25 Boudad et al. RQM4 _version déf 1 aout 2008_ _3

L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
LES SITES DE PLEIN AIRE DU TAFILALT :
CARTOGRAPHIE ET PROBLÈMES DE CONSERVATION
The open air sites of the Tafilalt : Cartography and conservation problems
ﺎﻬﺣ ﻟ ﺎﺷاو
ﺎﻓاﻏرﺎآ
: ﻟﻼﻓﺎﻟ ﻟا ءاﻬﻟا ﻊﻗاﻣ
Larbi BOUDAD 1
, Marta ARZARELLO 2
, Mohammed AARAB 1
, Stéphanie GUISLAIN 3
,
Carlo PERETTO 2
, Aicha OUJAA 4
, Naima OULMAKI 5
, Colette ROUBET 6
,
M’hamed RIDAOUI 7
& Ahmed AIT TOUCHNT 2
1
Université Moulay Ismail, Faculté des Sciences et Techniques. UR : GQSEP, BP ; 509, Boutalamine, Errachidia
Maroc, E. mail : Larbi_boudad@yahoo.fr
2
Université de Ferrara. Dipartimento di Biologia ed Evoluzione : C.so Ercole I d’Este 32, 44100 Ferrara -
Italie
3
UMR 6636 Economies, Sociétés et Environnements Préhistoriques. Aix-en Provence, France
4
Université Hassan II, Faculté des Sciences, Casablanca, Maroc
5
Institut National des Sciences d’Archéologie et du Patrimoine, Rabat, Maroc
6
Muséum national d’histoire naturelle, IPH, 1 Rue René Panhard, 75013, Paris, France
7
Université Cadi Ayyad, Faculté Polydisciplinaire de Safi, Safi , Maroc
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تاﻳﻬﺗ ﺗ ﺎﻬآ ﻲﻌﻟا رهﻟا
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320
: ﻟاﻟا تﺎﻟا

L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
Résumé
Le secteur géographique du Tafilalt, localisé à la marge nord-saharienne, est très intéressant par sa richesse en sites
préhistoriques (ateliers de taille, tumulus, gravures, etc.).
Dans le cadre d’un projet de coopération scientifique et technique maroco-italien, nous avons programmé au cours
des années 2006 et 2007 plusieurs missions de prospections et d’étude dans cette région sud-est du Maroc. Un
inventaire des sites a été établi, complété par une étude préliminaire du matériel récolté.
Les zones répertoriées au cours de ces deux dernières années sont nombreuses (Hmar Lakhdad, Aferdou, Amane
Oukider, etc.), elles correspondent à des sites de surface de grande extension où la matière première locales est assez
souvent exploitée. L’abondance de produits de débitage et la rareté des objets retouchés, laisse penser à des ateliers
de taille. Les caractères typologiques et technologiques du matériel lithique de ces sites suggèrent qu’il s’agit
essentiellement d’un « stade Paléolithique moyen ». Cependant, en l’état actuel des recherches, il est difficile de
préciser s’il s’agit d’une culture atérienne ou moustérienne. Un grand nombre de pièces retouchées comme les
racloirs, les grattoirs ainsi que les pièces pédonculées, sont absentes d’une manière significative. En revanche, un
grand nombre des ces pièces retouchées et plus particulièrement les pièces pédonculées ont été ramassées par les
nomades et sont en vente dans les magasins des marchands de fossiles de la région.
Le second volet de cet article est consacré au problème de conservation des sites préhistoriques et protohistoriques.
Les monuments funéraires (tumulus) et les témoignages de représentations symboliques sous forme de peintures et
gravures sont les plus menacés. Le degré de pillage ajouté à une dégradation naturelle, représentent de sévères
menaces de ce patrimoine national. Des mesures urgentes doivent être envisagées pour une meilleure sauvegarde.
Mots clés : Patrimoine, Conservation, Cartographie, Tafilalt, Sud-Est marocain
Abstract
The geographical sector of Tafilalt located on the north-Saharan margin is very interesting by its wealth of
prehistoric sites (knapping areas, tumulus, engravings etc).
