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nerveuses.<br />
— Là, jeune homme, dit placidement Quentin, il me<br />
semble que vous faites fausse route, du moins en ce qui<br />
concerne notre foyer, où M me Quentin n’aspire à rien<br />
d’autre qu’à assurer au lendemain les couleurs de la veille.<br />
Et pour ce qui est de se contenter de sa condition, vous<br />
me décevez : je croyais que vous auriez aimé être<br />
matador.<br />
— Mais je suis matador, moi, répondit Fouquet, à mes<br />
moments… disons : perdus…<br />
Suzanne ne cherchait pas trop à comprendre les<br />
propos qui s’échangeaient. Tout ce qu’elle retenait, c’était<br />
que son mari venait de lui rendre hommage devant un<br />
étranger et elle lui en eut de la reconnaissance. Il était<br />
bien vrai qu’elle n’attendait plus de ces changements à<br />
vue qui donnent aux êtres l’illusion d’étendre leur<br />
conquête sur le monde. Elle était de ceux qui préservent.<br />
De même qu’elle s’était montrée résignée dans l’aventure,<br />
elle mettait toute son espérance dans l’immobilité des<br />
jours. Une fois peut-être, quand Albert avait cessé de<br />
boire, avait-elle envisagé de s’engager avec lui sur ces<br />
voies inconnues dont le réseau des lignes dans la paume<br />
de sa main lui suggérait l’itinéraire. Mais c’était dans<br />
l’euphorie de sa victoire. Suzanne avait derrière elle un<br />
triomphe tel qu’il suffisait à une vie. Ses efforts ne<br />
tendaient plus qu’à lui donner davantage de prix encore,<br />
en faisant de son vaincu un vainqueur, de son esclave un<br />
maître, et il n’était pas d’occasion qui ne lui fût bonne