là où n’existait qu’un<br />

artisanat. De nombreux <strong>roman</strong>s de Zola<br />

décrivent ces changements techniques.<br />

La richesse dépend désormais des in<strong>du</strong>stries<br />

naissantes et des pro<strong>du</strong>ctions manufacturières,<br />

qui créent une nouvelle forme<br />

de pauvreté.<br />

Victor Hugo a consacré une partie de son<br />

œuvre à la description des plus pauvres, en<br />

particulier dans <strong>Les</strong> Misérables (1862). Zola<br />

décrira plus tard la classe ouvrière, ou les<br />

manipulations fi nancières <strong>du</strong> Second Empire.<br />

Grandville (1803-1847), La grande course<br />

au clocher académique, 1839, Musée Balzac,<br />

Paris. De gauche à droite, on reconnaît<br />

A. de Vigny, devant la porte de l’Académie,<br />

V. Hugo, couronné par Notre-Dame de Paris,<br />

A. Dumas et enfi n H. de Balzac.<br />

AVEZ-VOUS BIEN LU ?<br />

1 Quel pourcentage de la population<br />

la noblesse et le clergé représentent-ils<br />

à la veille de la Révolution française ?<br />

2 Dans quel pays la révolution in<strong>du</strong>strielle<br />

a-t-elle commencé ?<br />

3 Sur quoi la richesse se fonde-t-elle<br />

après la révolution in<strong>du</strong>strielle ?<br />

4 Quels écrivains ont décrit les changements<br />

in<strong>du</strong>striels de la société ?<br />

5 Quel est le principal sujet des<br />

<strong>roman</strong>s de Zola ?<br />

6 Comment se nomme le grand cycle<br />

<strong>roman</strong>esque de Balzac ?<br />

78 3. LES MONDES DU ROMAN 79


LIRE<br />

1<br />

ET S’EXPRIMER<br />

Un jeune arriviste<br />

1. effrénés :<br />

sans frein, sans limite.<br />

2. se crotter : se salir.<br />

3. Talleyrand :<br />

ministre de Napoléon<br />

connu pour ses mots<br />

d’esprit.<br />

4. gens : domestiques,<br />

« gens de maison ».<br />

5. pimpants :<br />

de couleur vive.<br />

6. dissipatrice :<br />

dépensière.<br />

7. félicités : bonheurs.<br />

5<br />

10<br />

15<br />

1 <strong>Les</strong> espérances d’un jeune homme<br />

Eugène de Rastignac, jeune noble de province sans fortune, veut réussir à tout prix.<br />

Il rend visite à la comtesse de Restaud, jeune et jolie femme rencontrée peu de temps<br />

auparavant dans un bal.<br />

Le lendemain Rastignac s’habilla fort élégamment, et alla, vers trois heures<br />

de l’après-midi, chez madame de Restaud, en se livrant pendant la route à ces<br />

espérances étourdiment folles qui rendent la vie des jeunes gens si belle<br />

d’émotions : ils ne calculent alors ni les obstacles ni les dangers, ils voient en<br />

tout le succès, poétisent leur existence par le seul jeu de leur imagination, et<br />

se font malheureux ou tristes par le renversement de projets qui ne vivaient<br />

encore que dans leurs désirs effrénés1 ; s’ils n’étaient pas ignorants et timides,<br />

le monde social serait impossible. Eugène marchait avec mille précautions<br />

pour ne se point crotter2 , mais il marchait en pensant à ce qu’il dirait à<br />

madame de Restaud, il s’approvisionnait d’esprit, il inventait les reparties<br />

d’une conversation imaginaire, il préparait ses mots fi ns, ses phrases à la<br />

Talleyrand3 , en supposant de petites circonstances favorables à la déclaration<br />

sur laquelle il fondait son avenir. Il se crotta, l’étudiant, il fut forcé de faire<br />

cirer ses bottes et brosser son pantalon au Palais-Royal. « Si j’étais riche, se<br />

dit-il en changeant une pièce de trente sous qu’il avait prise en cas de malheur,<br />

je serais allé en voiture, j’aurais pu penser à mon<br />

aise. » Enfi n il arriva rue <strong>du</strong> Helder et demanda la<br />

comtesse de Restaud. Avec la rage froide d’un<br />

homme sûr de triompher un jour, il reçut le coup<br />

d’œil méprisant des gens4 qui l’avaient vu traversant<br />

la cour à pied, sans avoir enten<strong>du</strong> le bruit<br />

d’une voiture à la porte. Ce coup d’œil lui fut<br />

d’autant plus sensible qu’il avait déjà compris son<br />

infériorité en entrant dans cette cour, où piaffait<br />

un beau cheval richement attelé à l’un de ces<br />

cabriolets pimpants5 qui affi chent le luxe d’une<br />

existence dissipatrice6 , et sous-entendent l’habitude<br />

de toutes les félicités7 20<br />

25<br />

parisiennes. Il se mit,<br />

à lui tout seul, de mauvaise humeur. <strong>Les</strong> tiroirs<br />

30 ouverts dans son cerveau et qu’il comptait trouver<br />

pleins d’esprit se fermèrent, il devint stupide.<br />

Honoré de Balzac, Le Père Goriot, I, 1835.<br />

Jean Béraud (1849-1935), Sur le boulevard,<br />

Scène parisienne sur les Grands Boulevards<br />

parisiens à la Belle Époque, huile sur toile,<br />

25 x 33 cm, Musée Carnavalet, Paris.<br />

1. Delphine<br />

de Nucingen :<br />

fi lle <strong>du</strong> père Goriot,<br />

épouse d’un riche<br />

banquier et sœur<br />

d’Anastasie de Restaud.<br />

2. lice : espace<br />

où se déroulaient<br />

les tournois.<br />

3. suaves : délicieuses<br />

4. franchir le Rubicon :<br />

prendre une décision<br />

hasardeuse, irrévocable<br />

et lourde de conséquences.<br />

Le Rubicon<br />

est un petit fl euve<br />

formant la limite entre<br />

l’Italie et la Gaule qu’il<br />

était interdit de passer<br />

à la tête d’une armée et<br />

que César franchit avec<br />

ses troupes.<br />

5. la veille :<br />

Delphine de Nucingen<br />

a installé Eugène dans<br />

un appartement qu’elle<br />

lui offre.<br />

6. joli boudoir : petit<br />

salon décoré avec goût.<br />

7. lorgnant : observant.<br />

Représentation de la mode masculine, publiée<br />

dans La Fashion, 1841, lithographie couleur,<br />

Musée Carnavalet, Paris.<br />

LECTURE DE L’IMAGE<br />

1 Que signifi e le titre anglais de cette lithographie ?<br />

2 Pourquoi les trois personnages ne sont-ils pas<br />

représentés sous le même angle ? Qu’est-ce que cela<br />

permet de mettre en valeur ?<br />

3 a. Qu’y a-t-il de caractéristique dans la coupe des<br />

manteaux ?<br />

b. Comment les pantalons sont-ils taillés ?<br />

c. D’après cette lithographie, comment défi niriezvous<br />

le mot « dandy » ?<br />

5<br />

10<br />

15<br />

20<br />

2 L’ambition de Rastignac<br />

LA FASHION<br />

Devenu riche, Rastignac espère devenir l’amant de Delphine de Nucingen 1 .<br />

Mais Rastignac, semblable à la plupart des jeunes gens, qui, par avance, ont<br />

goûté les grandeurs, voulait se présenter tout armé dans la lice 2 <strong>du</strong> monde ; il<br />

en avait épousé la fi èvre, et sentait peut-être la force de le dominer, mais sans<br />

connaître ni les moyens ni le but de cette ambition. À défaut d’un amour pur et<br />

sacré, qui remplit la vie, cette soif <strong>du</strong> pouvoir peut devenir une belle chose ; il<br />

suffi t de dépouiller tout intérêt personnel et de se proposer la grandeur d’un<br />

pays pour objet. Mais l’étudiant n’était pas encore arrivé au point d’où l’homme<br />

peut contempler le cours de la vie et la juger. Jusqu’alors il n’avait même pas<br />

complètement secoué le charme des fraîches et suaves 3 idées qui enveloppent<br />

comme d’un feuillage la jeunesse des enfants élevés en province. Il avait continuellement<br />

hésité à franchir le Rubicon 4 parisien. Malgré ses ardentes curiosités,<br />

il avait toujours conservé quelques arrière-pensées de la vie heureuse que<br />

mène le vrai gentilhomme dans son château. Néanmoins ses derniers scrupules<br />

avaient disparu la veille 5 , quand il s’était vu dans son appartement. En jouissant<br />

des avantages matériels de la fortune, comme il jouissait depuis longtemps des<br />

avantages moraux que donne la naissance, il avait dépouillé sa peau d’homme<br />

de province, et s’était doucement établi dans une position d’où il découvrait un<br />

bel avenir. Aussi, en attendant Delphine, mollement assis dans ce joli boudoir 6<br />

qui devenait un peu le sien, se voyait-il si loin <strong>du</strong> Rastignac venu l’année<br />

dernière à Paris, qu’en le lorgnant 7 par un effet d’optique morale, il se demandait<br />

s’il se ressemblait en ce moment à lui-même.<br />

Honoré de Balzac, Le Père Goriot, III, 1835.<br />

3. LES MONDES DU ROMAN<br />

81


LIRE<br />

Un jeune homme<br />

devant le monde<br />

1 Qu’y a-t-il de commun dans la<br />

situation d’Eugène dans les deux<br />

textes ?<br />

2 a. À quel problème Eugène est-il<br />

confronté dans le texte 1 ?<br />

b. Qui le lui fait sentir ?<br />

3 Par quel moyen Eugène espèret-il<br />

briller dans le texte 1 ?<br />

4 En quoi la situation d’Eugène estelle<br />

différente dans le texte 2 ?<br />

Deux portraits de Rastignac<br />

5 a. Qui observe le « Rastignac venu<br />

l’année dernière à Paris » (texte 2,<br />

lignes 19-20) ?<br />

b. Que constate-t-il ?<br />

6 a. Quelle était la première ambition<br />

de Rastignac ?<br />

b. Quel « bel avenir » (texte 2, ligne 18)<br />

Rastignac peut-il maintenant envisager<br />

?<br />

7 Quels noms désignent Rastignac<br />

dans les deux textes ?<br />

8 L’opinion <strong>du</strong> narrateur sur Rastignac<br />

a-t-elle évolué entre les deux<br />

textes ? Justifi ez votre réponse.<br />

ENRICHIR SON VOCABULAIRE<br />

Relevez, dans les deux textes, les six<br />

adverbes formés sur le modèle de<br />

« étourdiment » (texte 1, ligne 3) ; à<br />

partir de quels adjectifs sont-ils<br />

formés ?<br />

ÉCRIRE<br />

Faites le récit de la rencontre avec<br />

Mme de Restaud, en vous souvenant<br />

qu’Eugène « devint stupide » (texte 1,<br />

ligne 31), puis celui de la rencontre<br />

avec Mme de Nucingen.<br />

Consignes : <strong>Les</strong> deux textes, d’une<br />

dizaine de lignes chacun, mettront en<br />

valeur l’évolution <strong>du</strong> personnage.<br />

Vous emploierez les temps <strong>du</strong> récit<br />

(imparfait et passé simple).<br />

S’EXPRIMER À L’ORAL<br />

C1 Participer à un débat, Socle<br />

commun<br />

à un échange verbal<br />

Au XIX e siècle, les mariages sont arrangés<br />

en fonction de critères sociaux.<br />

Pensez-vous que ce soit encore le cas<br />

aujourd’hui ?<br />

Extrait <strong>du</strong> téléfi lm<br />

Le Père Goriot,<br />

de Jean-Daniel<br />

Verhaeghe, 2004,<br />

avec Rosemarie<br />

La Vaullée<br />

(Mme de Restaud)<br />

et Florence Darel<br />

(Mme de Nucingen).<br />

RETENIR<br />

Un regard sur la société<br />

<strong>du</strong> XIX e siècle<br />

<strong>Les</strong> <strong>roman</strong>s <strong>du</strong> XIX e siècle décrivent<br />

souvent des personnages<br />

jeunes qui font leurs débuts<br />

dans la vie. Promotion sociale et<br />

vie amoureuse sont mêlées. Afi n<br />

de porter un regard critique sur<br />

les indivi<strong>du</strong>s et la société dans<br />

laquelle ils évoluent, les <strong>roman</strong>ciers<br />

prennent de la distance<br />

avec leurs personnages. La narration<br />

est assumée par un narrateur<br />

externe au point de vue<br />

omniscient, c’est-à-dire qui est<br />

extérieur à l’action <strong>du</strong> récit et qui<br />

sait tout de ses personnages.<br />

Rastignac est le type même <strong>du</strong><br />

jeune ambitieux. Ne supportant<br />

plus de dépendre d’une famille<br />

provinciale aisée, sans être<br />

riche, il décide de réussir vite :<br />

les femmes serviront ses ambitions.<br />

ET S’EXPRIMER<br />

1. postillons :<br />

con<strong>du</strong>cteurs des<br />

voitures de poste ou<br />

des diligences.<br />

2. nacelles : petites<br />

embarcations à rames.<br />

3. urnes : vases dans<br />

lesquels on conserve<br />

les cendres des morts.<br />

4. Walter Scott :<br />

écrivain écossais<br />

(1771-1832), auteur de<br />

<strong>roman</strong>s historiques<br />

comme Ivanhoé (1819).<br />

5. bahuts : meubles de<br />

forme ancienne.<br />

6. ménestrels :<br />

musiciens ambulants<br />

<strong>du</strong> Moyen Âge.<br />

7. trèfl e des ogives :<br />

sculpture en forme de<br />

trèfl e.<br />

8. keepsakes :<br />

albums <strong>roman</strong>tiques<br />

pour les jeunes fi lles.<br />

9. aumônière :<br />

sorte de bourse.<br />

1 <strong>Les</strong> rêves d’une jeune fi lle<br />

Emma, jeune provinciale élevée au couvent,<br />

a lu beaucoup de <strong>roman</strong>s sentimentaux.<br />

Ce n’étaient qu’amours, amants,<br />

amantes, dames persécutées s’évanouissant<br />

dans des pavillons solitaires,<br />

postillons 1 qu’on tue à tous les relais,<br />

chevaux qu’on crève à toutes les pages,<br />

forêts sombres, troubles <strong>du</strong> cœur,<br />

serments, sanglots, larmes et baisers,<br />

nacelles 2 au clair de lune, rossignols dans<br />

les bosquets, messieurs braves comme des<br />

lions, doux comme des agneaux, vertueux<br />

comme on ne l’est pas, toujours bien mis,<br />

et qui pleurent comme des urnes 3 .<br />

Pendant six mois, à quinze ans, Emma se<br />

graissa donc les mains à cette poussière<br />

des vieux cabinets de lecture. Avec Walter<br />

Scott 4 , plus tard, elle s’éprit de choses<br />

historiques, rêva bahuts 5 , salle des gardes<br />

et ménestrels 6 . Elle aurait voulu vivre<br />

dans quelque vieux manoir, comme ces<br />

châtelaines au long corsage, qui, sous le<br />

trèfl e des ogives 7 , passaient leurs jours, le<br />

coude sur la pierre et le menton dans la<br />

main, à regarder venir <strong>du</strong> fond de la<br />

campagne un cavalier à plume blanche<br />

qui galope sur un cheval noir. […]<br />

Quelques-unes de ses camarades apportaient au couvent les keepsakes 8<br />

qu’elles avaient reçus en étrennes. Il les fallait cacher, c’était une affaire ; on les<br />

lisait au dortoir. Maniant délicatement leurs belles reliures de satin, Emma<br />

fi xait ses regards éblouis sur le nom des auteurs inconnus qui avaient signé, le<br />

plus souvent, comtes ou vicomtes, au bas de leurs pièces.<br />

Elle frémissait, en soulevant de son haleine le papier de soie des gravures,<br />

qui se levait à demi plié et retombait doucement contre la page. C’était,<br />

derrière la balustrade d’un balcon, un jeune homme en court manteau qui<br />

serrait dans ses bras une jeune fi lle en robe blanche, portant une aumônière 9 à<br />

sa ceinture ; ou bien les portraits anonymes des ladies anglaises à boucles<br />

blondes, qui, sous leur chapeau de paille rond, vous regardent avec leurs<br />

grands yeux clairs. On en voyait d’étalées dans des voitures, glissant au milieu<br />

82 3. LES MONDES DU ROMAN 83<br />

LIRE<br />

2<br />

Une bourgeoise<br />

de province<br />

5<br />

10<br />

15<br />

20<br />

25<br />

30<br />

35<br />

Georges Callot (1857-1903), L’Attente,<br />

1886, huile sur toile, 93 x 145 cm,<br />

Musée d’art et d’histoire, Cholet.<br />

1. Quel procédé donne au tableau<br />

de la profondeur ? Que voit-on à<br />

l’arrière-plan ?<br />

2. D’où vient la lumière ? Que<br />

permet-elle de mettre en valeur ?