Within the framework of a scientific and technical project of morocco-Italian cooperation, we have planned during
year 2006 and 2007, several archaeological surveys and studies in south-eastern area of Morocco. An exhaustive
inventory of the various sites was established with a preliminary study of the collected material.
The zones inventoried during these two last years are very numerous (Hmar Lakhdad, Aferdou, Amane Oukider,
etc), they correspond to very large areas where the local raw material is quite often exploited. The abundance of
waste products and the small number of retouched tools suggest knapping areas. The typological and technological
characteristics of the lithic material suggest the existence of a "Middle Palaeolithic stage". However, in the present
state of our researches, it is difficult to say if these sites belong to Aterian or Mousterian cultures, given that a large
number of retouched pieces as the side-scraper or the tanged pieces are significantly absent, because of the collecting
by the nomads.
The second constituent of this article is devoted to the problem of conservation of prehistoric and protohistoric sites.
The more threatened are funerary monuments (tumulus) and painting and engraving symbolic representations. The
degree of plundering added to the natural degradation, represent severe threats for this national heritage. Preventive
measures must be considered immediately for a better safeguard.
key words : Heritage, Conservation, Cartography, Tafilalt, South-East of Morocco.
1. Introduction
La région du Tafilalt est une zone très riche en
vestiges préhistoriques et archéologiques. Toutes les
périodes de la préhistoire sont représentées, les traces
des hommes sont présentes sous plusieurs formes
allant des galets aménagés, en passant par des bifaces,
de gros nucléus et enfin des microlithes. D’autres
321
empreintes sont présentes sous formes de gravures et
des tumulus.
Cette étude a pour objectif l’indentification et
l’inventaire des différents sites découverts lors de ces
dernières années. Elle a également pour but d’attirer
l’attention sur les différentes dégradations que subit
ce patrimoine national soit par des causes naturelles
mais surtout anthropiques. C’est dans cette
perspective qu’un programme de coopération

maroco-italien (Programmes bilatéraux CNRST-
CNRi) a été mis en place. Cette coopération va être
l’occasion de mettre au service de la connaissance et
de la protection du patrimoine nationale les
compétences, dans ce domaine, à travers les
Universités Moulay Ismail (Maroc) et de Ferrara
(Italie). Ce travail a été également un outil
pédagogique pour la formation des étudiants dans le
domaine de la prospection et de l’étude des sites de
plein air.
2. Situation géographique
La zone d’étude, définie dans le cadre du projet
CNRST-CNRi, est située dans la marge nord-
Saharienne. La région du piémont sud-atlasique,
appelée Tafilalt, est définie par les versants des oueds
Ziz et Rhéris (Boudad, 2004) Toutefois, les
prospections ont inclus aussi la zone de Todgha (Fig.
L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
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1) qui présente un intérêt particulier puisqu’elle fait le
lien avec les régions méridionales de Zagora et de
Tata (vallée du Draa), où les témoins des occupations
préhistoriques sont abondants et variés. La
bibliographie sur le Quaternaire de la région du Sud
Est marocain, montre l’intérêt qu’ont porté les
géologues et les géomorphologues au cours des
années 50 et 60 à cette région (Joly & Margat, 1955,
Joly, 1962 Destombes & Hollard 1986). Les travaux
postérieurs ont apporté quelques précisions et une
nouvelle interprétation de ces formations
quaternaires, essentiellement pour le piémont sud
atlasique (Boudad et al. 2003a, 2003b, 2003c, 2003b,
Boudad 2004). Du point de vue des vestiges
préhistoriques, les études sont rares et nous pouvons
citer celles faites essentiellement par S. Guislain
(1996, 1998, 2000, 2001) qui donnent, pour la
première fois, un aperçu sur la préhistoire de la
région.
Fig. 1. Localisation des sites de surfaces du sud-est marocain étudiés.
1 : Aferdou, 2 : Lhmar Lakhdad, 3 : Shaft Begaâ, 4 : Amane Oukider, 5 : Imlil , 6 Ighir Amgarou,
7 : Jbel Kfiroun, 8 : Aferdou n’Begaâ 1 et 2, 9 : Lahjert ; 10 ; Taouz 2, 11 : Taouz3.

