Février - Nervure
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www.nervure-psy.com<br />
■ EDITORIAL G. Massé<br />
Pourquoi une<br />
dérogation de plus<br />
pour la psychiatrie<br />
sur l’interdiction<br />
du tabac ?<br />
Le décret qui précise les conditions d’application<br />
de l’interdiction de fumer dans<br />
les lieux affectés à un usage collectif,<br />
paru au Journal Officiel le 16<br />
novembre 2006, est<br />
entré en vigueur le 1 er<br />
février 2007. Il s’applique<br />
aux services<br />
et aux hôpitaux psychiatriques<br />
comme aux<br />
autres lieux de soins.<br />
Après les établissements généraux<br />
ceux de santé mentale<br />
sont donc enfin rattrapés par la question<br />
du tabagisme en pleine évolution en France.<br />
Le tabagisme est un problème de santé publique.<br />
Que ce problème s’impose à tous à<br />
commencer par les malades mentaux, n’est<br />
certainement pas une découverte.<br />
Les interventions de l’Etat se sont fondées jusqu’à<br />
maintenant sur plusieurs justifications normatives<br />
: le consommateur peut être mal informé<br />
de ses choix pour lui-même et pour les<br />
autres, la consommation de tabac induit des<br />
effets supportés par les non fumeurs comme<br />
le tabagisme passif, des consommateurs peuvent<br />
prendre des décisions irrationnelles et marquées<br />
par un déficit du contrôle de soi (1). Quant<br />
à l’intervention publique proprement dite, elle<br />
a pris trois voies : l’information, la taxation, et<br />
l’interdiction.<br />
On a vu poindre rapidement des critiques ou<br />
des réticences du milieu psy relevant que le<br />
recours au tabac est un aspect quasi obligatoire<br />
de la maladie mentale. Effectivement une étude<br />
anglaise (2) indique que 70% des patients hospitalisés<br />
en psychiatrie fument (dont 50% de<br />
gros fumeurs avec plus de 20 cigarettes par<br />
jour) et que de nombreux soignants pensent<br />
que cet état de fait a une fonction thérapeutique,<br />
relaxante, apaisante, de réponse à l’apragmatisme<br />
qui facilite le contact en tant que<br />
(suite page 5 )<br />
Une table ronde sur les troubles bipolaires, une<br />
de plus si nous osons dire, et pourtant à chaque<br />
fois que l’occasion est donnée à des spécialistes de la<br />
question, les débats qui en découlent amènent leur lot<br />
d’intérêts nouveaux. Le concept de trouble bipolaire,<br />
même s’il va chercher ses racines dans les arcanes<br />
de la psychiatrie clinique, prend depuis deux décennies<br />
des colorations bien plus diversifiées que la sacrosainte<br />
psychose maniaco-dépressive. C’est sur cette<br />
base de l’évolution du concept et de sa confrontation<br />
aux réalités de terrain que NERVURE a décidé de<br />
réunir cette table ronde qui était modérée par Philippe<br />
Carrière, psychiatre en Bretagne et Jean-Paul Chabannes,<br />
psychiatre à Grenoble. Elle rassemblait en<br />
outre : Jean-Michel Azorin, professeur de psychiatrie<br />
à Marseille, Béatrice Beaufils-Laffy, praticien hospitalier,<br />
chef de service, à Issy-les-Moulineaux, Michel<br />
Dubec, expert auprès des tribunaux et psychiatre<br />
libéral à Paris, Frédéric Rouillon, professeur de psychiatrie<br />
à Paris.<br />
Jean-Paul Chabannes : Le trouble bipolaire est dans<br />
l’actualité au même titre que la schizophrénie d’ailleurs.<br />
Hippocrate a été le premier auteur à décrire les<br />
réactions transitoires d’allure psychotique qui<br />
surviennent pendant les suites de couches. Désigné par<br />
l’expression « fièvre du lait » au cours du XIXème siècle,<br />
le blues (qui signifie littéralement idées noires ou<br />
cafard) du post-partum est aussi connu sous les termes<br />
de blues ou de « syndrome du troisième jour », de<br />
post-partum blues et surtout de maternity blues, terme<br />
de référence de la littérature anglo-saxonne.<br />
Facteurs de risque<br />
Avant le début de la grossesse, des antécédents psychiatriques<br />
personnels (de dépression gravidique,<br />
postnatale, de toxicomanie…) ou familiaux sont à<br />
rechercher. On interroge la patiente sur d’éventuels<br />
antécédents médicaux ou obstétricaux (facteurs de<br />
risque pour le foetus ou la grossesse comme une<br />
Une nouvelle encyclopédie<br />
psychanalytique<br />
Michel Sanchez-Cardenas : Quelle est l’histoire de<br />
cette nouvelle encyclopédie psychanalytique ?<br />
Ross Skelton : Les Edinburgh University Press m’ont<br />
contacté en 1998 à propos de l’Encyclopédie et j’ai<br />
commencé à travailler dessus cette même année. Je<br />
ne me représentais pas bien ce que cela représentait<br />
comme charge et j’ai téléphoné à deux collègues qui<br />
avaient déjà colligé des encyclopédies. Le premier<br />
m’a répondu : « Vous ne savez pas dans quoi vous<br />
vous engagez, quelle masse de travail cela va vous<br />
donner ! ». Ce que je n’étais pas préparé à entendre<br />
(et, d’un autre point de vue, si j’ai pu craindre m’ennuyer<br />
dans la réalisation de ce travail, je dois vous dire<br />
qu’en fait, cela n’est jamais arrivé !). Le deuxième<br />
m’a dit : « Faites-vous envoyer les notes par les différents<br />
auteurs et constituez, vous même, la liste des entrées ».<br />
Mais là, je ne voulais pas que les entrées aient toutes<br />
l’air d’avoir été écrites par la même personne et je me<br />
Trouble bipolaire -<br />
Environnement<br />
rappelais de ce que le poète irlandais Louis Mac-<br />
Neice appelait « L’ivresse des choses variées ». Suivant<br />
donc le même poète, je décidais d’être « incurablement<br />
pluriel » et donc de faire figurer dans ce<br />
travail des érudits académiques (comme Laplanche ou<br />
Sandler) tout autant que des rebelles (comme Masud<br />
Khan) ou que des « accidents » de la psychanalyse<br />
(comme Tausk et Reich) : tous on apporté d’importantes<br />
contributions. On notera que l’on peut trouver,<br />
également, dans l’Encyclopédie des références à l’impact<br />
du régime nazi ou communiste soviétique sur la<br />
psychanalyse, toujours dans cette optique « plurielle<br />
»… Puis, je me suis entretenu avec James Grotstein,<br />
à Los Angeles, qui m’a fourni quelques indications<br />
intéressantes. De retour en Irlande, je lui ai<br />
demandé s’il aimerait participer à l’aventure. Il a pris<br />
une ou deux semaines de réflexion avant de me dire<br />
oui. Et, en fait, il a supervisé presque tout ce qui<br />
Mais ce trouble a-t-il cessé d’être dans l’actualité et ne<br />
le sera-t-il pas de manière durable ? Les concepts<br />
évoluent, la réalité clinique est là et les questions qui<br />
se posent se multiplient. Qu’en est-il de leurs classements<br />
catégoriels ? Qu’en est-il de leurs aspects dimensionnels<br />
? Comment le concept a-t-il progressé ?<br />
Comment est-il repris en matière médico-légale ? Où<br />
en est la collaboration médecine hospitalière, médecine<br />
de cabinet chez les patients porteurs de tels<br />
troubles ? Les nouvelles avancées thérapeutiques ontelles<br />
un intérêt ? Quelles articulations également avec<br />
le THADA ? Je propose que nous commencions par<br />
un repérage clinique et classificatoire que nous allons<br />
demander à Frédéric Rouillon.<br />
Frédéric Rouillon : Avant tout, je crois nécessaire de<br />
mentionner la place du trouble bipolaire dans le<br />
« hit parade » des maladies. En 1992, l’Ecole de<br />
Santé d’Harvard, conjointement avec l’Organisation<br />
Mondiale de la Santé et la Banque Mondiale, ont<br />
classé toutes les maladies. Ceci grâce à un indice<br />
simple : le nombre d’années perdues entièrement ou<br />
Les troubles psychiques durant la<br />
grossesse et le post-partum<br />
Entretien avec Ross Skelton<br />
(suite page 10 )<br />
■ TABLE RONDE<br />
(suite page 5 )<br />
■ FMC<br />
M. Pellegrin<br />
maladie héréditaire, une mort fœtale in utero ainsi que<br />
des antécédents d’hypofertilité, de fausse couche<br />
spontanée, d’interruption volontaire de grossesse…).<br />
Les facteurs psychosociaux sont à recenser : tout<br />
d’abord, les facteurs environnementaux, une situation<br />
économique et sociale compliquée, des événements<br />
de vie difficiles (décès, problèmes au travail…),<br />
puis des facteurs internes, mauvaise estime de soi,<br />
âge de la mère inférieur à 20 ans, et pour finir des facteurs<br />
relationnels, notamment des difficultés de la<br />
relation mère fille.<br />
Les antécédents psychiatriques sont bien évidemment<br />
centraux et notamment les schizophrénies qui constituent<br />
un facteur de risque spécifique du fait de la<br />
découverte souvent tardive de la grossesse (liée à une<br />
aménorrhée sous neuroleptique et une non connaissance<br />
par la patiente des signes de grossesse), mais<br />
(suite page 8 )<br />
FÉVRIER 2007 1<br />
ISSN 0988-4068<br />
n° 1 - Tome XX - 02/2007<br />
Tirage : 10 000 exemplaires<br />
Directeur de la Publication et de la<br />
Rédaction : G. Massé<br />
Rédacteur en chef : F. Caroli<br />
Rédaction : Hôpital Sainte-Anne,<br />
1 rue Cabanis - 75014 Paris<br />
Tél. 01 45 65 83 09 - Fax 01 45 65 87 40<br />
Abonnements :<br />
54 bd La Tour Maubourg - 75007 Paris<br />
Tél. 01 45 50 23 08 - Fax 01 45 55 60 80<br />
Prix au numéro : 9,15 €<br />
E-mail : info@nervure-psy.com<br />
AU SOMMAIRE<br />
S’ABONNER<br />
à<br />
ÉDITORIAL<br />
Pourquoi une dérogation<br />
de plus pour la psychiatrie<br />
sur l’interdiction du<br />
tabac ? p.1<br />
TABLE RONDE<br />
Trouble bipolaire -<br />
Environnement p.1<br />
FMC<br />
Les troubles psychiques<br />
durant la grossesse et<br />
le post-partum p.8<br />
PSYCHANALYSE<br />
Une nouvelle encyclopédie<br />
psychanalytique p.10<br />
URGENCES<br />
La psychiatrie des<br />
urgences p.11<br />
ÉTHIQUE<br />
A propos du secret p.12<br />
HOMMAGE À<br />
Louis Bertagna p.13<br />
PHÉNOMÉNOLOGIE<br />
Pour une théorie de<br />
la pratique p.14<br />
ANNONCES EN BREF p.17<br />
HOMMAGE À<br />
Louis Bertagna p.13<br />
THÉRAPEUTIQUE<br />
Suivi et réinsertion de<br />
patients psychotiques<br />
présentant une addiction<br />
au cannabis, traités<br />
par RisperdalConsta p.18<br />
La rémission : une<br />
évolution possible<br />
de la schizophrénie p.19<br />
ANNONCES<br />
PROFESSIONNELLES p.22<br />
mais aussi<br />
à la Revue,<br />
c’est si simple<br />
Bulletin d’abonnement p.18
2<br />
LIVRES<br />
Symboles, cryptes et<br />
fantômes<br />
Nicolas Abraham et Maria Torok<br />
Le Coq-Héron, septembre 2006 n°186,<br />
Erès, 16 €<br />
Le dossier présenté a pour ambition de<br />
donner un aperçu - au moyen de huit<br />
contributions qui touchent tant à la théorie<br />
qu’à la clinique et au regard que les<br />
psychanalystes peuvent accorder aux<br />
productions culturelles - de la richesse<br />
et de la diversité des travaux qui prennent<br />
pour repères les recherches de Nicolas<br />
Abraham et de Maria Torok sur<br />
le « symbole psychanalytique » et sur les<br />
« ennemis de l’introjection » que représentent<br />
les « inclusions », voire les « cryptes »<br />
constituées dans le Moi à la suite d’expériences<br />
rendues indicibles par la honte<br />
et la peur, et les « fantômes dans l’inconscient<br />
», construits sous l’influence<br />
transgénérationnelle de ces traumas<br />
psychiques.<br />
La créativité dont les articles témoignent<br />
ne signifie cependant pas que l’œuvre<br />
de Nicolas Abraham et de Maria Torok<br />
et que les recherches de leurs « continuateurs<br />
» aient été accueillies à bras<br />
ouverts dans le monde analytique. Les<br />
travaux doivent essentiellement leur<br />
audience à l’ouverture d’esprit de certains<br />
éditeurs et directeurs de revues et,<br />
surtout, au nombre croissant de psychanalystes<br />
qui se tournent vers l’œuvre<br />
d’Abraham et de Torok parce qu’ils y<br />
trouvent plus d’éléments pour « penser »<br />
leur pratique.<br />
L’enfant autiste et le<br />
modelage<br />
De l’empreinte corporelle a<br />
l’empreinte psychique<br />
Sophie Krauss<br />
Préface de Bernard Golse<br />
Erès, 25 €<br />
Le travail présenté dans cet ouvrage<br />
montre les modalités d’expression de<br />
la construction et de l’évolution de<br />
l’image du corps chez des enfants autistes<br />
et psychotiques à travers le modelage.<br />
Plus généralement il cherche à<br />
étudier les processus psychiques en jeu<br />
dans l’utilisation du modelage, notamment<br />
les mécanismes de la symbolisation<br />
primaire.<br />
Le guide du prescripteur<br />
Collection Psychopharmacologie<br />
essentielle<br />
Stephen M. Stahl<br />
Traduit de l’américain par Marc-<br />
Antoine Croq, Thierry Faivre et Eric<br />
Tran<br />
Sous la direction de Patrick<br />
Lemoine<br />
Médecine- Sciences<br />
Flammarion, 95 €<br />
Ce guide complète l’approche conceptuelle<br />
de Psychopharmacologie essentielle,<br />
paru en 2002. Avec au moins<br />
quatre pages pour chacun des 102<br />
psychotropes présentés, Stephen Stahl<br />
fournit les informations dont un prescripteur<br />
a besoin. Pour chaque médicament,<br />
l’information se répartit en cinq<br />
rubriques : thérapeutique, dosage et utilisation,<br />
effets indésirables, populations<br />
particulières et palmarès.<br />
Thérapeutique précise la classe thérapeutique,<br />
pourquoi le médicament est<br />
communément prescrit, comment le<br />
produit agit, combien de temps il prend<br />
pour agir, que faire s’il est efficace ou<br />
pas, les associations à envisager pour<br />
augmenter la réponse si celle-ci est partielle<br />
ou lors le résistance, et les examens<br />
à prévoir.<br />
Dosage et utilisation précise la fourchette<br />
habituelle des doses, les formes galéniques,<br />
la manière de doser et les conseils<br />
d’utilisation, les signes de surdosage,<br />
l’utilisation au long cours, comment interrompre<br />
le traitement, la pharmacocinétique,<br />
les interactions, ainsi que les<br />
autres mises en garde ou précautions.<br />
Effets indésirables couvre les mécanismes,<br />
propose une liste des effets indésirables<br />
notables, explique ce qu’il faut faire en<br />
cas d’effets indésirables et décrit les<br />
agents à associer. Populations particulières<br />
aborde l’insuffisance rénale, hépatique<br />
ou cardiaque, les personnes<br />
âgées, les enfants et adolescents. Palmarès<br />
énumère les avantages et inconvénients<br />
potentiels et, enfin, recommande<br />
certaines lectures. Pour<br />
chaque médicament, des tableaux sont<br />
placés en face des éléments clé.<br />
Le livre se termine par plusieurs index :<br />
une liste des noms génériques et com-<br />
merciaux des médicaments présentés,<br />
une classification des produits génériques<br />
par indication, et une liste les<br />
substances par classe pharmacologique.<br />
Dans sa préface à cette édition françaisen,<br />
Patrick Lemoine relève qu’« il est<br />
important de savoir comment font nos<br />
confrères d’outre-Atlantique, découvrir<br />
leurs différences en matière de traitements<br />
médicamenteux, comprendre comment<br />
ils prescrivent, à qui, à quelles doses, savoir<br />
ce qu’ils savent. Il ne s’agit en aucun<br />
cas de copier, singer les pratiques américaines,<br />
mais plutôt de s’enrichir de pratiques<br />
différentes, en un mot dé métisser<br />
notre médecine ».<br />
Quatre « Jésus » délirants<br />
Essai de compréhension<br />
Emile Meurice<br />
L’Harmattan, 18,50 €<br />
Ce livre de psychiatrie écrit par un psychiatre<br />
évoque des personnes qui ont<br />
prétendu avoir la personnalité de Jésus<br />
alords que l’on voit naître assez de sectes<br />
dont les gourous s’attribuent des qualifications<br />
de nature religieuse. Ce n’est<br />
pas le cas ici : en effet, les « Jésus » dont<br />
il est question sont des malades mentaux.<br />
Ce livre est donc un ouvrage de<br />
psychopathologie qui raconte de façon<br />
vivante la trajectoire de vie, captivante,<br />
de quatre hommes qui sont devenus<br />
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
malades et ont développé le délire d’être<br />
Jésus ou Dieu. L’un d’entre eux était un<br />
paranoïaque, les trois autres des schizophrènes.<br />
Mais au-delà de la narration,<br />
on tente aussi d’approcher la question<br />
: pourquoi sont-ils devenus<br />
psychotiques ? Et pourquoi le thème<br />
d’être « Jésus » ? Le cheminement des<br />
quatre personnes dont il est question,<br />
est examiné sous un jour particulièrement<br />
humain et il s’ouvre aux préoccupations<br />
spirituelles de ceux qui finiront<br />
par s’identifier à Jésus. Le fait d’être<br />
malade n’enlève pas leur humanité et<br />
ne les empêche pas de rechercher, chacun<br />
à sa façon, un sens spirituel à leur<br />
existence.
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
Le Génie et la Folie<br />
en peinture, musique, littérature<br />
Philippe Brenot<br />
Odile Jacob<br />
La vieille idée de la parenté entre génie<br />
et folie trouve des éléments de<br />
réponse dans notre conception des<br />
troubles de l’humeur qui éclaire le mystère<br />
de la créativité et enrichit la lecture<br />
psychanalytique du mouvement créatif.<br />
La psychiatrie contemporaine distingue<br />
l’humeur et la personnalité comme deux<br />
axes de la complexité de l’humain. Si<br />
la personnalité est fortement construite<br />
par l’histoire personnelle, accessible aux<br />
thérapies et à l’analyse, l’humeur et ses<br />
troubles sont plus constitutionnels. Les<br />
variations maniaco-dépressives qui sont<br />
très présentes chez les artistes et créateurs,<br />
sont aujourd’hui connues pour<br />
être fortement liées à des facteurs génétiques,<br />
et font partie de ce facteur humain<br />
qui semble avoir été présent dans<br />
tous les grands moments lors des révolutions<br />
et des grandes découvertes.<br />
L’œuvre semble naître d’un mélange<br />
de la difficulté d’être et d’un principe<br />
énergétique constitutionnel, qui a animé<br />
tous les créateurs.<br />
Les biographies, autobiographies et pa-<br />
thobiographies livrent des témoignages<br />
directs, des analyses ou des opinions<br />
psychiatriques.<br />
Cette lecture des destinées hors du commun<br />
induit des conclusions surprenantes<br />
: l’humeur géniale des créateurs<br />
semble se distribuer très différemment<br />
entre les arts du langage - poésie, littérature<br />
- et les arts non verbaux - plastiques<br />
et musicaux.<br />
Les premiers connaissent une grande<br />
proximité avec les troubles mentaux, la<br />
dépression. L’écrivain s’origine de luimême<br />
et prend un pseudonyme.<br />
Les seconds ont moins de liens avec la<br />
folie, la dépression y est peu fréquente<br />
et on constate que, pratiquement, aucun<br />
peintre ni musicien classique ne<br />
porte de pseudonyme.<br />
Au-delà des critiques que peut soulever<br />
une telle analyse des êtres d’exception,<br />
la cohérence des faits paraît suffisamment<br />
explicite pour accepter l’évidence<br />
d’un facteur propre au génie des créateurs,<br />
que Philippe Brenot a nommé<br />
« facteur humain », et d’une fonction sociale<br />
qu’il qualifie de « fonction chamanique<br />
», tant l’originalité de la démarche<br />
créatrice connaît de points communs<br />
avec le rôle, provocateur et catalyseur,<br />
de la société, du chaman des tribus nomades<br />
de l’ancien monde.<br />
Les territoires face au<br />
vieillissement en Europe<br />
Géographie - Politique -<br />
Prospective<br />
Coordination Gérard-François<br />
Dumont<br />
Ellipses<br />
3<br />
Ce livre montre combien le vieillissement<br />
est, au XXI e siècle, un phénomène<br />
majeur pour les populations et les territoires,<br />
ce qui suppose d’abord de présenter<br />
le concept du vieillissement, sa<br />
nature polysémique (pas moins de quatorze<br />
types de vieillissement et sept<br />
types de gérontocroissance) et ses évolutions<br />
polyformes selon les territoires<br />
français considérés dans leur ensemble,<br />
puis en Europe. La deuxième partie approfondit<br />
les composantes des disparités<br />
géographiques du vieillissement,<br />
que l’on considère cette question selon<br />
les départements français ou selon une<br />
approche spatio-économique à partir<br />
de la notion d’aire urbaine définie par<br />
l’INSEE. Une analyse des diversités territoriales<br />
permet de mieux comprendre<br />
le caractère différencié des situations<br />
et d’insister sur une approche géographique,<br />
éclairée par divers exemples,<br />
comme la Bretagne, la Bourgogne, la<br />
région Centre ou encore la Réunion. Ce<br />
vieillissement, qui concerne la très grande<br />
majorité des territoires français, présente<br />
des conséquences en termes de<br />
logement, de santé, de besoins de population<br />
active, de productivité. Une<br />
troisième partie se tourne vers les territoires<br />
européens, avec des dossiers<br />
traitant de différents pays selon un ordre<br />
alphabétique. Elle montre, notamment,<br />
que l’Allemagne est toujours divisée...<br />
par le vieillissement, celui-ci étant influencé<br />
en Belgique par les migrations<br />
des aînés et demeurant important dans<br />
le contexte post-communiste avec<br />
l’exemple de la Bulgarie. Pour l’Espagne,<br />
on peut se demander si le retournement<br />
récent du mouvement migratoire et son<br />
intensité enraye ou non le vieillissement<br />
des communautés autonomes, avec de<br />
fortes disparités territoriales. Les régions<br />
du pays le plus vieilli au monde, l’Italie,<br />
méritent un examen partticulier, tandis<br />
que la Pologne et ses territoires<br />
connaissent des singularités. Enfin, un<br />
regard doit porter au-delà de la France<br />
et l’Europe, en considérant comment<br />
évolue la réflexion internationale sur le<br />
vieillissement de la population.<br />
Tendresse et cruauté<br />
Dominique Cupa<br />
Dunod, 27 €<br />
L’auteur expose une pensée clinique de<br />
la cruauté et de la tendresse. Ces deux<br />
formes de pulsions d’autoconservation,<br />
les pulsions de cruauté (liées à Thanatos)<br />
et les pulsions de tendresse (liées<br />
à Éros) sont préambivalentes et leur but<br />
commun est la préservation de la vie<br />
somatique et psychique.<br />
Pulsion de cruauté et pulsion de tendresse<br />
étant enchevées dans la vie psychique,<br />
l’auteur rend compte de<br />
cette intrication. De nombreux cas cliniques<br />
servent d’appui pour élaborer<br />
une métapsychologie propre à chacune<br />
de ces deux pulsions. La métapsychologie<br />
de la cruauté est construite à partir<br />
de la pulsion de cruauté de l’enfant,<br />
mais aussi de la cruauté maternelle dont<br />
une des figures est celle du surmoi cruel.<br />
Est proposée une analyse de la cruauté<br />
meurtrière comme destin de la cruauté<br />
primaire, une étude clinique de la relation<br />
vampirique et une réflexion sur le<br />
besoin de se scarifier. La métapsychologie<br />
de la tendresse conduit à reconsidérer<br />
ce que Freud appelait « le courant<br />
tendre » de la pulsion et à discerner<br />
les diverses composantes de la pulsion<br />
de tendresse. Est ainsi montré comment<br />
la tendresse et le sexuel émergent et<br />
s’agencent dans la vie psychique. Le<br />
dernier chapitre, Les rythmes de la tendresse,<br />
aborde les enjeux techniques de<br />
cette conceptualisation pour le psychanalyste.