10. billet décacheté :<br />

lettre sortie de son<br />

enveloppe.<br />

1. escarpées : en pente.<br />

2. cottage :<br />

petite maison élégante<br />

de la campagne<br />

anglaise ou écossaise.<br />

3. basques : parties<br />

découpées <strong>du</strong> vêtement<br />

qui descendent<br />

au-dessous de la taille.<br />

4. espalier : arbres<br />

fruitiers plantés le long<br />

d’un mur et dont les<br />

branches sont<br />

palissées.<br />

40<br />

des parcs, où un lévrier sautait devant l’attelage que con<strong>du</strong>isaient au trot deux<br />

petits postillons en culotte blanche. D’autres, rêvant sur des sofas près d’un<br />

billet décacheté10 , contemplaient la lune, par la fenêtre entrouverte, à demi<br />

drapée d’un rideau noir.<br />

Gustave Flaubert, Madame Bovary, chapitre VI, 1857.<br />

Extrait <strong>du</strong> fi lm Madame Bovary, de Claude Chabrol, 1991,<br />

avec Isabelle Huppert.<br />

84<br />

5<br />

10<br />

15<br />

20<br />

2 <strong>Les</strong> désillusions d'une femme<br />

Emma vient d’épouser Charles Bovary.<br />

LIRE<br />

L’infl uence des <strong>roman</strong>s<br />

sur une jeune fi lle<br />

1 a. Selon les éléments évoqués dans les<br />

lignes 1 à 12, quel est le genre de <strong>roman</strong> lu<br />

par Emma ?<br />

b. Quels clichés, énumérés dans les lignes<br />

31 à 41, constituent l’imaginaire d’Emma ?<br />

2 a. Relevez les quatre comparaisons des<br />

lignes 9 à 12.<br />

b. Citez deux éléments comparés et les<br />

deux éléments comparants qui leur correspondent.<br />

c. À quelle forme d’humour appartient la<br />

dernière comparaison ?<br />

3 Quelle image Emma se fait-elle de son<br />

avenir, selon vous ? Justifi ez votre réponse.<br />

Elle songeait quelquefois que c’étaient là pourtant les plus beaux jours de sa<br />

vie, la lune de miel, comme on disait. Pour en goûter la douceur, il eût fallu,<br />

sans doute, s’en aller vers ces pays à noms sonores où les lendemains de mariage<br />

ont de plus suaves paresses ! Dans des chaises de poste, sous des stores de soie<br />

bleue, on monte au pas des routes escarpées 1 , écoutant la chanson <strong>du</strong> postillon,<br />

qui se répète dans la montagne avec les clochettes des chèvres et le bruit sourd<br />

de la cascade. Quand le soleil se couche, on respire au bord des golfes le parfum<br />

des citronniers ; puis, le soir, sur la terrasse des villas, seuls et les doigts confon<strong>du</strong>s,<br />

on regarde les étoiles en faisant des projets. Il lui semblait que certains<br />

lieux sur la terre devaient pro<strong>du</strong>ire <strong>du</strong> bonheur, comme une plante particulière<br />

au sol et qui pousse mal tout autre part. Que ne pouvait-elle s’accouder sur le<br />

balcon des chalets suisses ou enfermer sa tristesse dans un cottage 2 écossais, avec<br />

un mari vêtu d’un habit de velours noir à longues basques 3 , et qui porte des<br />

bottes molles, un chapeau pointu et des manchettes !<br />

Peut-être aurait-elle souhaité faire à quelqu’un la confi dence de toutes ces<br />

choses. Mais comment dire un insaisissable malaise, qui change d’aspect<br />

comme les nuées, qui tourbillonne comme le vent ? <strong>Les</strong> mots lui manquaient<br />

donc, l’occasion, la hardiesse.<br />

Si Charles l’avait voulu cependant, s’il s’en fût douté, si son regard, une<br />

seule fois, fût venu à la rencontre de sa pensée, il lui semblait qu’une abondance<br />

subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la récolte d’un espalier 4<br />

25<br />

30<br />

35<br />

quand on y porte la main. Mais, à mesure que<br />

se serrait davantage l’intimité de leur vie, un<br />

détachement intérieur se faisait qui la déliait<br />

de lui.<br />

La conversation de Charles était plate<br />

comme un trottoir de rue, et les idées de tout<br />

le monde y défi laient dans leur costume ordinaire,<br />

sans exciter d’émotion, de rire ou de<br />

rêverie. Il n’avait jamais été curieux, disait-il,<br />

pendant qu’il habitait Rouen, d’aller voir au<br />

théâtre les acteurs de Paris. Il ne savait ni<br />

nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et<br />

il ne put, un jour, lui expliquer un terme<br />

d’équitation qu’elle avait rencontré dans un<br />

<strong>roman</strong>.<br />

Gustave Flaubert, Madame Bovary,<br />

chapitre VII, 1857.<br />

• Comment Madame Bovary est-elle mise en<br />

valeur sur cette image ?<br />

LIRE<br />

Extrait <strong>du</strong> fi lm Madame Bovary, de Claude<br />

Chabrol, 1991, avec Isabelle Huppert.<br />

Rêves et réalité<br />

1 a. Comment Emma Bovary imaginait-elle<br />

sa lune de miel ?<br />

b. Quels modèles nourrissent l’imagination<br />

d’Emma ? Justifi ez votre<br />

réponse.<br />

2 Relevez, dans les deuxième et<br />

troisième paragraphes, les emplois<br />

<strong>du</strong> conditionnel. Quelle est la valeur<br />

de ces conditionnels ?<br />

3 Comment Charles déçoit-il son<br />

épouse ?<br />

Emma et Charles<br />

4 a. Quel portrait est fait d’Emma,<br />

dans les lignes 1 à 18 ?<br />

b. Qu’y a-t-il d’ironique, dans ce portrait,<br />

à l’égard d’Emma ?<br />

5 a. À qui peut-on attribuer la description<br />

de Charles ?<br />

b. À qui peut-on attribuer le portrait<br />

d’Emma ?<br />

ENRICHIR SON VOCABULAIRE<br />

B2i Dans un dictionnaire de synonymes<br />

en ligne que vous trouverez<br />

par vous-même, choisissez trois<br />

synonymes de l’adjectif « <strong>roman</strong>esque<br />

» qui, selon vous, correspondent<br />

à Emma Bovary. Justifi ez<br />

votre choix.<br />

ÉCRIRE<br />

C1 Rédiger un texte bref, cohérent et ponctué Socle<br />

commun<br />

à partir de consignes données<br />

Emma Bovary rencontre une amie<br />

qui devient sa confi dente, quelque<br />

temps après son mariage. Cette<br />

amie écrit à Charles pour l’aider à<br />

comprendre sa femme.<br />

Consignes : Dans une lettre d’une<br />

vingtaine de lignes, elle lui explique<br />

le caractère d’Emma, lui raconte ses<br />

lectures et argumente afi n que<br />

Charles change de comportement.<br />

S’EXPRIMER À L’ORAL<br />

C1 Développer de façon suivie un propos Socle<br />

commun<br />

en public sur un sujet déterminé<br />

Votre point de vue sur le monde ou la<br />

société a-t-il déjà été modifi é par une<br />

lecture ou un fi lm ? Vous justifi erez<br />

votre réponse à l’aide d’un exemple<br />

et d’un argument.<br />

RETENIR<br />

<strong>Les</strong> pensées<br />

des personnages<br />

Dans les <strong>roman</strong>s <strong>du</strong> XIX e siècle,<br />

l’opinion <strong>du</strong> narrateur sur la<br />

société est souvent mélangée<br />

avec les rêves ou les illusions des<br />

personnages. En employant le<br />

point de vue interne, le narrateur<br />

donne accès aux pensées <strong>du</strong><br />

personnage. Mais au moyen de<br />

son regard ironique, le narrateur<br />

externe juge aussi ses personnages<br />

et permet au lecteur<br />

de prendre ses distances.<br />

Flaubert décrit les rêves et les<br />

désillusions d’Emma à la fois en<br />

adoptant le regard de cette dernière,<br />

par exemple sur Charles,<br />

et en se moquant d’elle.<br />

3. LES MONDES DU ROMAN<br />

85


LIRE<br />

3<br />

La fortune de M. Grandet<br />

1. biens <strong>du</strong> clergé :<br />

les biens <strong>du</strong> clergé<br />

ont été nationalisés en<br />

1789. Dans le district de<br />

Saumur, ils sont mis en<br />

vente, pour l’essentiel,<br />

en 1790 et 1791.<br />

2. Le tonnelier…<br />

venait d’épouser :<br />

la concordance<br />

des temps voudrait<br />

aujourd'hui que l'on<br />

dise « le tonnelier<br />

épousa ».<br />

3. louis d’or : monnaie<br />

d’or appelée ainsi<br />

depuis Louis XIII ; la<br />

somme est déjà très<br />

importante pour<br />

l’époque.<br />

4. métairies :<br />

exploitations agricoles.<br />

5. ci-devant : nom<br />

donné aux nobles<br />

<strong>du</strong>rant la Révolution.<br />

6. Consulat : période<br />

historique (1799-1802)<br />

qui précède l’Empire ;<br />

Napoléon est premier<br />

Consul.<br />

7. avoir porté le bonnet<br />

rouge : avoir été<br />

partisan de la<br />

Révolution.<br />

86<br />

ET S'EXPRIMER<br />

5<br />

10<br />

15<br />

20<br />

25<br />

<strong>Les</strong> origines de la fortune de M. Grandet sont exposées au début <strong>du</strong> <strong>roman</strong>.<br />

Monsieur Grandet jouissait à Saumur d’une réputation dont les causes et les<br />

effets ne seront pas entièrement compris par les personnes qui n’ont point, peu<br />

ou prou, vécu en province. Monsieur Grandet, encore nommé par certaines<br />

gens le père Grandet, mais le nombre de ces vieillards diminuait sensiblement,<br />

était en 1789 un maître-tonnelier fort à son aise, sachant lire, écrire et compter.<br />

Dès que la République française mit en vente, dans l’arrondissement de<br />

Saumur, les biens <strong>du</strong> clergé 1 , le tonnelier, alors âgé de quarante ans, venait<br />

d’épouser 2 la fi lle d’un riche marchand de planches. Grandet alla, muni de sa<br />

fortune liquide et de la dot, muni de deux mille louis d’or 3 , au district, où,<br />

moyennant deux cents doubles louis offerts par son beau-père au farouche<br />

républicain qui surveillait la vente des domaines nationaux, il eut pour un<br />

morceau de pain, légalement, sinon légitimement, les plus beaux vignobles de<br />

l’arrondissement, une vieille abbaye et quelques métairies 4 . <strong>Les</strong> habitants de<br />

Saumur étant peu révolutionnaires, le père Grandet passa pour un homme<br />

hardi, un républicain, un patriote, pour un esprit qui donnait dans les nouvelles<br />

idées, tandis que le tonnelier donnait tout bonnement dans les vignes. Il fut<br />

nommé membre de l’administration <strong>du</strong> district de Saumur, et son infl uence<br />

pacifi que s’y fi t sentir politiquement et commercialement. Politiquement, il<br />

protégea les ci-devant 5 et empêcha de tout son pouvoir la vente des biens des<br />

émigrés ; commercialement, il fournit aux armées républicaines un ou deux<br />

milliers de pièces de vin blanc, et se fi t payer en superbes prairies dépendant<br />

d’une communauté de femmes que l’on avait réservée pour un dernier lot. Sous<br />

le Consulat 6 , le bonhomme Grandet devint maire, administra sagement,<br />

vendangea mieux encore ; sous l’Empire, il fut monsieur Grandet. Napoléon<br />

n’aimait pas les républicains : il remplaça monsieur Grandet, qui passait pour<br />

avoir porté le bonnet rouge 7 , par un grand propriétaire, un homme à particule,<br />

