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Antoine Blondin UN SINGE EN HIVER

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entre les attractions, et se disait qu’au fond, il était<br />

effroyablement libre, même de revenir à Tigreville si le<br />

cœur lui chantait. Il était certain d’ailleurs d’en avoir<br />

souvent la nostalgie. Dans son genre, lui aussi avait déjà sa<br />

vie derrière lui et il lui fallait se retourner pour la<br />

regarder en face.<br />

— Vous prétendiez qu’on n’a pas le droit de renoncer,<br />

reprit-il, je vous répondrai qu’il est assez dur de se faire<br />

une vie pour ne pas s’astreindre à s’en faire une<br />

deuxième.<br />

— Vous êtes jeune, nom de Dieu !<br />

— Vous ne connaissez pas les jeunes, dit Fouquet,<br />

regardez-les : la tête de plus que nous. Des saints ou des<br />

voyous, d’une pureté aride, sans une nuance, sans une<br />

ombre. On appelle ça l’exigence ou l’intransigeance. Ceuxlà<br />

ne boivent pas et ils sont terribles. Ils n’ont aucune<br />

indulgence. Ma génération sera la dernière des joyeux<br />

drilles sans emploi.<br />

Quentin n’était pas loin de partager ce point de vue. Il<br />

en fut satisfait. Ce qui lui convenait chez Fouquet, c’était<br />

qu’il ne semblât appartenir à aucune époque de<br />

l’existence ; il échappait à la distinction entre parent et<br />

enfant ; il n’était ni l’un ni l’autre. Une belle nature de<br />

camarade, en somme…<br />

— Si je peux me permettre, dit-il, avez-vous encore<br />

votre famille ?<br />

— Mon père est mort, répondit Fouquet, mort de la<br />

guerre ; je devrais dire mort des deux guerres… Bien qu’il

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