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Antoine Blondin UN SINGE EN HIVER

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Quentin, interloqué, se posa pudiquement sur le bidet.<br />

— Libérez le fauteuil, ordonna Fouquet avec chaleur.<br />

C’est un peu singulier ici, assez modeste, mais c’est<br />

toujours dans cet hôtel que nous descendons avec Claire,<br />

en souvenir de la première fois, quand nous n’avions pas<br />

d’argent et que nous nous sentions captivés et captifs<br />

dans cette ville merveilleuse. On nous connaît du haut en<br />

bas de la maison et on veille sur nous. Les journaux<br />

estiment que je ne suis pas assez superbe, du moins je<br />

m’efforce de le cacher. Mes valets, eux, sont installés au<br />

Palace, c’est presque nécessaire pour mon standing et je<br />

voudrais que vous les voyiez se rengorger… Mes valets<br />

sont espagnols, précisa-t-il. Je ne vous parlerais sans<br />

doute pas de la même façon en France, mais ici tout me<br />

pousse à vous affirmer que je suis le seul grand matador<br />

français, plus grand que Pierre Schull : « Yo so uno /… Yo<br />

so unico ! »<br />

Ses joues reprenaient des couleurs et son discours,<br />

dont le débit restait légèrement pâteux, s’articulait avec<br />

une aisance spontanée qui contrastait avec les éclats<br />

chaotiques de sa réapparition. Quentin comprit qu’il se<br />

croyait à Madrid. D’abord, la chose lui sembla énorme<br />

tant il s’était déshabitué des phantasmes ; il pensa que<br />

l’autre lui jouait la comédie, comme lui-même, autrefois,<br />

la donnait aux cheminots de Blangy, quand il réclamait<br />

son père. La sincérité troublante de ces simagrées lui<br />

revint ; et il sut qu’en effet, Fouquet était presque à<br />

Madrid. Il s’en fallait d’un rien ; un déplacement d’air, un<br />

mot malheureux, risquaient de corrompre l’imagination,<br />

dont les châteaux sont à la merci d’un soupir.

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