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
partiellement vis-à-vis de l’espérance<br />
majeure d’existence. Ce travail, extrêmement<br />
sérieux, fait apparaître 5 maladies<br />
mentales dans les 10 plus lourdes.<br />
Les « dépressions » arrivent en 4 ème<br />
position. L’étude s’est poursuivie par<br />
une analyse prospective qui montre<br />
qu’en 2020 les dépressions seront en<br />
2 ème position en terme de coût morbimortalité.<br />
Le trouble bipolaire proprement<br />
dit se classe, lui, en 6 ème position,<br />
et, toutes maladies confondues, il représente<br />
à lui seul 1% des années de vie<br />
perdue. Au plan de la prévalence, nous<br />
oscillons entre 1 et 2% selon les acceptations<br />
critériologiques. Ceci permet<br />
d’embrayer sur ta question qui relie,<br />
ce qui est indiscutable, clinique et nosographie.<br />
Commençons par la nosographie qui a<br />
bien changé. D’abord, parce que nous<br />
avons quitté le cœur de cible de la<br />
maladie décrit depuis 150 ans par Kraepelin,<br />
Baillarger et autres, Falret. Cible<br />
faite de maniaques et de dépressifs<br />
francs pour en arriver à des types diversifiés.<br />
Le type I reste assez proche de<br />
cette ancienne PMD mais viennent<br />
s’ajouter le type II à accès hypomaniaques<br />
comme seule exaltation de<br />
l’humeur, puis le III avec accès pharmacologiquement<br />
induits, le type IV,<br />
etc., etc. Peut-on y voir une boulimie<br />
classificatoire.<br />
Nous n’allons pas tarder à en arriver<br />
au type n° VII. Types I et II sont bien<br />
entrés dans les classifications officielles,<br />
les autres restent encore dans le champ<br />
des hypothèses. Les 2 lignées définies,<br />
l’une par Angst, l’autre par Akiskal diffèrent<br />
sur des détails. Mon impression<br />
est que la multiplication des sous-types<br />
élargit nettement le spectre pouvant<br />
alors donner des chiffres épidémiologiques<br />
déraisonnables allant jusqu’à<br />
20%. Nous glissons également du catégoriel<br />
(type DSM) vers du dimensionnel<br />
avec les notions de tempérament<br />
(hyperthymique). Peut-on décemment<br />
introduire les personnes à tempérament<br />
enjoué dans le champ de la<br />
pathologie, au même titre que les<br />
maniaco-dépressifs francs ? La question<br />
reste en suspens. Intéressante sur<br />
le plan abstrait, cette approche amène<br />
à plein de réserves quand il s’agit<br />
d’aborder un pronostic et des thérapeutiques<br />
peut-être pas du même ordre<br />
d’un bout à l’autre du spectre. Pour<br />
ma part, en s’arrêtant à type I et II,<br />
nous avons déjà bien de quoi faire.<br />
Jean-Paul Chabannes : Et le type III à<br />
états maniaques ou hypomaniaques<br />
pharmacologiquement induits ?<br />
Frédéric Rouillon : Oui, à la rigueur,<br />
mais il faut arrêter la prolifération diagnostique<br />
qui dessert notre pratique et<br />
nos recommandations. Essayer déjà de<br />
bien traiter les types I et II pas assez<br />
pris en charge même dans les pays<br />
occidentalisés, 1 sur 3 serait bien traité<br />
et encore avec 10 années de retard<br />
par rapport au début de la maladie.<br />
Au titre des changements réels dans la<br />
pathologie, je pense que les maniaques<br />
sont moins maniaques que par le passé.<br />
Peut-être est-ce dû aux traitements et à<br />
l’encadrement social (une manie furieuse<br />
est vite prise en compte aujourd’hui).<br />
Mais peut-être y a-t-il un vrai changement,<br />
cela se voit sur les nouveaux cas,<br />
moins caricaturaux qu’avant. Par contre,<br />
plus certainement, et ceci est attesté<br />
par l’épidémiologie, l’âge de début est<br />
de plus en plus jeune. Ce fait n’est pas<br />
uniquement dû au meilleur dépistage.<br />
Cette même épidémiologie montre<br />
aussi des cycles plus courts pour lesquels<br />
l’allongement de la vie joue un<br />
rôle du fait du « dérèglement » constaté<br />
avec le vieillissement. Mais, là encore,<br />
ces dérèglements semblent plus précoces.<br />
Que doit-on mettre en cause :<br />
l’abus d’antidépresseurs, de toxiques<br />
ou d’autres causes plus ou moins élucidées<br />
?<br />
Permettez-moi encore de faire une<br />
remarque sur le thème clinique bipolaire<br />
et actes médico-légaux. Il me<br />
semble que ces derniers sont moins<br />
fréquents et essentiellement liés aux<br />
10 premières années pendant lesquelles<br />
le traitement n’a pas été institué. Cela<br />
valide les efforts de prise en charge, ce<br />
d’autant que les coûts directs de soins<br />
sont faibles par rapport aux coûts indirects,<br />
ce qui n’est pas aisé à faire comprendre<br />
à nos gouvernants.<br />
Jean-Paul Chabannes : Peux-tu donner<br />
une proportion entre coût direct et<br />
coût indirect ?<br />
Frédéric Rouillon : Oui, bien sûr : quand<br />
on investit 2 millions d’euros, on en<br />
gagne 8 si on soigne bien et ce pour<br />
l’ensemble de la psychiatrie, mais pour<br />
les bipolaires (chiffres sérieux), pour 7<br />
Pourquoi une dérogation de plus pour la psychiatrie<br />
sur l’interdiction du tabac ?<br />
lien transactionnel et automédication,<br />
intimement inscrite dans l’institution (3).<br />
On n’est donc pas surpris, du doute,<br />
voire du pessimisme de certains<br />
quant à la possibilité ou l’intérêt de<br />
voir les services de psychiatrie devenir<br />
non fumeurs. Les risques allégués<br />
sont une trop grande dureté pour les<br />
patients, une réactivation de l’agressivité,<br />
ce que les expériences menées<br />
d’interdiction du tabac en milieu psychiatrique<br />
ne confirment en aucune<br />
façon. Dans notre expérience, dans<br />
leur grande majorité les patients<br />
fumeurs souhaitent être mieux informés<br />
et arrêter de fumer.<br />
En fait, le décret du 16 novembre<br />
2006, donne aux services de psychiatrie<br />
un excellent moyen de<br />
prendre en compte la santé physique<br />
de leurs patients, notamment psychotiques,<br />
dont on connaît la surmortalité,<br />
d’aborder une démarche<br />
d’éducation pour la santé, de réduire<br />
le différentiel quant au droit à la santé<br />
avec la population générale, bref de<br />
privilégier une approche globale de la<br />
personne malade comme leur qualité<br />
de vie.<br />
La prévalence du tabagisme chez de<br />
Trouble bipolaire –<br />
Environnement<br />
Table Ronde du 29 novembre 2006<br />
organisée avec le soutien des laboratoires ORGANON et PFIZER<br />
nombreux patients psychiatriques et<br />
chez ceux qui les soignent nécessite<br />
une réflexion collective concernant<br />
la conception de la plupart des<br />
aspects du soin mais aussi de la perception<br />
de la maladie elle-même.<br />
Toute sensibilisation au tabac ne peut<br />
être efficace que si elle s’appuie sur<br />
une alliance thérapeutique, à partir<br />
d’une lecture clinique spécifique, associant<br />
les aspects somatiques de façon<br />
exigeante. L’éthique du soin rencontre<br />
ainsi le respect de la loi qui<br />
s’impose à tous, dont aucun patient,<br />
fusse-t-il psychiatrique ne peut être<br />
exclu avec, en outre, le risque d’une<br />
stigmatisation accrue (4). ■<br />
(1) ETILE F., L’analyse économique des<br />
politiques publiques du tabagisme, Psychotropes<br />
2006, 12, 1, 25-55.<br />
(2) JOCHELSON K., Smoke-free legislation<br />
and mental health units: the challenges<br />
ahead, British Journal of Psychiatry 2006,<br />
189, 479-480.<br />
(3) JARDEL V., Smoking, no smoking...,<br />
Santé Mentale 2006, 112, 14.<br />
(4) LALY Ph., Une affaire d’équilibre...,<br />
Réflexion d’un expert visiteur, Pratique en<br />
santé mentale 2005, 4, 17-18.<br />
milliards investis, 38 économisés, le<br />
rapport est de 1 à 5,5.<br />
Jean-Paul Chabannes : Peux-tu évoquer<br />
ce qu’il y a dans les coûts indirects<br />
?<br />
Frédéric Rouillon : Tout, de la perte de<br />
productivité au coût de la prison.<br />
Jean-Paul Chabannes : Peut-on demander<br />
à d’autres participants leur avis sur<br />
ce qui vient d’être dit ?<br />
Michel Dubec : L’augmentation des<br />
cycleurs rapides me semble aussi due à<br />
un réel changement de structure de<br />
personnalité chez « l’homme moderne ».<br />
Cela se voit souvent chez les jeunes,<br />
ambitieux, réussissant leur carrière en<br />
passant rapidement d’une entreprise à<br />
l’autre... Cette pression sociale ne nous<br />
fabrique-t-elle pas des « hyperactifs obligés<br />
» qui peuvent dans une phase ultérieure<br />
se déprimer et ainsi de suite. Il<br />
me semble que ces personnalités, très<br />
narcissiques, finalement assez fragiles,<br />
centrées sur la nécessité de réussir correspondent<br />
à des caricatures du cinéma<br />
américain où l’on doit faire bonne figure<br />
toute la journée et où on pleure en<br />
rentrant le soir. Il me semble voir ce<br />
genre de cas assez fréquemment en<br />
clientèle.<br />
Jean-Paul Chabannes : Evoquerais-tu<br />
la présence de stresseurs modernes précipitant<br />
certains dans des troubles qui<br />
ne seraient pas apparus dans le cadre<br />
d’une autre organisation sociale ?<br />
Michel Dubec : C’est ça, mais doublé de<br />
cette nécessité d’apparaître fort, autonome,<br />
adaptable, désengagé de toute<br />
relation affective aux choses et aux<br />
êtres. Ceci génère un retrait de la vie<br />
familiale, de la vie affective et rend<br />
peut-être plus sensible aux variations<br />
incontrôlables de l’humeur.<br />
Béatrice Beaufils : J’ai des réserves par<br />
rapport au point de vue de Frédéric<br />
Rouillon. Je vois, moi, de vraies manies,<br />
intenses, à n’importe quel âge et même<br />
comme premier épisode.<br />
Frédéric Rouillon : Oui, mais as-tu l’impression<br />
que c’est aussi fréquent<br />
qu’avant ?<br />
Béatrice Beaufils : Il me semble que<br />
oui.<br />
Frédéric Rouillon : Je ne pense pas que<br />
ça ait disparu mais plutôt que ça se soit<br />
un peu raréfié.<br />
Béatrice Beaufils : On retrouve aussi<br />
assez fréquemment la présence de véritables<br />
caractéristiques psychotiques,<br />
hallucinatoires notamment, peut-être<br />
en rapport avec la prise associée de<br />
cannabis et plus fréquemment dans<br />
certains groupes ethniques. A l’inverse,<br />
nous voyons, de plus en plus souvent,<br />
des troubles du comportement associant<br />
instabilité, impulsivité, labilité thymique<br />
et alcoolisme compulsif… S’agitil<br />
alors de trouble bipolaire ou de<br />
trouble de la personnalité type état<br />
limite, histrionique ou narcissique ?<br />
J’irais plus, dans ces cas, du côté du<br />
diagnostic d’état limite mais ai-je raison<br />
ou tort ? Ces patients posent, en<br />
tout cas, de lourds problèmes en hospitalisation<br />
alors qu’ils arrivent avec un<br />
simple diagnostic de trouble bipolaire.<br />
Philippe Carrière : Est posé là le problème<br />
des limites du diagnostic. Soit<br />
nous sommes devant une extension<br />
indéfinie des concepts, soit nous avons<br />
des problèmes de diagnostic différentiel.<br />
Pour aller encore un peu plus loin, je<br />
pense que nous pouvons évoquer un<br />
vrai changement anthropologique avec<br />
une expression différente de la folie<br />
humaine, aussi d’ailleurs retrouvée dans<br />
la schizophrénie. De plus, les thèmes<br />
délirants ne sont pas les mêmes qu’autrefois.<br />
Jean-Paul Chabannes : Je suivrais assez<br />
Frédéric Rouillon quand il dit qu’on<br />
voit moins de cas caricaturaux et à<br />
expression explosive, et nous avons<br />
quelques décennies de recul dans notre<br />
pratique pour pouvoir comparer. Mais<br />
quand j’écoute Béatrice Beaufils, je<br />
trouve également qu’elle a raison car les<br />
cas qu’elle décrit me semblent être plutôt<br />
récents. Qu’en pense Jean-Michel<br />
Azorin ?<br />
Jean-Michel Azorin : Je voudrais réagir<br />
à partir de l’histoire même du concept.<br />
Deux grandes portes d’entrée apparaissent<br />
pour la psychose maniacodépressive<br />
qui va conduire aux troubles<br />
bipolaires.<br />
- La 1 ère, celle du lien entre dépression<br />
et mélancolie qui n’a pas toujours été<br />
retenu. Etabli dans l’antiquité, il a été<br />
très largement oublié jusqu’à Kraepelin<br />
qui promeut une conception extensive<br />
de l’endogénicité des dépressions.<br />
- La 2 ème, celle du lien entre endogénicité<br />
et bipolarité quasi automatique<br />
que l’on voit arriver de façon plus<br />
moderne. Derrière toute dépression<br />
pourrait se cacher, du fait de causes<br />
génétiques entre autres, une potentialité<br />
maniaque. Toute dépression serait<br />
potentiellement à risque bipolaire.<br />
A ce jour, les choses s’éclaircissent,<br />
nous sommes sensibilisés au fait que<br />
l’unipolarité n’est jamais sûre et ceci<br />
ne serait pas simplement un effet de<br />
mode.<br />
Mais je m’aventurerais un peu sur un<br />
autre aspect, celui de l’histoire de la<br />
psychose. Dans l’antiquité, la psychose<br />
n’existe pas, c’est la folie qui fait loi<br />
avec un continuum normalité/folie et<br />
des tempéraments qui prédisposent à la<br />
folie. Jusqu’à Kraepelin, cette idée reste<br />
présente, la folie maniaco-dépressive<br />
est un continuum avec des tempéraments.<br />
Au début du XX ème siècle, avec<br />
Deny et Camus, la folie maniacodépressive<br />
devient psychose maniacodépressive.<br />
Kleist en 1953 parlera de<br />
psychose bipolaire. Cela psychiatrise<br />
fortement la bipolarité, et la seule continuité<br />
retenue est alors celle avec la<br />
schizophrénie. Aujourd’hui, avec les<br />
divers types et sous-types, cette continuité<br />
maniaco-dépression/normalité<br />
est à nouveau sur le devant de la scène.<br />
Si l’on accepte cette idée, nous n’avons<br />
plus vraiment affaire à une maladie<br />
mais à une potentialité qui peut mal<br />
tourner et devenir maladie mentale.<br />
Ce serait une forme de folie qui aurait<br />
des soubassements dans la normalité.<br />
Jean-Paul Chabannes : Est-ce à dire que<br />
nous serions dans un registre et que<br />
nous pourrions alors passer, grâce à<br />
l’apparition d’un champ symptomatique,<br />
de la norme vers la psychose ?<br />
Jean-Michel Azorin : C’est un peu ça,<br />
d’ailleurs Kraepelin, dans son dernier<br />
article en 1920, emploie le terme de<br />
« registre » en le situant sur le même<br />
plan que l’hystérie ou la paranoïa. Ce<br />
serait des modalités de réactions de<br />
l’être humain et elles pourraient s’autonomiser<br />
chez certains d’où l’idée<br />
<br />
LIVRES<br />
TABLE RONDE ■ 5<br />
Psychothérapies cognitives<br />
des troubles de la<br />
personnalité<br />
Jean Cottraux et Ivy Marie<br />
Blackburn<br />
Masson<br />
Il s’agit de la seconde édition revue<br />
et corrigée de cet ouvrage. Le trouble<br />
de la personnalité, dans une perspective<br />
historicoclinique, devient une<br />
« nouvelle frontière du vingt et unième<br />
siècle ». Afin de définir de façon précise<br />
la notion de personnalité, les auteurs<br />
ont choisi d’en développer plusieurs<br />
aspects. Ils citent les différents<br />
modèles des troubles de la personnalité<br />
: dimensionnels, catégoriels et<br />
structuraux.<br />
Ils reprennent, ensuite, en détails les<br />
théories cognitives axées sur la notion<br />
de schémas proposées par Beck,<br />
Linehan et Young.<br />
Un inventaire des outils permettant<br />
l’évaluation des troubles est également<br />
présenté.<br />
La partie sur la pratique des thérapies<br />
cognitives et les études concernant<br />
la validité de leurs résultats a<br />
été développée. Diverses méthodes :<br />
spécifiques, affectives, cognitives, interpersonnelles<br />
sont exposées.<br />
Des descriptions précises d’études de<br />
cas cliniques ont aussi été ajoutées.<br />
On trouve des illustrations de thérapies<br />
pour chaque groupe de personnalité<br />
selon le DSM IV : excentriques<br />
et bizarres, dramatiques, émotionnelles<br />
et désorganisées, anxieuses et<br />
peureuses.<br />
Le dernier chapitre est nouveau et<br />
récapitule les bases générales de la<br />
thérapie cognitive et comportementale.<br />
L’auteur y détaille la supervision<br />
dispensée aux thérapeutes en formation<br />
à Lyon.<br />
Cet ouvrage didactique constitue un<br />
outil et une aide très complets pour<br />
les professionnels face au pessimisme<br />
que peut susciter le diagnostic de<br />
trouble de la personnalité.<br />
A. Cossin<br />
« Psy » des catastrophes<br />
Dix années auprès des victimes<br />
Préface du Pr Louis Crocq<br />
Christian Navarre<br />
Imago<br />
A partir de nombreux exemples, le<br />
docteur Christian Navarre relate l’histoire<br />
des cellules d’urgence médicopsychologique<br />
dont il a été l’un des<br />
pionniers. Il analyse les différents<br />
troubles pathologiques et décrit les<br />
recours thérapeutiques proposés aux<br />
victimes. Il nous offre ainsi, à travers<br />
son expérience et son parcours, un<br />
témoignage sur la vocation et la passion<br />
de l’aide humanitaire.<br />
L’affirmation de soi par le<br />
jeu de rôle<br />
En thérapie comportementale et<br />
cognitive<br />
Sous la direction de Anne-Marie<br />
Cariou-Rognant, Anne-Françoise<br />
Chaperon, Nicolas Duchesne,<br />
Stéphane Rusinek<br />
Dunod, 22 €<br />
Le jeu de rôle vise à améliorer la communication,<br />
l’aisance sociale, la découverte<br />
de soi. Son animation thérapeutique<br />
ou pédagogique est<br />
complexe et nécessite d’en maîtriser<br />
la méthodologie.<br />
Ce guide propose un panel d’outils<br />
validés immédiatement utilisables et<br />
opérationnels. Ils permettent de monter<br />
des groupes d’affirmation de soi<br />
et d’aider individuellement des personnes<br />
à maîtriser leurs difficultés à<br />
communiquer.
6<br />
LIVRES<br />
■ TABLE RONDE<br />
Espace de réflexion, espace<br />
d’action en santé mentale<br />
au travail<br />
Enquêtes en psychodynamique<br />
du travail au Québec<br />
Institut de psychodynamique du<br />
travail au Québec<br />
Les Presses de l’Université de Laval<br />
Cet ouvrage fait état des travaux réalisés<br />
par les membres de l’Institut de<br />
psychodynamique du travail du Québec,<br />
des chercheurs issus de différentes<br />
disciplines qui partagent une<br />
compréhension commune du lien<br />
entre le travail et la santé mentale.<br />
En mettant l’accent sur les processus<br />
psychiques mobilisés par le travail,<br />
les enquêtes présentées apportent<br />
un éclairage particulièrement intéressant<br />
sur l’organisation collective<br />
des métiers et les mécanismes que<br />
les personnes développent pour faire<br />
face aux nouvelles exigences d’un<br />
travail en profonde mutation. En ouvrant<br />
davantage d’espace à la subjectivité,<br />
d’espace à la réflexion, ces<br />
enquêtes offrent des leviers pour l’action<br />
vers une transformation du travail<br />
et de son organisation.<br />
Le livre se termine par les propos de<br />
Christophe Dejours portant sur la<br />
question de l’action qui apparaît dans<br />
toute clinique et dans toute recherche<br />
en santé mentale au travail. Dans un<br />
monde où tout porte l’individu au<br />
passage rapide en mode de résolution<br />
de problèmes, les chercheurs en<br />
psychodynamique du travail n’échappent<br />
pas aux pressions qui viennent<br />
des milieux de travail, de la communauté<br />
des chercheurs, des organismes<br />
subventionnaires et, finalement, de<br />
leurs propres désirs de contribuer à<br />
changer ces espaces qui leur semblent<br />
trop souvent attaquer la santé<br />
mentale au travail.<br />
Psychosociologie et<br />
intervention<br />
Jean Dubost<br />
Avant-propos de Dominique<br />
Fablet<br />
L’Harmattan, 15 €<br />
Fréquent dans le langage courant, le<br />
vocable intervention - ainsi que des<br />
termes voisins : consultation, recherche-action<br />
- sert à désigner dans<br />
une acception plus technique un type<br />
d’activités proche mais distinct de la<br />
formation, des études ou d’autres<br />
formes encore d’expertise. En fonction<br />
des systèmes de références théoriques<br />
privilégiés et/ou des démarches<br />
préconisées, on distingue plusieurs<br />
types d’intervention : stratégique institutionnelle,<br />
socioanalytique, sociopédagogique,<br />
sociopsychanalytique...<br />
Cet ouvrage rassemble plusieurs textes<br />
qui traitent de l’intervention psychosociologique.<br />
Après des « remarques<br />
sur l’origine et l’évolution d’une pratique<br />
d’intervention psychosociologique<br />
» un second texte est consacré<br />
à des interventions en milieu ouvert.<br />
Le troisième présente un essai de clarification<br />
théorique des pratiques qui<br />
a d’abord été nourri par le travail en<br />
milieu ouvert avant de l’être par le<br />
retour à des activités de formation et<br />
d’intervention dans les organisations.<br />
Le quatrième texte complète le précédent<br />
en réfléchissant aux sources<br />
techniques où puisent intervenants<br />
et formateurs et aux relations qu’ils<br />
entretiennent avec les notions de méthode,<br />
de technique, de technologie<br />
ou d’ingénierie. Enfin, celui qui clôt<br />
ce recueil réfléchit aux rapports et<br />
disjonctions entre la sphère universitaire<br />
(recherche et enseignement)<br />
et la sphère professionnelle (études,<br />
formation, consultation, intervention),<br />
sur leurs apports respectifs à la discipline<br />
en tant que science sociale<br />
spécifique.<br />
<br />
d’un diagnostic dimensionnel. Cela<br />
répondrait assez efficacement au problème<br />
des personnalités. Par exemple,<br />
une note bipolaire chez un schizoïde<br />
n’aurait rien à voir avec une tendance<br />
bipolaire sur une personnalité mieux<br />
structurée.<br />
Jean-Paul Chabannes : Du coup, le<br />
trouble bipolaire type 1 serait une<br />
extrémité du registre.<br />
Jean-Michel Azorin : Oui, et c’est une<br />
autre manière de voir le problème.<br />
Cela a une consistance historique et,<br />
du coup, le terme psychose devient<br />
un lapsus de l’histoire.<br />
Jean-Paul Chabannes : Et pourtant les<br />
auteurs justifient assez bien leur définition<br />
de psychose en cela que, pendant<br />
l’accès, le patient est vraiment projeté<br />
dans un monde en rupture avec le<br />
réel.<br />
Jean-Michel Azorin : Certes, mais il s’agit<br />
d’une acception peu spécifique du<br />
terme psychose. En tout cas, nous<br />
sommes loin de la conception actuelle<br />
qui se limite à une présence de « délire<br />
» ou « hallucinations ».<br />
Frédéric Rouillon : En remontant l’histoire<br />
jusqu’à Kraepelin et au-delà, le<br />
lien dépression/manie ne laisse pas de<br />
place à l’unipolarité.<br />
Jean-Michel Azorin : Oui, mais dans la<br />
PMD, il y a, outre les bipolaires d’aujourd’hui,<br />
toutes les dépressions.<br />
Frédéric Rouillon : Si on résume, c’est<br />
Kraepelin qui conceptualise les troubles<br />
de l’humeur, Falret, Baillarger et<br />
consorts apportent leur contribution et<br />
un siècle plus tard (vers 1950), Angst,<br />
Perry puis Akiskal affirment que bipolaire<br />
et unipolaire, ce n’est pas forcément<br />
le même registre. Dans le DSM,<br />
nous retrouvons cette tendance : les<br />
troubles bipolaires et les dépressions<br />
récidivantes (dysthymie, états dépressifs<br />
majeurs récurrents, états dépressifs<br />
récurrents brefs). Il n’en reste pas moins<br />
que, dans la pratique, chez les dépressifs<br />
récidivants, nous avons toujours<br />
l’inquiétude d’un trouble bipolaire non<br />
encore révélé. Ceci a des conséquences<br />
en matière de traitement pharmacologique,<br />
c’est d’ailleurs un des moteurs<br />
de l’apparition des antipsychotiques<br />
dans le trouble bipolaire.<br />
Qui aujourd’hui a raison, des détenteurs<br />
de l’approche Kraepelinienne ou<br />
des disciples de Angst ? Les troubles<br />
de l’humeur forment-ils une entité ou<br />
doit-on considérer deux pools : les<br />
troubles bipolaires et les dépressions<br />
unipolaires.<br />
Reste la question subsidiaire des<br />
troubles de la personnalité dans certains<br />
cas de dépression, troubles de la<br />
personnalité à mon sens de plus en<br />
plus courants.<br />
Philippe Carrière : Il reste que, même si<br />
le terme psychose a été mis à toutes les<br />
sauces, nous voyons aujourd’hui réapparaître<br />
des rapprochements entre psychoses<br />
(schizophrénie en tête) et<br />
troubles bipolaires, ne serait-ce que<br />
dans la recherche génétique.<br />
Jean-Michel Azorin : Question intéressante<br />
mais dans la psychose maniacodépressive,<br />
le terme psychose est uniquement<br />
descriptif. Historiquement, il<br />
veut dire « qui atteint l’ensemble de la<br />
personnalité » sans en préciser la cause.<br />
En revanche, le sens moderne, qui provient<br />
des études américaines réalisées<br />
dans les années 1970, doit sa validité,<br />
au fait notamment que des symptômes<br />
dits de 1 er rang de la schizophrénie :<br />
hallucinations, délires, syndrome d’influence<br />
peuvent se retrouver dans les<br />
troubles bipolaires. Ultérieurement, il<br />
a été décrit la présence possible de ces<br />
symptômes dans d’autres pathologies<br />
(certains troubles anxieux), si bien que<br />
le terme psychose est devenu une<br />
dimension et non une spécificité liée à<br />
une maladie. Ceci permet de poser<br />
aujourd’hui qu’il existe des troubles<br />
bipolaires avec signes psychotiques,<br />
mais aussi des apparentés de 1er degré<br />
avec une certaine propension à faire<br />
des délires, indépendante de la présence<br />
de la bipolarité. L’idée moderne<br />
de psychose serait : « propension à<br />
délirer, à halluciner face à un stress ».<br />
Si cette dimension « psychotique » est<br />
indépendante du trouble, il est possible<br />
d’admettre que d’autres dimensions<br />
telles que les troubles de personnalité<br />
puissent venir marquer de leur<br />
empreinte le trouble affectif. Ainsi, à<br />
la limite un sujet qui aurait une personnalité<br />
très forte pourrait parvenir à<br />
endiguer la propension bipolaire. On en<br />
revient donc à l’idée de spectre ou de<br />
registre découlant du continuum normalité/bipolarité.<br />
Béatrice Beaufils : J’ai une interrogation<br />
ou plutôt une remarque. Je suis réservée<br />
sur ce thème du continuum. Etre<br />
médecin implique que l’on s’occupe<br />
de malades. Je pense que l’hyperthymique,<br />
qui n’a pas eu d’épisode clairement<br />
pathologique, n’entre pas dans<br />
le champ de la médecine.<br />
Le trouble bipolaire, s’il débute à l’adolescence<br />
ou chez le jeune adulte, s’accompagne<br />
très souvent de caractéristiques<br />
psychotiques (hallucinations<br />
notamment) ; l’erreur de diagnostic, au<br />
profit du trouble schizophrénique est<br />
courante justement parce que les symptômes<br />
psychotiques sont au premier<br />
plan. Pourtant, ces patients ont un<br />
trouble bipolaire et ne reçoivent alors<br />
pas le traitement idoine.<br />
Philippe Carrière : Je ne suis pas certain<br />
que ton point de vue soit en opposition<br />
avec celui de Jean-Michel Azorin.<br />
Vous êtes seulement sur deux terrains<br />
différents : l’histoire et l’épistémologie<br />
pour Jean-Michel Azorin, la pratique<br />
clinique pour toi.<br />
Béatrice Beaufils : Oui, oui, mais moi je<br />
me démarque assez nettement de l’idée<br />
de spectre.<br />
Frédéric Rouillon : Il est possible d’admettre<br />
qu’un phénomène peut être<br />
dimensionnel et l’intervention médicale<br />
se faire à partir d’un seuil, c’est le<br />
modèle de l’HTA. Je vais d’ailleurs être<br />
à la fois d’accord avec toi et avec Jean-<br />
Michel Azorin. Je remets en cause l’idée<br />
de pathologies mentales caractérisées et<br />
je suis plus pour la notion d’enchevêtrement<br />
de dimensions variées et multiples,<br />
dépassant un seuil qui les rendrait<br />
pathologiques. Ainsi, Béatrice, tu<br />
pourrais convenir qu’il existe des schizotypies,<br />
des schizoïdies, des schizophrénies,<br />
des schizophrénies gravissimes<br />
et de l’autre côté des hyperthymiques,<br />
des cyclothymiques, des<br />
maniaques type I, type II.<br />
Béatrice Beaufils : Oui, mais hélas ça<br />
ne m’aide pas vraiment à conceptualiser.<br />
Frédéric Rouillon : Pour moi, c’est l’inverse,<br />
les dimensions m’aident à<br />
conceptualiser et également à chercher.<br />
D’ailleurs en génétique, nous nous<br />
orientons vers les endophénotypes<br />
(dimensions transmissibles). Au fond,<br />
une catégorie ne serait qu’un patchwork<br />
de dimensions.<br />
Jean-Michel Azorin : La pratique clinique<br />
nous éclaire un peu dans ce<br />
domaine car les patients n’adhèrent<br />
pas à notre discours trop attaché à des<br />
catégories et à des modèles fermés.<br />
Béatrice Beaufils : Là, je vous rejoins<br />
car la validité de nos cadres nosographiques<br />
doit nous inspirer beaucoup<br />
d’humilité. Par contre, nous avons<br />
besoin de repères, pour moi il est<br />
nécessaire que les gens soient clairement<br />
dans le champ de la maladie.<br />
Permettez-moi un aparté concernant<br />
un intérêt personnel, celui de la peinture.<br />
Etonnamment de 1530 à 1620,<br />
de très nombreux peintres souffrent<br />
de mélancolie et leur histoire se termine<br />
souvent par un suicide ou dans le<br />
retrait. C’est la seule fois dans l’histoire<br />
que l’on retrouve ce phénomène de<br />
manière aussi massive. Ne serait-ce pas<br />
lié au contexte culturel : la Réforme, le<br />
sac de Rome, la contestation massive<br />
de la religion catholique.<br />
Philippe Carrière : Cela amène à un<br />
élargissement du débat. La Réforme<br />
c’est quoi ? C’est le fait que l’homme,<br />
même sans l’Eglise, peut avoir un rapport<br />
direct avec Dieu, qu’il doit « faire<br />
avec » sa culpabilité, mais aussi qu’il<br />
peut se sauver par ses actes.<br />
Béatrice Beaufils : C’est vrai pour les<br />
catholiques mais les protestants croient<br />
au salut par la grâce et à la prédestination<br />
; la culpabilité n’est pas forcément<br />
présente pas plus que la certitude<br />
de solutions aux douleurs humaines.<br />
Jean-Michel Azorin : Mis à part cet<br />
aspect, le lien créativité/bipolarité est<br />
un fait.<br />
Jean-Paul Chabannes : Les épidémiologies<br />
faites par M. Asberg et H. Akiskal<br />
montrent 27 à 32% de troubles<br />
bipolaires chez les artistes, chiffre très<br />
au-dessus de ceux retrouvés en population<br />
générale.<br />
Philippe Carrière : Cela va permettre<br />
une transition intéressante. Quand tu te<br />
poses en clinicienne, quels seraient les<br />
outils dont tu aurais besoin ? Et pour<br />
quels types de prises en charge : hôpital,<br />
psycho-éducation, groupes de parole...<br />
?<br />
Béatrice Beaufils : Je dirais que le trouble<br />
bipolaire me pose peu de problèmes<br />
dans l’exercice quotidien. Les choses<br />
paraissent assez codifiées et finalement<br />
assez simples dans 90 % des cas. Ce<br />
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
qui m’ennuie plus, c’est ce diagnostic de<br />
schizophrénie posé indûment dès qu’il<br />
y a des hallucinations.<br />
Philippe Carrière : Comment incluraistu<br />
les bouffées délirantes aiguës ?<br />
Béatrice Beaufils : Certaines ne sont<br />
pas une entrée dans la schizophrénie<br />
mais un véritable accès maniaque et<br />
pourtant beaucoup de nos collègues<br />
vont vers la schizophrénie, à mon sens,<br />
à tort et trop rapidement.<br />
Philippe Carrière : Dans ce cas, tu serais<br />
contre la prescription d’antipsychotiques<br />
?<br />
Béatrice Beaufils : Pas toujours, mais<br />
par contre je favorise le thymorégulateur.<br />
L’antipsychotique devient, éventuellement,<br />
un complément pour un<br />
temps. Les benzodiazépines ont aussi<br />
une place en cas d’agitation.<br />
Philippe Carrière : Chez un jeune de<br />
17 ans, en état de BDA, tu évoquerais<br />
le lithium ?<br />
Béatrice Beaufils : Peut-être, le valproate,<br />
la carbamazépine ou ses dérivés en<br />
première intention.<br />
Frédéric Rouillon : Le lithium rentre de<br />
plus en plus dans les tiroirs. 10% des<br />
troubles bipolaires seulement en reçoivent.<br />
Mais uniquement 1/5 ème de la<br />
cible (tous les troubles bipolaires) est<br />
traité par thymorégulateur. Et pourtant,<br />
le lithium a quand même largement<br />
fait ses preuves.<br />
Jean-Paul Chabannes : Et en libéral,<br />
comment se passent les choses ?<br />
Michel Dubec : Les patients sous lithium<br />
qui vont bien ne sont suivis par nous<br />
que pour la surveillance.<br />
Frédéric Rouillon : Restent quelques<br />
contre-exemples. Je pense à ce patient<br />
1ère Journée Nationale des Equipes Mobiles<br />
Spécialisées en Psychiatrie<br />
le 16 mars 2007<br />
organisée par le Service d’Appui<br />
« Santé Mentale et Exclusion Sociale » (SMES) et<br />
le Centre Hospitalier Sainte-Anne sur le thème<br />
Echanges de pratiques<br />
Les Equipes Mobiles Spécialisées en Psychiatrie ont été créées pour répondre<br />
aux besoins des personnes les plus démunies et présentant une souffrance<br />
psychique on une pathologie mentale. Qu’elles soient récentes ou plus anciennes<br />
toutes font émerger une pratique issue de celle des secteurs psychiatriques,<br />
de structures associatives, caritatives ou pas, ou encore d’organisations<br />
humanitaires.<br />
Le recul de ces années d’expérimentations quotidiennes sur le terrain et<br />
d’avancées, le plus souvent sur un mode empirique, permet aujourd’hui de<br />
pouvoir échanger ces expériences, espoirs, déceptions, limites et contraintes.<br />
La circulaire du 23 novembre 2005 « relative à la prise en charge des besoins<br />
en santé mentale des personnes en situation de précarité et d’exclusion et à la<br />
mise en œuvre d’équipes mobiles spécialisées en psychiatrie » précise maintenant<br />
les publics visés, les missions et les principes d’action ainsi que la palette<br />
d’actions mises en œuvre ou à mettre en œuvre par les équipes. En ce qui<br />
concerne ces dernières, les actions doivent être dirigées :<br />
- en direction des personnes en situation de précarité et d’exclusion (permanences,<br />
entretiens individuels, accueils, orientations et accompagnements,<br />
groupe d’échange, ateliers thérapeutiques)<br />
- en direction des acteurs de première ligne (actions de formation et de reconnaissance<br />
et d’échanges de pratiques et de savoirs, développement du<br />
travail en réseau à partir de situation cliniques, soutien des équipes par informations,<br />
conseils, supervisions) ;<br />
- en direction d’un réseau formalisé de partenaires, dans une fonction d’interface,<br />
au sein de l’établissement de rattachement de l’équipe ( accord préalable<br />
de tous sur les modalités d’intervention, projet d’établissement, protocole,<br />
règlement intérieur,...) mais également formalisation de partenariats à<br />
J’extérieur de l’établissement (SAU, PASS,...) voire création de réseaux de<br />
santé.<br />
Cette « 1ère Journée Nationale des Equipes Mobiles Spécialisées en Psychiatrie »<br />
s’inscrit dans cet échange de pratiques et de savoirs. Posters, communications<br />
en ateliers, toutes formes d’échanges et de supports seront bienvenus afin<br />
que l’on apprenne tous des avancées des uns et des autres : limites, pièges,<br />
pierres d’achoppement ou axes de développement,...<br />
Inscriptions par e-mail à : smes@ch-sainte-anne.fr ou par courrier à : Service SMES, Centre<br />
Hospitalier Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75674 Paris Cedex 14.