Extrait <strong>du</strong> téléfi lm<br />

Eugénie Grandet,<br />

de Jean-Daniel<br />

Verhaeghe, 1994,<br />

avec Jean Carmet<br />

dans le rôle <strong>du</strong><br />

père Grandet.<br />

1. D’après le décor et les costumes<br />

des personnages, peut-on identifi er<br />

la classe sociale à laquelle appartient<br />

cette famille ? Justifi ez votre<br />

réponse.<br />

2. a. Pourquoi M. Grandet porte-t-il<br />

une écharpe à l’intérieur ?<br />

b. Qu'est-ce que cela révèle de son<br />

caractère ?<br />

8. prodigalité :<br />

excès de dépense.<br />

LIRE<br />

Un opportuniste<br />

1 Quelles sont les étapes de la fortune<br />

<strong>du</strong> « père Grandet » ?<br />

2 a. À quelle occasion Grandet faitil<br />

des achats judicieux ? <strong>Les</strong>quels ?<br />

b. Quelle différence y a-t-il entre<br />

« légalement » et « légitimement »<br />

(ligne 12) ?<br />

3 Comment Grandet se fait-il payer<br />

le vin qu’il vend « aux armées républicaines<br />

» (ligne 20) ?<br />

4 Quel avantage Grandet tire-t-il<br />

d’avoir été maire ? Justifi ez votre<br />

réponse.<br />

Un notable de province<br />

5 a. Quels sont les différents titres<br />

donnés à Grandet ?<br />

b. Montrez comment chaque titre<br />

correspond à une étape de sa fortune.<br />

6 De quels événements Grandet<br />

tire-t-il son dernier titre ?<br />

7 a. Jusqu’où s’étend la réputation<br />

de Grandet ?<br />

b. Pourquoi Grandet fait-il tellement<br />

parler ?<br />

30<br />

35<br />

40<br />

45<br />

un futur baron de l’Empire. Monsieur Grandet quitta les honneurs municipaux<br />

sans aucun regret. Il avait fait faire dans l’intérêt de la ville d’excellents<br />

chemins qui menaient à ses propriétés. Sa maison et ses biens, très avantageusement<br />

cadastrés, payaient des impôts modérés. Depuis le classement de ses différents<br />

clos, ses vignes, grâce à des soins constants, étaient devenues la tête <strong>du</strong><br />

pays, mot technique en usage pour indiquer les vignobles qui pro<strong>du</strong>isent la<br />

première qualité de vin. Il aurait pu demander la croix de la Légion d’Honneur.<br />

Cet événement eut lieu en 1806. Monsieur Grandet avait alors cinquante-sept<br />

ans, et sa femme environ trente-six. Une fi lle unique, fruit de leurs légitimes<br />

amours, était âgée de dix ans. Monsieur Grandet, que la Providence voulut sans<br />

doute consoler de sa disgrâce administrative, hérita successivement pendant<br />

cette année de madame de La Gaudinière, née de La Bertellière, mère de<br />

madame Grandet ; puis <strong>du</strong> vieux monsieur La Bertellière, père de la défunte ;<br />

et encore de madame Gentillet, grand’mère <strong>du</strong> côté maternel : trois successions<br />

dont l’importance ne fut connue de personne. L’avarice de ces trois vieillards<br />

était si passionnée que depuis longtemps ils entassaient leur argent pour pouvoir<br />

le contempler secrètement. Le vieux monsieur La Bertellière appelait un placement<br />

une prodigalité8 , trouvant de plus gros intérêts dans l’aspect de l’or que<br />

dans les bénéfi ces de l’usure. La ville de Saumur présuma donc la valeur des<br />

économies d’après les revenus des biens au soleil. Monsieur Grandet obtint<br />

alors le nouveau titre de noblesse que notre manie d’égalité n’effacera jamais : il<br />

devint le plus imposé de l’arrondissement.<br />

Honoré de Balzac, Eugénie Grandet, 1833.<br />

ENRICHIR SON VOCABULAIRE<br />

Qu’est-ce que « l’usure » (ligne 45)<br />

dans le texte ? Quel synonyme de ce<br />

mot utiliseriez-vous aujourd’hui (vous<br />

pouvez vous aider d’un dictionnaire de<br />

synonymes) ? Quel est le sens habituel<br />

de ce mot aujourd’hui ?<br />

ÉCRIRE<br />

C1 Rédiger un texte bref, cohérent et ponctué Socle<br />

commun<br />

à partir de consignes données<br />

Un habitant de Saumur décrit M. Grandet<br />

à un Parisien. Il raconte comment<br />

il a fait fortune, précise son caractère.<br />

Il donne également son opinion sur<br />

M. Grandet.<br />

Consignes : Votre texte fera une trentaine<br />

de lignes. Vous emploierez des<br />

types de phrases variés. Vous pourrez<br />

commencer par : « Si vous pensez<br />

qu’en province, il n’y a pas de grande<br />

fortune, vous vous trompez… »<br />

S’EXPRIMER À L’ORAL<br />

C5 Être sensible aux enjeux esthétiques Socle<br />

commun<br />

et humains d'un texte littéraire<br />

Comment imaginez-vous la vie de famille<br />

de M. Grandet ? Vous étayerez<br />

votre opinion à partir d’éléments <strong>du</strong><br />

texte et de la photographie (p. 86).<br />

RETENIR<br />

L’avènement<br />

de la bourgeoisie<br />

<strong>Les</strong> <strong>roman</strong>s réalistes démontent<br />

souvent les mécanismes qui ont<br />

permis la construction de grandes<br />

fortunes. Leur analyse de la<br />

société est à la fois financière,<br />

politique, sociale et humaine. Ils<br />

montrent comment, économiquement<br />

d’abord, politiquement<br />

ensuite, la bourgeoisie a supplanté<br />

la noblesse. Cette mutation<br />

profonde est décrite dans<br />

de très nombreux <strong>roman</strong>s de<br />

La Comédie humaine de Balzac.<br />

Le portrait <strong>du</strong> père Grandet est<br />

l’un des nombreux portraits de<br />

spéculateurs que l’on trouve<br />

dans les <strong>roman</strong>s de Balzac. Mais<br />

c’est aussi le portrait d’un type<br />

humain : l’avare.<br />

3. LES MONDES DU ROMAN<br />

87


LIRE<br />

4<br />

La rénovation de Paris<br />

1. <strong>Les</strong> tronçons<br />

agoniseront dans le<br />

plâtre : les anciens<br />

bâtiments seront<br />

ensevelis par les<br />

nouveaux.<br />

2. forts : restes des<br />

fortifi cations qui<br />

entouraient Paris.<br />

88<br />

ET S'EXPRIMER<br />

5<br />

10<br />

15<br />

20<br />

Saccard, fi nancier avide, décrit à sa femme Angèle les projets de rénovation de Paris<br />

dont il espère tirer profi t.<br />

Regarde là-bas, <strong>du</strong> côté des Halles, on a coupé Paris en quatre…<br />

Et de sa main éten<strong>du</strong>e, ouverte et tranchante comme un coutelas, il fi t signe<br />

de séparer la ville en quatre parts.<br />

– Tu veux parler de la rue de Rivoli et <strong>du</strong> nouveau boulevard que l’on perce,<br />

demanda sa femme.<br />

– Oui, la grande croisée de Paris, comme ils disent. Ils dégagent le Louvre et<br />

l’Hôtel de Ville. Jeux d’enfants que cela ! C’est bon pour mettre le public en<br />

appétit… Quand le premier réseau sera fi ni, alors commencera la grande danse.<br />

Le second réseau trouera la ville de toutes parts, pour rattacher les faubourgs au<br />

premier réseau. <strong>Les</strong> tronçons agoniseront dans le plâtre 1 … Tiens, suis un peu<br />

ma main. Du boulevard <strong>du</strong> Temple à la barrière <strong>du</strong> Trône, une entaille ; puis de<br />

ce côté, une autre entaille, de la Madeleine à la plaine Monceau ; et une troisième<br />

entaille dans ce sens, une autre dans celui-ci, une entaille là, une entaille<br />

plus loin, des entailles partout. Paris haché à coups de sabre, les veines ouvertes,<br />

nourrissant cent mille terrassiers et maçons, traversé par d’admirables voies<br />

stratégiques qui mettront les forts 2 au cœur des vieux quartiers.<br />

La nuit venait. Sa main sèche et nerveuse coupait toujours dans le vide.<br />

Angèle avait un léger frisson, devant ce couteau vivant, ces doigts de fer qui<br />

hachaient sans pitié l’amas sans bornes des toits sombres. Depuis un instant, les<br />

brumes de l’horizon roulaient doucement des hauteurs, et elle s’imaginait<br />

Hilaire Guesnu (1820-<br />

1868), Carte de Paris<br />

pendant la période<br />

des grands travaux<br />

d’Haussmann, 1864,<br />

gravure colorisée,<br />

Bibliothèque historique<br />

de la Ville de Paris.<br />

3. moellons :<br />

pierres de construction.<br />

LIRE<br />

La ville découpée<br />

1 Lignes 2-3, 9-10 : comment la<br />

ville va-t-elle être réorganisée ?<br />

2 À quel champ lexical appartiennent<br />

les mots employés pour décrire<br />

la ville, dans les lignes 10 à 35 ? Justifi<br />

ez votre réponse par le relevé d’au<br />

moins quatre mots.<br />

3 a. Quelle fi gure de style est employée<br />

pour présenter Paris dans les<br />

lignes 14-15 ?<br />

b. Quel est l’effet de l’emploi de cette<br />

même fi gure de style à partir de la<br />

ligne 42 ?<br />

Le saccage<br />

4 a. À quoi la main de Saccard estelle<br />

comparée, aux lignes 2 et 18 ?<br />

b. Qui fait ces comparaisons ?<br />

5 Que pensez-vous <strong>du</strong> nom <strong>du</strong> personnage<br />

principal ?<br />

6 Qui désigne le pronom « ils », à la<br />

ligne 6 ?<br />

25<br />

30<br />

35<br />

40<br />

45<br />

entendre, sous les ténèbres qui s’amassaient<br />

dans les creux, de lointains<br />

craquements, comme si la main de son<br />

mari eût réellement fait les entailles<br />

dont il parlait, crevant Paris d’un bout<br />

à l’autre, brisant les poutres, écrasant<br />

les moellons 3 , laissant derrière elle de<br />

longues et affreuses blessures de murs<br />

croulants. La petitesse de cette main,<br />

s’acharnant sur une proie géante, fi nissait<br />

par inquiéter ; et, tandis qu’elle<br />

déchirait sans effort les entrailles de<br />

l’énorme ville, on eût dit qu’elle<br />

prenait un étrange refl et d’acier dans le<br />

crépuscule bleuâtre.<br />

– Il y aura un troisième réseau, continua Saccard, au bout d’un silence,<br />

comme se parlant à lui-même ; celui-là est trop lointain, je le vois moins. Je n’ai<br />

trouvé que peu d’indices… Mais ce sera la folie pure, le galop infernal des<br />

millions, Paris soûlé et assommé !<br />

Il se tut de nouveau, les yeux fi xés ardemment sur la ville, où les ombres<br />

roulaient de plus en plus épaisses. Il devait interroger cet avenir trop éloigné<br />

qui lui échappait. Puis, la nuit se fi t, la ville devint confuse, on l’entendit respirer<br />

largement, comme une mer dont on ne voit plus que la crête pâle des<br />

vagues. Çà et là, quelques murs blanchissaient encore ; et, une à une, les<br />

fl ammes jaunes des becs de gaz piquèrent les ténèbres, pareilles à des étoiles<br />

s’allumant dans le noir d’un ciel d’orage.<br />

7 Qu’espère Saccard pour être tellement<br />

enthousiaste ? Justifi ez votre<br />

réponse en vous appuyant sur des<br />

éléments <strong>du</strong> texte.<br />

ENRICHIR SON VOCABULAIRE<br />

1 Le texte parle de « boulevard »<br />

(ligne 4) et de « faubourgs » (ligne 9).<br />

Quelle est la défi nition exacte de ces<br />

mots ?<br />

2 Qu’est-ce qu’une avenue, une<br />

impasse, une contre-allée ?<br />

ÉCRIRE<br />

C5 Avoir des connaissances et des repères, Socle<br />

commun<br />

relevant de la culture artistique<br />

Imaginez une importante transformation<br />

<strong>du</strong> quartier où vous habitez,<br />

et décrivez les changements intervenus.<br />

Consignes : Vous emploierez la voix<br />

passive, et vous veillerez à utiliser<br />

aussi des connecteurs spatiaux.<br />

Votre texte fera une vingtaine de<br />

lignes.<br />

Photographie de Philippe Guignard,<br />

le Palais Garnier et l’avenue de l’Opéra,<br />

Paris.<br />

Émile Zola, La Curée, chapitre II, 1895.<br />

RETENIR<br />

Le monde des affaires<br />

En racontant l’histoire des fortunes<br />

et des faillites, les <strong>roman</strong>ciers<br />

<strong>du</strong> XIX e siècle expliquent le<br />

fonctionnement des affaires. Le<br />

<strong>roman</strong> devient ainsi un révélateur<br />

de la société, et permet des<br />

prises de position politiques.<br />

Zola a décrit les travaux engagés<br />

sous le Second Empire, et les<br />

malversations financières qui<br />

les ont accompagnés, dans plusieurs<br />

<strong>roman</strong>s des Rougon-<br />

Macquart. Saccard est le type<br />

même <strong>du</strong> spéculateur sans<br />

morale, prêt à toutes les manipulations<br />

fi nancières et immobilières.<br />

3. LES MONDES DU ROMAN<br />

89


LECTURE<br />

Jean Valjean dans <strong>Les</strong> Misérables<br />

« Jean Valjean », personnage<br />

des Misérables, gravure<br />

colorisée, début <strong>du</strong> XX e siècle.<br />

1. lieues : anciennes<br />

unités de mesure,<br />

équivalant à environ<br />

4 kilomètres.<br />

2. passeport jaune :<br />

indique qu’il sort<br />

<strong>du</strong> bagne.<br />

3. Madame Magloire :<br />

servante de<br />

Mgr Bienvenu.<br />

90<br />

D'ŒUVRE INTÉGRALE<br />

5<br />

10<br />

15<br />

20<br />

25<br />

1 Jean Valjean chez Monseigneur Bienvenu<br />

Jean Valjean vient d’être libéré <strong>du</strong> bagne et arrive un soir de 1815 dans la ville de<br />

Digne. Épuisé par le voyage entrepris à pied, il cherche un gîte pour la nuit. Il entre<br />

par hasard chez Monseigneur Bienvenu, évêque de la ville.<br />

– Voici. Je m’appelle Jean Valjean. Je suis un galérien. J’ai passé dix-neuf ans<br />

au bagne. Je suis libéré depuis quatre jours et en route pour Pontarlier qui est<br />

ma destination. Quatre jours que je marche depuis Toulon. Aujourd’hui, j’ai<br />

fait douze lieues 1 à pied. Ce soir, en arrivant dans ce pays, j’ai été dans une<br />

auberge, on m’a renvoyé à cause de mon passeport jaune 2 que j’avais montré à<br />

la mairie. Il avait fallu. J’ai été à une autre auberge. On m’a dit : Va-t’en ! Chez<br />

l’un, chez l’autre. Personne n’a voulu de moi. J’ai été à la prison, le guichetier<br />

n’a pas ouvert. J’ai été dans la niche d’un chien. Ce chien m’a mor<strong>du</strong> et m’a<br />

chassé, comme s’il avait été un homme. On aurait dit qu’il savait qui j’étais.<br />

[…] Je suis très fatigué, douze lieues à pied, j’ai bien faim. Voulez-vous que je<br />

reste ?<br />

– Madame Magloire 3 , dit l’évêque, vous mettrez un couvert de plus.<br />

L’homme fi t trois pas et s’approcha de la lampe qui était sur la table.<br />

– Tenez, reprit-il, comme s’il n’avait pas bien compris, ce n’est pas ça. Avezvous<br />

enten<strong>du</strong> ? Je suis un galérien. Un forçat. Je viens des galères.<br />

