Antoine Blondin UN SINGE EN HIVER

d’une défaillance physique que l’autre semblait avoir
parfaitement surmontée, et se sentit prêt à s’enfoncer à
son côté au cœur de la Chine révoltée, à retourner comme
matelas les bouges de Shanghai, à se faire respecter
surtout. Quand on était respecté, tout était plus facile ; il
n’était pas trop tard pour y songer plutôt que de
continuer à se livrer à des grimaces devant la glace. Il
tenta de donner forme aux bouffées de sérieux qui lui
montaient à la tête, nuées sans cesse dissipées qui lui
coulaient pourtant du plomb dans le cerveau.
— Et ta femme ? dit-il. Elle va m’en vouloir.
— Ne parle pas de ça en patrouille, demanda Quentin.
Le souci de Suzanne intervenait rarement durant ses
bordées. Il n’était pas de ces sensitives qui se remuent la
tripe devant le fait accompli. Un peu plus tôt, quand le
sentiment l’avait empoigné qu’il était en train de lui faire
de la peine, il s’en était débarrassé en estimant que sa
longue retraite lui laissait suffisamment de crédit à la
banque conjugale pour qu’il s’autorisât à se vautrer dans
cette nuit. Il était déjà très saoul. Maintenant, la mine
farouche, il guidait son copain Gabriel à travers une jungle
qui était peut-être le parc municipal, parmi des fougères
arborescentes qui rappelaient des réverbères, évitant des
tuyaux d’arrosage lovés comme des boas.
— Objectif ? interrogea Fouquet.
— Blangy, dans la Somme, répondit-il. Il faut que je te
présente à mon père.
À partir d’un certain moment, tous les chemins