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
qui va parfaitement bien, il est sous<br />
lithium depuis 15 ans et décide d’arrêter.<br />
Après quelques réticences, on<br />
accepte et finalement on découvre<br />
quelque temps après une manie furieuse.<br />
Michel Dubec : On cède parfois sous la<br />
pression et j’évoquerais en particulier la<br />
volonté de grossesse.<br />
Philippe Carrière : Si on revient à la<br />
prise en charge hospitalière et aux<br />
comorbidités, au-delà des troubles de la<br />
personnalité, que peut-on dire des<br />
addictions ?<br />
Béatrice Beaufils : C’est aussi pour moi<br />
un problème. Comment conceptualiser<br />
tous ces troubles comportementaux :<br />
crises clastiques, états d’agitation que<br />
l’on pourrait considérer comme des<br />
états maniaques mais qui sont souvent<br />
secondaires à une prise d’alcool ou de<br />
toxiques ? Faut-il les retenir comme<br />
bipolaires ? Je ne pense pas car leur<br />
suivi me semble plus complexe, je les<br />
vois plutôt comme des troubles de la<br />
personnalité type état limite alors que<br />
quelques collègues « modernes » évoquent<br />
un trouble bipolaire de type III.<br />
Vraiment comment conceptualisezvous<br />
ces cas ?<br />
Jean-Paul Chabannes : Le bipolaire de<br />
1970 et celui de 2007, avez-vous l’impression<br />
qu’il s’agit des mêmes ?<br />
Frédéric Rouillon : Mais est-ce que ce<br />
sont les malades qui ont changé ou<br />
est-ce que ce sont nos conceptions qui<br />
ont amené à faire du trouble bipolaire<br />
un fourre-tout un peu trop large ?<br />
Béatrice Beaufils : Tous ces patients que<br />
j’évoquais me font poser la question<br />
suivante : comment les soigne-t-on ?<br />
Que met-on en place d’un peu novateur<br />
et efficace ? Le bipolaire type I ça<br />
va, c’est simple, mais tous ces cas moins<br />
typiques qui se rapprochent plus des<br />
troubles de la personnalité ?<br />
Jean-Paul Chabannes : Question à<br />
Michel Dubec : vois-tu ces cas en cabinet<br />
? Et quelle en est leur gestion ?<br />
Michel Dubec : En cabinet, nous voyons<br />
des « psychopathes socialisés » avec qui<br />
il est possible de négocier et si un traitement<br />
les soulage, ils adhèrent. Les<br />
psychopathes vrais sont plus pour l’hôpital<br />
ou la prison. Ils ressemblent plus à<br />
des desperados aux perspectives de vie<br />
nihiliste. Les nôtres, souvent cadres,<br />
parfois ambitieux, adhèrent à un traitement<br />
qui les régule car ils en tirent<br />
avantages.<br />
Béatrice Beaufils : Et si on abordait un<br />
concept un peu nouveau, mais à mon<br />
sens pertinent dans ces cas : l’hyperactivité.<br />
Jean-Paul Chabannes : J’ai lu l’ouvrage<br />
de François Bange, c’est très intéressant.<br />
Si cela ne correspond pas encore<br />
à grand-chose dans ma pratique clinique,<br />
je suis quand même confronté à<br />
cette réalité dans une collaboration<br />
avec un confrère libéral qui s’y intéresse<br />
et les patients que nous voyons en<br />
commun sont vraiment bien décrits<br />
dans le livre de François Bange.<br />
Béatrice Beaufils : Comment tu les<br />
décrirais ?<br />
Jean-Paul Chabannes : Ceux que j’ai<br />
vus sont cadres, assez haut placés, ils<br />
décrivent des passages d’instabilité,<br />
d’énervement, de difficultés à se<br />
concentrer et pourtant ils font mille<br />
choses. Leur socialisation reste correcte<br />
mais ils ont des problèmes pour garder<br />
des copains, une compagne. L’un<br />
d’eux m’a dit « quand je me regarde, je<br />
ne me supporte pas ». J’aurais pu les<br />
prendre pour des hypomanes, mon<br />
confrère me propose de les voir<br />
comme hyperactifs et de les traiter<br />
comme tels et oh ! surprise, ça marche.<br />
Béatrice Beaufils : Moi j’en vois d’un<br />
autre type : à la limite du retard mental,<br />
déchaînés et rejetés depuis leur plus<br />
jeune âge, boucs émissaires depuis toujours.<br />
Leurs familles n’en veulent plus.<br />
Leur insertion est impossible. Le traitement<br />
spécifique peut être miraculeux.<br />
Frédéric Rouillon : Je ne vois pas ceci<br />
comme un trouble caractérisé. Ne<br />
serait-ce pas une mode ? Ceux que j’ai<br />
pu approcher m’ont plus donné l’impression<br />
d’une caractéristique de fonctionnement<br />
cognitif avec déficit de l’attention<br />
leur donnant une modalité de<br />
zapping particulière. Si c’est une maladie,<br />
il faudrait m’expliquer pourquoi<br />
elle est arrivée en 2000 et pourquoi<br />
elle serait absente de l’histoire de la<br />
médecine. De plus, tous ceux qui font<br />
du THADA n’ont pas la même<br />
approche clinique.<br />
Jean-Paul Chabannes : Ce dont je peux<br />
témoigner c’est de la révolution qu’ils<br />
décrivent après un an de traitement<br />
spécifique mais cela ne concerne pour<br />
moi que 5 ou 6 personnes.<br />
Frédéric Rouillon : Je vais te proposer<br />
une métaphore : « un individu ne peut<br />
pas grimper le Ventoux à bicyclette, tu le<br />
charges en EPO et il grimpe ». Ceci ne<br />
signifie pas que le fait de ne pouvoir<br />
monter est une maladie.<br />
Jean-Paul Chabannes : Mon idée était<br />
plus simple et se limitait au plan pharmacologique<br />
sur des cas déjà très épurés<br />
en amont.<br />
Frédéric Rouillon : Oui, mais la validation<br />
par la pharmacologie ne me paraît<br />
pas concevable ni convenable.<br />
Béatrice Beaufils : Cette efficacité thérapeutique<br />
ne nous pousse-t-elle pas à<br />
réfléchir un peu plus avant au problème<br />
?<br />
Frédéric Rouillon : Je ne souscris pas à<br />
l’analyseur nosographique que serait<br />
le médicament, même si l’intervention<br />
médicamenteuse n’est pas sans intérêt.<br />
En tout cas, si le THADA est aussi fréquent<br />
(4% selon les américains), alors<br />
qu’il n’existait pas il y a 20 ans, c’est<br />
que nous sommes devant une épidémie<br />
et nous pouvons affirmer que la<br />
société a vraiment fait quelque chose<br />
pour que cela se développe.<br />
Philippe Carrière : Je vais encore essayer<br />
une transition mais cette fois-ci vers<br />
l’aspect médico-légal. Il n’y a pas si longtemps,<br />
dans un Congrès des SMPR,<br />
on a pu entendre qu’il n’y avait pas de<br />
maniaco-dépressifs en prison. En fait,<br />
si on fait des enquêtes (voir Falissard et<br />
Rouillon), il y a des bipolaires en prison.<br />
Est-ce dû aux nouvelles limites du<br />
concept ? Il y a quelques années,<br />
Suzanne Mc Elroy décrivait la cleptomanie<br />
comme étant dans 30% des cas<br />
liée à un trouble bipolaire. Ceci est vrai<br />
pour bien d’autres troubles du comportement.<br />
Mais la bipolarité n’est pas<br />
vue d’emblée et se révèle en prison.<br />
Michel Dubec : La grande mode du<br />
jour c’est de dénoncer la présence de<br />
malades mentaux en prison. Je vais<br />
vous surprendre mais la grande nouvelle<br />
c’est qu’il n’y aurait pas de troubles<br />
bipolaires en prison. Dans un numéro<br />
récent de l’Information Psychiatrique,<br />
un article de référence, fait par d’éminents<br />
confrères, donne des recommandations<br />
cliniques en psychiatrie<br />
médico-légale. Il faudrait faire très attention<br />
pour ne rien occulter et pourtant<br />
le trouble bipolaire n’est jamais évoqué.<br />
C’est extraordinaire. Peut-être que<br />
le trouble bipolaire est la maladie de<br />
l’homme normal sauf pendant les accès.<br />
Si je schématisais dans le champ médico-légal,<br />
je dirais que l’échelle de référence<br />
n’est plus le crime mais la dan-<br />
gerosité. Dans ce cadre, il y a des psychopathes<br />
qui vont crescendo de l’impolitesse<br />
au pire. Or, l’instabilité, l’impulsivité,<br />
l’incapacité à freiner son désir<br />
sont communs au psychopathe et à<br />
l’hypomane. Mais si un psychopathe<br />
était hypomane, cela majorerait sa dangerosité.<br />
A l’autre bout, il y a ceux qui<br />
commettent des crimes atroces mais<br />
qui ne sont pas dangereux. C’est celui<br />
qui, après avoir tué sa femme, ses<br />
enfants, monte à l’étage tuer ses parents<br />
et au passage tue le chien. C’est le cas<br />
des mélancoliques d’ailleurs ils tentent<br />
souvent de se suicider. Certaines affaires<br />
célèbres ont laissé dans ce domaine<br />
des débats judiciaires et sociaux très<br />
contrastés. Même les experts ont de la<br />
peine à déresponsabiliser une mère<br />
mélancolique qui a tué ses enfants.<br />
En prison, les troubles bipolaires ne<br />
sont pas trop difficiles à gérer. Les dissociés,<br />
eux, sont ingérables car pour le<br />
surveillant ils n’ont pas un contact<br />
logique et la relation de force ne<br />
marche pas. D’ailleurs, on les retrouve<br />
souvent au mitard, coupés des<br />
autres, dans un espace de 5 m 2 comme<br />
à l’isolement. Il y en a même un qui est<br />
mort de faim il y a quelques années.<br />
Chez les bipolaires, la relation de force<br />
marche sauf pour les grandes manies.<br />
Se pose également le problème de l’article<br />
D398. Les services d’accueil voient<br />
toujours venir d’un meilleur œil un<br />
mélancolique ou un maniaque qui<br />
repartira en prison dans 15 jours ou 3<br />
semaines qu’un schizophrène, surtout<br />
s’il a décapité un surveillant…<br />
Pour ce qui est du traitement, il est<br />
plus aisé en prison avec les bipolaires,<br />
qui acceptent de se soigner, qu’avec<br />
les schizophrènes.<br />
En prison, par ailleurs, la dépression<br />
est quasi normale et tout le monde fait<br />
quotidiennement avec. Ce qui est plus<br />
difficile, ce sont les comorbidités<br />
troubles bipolaires et troubles de la personnalité.<br />
Il arrive qu’on ne voit plus<br />
que le côté psychopathique et qu’on<br />
oublie la bipolarité. Ainsi, le sujet est<br />
moins considéré comme un malade et<br />
plus comme un gêneur sociopathe.<br />
Autre phénomène qui relève de l’exercice<br />
expertal : la difficulté à retrouver,<br />
à ressentir, à décrire ce qui s’est passé<br />
dans le moment aigu d’un trouble bipolaire,<br />
alors que chez le schizophrène<br />
l’atmosphère de discordance est toujours<br />
présente. La surexcitation, par<br />
exemple, est fréquente dans les crimes<br />
passionnels : « je lui ai donné 3 coups de<br />
couteau » , en fait, il y a 40 impacts.<br />
Cette obnubilation est-elle secondaire<br />
à l’acte ou est-elle le moteur de l’acte ?<br />
Et pourtant, c’est souvent le sujet luimême<br />
qui a appelé la police.<br />
Toujours dans ce registre des troubles<br />
de l’humeur, je vois parfois des dépressions<br />
profondes mais liées à des phénomènes<br />
exogènes. Pour exemple, le<br />
sujet qui voit sa femme partir, le<br />
pavillon à vendre, les enfants résider<br />
ailleurs, en un mot un univers qui<br />
s’écroule et qui plonge le sujet dans<br />
une humeur dépressive grave mais pas<br />
mélancolique. Je pense qu’il faut pouvoir<br />
atténuer sa responsabilité pour les<br />
actes qu’il peut commettre.<br />
J’ai passé sous silence les hypomanes<br />
prodigues que l’on arrive à protéger<br />
par la loi du 3 janvier 1968 même si,<br />
lors du 1er accès, ils perdent une partie<br />
de leur patrimoine. Le psychiatre<br />
peut dans ce cas jouer un rôle capital.<br />
Philippe Carrière : Sauf peut-être dans<br />
les cas de délits où les experts ne sont<br />
pas appelés. On sait qu’il y a plus<br />
d’actes de délinquance chez les bipolaires<br />
: cleptomanie, abus sexuels, etc…<br />
et pourtant, souvent, tout est fait<br />
comme s’il s’agissait de sujets normaux<br />
ce qui fait d’ailleurs « râler » les familles.<br />
Michel Dubec : J’émettrais une réserve<br />
sur les abus sexuels. L’idéal normothymique<br />
est toujours présent chez les<br />
grands pervers. Je n’ai jamais vu un<br />
grand abuseur varier dans son humeur,<br />
il s’équilibre autour de la gêne qu’il<br />
produit à autrui. Ce n’est pas la même<br />
chose que l’hypomane qui met 10 fois<br />
de suite la main aux fesses des femmes<br />
qui l’entourent et se retrouve arrêté.<br />
Hélas, tout est mis dans le même sac<br />
mais nous, psychiatres, nous devons<br />
montrer les nuances.<br />
Jean-Paul Chabannes : Je viendrais poser<br />
une autre question. Celle du devenir en<br />
vieillissant des bipolaires. Il me semble<br />
que nous voyons de plus en plus de<br />
catastrophes évolutives la soixantaine<br />
entamée. Peut-on réintroduire la notion<br />
de démence vésanique ?<br />
Jean-Michel Azorin : Il y a plusieurs<br />
études dans ce domaine, certaines<br />
montrent par exemple que l’élargissement<br />
ventriculaire est proportionnel<br />
au nombre d’accès. Il y a beaucoup<br />
d’arguments pour valider l’impression<br />
de dégradations cognitives.<br />
Frédéric Rouillon : Dégradations préfrontales<br />
et hippocampiques également.<br />
Mais cela vaut aussi pour les schizophrènes.<br />
Michel Dubec : Une impression sensible,<br />
mais je pense qu’avec les traitements,<br />
les évolutions sont globalement<br />
moins catastrophiques que ce que je<br />
voyais il y a 30 ans.<br />
Frédéric Rouillon : Il ne s’agit pas de<br />
savoir si les vieux malades mentaux<br />
sont mieux ou moins bien qu’il y a 30<br />
ans mais de savoir quel est l’impact du<br />
traitement ou de son absence sur l’évolution<br />
d’un malade. L’évolution d’aujourd’hui<br />
est moins mauvaise que celle<br />
d’il y a 30 ans. Mais la population dans<br />
son ensemble vit mieux, plus longtemps.<br />
Les malades mentaux ont<br />
quand même une espérance de vie de<br />
8 à 9 ans inférieure à la population<br />
générale. Ils meurent tous avant nous<br />
(suicide exclu) de maladies somatiques.<br />
Béatrice Beaufils : Ils rentrent aussi plus<br />
tôt en maison de retraite, entre 50 et<br />
60 ans pour certains malades psychiatriques,<br />
pour la population générale<br />
vers 85 ans.<br />
Jean-Michel Azorin : Je pense que, de<br />
surcroît, nous reculons sur l’intégration<br />
et la socialisation des malades mentaux<br />
sévères. La tolérance sociale diminue.<br />
Frédéric Rouillon : Il faut aussi rajouter<br />
là-dessus les nombreux facteurs de<br />
risques : alcool, tabac, toxiques, etc…<br />
Tous influent sur la longévité.<br />
Philippe Carrière : J’aimerais qu’on<br />
revienne un peu sur les nosographies<br />
pour demander à Jean-Michel Azorin<br />
s’il ne voit pas l’ouverture d’un nouveau<br />
chantier si on ne considère pas<br />
le trouble bipolaire comme une maladie<br />
autonome ?<br />
Jean-Michel Azorin : Si la dimension<br />
bipolaire me paraît autonome, elle peut<br />
susciter un certain nombre de symptômes<br />
psychotiques. Mais je crois surtout<br />
qu’il existe des hypomanies brèves<br />
récurrentes, des mélancolies brèves<br />
récurrentes… L’idée d’un temps minimum<br />
comme indexé au DSM ne me<br />
paraît pas justifiée.<br />
Il faut vraiment sensibiliser les gens à la<br />
reconnaissance de cette altération qualitative<br />
qu’est le trouble bipolaire. Par<br />
ailleurs, il faut également les sensibiliser<br />
au fait que cette dimension peut être<br />
comorbide à un trouble de personnalité<br />
et éventuellement indépendant du<br />
trouble bipolaire lui-même. Mais cette<br />
altération bipolaire peut aussi laisser<br />
des séquelles au niveau de la personnalité.<br />
Les formes reconnues aujourd’hui<br />
sont peut-être caricaturales et<br />
insuffisantes.<br />
Jean-Paul Chabannes : Il me semble<br />
qu’il y a là quelque chose auquel nous<br />
pouvons tous adhérer avec une néces-<br />
TABLE RONDE ■ 7<br />
sité de réappréciation clinique des cas<br />
en fonction des circonstances. Nous<br />
reconnaissons un concept : le trouble<br />
bipolaire ; valide certes mais pour<br />
autant loin d’être uniforme.<br />
Jean-Michel Azorin : Reconnaissant<br />
cette dimension, nous pouvons<br />
admettre qu’il existe diverses stratégies<br />
d’adaptation : des obsessionnelles, des<br />
paranoïaques… mais aussi des stratégies<br />
stériles.<br />
Par ailleurs, les structurations de personnalité<br />
vont interagir avec le trouble<br />
bipolaire et ce trouble bipolaire peut<br />
susciter, à terme, une vulnérabilité psychotique.<br />
Béatrice Beaufils : Quel serait l’intérêt<br />
principal de ce type de repérage ?<br />
Jean-Michel Azorin : L’orientation dans<br />
les thérapeutiques.<br />
Philippe Carrière : D’ailleurs, nous<br />
n’avons pas beaucoup parlé de traitements.<br />
Jean-Michel Azorin : Si, nous avons évoqué<br />
les normothymiques mais il faudrait<br />
aussi aborder les antidépresseurs.<br />
Frédéric Rouillon : Je vais venir en soutien<br />
de Jean-Michel Azorin, le trouble<br />
bipolaire est probablement une des<br />
dimensions les plus incontestables de la<br />
psychopathologie et celle-ci peut s’enraciner<br />
dans toutes les pathologies. En<br />
faire une catégorie rendrait le trouble<br />
bipolaire mutuellement exclusif et visiblement<br />
ça ne tiendrait pas vraiment<br />
debout.<br />
Une telle pertinence cadre bien mieux<br />
avec le fait que l’on possède dans cette<br />
dimension les traitements les plus spectaculairement<br />
efficaces, aussi bien pour<br />
les phases aiguës que pour la stabilisation<br />
au long cours.<br />
Philippe Carrière : Pourrait-on dire un<br />
mot de la TMS (stimulation magnétique<br />
transcrânienne) ?<br />
Jean-Paul Chabannes : Sur Grenoble,<br />
avec le Docteur David Szekely du<br />
CHU et en lien avec les spécialistes<br />
français de Ste-Anne, Bordeaux et<br />
Lyon, un travail se fait sur des cas difficiles,<br />
non stabilisables par seul traitement<br />
médicamenteux et quelques<br />
résultats positifs sont à retenir.<br />
Béatrice Beaufils : Ceci m’intéresse car<br />
il y a des patients pour lesquels nous<br />
sommes en difficultés.<br />
Jean-Michel Azorin : Je n’ai pas bien<br />
d’expérience dans ce domaine.<br />
Frédéric Rouillon : J’ai une expérience<br />
mitigée. Pour certains cas, j’ai eu des<br />
résultats spectaculaires, pour d’autres<br />
des échecs retentissants comme s’il<br />
s’agissait d’une loi du tout ou rien.<br />
Jean-Paul Chabannes : Je pense que<br />
nous en sommes encore à affiner et la<br />
technique et les indications.<br />
Philippe Carrière : Nous allons conclure<br />
là en disant que, même si nous<br />
sommes déjà assez efficaces, il reste un<br />
grand champ de développement pour<br />
des traitements novateurs. ■<br />
Jean-Michel Azorin (1),<br />
Béatrice Beaufils-Laffy (2),<br />
Philippe Carrière (3),<br />
Jean-Paul Chabannes (4),<br />
Michel Dubec (5),<br />
Frédéric Rouillon (6).<br />
(1) Psychiatre, CH Sainte-Marguerite, Secteur<br />
13G04, 13274 Marseilles cedex 09<br />
(2) Psychiatre, CH Corentin-Celton, 92133<br />
Issy-les-Moulineaux<br />
(3) Psychiatre, CH Bon Sauveur, 22140 Bégard<br />
(4) Psychiatre, CH, 38521 St-Egrève<br />
(5) Expert-Psychiatre, 75004 Paris<br />
(6) Psychiatre, CH Sainte-Anne, CMME, 75674<br />
Paris
8<br />
LIVRES<br />
■ FMC<br />
Le Livre noir de la garde<br />
alternée<br />
Jacqueline Phélip<br />
Avec la collaboration de<br />
M. Berger, M.-E. Breton, M. Hayat-<br />
Soria, P. Lévy-Soussan,<br />
M.-H. Mathioudakis, H. Rottman,<br />
F. Vauthier-Marin<br />
Préface de Maurice Berger<br />
Dunod, 18 €<br />
La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité<br />
parentale a donné aux juges le<br />
pouvoir d’imposer une résidence alternée,<br />
au nom de « l’intérêt supérieur<br />
de l’enfant ». Cette loi n’a prévu aucun<br />
garde-fou qui pourrait éclairer<br />
leurs décisions. Cet « intérêt supérieur »<br />
constitue une formule théorique qui<br />
désigne essentiellement l’intérêt des<br />
parents. Ces enfants de moins de 6<br />
ans le plus souvent, mais aussi plus<br />
âgés, sont très souvent traités comme<br />
des biens indivis qui relèveraient d’un<br />
droit de propriété. Ils sont donc partagés,<br />
condamnés à mener une double<br />
vie, sans repère fixe affectif ni géographique,<br />
avec des conséquences<br />
sur la construction de leur personnalité.<br />
Malgré les travaux anglo-saxons qui<br />
nous ont précédés dans la voie de la<br />
résidence alternée et en constatent<br />
souvent les méfaits chez nombre d’enfants,<br />
la loi définitive a durci sur certains<br />
points la proposition initiale. Ce<br />
livre, qui s’appuie sur de nombreux<br />
témoignages de parents et sur les<br />
analyses d’avocats, de pédopsychiatres<br />
et de psychanalystes, a pour objet de<br />
provoquer, si possible, une réaction<br />
politique pour modifier le texte de<br />
loi.<br />
Dispositifs cliniques et<br />
changements culturels<br />
Sous la direction de Claude<br />
Wacjman et de Virginie Vaysse<br />
Psychologie Clinique 2006, n°22<br />
L’Harmattan<br />
Le dossier central de ce numéro montre<br />
comment l’approche d’autrui permet<br />
la compréhension de la culture qui<br />
le fait s’exprimer de telle ou de telle<br />
façon, qui nous est lointaine et dont<br />
les avatars heurtent tant le psychologue<br />
que le sujet. Ce travail se centre<br />
aussi bien sur la langue et le langage,<br />
oral, écrit, actuel, ancré temporellement<br />
dans les expressions les plus<br />
anciennes et les plus archaïques du<br />
récit ou du rêve. Ces occurrences sont<br />
portées tant par les cliniciens que par<br />
leurs patients, ainsi que par ceux qui<br />
théorisent à partir de textes une élaboration.<br />
Traité d’hypnothérapie<br />
Fondements, méthodes,<br />
applications<br />
Sous la direction d’Antoine Bioy<br />
et Didier Michaud<br />
Dunod, 42 €<br />
Depuis plusieurs années, l’hypnose<br />
connaît un renouveau dans le champ<br />
de la santé. Il s’explique, par l’intérêt<br />
de ses applications dans le traitement<br />
de la douleur, et par un renouvellement<br />
de ses pratiques qui permet le<br />
développement d’une multiplicité<br />
d’approches thérapeutiques. Cet ouvrage<br />
rassemble un exposé complet<br />
des principales approches l’hypnose<br />
ericksonienne, l’hypno-analyse, le<br />
rêve éveillé en hypnose...; un développement<br />
autour de notions centrales<br />
: hypnose et théorie de l’attachement,<br />
la dimension de la régression<br />
en hypnose, l’approche corporelle...;<br />
les principales indications chez l’adulte<br />
et l’enfant : douleurs , troubles psychosomatiques,<br />
traumatismes, dépression,<br />
anxiété, troubles de comportements<br />
alimentaires, sevrage<br />
tabagique, troubles de la sexualité.<br />
<br />
aussi du fait d’un suivi obstétrical<br />
souvent erratique. Par ailleurs, la prise<br />
de psychotrope peut entraîner une augmentation<br />
du risque pour l’enfant de<br />
malformations in utero et de sevrage à<br />
la naissance. Pour la mère, l’utilisation<br />
de tocolytiques bêta-mimétiques doit<br />
être discutée car elle peut favoriser une<br />
résurgence anxio-délirante.<br />
Au cours de la grossesse, il est important,<br />
afin de prévenir les troubles psychiques<br />
du post-partum, d’être attentif<br />
à tout signe de détresse mais aussi à la<br />
survenue de diagnostic préjudiciable à<br />
l’enfant (malformations…) et d’événements<br />
médicaux graves pouvant affecter<br />
le cours normal de la grossesse. Une<br />
attitude ambivalente de la mère à<br />
l’égard de la grossesse est à noter et à<br />
surveiller.<br />
Après l’accouchement, il est habituel<br />
de considérer comme facteurs de<br />
risque un accouchement dystocique,<br />
une séparation précoce mère–enfant<br />
mais aussi la primiparité, les troubles<br />
de la personnalité, les difficultés relationnelles<br />
entre la future mère et sa<br />
propre mère.<br />
Les patientes présentant un épisode<br />
dépressif modéré décrivent souvent,<br />
dans leurs antécédents, une enfance<br />
empreinte de carences affectives, de<br />
séparations précoces et une grossesse<br />
émaillée d’événements douloureux<br />
(deuils, séparations) ou de conditions<br />
psychologiques difficiles (solitude,<br />
conflits conjugaux, soutien insuffisant<br />
ou inadéquat). Il est donc important<br />
lorsque de tels éléments ont été repérés<br />
au cours de la grossesse, de prévoir<br />
un suivi rapproché de la mère et<br />
de son futur bébé.<br />
Troubles psychiques<br />
pendant la grossesse<br />
Pendant la grossesse, les troubles sont<br />
généralement rares et modérés. En<br />
effet, celle-ci a tendance à atténuer les<br />
symptômes des pathologies psychiatriques<br />
chroniques ainsi que le nombre<br />
d’incidents aigus.<br />
On peut cependant observer au cours<br />
du premier trimestre des manifestations<br />
comportementales mineures,<br />
comme des troubles du caractère avec<br />
irritabilité, dysphorie, une labilité émotionnelle<br />
avec sentiment d’élation intense,<br />
des troubles anxieux isolés, des<br />
troubles du comportement alimentaire<br />
(boulimie principalement), des troubles<br />
du sommeil.<br />
Les troubles anxieux, phobiques ou<br />
obsessionnels sont fréquemment observés,<br />
on note le plus souvent une diminution<br />
des troubles paniques mais une<br />
augmentation de l’agoraphobie. Une<br />
psychothérapie de soutien est habituellement<br />
suffisante. Quant aux TOC,<br />
si la pathologie était importante avant<br />
le début de la grossesse, il est fréquent<br />
qu’elle s’aggrave au cours de celle-ci.<br />
Les troubles hystériques se traduisent<br />
par une asthénie importante, un comportement<br />
infantile avec refus de la<br />
sexualité, des plaintes somatiques et<br />
des vomissements persistant au deuxième<br />
trimestre de la grossesse.<br />
Les syndromes dépressifs sont assez<br />
fréquents (10% des grossesses), transitoires<br />
et d’intensité importante. Parfois,<br />
exacerbations de troubles préexistants,<br />
ils peuvent aussi apparaître au moment<br />
de la grossesse. Ils surviennent préférentiellement<br />
au premier trimestre et<br />
sont plus fréquemment constatés chez<br />
des femmes ayant un environnement<br />
peu aidant. Ils resurgissent parfois lors<br />
des dernières semaines de grossesse.<br />
Au cours du deuxième et début du<br />
troisième trimestre, ils ont tendance à<br />
s’amender. Le tableau est souvent atypique.<br />
On note une dysphorie permanente<br />
avec tristesse, une asthénie, des<br />
plaintes somatiques, une grande<br />
demande d’attention, une ambivalence<br />
au sujet de la grossesse, des inquiétudes<br />
souvent sans fondement au sujet<br />
du devenir de l’enfant à naître. Les<br />
troubles dépressifs modérés nécessitent<br />
parfois un traitement antidépres-<br />
seur. Le choix de la molécule ne fait<br />
pas l’unanimité (clomipramine, en raison<br />
de l’ancienneté de cette molécule<br />
ou fluoxétine, employée dans bon<br />
nombre de cas sans alerte de la pharmacovigilance).<br />
Une hospitalisation en<br />
unité mère-enfant est parfois nécessaire.<br />
Quand l’évolution est mauvaise malgré<br />
le traitement antidépresseur, des<br />
séances d’électroconvulsivothérapie<br />
peuvent se montrer efficaces.<br />
Les états maniaques de novo et les<br />
états mixtes sont exceptionnels et ne<br />
présentent pas de particularités cliniques.<br />
Ils régressent rapidement avec<br />
des séances d’électroconvulsivothérapie.<br />
La prise en charge de patientes présentant<br />
un trouble bipolaire prend en<br />
compte les spécificités de la pathologie<br />
de la patiente c’est-à-dire la réponse<br />
aux traitements, la durée d’évolution<br />
des troubles, le nombre de rechute,<br />
leur intensité… Les traitements thymorégulateurs<br />
ne sont pas d’utilisation<br />
facile durant la grossesse, quant aux<br />
psychotropes et aux anxiolytiques, ils<br />
doivent être manipulés avec précautions.<br />
Quant aux épisodes délirants aigus, ils<br />
sont rares mais apparaissent principalement<br />
au premier trimestre. Ils sont<br />
Etudes psychiatriques<br />
Volume I<br />
Tome I<br />
Historique - Méthodologie - Psychopathologie<br />
générale<br />
Tome II<br />
Aspects séméiologiques<br />
Volume II<br />
Tome III<br />
Structure des psychoses aiguës et déstructuration de<br />
la conscience<br />
Henri Ey<br />
CREHEY<br />
Cercle de Recherche et d’Edition Henri Ey<br />
Prix de souscription : 112 €<br />
Il convient de saluer l’excellente réédition (en deux volumes)<br />
des Études psychiatriques d’Henri Ey initialement publiées en<br />
3 tomes, successivement en 1948, 1950, 1954, qui se situe<br />
dans le prolongement de l’action de l’Association pour la<br />
Fondation Henri Ey (APFHEY) qui a permis, sous l’impulsion<br />
de son secrétaire général et initiateur, Robert Michel Palem,<br />
de son président J. Garrabé et de son vice président J. Chazaud,<br />
le renouveau des études eyiennes, en organisant le<br />
sauvetage et la conservation par Perpignan des archives et<br />
de la bibliothèque qu’Henri Ey avait rassemblées dans sa<br />
maison de Banyuls dels Aspres, son lieu de naissance et de<br />
retraite. Claude-Jacques Blanc avait assumé au sein du collège<br />
d’épistémologie Karl Popper (Asso. France-Copsyrep) les<br />
années où l’œuvre d’Henri Ey fut l’objet d’un oubli.<br />
Le texte présenté est la reprise typographique intégrale du<br />
texte original de la deuxième édition revue et augmentée<br />
publiée chez Desclée de Brouwer dont les trois tomes totalisaient<br />
1630 pages.<br />
Ont été corrigés les quelques éléments typographiques erronés<br />
que comportait l’original, en particulier a été uniformisée<br />
la hiérarchie des titres et intertitres sans compromettre<br />
la pagination de l’original. Dans les marges, des « reports »<br />
strictement conformes au texte original sont ajoutés. Henri<br />
Ey qui était soucieux d’un pragmatisme éditorial, l’avait préconisé<br />
et mis en œuvre pour les éditions successives de son<br />
« Manuel » de psychiatrie.<br />
Ce texte très dense nécessitait un meilleur repérage, sans<br />
répéter pour autant les titres et intertitres du texte original.<br />
Au premier coup d’œil, le lecteur trouve, dans ces « citations<br />
de marge » l’occasion d’une découverte de la richesse du<br />
texte. Ces « citations de marge » ont fait l’objet d’une double<br />
réévaluation critique par les membres du comité de rédaction.<br />
A été également ajouté en marge de la zone titre de<br />
chaque Étude la liste de l’ensemble des études du tome dont<br />
elle fait partie, afin d’avoir facilement en mémoire le plan<br />
général de l’ouvrage. Chaque fois que cela a été possible<br />
sont signalées par des notes de l’éditeur les rééditions actuelles<br />
des ouvrages en référence.<br />