Il tira de sa poche une grande feuille de papier jaune qu’il déplia.<br />

– Voilà mon passeport. Jaune, comme vous voyez. Cela sert à me faire chasser<br />

de partout où je suis. Voulez-vous lire ? Je sais lire, moi. J’ai appris au bagne. Il y a<br />

une école pour ceux qui veulent. Tenez, voilà ce qu’on a mis sur le passeport :<br />

« Jean Valjean, forçat libéré, natif de... – cela vous est égal... – Est resté dix-neuf<br />

ans au bagne. Cinq ans pour vol avec effraction. Quatorze ans pour avoir tenté de<br />

s’évader quatre fois. Cet homme est très dangereux. » – Voilà ! Tout le monde m’a<br />

jeté dehors. Voulez-vous me recevoir, vous ? Est-ce une auberge ? Voulez-vous me<br />

donner à manger et à coucher ? Avez-vous une écurie ?<br />

– Madame Magloire, dit l’évêque, vous mettrez des draps blancs au lit de<br />

l’alcôve.<br />

Victor Hugo, <strong>Les</strong> Misérables, 1 re partie « Fantine », livre 2, chapitre III.<br />

AVEZ-VOUS BIEN LU CE TEXTE ?<br />

1 Pourquoi Jean Valjean est-il rejeté, dans le récit qu’il fait aux lignes 1 à 9 ?<br />

Cela vous paraît-il juste ?<br />

2 Pourquoi les paroles de l’évêque sont-elles surprenantes aux lignes 12 et 25 ?<br />

3 Quelle est la réaction de l’ancien forçat à l’invitation de l’évêque, lignes 14 à<br />

24 ? Quels sentiments peut-il éprouver envers l’évêque et la société ?<br />

Extrait <strong>du</strong> fi lm <strong>Les</strong> Misérables,<br />

de Billie August, 1998, avec<br />

Liam Neeson.<br />

• Comment la bienveillance<br />

de M. Madeleine<br />

envers les déshérités<br />

est-elle représentée,<br />

sur cette image ?<br />

1. Montreuil-sur-Mer :<br />

ville <strong>du</strong> Nord-Pasde-Calais.<br />

2. choisi : précis.<br />

3. ten<strong>du</strong>e de noir : dans<br />

laquelle on célèbre<br />

un enterrement.<br />

4. psalmodies :<br />

textes religieux récités<br />

sur une seule note.<br />

5. galetas : chambre<br />

misérable.<br />

10<br />

15<br />

20<br />

2 Monsieur Madeleine<br />

Jean Valjean a pris le nom de Monsieur<br />

Madeleine, afi n de cacher qu’il est un ancien<br />

bagnard. Il est devenu in<strong>du</strong>striel, puis maire<br />

de Montreuil-sur-Mer.<br />

Il prenait ses repas toujours seul, avec un<br />

livre ouvert devant lui où il lisait.<br />

Il avait une petite bibliothèque bien<br />

faite. Il aimait les livres ; les livres sont des<br />

amis froids et sûrs. À mesure que le loisir<br />

lui venait avec la fortune, il semblait qu’il<br />

en profi tât pour cultiver son esprit. Depuis<br />

qu’il était à Montreuil-sur-Mer 1 , on remarquait que d’année en année son<br />

langage devenait plus poli, plus choisi 2 et plus doux. […]<br />

Quand il voyait la porte d’une église ten<strong>du</strong>e de noir 3 , il entrait ; il recherchait<br />

un enterrement comme d’autres recherchent un baptême. Le veuvage et<br />

le malheur d’autrui l’attiraient à cause de sa grande douceur ; il se mêlait aux<br />

amis en deuil, aux familles vêtues de noir, aux prêtres gémissant autour d’un<br />

cercueil. Il semblait donner volontiers pour texte à ses pensées ces psalmodies 4<br />

funèbres pleines de la vision d’un autre monde.<br />

L’œil au ciel, il écoutait, avec une sorte d’aspiration vers tous les mystères de<br />

l’infi ni, ces voix tristes qui chantent sur le bord de l’abîme obscur de la mort.<br />

Il faisait une foule de bonnes actions en se cachant comme on se cache pour<br />

les mauvaises. Il pénétrait à la dérobée, le soir, dans les maisons ; il montait<br />

furtivement des escaliers. Un pauvre diable, en rentrant dans son galetas 5 , trouvait<br />

que sa porte avait été ouverte, quelquefois même forcée, dans son absence.<br />

Le pauvre homme se récriait : quelque malfaiteur est venu ! Il entrait, et la<br />

première chose qu’il voyait, c’était une pièce d’or oubliée sur un meuble. « Le<br />

malfaiteur » qui était venu, c’était le père Madeleine.<br />

AVEZ-VOUS BIEN LU CE TEXTE ?<br />

3 Le seau de Cosette<br />

5<br />

Victor Hugo, <strong>Les</strong> Misérables, Partie 1, livre 5, chapitre III.<br />

1 Donnez un exemple prouvant que M. Madeleine a bon cœur.<br />

2 Pourquoi M. Madeleine aime-t-il les livres ?<br />

3 Pourquoi M. Madeleine se cache-t-il pour donner une pièce d’or ?<br />

Cosette, fi lle de Fantine, ouvrière morte d’épuisement, a été placée en pension chez<br />

les Thénardier. Elle travaille <strong>du</strong>rement ; un soir, ils l’envoient chercher de l’eau à<br />

une source éloignée. Un homme surgit, qui lui prend le seau des mains.<br />

Cosette, nous l’avons dit, n’avait pas eu peur.<br />

L’homme lui adressa la parole. Il parlait d’une voix grave et presque basse.<br />

– Mon enfant, c’est bien lourd pour vous ce que vous portez là.<br />

3. LES MONDES DU ROMAN<br />

91


François Pompon (1855-1933),<br />

Cosette 1888, sculpture de<br />

plâtre, Maison de Victor Hugo,<br />

Paris.<br />

• Quels signes montrent<br />

la faiblesse de Cosette<br />

face à la tâche qui l’attend ?<br />

1. chétive : frêle,<br />

à l’aspect fragile.<br />

92<br />

5<br />

10<br />

15<br />

20<br />

25<br />

30<br />

5<br />

Cosette leva la tête et répondit :<br />

– Oui, monsieur.<br />

– Donnez, reprit l’homme. Je vais vous le porter.<br />

Cosette lâcha le seau. L’homme se mit à cheminer près d’elle.<br />

– C’est très lourd en effet, dit-il entre ses dents.<br />

Puis il ajouta :<br />

– Petite, quel âge as-tu ?<br />

– Huit ans, monsieur.<br />

– Et viens-tu de loin comme cela ?<br />

– De la source qui est dans le bois.<br />

– Et est-ce loin où tu vas ?<br />

– À un bon quart d’heure d’ici.<br />

L’homme resta un moment sans parler, puis il dit brusquement :<br />

– Tu n’as donc pas de mère ?<br />

– Je ne sais pas, répondit l’enfant.<br />

Avant que l’homme eût eu le temps de reprendre la parole, elle ajouta :<br />

– Je ne crois pas. <strong>Les</strong> autres en ont. Moi, je n’en ai pas.<br />

Et après un silence, elle reprit :<br />

– Je crois que je n’en ai jamais eu.<br />

L’homme s’arrêta, il posa le seau à terre, se pencha et mit ses deux mains sur<br />

les deux épaules de l’enfant, faisant effort pour la regarder et voir son visage<br />

dans l’obscurité.<br />

La fi gure maigre et chétive1 de Cosette se dessinait vaguement à la lueur<br />

livide <strong>du</strong> ciel.<br />

– Comment t’appelles-tu ? dit l’homme.<br />

– Cosette.<br />

L’homme eut comme une secousse électrique. Il la regarda encore, puis il ôta<br />

ses mains de dessus les épaules de Cosette, saisit le seau, et se remit à marcher.<br />

Victor Hugo, <strong>Les</strong> Misérables, Partie II, livre 3, chapitre VII.<br />

AVEZ-VOUS BIEN LU CE TEXTE ?<br />

1 Quels éléments <strong>du</strong> texte montrent la détresse de Cosette ?<br />

2 a. Pourquoi « l’homme » prend-il le seau des mains de Cosette ?<br />

b. Sait-il qui elle est ?<br />

3 Qui peut être cet « homme » ? Justifi ez votre réponse.<br />

4 La mort de Jean Valjean<br />

Le <strong>roman</strong> se termine. Cosette et Marius, son époux, viennent voir Jean Valjean qui<br />

agonise. Il parle.<br />

Ce sont là des choses <strong>du</strong> passé. <strong>Les</strong> forêts où l’on a passé avec son enfant, les<br />

arbres où l’on s’est promené, les couvents où l’on s’est caché, les jeux, les bons<br />

rires de l’enfance, c’est de l’ombre. Je m’étais imaginé que tout cela m’appartenait.<br />

Voilà où était ma bêtise. Ces Thénardier ont été méchants. Il faut leur<br />

pardonner. Cosette, voici le moment venu de te dire le nom de ta mère. Elle<br />

s’appelait Fantine. Retiens ce nom-là : – Fantine. Mets-toi à genoux toutes les<br />

fois que tu le prononceras. Elle a bien souffert. Elle t’a bien aimée. Elle a eu en<br />

malheur tout ce que tu as en bonheur. Ce sont les partages de Dieu. Il est<br />

là-haut, il nous voit tous, et il sait ce qu’il fait au milieu de ses grandes étoiles.<br />

1. Aimez-vous bien<br />

toujours : Jean Valjean<br />

s’adresse à Cosette<br />

et à Marius.<br />

2. je ne t’ai pas vue<br />

tous ces temps-ci :<br />

Jean Valjean n’était<br />

pas le bienvenu chez<br />

Marius, depuis qu’il<br />

lui avait avoué être<br />

un ancien bagnard.<br />

10<br />

15<br />

20<br />

25<br />

Je vais donc m’en aller, mes enfants. Aimez-vous bien toujours 1 . Il n’y a guère<br />

autre chose que cela dans le monde : s’aimer. Vous penserez quelquefois au<br />

pauvre vieux qui est mort ici. Ô ma Cosette ! ce n’est pas ma faute, va, si je ne<br />

t’ai pas vue tous ces temps-ci 2 , cela me fendait le cœur ; j’allais jusqu’au coin de<br />

ta rue, je devais faire un drôle d’effet aux gens qui me voyaient passer, j’étais<br />

comme fou, une fois je suis sorti sans chapeau. Mes enfants, voici que je ne vois<br />

plus très clair, j’avais encore des choses à dire, mais c’est égal. Pensez un peu à<br />

moi. Vous êtes des êtres bénis. Je ne sais pas ce que j’ai, je vois de la lumière.<br />

Approchez encore. Je meurs heureux. Donnez-moi vos chères têtes bien-aimées,<br />

que je mette mes mains dessus.<br />

Cosette et Marius tombèrent à genoux, éper<strong>du</strong>s, étouffés de larmes, chacun<br />

sur une des mains de Jean Valjean. Ces mains augustes ne remuaient plus.<br />

Il était renversé en arrière, la lueur des deux chandeliers l’éclairait ; sa face<br />

blanche regardait le ciel, il laissait Cosette et Marius couvrir ses mains de<br />

baisers ; il était mort.<br />

La nuit était sans étoiles et profondément obscure. Sans doute, dans l’ombre,<br />

quelque ange immense était debout, les ailes déployées, attendant l’âme.<br />

AVEZ-VOUS BIEN LU CE TEXTE ?<br />

PISTES POUR L'ÉTUDE COMPARÉE DES EXTRAITS<br />

1 Comment la société se comporte-t-elle vis-à-vis<br />

de Jean Valjean, même après sa sortie <strong>du</strong> bagne<br />

(textes 1 et 4) ? Qu’en pensez-vous ?<br />

2 Quelle est l’attitude de M. Madeleine dans la ville<br />

de Montreuil-sur-Mer (texte 2) ? Désire-t-il s’intégrer<br />

ou rejette-t-il la société qui l’a condamné ?<br />

3 a. Pourquoi et comment le langage de M. Madeleine<br />

change-t-il (texte 2) ?<br />

b. Où Jean Valjean a-t-il pu commencer cet apprentissage<br />

(texte 1) ?<br />

4 En quoi le personnage de Jean Valjean illustret-il<br />

la phrase de Victor Hugo « Quand vous ouvrez<br />

une école, vous fermez une prison » ?<br />

5 Quelles qualités Jean Valjean possède-t-il,<br />

d’après l’ensemble des textes ?<br />

6 Recopiez le tableau ci-dessous. À l'aide <strong>du</strong><br />

tableau, résumez l’évolution de Jean Valjean <strong>du</strong>rant<br />

son existence.<br />

Victor Hugo, <strong>Les</strong> Misérables, Partie V, livre 9, chapitre V.<br />

1 Quelle partie <strong>du</strong> texte est un rappel <strong>du</strong> texte précédent ?<br />

2 a. Pourquoi Jean Valjean dit-il qu’il faut « pardonner » aux Thénardier (lignes 4-5) ?<br />

b. Pourquoi demande-t-il à Cosette de se mettre à genoux chaque fois qu’elle prononcera<br />

le nom de Fantine (lignes 6 à 8) ?<br />

3 Comment Hugo suggère-t-il que Jean Valjean meurt comme un saint ?<br />

ENRICHIR SON VOCABULAIRE<br />

1 Quel est le sens <strong>du</strong> suffi xe -ette, employé dans<br />

le prénom Cosette ? Citez trois mots que vous<br />

connaissez formés avec le même suffi xe.<br />

2 Quel est le sens <strong>du</strong> suffi xe -ard, employé dans le<br />

mot « bagnard » ? Citez trois mots que vous<br />

connaissez formés avec le même suffi xe.<br />

ÉCRIRE<br />

Jean Valjean fait le bilan de sa vie.<br />

Consignes : Écrivez ce récit en une vingtaine de<br />

lignes, en employant la première personne, et en<br />

vous appuyant sur les textes étudiés. Vous emploierez<br />

le passé composé et le plus-que-parfait.<br />

S’EXPRIMER À L’ORAL<br />

C1 Développer de façon suivie un propos Socle<br />

commun<br />

en public sur un sujet déterminé<br />

Une fois qu’un prisonnier a été libéré, considérezvous<br />

qu’il a payé sa dette envers la société ? Justifi<br />

ez votre propos.<br />

texte identité place dans la société épreuves rencontrées réaction face aux épreuves<br />

texte 1 Jean Valjean bagnard libéré rejeté par la société colère et surprise<br />

texte 2 M. Madeleine<br />

texte 3 bagnard évadé<br />

texte 4 sainteté<br />

3. LES MONDES DU ROMAN<br />

93


PARCOURS<br />

COMPARÉ<br />

Extrait <strong>du</strong> fi lm Ivanhoé,<br />

de Richard Thorpe, 1952,<br />

avec Robert Taylor<br />

et Elizabeth Taylor.<br />

• Observez l’attitude<br />

<strong>du</strong> chevalier. Comment<br />

la qualifi eriez-vous ?<br />

1. Desdichado :<br />

« déshérité » en<br />

espagnol.<br />

2. maréchaux :<br />

domestiques chargés<br />

de s’occuper des<br />

chevaux. Le terme<br />

prendra ensuite une<br />

valeur honorifi que dans<br />

le domaine militaire.<br />

3. lice : espace entouré<br />

de palissades où se<br />

déroulaient les tournois<br />

au Moyen Âge.<br />

4. Guillaume de Wyvil :<br />

seigneur anglais.<br />

5. Bauséant :<br />

nom de la bannière<br />

des templiers,<br />

qui était moitié blanche,<br />

moitié noire.<br />

6. Temple :<br />

l’Église anglaise.<br />

5<br />

10<br />

15<br />

20<br />

25<br />

30<br />

Le <strong>roman</strong> historique<br />

Walter Scott (1771-1832) a inventé le genre <strong>du</strong> <strong>roman</strong> historique, dont la première<br />

fonction est de divertir le lecteur. Il a été suivi par Alexandre Dumas (1802-1870),<br />