3. Méthodologie
L’originalité de la préhistoire de la zone
saharienne réside dans l’homogénéité apparente des
espaces occupés par les hommes préhistoriques, mais
surtout dans la difficulté que posent ces espaces qui
apparaissent hostiles et très difficiles d’accès, ce qui
freine l’intérêt des chercheurs.
Ces zones vierges mais très intéressantes du point
de vue scientifique recèlent des informations très
importantes sur les civilisations préhistoriques et sur
l’origine de l’humanité d’une manière plus générale.
L’étude de la zone du Tafilalt s’impose dans la
mesure où elle complète la vision globale de la
préhistoire de toute la frange nord-saharienne. Les
études menées dans le bassin proche de la Saoura
(Alimen, 1987, Alimen et al., 1959), ont fourni des
informations complètes et très pertinentes (d’autant
qu’un grand nombre de gisement sont en
stratigraphie) sur la préhistoire du bassin de la
Saoura. Tout le long de la vallée du Draa, les
recherches anciennes ont montré que la région a été
fréquentée pendant toute la préhistoire (Glory et
Allain, 1952 ; Camps et Riser, 1978). Dans le bassin
de Tarfaya des recherches récentes ont défini
précisément le Paléolithique inférieur (Noçairi, 1999).
Dans le nord de la Mauritanie, les travaux récents sur
l’Acheuléen (Touré, 2006, de Lumley et al, 2006) et
sur le Paléolithique moyen (Pasty, 1998) donnent
également des informations pertinentes.
Cette étude repose sur la prospection, en vue de
découvrir et de répertorier les gisements
archéologiques de la région. Les gisements sont
localisés à l’aide des cartes géologiques et
topographiques, et leur la localisation précise se fait
par GPS. Pour chaque gisement, un échantillonnage
de matériel lithique est effectué afin de faire une
étude techno-typologique avec une description
préliminaire, sur le terrain, de la technique du mode
de débitage et de la technique de taille. En revanche
pour les gravures rupestres nous faisons une
description des différents symboles et on note surtout
l’état de dégradation de ces gravures. Une
description du cadre environnemental est
systématiquement réalisée (localisation, orientation,
position du site, cadre géologique).
4. Résultats : les sites découverts
Les études ont montré que l’installation des
préhistoriques en un lieu est conditionnée par deux
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choses : la présence d’eau et la présence de matières
premières lithiques (Feblot-Augustins, 1997). Dans la
zone saharienne, la présence d’un gisement est très
souvent liée à la proximité d’une source de matière
première lithique. Dans la plupart des cas, il s’agit des
couches calcaires riches en silex, et dans notre région
d’étude il s’agit également de roches gréseuses ou de
roches volcaniques. La liste des sites découverts au
cours de ces dernières années dans la région du
Tafilalt est présentée dans la figure 1
4.1. Sites de plein air
Les sites de surface ayant livré une industrie
lithique sont très nombreux et parfois spectaculaires
par leur extension géographique, puisqu’ils peuvent
occuper des surfaces de plusieurs hectares.
Malheureusement, ces dernières années, ces sites
font l’objet d’un pillage systématique (pointes
atériennes, bifaces).sur commande des
collectionneurs aux nomades qui arpentent les zones
désertiques.
4.1.1. Site d’Aferdou
Ces sites de surfaces sont généralement localisés à
proximité des gîtes de matières premières. La
Hamada crétacée constitue en générale une source
d’approvisionnement en silex. Au sud-ouest de la
ville d’Errachidia, le site d’Aferdou est installé sur la
hamada Crétacée même, pas très loin de la butte
témoin d’Aferdou d’Imtahren d’âge Eocène (Herbig,
1988). Le matériel prélevé sur une surface de 2m², est
composé de nucléus, de blocs non débités et d’éclats
(fig. 2). Cette industrie peut être attribuée au
Paléolithique moyen. De part son emplacement, ce
site correspond probablement à un atelier de taille et
non pas à une zone d’occupation par les hommes
préhistoriques. La présence de la source de matière
première en position primaire, ainsi qu’une chaîne
opératoire incomplète confirme cette hypothèse
d’atelier de taille.