Enfin, la reprise typographique intégrale a permis un index<br />
général des noms propres, qui ne figurait pas dans le texte<br />
original.<br />
De courtes préfaces font le point des connaissances actuelles<br />
cinq fois moins fréquents que dans le<br />
post-partum. Ils n’imposent pas l’interruption<br />
de la grossesse et sont généralement<br />
traités par électroconvulsivothérapie<br />
ou par antipsychotique.<br />
Pour ce qui est des patientes schizophrènes,<br />
on ne note pas particulièrement<br />
d’évolution de leur maladie<br />
durant leur grossesse.<br />
C’est au deuxième trimestre qu’on<br />
observe le plus souvent des accès<br />
mélancoliques, qui sont malgré tout<br />
rares durant la grossesse. La symptomatologie<br />
est essentiellement marquée<br />
par des éléments confusiogènes ou délirants.<br />
Elles peuvent être traitées soit<br />
par antidépresseur, soit par électroconvulsivothérapie.<br />
Le recours à une<br />
unité d’hospitalisation conjointe mèreenfant<br />
est recommandé. Si le délire de<br />
la mère est centré sur l’enfant et qu’il y<br />
a un risque de passage à l’acte hétéroagressif<br />
sur l’enfant, une séparation de<br />
la mère et de son bébé s’impose, tout<br />
en veillant à la maintenir le moins longtemps<br />
possible afin de favoriser le développement<br />
d’une bonne relation mèreenfant.<br />
Au cours du dernier trimestre, à l’approche<br />
du terme, on note l’apparition<br />
d’anxiété concernant l’état de l’enfant,<br />
l’accouchement, une insomnie mais<br />
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
Les troubles psychiques durant<br />
la grossesse et le post-partum<br />
aussi parfois une symptomatologie<br />
confuso-délirante. Les troubles délirants<br />
aigus et transitoires, associant souvent<br />
un délire à une confusion, sont habituellement<br />
un mode d’entrée dans la<br />
schizophrénie.<br />
Les dénis de grossesse ont une incidence<br />
faible (3/1000 grossesses), ils<br />
sont potentiellement associés à d’autres<br />
troubles psychiatriques chez la mère.<br />
Ces grossesses se caractérisent par une<br />
absence de suivi obstétrical, entraînant<br />
ainsi des taux élevés de prématurité,<br />
de mortalité périnatale, de complications<br />
obstétricales diverses. On note<br />
une ambivalence de la mère vis-à-vis<br />
de l’enfant et parfois la constitution<br />
d’un trouble de la relation mère enfant.<br />
Dans la majorité des cas, on n’observe<br />
pas de trouble du développement affectif<br />
de l’enfant après deux ans d’évolution,<br />
et ce à l’exception des enfants de<br />
mères psychotiques.<br />
Troubles du post-partum<br />
Dans les premiers jours suivant l’accouchement,<br />
les mères connaissent de<br />
grands changements affectifs, somatiques<br />
et cognitifs. Cette phase est de<br />
faible intensité et de brève durée. On<br />
diagnostique un post-partum blues<br />
sur ce que fût l’enseignement d’Henri Ey, sur la « situation »<br />
des Études psychiatriques dans son projet d’une « Histoire<br />
naturelle de la folie », et sur la « refonte du savoir psychiatrique<br />
» à partir des travaux internationaux sur lesquels s’appuient<br />
les Études.<br />
Est mis en lumière leur rôle de creuset au sein du travail éditorial<br />
de la Bibliothèque Neuro-Psychiatrique de Langue Française<br />
dans laquelle elles ont été initialement publiées chez<br />
l’éditeur Desclée de Brouwer ainsi qu’au sein du projet encyclopédique<br />
à auteurs multiples : le traité de psychiatrie<br />
clinique et thérapeutique de l’Encyclopédie Médico- Chirurgicale.<br />
Contenu des Études psychiatriques d’Henri Ey.<br />
Volume I : 900 p.<br />
- Préfaces par Jean Garrabé, Président de l’Association pour<br />
la Fondation Henri Ey : Situation des Etudes psychiatriques,<br />
au confluent des travaux internationaux et par Patrice Belzeaux,<br />
Président du Cercle de Recherche et d’Edition Henri<br />
Ey : Situation des Études psychiatriques dans l’œuvre d’Henri<br />
Ey ou le devenir du Plan de l’Histoire naturelle de la Folie.<br />
- Études du tome I dans sa 2ème édition de 1952 : Introduction<br />
par Henri Ey. 1. La folie et les valeurs humaines. 2.<br />
Rythme mécano-dynamiste de l’histoire de la médecine. 3.<br />
Le développement mécaniciste de la psychiatrie à l’abri du<br />
dualisme cartésien. 4. La position de la psychiatrie dans le<br />
cadre des sciences médicales : La notion de « maladie mentale<br />
». 5. Une théorie mécaniciste : La doctrine de De Clérambault.<br />
6. Une conception psychogénétiste : Freud et<br />
l’école psychanalytique. 7. Principes d’une conception Organo-dynamiste<br />
de la psychiatrie. 8. Le Rêve fait primordial<br />
de la psychopathologie.<br />
- Études du tome II de 1950 : 9. Les troubles de la mémoire.<br />
10. La catatonie. 11. Impulsions. 12. Exhibitionnisme. 13.<br />
Perversité et perversions. 14. Le suicide pathologique. 15.<br />
Anxiété morbide. 16. Délire des négations. 17. Hypochondrie.<br />
18. Jalousie morbide. 19. Mégalomanie.<br />
Index du tome I et Index du tome Il<br />
Volume Il : 850 p.<br />
- Études du tome III de 1954 : Introduction par Henri Ey. 20.<br />
La classification des M. mentales. 21. Manie. 22. Mélancolie.<br />
23. Bouffées délirantes et psychoses hallucinatoires aiguës.<br />
24. Confusion et délire confusoonirique. 25. Psychoses<br />
périodiques maniaco-dépressives. 26. Epilepsie. 27. Structure<br />
et destructuration de la conscience.<br />
- Index du tome III, Table générale des matières. Index général<br />
des Noms propres des tomes I, Il et III<br />
Le Cercle de Recherche et d’Edition Henri Ey, CREHEY, est<br />
une Association 1901 fondé par P. Belzeaux, Ch. Alezrah,<br />
Ed. Mahieu, Ph. Raynaud, P. Chenivesse et Annie Galaup-<br />
Belzeaux, J. Garrabé, M. De Boucaud, J.P. Pécastaing, H. Casarotti,<br />
S. Delmas-Arbiols, R. Belzeaux... dont le but est de<br />
« Promouvoir sur les plans culturels et scientifiques la préservation<br />
et la mise à disposition du public et de la recherche du<br />
« Trésor clinique » et de la « psychopathologie », patrimoine de<br />
la psychiatrie et de ses champs connexes aujourd’hui menacé<br />
de disparition ».<br />
CERCLE DE RECHERCHE ET D’ÉDITION HENRI EY (CREHEY) , 2 rue Léon Dieudé,<br />
66000 Perpignan tél./fax 04 68 34 34 12. patrice. belzeaux@wanadoo.fr
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
quand les symptômes perdurent et<br />
deviennent plus bruyant. Il concerne,<br />
selon les auteurs, 30 à 80% des<br />
femmes. Il survient dans les tous premiers<br />
jours après l’accouchement (du<br />
3 ème au 10 ème), au moment de la montée<br />
laiteuse. Son apparition semble être<br />
indépendante des facteurs culturels ou<br />
psychosociaux. Il associe de façon transitoire<br />
irritabilité, labilité de l’humeur,<br />
sentiment d’élation, trouble du sommeil,<br />
trouble du comportement alimentaire<br />
(anorexie) et parfois même<br />
des plaintes somatiques. Les préoccupations<br />
anxieuses du début de la grossesse<br />
réapparaissent, souvent associées<br />
à l’angoisse de ne pas savoir s’occuper<br />
du bébé. Ce tableau est de faible intensité<br />
et ne doit pas être considéré<br />
comme une dépression, mais plutôt<br />
comme une phase brève d’hypersensibilité<br />
émotionnelle. En effet, on considère<br />
que c’est un processus d’adaptation<br />
de la mère face à son enfant,<br />
favorisant le développement des interactions<br />
précoces. Les modifications<br />
endocriniennes liées à l’accouchement<br />
semblent capables de provoquer à elles<br />
seules cet état, dont la cinétique et la<br />
temporalité différent de celles des<br />
mécanismes engendrant la dépression.<br />
Le post-partum blues dure entre un et<br />
sept jours au maximum. Une forte<br />
intensité de l’épisode est un facteur de<br />
risque de développement ultérieur de<br />
dépression du post-partum, alors<br />
qu’une persistance au-delà du 7 ème jour<br />
marque l’entrée dans une dépression<br />
du post-partum. Une patiente présentant<br />
un post-partum blues ne nécessite pas<br />
de traitement médicamenteux. La relation<br />
avec les soignants ainsi qu’avec<br />
l’entourage suffit le plus souvent à l’aider.<br />
L’insomnie peut être traitée si elle<br />
persiste ou s’intensifie.<br />
Les dépressions non mélancoliques du<br />
post-partum concernent 10 à 20% des<br />
femmes. Comme le post-partum blues<br />
se termine au plus tard le dixième jour,<br />
le diagnostic de dépression ne peut<br />
être envisagé avant. Elles surviennent<br />
dans la majorité des cas entre le deuxième<br />
mois et la fin de la première année<br />
suivant l’accouchement. 20% d’entre<br />
elles seraient le prolongement ou la<br />
récurrence d’une dépression gravidique.<br />
L’intensité est souvent modérée. On<br />
observe un tableau anxio-dépressif atypique<br />
avec asthénie et plaintes somatiques<br />
inhabituelles, voire hypochondriaques.<br />
L’épisode dépressif est<br />
fréquemment marqué par l’apparition<br />
de phobies d’impulsion, d’évitement<br />
du contact avec le bébé et d’absence de<br />
plaisir à s’en occuper. Les idées de suicide<br />
sont très rares. L’humeur est fréquemment<br />
labile, altérée le soir. Ces<br />
patientes consultent peu et ont tendance<br />
à s’isoler, ce qui est une des<br />
grandes caractéristiques de la dépression<br />
postnatale. La profonde culpabilité<br />
éprouvée par ces mères qui pensent<br />
n’avoir aucune raison d’être tristes peut<br />
expliquer ce phénomène. Il s’agit donc,<br />
si elles ne viennent pas aux consultations<br />
prévues, de les rappeler et de les<br />
soutenir. Ici, comme souvent la qualité<br />
des échanges et des liens entre l’équipe<br />
obstétricale et les psychiatres joue un<br />
rôle majeur. La prise en charge des difficultés<br />
sociales est central. Le recours<br />
aux services sociaux (PMI, réseaux<br />
entre services de psychiatrie adulte et<br />
de pédopsychiatrie, ASE…) devra éventuellement<br />
être déclenché même si l’intéressée<br />
banalise la situation. L’association<br />
d’une prise en charge sociale<br />
et l’utilisation d’antidépresseurs suffisent<br />
généralement à améliorer l’état<br />
clinique de ces patientes. L’impact des<br />
troubles dépressifs du post-partum sur le<br />
développement psychique chez l’enfant<br />
est difficilement évaluable, mais<br />
on sait que quelques mois d’altérations<br />
de la relation précoce mère enfant suffisent<br />
pour avoir une influence néfaste<br />
sur le développement psychoaffectif<br />
de l’enfant. La prise en charge doit<br />
donc être efficace afin que l’épisode<br />
ne se prolonge pas et que les interactions<br />
précoces mère-bébé s’effectuent<br />
dans les meilleures conditions. Pour les<br />
patientes non traitées, on observe dans<br />
la majorité des cas une résolution spontanée<br />
des troubles dans les trois à six<br />
mois, mais aussi des récurrences fréquentes<br />
et parfois une évolution à bas<br />
bruit pendant des années.<br />
Pour les femmes présentant une pathologie<br />
bipolaire connue, le risque de<br />
rechute lors du post-partum est d’environ<br />
20%, le plus souvent lors de leur<br />
premier accouchement.<br />
Les dépressions de type mélancolique<br />
parfois appelées mélancolies puerpérales<br />
se déclarent dans le mois qui suit<br />
l’accouchement. Les signes cliniques<br />
habituels sont ceux d’une mélancolie<br />
délirante, avec un délire essentiellement<br />
centré sur l’enfant (sentiment<br />
d’indignité, d’incapacité, de ruine, idée<br />
délirante de la mort du bébé), associés<br />
à une confusion et à une grande anxiété.<br />
Le risque suicidaire ou le risque d’infanticide<br />
est important. On observe<br />
parfois des éléments de mixité de l’humeur.<br />
L’évolution de ce type de dépression<br />
est variable. Certaines patientes<br />
présenteront à nouveau des épisodes<br />
dépressifs, pour d’autres ce sera la première<br />
manifestation d’un trouble bipolaire.<br />
Pour le majorité d’entre elles, cet<br />
épisode restera isolé. Le diagnostic différentiel<br />
de la mélancolie du post-partum<br />
est la psychose puerpérale.<br />
La manie puerpérale débute brutalement<br />
dans les 15 jours après l’accouchement.<br />
On observe alors des idées<br />
délirantes (à thématique de persécution,<br />
érotomaniaque, mégalomaniaque,<br />
mystique, érotomaniaque) avec hallucinations<br />
diverses, associées à une agitation<br />
importante. La labilité de l’humeur<br />
est souvent importante. Un virage<br />
dépressif survient dans 50% des cas<br />
au décours de cet épisode. Il marque<br />
parfois l’entrée dans un trouble bipolaire.<br />
Le diagnostic différentiel est la<br />
psychose puerpérale.<br />
Les troubles psychotiques chroniques,<br />
et notamment les troubles schizoaffectifs,<br />
connaissent souvent des<br />
rechutes, voire des aggravations dans la<br />
phase de suite de couches. Le tableau<br />
clinique est typique. La présence de<br />
l’enfant est en quelques sortes un facteur<br />
de stress, nécessitant une adaptation<br />
souvent difficile de la patiente et de<br />
son entourage à ce nouveau mode de<br />
vie.<br />
Les troubles schizophréniformes du<br />
post-partum apparaissent dans les 6<br />
semaines suivant l’accouchement et<br />
durent moins de 6 mois. Le tableau<br />
de cette maladie est proche de celui<br />
d’une schizophrénie dysthymique, c’està-dire<br />
une association d’une excitation<br />
atypique ou d’un repli autistique à un<br />
délire paranoïde, accompagné d’un état<br />
dissociatif. La conduite de la mère est<br />
inappropriée avec son enfant. L’évolution<br />
est habituellement favorable en<br />
6 mois dans le cas contraire, cet épisode<br />
marque le plus souvent une<br />
entrée dans une schizophrénie ou un<br />
trouble bipolaire.<br />
La psychose puerpérale confuso-délirante<br />
survient assez brutalement dans la<br />
semaine qui suit la naissance (pic de<br />
fréquence au dixième jour après l’accouchement).<br />
Son incidence a nettement<br />
diminuée dans les pays industrialisés<br />
et ce grâce à l’amélioration du<br />
suivi obstétrical, mais aussi des conditions<br />
sanitaires ayant permis l’éradication<br />
de toxi-infections responsables<br />
d’états confuso-délirants. Aujourd’hui<br />
une psychose puerpérale se déclare<br />
pour un accouchement sur mille. La<br />
pathogénie est plurifactorielle (modifications<br />
hormonales, facteurs psychologiques,<br />
complications obstétricales ou<br />
néonatales, antécédents psychiatriques<br />
personnels ou familiaux). Un post-partum<br />
blues sévère avec confusion en est<br />
souvent le prodrome, associant insomnie,<br />
cauchemars, bizarrerie du comportement,<br />
anxiété en fin de grossesse.<br />
Le tableau clinique est celui d’un<br />
trouble délirant aigu. Il comporte une<br />
obnubilation voire une réelle confusion<br />
mentale.<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Les nouveaux rapports à<br />
l’enfant<br />
Numéro coordonné par Régnier<br />
Pirard et Emmanuelle Bouey-Petit<br />
Erès, 23 €<br />
Les nouveaux rapports à l’enfant ont<br />
été le thème d’une Journée d’étude à<br />
l’université de Nantes (avril 2003), dont<br />
plusieurs interventions sont ici publiées.<br />
Depuis cette date, d’autres articles sur<br />
le même thème complètent ce dossier.<br />
Les rapports à l’enfant se transforment.<br />
Relevons : le désir d’enfant poussé jusqu’au<br />
droit à l’enfant, mais en même<br />
temps une promotion des droits de<br />
l’enfant ; le développement de la scolarité<br />
qui ne résorbe pas les difficultés<br />
d’apprentissages, même de base ; le<br />
glissement des comportements turbulents<br />
vers l’hyperactivité et des troubles<br />
caractériels plus ou moins sévères ;<br />
des violences qui paraissent gratuites<br />
et ne semblent avoir pour fonction que<br />
de regonfler un narcissisme défaillant ;<br />
des addictions et des troubles alimentaires<br />
de plus en plus précoces ; une<br />
recherche de plaisirs « hard » jusqu’au<br />
trompe-la-mort ; une surenchère d’actes<br />
pédophiles suivis de meurtres ; la confusion<br />
des rapports générationnels et<br />
des places dans les systèmes de parenté,<br />
etc. La liste n’est pas close. Les<br />
« nouveaux pères » savent pertinemment<br />
qu’il leur en coûte bien davantage<br />
en investissement psychique et<br />
qu’il ne suffit plus de commander ou<br />
de déléguer à la manière paternaliste.<br />
Il s’agit de prendre la mesure, autant<br />
que possible, de notre contemporanéité<br />
pour l’habiter au mieux. Or, de<br />
cette post-modernité qui s’impose avec<br />
ses caractères inédits, animée par les<br />
techno-sciences et le marché, il semble<br />
que les rapports à l’enfant constituent<br />
un baromètre particulièrement sensible.<br />
Car, à travers la question de la<br />
transmission, c’est celle du Sujet, de<br />
son être et de son non-être, qui se pose.<br />
Varia<br />
Enfance octobre 2006 n°4,<br />
PUF, 22 €<br />
Ce numéro représente la variété des<br />
thématiques de la revue Enfance.<br />
Le premier article, écrit par Patrick Perret<br />
et Sylvie Faure, défend, sous la forme<br />
d’une revue argumentée, l’idée que la<br />
psychopathologie développementale<br />
est un paradigme pour l’étude du développement<br />
et de ses troubles : c’est<br />
l’option qui a poussé la revue à étendre<br />
son champ de publication du développement<br />
ordinaire à la psychopathologie<br />
du développement.<br />
Olivier Luminet et Véronique Lenoir<br />
montrent l’influence d’une difficulté<br />
des parents à percevoir et représenter<br />
l’émotion sur les performances des enfants<br />
quand il s’agit d’interpréter des<br />
scénarios sur la base d’expressions<br />
On observe une désorientation temporo-spatiale,<br />
une fluctuation de la vigilance<br />
avec recrudescence vespérale<br />
associée à une activité délirante polymorphe<br />
hallucinatoire, essentiellement<br />
de persécution, ou mégalomaniaque<br />
centrée sur l’enfant (déni de grossesse<br />
et d’accouchement, délire de filiation...).<br />
L’humeur de ces patientes est labile.<br />
Le risque suicidaire et/ou d’infanticide<br />
est très élevé.<br />
Comme diagnostics différentiels, nous<br />
notons des urgences médicochirurgicales,<br />
comme les thrombophlébites<br />
cérébrales, les infections, les rétentions<br />
placentaires.<br />
Les patientes présentant une psychose<br />
puerpérale doivent être hospitalisées.<br />
Un traitement médicamenteux par un<br />
psychotrope est instauré précocement.<br />
Si le tableau est sévère, des séances<br />
d’électroconvulsivothérapie sont à prévoir<br />
car les antipsychotropes sont alors<br />
peu efficaces. Une hospitalisation dans<br />
des unités mère-bébé (situées le plus<br />
émotionnelles.<br />
L’article suivant, écrit par Leïla Bensalah,<br />
Benjamin Paty et Marie Olivier,<br />
s’intéresse aux représentations sociales<br />
que se font les enfants de leurs relations<br />
avec les autres enfants et montre<br />
une différence entre garçons et filles,<br />
ces dernières se révélant plus sensibles<br />
à des échanges égalitaires.<br />
Les différences entre filles et garçons<br />
sont également examinées dans les<br />
deux articles qui terminent le numéro.<br />
Ces articles sont une suite au n°3, 2006,<br />
coordonné par Diane Poulin-Dubois et<br />
consacré aux stéréotypes féminin/masculin.<br />
Caroline Bouchard, Richard Cloutier<br />
et France Gravel recherchent à quoi<br />
attribuer les divergences d’estimation<br />
des enseignants et des enfants quant<br />
à la supériorité supposée des filles en<br />
matière de prosocialité.<br />
Enfin, Thérèse Bouffard, Carole Vezeau<br />
et Geneviève Simard montrent que les<br />
déterminants motivationnels de la réussite<br />
scolaire ne distinguent pas les garçons<br />
des filles, à la différence des matières<br />
préférées.<br />
Thérapie familiale<br />
2006 n°4<br />
Editions Médecine et Hygiène<br />
Ce numéro regroupe deux thèmes<br />
concernant les modalités de la rencontre<br />
entre le systémicien et son<br />
« client » : les objets flottants et le recadrage.<br />
Un article de Florence Calicis<br />
vient appeler les objets flottants dans<br />
l’approche des pans les plus douloureux<br />
de l’histoire des familles. Exemple<br />
à l’appui, elle montre comment elle<br />
trace un chemin singulier avec une famille.<br />
Les temps forts de la thérapie<br />
sont des temps de ralentissement du<br />
processus plutôt que d’accélération<br />
d’un changement impensable.<br />
Elle souligne les vertus des objets flottants<br />
dans les situations de douleurs<br />
trop vives pour être abordées frontalement,<br />
notons au passage qu’elle vient<br />
plaider pour les vertus de la résistance<br />
moins menaçants, ils autorisent les<br />
zones d’ombre. Leur dimension ludique<br />
rassure. Pour autant il ne faut les utiliser<br />
que lorsque la famille se sent suffisamment<br />
en confiance.<br />
Dans la continuité de son travail avec<br />
les familles monoparentales, Jean-Pierre<br />
Le Goff utilise la construction d’un «Totem<br />
». Libre adaptation des poteaux<br />
sculptés par les Amérindiens de la côte<br />
nord-ouest de l’Amérique du nord qui<br />
représentent les ancêtres sous des<br />
formes animales auxquelles sont attribuées<br />
des qualités, c’est la représentation<br />
graphique de trois ou quatre<br />
générations de sa famille, par l’enfant<br />
ou les enfants de la famille. Après une<br />
mise en perspective des totems dans<br />
l’imaginaire mondial et après l’histoire<br />
de Manu qui induisit la production de<br />
ce premier totem, Jean-Pierre Le Goff<br />
propose une analyse critique de cette<br />
modalité de rencontre créative en thé-<br />
souvent au sein d’hôpital spécialisé) est<br />
à favoriser si l’état de la mère le permet.<br />
Parfois, la symptomatologie maternelle<br />
pourra justifier la séparation de la mère<br />
et de l’enfant et notamment lorsqu’il<br />
existe un risque suicidaire ou d’infanticide<br />
élevé. L’enfant pourra, alors, être<br />
confié au père, à la famille ou encore<br />
être hospitalisé transitoirement en<br />
pédiatrie. Il est souhaitable dès que possible<br />
de soutenir le lien mère-bébé en<br />
mettant à nouveau l’enfant en présence<br />
de sa mère. Des relais après l’hospitalisation<br />
sont souvent nécessaires<br />
pour permettre une bonne qualité de<br />
relation entre la mère et son bébé et<br />
notamment l’accueil dans une crèche<br />
thérapeutique ou un hôpital de jour<br />
permettant un travail sur la relation<br />
mère-enfant avec une équipe pluridisciplinaire<br />
compsée de psychiatres, de<br />
psychologues, d’assistantes sociales et<br />
d’infirmières.<br />
Le pronostic maternel à long terme est<br />
variable. L’épisode délirant peut rester<br />
FMC ■ 9<br />
rapie familiale. Et comme il s’interroge<br />
sur la possibilité de considérer un totem<br />
comme un objet flottant, la question<br />
a été posée à Philippe Caillé qui<br />
a bien voulu répondre, sa réponse est<br />
présentée après l’article.<br />
Thérapeute recevant des familles ou<br />
clinicien du travail et intervenant en<br />
organisation, Daniel Faul traite des<br />
conflits dans les systèmes. Au lieu d’étudier<br />
le conflit il se penche sur les moyens<br />
de le traiter. Le recadrage, ainsi qu’il<br />
est utilisé par Michel Monroy, est le<br />
support de cette solution : il s’élabore<br />
progressivement au fil des rencontres<br />
plutôt que ponctuer la fin d’une séance.<br />
Les modes d’entrée du recadrage sont<br />
divers : la relation figée dans le temps<br />
peut avoir connu des jours meilleurs ;<br />
les protagonistes peuvent être les «ambassadeurs<br />
» de leurs systèmes d’appartenance<br />
; ou de leurs légitimités ;<br />
comprendre les vulnérabilités de « l’ennemi<br />
» le réhumanise ; questionner la<br />
fonction du conflit ou prendre la mesure<br />
des coûts investis permet de s’en<br />
distancier...<br />
A l’aide d’exemples qui laissent entrevoir<br />
la complexité des relations, l’auteur<br />
fait un tableau de la richesse des<br />
motifs de conflits...<br />
Christophe Panichelli, dans un article<br />
documenté, tisse pas à pas les définitions<br />
et les caractéristiques de l’humour<br />
et du recadrage : c’est une façon nouvelle<br />
de présenter la réalité, ou de modifier<br />
le point de vue selon lequel une<br />
situation est vécue... Il expose les liens<br />
qui les unissent : la position d’observation,<br />
l’étonnement, la réinterprétation,<br />
pour finalement faire l’éloge du<br />
« rire ensemble » vecteur de joining et<br />
ingrédient de la relation thérapeutique.<br />
La danse-thérapie<br />
Histoire, techniques, théories<br />
Jocelyne Vaysse<br />
L’Harmattan, 23 €<br />
Après avoir retracé l’évolution historique<br />
et culturelle de la danse occidentale<br />
jusqu’aux travaux actuels de<br />
numérisation, d’analyse et de systèmes<br />
de lecture des mouvements dansés,<br />
l’auteur expose l’essor de sa fonction<br />
thérapeutique : les pionnières, l’éventail<br />
des techniques et pratiques jusqu’aux<br />
innovations contemporaines,<br />
les processus psycho-dynamiques et<br />
les références théoriques qui fédèrent<br />
cette diversité et qui permettent son<br />
introduction au sein des thérapies, selon<br />
diverses modalités adaptées aux<br />
sujets en souffrance (handicapés physiques<br />
ou mentaux, enfants, adultes,<br />
3 ème âge,...) ou simplement en désir de<br />
développement personnel.<br />
Au travers du corps dansant et au-delà<br />
des improvisations, la danse-thérapie<br />
cherche à induire, dans l’univers mental,<br />
une mouvance interne émotionnelle,<br />
idéique, symbolisante et structurante.<br />
isolé, dans 80% des cas. On note tout<br />
de même 20% de récidives lors de<br />
grossesses ultérieures, le risque est augmenté<br />
lorsque les grossesses sont rapprochées.<br />
L’évolution vers un trouble<br />
bipolaire ou une schizophrénie est possible.<br />
D’ailleurs les débuts plus tardifs (1-<br />
2 mois) sont de plus mauvais pronostic<br />
et révèlent plus fréquemment une schizophrénie.<br />
Au décours de certains accouchements<br />
particulièrement difficiles, on observe<br />
parfois un syndrome de stress post traumatique.<br />
L’évolution est proche de ce<br />
qu’elle est aux autres moments de la<br />
vie, c’est-à-dire une rémission en 3 à<br />
6 mois ou une chronicisation des<br />
troubles. On peut noter a l’approche<br />
des accouchements suivants une recrudescence<br />
anxieuse, nécessitant un suivi<br />
psychologique et obstétrical. ■<br />
M. Pellegrin<br />
Service Dr. Caroli, C.H. Sainte-Anne, 75014<br />
Paris
10<br />
LIVRES<br />
■ PSYCHANALYSE<br />
Développements de la<br />
clinique de Winnicott<br />
Avatars des régressions et<br />
masochisme féminin<br />
Jean-Pierre Lehmann<br />
Erès, 23 €<br />
Ce que Michael Balint avait dénommé<br />
« régression maligne » peut se produire<br />
au cours d’une analyse. Faisant suite<br />
au livre précédent La clinique analytique<br />
de Winnicott (érès, 2003), qui<br />
portait sur la genèse de la théorie de<br />
Winnicott et ses principaux concepts,<br />
cet ouvrage traite d’une question touchant<br />
aux avatars des régressions à<br />
la dépendance, à propos du récit circonstancié<br />
d’une histoire clinique.<br />
Cela amène Jean-Pierre Lehmann à<br />
reconsidérer dans les textes littéraires<br />
et analytiques ce qui concerne les<br />
passions amoureuses pour examiner<br />
un point controversé dans la communauté<br />
analytique celui du masochisme<br />
féminin. Ce qu’avaient avancé<br />
les psychanalystes femmes de l’entourage<br />
immédiat de Freud, à ce sujet,<br />
a été rejeté par les analystes des<br />
générations suivantes. Ce point n’est<br />
pas anodin car il touche au destin de<br />
la féminité des filles qui, soutient Jean-<br />
Pierre Lehmann, dépend de leur élaboration<br />
de la position dépressive<br />
telle que la pensait Winnicott. Pour<br />
étayer cette thèse, il part des éléments<br />
de la théorie winnicottienne du féminin,<br />
du masculin et de la position<br />
dépressive, pour en développer les<br />
conséquences théoriques et cliniques.<br />
Un livre blanc pour la<br />
psychanalyse<br />
Pascal Hachet<br />
L’Harmattan, 29 €<br />
La parution, en septembre 2005, du<br />
Livre noir de la psychanalyse a suscité<br />
de nombreuses réactions. Pascal Hachet<br />
contre cette offensive cognitivocomportementaliste<br />
au moyen d’un<br />
panorama de travaux psychanalytiques<br />
récents (1990-2005). Ces recherches<br />
montrent que de nombreux<br />
psychanalystes, toutes « écoles »<br />
confondues, continuent d’interroger<br />
les formes renouvelées de la souffrance<br />
psychique. Les investigations<br />
qui portent sur les deuils pathologiques,<br />
les secrets de famille, les abus<br />
sexuels, l’adolescence et les personnes<br />
longtemps considérées comme « incurables<br />
» ou encore atteintes de maladies<br />
somatiques graves, le témoignage<br />
impliqué de quelques collègues<br />
et l’intérêt accru pour divers aspects<br />
de vie quotidienne, ainsi que pour<br />
les œuvres culturelles marquantes,<br />
réalisent des avancées.<br />
La folie du transfert<br />
Solal Rabinovitch<br />
Erès, 15 €<br />
Solal Rabinovitch, membre de l’école<br />
de psychanalyse Sigmund Freud, livre<br />
ici ses réflexions et ses élaborations<br />
sur le transfert. Reprenant ce qu’en<br />
a dit Freud dans le cas de la névrose<br />
(« les traces mnésiques refoulées des<br />
expériences vécues originaires ne sont<br />
pas présentes en nous à l’état lié et sont<br />
en fait (...) inaptes au processus secondaire<br />
») elle montre bien en quoi<br />
le transfert peut être un obstacle à la<br />
cure : « Ces traces (...) qui ne peuvent<br />
pas se penser (...) il leur faut, auprès de<br />
l’analyste, s’éprouver, telles qu’aucune<br />
interprétation ne puisse en épuiser l’ardeur.<br />
Elles font ainsi obstacle à une fin<br />
de cure ». Citant Lacan, le transfert devient<br />
paradoxal : « Comment expliquer<br />
le retour du refoulé ? Si paradoxal<br />
que ce soit, il n’y a qu’une façon de le<br />
faire - ça ne vient pas du passé, mais<br />
de l’avenir... ». Par la suite, plus de la<br />
moitié de l’ouvrage est consacrée aux<br />
