Antoine Blondin UN SINGE EN HIVER

— Le singe imite l’homme, fit-elle machinalement.
— Qu’est-ce que tu dis là ?
— Ce qu’on dit entre camarades pour se faire enrager.
De grands pans de mur obscurcirent les vitres. Après
s’être faufilé entre les aiguillages, à travers un taillis de
colonnades électriques, le train s’enfonçait dans les
tranchées par où s’annoncent les gares de banlieue.
— Notre forêt approche, dit Fouquet.
Il la retrouva tout entière en descendant les escaliers
de la gare Saint-Lazare, dans les exubérances du néon. Au
bas des marches, un mendiant, un cul-de-jatte, des plus
lamentables, fredonnait aigrement une romance, la main
tendue. Passa un monsieur opulent dans une sorte de
pelisse, qui ne vit pas cette main ou la refusa. Mais,
quelques mètres plus loin, Fouquet put constater que
c’était lui qui sifflait la romance et n’avait pas l’air de s’en
trouver mal… Une forêt où l’aumône s’exerçait dans un
drôle de sens.
« Après tout, pensa-t-il, Quentin lui aussi repart avec
ma chanson sur les lèvres. Peut-être a-t-il pris le fardeau
avec et suis-je un mendiant qui va se remettre en
marche. »
Déjà Marie se précipitait vers un taxi, il l’arrêta sans
aucune honte, songeant aux itinéraires d’Albert :
— Ma chérie, prenons l’autobus pour apercevoir Paris
ensemble.
— Il y aura des encombrements.