Antoine Blondin UN SINGE EN HIVER

— Ça mérite deux oreilles et un tour d’honneur,
articula-t-il péniblement.
— Qu’est-ce qu’il veut celui-là, encore ? gronda le père
de Monique. Où sont ces gendarmes ?
— À Bousbir, insinua Quentin avec suavité.
— Vous, j’avais l’habitude de m’arrêter dans votre
restaurant, mais je vous préviens que vous venez de
perdre ma pratique.
— Je me fous bien de votre pratique.
Les gendarmes se pointèrent enfin, très embêtés
comme ils sont toujours lorsqu’ils n’ont pas eu l’initiative
des opérations et qu’il leur faut trancher entre des
assertions délibérément contradictoires. Ceux-ci, qui se
nommaient Garcia et Lalanne, fraîchement mutés d’un
village des Charentes, n’avaient pas l’oreille du pays.
Autant admettre qu’il n’entendaient rien à ces
témoignages formulés dans le style bas-normand.
— Holà, carabiniers ! Quel mal ai-je fait ? protestait
Fouquet. Ce public est bien ingrat, je lui en ai pourtant
donné pour son argent. Vous n’allez tout de même pas
croire que je désirais écraser cette automobile. D’ailleurs,
vous pouvez constater : elle n’a pas une égratignure.
Comme ils ne voulaient pas repartir les mains vides,
les gendarmes empoignèrent Fouquet, qui leur semblait le
plus mal habillé, et la foule leur emboîta le pas une partie
du chemin.
— Enfin ! s’exclamait le jeune homme, c’est la sortie en