constructions de la théorie Lacanienne...<br />
M. Goutal<br />
<br />
concerne les relations d’objet (à l’exception<br />
de ce qui touche à Winnicot,<br />
partie qui a été coordonnée par Jennifer<br />
Johns, du London Bi-logic Group,<br />
groupe qui travaille sur Matte Blanco).<br />
Howard Bacal a traité la Self Psychology<br />
; Elinor Fairbairn et David Scharff se<br />
sont occupés de Fairbairn. Etc, etc..<br />
Je ne peux citer ici tout le monde car<br />
au total, presque trois cents contributeurs<br />
ont participé… dont deux seulement<br />
par courrier ordinaire !<br />
A part eux, cette encyclopédie a été<br />
rassemblée par mail, signe des temps et<br />
d’un travail réellement international et<br />
facilité par les communications<br />
actuelles.<br />
Les participants à l’Encyclopédie viennent<br />
ainsi de quarante-sept pays. C’est<br />
très intéressant car chaque zone géographique<br />
et culturelle a « mis l’analyse<br />
à sa sauce ». En URSS, Trotski a de<br />
façon étonnante tenté de favoriser une<br />
jonction psychanalyse/Pavlov. Au Japon<br />
et en Corée, le Boudhisme teinte l’analyse<br />
; en Inde c’est l’Indouhisme. Dans<br />
mon propre pays, la République Irlandaise,<br />
on peut légitimement douter de<br />
ce que l’analyse eût pu prendre racine<br />
si elle n’avait pas été « mélangée » à<br />
Jésus par Jonathan Hanaghan, qui fut à<br />
la fois un penseur marqué par la foi<br />
chrétienne et un pacifiste (il a d’ailleurs<br />
écrit un livre qui s’appelle Freud and<br />
Jesus). Trois pacifistes anglais étaient<br />
venus rejoindre ce dernier avant que la<br />
Seconde Guerre Mondiale n’éclate.<br />
Leur pratique dans les années quarante<br />
et cinquante de la post-guerre tient<br />
compte que l’Eglise Romaine Catholique<br />
de cette époque était très sévère<br />
et ces analystes irlandais de la première<br />
heure travaillèrent beaucoup sur la<br />
sévérité du surmoi. L’Eglise Catholique,<br />
à cette époque, voyait l’analyse comme<br />
une « religion » rivale… ce qui, rétrospectivement,<br />
s’est montré exact. De<br />
nombreux prêtres et religieuses firent<br />
des psychothérapies et un certain<br />
nombre d’entre eux se formèrent<br />
même à l’analyse lacanienne sous l’égide<br />
d’un jésuite qui quitta les ordres,<br />
Cormac Gallagher. En Irlande, les lignes<br />
de forces des courants analytiques suivirent<br />
d’assez près les influences religieuses<br />
et ceci, bien qu’on ne puisse<br />
en faire une règle générale, les Protestants<br />
étant plus volontiers éclectiques et<br />
les Catholiques plus « doctrinairement »<br />
lacaniens (ensuite, comme on pouvait<br />
s’y attendre, avec l’essor du capitalisme<br />
et le déclin de l’Eglise, nous avons<br />
vu fleurir tout un choix de thérapies<br />
ici). Quoiqu’il en soit, pour ce qui<br />
concerne les contacts avec les différents<br />
auteurs, l’expérience m’a montré<br />
que j’avais intérêt à entrer directement<br />
en contact avec les « pontes » de l’analyse.<br />
Au début, je craignais qu’ils ne<br />
soient trop occupés pour me répondre<br />
mais ce fut, en fait, bien rare que j’essuie<br />
un refus de leur part.<br />
Et, selon les pays, les réponses m’étaient<br />
rendues avec des délais très divers :<br />
celles des Américains, presque par<br />
retour de courrier ; les Britanniques<br />
me disaient souvent : « N’hésitez pas<br />
à me rappeler ceci de temps, à autre,<br />
you know » ; les Allemands avaient tendance<br />
à me demander : « J’ai combien<br />
de temps ? ». En réalité, solliciter une<br />
grande diversité de contributeurs m’a<br />
été suggéré par deux faits. Tout<br />
d’abord, comme Wallerstein l’a montré,<br />
il n’y a pas de preuve montrant qu’une<br />
quelconque école de psychanalyse ait<br />
de meilleurs résultats qu’une autre. Par<br />
ailleurs, comme me l’avait dit Masud<br />
Khan – bien que ce fut dans une<br />
ambiance alcoolisée ! – en fait, personne<br />
ne sait totalement ce qui se passe<br />
lors des séances, du fait de leur privauté.<br />
Bien des analystes d’une école<br />
donnée se conforment en surface aux<br />
règles de cette dernière mais, en pratique,<br />
ils ont recours à leur propre<br />
« mélange » d’idées.<br />
Ceci suggère qu’en privé les analystes<br />
« font ce qui marche » et qu’ils ont en<br />
général une ouverture réelle aux<br />
diverses influences.<br />
Une nouvelle encyclopédie<br />
psychanalytique<br />
Entretien avec Ross Skelton*<br />
M S-C : Vous avez opté pour des entrées<br />
se suivant en ordre alphabétique…<br />
RS : J’avais le choix entre deux mises<br />
en ordre : par écoles ou par ordre<br />
alphabétique. Comme j’ai eu l’impression<br />
que tous les analystes faisaient en<br />
fait un travail bien moins « pur » qu’ils<br />
ne le prétendaient vis-à-vis de leurs<br />
écoles d’appartenance, j’ai choisi cette<br />
formule. Ainsi, le freudien qui cherchera<br />
« Working through » (élaboration)<br />
trouvera en face le mot « Zeigarnik<br />
effect », tout aussi bien que le<br />
junguien qui cherchera « Inflation »<br />
trouvera à la suite « Infinite », et il sera<br />
peut-être tenté d’enchaîner la lecture de<br />
ce nouvel article à celle du précédent.<br />
M S-C : Pourquoi une nouvelle encyclopédie<br />
? D’autres existaient déjà…<br />
RS : Celle-ci ( 518 pages) est plus vaste<br />
que celle que nous avions en langue<br />
anglaise. Celles de Moore and Fine<br />
(USA) ou de Rycroft (Angleterre) ne<br />
comportent qu’environ deux cents<br />
pages. Et notre Encyclopédie est moins<br />
orientée spécifiquement sur le seul<br />
Freud, ou presque, que le Laplanche<br />
et Pontalis (un classique en langue<br />
anglaise aussi). Elle se veut conviviale<br />
pour son utilisateur et orientée vers les<br />
différentes chapelles, toutes grandes<br />
écoles incluses. Ceci fait que vous y<br />
trouvez abordés les champs avec lesquels<br />
l’analyse a des intersections : la littérature<br />
autant que les neurosciences.<br />
L’éthologie aussi, qui a eu une grande<br />
influence sur Bowlby et les théoriciens<br />
de l’attachement. L’antropologie, passant<br />
par Lévi-Bruhl, Lévi-Strauss a laissé<br />
des traces importantes chez Jung et<br />
Lacan. Par ailleurs, un nombre limité<br />
mais significatifs d’analystes placent<br />
l’analyse au rang de science et la neuropsychanalyse<br />
s’inspirant des neurosciences<br />
s’est développée ces dernières<br />
années (elle a même son journal,<br />
Neuro-Psychoanalysis). La religion, bien<br />
que Freud fût athée et que Jung ait<br />
donné une place spéciale à la religion,<br />
a souvent été discutée en parallèle de<br />
l’analyse, quoique le joint religion-analyse<br />
reste difficile à faire. Par exemple,<br />
de nombreux analystes ont pu être attirés<br />
vers le boudhisme, cette « religion »<br />
sans Dieu.<br />
MS-C: Vous mentionnez Lacan. Justement,<br />
presque une page entière de l’in-<br />
dex de votre ouvrage, sur les quatorze<br />
qu’il comporte, lui est consacrée : c’est<br />
impressionnant. En France, Lacan est<br />
déifié par certains analystes (nombreux)<br />
mais en général, dans la littérature anglosaxonne,<br />
il occupe par contre simplement<br />
le rang d’un auteur parmi d’autres.<br />
D’un auteur qui a apporté quelques<br />
concepts intéressants sans être pour<br />
autant le centre du monde. Il est donc<br />
surprenant de le trouver si commenté<br />
dans votre travail, pourtant paru en<br />
anglais.<br />
RS : Il est bien connu que les idées de<br />
Lacan ont rencontré un grand succès<br />
dans les pays catholiques et l’Irlande<br />
ne fait pas exception. Un analyste français<br />
distingué, apprenant que l’analyse<br />
lacanienne était si bien établie dans<br />
mon pays, remarqua : « Je ne savais<br />
pas qu’il y avait une colonie en Irlande!».<br />
Et, il est intéressant de savoir<br />
que les idées lacaniennes n’ont presque<br />
pas d’écho en Ulster, la partie nord et<br />
majoritairement protestante du pays.<br />
Je ne sais pas d’où vient cette<br />
connexion Lacan/catholicisme, si ce<br />
n’est peut-être qu’aucun des deux ne<br />
semble très à l’aise avec le corps. J’ai<br />
moi-même effectué une analyse et une<br />
formation lacaniennes dont j’ai tiré de<br />
grands bénéfices, et j’ai été très investi<br />
dans ce mouvement dans les années<br />
80-90 à Dublin. Mais, voyant que l’école<br />
lacanienne n’était pas ouverte aux<br />
autres idées, j’en suis parti, pour fonder<br />
avec d’autres collègues qui partageaient<br />
ma façon de voir un programme de<br />
formation éclectique qui inclut l’étude<br />
de Klein, Winnicot et Bion tout autant<br />
que celle de Lacan. Alors, s’il y a autant<br />
d’entrées en rapport avec Lacan dans<br />
l’Encyclopédie, c’est qu’il est, à mon avis,<br />
un commentateur très intelligent de<br />
l’œuvre de Freud et que, je pense que<br />
son influence sur la psychanalyse pourrait<br />
bien rester considérable. Quand la<br />
culture change, la psychanalyse doit<br />
être ré-écrite en permanence car avec<br />
les changements sociaux la nature des<br />
problèmes des patients change aussi.<br />
Et, si l’on peut contester les idées de<br />
Lacan, on ne peut dénier son influence<br />
sur les universités de par le monde,<br />
où sa pensée a pénétré mieux que celle<br />
de n’importe quel analyste auparavant,<br />
Freud inclus. Son travail est étudié par<br />
les féministes, par ceux qui s’intéressent<br />
au cinéma (certains disent que la<br />
théorie des films est de la psychanaly-<br />
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
se lacanienne) ; par les critiques littéraires<br />
et en particulier par la « Cultural<br />
Theory » dont Slavoj Zizek est actuellement<br />
le porte-parole lacanien le plus<br />
influent. Au passage, à mon avis, les<br />
universités sont importantes pour l’analyse<br />
car les instituts ont été exposés,<br />
en tant qu’« églises », à mettre en jeu<br />
des esprits de fermeture et d’ouverture.<br />
Une figure aussi importante de l’establishment<br />
psychanalytique que l’est<br />
Kernberg, a écrit une critique inquiète<br />
des formations dispensées par les instituts.<br />
C’est pourquoi les universités,<br />
maintenant plus investies dans la formation<br />
analytique, pourraient en dernier<br />
lieu connaître plus de succès que<br />
les instituts pour cette raison. Les<br />
chasses aux sorcières y sont plus difficiles<br />
à poursuivre devant des non analystes<br />
qui, dans les comités universitaires,<br />
peuvent demander à ce que des<br />
jugements plus sobres s’exercent. De<br />
plus, depuis la chute de l’Empire Soviétique,<br />
des penseurs de l’Est, formés à la<br />
pensée marxiste, ont été attirés par<br />
Lacan qui, comme Marx, avait luimême<br />
été fortement influencé par<br />
Hegel. Lacan, un penseur anthropologique,<br />
si ce n’est social, est sympathique<br />
aux ex-marxistes accoutumés à une<br />
pensée socio-culturelle et dont de nombreux<br />
s’étaient formés à Paris.<br />
MS-C: Bion a aussi une place importante<br />
dans l’Encyclopédie…<br />
RS : Je pense que Bion est probablement<br />
le seul penseur intellectuel et clinicien<br />
qui soit l’égal de Lacan. Il n’a<br />
pas les talents littéraires de Lacan mais<br />
sa saisie de la logique et des mathématiques<br />
est excellente, là où celle de<br />
Lacan ne l’est pas, malgré ses nombreuses<br />
spéculations en la matière.<br />
Bion, le post-kleinien, est bien dans la<br />
tradition de Money Kyrle (lui-même<br />
un analysant de Schlick, le fondateur<br />
viennois du positivisme logique). Mais<br />
Bion ouvre Klein sur un public beaucoup<br />
plus large, quoiqu’à part en ce<br />
qui concerne la psychanalyse groupale,<br />
il n’ait pas eu la grande influence culturelle<br />
qui a été celle de Lacan (ou<br />
même celle de Winnicot).<br />
Ainsi, son Memoir of the Future, bien<br />
que provocant et énigmatique n’a pas<br />
le charisme des écrits énigmatiques de<br />
Lacan.<br />
Mais quoiqu’il en soit, les lectures de
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
Bion par Grostein et Eigein continuent<br />
à avoir une large influence sur<br />
la clinique psychanalytique.<br />
M S-C : Vous avez fait une place aux<br />
neurosciences dans l’Encyclopédie, une<br />
branche de l’analyse qui reste encore<br />
assez peu commentée en France.<br />
RS : Il est trop tôt pour statuer mais<br />
en ce domaine, effectivement, les<br />
résultats obtenus sont stimulants.<br />
En général la psychanalyse s’est montrée<br />
ambivalente à l’égard des études<br />
développementales (Jung et Lacan,<br />
par exemple ont montré peu d’intérêt<br />
à cet égard). Quoiqu’il en soit,<br />
une opinion croissante, hors de France<br />
en tout cas, est que les théories<br />
psychanalytiques sont trop étroites<br />
et volontiers en opposition avec les<br />
découvertes qui ont été faites dans le<br />
domaine de la croissance du système<br />
nerveux central. Si l’on veut élargir<br />
cette question vers celle de l’analyse<br />
comme « science » il semble<br />
maintenant clair qu’elle n’est pas l’une<br />
des sciences « dures » comme Popper<br />
l’a montré. Elle n’est pas une théorie<br />
à partir de laquelle on peut prédire<br />
des résultats futurs ou même à partir<br />
de laquelle on peut établir des contreexemples<br />
qui mèneraient à abandonner<br />
ou pas ladite théorie (mais<br />
souvenons-nous que Popper ne<br />
considérait pas non plus que les théories<br />
de Darwin fussent scientifiques).<br />
Ahumada a montré de façon appropriée<br />
que l’interprétation de l’analyste<br />
peut être vue comme offrant<br />
un contre-exemple au système des<br />
croyances inconscientes du patient<br />
et ce à partir de ce qu’il dit lui-même.<br />
Par ailleurs, le langage n’est pas qu’un<br />
fait humain, comme l’a montré le<br />
célèbre chimpanzé américain Washoe<br />
qui avait appris le langage américain<br />
des signes avec lequel il « parlait »<br />
avec les personnes qui s’occupaient<br />
de lui. D’autre part, l’interdit de l’inceste<br />
existe chez les chimpanzés, ce<br />
qui remet en question la notion lévistraussienne<br />
qui veut que ce tabou ne<br />
soit imposé que par le père (humain).<br />
Eh bien, si vous acceptez Darwin, et<br />
l’éthologie, vous devez accepter les<br />
conséquences de notre héritage animal.<br />
Enfin, si l’on veut continuer à<br />
parler de « sciences » à propos de<br />
l’analyse, on doit mentionner les<br />
études de résultats : ces dernières<br />
montrent que l’analyse est efficace…<br />
mais elles ne semblent pas différencier<br />
les résultats obtenus d’une école<br />
à l’autre ! Tous ces points figurent<br />
dans l’Encyclopédie, bien entendu.<br />
M S-C : Et, mention surprenante, on y<br />
trouve celle de Léon Trotski (sous l’entrée<br />
Russie) : que vient-il faire ici ?<br />
RS : Bien que cela puisse paraître<br />
étrange, il y a un lien entre lui et<br />
l’analyse. En Russie, l’Institut d’Etat<br />
de Psychanalyse fut fondé en 1923<br />
par Luria et ses collaborateurs. Deux<br />
années après, Luria et Vitgotsky, le<br />
linguiste, écrivirent un article : « La<br />
synthèse du freudisme et du marxisme<br />
sur la base de la théorie pavlovienne<br />
des réflexes conditionnés ». Trotski<br />
écrivit à Pavlov (qui avait eu le prix<br />
Nobel) lui conseillant de mêler sa<br />
physiologie à l’analyse freudienne.<br />
Trostki pensait que les deux chercheurs<br />
regardaient dans le même<br />
puits humain : Freud d’en dessus, et<br />
Pavlov d’en dessous. Puis, la chute<br />
de la psychanalyse en Russie suivit<br />
celle de Trotski, sous Staline.<br />
Vous voyez donc, encore une fois,<br />
combien le sort de la psychanalyse<br />
est tributaire de l’endroit où elle est<br />
implantée ! ■<br />
*Ross Skelton qui est Senior Lecturer en psychanalyse<br />
et philosophie à Trinity College<br />
(Dublin, Irlande), est l’Editor in Chief de la<br />
récente Edinburgh International Encyclopaedia<br />
of Psychoanalysis (Edinburgh University<br />
Press).<br />
La psychiatrie des urgences<br />
Entretien avec Marie-Jeanne Guedj<br />
Gérard Massé : La passion de l’urgence<br />
saisit de plus en plus de psychiatres.<br />
A qui s’adresse ce nouvel ouvrage ?<br />
Marie-Jeanne Guedj : La préoccupation<br />
de l’urgence psychiatrique est<br />
plus ancienne qu’on ne le croirait puisqu’elle<br />
était la préoccupation majeure<br />
de Duchêne et Daumezon dès les<br />
années 60. Cependant, il a fallu<br />
attendre encore une trentaine d’années<br />
pendant lesquelles les slogans étaient<br />
plutôt : « il n’y a pas d’urgence en psychiatrie<br />
», « il est urgent d’attendre »,<br />
« on attend la demande ». De nombreux<br />
facteurs ont sensibilisé l’ensemble de<br />
la profession et des usagers : la réduction<br />
des durées d’hospitalisation, la<br />
reconnaissance des urgences médicopsychiatriques<br />
et l’efficacité des interventions<br />
de crise. L’urgence psychiatrique<br />
est, aujourd’hui, reconnue à part<br />
entière et nécessite un traitement noble.<br />
Cet ouvrage s’adresse à l’ensemble des<br />
professionnels de l’urgence. Des<br />
équipes de la France entière y ont participé.<br />
GM : Cet ouvrage présente une originalité<br />
certaine et une nouvelle approche<br />
au-delà des diagnostics. Peux-tu nous le<br />
présenter ?<br />
M-J G : Il a pour but d’aider au raisonnement<br />
déductif en situation d’urgence<br />
en apportant un certain nombre<br />
d’informations et en permettant d’explorer<br />
la question centrale de l’urgence :<br />
« pourquoi ici et maintenant ? ».<br />
La pratique de l’urgence est essentiellement<br />
clinique, mais le patient se présente<br />
avec des signes ou des demandes<br />
motivant l’urgence, plus rarement avec<br />
un diagnostic catégoriel établi. Nous<br />
avons insisté sur cet aspect dimensionnel.<br />
L’originalité de l’ouvrage tient à 2 parties<br />
inédites qui répondent à des questions<br />
bien embarrassantes en urgence,<br />
quoique non cliniques : ce sont d’abord<br />
les situations particulières péri-urgence<br />
telles que la présence d’enfants avec<br />
le patient, les soins à donner à un<br />
patient célèbre ou à un patient du<br />
LIVRES<br />
Nouveau dictionnaire critique<br />
d’action sociale<br />
Edition mise à jour sous la direction<br />
de Jean-Yves Barreyre et Brigitte<br />
Bouquet<br />
Bayard, 34 €<br />
Ce Nouveau dictionnaire critique d’action<br />
sociale donne accès à des théories<br />
sélectionnées dans différents champs<br />
disciplinaires, aux concepts de base,<br />
dont il s’efforce de discuter la valeur et<br />
de montrer le maniement, les applications<br />
envisageables et utiles, les recommandations<br />
méthodologiques.<br />
Aux dimensions fondamentales et pratiques<br />
déjà présentes dans la première<br />
édition, les rédacteurs de la nouvelle<br />
mouture se sont efforcés d’ajouter différentes<br />
analyses des enjeux sociaux.<br />
Ainsi, un certain nombre de termes nouveaux<br />
accompagnent la production de<br />
textes réglementaires parus dans les<br />
années 2000 et particulièrement les lois<br />
de janvier et mars 2002, celle de 2004<br />
sur les libertés locales et la loi du 11 février<br />
2005, ainsi que les décrets, arrêtés<br />
et circulaires qui en découlent.<br />
Pour exemple, si l’entrée « citoyenneté »<br />
était présente dans le dictionnaire de<br />
1995, elle a été revisitée et elle s’interroge<br />
aujourd’hui avec les notions d’« usagers<br />
et de rapports sociaux d’usage », de<br />
« participation » ou de « situations sociales<br />
», mais aussi de « dépendance »,<br />
milieu médical, ou encore que faire si<br />
le patient est accompagné d’un animal.<br />
Ces situations ne sont pas anecdotiques,<br />
elles prennent beaucoup de temps,<br />
même une fois établi le diagnostic.<br />
GM : Pourquoi un livre sur les urgences<br />
psychiatriques traite-il des appels téléphoniques<br />
?<br />
M-J G : Par ailleurs, il ne saurait exister<br />
d’urgence psychiatrique sans l’appel<br />
téléphonique, et nous avons tenté de<br />
recenser les grandes catégories d’appels.<br />
GM : De nouvelles demandes existentelles<br />
aux urgences psychiatriques ?<br />
La psychiatrie des urgences<br />
Direction de la rédaction Marie Jeanne Guedj, Jean-<br />
Claude Pascal<br />
Eisai Editions de l’Interligne<br />
Depuis une quinzaine d’années, l’ampleur croissante prise,<br />
en France, par les demandes adressées aux services d’urgences<br />
et, au sein ou à la périphérie de ceux-ci, les demandes<br />
psychiatriques, font du sujet une question importante<br />
de santé publique. Ils entraînent une augmentation<br />
du nombre d’articles et d’ouvrages traitant de différents<br />
aspects de la question. Il est toutefois assez rare de trouver<br />
avec réussite, concentrée en un seul ouvrage, ramassée<br />
dans un volume contenu (315 pages) la description<br />
d’une matière qui peut appeler autant de développements<br />
différents. C’est donc quasiment une petite encyclopédie<br />
rigoureuse et concise sur la psychiatrie en urgence que<br />
les auteurs réunis par Marie Jeanne Guedj et Jean Charles<br />
Pascal, auteurs eux-mêmes, nous proposent. L’intitulé laisse<br />
entendre, et la lecture le vérifie, que ce n’est pas uniquement<br />
de description classique des pathologies aiguës dont<br />
il va être question. L’ouvrage traite également de situations<br />
graves, complexes, ou très inhabituelles, abordées<br />
dans un contexte d’urgence, c’est-à-dire lorsque le temps<br />
manque et que le clinicien doit s’ingénier à le créer en suscitant,<br />
si possible, des modalités d’alliance thérapeutique.<br />
Il est rare également qu’un ouvrage réunisse autant d’auteurs<br />
intervenant de points de vue différents et pourtant<br />
assez convergents, de cliniciens également psychanalystes,<br />
systémiciens, comportementalistes, entre autres. Pour qui<br />
connaît un peu le domaine on retrouve, dans ce livre, les<br />
signatures de ce qui ce fait de reconnu, d’expérimenté, en<br />
France, dans le domaine de l’urgence psychiatrique, parfois<br />
depuis fort longtemps, à une époque où, comme le<br />
de « compensation » ou d’« empowerment<br />
», notices qui explorent l’effectivité<br />
de cette citoyenneté pour chacun,<br />
et notamment pour les plus vulnérables.<br />
Ce dictionnaire tient compte du nouveau<br />
cadre de l’action sanitaire et<br />
sociale et des débats qui l’ont accompagné,<br />
avec les notices « qualité », « référentiels<br />
», « intervention sociale » ou «réseaux<br />
de santé ».<br />
Enfin, dans le contexte de « décentralisation<br />
» ou « déconcentration » de l’action<br />
sociale, ce nouveau dictionnaire<br />
interroge les notions de « subsidiarité »<br />
et de « gouvernance ».<br />
Dix ans plus tard, des secteurs entiers<br />
de l’action sociale sont revisités comme<br />
celui de la famille, avec les nouvelles<br />
entrées de « médiation familiale », de<br />
« pluriparentalité », d’« homoparentalité »,<br />
de « familialisme », ou d’« intergénérationnel<br />
» qui indiquent les nouveaux<br />
questionnements à propos de l’institution<br />
familiale, liés aux évolutions économiques,<br />
sociales et culturelles récentes.<br />
De la même manière, la question du<br />
travail est aussi explorée sous l’angle<br />
de l’« employabilité » ou du « sous-emploi<br />
». De nouveaux secteurs de l’intervention<br />
sont abordés comme ceux de<br />
la « téléphonie sociale », l’aide aux « victime(s)<br />
», la « médiation sociale » ou encore<br />
la lutte contre les « sectes ».<br />
La question des femmes est introduite<br />
notamment par les deux nouvelles notices<br />
de « genre » et de « parité ».<br />
M-J G : Indépendamment du diagnostic,<br />
il existe des populations particulières<br />
pour lesquelles une vigilance<br />
accrue s’impose actuellement : les adolescents,<br />
les personnes âgées, les<br />
patients en grande précarité.<br />
De nouvelles demandes arrivent, pour<br />
des pathologies anciennement connues<br />
et traitées jusque là en dehors de l’urgence,<br />
par exemple les troubles du<br />
comportement alimentaire, les troubles<br />
obsessionnels et toutes sortes de dépressions,<br />
les troubles liés à l’orientation<br />
sexuelle.<br />
Enfin, les situations de stress de la vie<br />
sociale convergent aussi vers les<br />
urgences : stress lié au harcèlement au<br />
travail, au rythme effréné des change-<br />
Les violences sexuelles sur<br />
mineurs<br />
La justice peut-elle contribuer à la<br />
reconstruction des victimes ?<br />
Caroline More<br />
L’Harmattan, 22 €<br />
La prise en compte des abus sexuels<br />
sur mineurs et de leurs répercussions<br />
psychologiques est récente. Pourtant,<br />
les enfants abusés ont besoin à la fois<br />
du soutien d’adultes non défaillants, et<br />
de la reconnaissance de la société. Caroline<br />
More observe le cheminement<br />
de jeunes filles violées et maltraitées,<br />
qui essayent de retrouver un sens dans<br />
leur vie. En s’appuyant sur des études<br />
de cas et des témoignages publiés, cet<br />
ouvrage vise à une compréhension des<br />
violences sexuelles sur mineurs et de<br />
l’interrelation entre justice et psychothérapie<br />
pour la reconstrucion des victimes.<br />
Les problématiques d’autodestruction,<br />
de retournement de l’agressivité contre<br />
soi dans un mouvement de honte et de<br />
culpabilité, sont très féminines. Les<br />
conséquences des circonstances de<br />
l’abus et des réponses judiciaires : classement,<br />
non-lieu, relaxe, acquittement,<br />
condamnation pourraient être déterminées.<br />
Enfin, dans notre société, les<br />
difficultés psychologiques s’expriment<br />
plus souvent par des passages à l’acte.<br />
On assiste à un affaiblissement général<br />
des limites, entre fantasme et réalité,<br />
entre permis et interdit.<br />
Or, les problématiques de l’agir, avec<br />
URGENCES ■ 11<br />
ments sociaux, ou à l’extrême à des<br />
catastrophes psychosociales.<br />
Il s’y ajoute, et c’est une bonne chose,<br />
la demande accrue d’informations de la<br />
part des patients et des familles mais<br />
aussi, et nous avons un devoir de réserve,<br />
celle de renseignements dans le<br />
cadre d’enquêtes négligeant le secret<br />
médical.<br />
GM : Ne crains-tu pas que l’évolution<br />
rapide de la société, qui touche aussi la<br />
psychiatrie, rende cet ouvrage rapidement<br />
dépassé ?<br />
M-J G : Bien sûr, c’est pourquoi il sera<br />
évolutif et donnera lieu aux rééditions<br />
nécessaires. J’en profite pour rendre<br />
hommage, une nouvelle fois, à la centaine<br />
d’auteurs qui se sont astreints à un<br />
plan et à un format contraignants et<br />
pour remercier le laboratoire EISAI et<br />
les Editions Interligne d’avoir assuré le<br />
support logistique. ■<br />
fait remarquer Marie Jeanne Guedj dans sa préface, cette<br />
question relevait plutôt de quelques initiés militants. La<br />
moitié des régions françaises, les plus importantes, celles<br />
qui font « école », y contribuent, que ce soit des cliniciens<br />
universitaires ou du secteur psychiatrique, des praticiens<br />
exerçant dans le privé, des travailleurs sociaux ou des infirmiers,<br />
d’où l’expression d’une richesse clinico-géographique<br />
et catégorielle assez remarquable.<br />
L’ouvrage est divisé en six parties : la première est consacrée<br />
aux principes généraux, qui traitent de la psychopathologie,<br />
de l’éthique, de l’organisation des soins, du droit,<br />
de l’évaluation, des principes de traitement, etc. La deuxième<br />
traite des situations cliniques selon le mode d’arrivée :<br />
crise suicidaire, familiale, les comorbidités, les troubles du<br />
comportement alimentaire, l’épuisement professionnel,<br />
les troubles cardio-vasculaires, le stress et les catastrophes,<br />
etc. Un troisième chapitre aborde les questions selon les<br />
grandes catégories nosographiques : troubles obsessionnels,<br />
phobiques, anxieux, troubles de la personnalité, psychoses<br />
et schizophrénies... Un quatrième traite des situations<br />
selon l’âge : l’adolescent, la femme enceinte, le sujet<br />
âgé. Un cinquième chapitre, assez original, traite des situations<br />
particulières : parmi celles-ci, le patient célèbre,<br />
ou sans argent, armé, SDF, etc. Enfin, l’ouvrage aborde la<br />
question du travail au téléphone et de l’intervention à domicile,<br />
et se clôt sur des modèles de certificat.<br />
Chaque chapitre est clair, concis, accompagné d’une courte<br />
bibliographie. Il constitue une source d’information très<br />
riche pour un public large, et apprendra beaucoup aux<br />
praticiens du champ. Nous félicitons les directeurs de la<br />
publication, outre leur contribution, propre, pour leur talent<br />
à réunir des compétences aussi variées. Il s’agit donc<br />
d’un ouvrage hautement recommandé.<br />
S. Kannas<br />
des symptômes tels que l’automutilation,<br />
se retrouvent chez les victimes avec<br />
lesquelles l’auteur a été en contact ; en<br />
revanche, elles apparaissent peu dans<br />
les témoignages publiés par des victimes<br />
d’agressions dans les années 1950<br />
ou 1980. On peut donc se demander<br />
quelle est l’influence du contexte socioculturel<br />
et de l’évolution des psychopathologies<br />
sur la forme que prend<br />
le syndrome post-traumatique.<br />
En tout état de cause, alors que les violences<br />
sexuelles entraînent toujours des<br />
perturbations majeures, il est important<br />
de développer notre connaissance à ce<br />
sujet, de manière à prévenir et repérer<br />
ces situations, mais aussi à améliorer<br />
les prises en charge.<br />
Langue(s) maternelle(s)<br />
Sous la direction de Anne Bourgain<br />
et Marie-Claude Fourment-<br />
Aptekman<br />
Cahiers de l’Infantile<br />
L’Harmattan, 20,50 €<br />
Ce numéro, consacré aux langues maternelles,<br />
tente d’explorer l’étrange rapport<br />
à cette langue qui nous confronte<br />
toujours à la fois à l’intime et à l’étranger.<br />
Si la langue dite maternelle est le<br />
premier idiome dans lequel baigne l’enfant<br />
- l’infans étant parlé avant qu’il ne<br />
parle - elle est aussi la langue de l’oubli,<br />
du refoulement, ou celle de l’interdit,<br />
du tabou, comme l’illustre le célèbre<br />
cas de Louis Wolfson plusieurs fois évoqué<br />
dans ce numéro.