Du point de vue de la production, plusieurs
méthodes de débitage coexistent sur le site (fig. 2),
avec la présence d’un débitage Levallois récurrent
(Boëda, 1988), discoïde (Boëda 1993), lamellaire et
DSSA (Système par surface de débitage alterné)
(Forestier 1993). L’absence des phases de retouches
des supports confirme là aussi l’hypothèse d’un
atelier de taille.

4.1.2. Site de Shaft-Begâa
L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
Fig. 2. Industrie lithique du site d’Aferdou (Dessins, M. Arzarello). Grandeur nature.
Ce site du piémont de la Hamada Crétacée est
localisé à quelques kilomètres au sud-est du village de
Taouz. Cette hamada Crétacée se prolonge vers le sud
vers la Hamada de Kem-Kem, très connue par les
nombreux fossiles de dinosaures qu’elle renferme, et
qui marque en partie la frontière maroco–algérienne.
L’industrie est réalisée sur silex ; le site s’étend sur
une surface légèrement pentue sur environ 200 m².
Dans cette région, un certain nombre de sites de
surface ont déjà été inventoriés (Guislain, 2000).
Un échantillon de 925 pièces a été prélevé sur le
site de Begâa-shaft. Le premier examen des pièces a
permis d’identifier un certain nombre de produits et
de sous-produits de débitage présentant des caractères
techniques communs ou appartenant théoriquement
aux grandes phases de débitage (fig. 3).
Le groupe I correspond à la phase d’acquisition des
blocs, les blocs sont bruts ou testés.
324
Le groupe II correspond à la phase de décorticage et
de mise en forme des blocs, les produits issus de cette
phase sont des éclats totalement corticaux ou à cortex
résiduels.
Le groupe III correspond à la phase de production
d’éclats dans un système d’exploitation indifférencié
ou Kombewa.
Le groupe IV correspond à la phase de production
d’éclats Levallois.
Le groupe V regroupe tous les produits laminaires.
Le groupe VI regroupe l’ensemble des nucléus, trois
grands groupes de nucléus ont été distingués sur ce
gisement : les nucléus indifférenciés, les nucléus
Levallois, les nucléus à lames et à lamelles.
Le groupe VII correspond la phase d’aménagement
des supports par la retouche, il regroupe l’ensemble
des outils impossibles à situer dans la séquence
opératoire de débitage car trop retouchés.
Le groupe VIII regroupe tous les débris, déchets et
petits éclats produits pendant le débitage.

L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
Fig. 3. Shaft-Begâa-: répartition des artefacts par catégorie technologique.
Là encore, l‘examen technologique préliminaire
montre que nous sommes en présence d’un atelier de
taille installé sur le gîte de matières premières luimême.
Ce site a été fréquenté à plusieurs périodes de
la préhistoire, compte-tenu du fait que deux types de
méthodes d’exploitation débitage Levallois et
débitage laminaire qui est beaucoup plus abondant au
Paléolithique supérieur, d’où leur la difficulté de les
attribués à une période préhistorique précise. D’autres
indices (patines, éolisation et altération des surfaces
différentes et plus prononcées sur certaines pièces)
laissent penser que le site a été fréquenté à des
périodes différentes.
Le groupe des supports retouchés est mal
représenté, il est constitué essentiellement de pièces
fracturées lors des opérations de retouche et donc
abandonnées sur place. Ce constat confirme également
l’hypothèse d’un atelier de taille.
Plus de la moitié du total des nucléus (n = 133)
s’inscrivent dans un système de production Levallois.
Un autre groupe de nucléus se caractérise par des
exploitations sur des plans de frappe multiples sans
organisation définie du débitage, ou par des nucléus à
lames. Les produits Levallois (n=191) sont représentés
par des éclats débordants et/ou outrepassés, des éclats
seconds et des éclats récurrents de dimension réduite.
Les fragments d’éclats Levallois sont nombreux. La
présence majoritaire de ces éclats Levallois
caractéristiques d’échec du projet nous permet de
penser que les autres produits Levallois ont été
325
emportés par les artisans. Un très grand nombre de
pièces présentent des indices de reprises par des
groupes culturels postérieurs. C’est surtout le cas des
nucléus Levallois arrivés à exhaustion (dans le
système d’exploitation Levallois) et qui ont été repris
en vue d’un débitage de lamelles (Fig. 4 et 5).