Théophile Gautier, Prosper Mérimée et Victor Hugo. À travers la description des<br />

époques passées, ils ont bâti un imaginaire de l’Antiquité, <strong>du</strong> Moyen Âge ou <strong>du</strong><br />

Grand Siècle, parfois bien éloigné de la vérité historique.<br />

1 Un tournoi de chevalerie<br />

En 1194, en Angleterre, le prince Jean tente de conquérir le trône de son frère,<br />

Richard Cœur de lion, alors que celui-ci participe aux croisades. Jean organise un<br />

tournoi <strong>du</strong>rant lequel un mystérieux chevalier, Desdichado 1 , se fait remarquer pour<br />

son courage.<br />

C’était un spectacle splendide et terrible en même temps que de voir un si<br />

grand nombre de vaillants adversaires, bravement montés et richement armés,<br />

se tenir prêts à une rencontre si formidable, assis sur leur selle de guerre comme<br />

autant de statues de fer, et attendant le signal <strong>du</strong> combat avec la même ardeur<br />

que leurs généreux coursiers, qui signalaient leur impatience par les hennissements<br />

et en frappant la terre <strong>du</strong> pied.<br />

Jusque-là, les chevaliers avaient tenu leurs lances verticalement placées : leurs<br />

pointes brillantes scintillaient au soleil, et les banderoles dont elles étaient décorées<br />

fl ottaient au-dessus des panaches des casques. Ils restèrent ainsi pendant<br />

que les maréchaux 2 <strong>du</strong> camp inspectaient leurs rangs avec la plus grande<br />

minutie, de crainte que l’un ou l’autre parti ne comptât plus ou moins de<br />

chevaliers que le nombre fi xé.<br />

Le compte fut trouvé exact. Alors les maréchaux sortirent de la lice 3 , et<br />

Guillaume de Wyvil 4 donna le signal en prononçant d’une voix de tonnerre ces<br />

mots :<br />

– Laissez aller !<br />

<strong>Les</strong> trompettes retentirent à ces paroles ; aussitôt les champions baissèrent<br />

leurs lances et les mirent en arrêt ; ils enfoncèrent les éperons dans les fl ancs de<br />

leurs chevaux, et les deux rangs les plus avancés de chaque parti s’élancèrent au<br />

grand galop l’un contre l’autre, et se heurtèrent au milieu de la lice dans un<br />

choc dont le bruit fut enten<strong>du</strong> à un mille de là. Le deuxième rang de chaque<br />

parti s’avança d’un pas plus lent, pour contenir les vaincus ou raffermir le succès<br />

des vainqueurs ; les conséquences <strong>du</strong> choc ne furent pas visibles sur-le-champ,<br />

car la poussière soulevée par le piétinement de tant de chevaux obscurcit l’air, et<br />

il fallut quelque temps avant que les spectateurs inquiets pussent apprécier<br />

l’issue de cette rencontre. Quand le combat devint visible, la moitié des chevaliers<br />

de chaque côté étaient démontés, les uns par l’adresse de la lance de leurs<br />

adversaires, les autres par le poids et la force supérieure de leurs ennemis, ayant<br />

abattu chevaux et hommes ; les uns gisaient sur le sol comme s’ils ne devaient<br />

plus se relever ; d’autres étaient déjà remis sur pied et combattaient corps à<br />

corps ceux de leurs adversaires qui se trouvaient dans la même condition. Enfi n,<br />

Extrait <strong>du</strong> fi lm Ivanhoé,<br />

de Richard Thorpe, 1952.<br />

1. Quelle scène est<br />

représentée ici ?<br />

2. Quels éléments <strong>du</strong><br />

décor et des costumes<br />

montrent qu’il s’agit<br />

d’une scène médiévale ?<br />

1. Saint-Barthélemy :<br />

le 24 août 1572,<br />

Charles IX, roi de<br />

France, ordonna<br />

le massacre de<br />

tous les protestants<br />

présents dans Paris.<br />

2. arquebusade :<br />

tir d’arquebuses, armes<br />

à feu de l’époque.<br />

3. huguenots : nom<br />

donné aux protestants.<br />

4. abjures :<br />

« abjurer » signifi e<br />

renoncer à sa foi.<br />

des deux côtés, plusieurs combattants, ayant reçu<br />

des blessures qui les mettaient hors de combat, étanchaient<br />

leur sang avec leurs écharpes, et tâchaient de<br />

se retirer de la mêlée.<br />

<strong>Les</strong> chevaliers montés, dont les lances avaient été<br />

presque toutes brisées par la violence <strong>du</strong> choc,<br />

étaient maintenant étroitement engagés avec leurs<br />

épées, poussant leur cri de guerre et échangeant des<br />

coups aussi pressés que si l’honneur et la vie dépendaient<br />

de l’issue <strong>du</strong> combat.<br />

Le tumulte fut bientôt augmenté par l’arrivée des<br />

chevaliers composant le second rang des deux partis, qui, agissant comme<br />

réserve, s’élançaient maintenant au secours de leurs compagnons. Ceux qui<br />

tenaient pour Brian de Bois-Guilbert criaient :<br />

– Bauséant ! Bauséant 5 ! Pour le Temple 6 ! pour le Temple ! Le parti opposé<br />

répondait à ce cri par celui de :<br />

– Desdichado ! Desdichado ! mot de ralliement qu’ils empruntaient à la<br />

devise de l’écu de leur chef.<br />

Walter Scott, Ivanhoé, chapitre XII, tra<strong>du</strong>ction Alexandre Dumas, 1819.<br />

2 Le massacre de la Saint-Barthélemy<br />

Bernard de Mergy, jeune protestant, se trouve chez sa maîtresse catholique, Diane<br />

de Turgis, le soir de la Saint-Barthélemy 1 .<br />

La comtesse s’était élancée vers la fenêtre, qu’elle avait ouverte.<br />

Alors le bruit, que les vitres et les rideaux n’arrêtaient plus, arriva plus<br />

distinct. On croyait y démêler des cris de douleur et des hurlements de joie.<br />

Une fumée rougeâtre montait vers le ciel et s’élevait de toutes les parties de la<br />

ville aussi loin que la vue pouvait s’étendre. On eût dit un immense incendie, si<br />

une odeur de résine, qui ne pouvait être pro<strong>du</strong>ite que par des milliers de torches<br />

allumées, n’eût aussitôt rempli la chambre. En même temps, la lueur d’une<br />

arquebusade 2 qui semblait tirée dans la rue éclaira un moment les vitres d’une<br />

maison voisine.<br />

– Le massacre est commencé ! s’écria la comtesse en portant les mains à sa<br />

tête avec effroi.<br />

– Quel massacre ? Que voulez-vous dire ?<br />

– Cette nuit on égorge tous les huguenots 3 ; le roi l’a ordonné. Tous les<br />

catholiques ont pris les armes, et pas un seul hérétique ne doit être épargné.<br />

L’Église et la France sont sauvées ; mais tu es per<strong>du</strong> si tu n’abjures 4 ta fausse<br />

croyance.<br />

94 3. LES MONDES DU ROMAN<br />

45<br />

5<br />

10<br />

15<br />

35<br />

40<br />

AVEZ-VOUS BIEN LU CE TEXTE ?<br />

1 Dans le premier paragraphe, relevez les termes qui insistent sur l’aspect spectaculaire<br />

<strong>du</strong> tournoi.<br />

2 Quelles sont les quatre étapes qui constituent le tournoi (lignes 17 à 45) ?<br />

3 Comment le narrateur décrit-il la violence <strong>du</strong> tournoi (lignes 23 à 41) ?<br />

4 Dans les lignes 26 à 35, un des deux groupes de chevaliers semble-t-il l’emporter<br />

? Justifi ez votre réponse.<br />

95


Alexandre-Évariste<br />

Fragonard (1780-1850),<br />

Scène <strong>du</strong> massacre de<br />

la Saint-Barthélemy,<br />

huile sur toile, 133 x 179 cm,<br />

Musée <strong>du</strong> Louvre, Paris.<br />

Eugène Damblans (1865-1945),<br />

couverture des Trois Mousquetaires,<br />

dans Journal des <strong>roman</strong>s populaires<br />

illustrés, 1905, lithographie couleur,<br />

Bibliothèque nationale de France, Paris.<br />

20<br />

25<br />

Mergy sentit une sueur froide qui se répandait sur tous ses membres. Il<br />

considérait d’un œil hagard Diane de Turgis, dont les traits exprimaient un<br />

mélange singulier d’angoisse et de triomphe. Le vacarme effroyable qui<br />

retentissait à ses oreilles et remplissait toute la ville lui prouvait assez la<br />

vérité de l’affreuse nouvelle qu’elle venait de lui apprendre. Pendant<br />

quelques instants la comtesse demeura immobile, les yeux fi xés sur lui sans<br />

parler ; seulement, un doigt éten<strong>du</strong> vers la fenêtre, elle semblait vouloir<br />

s’en rapporter à l’imagination de Mergy, pour lui représenter les scènes<br />

sanglantes que laissaient deviner ces clameurs et cette illumination de<br />

cannibales. Par degrés, son expression se radoucit ; la joie sauvage disparut,<br />

et la terreur resta. Enfi n, tombant à genoux, et d’un ton de voix suppliant :<br />

– Bernard ! s’écria-t-elle, je t’en conjure, sauve ta vie, convertis-toi !<br />

Sauve ta vie, sauve la mienne qui en dépend !<br />

Prosper Mérimée, Chronique <strong>du</strong> règne de Charles IX, chapitre XXI, 1829.<br />

AVEZ-VOUS BIEN LU CE TEXTE ?<br />

1 Qu’est-ce qui provoque une lueur d’incendie, dans les lignes 2 à 9 ?<br />

2 Pour quelles raisons Diane demande-t-elle à Bernard de se convertir ?<br />

3 Pourquoi les « traits » de Diane expriment-ils « un mélange singulier d’angoisse<br />

et de triomphe » (lignes 18-19) ? Quelles expressions <strong>du</strong> texte reprennent<br />

ces deux aspects ?<br />

4 Par quel procédé le narrateur évoque-t-il le massacre ?<br />

3 Un <strong>du</strong>el sanglant<br />

5<br />

10<br />

15<br />

20<br />

En 1625, d’Artagnan, jeune gentilhomme gascon, vient à Paris pour<br />

devenir mousquetaire <strong>du</strong> roi Louis XIII. Il est pris dans un <strong>du</strong>el.<br />

Et les neuf combattants se précipitèrent les uns sur les autres avec<br />

une furie qui n’excluait pas une certaine méthode.<br />

Athos 1 prit un certain Cahusac 2 , favori <strong>du</strong> cardinal ; Porthos 1 eut<br />

Biscarat 2 , et Aramis 1 se vit en face de deux adversaires.<br />

Quant à d’Artagnan, il se trouva lancé contre Jussac 2 lui-même.<br />

Le cœur <strong>du</strong> jeune Gascon battait à lui briser la poitrine, non pas de<br />

peur, Dieu merci ! il n’en avait pas l’ombre, mais d’émulation 3 ; il se<br />

battait comme un tigre en fureur, tournant dix fois autour de son<br />

adversaire, changeant vingt fois ses gardes et son terrain. Jussac était,<br />

comme on le disait alors, friand de la lame, et avait fort pratiqué ;<br />

cependant il avait toutes les peines <strong>du</strong> monde à se défendre contre un<br />

adversaire qui, agile et bondissant, s’écartait à tout moment des règles<br />

reçues, attaquant de tous côtés à la fois, et tout cela en parant en<br />

homme qui a le plus grand respect pour son épiderme.<br />

Enfi n cette lutte fi nit par faire perdre patience à Jussac. Furieux<br />

d’être tenu en échec par celui qu’il avait regardé comme un enfant, il<br />

s’échauffa et commença à faire des fautes. D’Artagnan, qui, à défaut<br />

de la pratique, avait une profonde théorie, redoubla d’agilité. Jussac,<br />

voulant en fi nir, porta un coup terrible à son adversaire en se fendant<br />

à fond ; mais celui-ci para prime, et tandis que Jussac se relevait, se<br />

1. Athos, Porthos,<br />

Aramis : mousquetaires<br />

<strong>du</strong> Roi.<br />

2. Jussac, Cahusac<br />

et Biscarat : gardes <strong>du</strong><br />

cardinal de Richelieu.<br />

Jussac est le chef.<br />

3. émulation : désir de<br />

surpasser les autres.<br />

4. blessé de nouveau :<br />

Athos était blessé avant<br />

d’engager le combat.<br />

• Cette statue correspondelle<br />

à l’image que vous<br />

vous faites de d’Artagnan ?<br />

Justifi ez votre réponse.<br />

glissant comme un serpent sous son fer, il lui passa son épée au travers <strong>du</strong><br />

corps. Jussac tomba comme une masse.<br />

D’Artagnan jeta alors un coup d’œil inquiet et rapide sur le champ de<br />

bataille.<br />

Aramis avait déjà tué un de ses adversaires ; mais l’autre le pressait vivement.<br />