12<br />
LIVRES<br />
■ ÉTHIQUE<br />
Parents et professionnels<br />
face au dévoilement du<br />
handicap<br />
Dires et regards<br />
Serge Ebersold<br />
Erès, 23 €<br />
Plus qu’il ne s’annonce, le handicap<br />
se dévoile tout au long d’un processus<br />
diagnostique qui exige des soignants<br />
une grande humanité et qui<br />
confronte les parents à une succession<br />
de vérités traumatiques. Pour<br />
ces derniers, le diagnostic ne constitue<br />
pas un aboutissement. Il ouvre<br />
une incertitude quant au futur de<br />
l’enfant, aux soutiens qu’ils vont trouver,<br />
à leur devenir. Le handicap est<br />
indissociable des multiples stigmates<br />
qui jalonnent la vie quotidienne et<br />
qui leur signifient qu’avant d’être des<br />
parents, ils sont désormais des parents<br />
d’enfants handicapés, voire des<br />
parents handicapés.<br />
La première partie de cet ouvrage<br />
rapporte le dévoilement du handicap<br />
aux grilles de lecture de la déficience,<br />
puis sont mis en lumière les différents<br />
modes de qualification de l’annonce<br />
alors que le chapitre 2 met en exergue<br />
diverses configurations susceptibles<br />
de la régir. Le chapitre suivant relie<br />
le registre de cohérence des parents<br />
à celui des soignants et distingue le<br />
registre anthropologique des premiers<br />
de celui de la sollicitude médicale<br />
qu’adoptent les soignants.<br />
La seconde partie rapporte le dévoilement<br />
du handicap aux conséquences<br />
de l’événement pour les familles. Est<br />
ensuite montré le processus de désidentification<br />
et de disqualification<br />
que doivent affronter les parents. Les<br />
mécanismes de disqualification sociale<br />
sont reliés aux preuves de reconnaissance<br />
qu’ils trouvent auprès<br />
des professionnels.<br />
Enfin, sont présentées les grilles de<br />
lecture qu’ont les professionnels de<br />
l’accompagnement et leur aptitude<br />
à faire de celui-ci un vecteur de reconnaissance<br />
sociale.<br />
La psychologie de la vie<br />
Alfred Adler<br />
Traduit de l’anglais, introduit,<br />
commenté et annexé par Régis<br />
Viguier<br />
L’Harmattan, 19 €<br />
Régis Viguier travaille depuis de nombreuses<br />
années à l’explicitation de<br />
l’œuvre d’Adler et est l’un des spécialistes<br />
d’Adler en France qui occupe<br />
une place importante dans la psychologie<br />
des profondeurs que démontre<br />
son succès, dès 1920, dans<br />
beaucoup de pays d’Europe et aux<br />
Etats-Unis.<br />
L’adlérisme apporte une contribution<br />
à la compréhension du comportement<br />
humain et de ses motivations<br />
inconscientes : la formation de la personnalité<br />
autour d’une grille de lecture<br />
qui s’installe très tôt, la possibilité<br />
de comprendre cette grille de<br />
lecture et ses déviations pathologiques,<br />
le sens à attribuer à la vie, la<br />
tendance universelle à tout faire pour<br />
se développer le mieux ou le moins<br />
mal possible face aux difficultés de<br />
l’existence qui ravivent le sentiment<br />
de vulnérabilité et de limitations de<br />
la personnalité.<br />
Un certain nombre de ses idées ont<br />
pénétré la psychologie actuelle, sans<br />
que l’on signale toujours leur origine,<br />
comme le rôle de la fratrie dans la<br />
construction de la personnalité, les<br />
principes d’une éducation fondée sur<br />
la psychologie, les attitudes assurant<br />
des relations et des échanges équilibrés<br />
et satisfaisants entre les personnes<br />
et les groupes.<br />
Thème abordé aux journées de<br />
l’Ecole de la Cause Freudienne en<br />
novembre dernier, il rebondit dans<br />
l’abord qu’en font d’autres journées,<br />
celles de L’association française de psychiatrie<br />
et psychologie sociales en<br />
décembre.<br />
La société d’aujourd’hui revendique<br />
une totale transparence des sources<br />
d’informations qui lui sont données,<br />
et cela s’applique à tous et pour tout<br />
Cependant quand il s’agit du secret<br />
médical, confidentialité nécessaire et<br />
incontournable pour soigner au mieux<br />
un sujet souffrant, la société tend à<br />
objecter sous les auspices d’une redoutable<br />
respectabilité de bonne intentionnalité<br />
soupçonneuse, la vulnérabilité<br />
dudit sujet souffrant.<br />
Et un tiers n’a alors de cesse que de<br />
pousser ce secret à être dévoilé par<br />
celui-là même qui y est tenu ; ce qu’il<br />
ne souhaiterait pas pour lui-même bien<br />
entendu. Des formules comme : «De<br />
secret, point tant s’en faut et surtout pas<br />
qu’on me l’objecte », ou encore : « Du<br />
secret oui, mais qu’à mon usage », résument<br />
la place du secret dans notre<br />
société.<br />
Se dégage donc l’idée du secret à préserver<br />
dans l’intérêt de chacun mais<br />
qui peut s’opposer aux intérêts de certains<br />
autres, de la collectivité aussi dont<br />
tout un chacun dépend cependant.<br />
Conflits d’intérêts que ce secret ! Ce<br />
dont certains ont l’idée qu’on pourrait<br />
en abuser ! Force est alors de penser à<br />
celui auquel il profite le plus et d’en<br />
débattre dans l’intérêt de tous.<br />
Qu’en est-il du secret en<br />
psychiatrie ? Et si tel est le cas quelle<br />
serait sa particularité ?<br />
Outre que la maladie psychiatrique ne<br />
s’objective pas, et tant que les symptômes<br />
ne la révèlent pas d’une façon<br />
incontestable, l’expression des<br />
croyances d’un sujet à partir desquelles<br />
il choisit de se positionner, est avant<br />
tout un choix subjectif qui ne gêne que<br />
lui ; c’est son domaine privé, son jardin<br />
secret, son secret. Quand par ses<br />
croyances, ce même sujet implique les<br />
autres sans qu’ils y consentent, de secret<br />
il n’y a plus. Ce secret est tombé dans<br />
le domaine public qui alors le traite, le<br />
domaine public sommé qu’il est de le<br />
faire pour une société solidaire. Voilà<br />
une façon d’aborder la maladie psychiatrique<br />
déclarée et le jardin secret du<br />
patient qui ne l’est plus, puisque le sujet<br />
malade ne le gére plus lui-même, ni<br />
même aidé s’il a choisi de l’être. Mais<br />
au fond là tout est simple et peu à<br />
même de susciter des conflits, car de<br />
secret violé il n’y a pas.<br />
Que peut donc bien susciter l’idée<br />
d’un secret ?.... à ceux qui ne sont<br />
pas mis dans ce secret, s’entend<br />
L’essence du secret, son ressort, ce<br />
autour de quoi une polémique naît,<br />
c’est comme dirait Monsieur de La<br />
Palisse qu’il n’est pas partagé, et qu’il y<br />
en a qui en sont exclus.<br />
Le problème du secret, c’est justement<br />
quand il est violé, quand il est dévoilé<br />
alors que le sujet n’y consent pas, question<br />
de moment ou de destinataire.<br />
Là est le ressort du secret, d’être dévoilé,<br />
avec des effets pas forcément mesurables<br />
ou prévisibles, tant pour celui<br />
qui le détient que pour celui qui le<br />
recueille, tant pour celui qui en est le<br />
confident que pour celui auquel il est<br />
adressé.<br />
Il faut, en effet, être au minimum deux<br />
pour qu’il y ait secret, un qui sait et<br />
l’autre qui ne sait pas, mais qui sait qu’il<br />
ne sait pas. Si on y réfléchit bien, cette<br />
position duelle préside déjà à la naissance<br />
de tout être humain dans le<br />
monde des hommes, être humains<br />
doués du langage et d’un savoir qu’ils<br />
transmettent de multiples façons, mais<br />
toujours de façon plus ou moins<br />
consciente ou inconsciente. Le secret se<br />
révèle maintenant sous un autre aspect,<br />
le secret comme faute, faute par défaut<br />
de transmission, faute par refus de<br />
transmission, faute par vice de transmission,<br />
etc.….faute car jouissance d’un<br />
savoir dévoilé à des fins privées.<br />
Qu’en est-il alors du secret exclu du<br />
savoir, soit parce qu’il est<br />
inconscient et en attente de<br />
déchiffrement, soit parce qu’il est<br />
simplement indicible ?<br />
Indicible, ce secret travaille à notre insu<br />
et contribue à nos particularités. Il est le<br />
lot de tout un chacun et un fardeau<br />
pour tout un chacun. Personne ne se le<br />
dispute, et en somme il ne fait pas<br />
secret pour les autres mais pour soi.<br />
C’est un objet d’étude pour la psychanalyse,<br />
ou de contrôle pour les psychothérapies,<br />
selon que le sujet préfère<br />
le mettre en lumière ou l’enfouir. Il<br />
choisit dans les deux cas d’en faire un<br />
symptôme qu’il circonscrit pour pou-<br />
L’ÉTUDE SOHO (Schizophrenia Outpatients Health<br />
Outcomes study)<br />
A propos du secret<br />
L’étude SOHO (Schizophrenia Outpatients Health Outcomes) est une étude<br />
européenne prospective, non interventionnelle et observationnelle, portant sur<br />
des patients venant consulter à l’hôpital et en cabinet de ville et soumis à une<br />
thérapeutique antipsychotique pour schizophrénie. Tous les patients étudiés<br />
ont reçu un nouveau médicament au début de l’étude, soit comme premier<br />
traitement soit en remplacement du précédent.<br />
L’inclusion des patients a commencé en septembre 2000 et s’est terminée en<br />
décembre 2001. La dernière consultation a eu lieu en janvier 2005. Les patients<br />
ont été suivis sur 3 ans.<br />
Dix pays européens ont participé à l’étude : Allemagne, Danemark, Espagne,<br />
France, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni. Les cinq principaux<br />
contributeurs étaient l’Allemagne (ayant inclus 29% des patients), l’Italie<br />
(28%), l’Espagne (20%), la France (9%) et la Grèce (7%).<br />
10 972 patients vus en consultation, correspondant aux critères d’admission<br />
et justifiant une prescription thérapeutique, ont été inclus. Parmi eux, 10 204<br />
patients (dont 42% de femmes) ont été inclus dans l’analyse des données.<br />
L’état clinique a été évalué par l’échelle d’impression clinique globale de la<br />
schizophrénie (CGI-SCH : Clinical Global Impression-Schizophrenia). L’échelle<br />
CGI-SCH évalue l’ensemble des symptômes (positifs, négatifs, cognitifs et dépressifs)<br />
de la schizophrénie et fournit une appréciation sur la sévérité globale<br />
de la maladie.<br />
La qualité de vie a été évaluée en utilisant l’échelle européenne de qualité de<br />
vie (EuroQol/EQ-5D : European quality of Life scale). L’EQ-5D est un questionnaire<br />
rempli par les patients. Portant sur 5 domaines qui leur permettent<br />
d’apprécier leur état de santé, c’est un instrument reconnu d’auto-évaluation<br />
de la qualité de vie.<br />
La tolérance a été évaluée par les psychiatres à l’aide d’un interrogatoire. La<br />
dystonie, l’akathisie et le syndrome extra-pyramidal ont été mesurés sur une<br />
échelle de 4 points (« absent » ; « présent sans interférer sur le fonctionnement<br />
et la qualité de vie » ; « présent et interférant sur le fonctionnement et la qualité<br />
de vie » ; « présent et l’emportant sur les effets thérapeutiques »).<br />
L’hyperprolactinémie et le dysfonctionnement sexuel ont aussi été recherchés<br />
voir le dire ou au contraire le cacher,<br />
symptôme dont notre sujet cherche<br />
à s’accommoder pour se sentir en<br />
accord avec lui-même et mieux avec les<br />
autres. Inconscient, ce secret est dépendant<br />
des dires et des non-dits d’une<br />
histoire familiale dans laquelle naît chacun<br />
d’entre nous. Le secret fait lien car<br />
il fait consister le roman familial, le<br />
roman de chacun quand à sa place<br />
dans l’histoire de ses parents, et pour les<br />
parents dans l’histoire de leurs propres<br />
parents. Les secrets font le nid d’histoires<br />
conflictuelles entre les générations<br />
(1), histoires qui font nouages ou<br />
qui font des nœuds parce qu’emmêlés.<br />
Car, c’est bien dans la vie d’une<br />
famille constituée d’un père, d’une<br />
mère et d’un enfant, une famille inscrite<br />
un temps, même s’il a été fugitif,<br />
dans une relation à l’autre sexe, que<br />
l’identité d’un sujet va voir le jour, identité<br />
sexuée aussi puisque le sexe biologique<br />
n’y suffit pas à lui tout seul. Il a<br />
fallu pour cela qu’une femme soit pour<br />
un homme un objet cause de son désir,<br />
désir doué d’une certaine profondeur<br />
affective au risque sinon d’effets destructeurs.<br />
Lacan définit le père à partir<br />
de sa capacité à faire d’une femme<br />
l’objet cause de son désir et de son<br />
amour, une femme symptomatique de<br />
sa vie inconsciente. L’enfant peut ensuite<br />
rencontrer à son tour un objet que<br />
fait valoir le désir du père, et qui peut<br />
contrer les objets et les semblants de la<br />
marchandise (2).<br />
A défaut de cas cliniques les romans de<br />
François Mauriac illustrent les modalités<br />
que peuvent prendre le secret de<br />
chacun traité ici dans le cercle fermé<br />
des mésalliances familiales.<br />
« Thérèse Desqueyroux » ne sera<br />
pas pour Bernard son mari « à la<br />
voie, comme ses carrioles »<br />
Bernard avait besoin de ses ornières,<br />
écrit Mauriac, autrement dit de gestes<br />
et de paroles qu’il est d’usage d’échanger<br />
tous les jours, depuis des générations.<br />
Deux secrets co-existent, s’interpénètrent<br />
et se déclinent, chacun avec leur<br />
logique mais sans jamais trouver de<br />
juste milieu. Si « se mettre à la voie »,<br />
est naturel pour Bernard, un homme<br />
inscrit naturellement dans les lois du<br />
groupe des hommes et de ce qu’ils<br />
font tous dans son milieu, c’est ce que<br />
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
ne peut pas faire d’emblée Thérèse,<br />
une femme qui comme chaque femme<br />
n’attend pour s’y inscrire à son tour<br />
que d’être aimée de Bernard pour ce<br />
qu’elle est (3).<br />
Le secret de ce couple, c’est qu’il ne<br />
peut faire couple, sauf à ce que l’un<br />
des deux meure. Et si ce qu’il faut avant<br />
tout pour vivre dans cette microsociété<br />
de province, c’est garder sauves les<br />
apparences de leur couple, Thérèse le<br />
pourra en vivant loin de Bernard et à<br />
Paris, ce qu’il consent.<br />
Le drame de Louis dans Le nœud<br />
de Vipères, trahi dans son amour<br />
non partagé pour Isabelle, c’est de<br />
croire n’être qu’une valeur<br />
marchande pour la famille de sa<br />
femme et sa femme<br />
Isabelle restera amoureuse d’un seul<br />
homme mais il l’a éconduite. Pour sa<br />
famille elle est à marier au plus vite,<br />
mais dans un milieu qui ne peut plus<br />
être celui auquel elle appartient. Louis<br />
reste un parti possible parce qu’il est<br />
riche. Mais il est aussi riche de l’amour<br />
de sa mère puis ensuite de deux<br />
enfants : Marie sa nièce et Luc son fils,<br />
qui l’aiment en retour mais que leurs<br />
morts lui retirent. C’est vers l’amour<br />
de Dieu qu’il se tourne à la fin de sa<br />
vie, amour infini et indéfectible sauf à<br />
le refuser ou à en douter, amour pour<br />
ce qu’on est et quoi que l’on soit,<br />
amour auquel Louis consent à rouvrir<br />
son cœur. Ce trésor d’amour qu’il renferme<br />
et que sa femme et ses enfants<br />
lui dénient parce qu’ils ne l’aiment pas,<br />
il n’en fera plus son secret. Il leur livrera<br />
posthume dans son journal.<br />
Cette question de l’amour, sa force,<br />
son essence, son pouvoir sur les<br />
êtres, taraude toute l’œuvre de<br />
Mauriac<br />
Dans L’agneau un jeune homme prêt<br />
à entrer au Séminaire, accepte de donner<br />
sa vie pour sauver un enfant et<br />
une femme, des tourments d’un<br />
homme, le mari de cette femme et le<br />
père adoptif « à l’essai » de ce garçon.<br />
Cet homme donc qui l’invite chez lui,<br />
a pressenti ce don de soi qu’il veut<br />
éprouver jusqu’au sacrifice, sacrifice<br />
ultime de sa vie par amour. Comme le<br />
Christ pour sauver les hommes du<br />
péché de jouissance, cet « Agneau » va<br />
renoncer à l’amour d’une femme et à<br />
celui d’un enfant, pour sauver son bourreau.<br />
Ce sacrifice pourra-t-il faire le<br />
pendant au désert d’amour de cet<br />
homme devenu ce bourreau là, après<br />
par l’interrogatoire.<br />
Menée durant 3 ans auprès de 933 patients schizophrènes en France débutant<br />
un traitement (ou changeant de traitement) antipsychotique, l’étude a recueilli<br />
régulièrement plusieurs séries de données. Pour chaque patient, les psychiatres<br />
investigateurs ont notamment fourni des données sur le profil du<br />
patient, la prise en charge (hospitalisation, traitement psychotrope...), la situation<br />
clinique avec une évaluation de la sévérité du trouble schizophrénique,<br />
globalement et par type de symptôme (échelles ICGSCH, cotée de 1 à 6 par<br />
ordre croissant de sévérité des troubles) et une évaluation des troubles du comportement<br />
(usage de drogue...).<br />
Les patients ont répondu à un questionnaire sur la satisfaction à 2 reprises (à<br />
l’inclusion et après 6 mois de suivi). Le taux de réponse au questionnaire de<br />
satisfaction est de 80,6%. L’opinion du patient sur le traitement psychotrope<br />
était mesurée à travers une question unique comportant 4 modalités de réponses<br />
: « très satisfait », « plutôt satisfait », « pas vraiment satisfait », « pas du<br />
tout satisfait ».<br />
La cohorte française en comparaison avec les résultats européens, met en évidence<br />
les données suivantes :<br />
- Un taux d’interruption de traitement de 42%. La raison la plus fréquente est<br />
le manque d’efficacité (47%), suivie par la demande du patient (33%), le<br />
manque d’observance (29,6%) et l’intolérance (17,7%). Les principaux facteurs<br />
influençant le risque d’interrompre le traitement sont la sévérité des symptômes,<br />
le changement pour un nouvel antipsychotique en début d’étude et<br />
l’abus de toxiques.<br />
- Un taux de rechute de 49%. Les principaux facteurs associés aux rechutes<br />
sont la sévérité des symptômes dépressifs et la prescription concomitante d’antipsychotiques<br />
et d’anxiolytiques lors de l’entrée dans l’étude.<br />
- Un taux de rémission de 60,6% . La sévérité générale du score CGI-SCH, les<br />
scores de symptomatologie positive et négative plus élevés et le traitement par<br />
les autres antipsychotiques que Zyprexa ® offrent moins de chances de rémission.<br />
A l’inverse, présenter un épisode de schizophrénie pour la première fois,<br />
exercer un emploi rémunéré, avoir des symptômes moins sévères et être traité<br />
par Zyprexa ® sont autant de facteurs qui pourraient augmenter les chances<br />
de rémission. ■<br />
G.M.
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
avoir été un adolescent déçu par la<br />
mère qu’il avait idéalisée ? Le secret<br />
de cet homme devenu ce bourreau<br />
là, c’est d’avoir découvert que sa<br />
mère ne l’aimait pas autant qu’il le<br />
pensait et autant qu’il l’aimait. Sa<br />
mère aimait son amant plus que son<br />
fils, et son fils aimait sa mère plus<br />
que tout. Et c’est dans Le baiser au<br />
lépreux que Mauriac donne à Jean<br />
le choix de mourir par amour et non<br />
plus par jouissance, afin de libérer<br />
d’un mariage arrangé sa femme<br />
Noémi qui ne l’aime pas. Elle ne supporte<br />
un contact physique avec lui<br />
que quand il est malade, sinon c’est<br />
elle qui se meurt.<br />
C’est enfin dans Destins que<br />
s’enchevêtrent des amours<br />
traversés par des voluptés<br />
coupables<br />
Plutôt que de perdre Paule la femme<br />
qu’il aime, Robert va se suicider. Le<br />
secret de sa vie dissolue révélé par<br />
Pierre, son ami jaloux, à Paule, fait<br />
vaciller l’amour qu’elle a pour lui. Et<br />
Pierre le moins aimé, y compris par<br />
sa mère, choisit la voie de Dieu.<br />
« Pierre fut toujours celui des deux qui<br />
aime plus qu’il n’est aimé et qui souffre.<br />
Ces cœurs éternellement trompés sont<br />
ici bas, du gibier pour Dieu », écrit<br />
Mauriac.<br />
Le secret de tous ces secrets de<br />
familles livrés dans les romans de<br />
Mauriac, naît de cette quête éperdue<br />
d’un amour qui toujours échappe<br />
et ne comble rien, et des efforts de<br />
chacun pour le capturer enfin.<br />
L’amour penche par nature du côté<br />
de « l’être », dans le sens d’être amoureux<br />
ou d’être aimé, et non pas de<br />
l’avoir, dans le sens de le capturer et<br />
de le garder pour toujours. Mauriac<br />
fait apparaître la foi comme pendant<br />
à cette fondamentale déception<br />
qu’est l’amour humain qui penche<br />
plutôt du côté de « l’avoir », que du<br />
côté de « l’être ». Ce n’est pas sans<br />
rappeler les formules de la sexuation<br />
de Lacan dans Télévision qui reprennent<br />
cette question de « l’avoir » et de<br />
« l’être », de l’avoir ou pas le phallus<br />
et du risque fantasmatique de le<br />
perdre pour les hommes, et pour les<br />
femmes de perdre l’amour et non<br />
pas le phallus qu’elles n’ont pas et<br />
de ne pas être aimée.<br />
Cet accès à l’amour du divin permettrait-il<br />
à l’homme d’aimer en<br />
retour ses semblables sans vouloir de<br />
retour puisqu’il est assuré d’être aimé<br />
et donc assuré d’un « avoir » après<br />
la mort? Cette forme d’amour<br />
détournée de l’objet immédiat qui le<br />
cause, rejoint en partie celui de toute<br />
mère pour quelque chose d’autre<br />
que son enfant. Ce « défaut » inhérent<br />
à l’amour maternel est nécessaire à<br />
tout être humain pour que se crée un<br />
espace de désir, un espace de désir<br />
vers un homme, vers une femme,<br />
vers une cause... Par contre, cette<br />
question de « l’avoir » donne à penser<br />
que la religion monothéiste a été<br />
dès son origine une affaire<br />
d’hommes. Dieu serait-il un choix<br />
ultime des personnages mis en scène<br />
par Mauriac, pour la garantie qu’il<br />
donne « d’un avoir » après la mort,<br />
pour la garantie de n’avoir rien perdu<br />
à aimer, un pari par delà la vie ?<br />
C’est à ce questionnement que<br />
conduisent les romans de Mauriac,<br />
à ce secret, secret qui se dévoile et se<br />
révèle aux lecteurs à force de s’écrire.<br />
■<br />
Dr. Joëlle Skriabine<br />
76, Bd Saint Marcel, 75005 Paris<br />
Bibliographie<br />
(1) SOLANO-SUAREZ E., Les secrets de<br />
famille, La Lettre Mensuelle n°252,<br />
nov.2006, p.5.<br />
(2) LA SAGNA P., La famille et la<br />
fabrique du sexe, La Lettre Mensuelle<br />
n°252, nov. 2006, p3-4.<br />
(3) LACAN J., Télévision, Seuil, 1974,<br />
p.63.<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Facteurs de risque des<br />
épisodes dépressifs en<br />
population générale<br />
Etudes et Résultats<br />
Décembre 2006 n°545<br />
DIrection de la Recherche des Etudes<br />
de l’évaluation et des Statistiques<br />
Cette étude se fonde sur trois enquêtes<br />
en population générale qui proposent<br />
chacune un outil de caractérisation de<br />
l’épisode dépressif. Deux de ces outils<br />
relèvent d’une approche catégorielle<br />
(systèmes diagnostiques du DSM-IV et<br />
de la CIM 10) et l’autre d’une approche<br />
dimensionnelle. Malgré ces différences<br />
de définition et de questionnaire, les<br />
corrélations entre caractéristiques socio-démographiques<br />
et épisode dépressif<br />
sont souvent du même ordre. Ainsi, les<br />
femmes présentent, toutes choses égales<br />
par ailleurs, entre 1,5 et 2 fois plus de<br />
risques de vivre un épisode dépressif<br />
que les hommes. Les troubles dépressifs<br />
apparaissent également étroitement<br />
liés à la situation conjugale (vie maritale,<br />
vie en couple, célibat) et notamment<br />
au fait d’avoir vécu ou non une<br />
rupture (divorce, séparation ou décès<br />
du conjoint). Il en est de même pour la<br />
situation professionnelle : les chômeurs<br />
déclarent un épisode dépressif entre<br />
1,4 et 2,1 fois plus souvent que les actifs<br />
occupés. Par ailleurs, deux enquêtes<br />
mettent en évidence une corrélation<br />
négative entre niveau d’étude et risque<br />
d’épisode dépressif. Enfin, de façon<br />
moins nette, l’âge semble avoir un impact<br />
sur ces risques, les 60-75 ans présentant<br />
une « dépressivité » moindre<br />
toutes choses égales par ailleurs.<br />
La mélancolie<br />
Etudes cliniques<br />
Marie-Claude Lambotte<br />
Economica Anthropos, 23 €<br />
A partir du discours mélancolique, M-<br />
Cl. Lambotte élabore des hypothèses<br />
métapsychologiques concernant la maladie,<br />
hypothèses qui, au cours de leur<br />
validation clinique progressivement<br />
confirmée, ont fait l’objet de nombreux<br />
articles dont ce recueil propose une sélection.<br />
A la progression chronologique des articles,<br />
a été préférée une progression<br />
thématique qui confirme la spécificité<br />
du discours mélancolique par rapport<br />
au discours dépressif, et qui, sur cette<br />
base clinique, montre les mécanismes<br />
psychiques sous-jacents de la maladie<br />
pour en déduire une figure particulière<br />
de la castration, celle que M-Cl. Lambotte<br />
a décrite comme un « déni d’intention<br />
», et qui incite à penser une structure<br />
originale de la maladie. Amené à<br />
justifier les effets d’une symptomatologie<br />
essentiellement caractérisée par<br />
un négativisme et une inhibition généralisés,<br />
le discours mélancolique laisse<br />
apparaître une figure psychique toutepuissante,<br />
celle d’un monde constitué<br />
du Sens et de la Vérité absolus qui se<br />
situerait derrière les choses, autrement<br />
dit derrière une réalité quotidienne rendue,<br />
de ce fait, totalement dénuée d’intérêt.<br />
Les derniers chapitres portent témoignage<br />
d’un mode d’organisation esthétique<br />
propre à la disposition mélancolique<br />
qui consiste à élire des objets<br />
de contemplation métonymiques de la<br />
jouissance ou de l’absolu supposé derrière<br />
les choses. La réalité quotidienne<br />
peut, dès lors, abandonner sa fonction<br />
d’écran et retrouver un certain relief,<br />
celui des projections narcissiques qui<br />
redonnent aux objets une valeur particulière.<br />
Les investissements à nouveau rendus<br />
possibles semblent, en un premier temps,<br />
concerner des objets inertes, ceux-là<br />
mêmes qu’on appelle des objets esthétiques,<br />
avec lesquels on peut, selon<br />
Freud, établir des relations affectives.<br />
Louis Bertagna : soulager la douleur<br />
morale, l’obsession d’une vie<br />
Il n’est jamais trop tard pour saluer la disparition d’un<br />
grand homme. Le docteur Louis Bertagna nous a quittés<br />
il y a déjà près de trois mois, le 27 octobre 2006. Il était âgé<br />
de 86 ans, et aura continué d’exercer jusqu’à ses derniers<br />
jours. Louis Bertagna n’était pas un psychiatre conventionnel.<br />
On en jugera par cette brève notice biographique<br />
(qu’il n’aurait sans doute pas encouragée car il détestait les<br />
honneurs). Ayant eu la chance de nouer avec lui une collaboration<br />
étroite, nous nous devions de lui exprimer ici un<br />
dernier adieu, empreint de reconnaissance, d’affection et<br />
d’un très grand respect.<br />
Né le 24 mars 1920 à Sarrebruck où son père travaillait<br />
comme ingénieur des mines, Louis Bertagna fait ses études<br />
secondaires dans un collège de jésuites de Metz. Il entreprend<br />
des études de médecine à Paris qui sont interrompues<br />
par la guerre. Il s’engage dans la résistance, participe à des<br />
activités de renseignement et aide au sauvetage des pilotes<br />
alliés tombés en zone occupée au sein du réseau « Comète<br />
». Son domicile parisien abrite une édition clandestine de<br />
Témoignage Chrétien, un hebdomadaire fondé par un jésuite,<br />
le père Chaillet, pour lutter contre le nazisme et l’antisémitisme,<br />
auquel collaborent Georges Bernanos et Jacques<br />
Maritain. Après la guerre, il reprend ses études, est nommé<br />
Interne des Hôpitaux de Paris au concours de 1946, et<br />
devient en 1950 Chef de Clinique à la faculté de médecine,<br />
dans le service du Professeur Jean Delay où il côtoie Pierre<br />
Pichot, Pierre Deniker et Thérèse Lempérière. Au terme<br />
de son clinicat, il s’installe en exercice libéral à Paris, rue de<br />
Courcelles, tout en conservant pendant trente ans (1955-<br />
1985) une activité hospitalière comme attaché de psychiatrie<br />
à l’hôpital Cochin, dans le service de rhumatologie.<br />
Louis Bertagna a toujours suivi une voie personnelle, celle<br />
dans laquelle il croyait, et non celle qui pouvait lui valoir les<br />
faveurs des uns et des autres. Il n’avait pas le sens de la « carrière<br />
», il a refusé de concourir pour être médecin des hôpitaux<br />
car cela imposait, à l’époque, un simulacre de connaissances<br />
générales sur des questions très éloignées de ses<br />
intérêts et de ses compétences, et il se méfiait des écoles de<br />
pensée qui construisent des systèmes théoriques séduisants<br />
mais éloignés de la pratique. Lorsqu’on lui demandait quelle<br />
était son école, il répliquait qu’il appartenait à la moins fréquentée<br />
des académies, celle du bon sens. Il aurait pu ajouter:<br />
celle de l’humour. C’est en effet avec un humour sans<br />
égal qu’il nous contait ses innombrables expériences. Il se flattait<br />
d’ailleurs d’avoir été à plusieurs reprises au cours de<br />
son Internat « économe » de la salle de garde !<br />
L’index levé comme un élève scrupuleux mais un brin<br />
facétieux, un large sourire fixé aux lèvres, soutenu par un<br />
regard à l’éclat noir malicieux mais toujours bienveillant<br />
derrière les verres épais de ses lunettes, le docteur Bertagna<br />
évoquait volontiers ses souvenirs, mais il n’enseignait rien :<br />
pas de chaire, peu de titres de gloires (l’homme restait toujours<br />
discret sur ses faits de guerre... comme de paix), et<br />
jamais un mot pour faire la leçon à quiconque, sauf les<br />
prétentieux et les sots. Mais à ceux qui avaient la chance de<br />
pouvoir l’écouter, il apprenait bien plus que les classifications<br />
à la mode : l’énigme de l’humain, plus sensible encore dans<br />
les déformations variées que révèle la clinique ; la difficulté<br />
de notre art qui exige beaucoup plus que nous ne pouvons<br />
donner (dans les cas difficiles, il aimait à citer cet<br />
aphorisme : « Il n’y a pas de problème auquel l’absence de<br />
remède ne finisse par apporter une solution » et avant tout, le<br />
respect de la souffrance.<br />
C’est au nom de cette souffrance qu’il s’était battu, en équipe<br />
avec trois de ses fidèles amis et disciples, pour initier<br />
en France le Lithium dans les années 68, époque à laquelle<br />
ce traitement était inconnu ou difficilement accepté.<br />
Dès le début de son activité, l’intérêt de L. Bertagna s’était<br />
porté sur la pharmacothérapie. S’étant orienté d’emblée<br />
vers les troubles de l’humeur, il fut l’un des premiers à<br />
prescrire les toutes nouvelles molécules antidépressives :<br />
tricycliques, IMAO. Il en avait pris connaissance très tôt<br />
grâce à ses lectures et ses contacts à l’étranger, et s’y était rallié<br />
avec enthousiasme. Bertagna comprit immédiatement<br />
quel espoir représentaient ces nouveaux traitements pour<br />
les soins médicaux des dépressifs. Comme clinicien, il participa<br />
ainsi activement au développement de la psychopharmacologie<br />
naissante, dont l’enseignement se mettait<br />
en place en s’organisant autour de la référence internationale<br />
que constituait la classification Delay-Deniker.<br />
Faut-il déduire de cet enthousiasme pour la pharmacothérapie<br />
que, dans l’esprit de Louis Bertagna, la psychiatrie se<br />
résumait à traiter les dérèglements d’une machinerie neurobiologique<br />
? Nous ne le pensons pas. Sa clairvoyance et<br />
son souci d’efficacité lui ont fait choisir très tôt les voies<br />
les plus appropriées pour soulager de leur immense désespoir<br />
les patients déprimés, sans s’égarer dans les débats<br />
théoriques qui dominaient alors la pensée psychanalytique.<br />
Mais il n’ignorait pas que d’autres aspects de la souffrance<br />
des patients sont inaccessibles à la chimie. Il travaillait en collaboration<br />
avec des psychanalystes et des psychothérapeutes<br />
de formations variées, auxquels il adressait les nombreux<br />
patients dont le mal de vivre impose de s’émanciper<br />
d’un passé trop lourd, ainsi que ceux dont les troubles de<br />
l’humeur se mélangent à d’autres symptômes que des techniques<br />
comportementales peuvent alléger. Lui qui a suivi des<br />
patients pendant plus de cinquante ans ne pouvait naturellement<br />
prendre à la légère l’importance de la relation, et<br />
il savait plus que tout autre qu’un médecin, a fortiori un psychiatre,<br />
représente bien davantage qu’une signature en bas<br />
d’une ordonnance.<br />
La clef de la pratique de Louis Bertagna : pas de systèmes<br />
de pensée qui enferment dans des convictions, mais une préoccupation<br />
humaine qui donne à la clinique tout son prix<br />
en maintenant entière jusqu’au bout la curiosité pour autrui.<br />
Louis Bertagna avait une vraie tendresse pour le genre<br />
humain. Au nom de ce souci de l’humain, le docteur Bertagna<br />
ne se contentait pas de soigner des patients célèbres,<br />
il restait également fidèle à tous ceux qu’il avait connus<br />
lors de ses longues années de pratique, notamment à l’hôpital<br />
Cochin en rhumatologie, où, psychiatre de liaison<br />
avant l’heure, il avait appris à concilier psychiatrie et médecine.<br />
Esprit libre, parfaitement athéorique et en cela tout à fait<br />
contemporain, Louis Bertagna n’aura été finalement tout au<br />
long de sa carrière dépendant que de la seule chose qui<br />
compte pour un médecin : le mal-être de ses patients. ■<br />
Jean-Paul Mialet, Jean-Marc Peyrouzet,<br />
Anne-Marie Quétin<br />
HOMMAGE ■ 13<br />
La mélancolie, par ce mode d’organisation<br />
qui semble lui appartenir,<br />
rendrait compte des conditions d’émergence<br />
d’une visée intentionnelle esthétique<br />
qui, aux plans clinique et phénoménologique,<br />
instaure et garantit<br />
un rapport au monde.<br />
Deuil et somatisations<br />
Coordination par Philippe Jaeger et<br />
Claire Rueff-Escoubès<br />
Revue Française de Psychosomatique<br />
2006, n°30<br />
Presses Universitaires de France, 26 €<br />
Qualifier les deuils, depuis les pertes<br />
précoces d’êtres indispensables à notre<br />
survie jusqu’à la confrontation à notre<br />
propre disparition, en retenant ceux qui<br />
infligent des blessures à la représentation<br />
de soi, idéale ou non ; évoquer les<br />
voies « choisies » pour répondre à ces<br />
événements toujours traumatiques, des<br />
voies élaboratives de l’identification et<br />
de la sublimation à celles de la somatisation,<br />
en passant par la capture de<br />
la psychose ; s’arrêter sur la voie la plus<br />
risquée parce que la moins « psychisée »,<br />
celle de la somatisation, pour mieux en<br />
saisir l’origine, le parcours et le devenir<br />
; sont les grandes lignes de ce numéro.<br />
Le deuil est, lui aussi, le propre<br />
de l’homme. Expériences toujours singulières,<br />
formes multiples, les deuils mobilisent<br />
des forces venues du plus lointain<br />
de son histoire personnelle et<br />
collective. Forces constructives et forces<br />
destructives, mouvements de vie et mouvements<br />
de mort, les deuils enrichissent,<br />
démantèlent, immobilisent ou<br />
« tuent » notre vie psychique, de façon<br />
passagère ou durable, selon les voies<br />
empruntées pour y faire face, c’est-àdire<br />
selon qu’un travail psychique accompagne<br />
ou non le deuil. Au destin<br />
de l’objet perdu pourrait répondre celui<br />
des fondements de la mentalisation,<br />
dont le travail du deuil est un des témoins,<br />
et partant, de la constitution du<br />
moi.<br />
Transformer la violence des<br />
élèves<br />
Cerveau, motivation,<br />
apprentissage<br />
Daniel Favre<br />
Dunod, 26 €<br />
Faisant le bilan de dix ans de recherches<br />
sur la prévention de la violence, l’auteur<br />
montre que les enseignants, tant<br />
au primaire qu’au secondaire, peuvent<br />
aider les jeunes à transformer leur violence<br />
en un désir d’apprendre renouvelé.<br />
Il propose, en ce sens, six outils<br />
théoriques et pratiques : apprendre à<br />
l’élève à mieux gérer les nécessaires déstabilisations<br />
cognitives et affective ;<br />
décontaminer l’erreur de la faute dans<br />
les apprentissages ; construire un mode<br />
d’autorité distinct de la domination-soumission<br />
; choisir l’affirmation de soi nonviolente,<br />
l’écoute, l’empathie et renoncer<br />
à la manipulation ; associer la<br />
transmission des savoir et la socialisation<br />
des élèves ; dépasser un conflit de<br />
valeurs de notre société et favoriser<br />
l’émergence de l’humain.<br />
Freud écrivant la<br />
psychanalyse<br />
Jean-François de Sauverzac<br />
Aubier, 22 €<br />
Des traducteurs, des psychanalystes,<br />
des philosophes et d’autres commentateurs,<br />
français, anglo-saxons, germanistes,<br />
ont particulièrement interrogé<br />
durant la seconde moitié du XX e siècle<br />
la manière dont Freud a pensé et<br />
exposé sa théorie. Pour relever les<br />
contraintes spécifiques qui se sont imposées<br />
à son écriture, Jean-François de<br />
Sauverzac en a relu de nombreux et<br />
écouté leurs interprétations du rêve de<br />
Freud : son désir de fonder la connaissance<br />
rationnelle de l’inconscient. D’où<br />
un retour au texte freudien, à quelques<br />
figures plus particulièrement importantes<br />
de la rhétorique et des stratégies<br />
mises en œuvre.