4.1.3. Site d’Aferdou N’Begaa
Le nom d’Aferdou est donné en général à toutes
les buttes d’âge Crétacé et qui ont la forme d’un
mortier à l’envers. Dans la région de l’oued Begaâ, à
la base d’une butte Crétacé du Cénomanien
surmontée par la barre cénomano-turonienne (qui
constitue la source principale de matières premières
exploitées par les hommes préhistoriques), les sites de
surface sont très nombreux et le silex qui constitue la
quasi totalité de la matière première est donc
abondant à proximité immédiate.
Dans cette zone, les sites de surface se présentent
sous plusieurs ateliers de localisation différentes mais
proche l’un de l’autre, ce qui explique la distinction
de Aferdou n’Begaa 1 et Aferdou n’Begga 2. La
caractéristique principale de ces sites est la proximité
de matière première et son débitage. Les outils sont
très rares voire inexistants. Le mode de débitage
SSDA est bien présent, avec un aménagement
unipolaire et lamellaire. Il faut également signaler la
présence d’un débitage levallois récurrent et linéal.

4.1.4. Site d’Imlil
L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
Figure 4 Figure 5
Fig. 4. Shaft-Begâa : produits Levallois (Dessin S. Guislain). Grandeur nature.
Fig. 5. Shaft-Begâa : produits laminaires (Dessin S. Guislain). Grandeur nature
Le site d’Imlil se trouve sur la rive droite à
l’opposé d’Amane Oukider sur le piémont du Haut
Atlas, en contrebas de la Hamada Crétacée et un peu
plus loin de la Hamada Néogène. Ce site est installé
sur le plateau de la Hamada, sur les gîtes de matières
premières eux-mêmes. Peu de concentrations
significatives de matériel débité ou retouché ont été
trouvées sur place. Seules quelques éclats et quelques
lames disséminés sur des centaines de mètres ont été
retrouvés, ce qui laisse penser que le plateau était plus
un lieu de passage qu’un lieu de halte. Il est probable
que ce site ait été fréquenté tout au long de la
préhistoire et que des groupes successifs se soient
uniquement approvisionnés sur la hamada sans s’y
être installé pour tailler. Seule une étude exhaustive
de ce matériel pourrait apporter des résultats moins
hypothétiques. On peut néanmoins dire, qu’en raison
de la proximité des versants du Haut Atlas, la zone
n’était pas favorable à une installation de longue
durée.
Contrairement au premier groupe de sites,
caractérisés par l’exploitation exclusive des silex de
la Hamada Crétacée, les sites de Lhmar Lkhdad,
326
Amane Oukider, Jbel Kfiroun, localisés dans la
chaîne de l’Anti-Atlas sont installées sur des gîtes de
matière première locale en position primaire ou
secondaire. Les roches les plus exploitées sont des
grès, des quartzites des roches d’origine magmatiques
comme les dolérites.
4.1.5. Site de Lhmar Lakhdad
Ce site avait été déjà découvert en dans les années
90 par notre équipe lors des prospections géologiques
dans la région d’Erfoud. Il est localisé au nord-est de
la ville d’Erfoud, sur un glacis formé par des grès
faméniens du Dévonien. Ce sont des grès faméniens
qui ont été exploités sur le gîte même en position
primaire à l’affleurement mais surtout à l’état
détritique sur toute l’étendue du glacis est estimé à
environ 600 m².
Les produits retouchés sont incontestablement
bien représentés, ce qui laisse supposer que le site est
également un site d’habitat. L’étude exhaustive du
matériel est en cours. Elle va permettre de répondre à
la question « Atelier de taille et/ou site d’occupation ?
» et de distinguer d’éventuelles aires d’occupations
spécialisées.

L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
Fig. 6. Lhmar Lakhdad. Nucléus Levallois ou Hachereau. (Dessin M. Arzarello).
Figure 7 Figure 8
Fig. 7. Lhmar Lakhdad Neucléus Levallois (Dessin S. Guislain).
Fig. 8. Lhmar Lakhdad Produits Levallois (Dessin S. Guislain).