Cependant Aramis était en bonne situation et pouvait encore se défendre.<br />

Biscarat et Porthos venaient de faire coup fourré : Porthos avait reçu un<br />

coup d’épée au travers <strong>du</strong> bras, et Biscarat au travers de la cuisse. Mais comme<br />

ni l’une ni l’autre des deux blessures n’était grave, ils ne s’en escrimaient qu’avec<br />

plus d’acharnement.<br />

Athos, blessé de nouveau4 par Cahusac, pâlissait à vue d’œil, mais il ne reculait<br />

pas d’une semelle : il avait seulement changé son épée de main, et se battait<br />

de la main gauche.<br />

D’Artagnan, selon les lois <strong>du</strong> <strong>du</strong>el de cette époque, pouvait secourir<br />

quelqu’un ; pendant qu’il cherchait <strong>du</strong> regard celui de ses compagnons qui<br />

avait besoin de son aide, il surprit un coup d’œil d’Athos. Ce coup d’œil était<br />

d’une éloquence sublime. Athos serait mort plutôt que d’appeler au secours ;<br />

mais il pouvait regarder, et <strong>du</strong> regard demander un appui.<br />

D’Artagnan le devina, fi t un bond terrible et tomba sur le fl anc de Cahusac<br />

en criant :<br />

« À moi, monsieur le garde, je vous tue ! »<br />

Alexandre Dumas, <strong>Les</strong> Trois Mousquetaires, chapitre V, 1844.<br />

96 3. LES MONDES DU ROMAN<br />

25<br />

30<br />

35<br />

40<br />

Gustave Doré (1832-1883), statue de d’Artagnan, sculpture en bronze, faisant<br />

partie <strong>du</strong> monument à Alexandre Dumas, place <strong>du</strong> Général-Catroux, Paris 17 e .<br />

AVEZ-VOUS BIEN LU CE TEXTE ?<br />

1 Par quels termes le narrateur met-il en valeur la jeunesse de d’Artagnan ? Dans<br />

quel but ?<br />

2 Quelles sont les qualités de d’Artagnan dans le combat ? En quoi sont-elles<br />

surprenantes ?<br />

3 D’Artagnan est-il un « héros » ? Justifi ez votre réponse.<br />

4 Pourquoi Athos serait-il « mort plutôt que d’appeler au secours » (ligne 37) ?<br />

PISTES POUR L'ÉTUDE COMPARÉE DES EXTRAITS<br />

1 Recopiez et complétez le tableau ci-dessous<br />

pour comparer les trois extraits.<br />

texte 1<br />

texte 2<br />

texte 3<br />

époque lieux décrits personnages<br />

2 <strong>Les</strong> extraits présentés vous ont-ils appris quelque<br />

chose sur l’époque à laquelle ils sont censés se<br />

dérouler ?<br />

3 Le renvoi à un événement historique réel (texte 2)<br />

change-t-il la façon de raconter, par rapport à des<br />

événements imaginaires (textes 1 et 3) ? Justifi ez<br />

votre réponse.<br />

4 D’après les connaissances que vous en avez,<br />

quelle différence faites-vous entre le <strong>roman</strong><br />

historique et le <strong>roman</strong> d’aventures ? Justifi ez votre<br />

réponse.<br />

ENRICHIR SON VOCABULAIRE<br />

Relevez, dans chaque texte, le vocabulaire qui renvoie<br />

à l’époque décrite.<br />

ÉCRIRE<br />

Écrivez, au choix, la suite <strong>du</strong> texte 2 ou <strong>du</strong> texte 3.<br />

Consignes : Votre texte fera une vingtaine de lignes.<br />

Vous respecterez le cadre historique en employant<br />

des mots renvoyant à l’époque. Si nécessaire, vous<br />

effectuerez une recherche préalable afi n d’appuyer<br />

votre récit sur des événements historiques réels.<br />

S’EXPRIMER À L’ORAL<br />

Avez-vous déjà vu l’adaptation d’un <strong>roman</strong> historique<br />

au cinéma ? Cette adaptation vous a-t-elle<br />

donné envie de lire le livre ? Justifi ez votre réponse.<br />

97


BILAN<br />

LE ROMAN DU XIX e SIÈCLE<br />

L’apogée <strong>du</strong> <strong>roman</strong><br />

On appelle d’abord « <strong>roman</strong> » des récits<br />

écrits en langue <strong>roman</strong>e, par opposition<br />

au latin. Puis le terme se spécialise pour<br />

désigner des récits en prose, relativement<br />

longs. Le XIX e siècle est le grand siècle <strong>du</strong><br />

<strong>roman</strong>, considéré auparavant comme un<br />

genre mineur.<br />

Le réalisme<br />

<strong>Les</strong> <strong>roman</strong>ciers <strong>du</strong> XIX e siècle décrivent la<br />

réalité de façon à « faire vrai ». Ce qui<br />

défi nit le réalisme, c’est donc le vraisemblable,<br />

et non le fait que l’histoire racontée<br />

soit vraie ou soit une fi ction.<br />

Le réalisme est fondé sur des effets de réel :<br />

l’action se déroule dans des lieux connus et<br />

les personnages sont plausibles.<br />

La description de la société<br />

La société est le sujet principal des<br />

<strong>roman</strong>s. Balzac (p. 80 et p. 86) décrit les<br />

différentes classes sociales et leurs ambitions.<br />

Il oppose la vie parisienne et la vie en<br />

province.<br />

Flaubert peint les désirs de la bourgeoisie<br />

(p. 83), tandis que Hugo décrit les pauvres<br />

(p. 90).<br />

L’exploitation de la misère des uns par l’avidité<br />

des autres est au centre des <strong>roman</strong>s de<br />

Zola (p. 88).<br />

L’analyse psychologique<br />

des personnages<br />

observation de la société passe par le<br />

L’ biais de personnages dont l’analyse psychologique<br />

est fouillée. Le narrateur détaille<br />

et explique leurs sentiments, soit en les<br />

décrivant de l’extérieur, soit en les faisant<br />

parler eux-mêmes.<br />

Le lecteur peut ainsi facilement s’identifi er<br />

aux personnages.<br />

1. Distinguer<br />

Citez deux différences entre les notions suivantes :<br />

– <strong>roman</strong> / <strong>roman</strong>esque.<br />

2. Défi nir<br />

À quelle défi nition correspond la notion étudiée ?<br />

réalisme : a. reportage réel – b. récit fondé sur<br />

des effets de réel – c. capacité à voir la réalité en<br />

face.<br />

fi ction : a. récit fondé sur le rêve – b. récit<br />

inventé – c. récit invraisemblable.<br />

3. Argumenter<br />

Par quels procédés l’artiste a-t-il mis en scène le<br />

personnage de Cosette ?<br />

Gabriel Guay, Cosette, d’après la peinture<br />

<strong>du</strong> Salon de 1882, Maison de Victor Hugo, Paris.<br />

Propositions de lecture<br />

1 Romans réalistes<br />

Honoré de Balzac,<br />

La Fille aux yeux<br />

d’or, Mille et une<br />

nuits, 1998.<br />

L’histoire d’un homme envoûté<br />

par une femme mystérieuse,<br />

et prêt à tout pour la conquérir.<br />

2 Romans historiques<br />

Théophile Gautier,<br />

Le Roman<br />

de la momie,<br />

Folio Junior,<br />

© Éditions<br />

Gallimard Jeunesse,<br />

2010.<br />

Des explorateurs découvrent une<br />

momie de femme. Celle-ci raconte<br />

son histoire, dans l’Égypte ancienne.<br />

3 Romans étrangers<br />

L’histoire d’une faute et<br />

d’une déchéance, dans<br />

la Russie <strong>du</strong> XIX e siècle.<br />

Léon Tolstoï,<br />

Anna Karénine,<br />

Le Livre de Poche,<br />

1997.<br />

Lire des <strong>roman</strong>s <strong>du</strong> XIX e siècle<br />

Guy de<br />

Maupassant,<br />

Pierre et Jean,<br />

Librio.<br />

Histoires d’argent, d’héritage,<br />

d’amour. La jalousie entre deux<br />

frères.<br />

Alexandre Dumas,<br />

La Tulipe noire,<br />

Le Serpent<br />

à plumes, 2006.<br />

<strong>Les</strong> aventures de Cornélius, un jeune<br />

Hollandais, qui cherche à créer une<br />

tulipe noire, en plein XVII e siècle.<br />

Yvan Tourguéniev,<br />

Pères et fi ls,<br />

Folio Junior,<br />

© Éditions<br />

Gallimard Jeunesse,<br />

2008.<br />

<strong>Les</strong> ambitions<br />

et les illusions<br />

de la jeunesse, dans un contexte<br />

de fortes oppositions idéologiques.<br />

Émile Zola,<br />

La Bête humaine,<br />

Éditions Pocket,<br />

2009.<br />

La passion,<br />

la jalousie, le meurtre. Ou comment<br />

un con<strong>du</strong>cteur de locomotive est<br />

entraîné sur les rails de son destin.<br />

Henryk<br />

Sienkiewicz,<br />

Quo Vadis,<br />

Le Livre de Poche,<br />

2008.<br />

En 64 après J.-C., les aventures<br />

d’un Romain amoureux d’une belle<br />

chrétienne, sous Néron.<br />

Giuseppe Tomasi<br />

di Lampe<strong>du</strong>sa,<br />

Le Guépard,<br />

Points,<br />

© Éditions <strong>du</strong> Seuil.<br />

<strong>Les</strong> bouleversements de l’aristocratie<br />

sicilienne à la fi n <strong>du</strong> XIX e siècle.<br />

3. LES MONDES DU ROMAN 99


Arts de l’espace Le Paris d’Haussmann<br />

Plan de Paris aujourd’hui avec les<br />

limites <strong>du</strong> XIX e siècle et les travaux<br />

d’Haussmann.<br />

DOCUMENT 1<br />

La gare de l’Est, carte postale<br />

<strong>du</strong> début <strong>du</strong> XX e siècle.<br />

Le renouveau architectural<br />

au XIX e siècle<br />

Situer les œuvres dans le temps<br />

et l’espace<br />

La rénovation de Paris sous le Second<br />

Empire donne aux rues une grande<br />

unité architecturale : on parle d’un<br />

style « haussmannien ». D’autres bâtiments<br />

s’inscrivent dans le mouvement<br />

néoclassique engagé dès le début <strong>du</strong><br />

XIX e siècle, avec des colonnes et des<br />

frontons comme dans les temples<br />

grecs (église de la Madeleine, Bourse<br />

de Paris). Un peu plus tard, apparaissent<br />

les premières architectures<br />

métalliques (ponts, gares, puis la tour<br />

Eiffel). Le Paris actuel est très marqué<br />

par ces constructions <strong>du</strong> XIX e siècle.<br />

DOCUMENT 2<br />

Le parc des Buttes-Chaumont,<br />

aménagé en 1866-1867 par Halphand<br />

et Barillet, vers1895.<br />

<strong>Les</strong> travaux d’Haussmann<br />

Le baron Haussmann (1809-1891), préfet de la<br />

Seine sous Napoléon III, de 1853 à 1870, a profondément<br />

transformé et modernisé Paris. Le<br />

premier objectif de ces travaux est une amélioration<br />

de la vie citadine : des parcs et des jardins<br />

sont créés. On veille aussi à une meilleure<br />

hygiène grâce aux égouts et aux réservoirs<br />

d’eau. Des normes de construction strictes sont<br />

établies pour les immeubles : les cours doivent<br />

faire au moins 30 m 2 , les étages doivent être d’au<br />

moins 2,60 m. <strong>Les</strong> loyers augmentent donc et les<br />

classes populaires sont éloignées <strong>du</strong> centre. Le<br />

second objectif est de rendre la circulation<br />

beaucoup plus fl uide. De nombreux boulevards<br />

et avenues sont créés ou élargis. Par ailleurs,<br />

les communes limitrophes sont annexées à<br />

Paris. Cette rénovation fait de Paris une ville<br />

moderne au prestige international.<br />

DOCUMENT 3<br />

La place de l’Étoile, aujourd’hui.<br />

DOCUMENT 4<br />

L’Opéra de Paris, dit Palais Garnier, carte postale, 1915.<br />

COMPARAISON DES DOCUMENTS<br />

1 Quel objectif poursuivi par Haussmann<br />

est visible dans les documents 3 et 5 ?<br />

2 Quelles sont les fonctions respectives<br />

des monuments ou des aménagements<br />

urbains dans les documents 1, 2 et 4 ?<br />

3 À quel type d’architecture peuvent<br />

faire penser l’Arc de Triomphe (document<br />

3) et les colonnades de l’Opéra<br />

(document 4) ?<br />

DOCUMENT 5<br />

Dumont, Percement de la rue de Rivoli, 1859,<br />

gravure, Bibliothèque nationale de France, Paris.<br />

100 3. LES MONDES DU ROMAN 101


Méthode<br />

102<br />

Arts <strong>du</strong> visuel La composition d’un tableau<br />

LEÇON<br />

LE TOIT<br />

L’ESPACE DE LA VAPEUR<br />

L’ESPACE CENTRAL<br />

LES RAILS<br />

Un tableau est toujours structuré par des lignes<br />

horizontales, verticales ou diagonales. Dans<br />

le tableau de Monet, ces lignes reprennent les<br />

éléments architecturaux de la gare. À ces lignes<br />

s’ajoutent celles dessinées par les autres bâtiments<br />

et les rails.<br />

Cette structure géométrique s’organise autour de<br />

points de fuite qui orientent le regard <strong>du</strong> spectateur,<br />

et permettent la séparation d’espaces différenciés.<br />

Dans le document 1, deux points de fuite (les<br />

cercles) séparent trois espaces différents : l’espace<br />

extrêmement structuré de la gare, avec le<br />

toit en haut et les rails en bas ; l’espace central<br />

de la locomotive, entre les deux points de fuite ;<br />

l’espace trouble de la vapeur de la machine, qui<br />

forme presque un losange. L’espace de la gare est<br />

peint dans des teintes brunes, alors que le bleu et<br />

le rose dominent l’espace de la vapeur.<br />

Questions (document 2)<br />

1 a. Quelles lignes horizontales, verticales et diagonales<br />

structurent ce tableau d’Édouard Manet ?<br />

b. Qu’est-ce qui vous a permis de les identifi er ?<br />

2 a. Quel effet est recherché par le placement des<br />

mains de l’homme ?<br />

b. À quoi servent le parapluie vert et l’éventail ocre,<br />

<strong>du</strong> point de vue de la structure <strong>du</strong> tableau ?<br />

3 Y a-t-il un (ou plusieurs) point(s) de fuite dans ce<br />

tableau ?<br />

Claude Monet (1840-1926),<br />

La Gare Saint-Lazare, 1877,<br />

huile sur toile, 104 x 75,5 cm,<br />

Musée d’Orsay, Paris.<br />

Édouard Manet (1832-1883), Le Balcon, 1868-1869,<br />

huile sur toile, 124,5 x 170 cm, Musée d’Orsay, Paris.<br />

4 Comment les couleurs se répartissent-elles<br />

entre ces espaces ?<br />

5 Donnez un titre à chacun des ensembles que vous<br />

avez identifi és dans le tableau.<br />

Méthode<br />

Statut <strong>du</strong> narrateur et point de vue<br />

LEÇON<br />

1. Le statut <strong>du</strong> narrateur indique la position <strong>du</strong> narrateur par rapport à son récit.<br />

a. Il peut être un personnage : c’est un narrateur interne, il s’exprime à la première personne.<br />