14<br />
LIVRES<br />
■ PHÉNOMÉNOLOGIE<br />
Crime ou folie : un cas de<br />
tueur en série au XIXe siècle<br />
L’affaire Joseph Vacher<br />
Olivier Chevrier<br />
L’Harmattan<br />
A partir de l’affaire Vacher, premier<br />
cas de tueur en série français avéré,<br />
cette étude interroge les courants criminologiquescontemporains,notamment<br />
la notion de « crime langage<br />
» issue de l’apport des sciences<br />
psychologiques et psychiatriques, qui<br />
font du crime un « hiéroglyphe » à décrypter.<br />
Les contextes de l’époque où se déroule<br />
l’affaire Vacher sont présentés,<br />
puis la série des crimes, leur mode<br />
opératoire, les rapports d’autopsie...<br />
Les trois discours explicatifs (du<br />
criminel, médical et juridique) sont<br />
questionnés dans leur préoccupation<br />
commune : Vacher est-il un monstre<br />
ou un insensé irresponsable de ses<br />
actes ?<br />
Enfin, l’auteur tente de franchir cette<br />
impasse inconfortable pour la pensée,<br />
à partir de sa pratique professionnelle<br />
et d’« une rencontre avec le<br />
crime ».<br />
Est ainsi étudié comment se déroule<br />
le passage à l’acte criminel, qui se situe<br />
le plus souvent dans une sorte<br />
de « zone rêve » où le crime ne devient<br />
conscient qu’après sa consommation.<br />
Le « réveil » du criminel prend<br />
corps lorsque le tueur s’aperçoit qu’il<br />
est placé « au bord du crime » à la façon<br />
d’un marcheur cheminant sur un<br />
sentier sinueux de montagne, tout<br />
absorbé et qui prend conscience, d’un<br />
coup et avec effroi, de la profondeur<br />
du ravin qui est là, sous ses pieds à<br />
quelques centimètres.<br />
Le crime serait donc inaccessible aux<br />
mots et aux modèles théoriques. Il<br />
ne serait pas nécessairement synonyme<br />
du psychisme de son auteur.<br />
Force est de constater que dans l’acception<br />
criminologique, la mise en<br />
évidence de l’existence d’une pathologie<br />
mentale démontre un rapport<br />
au monde inadapté donnant<br />
« naturellement » du sens à un acte<br />
inadapté. Mais cette croyance a son<br />
revers. En l’absence de troubles décelés,<br />
il n’y a pas d’inadaptation sociale<br />
constatée ou supposée et donc<br />
pas d’explicatifs au crime.<br />
Ce n’est qu’un nom sur une<br />
liste, mais c’est mon<br />
cimetière<br />
Traumas, deuils et transmission,<br />
chez les enfants juifs cachés en<br />
France pendant l’occupation<br />
Yoram Mouchenik<br />
La Pensée Sauvage, 20 €<br />
Ce livre décrit le cheminement contemporain<br />
d’un groupe d’enfants juifs,<br />
orphelins de la Shoah, qui ont survécu<br />
au génocide, cachés et traqués.<br />
Soixante ans plus tard, la communauté<br />
de destin de leurs parents déportés<br />
par le même convoi, partis de<br />
France pour Auschwitz en 1942, sera<br />
le lien pour la création d’une association.<br />
Leurs récits permettent de<br />
percevoir les multiples itinéraires où<br />
chacun avait encore à élaborer les<br />
traumas d’une enfance saccagée.<br />
Mais au-delà des douleurs, cet ouvrage,<br />
dans son approche, explore<br />
les dynamiques personnelles et collectives,<br />
étayées par le groupe, qui<br />
transforment les anciens « enfants cachés<br />
» en passeurs de mémoire et<br />
d’histoire pour ne pas les figer comme<br />
le dernier maillon d’une chaîne brisée.<br />
L’épreuve extrême vécue par ces<br />
enfants, alors même qu’ils étaient enfants<br />
et donc vulnérables du fait de<br />
leur processus de développement,<br />
est une modification brutale, radicale,<br />
jamais anticipable. Etre caché dans<br />
une famille d’un autre monde que le<br />
sien pour ne pas être tué est une sorte<br />
d’exil absolu interne et externe.<br />
« Ce qui est bon pour le corps est bon<br />
pour le cerveau » (1)<br />
Cette assertion ponctue les conclusions,<br />
au demeurant non dénuées d’humour,<br />
de la très contemporaine science alzheimérologique<br />
quant aux bienfaits de<br />
l’activité physique chez la « souris transgénique<br />
alzheimérisée ». La stabilisation<br />
de la quantité de plaques amyloïdes<br />
dans le cerveau, plaques présumées<br />
responsables de la démence d’Alzheimer,<br />
serait corrélée à l’exercice physique.<br />
Il a, en effet, été observé que<br />
ces plaques étaient significativement<br />
moins abondantes dans le cerveau du<br />
rongeur sportif que dans celui de son<br />
double plus sédentaire.<br />
Une telle conclusion recèle cependant<br />
à nos yeux un double mystère.<br />
Le premier : comment la description<br />
des lésions et autres anomalies, ici cérébrales<br />
disséquées chez la souris, acquièrent-elles<br />
le statut d’explication de la<br />
pathologie, en l’occurrence de la première<br />
cause de démence chez l’homme<br />
?<br />
Le second mystère concerne le statut<br />
singulier que les scientifiques éminemment<br />
spécialisés confèrent de facto<br />
à l’organe cérébral. En énonçant « ce<br />
qui est bon pour le corps est bon pour<br />
le cerveau », fut-ce en souriant, les chercheurs<br />
situeraient-ils donc peu ou prou<br />
le cerveau hors du corps ? Si tel était le<br />
cas, quelle serait donc la nature de cet<br />
organe particulier qui ne ferait pas stricto<br />
sensu partie du même ensemble que<br />
les organes corporels non cérébraux ?<br />
Les tentatives d’élucidation du premier<br />
mystère, c’est-à-dire des modes de passage<br />
de la description à l’explication<br />
dans les sciences, ont fait l’objet de<br />
nombreux travaux. Sans les développer,<br />
nous nous contenterons d’indiquer la<br />
direction de cette enquête à chaque<br />
fois que la seconde question nous y<br />
mènera.<br />
Pour le dire autrement, nous n’interrogerons<br />
l’éventuel glissement de la<br />
description à l’explication, donc la place<br />
de la causalité face à la pathologie<br />
humaine, qu’à partir de la question de<br />
la nature de l’unité disons « cérébrocorporelle<br />
» de l’homme.<br />
Cette question très contemporaine<br />
devra rapidement être rapportée à sa<br />
filiation c’est à dire à la question psychosomatique<br />
dont elle n’est, selon<br />
nous, qu’une transposition.<br />
Mais, avant d’aborder la question de<br />
l’unité naturelle de l’homme par son<br />
histoire, quelques précisions terminologiques<br />
sont requises.<br />
Alors qu’il paraît indiscutable que les<br />
neuroscientifiques spécialistes de la<br />
démence d’Alzheimer utilisent des<br />
notions aussi précisément établies que<br />
leur science le leur permet quant aux<br />
mécanismes du fonctionnement cérébral,<br />
à quel concept de cerveau, de<br />
corps, et, si possible, de psychisme ou<br />
encore de personne se réfèrent-ils<br />
donc ? Partagent-ils particulièrement<br />
ce concept avec les praticiens auxquels<br />
ils adressent leurs résultats afin que<br />
ceux-ci s’approprient leurs découvertes<br />
et en fassent le meilleur usage thérapeutique<br />
possible ?<br />
Une telle question revient à se demander<br />
non seulement comment les résultats<br />
de la recherche bio-médicale peuvent<br />
rejoindre les pratiques mais encore<br />
si les pratiques présentent elles-aussi<br />
quelque lien, quelque intérêt pour la<br />
recherche.<br />
Face à l’extension exponentielle des<br />
connaissances sur le cerveau et sur le<br />
corps, et à la sur-spécialisation de la<br />
recherche, s’accroît pour le chercheur<br />
en sciences biologiques et médicales<br />
le risque de s’éloigner fortement de<br />
l’homme malade, voire de l’homme.<br />
En cela nous estimons nécessaire de<br />
faire de cette dernière question, celle<br />
des échanges entre la recherche, la<br />
théorie avec la pratique, la première<br />
en droit.<br />
Appréhender les conditions d’un tel<br />
dialogue entre recherche scientifique,<br />
alzheimérologique ou autre, au sujet<br />
de l’homme malade, et pratique clinique,<br />
nous ramène ainsi en première<br />
instance à la question de l’élucidation<br />
des présupposés conceptuels que nous<br />
avions soulevée plus haut.<br />
Dans le cadre de notre travail, nous<br />
voulons appréhender, au prétexte<br />
d’une impasse clinique que nous considérons<br />
comme paradigmatique, certaines<br />
modalités de l’échange potentiel<br />
entre chercheurs, théoriciens et<br />
praticiens. Nous cherchons à préciser,<br />
peut-être, même à construire, l’espace<br />
de confrontation des principaux repères<br />
conceptuels des uns et des autres.<br />
L’impasse clinique que nous interpellons,<br />
vis à vis de laquelle les théorisations<br />
multiples ont reconduit autant<br />
d’inadéquations que d’obstacles, obstacles<br />
pratiques comme théoriques, est<br />
celle de la question du lien entre corps<br />
et psychisme, et de l’unité ainsi constituée<br />
; il s’agit donc de la question psychosomatique.<br />
Dans un premier temps nous allons<br />
nous efforcer de situer la question psychosomatique,<br />
les principaux moments<br />
de son histoire jusqu’aux caractéristiques<br />
essentielles de sa situation actuelle,<br />
ceci afin de documenter la nécessité<br />
de l’évolution de son traitement ;<br />
dans un second temps nous envisagerons<br />
les moyens nécessaires pour structurer<br />
cette évolution et, particulièrement,<br />
les modes d’articulation possible<br />
entre philosophie des sciences et psychiatrie<br />
phénoménologique ; enfin nous<br />
tenterons, dans une troisième partie,<br />
de fournir un aperçu des champs de<br />
réflexion pratique, théorique, puis théorico-pratique,<br />
autrement dit un aperçu<br />
du champ de recherche auquel<br />
nous semble ouvrir une telle articulation..<br />
La question<br />
psychosomatique<br />
Pour montrer en quoi la question psychosomatique<br />
est paradigmatique du<br />
problème des relations entre recherche<br />
et clinique et, plus encore, théorie et<br />
pratique, pour développer comment à<br />
partir d’elle il nous semble possible,<br />
voire souhaitable, de faire évoluer le<br />
cadre conceptuel qui régit les échanges<br />
entre théoriciens et praticiens, nous<br />
devons d’abord dire quelques mots de<br />
l’histoire clinique de cette question,<br />
non sans renvoyer à l’abondante littérature<br />
qui lui est consacrée.<br />
L’histoire clinique de la question psychosomatique<br />
est longue et complexe.<br />
Nous la situerons succinctement par<br />
rapport à la psychiatrie d’abord, pour<br />
elle-même ensuite.<br />
Psychosomatique et psychiatrie<br />
Rappelons tout d’abord que le mot<br />
« psychiatrie » est attesté en français<br />
depuis 1842, qu’il s’est formé à partir<br />
du terme de « psychiatre » apparu en<br />
Allemagne vers 1802 en même temps<br />
que l’expression « aliénation mentale ».<br />
Historiquement liés dans le relevé de<br />
leurs premières occurrences germaniques,<br />
le terme de « psychiatrie » ainsi<br />
que celui de « psychosomatique » sont<br />
attribués à Heinroth<br />
(2, 3).<br />
Nous nous situons à cette période de<br />
réaction vis à vis de la radicalisation de<br />
l’organicisme qui tentait de réduire<br />
« l’aliénation à une étiologie et à une<br />
pathogénie mécanistes » (4, p.20, 5). Organicisme<br />
dont l’attrait est renouvelé<br />
aujourd’hui par les techniques<br />
modernes d’exploration cérébrale<br />
notamment.<br />
Mais, si la psychiatrie moderne tend à<br />
être matérialiste moniste au plan théorique,<br />
suivant un palette de réductionnismes<br />
plus ou moins radicaux du mental<br />
au neuronal (6), elle demeure, et ce<br />
n’est pas là le moindre de ses paradoxes,<br />
au plan clinique tout à fait tributaire<br />
du « postulat dualiste de la dichotomie<br />
corps esprit » (7, p.764). De ce fait,<br />
organogenèse et psychogenèse demeurent<br />
les deux piliers, plus ou moins<br />
antagonistes, des références théoriques<br />
de la clinique.<br />
Chez Heinroth, dès l’origine de la<br />
notion de psychosomatique et au<br />
moment de l’apparition de cette opposition,<br />
relative donc, de psychogenèse et<br />
d’organogenèse, il semble qu’il ait été<br />
aussi bien question des passions que<br />
de la médecine de l’âme (psychè /<br />
iatros). Et cette « école psychiste » pourrait<br />
avoir constitué le berceau de ce<br />
qu’on a appelé la psychiatrie psychodynamique<br />
(4) et les théories « psychogénétiques<br />
» dont, au premier chef, la<br />
psychanalyse.<br />
C’est donc par quelques mots rapides<br />
sur la place de la psychanalyse que<br />
nous entrons dans l’histoire clinique de<br />
la question psychosomatique ellemême.<br />
Moments d’histoire de la question<br />
psychosomatique<br />
Psychosomatique psychanalytique<br />
Diverses écoles post-freudiennes ont<br />
tenté de faire au corps une place qui ne<br />
lui aurait pas été initialement accordée.<br />
Il ne s’agit pas pour nous dire ce que<br />
l’on trouverait de plus ou moins corporel<br />
chez Freud, chez Lacan, chez<br />
Jung ou chez quelque autre, ce dont<br />
nous n’avons aucunement les moyens.<br />
Nous constatons seulement que, selon<br />
les recensements, probablement partiels,<br />
on peut dénombrer huit modèles<br />
« généraux » de la question psychoso-<br />
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
Pour une théorie de la pratique<br />
A propos de l’abord phénoménologique de l’unité<br />
psychosomatique (1ère partie)<br />
Equilibre de l’Institut Lilly<br />
matique avec des références psychanalytiques<br />
faibles (8) ou six modèles<br />
plus radicalement psychanalytiques (9).<br />
Un des modèles les plus connus et les<br />
plus développés est celui de Pierre<br />
Marty.<br />
Marty dépasse, dans les années 80, la<br />
notion de « maladies psychosomatiques »<br />
qu’il décrivait à partir des années 60<br />
(après l’Ecole de Paris et avec la fondation<br />
de l’Institut de Psychosomatique,<br />
l’I.P.S.O.) chez des patients porteurs<br />
d’une « pensée opératoire », factuelle,<br />
dépourvue d’affects et de fantasmes.<br />
Il ménage, depuis lors, une certaine<br />
place à la sensori-motricité chez l’adulte,<br />
à l’allergie, à l’immunologie, à divers<br />
paramètres physiologiques. Cependant<br />
Pierre Marty continue de donner à la<br />
psychanalyse, qu’il inclut d’ailleurs dans<br />
ce qu’il en vient à appeler la « science<br />
psychosomatique », une place pivot.<br />
Ainsi, lorsqu’il décrit les deux modes<br />
de « somatisation » qu’il nomme la<br />
« régression » et la « désorganisation progressive<br />
», s’il différencie l’équipement<br />
psychique du malade somatique de<br />
celui du névrosé, il voit toujours dans la<br />
somatisation une « défaite du psychisme<br />
». Bien qu’à distance du conflit mental<br />
de la névrose, il situe cette défaite<br />
dans le cadre d’un « déplacement économique<br />
» « de la psyché dans le<br />
soma » (10) d’une grande analogie avec<br />
la théorie freudienne.<br />
Considérant le psychisme humain<br />
comme l’aboutissement de la phylogenèse,<br />
il décrit les mécanismes explicatifs<br />
de ce qu’il nomme dès lors<br />
« régression ». Celle-ci réactiverait « des<br />
réponses somatiques primitives telles<br />
qu’elles se sont constituées à travers les<br />
aléas de la relation parentale en particulier<br />
la relation mère-enfant », réponses<br />
qui prennent la forme des troubles<br />
(fonctionnels) et maladies (lésionnelles)<br />
psychosomatiques.<br />
La thérapeutique psychanalytique vise<br />
Parfois préoccupante pour les patients et leur entourage, la prise de poids<br />
liée à la prise d’un traitement psychotrope est variable d’un patient à l’autre.<br />
Equilibre, initiative de l’Institut Lilly lancée en janvier 2006, consiste, à travers<br />
des ateliers, à accompagner les patients tout au long de leur traitement,<br />
en les aidant à connaître et à appliquer les conseils d’hygiène alimentaire et<br />
de vie, pour les aider à limiter leur prise de poids. En pratique, ces ateliers<br />
animés par les équipes soignantes s’adressent aux patients de plus de 18 ans<br />
souffrant de maladies psychiatriques et qui sont en général stabilisés. En<br />
moyenne, 3 à 5 patients assistent aux 8 ateliers.<br />
Les critères de sélection des participants - le poids, l’état de santé général du<br />
patient ou encore sa motivation - varient d’un centre à l’autre.<br />
Emmanuelle Patri, psychiatre à l’hôpital Paul Brousse (Villejuif) qui a supervisé<br />
le programme, souligne que la prise de poids chez les patients en psychiatrie<br />
n’est pas une fatalité. « Les ateliers Equilibre permettent au patient de<br />
mieux se nourrir et de prendre soin de son corps. L’initiative repose sur l’implication<br />
du personnel soignant et sur la responsabilisation du patient. Soyons tous<br />
persuadés soignants, patients et entourage : une prise en charge associant des<br />
conseils nutritionnels et des règles simples d’hygiène de vie peut avoir un effet<br />
bénéfique sur le contrôle du poids ».<br />
Mise en place : formation des équipes soignantes à l’animation d’ateliers<br />
Dans un premier temps, les délégués médicaux Lilly proposent l’instauration<br />
d’Equilibre dans les services hospitaliers, des hôpitaux de jour et des CMP.<br />
Les équipes soignantes souhaitant le mettre en place dans leur service bénéficient<br />
d’une formation initiale de 3 heures délivrée par des diététiciens<br />
qui les accompagnent au cours de la mise en œuvre de cette initiative.<br />
Les équipes peuvent alors animer les 6 ateliers pédagogiques et ludiques, à<br />
raison d’un atelier par semaine d’une durée de 1h30, par groupe de 4 à 6<br />
patients. Deux ateliers supplémentaires permettent de faire le point et de<br />
mettre en pratique les connaissances acquises un mois et deux mois après le<br />
6ème atelier.<br />
L’Institut Lilly continue le déploiement en France des centres Equilibre en<br />
2007 suite aux retours des équipes soignantes : 96,7% estiment que le programme<br />
est intéressant ou très intéressant pour leurs patients. En 2006, 400<br />
centres ont été ouverts alors que 300 avaient été prévus. Près de 1700 patients<br />
ont participé aux ateliers. L’Institut propose cette année d’ouvrir 150<br />
centres supplémentaires et soutiendra l’activité des 400 centres existants. ■<br />
F.C.
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
Chaire psychanalyse<br />
santé - travail<br />
Enseignant :<br />
Christophe Dejours<br />
Année 2006-2007 :<br />
TRAVAIL ET PSYCHOSOMATIQUE<br />
Ces cours, de niveau post-universitaire,<br />
sont destinés aux praticiens<br />
intervenant dans le champ de la<br />
santé qui souhaitent, après quelques<br />
années d’exercice, revenir sur les<br />
concepts et les théories qui sont au<br />
fondement scientifique de leurs<br />
pratiques et élargir leurs connaissances<br />
dans le domaine de la psychanalyse<br />
et des rapports entre travail<br />
et santé mentale.<br />
42 heures de cours - le mercredi de 18 h<br />
à 21 h à partir du 28.02.2007<br />
Renseignements :<br />
Chaire psychanalyse - santé - travail<br />
Virginie Hervé 41 rue Gay Lussac<br />
75005 Paris<br />
E-mail : herve@cnam.fr<br />
alors à restaurer si possible ad integrum<br />
l’activité « la plus élaborée » spécifiant<br />
l’homme, c’est-à-dire l’activité psychique.<br />
Aujourd’hui des échanges multidisciplinaires<br />
de plus en plus fréquents<br />
réunissant chercheurs en sciences cognitives,<br />
aussi bien qu’en sciences biologiques,<br />
et cliniciens, ont recours, pour<br />
approcher peut-être l’humanité de<br />
l’homme, à la science psychosomatique<br />
ou plus largement à la psychanalyse,<br />
dont ce serait d’ailleurs là l’espace<br />
contemporain de renouveau. Dans ces<br />
échanges, non rarement, la possibilité<br />
de la santé pour l’homme en vient à<br />
être posée comme dépendant des<br />
« aléas de l’organisation psychique au<br />
cours du processus de différenciation et<br />
d’intégration progressive »<br />
(11, p.24-25).<br />
Pour le dire autrement, avec la reconduction<br />
de la notion de pulsion,<br />
comme de celle de conflit, sont de nouveau<br />
requis les principes dualistes des<br />
sciences naturelles évolutionnistes qui<br />
conservent au corps un statut inférieur<br />
dont l’expression par le symptôme<br />
somatique ne s’entend dès lors qu’en<br />
correspondance régressive avec une<br />
carence de fonctionnement des strates<br />
psychiques supérieures. La santé, voire<br />
la normalité de ce psychisme, doit<br />
garantir dans cette hypothèse le silence<br />
présumé normal du corps objet.<br />
Sans entrer en cela aucunement dans la<br />
polémique récurrente au sujet des us et<br />
abus de la psychanalyse comme pratique,<br />
qu’il nous paraît devoir être tout<br />
à fait dissociée d’une critique épistémologique<br />
de la théorie psychanalytique,<br />
nous constatons donc que, malgré<br />
leur évolution au cours du siècle, les<br />
pré-requis conceptuels des théorisations<br />
psychosomatiques psychanalytiques<br />
ne contribuent pas à la compréhension<br />
de l’unité spécifique<br />
psychosomatique.<br />
Le lien entre histoire de vie et fonctions<br />
vitales, cette biologie singulière<br />
de l’homme est ici ramenée au point<br />
de l’appareil psychique de l’homo natura.<br />
Aujourd’hui : athéorisme et troubles<br />
somatoformes<br />
Mais la place de la psychanalyse, même<br />
si celle-ci reste la théorie de référence<br />
dans la plupart des écrits sur ce qui est<br />
nommé question psychosomatique, est<br />
aujourd’hui beaucoup plus limitée en<br />
clinique que voici seulement quarante<br />
ans.<br />
Ce recul a pour pendant non pas tant,<br />
en France du moins et c’est sans doute<br />
moins vrai aux Etats-Unis, le développement<br />
des Thérapies Cognitivo-Comportementales<br />
que la prévalence du<br />
recours par une psychopathologie<br />
quantitative aux classifications internationales<br />
dites athéoriques qui inscrivent<br />
la pathologie dans un discours catégoriel.<br />
Et pourtant, bien que présentées<br />
comme formes d’« entités naturelles »,<br />
les catégories du Diagnostic and Statistical<br />
Manual (DSM) (12) ne doivent, bien<br />
évidemment, leur présence ou absence<br />
dans le manuel qu’à la culture pour<br />
ne rien dire aujourd’hui de la politique<br />
et/ou du lobbying de l’industrie pharmaceutique.<br />
L’athéorisme auquel ce classement prétend<br />
est clairement, progressivement<br />
mais sûrement, depuis plusieurs décennies,<br />
venu modeler la clinique, les<br />
échanges, les discours et sans doute les<br />
savoirs (13). La psychiatrie biologique,<br />
cette psychiatrie qui place la rigueur<br />
de sa démarche sous l’égide du déterminisme<br />
des sciences de la nature et de<br />
leurs applications techniques est l’instrument<br />
de la mise en œuvre de cette<br />
modélisation de la pathologie.<br />
Qu’en est-il donc de la place de la<br />
question psychosomatique dans les<br />
classifications internationales ?<br />
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler<br />
que ce que la clinique médicale reconnaît<br />
comme « psychosomatique » correspond<br />
aujourd’hui le plus souvent,<br />
en dehors des pratiques très spécialisées<br />
telle celle de l’I.P.S.O., à une caractérisation<br />
symptomatique imprécise,<br />
effectuée en général par défaut de diagnostic<br />
objectif possible.<br />
La dixième révision de la Classification<br />
Internationale des Maladies actuellement<br />
en usage (14), équivalent francophone<br />
du DSM IV, dénomme<br />
« troubles somatoformes » la description<br />
de tels troubles sans support organique<br />
quantifiable. Cette catégorie est ainsi<br />
documentée : « la caractéristique essentielle<br />
est l’apparition de symptômes physiques<br />
associés à une quête médicale<br />
insistante, persistant en dépit de bilans<br />
négatifs répétés et de déclarations faites<br />
par les médecins selon lesquelles les<br />
symptômes n’ont aucune base organique.<br />
S’il existe un trouble physique authentique,<br />
ce dernier ne permet de rendre<br />
compte ni de la nature ou de la gravité<br />
des symptômes, ni de la détresse ou des<br />
préoccupations du sujet » (Catégorie<br />
F45).<br />
Sans examiner ici le détail des diverses<br />
sous-catégories de la rubrique, notons<br />
dès le paragraphe introductif, la présence<br />
de paramètres subjectifs : la<br />
« quête médicale » effectuée par le<br />
patient est en effet « insistante » et « persiste<br />
en dépit de bilans négatifs répétés »<br />
et des « déclarations des médecins ».<br />
Nous retrouvons sans doute, ici, entre<br />
autres, formalisé à l’état de critères classificatoires<br />
quelque chose de l’axiologie<br />
psycho-somatique séculaire qui exige<br />
d’un corps objet une lisibilité organique<br />
conforme aux critères en vigueur à<br />
défaut de laquelle la symptomatologie<br />
concernée risque d’être dévalorisée.<br />
Pour tenir cette hiérarchie psychosomatique<br />
empreinte notamment de<br />
l’opposition classique sujet/objet et de<br />
schémas déterministes et évolutionnistes,<br />
les critères classificatoires qui<br />
modélisent actuellement la question<br />
psychosomatique effectuent donc un<br />
saut qualitatif vers un registre qu’on<br />
pourrait presque qualifier de moral (15)<br />
Ainsi, soit le corps organique est normal<br />
et la plainte subjective devient anormale,<br />
soit le trouble physique est<br />
« authentique » mais il ne peut pas être<br />
« rendu compte » de la plainte puisqu’apparemment<br />
excessive par rapport<br />
au dysfonctionnement physique dit<br />
objectif.<br />
Dans les deux cas non seulement le<br />
corps vécu, le corps personnel est totalement<br />
méconnu, mais les critères d’appartenance<br />
à cette catégorie clinique,<br />
statistiquement établie, rappelons-le,<br />
jugent de la qualité de la plainte subjective<br />
en fonction des paramètres<br />
quantitatifs de la maladie organique.<br />
De par sa modélisation quantitative, le<br />
fonctionnement organique limité au<br />
corps objet, cérébro-corporel disionsnous<br />
en introduction, tend aujourd’hui<br />
à être visé comme l’index du fonc-<br />
tionnement de l’homme normal dans<br />
sa globalité.<br />
La référence quantitative et biologique<br />
est en effet porteuse d’un « triomphalisme<br />
thérapeutique supposé garanti par<br />
un savoir unitaire » (16) ce qui lui permet<br />
de se répandre aisément non sans risquer<br />
de dominer c’est à dire d’altérer la<br />
réflexion.<br />
Au terme de ce rapide tableau de l’histoire,<br />
de la situation actuelle et des principaux<br />
pré-supposés qui bornent la clinique<br />
psychosomatique de la fin du<br />
XX ème siècle, il nous semble avoir<br />
ouvert le débat en faveur de la nécessité<br />
de son évolution.<br />
Quels moyens pour<br />
une évolution du<br />
cadre conceptuel de la<br />
question<br />
psychosomatique<br />
Nécessité d’une attitude critique<br />
Nous venons d’observer, en effet, que<br />
la question de l’intrication des symptômes<br />
psychiques et corporels telle<br />
qu’elle se pose en clinique au moins<br />
depuis des siècles, question qui renvoie<br />
à la problématique philosophique<br />
millénaire des rapports de l’âme et du<br />
corps, s’est trouvée reconduire les prérequis<br />
conceptuels, pour le dire vite,<br />
essentiellement dualistes et déterministes,<br />
hier psycho-somatiques, aujourd’hui<br />
cérébro-corporels, creusant l’écart<br />
entre théories et pratiques.<br />
Nous proposons donc de nous adresser<br />
maintenant à un autre cadre conceptuel<br />
pour aborder cette question. Quittant la<br />
clinique du lien psycho-somatique,<br />
sous-tendue par la recherche des lois et<br />
des chaînes causales psychogénétiques<br />
ou organogénétiques, nous allons nous<br />
adresser à une pensée de l’unité psychosomatique,<br />
c’est à dire en termes<br />
psychiatriques phénoménologiques la<br />
corporéité. Cette évolution opère un<br />
double saut : elle se place à distance<br />
de tout finalisme comme de tout causalisme,<br />
elle s’adresse au plus à des<br />
ordres, des régularités, à des types.<br />
Les interlocuteurs concernés sont aussi<br />
bien des théoriciens que des praticiens,<br />
c’est-à-dire, à tout le moins, les philosophes,<br />
les scientifiques, les cliniciens.<br />
S’agissant de la clinique, nous nous<br />
situons ici toujours dans le cadre particulier<br />
de la psychiatrie. Même si la<br />
question psychosomatique n’est pas<br />
l’objet premier de cette discipline médicale<br />
plutôt dévolue à la folie, aux psychoses<br />
ou aux névroses selon les<br />
époques, l’on sait l’extension continue<br />
de ses missions, missions médicales<br />
quand ce n’est pas sociales, mais nous<br />
n’ouvrons pas cet autre vaste débat.<br />
Les objets comme les méthodes de la<br />
psychiatrie, cet « être de la culture »<br />
selon la formule de Georges Lanteri-<br />
Laura reprise à Husserl, sont divers et<br />
évolutifs.<br />
Pour préciser encore un peu la spécificité<br />
de la spécialité, Lanteri-Laura soulignait<br />
que « sauf à professer un dogmatisme<br />
dont peu possèdent à la fois le<br />
courage, l’aveuglement et l’impérantisme,<br />
le champ théorique et pratique de<br />
notre discipline continue à paraître divers,<br />
polymorphe, multicentrique, répondant<br />
un peu à l’introduction de quelque dictionnaire<br />
qui s’annoncerait ainsi : a<br />
comme ambidextre ; b comme bicépha-<br />
le ; c comme caméléon,… »<br />
(17, p.147).<br />
Tenter d’élucider les pré-requis conceptuels<br />
à l’œuvre dans les échanges existant<br />
entre la psychiatrie, les sciences et<br />
la (faut-il dire les) philosophie avec lesquels<br />
elle dialogue ne revient cependant<br />
pas à édifier « un métalangage »<br />
qui vienne « unifier au second degré » les<br />
ordres de connaissance auxquels la psychiatrie<br />
emprunte.<br />
Ces ordres de connaissance s’avèrent,<br />
disait encore Lanteri-Laura, « divers<br />
voire disparates, en tout cas bien hété-<br />
rogènes »<br />
(op.cit. p.274).<br />
Que ce soit pour penser la question<br />
psychosomatique, ou la folie, ou encore<br />
plus récemment la cognition, l’élucidation<br />
conceptuelle n’a pas vocation<br />
à lisser les champs de recherche par<br />
quelque idéal d’homogénéisation, pas<br />
plus qu’à ériger un savoir absolu et totipotent<br />
ou seulement systématique,<br />
mais plutôt à opérer une ou des commutativités.<br />
L’établissement de concepts transversaux<br />
facilitant la commutativité au sein<br />
de la question psychosomatique vise<br />
à garder ouverte et active la vérité de<br />
Les résultats d'une enquête sur la santé des<br />
aidants familiaux<br />
Le premier numéro de La lettre de l'Observatoire des dispositifs de prise en<br />
charge et d'accompagnement de la maladie d'Alzheimer éditée par la Fondation<br />
Médéric Alzheimer* présente les résultats d'une enquête réalisée entre<br />
avril et juin 2006 auprès de 187 consultations mémoire pour mieux connaître<br />
« la réalité et la diversité de la prise en charge de la santé des aidants ».<br />
L'enquête distingue deux types de centres: ceux qui ont mis en place une<br />
consultation médicale destinée aux aidants et les autres. Les 42 centres qui<br />
ont mis en place une consultation médicale spécifique identifient presque<br />
tous (98%) des états dépressifs « parmi les diagnostics portés pour les aidants<br />
reçus ». Ils citent, également, les problèmes cardio-vasculaires (19%) ou nutritionnels<br />
(5%). « Ces situations pathologiques trouvent leur origine dans l'intensité<br />
du stress émotionnel et dans la répétition de sollicitations physiques épuisantes<br />
pour les aidants ».<br />
Parmi ces 42 centres, 62% d'entre eux assurent le suivi des aidants « en interne<br />
». Lorsque le suivi n'est pas assuré, l'aidant est orienté vers le médecin<br />
traitant (57%) ou vers un psychiatre (17%) ou encore vers un psychologue<br />
(21%) ou une association (19%) en complément. Les aidants, vus en consultation<br />
en 2005, sont « essentiellement des femmes et en majorité des conjointes<br />
de personnes malades ».<br />
Pour les centres qui n'ont pas mis en place de consultation médicale spécifique,<br />
le suivi des aidants est « ponctuel » et réalisé à « l'occasion de la consultation<br />
de la personne malade ». La majorité des centres rapporte « la fatigue et<br />
l'épuisement psychologique ou physique » (54%), « un état dépressif » (34%) et<br />
des « troubles du sommeil » (16%).<br />
Gratuite et accessible sur le site internet de la fondation, cette lettre sera publiée<br />
tous les trimestres et développera « une approche pluridisciplinaire et de<br />
terrain à partir d'une enquête » concernant « la prise en charge et l'accompagnement<br />
des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de maladie apparentées<br />
et de leurs aidants ».<br />
Le deuxième numéro, à paraître en mars, sera consacré à « l'implication des<br />
familles dans les établissements d'hébergement accueillant à l'entrée les personnes<br />
atteintes de la maladie d'Alzheimer ». ■<br />
B.L.<br />
* Créée en 1999, la Fondation Médéric Alzheimer a pour objectif « d'accroître les connaissances<br />
médico-sociales de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées, favoriser le développement<br />
d'initiatives locales d'aide aux personnes malades et à leurs aidants (familiaux, bénévoles<br />
et professionnels) et susciter une réflexion sur la prise en charge de la maladie ».<br />
<br />
PHÉNOMÉNOLOGIE ■ 15<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Conscience<br />
De la Phénoménologie à la<br />
Neurophilosophie.<br />
Textes rassemblés par RM. Palem<br />
Les Cahiers Henri Ey n°16-17<br />
Publicatin de l’Association pour la<br />
Fondation Henri Ey<br />
L’association pour la Fondation Henri<br />
Ey poursuit sa réflexion sur la conscience,<br />
inspirée par les livres d’ Henri Ey (La<br />
Conscience et le Traité des hallucinations).<br />
Si la Conscience doit se décrire d’abord<br />
comme l’organisation de l’actualité<br />
de son vécu, c’est qu’elle vise, audelà,<br />
l’organisation de l’être conscient :<br />
cet être qui actualise sa propre expérience<br />
en fonction de sa personne.<br />
Les structures de l’être ou du « devenir<br />
conscient » sont la forme du « corps<br />
psychique » : être de temps, de devenir,<br />
tendant par son autoconstruction<br />
à sa propre finitude. La conscience<br />
ainsi incarnée devient la possibilité<br />
pour le Sujet de disposer d’un modèle<br />
personnel de son monde. « La<br />
conscience est au temps ce que le corps<br />
est à l’espace ».<br />
La tradition scientifique<br />
Méthode et histoire<br />
Mohamad K. Salhab<br />
L’Harmattan, 16 €<br />
L’auteur s’interroge sur les éléments<br />
d’une tradition scientifique et met à<br />
l’épreuve la pertinence de cette notion<br />
afin de connaître la science dans<br />
son histoire, ainsi que l’intérêt qu’elle<br />
peut présenter pour réfléchir son actualité.<br />
Son enquête conduit dans la<br />
Grèce antique, non pas que la science<br />
n’ait pas pu exister avant, mais parce<br />
que nous n’avons pas aujourd’hui de<br />
tradition qui en atteste. Sont examinées<br />
les questions de méthode<br />
posées par l’étude des traditions scientifiques<br />
en suivant leur développement<br />
dans la science grecque ainsi<br />
que la science arabe. La science ainsi<br />
découverte est étonnamment ouverte,<br />
en même temps qu’elle tend vers son<br />
unité. Est proposé, enfin, de revenir<br />
sur ces traditions à partir de la science<br />
expérimentale. Claude Bernard a posé,<br />
dans le cadre de la science actuelle,<br />
des interrogations de base sur l’histoire<br />
des sciences, ouvrant à cette histoire<br />
de nouvelles perspectives qui<br />
sont examinées dans ce livre.<br />
Le cadavre<br />
Etudes sur la Mort, Thanatologie<br />
2006 n°129<br />
L’Esprit du Temps, 21 €<br />
Etudes sur la Mort est une revue publiée<br />
sous l’égide de la Société Française<br />
de Thanatologie. Son comité<br />
scientifique composé d’historiens, anthropologues,<br />
psychologues et médecins<br />
permet l’ouverture intellectuelle<br />
nécessaire à un sujet aussi<br />
sensible. Ce numéro est consacré au<br />
cadavre qui, après la mort, devient<br />
une chose (ce n’est plus une personne)<br />
- le cadavre - qui conserve sa dignité<br />
et mérite le respect. Il en est de même<br />
pour les cendres après la crémation,<br />
autre avatar du cadavre. Dignité et<br />
respect s’expriment autant dans l’exposition<br />
du corps du défunt que dans<br />
les cérémonies des funérailles et dans<br />
la sépulture. Mais le cadavre est aussi<br />
le représentant de la mort : à ce titre<br />
il peut faire peur. Aussi les rites qui<br />
visent, en particulier, à séparer les vivants<br />
et les morts permettent de relier<br />
les devoirs dus au mort présent<br />
par son corps/cadavre à la nécessité<br />
pour les vivants de le tenir à distance.<br />
Le cadavre brille aussi par son absence<br />
: sa disparition est insoutenable,<br />
le dérobant aux devoirs que veulent<br />
remplir ses proches laissés ainsi dans<br />
l’incertitude de sa mort.