327

Du point de vue typologique, l’absence de pointes
pédonculées qui caractérisent l’Atérien, n’est pas
significative, puisque ces pointes sont les premières
victimes des collectionneurs. Néanmoins, de très
belles pièces, plus difficiles à caractériser, ont été
découvertes sur le site (fig.6). La pièce présentée sur
la figure 6 est-elle un nucléus Levallois ou un
hachereau abandonné après son utilisation ? S’agit-il
d’une phase de débitage ou de façonnage ? Seule une
étude exhaustive permettrait de savoir si le site a été
également fréquenté par des cultures différentes au
Paléolithique moyen.
Le système de débitage dominant est le débitage
Levallois avec une prédilection pour l’utilisation des
méthodes Levallois récurrents centripètes et linéales
(fig. 7 et 8) et lamellaire ont été également identifiées.
Les pièces retouchées sont essentiellement composées
de racloirs, de denticulés et rarement de grattoirs
4.1.6. Site d’Amane oukider
Le site d’Amane oukider est localisé à l’extrémité
nord du massif du Saghro et au sud-ouest de Tinghir ;
à proximité d’un filon de dolérites (fig. 1). Il est
caractérisé par l’abondance du matériel lithique débité
essentiellement sur des nucléus de très grandes
dimensions dépassant parfois 10 cm. Les produits de
débitages bruts ou les outils sont rares. Le système de
débitage Levallois et dominant : la méthode linéale et
les méthodes récurrente sont les mieux représentées.
Les dimensions impressionnantes des nucléus, laisse
à penser que la technique de débitage de nucléus
dormant à été utilisée ici, comme c’est très souvent le
cas au Paléolithique inférieur dans les régions
méridionales.
La roche utilisée est de la dolérite en nodules
sphériques de grande dimension récoltés en position
primaire. On ne note pas la présence de choppers ni
de chopping-tools, seule une pièce ressemblant à un
biface raté ou à une ébauche a été découverte. Une
étude exhaustive du matériel prévue l’année
prochaine permettra de proposer une attribution
chronoculturelle plus précise. La figure 9, illustre la
méthode suivie pour le débitage et la préparation d’un
nucléus à éclat préférentiel.
4.1.7. Site de Jbel Kfiroun
Ce site a été déjà découvert dans les années 90 par
S. Guislain et son équipe. Dans ses travaux, S.
Guislain signale l’existence de bifaces dont
l’originalité est d’être confectionnés sur éclats
(Guislain 200, Guislain 2001 ; Boudad & Guislain,
2007). Ce site semble être l’un des sites de surfaces
L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
328
pillé par excellence, puisque aucun biface n’a été
trouvé lors de nos dernières prospections.
L’industrie lithique que nous avons pu recueillir
est relativement homogène, confectionnée sur
quartzite. Les nucléus levallois et les nucléus
discoïdes sont bien présents (fig. 10), avec
l’utilisation de la méthode DSSA. Notons toutefois la
présence d’un outillage sur galet comme les choppers
confectionnés sur quartzite.
4.1.8. Site d’Ighir Amgarou
L’industrie lithique découverte peut être attribué
au Paléolithique moyen avec parfois un mélange
d’une autre industrie qui est plus récente
probablement du paléolithique supérieur.
Cette industrie n’est pas très endommagée par
l’érosion, mais les chaînes opératoires ne semblent
pas être complètes. Les nucléus ne sont pas beaucoup
représentés. Parmi les méthodes de débitage les plus
utilisées on peut citer celle de DSSA. Toutefois on
peut constater la présence des éléments provenant
sans doute d’un façonnage de macro-outils (choppers,
bifaces). La présence de quelques lames et lamelles
montre que le site a été également fréquenté à des
périodes plus récentes. Notons également la présence
d’un grand nombre de géofacts.
Les matières premières utilisées sont
essentiellement en quartzite ou en divers roches
volcaniques qui proviennent sans doute de l’Anti-
Atlas.
La méthode de débitage de type DSSA est utilisée
préférentiellement, elle est associée à quelques
nucléus discoïdes. Les produits d’un façonnage sont
également présents.
