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— Non, dit Quentin.<br />
— Et vous êtes venu exprès ! Avez-vous de bonnes<br />
places au moins ? Vous ne serez pas perdu. Beaucoup<br />
d’amis sont arrivés de Paris ; vous retrouverez Marcel,<br />
Yvan et M. Rogeais, il y aura Kléber et Caroline. Pourvu<br />
que cette pluie s’arrête ! Elle s’arrêtera, j’en suis certain,<br />
pour la beauté de la chose. Notez que je préfère encore la<br />
pluie au vent. Quand il souffle, je suis obligé de mouiller<br />
ma cape pour l’alourdir, or mes poignets sont malgré tout<br />
un peu fragiles.<br />
Il tendit les mains ; sa blessure bénigne, où le sang<br />
avait caillé, noircissait déjà.<br />
— Une cornada, dit-il, un rien dans un petit bled… À<br />
propos, êtes-vous allé voir les taureaux à l’empartado ?<br />
Non ! Vous avez eu tort. On m’a rapporté qu’ils étaient<br />
magnifiques… encore qu’on ne puisse jamais dire. Les<br />
taureaux sont comme les allumettes : on sait qu’ils étaient<br />
bons quand leur flamme jaillissante les a déjà consumés. À<br />
la manière du fou de l’histoire, on voudrait pouvoir les<br />
remettre dans leur boîte pour s’en servir encore… Je me<br />
demande ce que font ces jerez ?<br />
— Ils ne sont pas indispensables.<br />
— Ne vous inquiétez pas. Je ne travaille que demain, à<br />
six heures du soir. Vous savez, c’est un métier dans son<br />
genre, surtout comme je l’exerce : sans chiqué mais sans<br />
romantisme. Ce que les experts apprécient en moi, c’est la<br />
probité. À vous, je ne cacherai pas que jusqu’à la corrida,<br />
je n’ai rien à faire qu’à attendre sur mon lit l’instant de<br />
m’habiller. Cela prend du temps ; il s’agit d’un rite très