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Antoine Blondin UN SINGE EN HIVER

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— Tu as presque raison, lui dit-il ; quand on est en<br />

perme, c’est pour s’amuser. On n’est pas venus ici pour<br />

jouer au mah-jong. Fils, on va redescendre en ville.<br />

Cherchant de l’argent dans ses poches, il tomba sur<br />

son billet de chemin de fer et le contempla un moment<br />

avec hébétude. Puis, il le déchira en deux morceaux, dont<br />

il tendit l’un à Fouquet :<br />

— Tiens, et fais-en autant. Comme ça, on ne pourra<br />

pas partir l’un sans l’autre.<br />

— Tu sais bien que je n’en ai pas, fit Fouquet<br />

piteusement.<br />

Quentin haussa les épaules et froissa ses coupons qu’il<br />

jeta dans un cendrier.<br />

— Nous voilà captifs, dit-il sans s’émouvoir.<br />

Dehors, il s’arrêta pour embrasser le large panorama<br />

moucheté de petites lumières, où les agglomérations se<br />

signalaient par des concentrations laiteuses comme d’un<br />

rassemblement de globules sous le microscope.<br />

— J’entends des sirènes, murmura-t-il sur un ton<br />

d’extase froide. Nous avons du chemin à faire.<br />

Fouquet ne s’interrogeait même pas sur la destination<br />

de cette promenade hésitante qui les ramenait à<br />

Tigreville par les voies les plus escarpées ; il ne lui venait<br />

pas à l’idée que Quentin venait de basculer dans un<br />

domaine fantasque où des années de silence<br />

s’assouvissaient. Il suivait docilement, en prenant soin de<br />

mettre ses pas dans ceux de son compagnon qui le<br />

précédait en fredonnant : « Nuits de Chine, nuits

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