5. Sites à gravures rupestres
Le Sud-Est marocain est connu par sa richesse en
’art rupestre (Rodrigue, 2002). Cet art rupestre est en
général localisé au sud du Marc. La région de Tafilalt
est très riche en représentations qui se distinguent
particulièrement par les chars. D’autres gravures
montrent des animaux aujourd’hui disparus des zones
sahariennes comme l’autruche, la gazelle et la girafe,
associés à d’autres espèces domestiquées
(essentiellement le boeuf). Certains sites sont
caractérisés par des symboles de type Tifinaghe
appartenant à la culture lybéco-berbère. Un grand
nombre de site avec des gravures rupestre a été
découvert, dont ceux d’Azerkam, de Lahjert et
d’Aoufilal (Fig. 11, 12, 13), sur lesquels nous
insisterons plus particulièrement. Ces sites attestent la
beauté et la diversité de ce patrimoine et la richesse
de la région de Taouz en gravures.

L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
Fi.g. 9. Modèle utilisé pour la production des éclats Levallois préférentiels. A gauche: la surface de débitage montre des zones qui
peuvent être portés par des éclats débordants. A droite préparation précise du plan de frappe.
Fig. 10. Nucléus Levallois sur quartzite à éclat préférentiel (Dessin M. Arzarello).
329

L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
Figure 11 Figure 12
Fig. 11. Gravures de Azerkam (Taouz). , Fig. 12 : Gravure de Lahjert.
A B
Le site d’Azerkam est localisé au sud-ouest de
Taouz, non loin de la frontière maroco-algérienne. Il
présente de nombreux tumulus et des dalles gréseuses
riches en gravures. Ces gravures ont été déjà publiées
par plusieurs auteurs et certaines de ces inscriptions ou
de ces gravures ont été attribuées à la période libycoberbère.
(Oulmekki et Lemjidi, 2003).
Les gravures d’Azerkam ont été réalisées sur des
dalles de quartzite, elles représentent une grande
quantité d’animaux, principalement des antilopinés et
des bovidés. Actuellement, ces gravures sont mal
conservées et sont vouées à disparaître. D’une part,
elles sont sujettes aux agressions naturelles (érosion)
Figure 13 (A et B)
Fig. 13 (A et B). Représentations des chars du site d’Aoufilal.
330
et d’autre part, elles sont exposées aux agressions
anthropiques (prélèvements par les collectionneurs,
fausses gravures contemporaines réalisées par les
touristes et les nomades). La classification de ces
gravures (Simoneau, 1977) laisse penser qu’elles ont
été réalisées à une période intermédiaire entre la
période des chasseurs (présence d’animaux sauvages)
et la période bovidiennes qui marque le début de la
domestication.
Dans l’état d’avancement des recherches, nous
sommes loin d’avoir fait l’inventaire total de
l’ensemble des gravures de la région de Taouz et nous

L. Boudad et al. Actes RQM4, Oujda, 2008, 320-333
espérons accomplir ce travail avant l’intervention des pilleurs.
A environ 3 km au Nord de Taouz, le site d’Oufilal
est localisé sur des formations dévoniennes. Il est
parfois appelé dans la littérature « Site 1 ». Les
gravures sont localisées sur la face est et sont
représentées par une série de chars stylisés à deux
roues réalisés par piquetage. On notre toutefois la
présence, sur une dalle horizontale, d’un train de chars
ou des chars attelés.
Le troisième site est celui de Lahjert. Ce site
fabuleux est localisé à 20 km au sud de Taouz et à
quelques km de Jdaid, il est constitué de plusieurs
dalles verticales orientées vers l’ouest, et c’est
d’ailleurs sur cette face que la majorité des gravures
sont situées. La plupart des inscriptions de cette dalle
sont associées à des empreintes de mains, à des
symboles, des signes, des représentations de chevaux,
de dromadaires, de fibules, etc. L’intérêt de ce site
réside dans le fait qu’il complète le corpus des
inscriptions lybeco-berbère déjà inventoriées au
Maroc (Skounti et al, 2003).
