Antoine Blondin UN SINGE EN HIVER

sont interdites ici. J’ai quand même obtenu un beau
succès.
— Il ne manque plus que Claire, constata Quentin avec
assurance. On devait sortir tous les trois, si je me
rappelle…
— Laissez Claire ; tout cela se fera en son temps. Nous
sommes destinés à nous revoir tous. Je suis décidé à
resserrer un peu mon troupeau. On fréquente trop de
gens ; on se débite au détail. Il faudrait se livrer
totalement.
Quentin acquiesçait par sympathie, mais déjà il ne
suivait plus très bien les propos de son interlocuteur ; il
s’abandonnait aux surprises de l’escale, qui estompe
aussitôt les silhouettes qu’elle dessine. Passé la recherche
des premiers accommodements, chacun renonce à
enfourcher le cheval de l’autre, emballé depuis des nuits
insondables. Pour sa part, après de nombreux détours, il
en vint à raconter une histoire de pirates, qui lui tenait
particulièrement à cœur, où la garnison anglaise n’avait
pas le beau rôle. Il réapprenait une aisance toute neuve,
bloquant son torse entre la table et le mur pour parler à la
fois à l’intention de la salle, qui était vide, et de Fouquet
qui l’écoutait dans le vague.
— Bon, dit-il mollement, si tu es content comme ça,
mon petit gars, il serait temps de rentrer à la caserne.
Le voyant se lever, Annie proposa d’offrir la tournée
de la patronne. Ils la burent devant le comptoir, la
savourant comme un sursis, et, une heure plus tard, ils
étaient toujours là, sans inquiétude aucune, pénétrés du