Exemple : « Mais je me contins encore, et je restai sans bouger. Je respirais à peine. » (E. A. Poe, Le Cœur<br />

révélateur)<br />

b. Il peut ne pas être un personnage : c’est un narrateur externe.<br />

Exemple : « Le lendemain Rastignac s’habilla fort élégamment, et alla, vers trois heures de l’après-midi,<br />

chez madame de Restaud. » (H. de Balzac, Le Père Goriot)<br />

2. Le point de vue indique l’angle sous lequel le narrateur raconte.<br />

a. Le narrateur observe ses personnages en sachant tout d’eux : il adopte un point de vue omniscient.<br />

Un tel narrateur ne peut qu’être externe au récit.<br />

Exemple : « Cosette, nous l’avons dit, n’avait pas eu peur. » (V. Hugo, <strong>Les</strong> Misérables)<br />

b. Le narrateur est un témoin extérieur : il adopte un point de vue externe. Ce narrateur est externe au<br />

récit ; il faut noter qu’il est très rare en littérature.<br />

c. Le narrateur exprime les pensées de l’un de ses personnages : il adopte alors un point de vue interne.<br />

Exemple 1 (le narrateur externe exprime les pensées <strong>du</strong> personnage) : « Elle songeait quelquefois que c’étaient<br />

là pourtant les plus beaux jours de sa vie, la lune de miel, comme on disait. » (Flaubert, Madame Bovary).<br />

Exemple 2 (le narrateur interne exprime ses propres pensées) : « Ai-je per<strong>du</strong> la raison ? Ce qui s’est passé, ce<br />

que j’ai vu la nuit dernière est tellement étrange, que ma tête s’égare quand j’y songe ! » (Maupassant,<br />

Le Horla)<br />

1. Identifi er le statut <strong>du</strong> narrateur<br />

Indiquez le statut <strong>du</strong> narrateur dans l’extrait qui<br />

suit. Justifi ez votre réponse.<br />

Je venais de regarder longtemps et avec une profonde<br />

mélancolie le laboureur d’Holbein1 , et je me<br />

promenais dans la campagne, rêvant à la vie des<br />

champs et à la destinée <strong>du</strong> cultivateur.<br />

George Sand, La Mare au Diable,<br />

chapitre II, « Le Labour », 1846.<br />

1. Holbein : peintre allemand <strong>du</strong> XVI e siècle.<br />

2. Identifi er le point de vue employé<br />

Indiquez le point de vue dans l’extrait qui suit. Justifi<br />

ez votre réponse.<br />

Dans les premiers jours <strong>du</strong> mois d’octobre 1815, une<br />

heure environ avant le coucher <strong>du</strong> soleil, un homme<br />

qui voyageait à pied entra dans la petite ville de Digne.<br />

<strong>Les</strong> rares habitants qui se trouvaient en ce moment à<br />

leurs fenêtres ou sur le seuil de leurs maisons regardaient<br />

ce voyageur avec une sorte d’inquiétude.<br />

Victor Hugo, <strong>Les</strong> Misérables,<br />

livre deuxième, « La Chute », 1862.<br />

3. Identifi er le statut <strong>du</strong> narrateur<br />

et le point de vue<br />

Indiquez le statut <strong>du</strong> narrateur et le point de vue employé<br />

dans l’extrait qui suit. Justifi ez votre réponse.<br />

Ce fut comme une apparition.<br />

Elle était assise, au milieu <strong>du</strong> banc, toute seule ; ou<br />

<strong>du</strong> moins il ne distingua personne, dans l’éblouisse-<br />

ment que lui envoyèrent ses yeux. En même temps<br />

qu’il passait, elle leva la tête ; il fl échit involontairement<br />

les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin,<br />

<strong>du</strong> même côté, il la regarda.<br />

Flaubert, L’É<strong>du</strong>cation sentimentale, 1869, I,1.<br />

4. Manipuler<br />

Décrivez la robe portée par cette femme selon deux<br />

points de vue différents :<br />

– le point de vue externe. Vous décrirez la couleur, la<br />

forme, le style…<br />

– le point de vue interne de la femme. Vous imaginerez<br />

l’effet recherché par cette jeune femme, si elle<br />

est à l’aise ou non dans cette robe, etc.<br />

James Tissot<br />

(1836-1902),<br />

La Robe jaune :<br />

couple élégant<br />

lors d’une soirée<br />

mondaine, 1878,<br />

huile sur toile,<br />

50 x 90 cm,<br />

Musée d’Orsay,<br />

Paris.


La ville et ses habitants<br />

LEÇON<br />

Le mot ville a plusieurs synonymes :<br />

– ville se disait urbs en latin, et polis en grec.<br />

– l’agglomération comporte la ville et ses alentours,<br />

ou ses banlieues.<br />

– le bourg est un mot vieilli, qui désigne aujourd’hui<br />

le centre d’un village ; il s’opposait aux<br />

faubourgs, placés en périphérie des villes.<br />

– la cité est un mot vieilli, employé à l’origine<br />

pour les villes grecques ; aujourd’hui, il désigne un<br />

groupe d’immeubles.<br />

– la métropole désigne une très grande ville ou le<br />

continent par opposition aux îles (le mot est formé<br />

avec la racine grecque polis).<br />

– la municipalité est une défi nition juridique, qui<br />

correspond en France à la commune.<br />

– le village est plus petit que la ville.<br />

1 Identifi er le sens des mots<br />

Donnez le sens des mots en italique, dans les<br />

phrases suivantes.<br />

1. C’est un véritable citadin qui se comporte avec<br />

beaucoup d’urbanité.<br />

2. Bien qu’il habite une cité, en plein milieu de l’agglomération,<br />

rien ne l’empêche d’avoir des allures de<br />

bourgeois.<br />

2 Différencier le sens des mots<br />

Utilisez si nécessaire un dictionnaire pour différencier<br />

les couples de mots suivants :<br />

– urbanisme / urbanité<br />

– politique / politesse<br />

– mégalopole / mégalomane<br />

– bourgeois / bourgeon<br />

– commune / communisme<br />

3 Utiliser les mots adéquats<br />

Dans le texte suivant, les mots en italique ont été<br />

mélangés : remettez-les dans le bon sens, en rectifi<br />

ant si nécessaire les accords.<br />

Il y a plusieurs siècles, c’était un petit faubourg isolé.<br />

Petit à petit, le village a grossi, est devenu une grosse<br />

métropole, qui a englobé ses bourgs pour devenir<br />

aujourd’hui une véritable commune.<br />

4 Développer une famille de mots<br />

Faites la liste de tous les mots que vous connaissez<br />

appartenant à la famille de « commune » et<br />

identifi ez leurs sens. Classez-les ensuite selon les<br />

familles de sens.<br />

VOCABULAIRE<br />

<strong>Les</strong> habitants sont :<br />

– les urbains.<br />

– les banlieusards habitent en banlieue, mais il n’y<br />

a pas de mot pour les habitants de l’agglomération.<br />

– les bourgeois ; le mot a changé de sens aujourd’hui,<br />

et désigne une classe sociale.<br />

– les citadins ; aujourd’hui, habitants d’une ville<br />

(et non d’une cité HLM).<br />

– les métropolitains désignent les habitants <strong>du</strong><br />

continent, par opposition à ceux des îles ; le métropolitain<br />

est le nom <strong>du</strong> métro parisien.<br />

– les villageois.<br />

5 Écrire<br />

Écrivez, en une quinzaine de lignes, le récit <strong>du</strong> réaménagement<br />

d’un quartier, en employant le plus<br />

grand nombre possible de mots de la leçon.<br />

6 Écrire à partir d’une image<br />

À partir de cette vignette de bande dessinée, écrivez<br />

l’histoire de cette ville en une vingtaine de lignes.<br />

La vignette sera le point d’aboutissement de votre<br />

récit.<br />

François Schuiten, Benoît Peeters,<br />

Voyages en Utopie, © Casterman, 2000.<br />

Écrire des narrations<br />

ÉCRIRE À PARTIR DE NOTIONS DE LANGUE<br />

1 Une narration au passé leçon 12, p. 304<br />

1. Identifi ez les modes personnels et les temps<br />

employés dans cet extrait.<br />

2. Écrivez la suite de ce texte, en cinq lignes, en<br />

employant les mêmes temps.<br />

Pour ces esprits étroits, comme pour ces jeunes<br />

gens insouciants, la sèche misère <strong>du</strong> père Goriot<br />

et sa stupide attitude étaient incompatibles avec<br />

une fortune et une capacité quelconques. Quant<br />

aux femmes qu’il nommait ses fi lles, chacun partageait<br />

l’opinion de madame Vauquer, qui disait, avec<br />

la logique sévère que l’habitude de tout supposer<br />

donne aux vieilles femmes occupées à bavarder pendant<br />

leurs soirées : « Si le père Goriot avait des fi lles<br />

aussi riches que paraissent l’être toutes les dames<br />

qui sont venues le voir, il ne serait pas dans ma maison,<br />

au troisième, à quarante-cinq francs par mois,<br />

et n’irait pas vêtu comme un pauvre. »<br />

Honoré de Balzac, Le Père Goriot, chapitre I, 1835.<br />

2 Une narration au présent leçon 12, p. 304<br />

1. Identifi ez les modes personnels et les temps<br />

employés dans cet extrait.<br />

2. Récrivez le texte au présent.<br />

3. Quels changements de temps avez-vous effectués<br />

?<br />

Et ce fut à la même époque, quinze jours plus tard,<br />

que Saccard inaugura l’hôtel monumental qu’il avait<br />

voulu, pour y loger royalement l’Universelle. Six<br />

mois venaient de suffi re, on avait travaillé jour et<br />

nuit, sans perdre une heure, faisant ce miracle qui<br />

n’est possible qu’à Paris ; et la façade se dressait, fl eurie<br />

d’ornements, tenant <strong>du</strong> temple et <strong>du</strong> café-concert,<br />

AMÉLIORER SON EXPRESSION ÉCRITE<br />

Sujet<br />

Vous êtes invité(e) pour la première fois dans une<br />

soirée. Vous voulez faire bonne fi gure, être remarqué(e),<br />

mais vous êtes en même temps intimidé(e).<br />

Consignes : Faites-en le récit en une quinzaine de<br />

lignes.<br />

Un extrait <strong>du</strong> devoir<br />

À peine étais-je entré(e) que tout le monde se tourna vers moi *.<br />

Je rougis jusqu’aux oreilles. Mais non ! personne ne me regardait,<br />

c’était encore pire que ce que je pensais. J’allais partir quand<br />

on me proposa un verre de champagne. Bon, allez ! <strong>du</strong> courage,<br />

il faut y aller.<br />

LANGUE<br />

une façade dont le luxe étalé arrêtait le monde sur<br />

le trottoir. À l’intérieur, c’était une somptuosité, les<br />

millions des caisses ruisselant le long des murs. Un<br />

escalier d’honneur con<strong>du</strong>isait à la salle <strong>du</strong> conseil,<br />

