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où elle en avait le droit. À travers la fenêtre ouverte, la<br />
mer paraissait plus foncée sous le pâle soleil, comme si elle<br />
eût bruni. Fouquet sentit combien il s’était habitué à cette<br />
petite pièce et qu’il était facile de s’y enliser. Le fait qu’il<br />
n’y resterait pas toujours ajouta une tristesse superflue à<br />
la lassitude qui remontait de la nuit précédente. En<br />
dessous de lui, près du perron, François et Monique<br />
déchiffraient la plaque de marbre commémorant le décès<br />
du soldat canadien.<br />
— Il est enterré ici ?<br />
— Penses-tu, ses parents sont venus le rechercher.<br />
Mais il y aura quand même des tas de fleurs pour la fête<br />
des morts. Moi, je ne verrai pas ça, je sors samedi ; on va<br />
d’abord à Domfront et ensuite, on file sur Bagnoles-del’Orne.<br />
Trois jours de congé, tu te rends compte !<br />
— Moi, je pars pour Paris tout seul par le train.<br />
— Le même train que Marie Fouquet ?<br />
— Je ne crois pas qu’elle sorte, on dit que son père ne<br />
vit plus avec sa mère.<br />
— Regarde la fille d’Ali-Khan et de Rita Hayworth, ça<br />
ne l’empêche pas de prendre des vacances ?<br />
— Ce n’est pas la même chose.<br />
— Tu ne m’apprends rien.<br />
« Et pourquoi ne serait-ce pas la même chose ? » se<br />
disait Fouquet, à cet instant, hors de lui, s’imputant toutes<br />
les frustrations qui accablaient sa fille. Même les parents<br />
du soldat canadien avaient fait revenir leur enfant pour