Antoine Blondin UN SINGE EN HIVER

Fouquet, on aura passé un bon moment ensemble.
Il n’osait parler ouvertement de rentrer en ville.
— Soit, consentit Quentin en passant sa grosse main
dans ses cheveux. Je me suis laissé dire qu’il existait une
sympathie particulière entre les matinées, avec ou sans
chant du coq, et le petit vin blanc. Puisque le mal est
accompli…
Depuis le réveil, chacun hésitait à se hasarder sur ce
chapitre de la conduite à adopter jusqu’à la séparation :
feindrait-on de brûler ce qu’on avait adoré ? Courrait-on
le risque de se foudroyer d’entrée de jeu ?
Fouquet lui fut reconnaissant d’avoir parlé le premier
et il comprit que Quentin avait besoin de ventiler ses
remords. Lui-même…
— Comme tu voudras, dit-il, mais soyons prudents.
Une heure après, lorsqu’ils furent en vue du Stella, ils
aperçurent dans le jardin un massif de têtes inclinées vers
la plaque commémorative du soldat canadien. Le maire,
un peu à l’écart, lisait une petite allocution en quatre
langues, d’une grande sobriété, qui tenait peut-être à la
modestie de son vocabulaire, mais frappait exactement.
La note comique tenait dans la poche du président de la
Tiger-City Légion, qui avait glissé entre deux phrases de
sa réponse une allusion à la superbe fête de nuit donnée
en l’honneur de ce meeting annuel. Cela, Fouquet devait
l’ignorer toujours. Albert s’était à nouveau laissé aller
violemment au bar du Rayon vert, dont ils arrivaient, et