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Antoine Blondin UN SINGE EN HIVER

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onheur se calfeutre et que je t’entends croquer tes<br />

bonbons, il m’arrive encore de me demander pourquoi tu<br />

es devenu si parfait d’un seul coup et d’espérer que c’est<br />

un peu pour moi.<br />

— Laisse mes bonbons tranquilles. Je devrais m’en<br />

passer, comme de tout le reste ; c’est une habitude.<br />

— C’est une méthode.<br />

— Je n’ai plus que des habitudes.<br />

— Du moment qu’elles ne sont pas mauvaises…<br />

Ayant vidé son sac, elle s’était éloignée, plus légère,<br />

assurée d’avoir suffisamment affaibli l’adversaire pour lui<br />

offrir sans crainte l’image de ce dos aveugle et strict qu’il<br />

s’était pris un instant à haïr.<br />

« Lui, Fouquet, n’a pas d’habitudes, pensa Quentin,<br />

tout ce qu’il fait possède la dignité charmante du<br />

provisoire, il invente son chemin. Il me rappelle Dauger,<br />

ce matelot sans spécialité – sans spécialité comme<br />

Fouquet, les paupiettes mises à part. Ce Dauger qui faisait<br />

merveille dans la brousse avec la seule allégresse de<br />

l’instinct, tandis que nous nous retrouvions encerclés<br />

malgré nos thèmes tactiques. L’habitude, c’est un bon<br />

moyen de se laisser mourir sur place. »<br />

Au fond, Suzanne n’avait pas entièrement tort :<br />

Fouquet représentait pour lui la tentation, non de la<br />

boisson, mais d’une vie plus dégagée. Sous sa grosse<br />

écorce, il s’était toujours senti attiré par ce qui était fin et<br />

rien ne traduisait mieux la finesse à ses yeux que<br />

l’absence où s’enfermait parfois ce jeune homme délié, ses

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