rouge et or, d’une splendeur de salle d’opéra.<br />

Émile Zola, L’Argent, chapitre VIII, 1891.<br />

3 Le passif dans la narration leçon 13, p. 307<br />

1. Relevez et classez les verbes à un mode personnel<br />

selon qu’ils sont à la voix active ou à la voix passive.<br />

2. Récrivez le texte de manière à transformer les<br />

deux verbes à la voix passive en voix active.<br />

Une fois le pansement fait, le médecin fut invité,<br />

par M. Rouault lui-même, à prendre un morceau<br />

avant de partir.<br />

Charles descendit dans la salle, au rez-de-chaussée.<br />

Deux couverts, avec des timbales d’argent, y étaient<br />

mis sur une petite table, au pied d’un grand lit à<br />

baldaquin revêtu d’une indienne à personnages<br />

représentant des Turcs.<br />

Gustave Flaubert, Madame Bovary, chapitre II, 1857.<br />

4 Employer des connecteurs leçon 36, p. 360<br />

Rédigez un texte, d’une dizaine de lignes, pour<br />

décrire l’entrée d’un bâtiment offi ciel (par exemple<br />

la mairie). Vous pourrez commencer par : « Tout<br />

d’abord, en entrant dans la mairie, on voit… ». Vous<br />

utiliserez les connecteurs suivants : à gauche –<br />

mais, en haut – mais – là – maintenant – pourtant<br />

– alors.<br />

Vous enrichirez ensuite votre description, en ajoutant<br />

aux connecteurs spatiaux que vous avez employés,<br />

des connecteurs temporels, indiquant les étapes successives<br />

de votre regard.<br />

Compétences à travailler<br />

• Améliorer le niveau de langue<br />

Remplacez la phrase en italique par une phrase<br />

d’un niveau de langue plus soutenu.<br />

• Alléger les tournures<br />

Récrivez la phrase en gras de façon à éviter la tournure<br />

« que ce que ».<br />

• Développer le récit<br />

Insérez à la place de l’astérisque une description<br />

de quelques lignes qui permette d’imaginer la<br />

scène.<br />

104 3. LES MONDES DU ROMAN 105


ÉCRIRE À PARTIR DES THÈMES ROMANESQUES<br />

1 Expliquer les ambitions d’une famille<br />

Deux couples dînent ensemble. Le premier couple<br />

cherche d’abord le bonheur de ses enfants, tandis<br />

que le second fait part de grandes ambitions<br />

sociales.<br />

Consignes : Dans un texte d’une vingtaine de lignes,<br />

vous alternerez des moments de récit et de dialogue,<br />

et vous soulignerez l’opposition entre les couples au<br />

moyen de connecteurs logiques.<br />

2 Faire parler un personnage<br />

D’Artagnan raconte à des amis son arrivée chez<br />

M. de Tréville, qui dirige les Mousquetaires. Il décrit<br />

les lieux et l’ambiance qui y règne. Il explique pourquoi<br />

il se sent bien et veut devenir mousquetaire.<br />

Consignes : Vous emploierez des connecteurs spatiaux<br />

et chronologiques pour organiser la description. Vous<br />

utiliserez le passé composé et l’imparfait. Votre texte<br />

fera une trentaine de lignes et sera construit en au<br />

moins deux paragraphes. Vous pourrez commencer<br />

par : « Quand je suis arrivé dans la cour de M. de Tréville,<br />

il y régnait une ambiance extraordinaire… »<br />

3 Décrire un personnage et une classe<br />

sociale<br />

Décrivez un enfant regardant une vitrine de Noël.<br />

Vous emploierez un point de vue omniscient.<br />

Consignes : Votre texte fera une vingtaine de lignes et<br />

sera rédigé aux temps <strong>du</strong> récit (passé simple et<br />

imparfait). Vous pourrez commencer par : « C’était<br />

aux environs de la mi-décembre et, invariablement,<br />

depuis une semaine, un enfant venait admirer la<br />

vitrine <strong>du</strong> grand magasin… »<br />

4 Exprimer une opinion<br />

Pensez-vous, comme Emma Bovary dans Madame<br />

Bovary de Flaubert, que la vie est toujours décevante<br />

par rapport au rêve ?<br />

Consignes : Dans un texte d’une vingtaine de lignes,<br />

vous défendrez votre opinion, étayée par au moins<br />

deux arguments et des exemples.<br />

ÉCRIRE À PARTIR DE TEXTES DE ZOLA,<br />

DE FLAUBERT ET DE BALZAC<br />

5 Changer de point de vue<br />

Récrivez le texte suivant en le faisant raconter par<br />

Catherine, une adolescente qui part tous les matins<br />

travailler à la mine.<br />

Consignes : Vous ferez toutes les modifi cations nécessaires.<br />

Vous enrichirez votre texte en imaginant ses<br />

sentiments sur ses conditions de vie, sur la misère<br />

dans laquelle vit sa famille. Vous pourrez commencer<br />

par : « Comme tous les matins, quand quatre heures<br />

sonnent au coucou… »<br />

ÉCRITURE<br />

Quatre heures sonnèrent au coucou de la salle <strong>du</strong><br />

rez-de-chaussée, rien encore ne remua, des haleines<br />

grêles siffl aient, accompagnées de deux ronfl ements<br />

sonores. Et brusquement, ce fut Catherine<br />

qui se leva. Dans sa fatigue, elle avait, par habitude,<br />

compté les quatre coups <strong>du</strong> timbre, à travers le<br />

plancher, sans trouver la force de s’éveiller complètement.<br />

Puis, les jambes jetées hors des couvertures,<br />

elle tâtonna, frotta enfi n une allumette et alluma la<br />

chandelle. Mais elle restait assise, la tête si pesante,<br />

qu’elle se renversait entre les deux épaules, cédant<br />

au besoin invincible de retomber sur le traversin.<br />

Maintenant, la chandelle éclairait la chambre, carrée,<br />

à deux fenêtres, que trois lits emplissaient. Il y<br />

avait une armoire, une table, deux chaises de vieux<br />

noyer, dont le ton fumeux tachait <strong>du</strong>rement les<br />

murs, peints en jaune clair.<br />

Émile Zola, Germinal, 1885.<br />

6 Prolonger un texte<br />

Imaginez la demande en mariage faite par Charles,<br />

la réaction d’Emma et de son père.<br />

Consignes : Vous écrivez la suite <strong>du</strong> texte en deux ou<br />

trois paragraphes. Vous pourrez insérer un dialogue.<br />

Votre texte fera une quarantaine de lignes.<br />

Lorsqu’il [le père d’Emma] s’aperçut donc que<br />

Charles avait les pommettes rouges près de sa fi lle,<br />

ce qui signifi ait qu’un de ces jours on la lui demanderait<br />

en mariage, il rumina d’avance toute l’affaire.<br />

Il le trouvait bien un peu gringalet, et ce n’était pas<br />

là un gendre comme il l’eût souhaité ; mais on le<br />

disait de bonne con<strong>du</strong>ite, économe, fort instruit,<br />

et sans doute qu’il ne chicanerait pas trop sur la<br />

dot. Or, comme le père Rouault allait être forcé de<br />

vendre vingt-deux acres 1 de son bien, qu’il devait<br />

beaucoup au maçon, beaucoup au bourrelier 2 , que<br />

l’arbre <strong>du</strong> pressoir était à remettre :<br />

– S’il me la demande, se dit-il, je la lui donne.<br />

Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857.<br />

1. un acre : environ 4 000 m 2 .<br />

2. bourrelier : artisan qui fabrique et entretient les harnais<br />

des chevaux.<br />

7 Développer un texte<br />

À partir <strong>du</strong> titre de ce <strong>roman</strong> et de ses dernières<br />

lignes, imaginez un récit.<br />

Consignes : Dans un texte d’une quarantaine de<br />

lignes, vous alternerez des passages narratifs, des<br />

passages descriptifs et quelques dialogues.<br />

Il retomba sur son lit en rendant le son lourd d’un<br />

corps inerte, mourut en poussant un gémissement<br />

affreux, et ses yeux convulsés exprimèrent jusqu’au<br />

moment où le médecin les ferma le regret de n’avoir<br />

pu léguer à la science le mot d’une énigme dont<br />

le voile s’était tardivement déchiré sous les doigts<br />

décharnés de la Mort.<br />

Honoré de Balzac, La Recherche de l’absolu, 1834.<br />

ÉCRIRE À PARTIR D'IMAGES<br />

8 Un déjeuner<br />

Racontez le déjeuner qui a réuni les personnages<br />

<strong>du</strong> tableau.<br />

Consignes : Vous adopterez le point de vue de l’un des<br />

personnages, en décidant des liens qui les unissent<br />

(déjeuner de famille, scène au restaurant, etc.). Votre<br />

texte fera une vingtaine de lignes. Vous exprimerez les<br />

sentiments et les réactions <strong>du</strong> personnage narrateur.<br />

Votre récit expliquera la présence des objets posés<br />

sur la chaise, à gauche.<br />

Édouard Manet (1832-1883), Le Déjeuner dans l’atelier, 1868,<br />

huile sur toile, 154 x 118 cm, Neue Pinakothek, Munich,<br />

Allemagne.<br />

9 La pose d’une jeune femme<br />

10 Une rêverie parisienne<br />

Vous venez d’arriver à Paris et vous rêvez de votre<br />

avenir en ouvrant la fenêtre.<br />

Consignes : Dans un récit d’une vingtaine de lignes à<br />

la première personne <strong>du</strong> singulier, vous expliquerez<br />

d’abord votre satisfaction d’être à Paris, vous décrirez<br />

ensuite la vue qui s’offre à vous, en vous inspirant <strong>du</strong><br />

tableau, puis vous évoquerez vos rêves d’avenir.<br />

Gustave Caillebotte (1848-1894), Jeune homme à la fenêtre,<br />

1875, huile sur toile, 83 x 117 cm, Collection particulière.<br />

Imaginez ce que pense cette jeune femme en vous<br />

appuyant sur son attitude, ses habits, le décor.<br />

Vous préciserez également ce que vous inspire son<br />

regard.<br />

Consignes : Vous rédigerez une vingtaine de lignes.<br />

Vous pourrez commencer par : « La comtesse d’Haussonville<br />

m’a regardé(e) ! Quelle pose curieuse elle<br />

avait… »<br />

Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), La Comtesse<br />

d’Haussonville, 1827, huile sur toile, 92 x 131,7 cm, The Frick<br />

Collection, New York.<br />

106 3. LES MONDES DU ROMAN 107


ÉVALUATION<br />

Extrait <strong>du</strong> fi lm Le Comte<br />

de Monte-Cristo, de Kevin<br />

Reynolds, 2002.<br />

1. la future :<br />

Mercédès, future<br />

épouse d’Edmond.<br />

2. Fernand :<br />

un pêcheur, amoureux<br />

de Mercédès.<br />

3. Danglars : comptable<br />

<strong>du</strong> bateau, dont il veut<br />

devenir le capitaine.<br />

4. Caderousse :<br />

voisin de Dantès,<br />

ivrogne et cupide.<br />

5. ambassadeurs : ils<br />

ont été chargés d’une<br />

mission par Edmond.<br />

6. taffetas : tissu<br />

soyeux.<br />

7. grêles : maigres.<br />

8. pe<strong>du</strong>m : bâton<br />

symbolisant certaines<br />

divinités romaines.<br />

9. muscadins :<br />

jeunes royalistes<br />

particulièrement<br />

coquets.<br />

20<br />

25<br />

30<br />

35<br />

40<br />

VERS LE BREVET<br />

Le Comte de Monte-Cristo<br />

Edmond Dantès et Mercédès s’apprêtent à se marier, mais trois rivaux<br />

– Fernand, Caderousse et Danglars – ont écrit une lettre accusant Edmond<br />

Dantès de comploter contre l’État.<br />

Près de la future1 marchait le père<br />

Dantès, et derrière eux venait<br />

Fernand2 avec son mauvais sourire.<br />

Ni Mercédès ni Edmond ne<br />

voyaient ce mauvais sourire de<br />

Fernand. <strong>Les</strong> pauvres enfants étaient si<br />

heureux qu’ils ne voyaient qu’eux seuls<br />

et ce beau ciel pur qui les bénissait.<br />

Danglars3 et Caderousse4 s’acquittèrent<br />

de leur mission d’ambassadeurs5<br />

; puis après avoir échangé une<br />

poignée de main bien vigoureuse et<br />

bien amicale avec Edmond, ils<br />

allèrent, Danglars prendre place près<br />

de Fernand, Caderousse se ranger aux<br />

côtés <strong>du</strong> père Dantès, centre de l’attention<br />

générale.<br />

Ce vieillard était vêtu de son bel habit de taffetas6 épinglé, orné de<br />

larges boutons d’acier, taillés à facettes.<br />

Ses jambes grêles7 , mais nerveuses, s’épanouissaient dans de magnifi ques<br />

bas de coton mouchetés, qui sentaient d’une lieue la contrebande anglaise.<br />

À son chapeau à trois cornes pendait un fl ot de rubans blancs et bleus.<br />

Enfi n, il s’appuyait sur un bâton de bois tor<strong>du</strong> et recourbé par le haut<br />

comme un pe<strong>du</strong>m8 antique. On eût dit un de ces muscadins9 5<br />

10<br />

15<br />

qui paradaient<br />

en 1796 dans les jardins nouvellement rouverts <strong>du</strong> Luxembourg et<br />

des Tuileries.<br />

Près de lui, nous l’avons dit, s’était glissé Caderousse, Caderousse que<br />

l’espérance d’un bon repas avait achevé de réconcilier avec les Dantès,<br />

Caderousse à qui il restait dans la mémoire un vague souvenir de ce qui<br />

s’était passé la veille, comme en se réveillant le matin on trouve dans son<br />

esprit l’ombre <strong>du</strong> rêve qu’on a fait pendant le sommeil.<br />

Danglars, en s’approchant de Fernand, avait jeté sur l’amant désappointé<br />

un regard profond. Fernand, marchant derrière les futurs époux,<br />

complètement oublié par Mercédès, qui dans cet égoïsme juvénile et charmant<br />

de l’amour n’avait d’yeux que pour son Edmond. Fernand était pâle,<br />

puis rouge par bouffées subites qui disparaissaient pour faire place chaque<br />

fois à une pâleur croissante.<br />

De temps en temps, il regardait <strong>du</strong> côté de Marseille, et alors un tremblement<br />

nerveux et involontaire faisait frissonner ses membres. Fernand<br />

semblait attendre ou tout au moins prévoir quelque grand événement.<br />

Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo,<br />

tome I, chapitre V « Le Repas de fi ançailles », 1844.<br />

Questions 15 points<br />

<strong>Les</strong> fi ançailles<br />

1 a. Relevez deux indices prouvant que le père<br />

Dantès semble appartenir à une autre époque.<br />

b. Pourquoi est-il le « centre de l’attention générale<br />

» (lignes 16-17) ?<br />

2 Dans le deuxième paragraphe, quelle expression<br />

désigne Edmond et Mercédès ? Pourquoi le narrateur<br />

emploie-t-il cette expression ?<br />

3 Quel est le point de vue narratif adopté dans cet<br />

extrait ? Justifi ez votre réponse.<br />

<strong>Les</strong> invités<br />

4 Comment peut-on qualifi er l’attitude de Danglars,<br />

Fernand et Caderousse ? Justifi ez votre réponse.<br />

5 a. Pourquoi Caderousse est-il venu au mariage<br />

(lignes 27 à 31) ?<br />

Réécriture 4 points<br />

Récrivez l’extrait suivant en remplaçant « ce<br />

vieillard » par « ces vieillards ».<br />

« Ce vieillard était vêtu […] blancs et bleus. »<br />

(lignes 18 à 22)<br />

Rédaction 15 points<br />

Écrivez, en une trentaine de lignes, selon un<br />

point de vue omniscient, l’arrestation d’Edmond<br />

Dantès par un commissaire accompagné de plusieurs<br />

soldats. Le futur époux ne comprend pas<br />

ce qu’il se passe, Mercédès et son père tentent<br />

de le défendre mais les soldats l’emmènent. <strong>Les</strong><br />

trois complices assistent à l’arrestation.<br />

Vous emploierez les temps <strong>du</strong> récit (imparfait et<br />

passé simple).<br />

Dictée 6 points<br />

Edmond Dantès, prisonnier, est persuadé qu’il sera<br />

innocenté.<br />

<strong>Les</strong> jours s’écoulèrent, puis les semaines, puis<br />

les mois : Dantès attendait toujours, il avait<br />

commencé par fi xer à sa liberté un terme de<br />

b. A-t-il, à ce moment <strong>du</strong> récit, les mêmes motivations<br />

que ses complices ? Justifi ez votre réponse.<br />

6 Pourquoi Edmond et Mercédès ne se rendent-ils<br />

compte de rien (lignes 6 à 8) ?<br />

Fernand<br />

7 Quel sentiment Fernand éprouve-t-il pour Mercédès<br />

(lignes 33 à 37) ? Quel est le sens de l’adjectif<br />

« désappointé » (lignes 32-33) ?<br />

8 Dans le deuxième paragraphe, quel groupe<br />

nominal décrit l’expression <strong>du</strong> visage de Fernand ?<br />

Quel jugement le narrateur porte-t-il sur lui ?<br />

9 Quel est le comportement de Fernand dans les<br />

lignes 35 à 40 ? Comment pouvez-vous expliquer ce<br />

comportement?<br />

5<br />

10<br />

quinze jours. En mettant à suivre son affaire<br />

la moitié de l’intérêt qu’il avait paru éprouver,<br />

l’inspecteur devait avoir assez de quinze jours.<br />

Ces quinze jours écoulés, il se dit qu’il était<br />

absurde à lui de croire que l’inspecteur se serait<br />

occupé de lui avant son retour à Paris ; or, son<br />

retour à Paris ne pouvait avoir lieu que lorsque<br />

sa tournée serait fi nie, et sa tournée pouvait<br />

<strong>du</strong>rer un mois ou deux ; il se donna donc trois<br />

mois au lieu de quinze jours.<br />

Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo,<br />

tome I, chapitre XIV « Le Prisonnier furieux<br />

et le prisonnier fou », 1844.<br />

Questions pour préparer la dictée<br />

1 Relevez et justifi ez les accords des verbes<br />

conjugués à l’imparfait et au passé simple.<br />

2 Relevez les verbes conjugués à un temps<br />

composé ou à la voix passive, justifi ez l’accord <strong>du</strong><br />

participe passé selon que l’auxiliaire est « être »<br />

ou « avoir ».<br />

3 Justifi ez l’accord <strong>du</strong> participe passé « écoulés<br />

» (ligne 7).<br />

108 3. LES MONDES DU ROMAN<br />

109

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