331
6. Problèmes de conservation
Conserver et préserver son patrimoine est
primordial pour toute société qui veut se projeter dans
l’avenir. Ce patrimoine est malheureusement menacé
et d’une année sur l’autre nous constatons sa
dégradation et sa disparition. Le sol de ces régions
présaharienne et saharienne est jonché d’objets
archéologiques et préhistoriques, ce qui lui confère le
statut d’un musée à ciel ouvert.
Malgré l’accès difficile de ces zones sahariennes,
la dégradation anthropique de ce patrimoine ne cesse
d’augmenter. Elle se manifeste par des ramassages
isolés ou exhaustifs par des amateurs avertis, comme
les vendeurs de fossiles ou les touristes ayant une
connaissance de ce patrimoine culturel. La diminution
progressive des pièces lithiques et leur pillage, la
destruction des gravures et leur vente, constitue une
grave atteinte au patrimoine préhistorique de Tafilalt.
Fig. 14 Fig. 15
Fi.g. 14. Actes de vandalismes sur les blocs portant des gravures du Sud-Est marocain.
Fig. 15. Etalages de boites d’industrie lithique chez un marchand de fossiles à Erfoud.
Tous ces vestiges font l’objet d’un commerce
inouï et une vente permanente (fig. 13, 14). Afin de
stopper ce fléau, l’Institut National des Sciences de
l’Archéologie et du Patrimoine a lancé plusieurs
programmes de sauvegarde du patrimoine du Sud
marocain (Bokbot, 2007).
Pour luter contre le pillage de notre patrimoine,
plusieurs recommandations peuvent être faites et
nous pouvons attaquer le problème sur plusieurs
fronts :
- Renforcer la législation en vigueur, en spécifiant le
type de patrimoine qu’il faut protéger. Il est
d’ailleurs important de réglementer l’activité des
antiquaires en créant une loi pour le contrôle de ces
derniers ;
- Former et sensibiliser les douaniers concernant
l’exportation illégale de notre patrimoine, ceci à
l’instar des douaniers européens qui ont montré, ces
dernières années, une très grande compétence dans
ce domaine ;
- Doter les institutions chargées de la sauvegarde du
patrimoine des moyens et des compétences
nécessaires ;
- Sensibiliser la population locale à valeur de leur
patrimoine et les aider à créer des projets intégrés de
valorisation. Il faut par ailleurs empêcher certains
amateurs étrangers, qui ont l’habitude de tirer profit

de notre patrimoine, d’agir comme s’il s’agissait de
leur propre patrimoine.
7. Conclusion
La marge nord saharienne du Sud-Est marocain,
constitue une zone très riche en vestiges
préhistoriques et archéologiques. Le seul moyen de
bien connaître ce patrimoine qui nous est très cher
est son étude et la publication. Ceci afin d’échapper
à sa disparition définitive. Un programme de travail
allant dans ce sens vient d’être financé par
l’Université Moulay Ismail, et il sera exécuté par les
chercheurs et les étudiants du Master intitulé «
Géologie du Quaternaire et Préhistoire ». D’un autre
côté, pour mieux conserver et préserver ce
patrimoine, plusieurs actions doivent être menées à
différents niveaux :
- Faire appliquer et préciser la loi dans ce domaine,
et compléter la loi du 1-80-341 de 1980
- Créer des programmes de développement intégrés
afin d’aider la population locale à surmonter la
pauvreté ;
- Sensibiliser cette population et les guides
touristiques sur la valeur et la nécessaire
préservation de ce patrimoine.
Il est temps de penser également à élargir la liste
de l’UNESCO concernant « la protection du
patrimoine, culturel. et naturel » du Maroc, qui ne
dépasse guère sept sites, principalement
architecturaux, pour tout le Maroc,
Toutefois trois grandes questions restent posées.
1. Comment peut-on assurer la protection du
patrimoine culturel et naturel contre le pillage et le
trafic illicite ?
2. Comment peut-on former et sensibiliser tous les
acteurs du patrimoine naturel et culturel, ou ceux qui
sont chargés de la protection de ce patrimoine
national ?
3. Comment peut on faire de la protection du
patrimoine une cause nationale ?
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Article accepté et publié après avis du Dr. R. Nespoulet MNHN, Paris (Comité de Lecture, RQM4).