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prié M. Rogeais de passer chez sa concierge pour lui<br />
expédier, à intervalles raisonnables, ce qu’il considérait<br />
comme un colis d’embêtements. Tièdes, ils étaient<br />
beaucoup plus comestibles. Le recul, la distance<br />
désamorçaient les agressions. Ultimatums échus la<br />
semaine précédente, sommations pour dans un mois : les<br />
chasseurs tiraient trop court ou trop long ; Fouquet ne se<br />
sentait jamais atteint de plein fouet.<br />
À travers l’écriture d’O’Neill, il devina les<br />
trépignements : « Je vous envoie une mèche de mes<br />
cheveux, ceux que je me fais à cause de vous. Impossible<br />
de vous joindre. Nous sommes en train de rater la<br />
rentrée. Le rideau se lève, il faut tenter de vivre ! Si je<br />
dois travailler avec l’homme invisible, autant s’arrêter là.<br />
Je vous donne jusqu’au terme pour vous manifester<br />
(dépassé depuis huit jours !). Je vous déteste de m’obliger<br />
à parler comme un propriétaire…, etc. »<br />
Bien sûr qu’O’Neill était le propriétaire, mais si<br />
charmant. Il avait supplié Gabriel, dont il s’était entiché,<br />
de rédiger les courtes saynètes publicitaires qu’il essayait<br />
de faire jouer sur les théâtres, durant l’entracte,<br />
équivalent en chair et en os de la publicité filmée. Pour<br />
des raisons mal débrouillées, où les dames des lavabos<br />
avaient leur mot à dire, l’entreprise n’était pas viable sauf<br />
pour Fouquet et pour les quelques artistes de troisième<br />
ordre qu’on enrôlait en leur faisant valoir qu’ils trouvaient<br />
là une occasion inespérée de prendre la dimension des<br />
planches. O’Neill engloutissait une fortune, mais frôlait un<br />
cheptel de comédiennes maquillées et poursuivait à<br />
l’aveuglette une route hérissée de traites protestées, au