16<br />
LIVRES<br />
■ PHÉNOMÉNOLOGIE<br />
L’enseignement supérieur<br />
en France<br />
Maria Vasconcellos<br />
La Découverte<br />
Dans le prolongement de la description<br />
du système d’enseignement français<br />
réalisée dans Le Système éducatif<br />
paru dans la collection « Repères »<br />
(Vasconcellos, 2004), cet ouvrage propose<br />
une présentation synthétique<br />
de l’enseignement supérieur avec,<br />
d’un côté, les grandes écoles et les<br />
écoles professionnelles relevant de<br />
filières sélectives et, de l’autre, les universités,<br />
composées majoritairement<br />
de filières ouvertes à tous les bacheliers.<br />
Pour chacune est proposé un<br />
tableau présentant le type de public<br />
recruté, les modalités de fonctionnement<br />
et l’organisation des études, les<br />
débouchés possibles. Au-delà de la<br />
description de ces segments d’un système<br />
complexe en pleine évolution,<br />
on est renvoyé à la question des relations<br />
qui se nouent entre l’enseignement<br />
supérieur et les diverses<br />
sphères de la société (culture, emploi,<br />
famille), qui soulèvent de larges interrogations.<br />
Les bouleversements récents de ces<br />
institutions ne doivent pas cacher que<br />
leurs structures s’enracinent dans un<br />
passé ancien. Sont donc présentés<br />
les grands traits, historiquement déterminés,<br />
de cette structure d’ensemble,<br />
qui oppose, sous les termes<br />
« écoles » et « universités », deux types<br />
d’institutions : les unes proposent une<br />
formation professionnelle plus ou<br />
moins étroitement définie, et les autres,<br />
une formation culturelle plus générale<br />
(susceptible de déboucher sur<br />
l’enseignement ou la recherche) ; il<br />
faut noter que ces lignes traditionnelles<br />
de démarcation sont aujourd’hui<br />
en partie bousculées. Les chapitres<br />
II et III présentent l’ensemble<br />
formé par les classes préparatoires<br />
aux grandes écoles (CPGE), les « grandes<br />
écoles » et les autres écoles professionnelles,<br />
les formations de techniciens<br />
des lycées (STS) et des universités<br />
(IUT). Les chapitres qui suivent<br />
sont consacrés aux filières d’études<br />
plus « ouvertes » des universités, dont<br />
l’offre d’enseignement s’est transformée<br />
sous la pression du nombre et<br />
des nouvelles attentes des étudiants,<br />
ainsi qu’au nouveau public qu’elles<br />
accueillent.<br />
Pensons ailleurs<br />
Nicole Lapierre<br />
Folio essais n°482<br />
Gallimard<br />
Nicole Lapierre nous entraîne sur les<br />
pas de ces intellectuels déplacés qui<br />
s’en sont allés, penser ailleurs, sortant<br />
des sentiers battus, passant les<br />
bornes, enjambant les barrières sociales,<br />
sans y être invités ni conviés.<br />
Le lecteur découvre, à travers une galerie<br />
de portraits, de Georg Simmel à<br />
Edward Said, de Walter Benjamin à<br />
Paul Gilroy, en passant par Devereux,<br />
Deleuze et tant d’autres, un musée<br />
imaginaire où les idées prennent vie,<br />
où la figure de l’intellectuel est celle<br />
de l’étranger, dont l’expérience décalée<br />
favorise les interrogations et<br />
stimule la pensée.<br />
D’où, comme une sorte de mise en<br />
pratique, une invitation à suivre une<br />
réflexion itinérante, dans l’entre-deux<br />
des textes et des histoires, entre idées<br />
et expériences, aux frontières des disciplines<br />
et aux confins des territoires.<br />
Y compris quand l’auteur se risque,<br />
à imaginer une rencontre impossible<br />
mais cependant plausible. Car jouer<br />
un peu avec la tentation de la fiction<br />
permet de prendre quelques libertés<br />
avec des potentialités qui n’ont pas<br />
pu se réaliser, offrant de fugaces aperçus<br />
sur une histoire non advenue.<br />
<br />
cette question complexe dans son<br />
hétérogénéité même. Car la clinique<br />
quotidienne se nourrit du repérage de<br />
facteurs non pas seulement catégoriels<br />
mais aussi dimensionnels et même subjectifs<br />
et intersubjectifs qui président à<br />
l’établissement du diagnostic et du pronostic.<br />
Elle suppose de tenir ensemble dans<br />
un certain savoir-faire, une compréhension<br />
de l’être malade et une<br />
connaissance des maladies.<br />
De ce qui apparaît là comme un décalage<br />
entre une théorie de la pratique,<br />
c’est à dire ce qui se situe entre savoir<br />
et faire, et les théories, mais sans doute<br />
aussi la pratique elle-même avec ses<br />
influences complexes, que dire, que<br />
penser ?<br />
Le clinicien, du moins jusqu’à l’expansion<br />
de l’observation standardisée, pouvait<br />
faire abstraction des présupposés<br />
théoriques appris lorsque ceux-ci se<br />
révélaient non congruents à sa pratique.<br />
En voulant limiter cette inadéquation,<br />
il pouvait tomber dans un<br />
autre excès, celui d’une pratique autosuffisante,<br />
auto-référée.<br />
Cependant, grâce à la succession, et<br />
juxtaposition partielle, des paradigmes<br />
ayant historiquement construit la psychiatrie<br />
(aliénation mentale, maladies<br />
mentales, structures) se maintenait<br />
encore une circulation conceptuelle<br />
propre au « relativisme partiel » (encore<br />
un mot de Lanteri-Laura) favorisant<br />
l’adaptation clinique. Le gain contemporain<br />
d’apparente scientificité des protocoles<br />
quantitatifs, et leur pendant<br />
économique, a eu pour corrélat une<br />
réduction de cette adaptation. .<br />
Même si la psychopathologie catégorielle<br />
dite athéorique, donc quant à elle<br />
auto-référée, valide aujourd’hui l’illusion<br />
de l’objectivité par la standardisation<br />
statistique en attente de preuve<br />
neuro-scientifique, face à ce qui ne<br />
peut être ni statistiquement prouvé ni<br />
scientifiquement expliqué, la capacité<br />
d’adaptation du clinicien dans un espace<br />
qui va de sa pratique à sa ou à ses<br />
théories de référence reste essentielle.<br />
Cet espace est celui de la théorie de<br />
la pratique.<br />
C’est donc la critique de la théorie de<br />
la pratique, c’est-à-dire de la régulation<br />
des rapports entre savoir et faire,<br />
aujourd’hui quasi inexistante, qui nous<br />
paraît constituer le premier outil d’évolution<br />
de notre paradigme, la question<br />
psychosomatique.<br />
Or une telle attitude critique, appartient<br />
à la tradition phénoménologique<br />
en psychiatrie.<br />
La psychiatrie phénoménologique traditionnelle<br />
s’est, pour l’essentiel, tournée<br />
vers la clinique des psychoses, plus<br />
récemment vers d’autres pathologies.<br />
Nous estimons que cette tradition<br />
apporte cependant des moyens adaptés<br />
à la nécessaire évolution de notre<br />
problème et ce à double titre.<br />
Elle contient, en effet, selon nous en<br />
germe les concepts transversaux ouverts<br />
et commutatifs de la pensée de l’unité<br />
psychosomatique, notamment par les<br />
apports de l’anthropologie phénoménologique<br />
sur la corporéité.<br />
C’est de plus le seul courant en psychiatrie<br />
qui ait développé une attitude<br />
critique de ses pré-supposés et un examen<br />
des conditions de possibilité du<br />
savoir clinique, interrogeant ensemble<br />
l’être-malade et l’être-psychiatre. Ce<br />
courant a maintenu ouvert, sans toujours<br />
le nommer, l’espace de la théorie<br />
de la pratique.<br />
C’est ce que nous allons examiner<br />
maintenant en nous demandant comment<br />
cette double attitude peut s’articuler<br />
avec une réflexion liée à la philosophie<br />
des sciences.<br />
Situation par rapport à la<br />
philosophie des sciences<br />
Une telle recherche au sujet de la vérité<br />
de la question psychosomatique<br />
comme question biologique et médicale<br />
s’inscrit, de fait, dans une démarche<br />
de philosophie des sciences.<br />
En effet, dès lors qu’elle procède selon<br />
une démarche localiste, c’est à dire<br />
appréhende les sciences in vivo, la philosophie<br />
des sciences aujourd’hui tend<br />
à « se rapprocher autant qu’il est<br />
raisonnable du front même des<br />
recherches »<br />
(18, p.399).<br />
En prenant pour objet le traitement de<br />
la question psychosomatique en psychiatrie,<br />
nous ne cherchons cependant<br />
pas à établir les traits communs aux<br />
différentes sciences concernées par<br />
cette question que ce soit « sur le plan<br />
de la méthode ou de l’ontologie » comme<br />
ce serait le cas par un examen « localiste<br />
général ».<br />
En effet, nous ne nous intéressons<br />
aujourd’hui qu’aux rapports susceptibles<br />
de s’établir entre les sciences<br />
concernées par l’unité psychosomatique<br />
et la clinique. Nous menons en<br />
cela un examen de ce qui donne à la<br />
psychiatrie comme science, et particulièrement<br />
science de la question psychosomatique,<br />
« (son) individualité, ce<br />
qui [la] constitue concrètement (...) » (op.cit.<br />
p.23) et ce dans toute sa paradoxale<br />
hétérogénéité. Il s’agit là d’un examen<br />
« localiste régional ».<br />
Si l’on considère avec Anne Fagot-Largeault<br />
que la philosophie de la nature<br />
qui, s’interroge sur « ce qui est » en<br />
appréhendant le « monde naturel » et le<br />
« sujet connaissant » (op.cit. p.135), cette<br />
philosophie de la nature est aujourd’hui<br />
philosophie des sciences, nous<br />
soutenons de plus avec elle la conviction<br />
que la philosophie des sciences<br />
« doit être une interrogation surgie des<br />
sciences elles-mêmes, qui, en tant qu’elles<br />
sont une recherche de la vérité, sont phi-<br />
losophiques »<br />
(op.cit. p.128).<br />
Et ce, tout en sachant, pour ce qui<br />
concerne notre démarche, que le statut<br />
de la psychiatrie comme science reste<br />
relatif.<br />
En effet, même la somme des scientificités<br />
des sciences fondamentales auxquelles<br />
elle ne peut pas ne pas se référer,<br />
ne lui confère pas, sauf de façon<br />
illusoire, une assise monolithique scientifique.<br />
Ainsi, si le relativisme partiel<br />
reste aujourd’hui de mise en psychiatrie,<br />
c’est bien que les connaissances y « restent<br />
disparates et incertaines » (19).<br />
Notre tentative de rapprochement de<br />
la philosophie des sciences avec la psychiatrie<br />
en général, phénoménologique<br />
en particulier, est-elle destinée à avorter<br />
ici prématurément ? Comment un<br />
examen localiste régional au sujet d’une<br />
science qui n’en est pas vraiment une<br />
est-il possible ?<br />
La philosophie des sciences n’est plus<br />
une réflexion sur la science en général<br />
comme à l’époque du Cercle de Vienne.<br />
Elle s’adresse à des disciplines particulières<br />
sans que l’unité de la science soit<br />
le souci majeur (18, p.16). Elle ne vise pas,<br />
pour autant, à évaluer des hypothèses<br />
cadres trop récentes, mais examine plus<br />
volontiers au sein de recherches particulières<br />
comment celles-ci nous permettent<br />
de connaître.<br />
Examiner, de plus, le fait théorique à<br />
l’aune du fait clinique a le double intérêt<br />
d’une part de faire travailler les<br />
sciences naturelles sur la marge de l’indéterminé<br />
et les sciences humaines sur<br />
leur objectivité (op.cit. p.716) et de l’autre de<br />
faire réfléchir la pratique sur les conditions<br />
de son savoir. Ce que met en évidence<br />
l’examen localiste régional c’est<br />
qu’il est possible d’interpeller les différentes<br />
sciences concernées à partir de<br />
cet échange.<br />
Appliquons ce raisonnement à notre<br />
question paradigmatique : l’examen de<br />
l’objet naturel commun à de nombreuses<br />
sciences biologiques et médicales,<br />
objet qui est pour nous l’unité<br />
psychosomatique, montre qu’« il n’est<br />
pas indispensable qu’existent des lois<br />
“universelles“, il peut y avoir des lois dif-<br />
férentes selon les “ordres“ »<br />
(op.cit. p.136).<br />
Chez l’être humain, compris comme<br />
être naturel, coexistent ainsi l’ordre<br />
physico-chimique, l’ordre vivant, l’ordre<br />
humain, ces derniers obéissant plus à<br />
des régularités qu’à un déterminisme<br />
linéaire.<br />
Ce constat des sciences naturelles ouvre<br />
au débat philosophique, entre autres,<br />
du rapport entre déterminisme et liberté<br />
au sein de la nature humaine.<br />
De telles considérations théoriques<br />
issues des sciences naturelles et des<br />
sciences humaines peuvent être reliées<br />
à l’observation clinique car les maladies,<br />
les modes de réactivité de<br />
malades, les modes d’être qui ont bien<br />
sur à voir avec la biologie autant<br />
qu’avec la personne, avec le contrôle et<br />
avec la liberté, suivent aussi des tendances,<br />
des styles, lisibles selon une<br />
régularité typologique. Nous allons<br />
revenir dans un instant sur ces dernières<br />
notions.<br />
Pour le dire autrement, l’articulation<br />
des lectures naturelles et philosophiques,<br />
et l’échange entre ces théories<br />
et la prise en compte de l’unité<br />
biologique et personnelle du sujet malade<br />
revient donc en psychiatrie à, tout à<br />
la fois, expliquer et comprendre et ceci,<br />
selon une herméneutique post-diltheyienne<br />
c’est à dire dans un « cycle<br />
indéfini d’approximations successives,<br />
la saisie partielle des éléments, ou (...)<br />
des moments, alternant avec des<br />
représentations provisoires de la totali-<br />
té »<br />
(op.cit. p.708).<br />
Structurer un discours clinique qui interpelle<br />
la communauté scientifique naturelle<br />
et philosophique, suppose donc<br />
de tenir une attitude particulière ouverte<br />
à ces interrogations. La nosographie<br />
comme écriture descriptive traditionnelle<br />
des maladies, les classifications<br />
syndromiques aujourd’hui statistiques<br />
ne sont pas les outils de la mise en<br />
place de cette attitude.<br />
La posture de « relativisme partiel » préconisée<br />
par Georges Lanteri-Laura permet<br />
de poser que si « la psychiatrie<br />
n’est pas sans rapport avec les cultures -<br />
celle où elle est apparue et les autres-<br />
(…) par son effort vers une connaissance<br />
rigoureuse, elle ne s’y réduit<br />
pas »<br />
(20, p.19).<br />
Tatossian fait également valoir en psychiatrie<br />
l’intérêt de cette attitude phénoménologique.<br />
Elle permet, en effet, l’abord de l’homme<br />
sans préjugés tout en intégrant les<br />
sciences particulières et ceci « (…) [pour<br />
les] pré-penser (“vor-denken“) dans ce<br />
que Husserl appelait les “ontologies régionales“<br />
c’est à dire les pré-jugés, les présupposés<br />
aprioriques essentiels qui régissent<br />
la région -psychique, corporelle,<br />
historique, physique, …- propre à chaque<br />
science et qu’elle oublie pendant son développement<br />
» (21, p.178).<br />
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
Si elle est possible, une telle épistémologie<br />
peut « (…) satisfaire les tenants<br />
d’une épistémologie moins normative<br />
et définitive qu’historique et descriptive<br />
de l’évolution et de l’état actuel des<br />
sciences »<br />
(op.cit. p.191).<br />
Assumer la fonction critique nécessaire<br />
à l’évolution de notre question, c’est<br />
donc bien assumer une fonction épistémologique<br />
historique et descriptive<br />
centrée sur la question psychosomatique,<br />
cet objet limite du champ d’investigation<br />
classique de la discipline<br />
psychiatrique est l’objet central de la<br />
médecine et peut-être même le lien<br />
entre l’ensemble des disciplines médicales<br />
et biologiques et à ce titre paradigmatique.<br />
Pour ce faire, la psychiatrie phénoménologique<br />
doit s’efforcer de structurer<br />
la rencontre critique de son anthropologie,<br />
des sciences naturelles et des<br />
sciences humaines auxquelles elle se<br />
réfère.<br />
Etant entendu que ce dialogue entre<br />
explication et compréhension de l’unité<br />
psychosomatique, demeurera à tout<br />
jamais ouvert et inachevé puisque<br />
dépendant de ces données toujours<br />
évolutives que sont la compréhension<br />
de l’inscription de l’homme dans le<br />
monde et les explications des sciences<br />
naturelles.<br />
Nous venons de tenter de montrer,<br />
trop rapidement sans doute, comment<br />
la nécessité de l’évolution du cadre<br />
conceptuel de la question psychosomatique<br />
s’articulait avec un examen<br />
venu de la philosophie des sciences.<br />
Cet examen localiste régional mené<br />
au sujet de la psychiatrie, discipline<br />
médicale non scientifique en ellemême,<br />
passe en effet selon nous par<br />
un premier temps clinique nourri par<br />
l’anthropologie phénoménologique de<br />
la corporéité et renforcé ensuite par<br />
l’attitude critique phénoménologique<br />
la plus propre à alimenter une épistémologie<br />
régionale.<br />
Nous allons maintenant exposer<br />
quelques aspects de l’application de<br />
ces principes ; recherche encore largement<br />
programmatique, qui tente<br />
cependant déjà de tenir ensemble<br />
explication et compréhension de l’unité<br />
psychosomatique par des concepts<br />
transversaux, mais aussi à préciser le<br />
cadre susceptible de permette la continuité<br />
de l’échange entre théories et<br />
pratique.<br />
Nous allons donc envisager, et ce sera<br />
notre troisième partie, les avancées<br />
successivement pratiques, théoriques<br />
et théorico-pratiques que l’attitude<br />
Séminaires CTNERHI 2007<br />
Lundi 14 mai 2007<br />
Polyhandicap et grande dépendance. Intervenant : Elisabeth Zucman,<br />
Médecin et Présidente honoraire du GPF - Groupe Polyhandicap France -<br />
en collaboration avec Elisabeth Cataix-Nègre et Laurence Deseigne.<br />
Vendredi 25 mai 2007 ou<br />
Vendredi 21 septembre 2007<br />
Emploi, plutôt qu’allocations. Les nouvelles politiques du handicap en<br />
Europe. Intervenant : Dominique Velche, chargé de recherche au CTNERHI.<br />
Vendredi 22 juin 2007 ou<br />
Lundi 17 septembre 2007<br />
L’évaluation dans le nouveau système de compensation français.<br />
Intervenant : Jésus Sanchez, Directeur de recherche du CTNERHI.<br />
Mardi 11 septembre 2007<br />
Classifications du handicap et enquêtes en population générale.<br />
Intervenants : Pascale Roussel, chargée de recherche, Marie Cuenot,<br />
attachée de recherche et Jésus Sanchez, Directeur de recherche au<br />
CTNERHI.<br />
Vendredi 28 septembre 2007<br />
Nouveaux rebonds de l’accessibilité. Intervenant : Jésus Sanchez, Directeur<br />
de recherche et Marc Maudinet, Directeur du CTNERHI.<br />
Renseignements et inscriptions : Régine Martinez : 01 45 65 59 40<br />
r.martinez@ctnerhi.com.fr - www.ctnerhi.com.fr (rubrique séminaires)
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
clinique et critique de la psychiatrie<br />
phénoménologique nous paraît pouvoir<br />
permettre.<br />
Armelle GRENOUILLOUX<br />
Praticien contractuel, Psychiatrie V, Hôpital<br />
Saint Jacques, 44093 Nantes.<br />
Bibliographie<br />
(1) CHRISTEN Y., Le sport briseur de<br />
plaques, Alzheimer Actualités, Mai-Juin<br />
2005 ; n°180 : p.1<br />
(2) KAMIENIECKI H., Histoire de la psychosomatique,<br />
Paris 1994, PUF.<br />
(3) LANTERI-LAURA G., Une approche<br />
historique et critique des problèmes épistémologiques<br />
en psychiatrie, Annales Médico-<br />
Psychologiques 1999, 157, 2, 74-83<br />
(4) EY H., Des idées de Jackson à un<br />
modèle organodynamique en psychiatrie,<br />
Toulouse, Privat-Rhadamanthe 1973.<br />
(Réed. 1997, Paris, L’Harmattan, Coll.<br />
Trouvailles et retrouvailles).<br />
(5) LANTERI-LAURA G., Les localisations<br />
imaginaires, L’Evolution Psychiatrique<br />
1984, 49, 2, 379-402.<br />
(6) ANDRIEU B., La neurophilosophie,<br />
Paris 1998, PUF.<br />
(7) ALLILAIRE J.Fr., A propos de plus<br />
vaste que le ciel, une nouvelle théorie générale<br />
du cerveau, Annales Médico-Psychologiques<br />
2004, 162, 764-769.<br />
(8) ANDRIEU B., Le corps dispersé. Une<br />
histoire du corps au XXème siècle, Paris<br />
1993, L’Harmattan.<br />
(9) WOLF M., Théorie de l’action psychothérapique,<br />
Paris 1995, PUF, coll. Psychopathologie.<br />
(10) MARTY P., Psychosomatique et psychanalyse,<br />
Revue Française de Psychanalyse<br />
1990, 3, 615-624.<br />
(11) Somatisation, psychanalyse, science<br />
du vivant, Coord. I. BILLIARD, Condésur-Noireau,<br />
E.S.H.E.L 1994.<br />
(12) Diagnostic and Statistical Manual<br />
(IV), Washington DC, APA 1994.<br />
(13) MALEVAL J.Cl., Limites et dangers<br />
des D.S.M., L’Evolution Psychiatrique<br />
2003, 68, 39-61.<br />
(14) Classification des troubles mentaux<br />
et des troubles du comportement. Critères<br />
diagnostiques pour la recherche, Paris, Masson<br />
1994.<br />
(15) GRENOUILLOUX A., Un abord<br />
phénoménologique de la question psychosomatique,<br />
Neuro-psy 2000, 15, 3, 136-<br />
141.<br />
(16) LANTERI-LAURA G., Les principales<br />
théories à l’œuvre dans la psychiatrie<br />
contemporaine, E.M.C., Paris, Psychiatrie<br />
1992 et 2004, 37006 A10.<br />
(17) LANTERI-LAURA G., Psychiatrie et<br />
connaissance, Paris 1991, Sciences en<br />
situation.<br />
(18) ANDLER D., FAGOT-LARGEAULT<br />
A., SAINT-SERNIN B., Philosophie des<br />
sciences, Paris 2002, Folio-Essais.<br />
(19) FAGOT-LARGEAULT A., Souvenirs<br />
cristolliens, L’Evolution Psychiatrique<br />
2005, 70, 395-397.<br />
(20) LANTERI-LAURA G., Culture et<br />
sémiologie psychiatrique, L’Evolution psychiatrique<br />
2004, 69, 3-21.<br />
(21) TATOSSIAN A., La phénoménologie<br />
: une épistémologie pour la psychiatrie<br />
?, Confrontations Psychiatriques<br />
1996, 37, 177-195<br />
(22) LANTERI-LAURA G., La psychiatrie<br />
phénoménologique, Paris 1963, PUF.<br />
(à suivre)<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Le quartier<br />
Enjeux scientifiques, actions<br />
politiques et pratiques sociales<br />
Sous la direction de Marie-Hélène<br />
Bacque, France Guérin-Pace et<br />
jean-Yves Authier<br />
La Découverte, 26 €<br />
Cet ouvrage se veut, à la fois, un outil<br />
de réflexion et un bilan critique des travaux<br />
sur le quartier, en articulant débats<br />
théoriques et travaux empiriques<br />
récents. C’est pourquoi a été fait le choix<br />
d’une bibliographie commune. L’ouvrage<br />
est structuré en trois parties. La<br />
première traite du quartier des sciences<br />
sociales, du quartier des politiques (des<br />
responsables politiques, de leurs discours<br />
et de leurs actions) et des rapports<br />
entre les constructions savantes et les<br />
constructions politiques du quartier. La<br />
deuxième porte sur les représentations<br />
et les usages du quartier des habitants,<br />
les formes d’attachement et d’investissement<br />
qui s’y exercent et les logiques<br />
identitaires qui le constituent et qu’il<br />
contribue à développer. Enfin, la troisième<br />
partie interroge les forces et faiblesses<br />
du quartier. Par son histoire, sa<br />
morphologie, sa localisation, ou bien<br />
encore par les caractéristiques sociales<br />
de ses habitants, le quartier peut constituer<br />
une ressource pour leurs habitants,<br />
influencer leurs pratiques et leurs sociabilités,<br />
ou contribuer à leur stigmatisation.<br />
Mais, en même temps, le quartier<br />
ne constitue pas le seul espace de<br />
vie et bien des déterminants sociaux se<br />
jouent hors du quartier. Dans chaque<br />
partie, une place importante est accordée<br />
à des contributions traitant les questions<br />
abordées à partir d’autres contextes<br />
nationaux (Amérique du Nord, Amérique<br />
du Sud, Afrique...). La discussion<br />
sur « le quartier » est loin de se limiter à<br />
l’hexagone. Ainsi, pour ne citer qu’un<br />
exemple, en Amérique du Nord, le débat<br />
sur les effets de quartier est particulièrement<br />
vif et son importation en<br />
France n’est pas sans influence sur certains<br />
travaux récents.<br />
De ces différentes approches se dégage<br />
une image contrastée des quartiers qui<br />
renvoie à une pluralité d’espaces, de<br />
configurations sociales, de trajectoires,<br />
de temporalités d’usage, de modes d’intervention<br />
politique et d’imaginaires.<br />
Dans ce contexte, les rapports au quartier<br />
s’expriment de façon multiple, en<br />
se différenciant selon les groupes sociaux,<br />
les générations, les histoires individuelles<br />
et les parcours géographiques.<br />
L’hôpital en mouvement<br />
Esprit<br />
Janvier 2007 n°331, 21 €<br />
Pour ce dossier, Esprit a sollicité des acteurs<br />
exerçant des responsabilités hospitalières.<br />
Jean-Paul Saint-André et Isabelle Richard,<br />
doyen et vice-doyenne de la faculté<br />
de médecine d’Angers, démontent<br />
l’illusion d’une crise démographique<br />
tout en déplaçant le regard vers d’autres<br />
sujets, plus difficiles à traiter : liberté de<br />
choix des spécialités par les étudiants,<br />
liberté d’installation géographique, liberté<br />
de choix du secteur (public ou<br />
privé), répartition des missions entre<br />
médecins et personnels non médicaux.<br />
Si le nombre de médecins n’est pas l’enjeu<br />
critique de nos hôpitaux, leur liberté<br />
géographique d’installation, leur liberté<br />
de choisir leur discipline, leur liberté de<br />
choisir leur condition d’exercice, la répartition<br />
de certaines tâches entre médecins<br />
et personnels soignants, enfin<br />
l’offre de conditions variées d’exercice<br />
de la médecine générale sont des questions<br />
politiques majeures.<br />
Jacques Dubin, médecin conciliateur du<br />
CHU d’Angers, montre que l’information<br />
doit contribuer à trouver une juste<br />
place pour le patient à l’hôpital, tandis<br />
qu’Antoine Garapon, Jean-Marc Morin,<br />
Didier Dreyfuss et Guillaume Le Blanc<br />
clarifient les processus en cours en ce<br />
qui concerne la tentation de recours au<br />
droit et l’évolution de la notion de responsabilité.<br />
Si la judiciarisation n’est pas<br />
le fléau du moment, la transparence<br />
vis-à-vis des patients, y compris dans<br />
les situations les plus critiques et jusqu’à<br />
la reconnaissance de la faute éventuelle<br />
et l’appui à l’obtention de réparations<br />
(financières ou autres) est la<br />
condition pour maintenir un climat de<br />
confiance entre les patients et le corps<br />
médical et, au-delà, l’hôpital comme<br />
institution. François Crémieux et Marie<br />
Deugnier, directeurs d’hôpital spécialistes<br />
des sujets de financement, présentent<br />
la tarification à l’activité.<br />
Jean-Pierre d’Halluin, François Maury,<br />
Jean-Claude Petit et Chantal de Singly<br />
sont les directeurs et présidents des CME<br />
de l’hôpital Saint-Antoine à Paris et de<br />
l’hôpital de Roubaix. Ils analysent le<br />
fonctionnement hospitalier et l’impact<br />
des évolutions épidémiologiques qui<br />
ont progressivement transformé l’hôpital<br />
d’un lieu d’accueil pour patients<br />
hébergés au long cours en un lieu de<br />
passage pour malades hospitalisés<br />
quelques jours seulement. Le progrès<br />
scientifique et la spécialisation grandissante<br />
des soins apportés par l’hôpital<br />
constituent la deuxième évolution<br />
de ces dernières années qui permet aux<br />
auteurs de poser les enjeux de pouvoirs<br />
internes et de s’interroger sur l’évolu-<br />
ANNONCES EN BREF<br />
9 mars 2007. Paris. Colloque organisé<br />
par le Collège International de<br />
l’Adolescence et le Laboratoire de psychologie<br />
clinique et de psychopathologie<br />
(Paris V) sur le thème : Alcool<br />
et adolescence. Renseignements et inscriptions<br />
: Valérie Discour, Boîte A 5,<br />
8 rue des Portes Blanches, 75018 Paris.<br />
Tél. : 01 42 23 44 12. E-mail : v.discour@wanadoo.fr<br />
13 mars 2007. Grenoble. Journée<br />
d’étude organisée par l’Association<br />
nationale des villes pour le développement<br />
de la santé publique sur le<br />
thème : Le maire et le psychiatre : ensemble<br />
pour la santé mentale. Elus, santé<br />
publique et territoires, 11 rue des Anciennes<br />
Mairies, 92000 Nanterre. Inscriptions<br />
par mail en contactant :<br />
espt.asso@orange.fr<br />
16 au 18 mars 2007. 22 ème Congrès<br />
annuel de l’Union Syndicale de la Psychiatrie<br />
sur le thème : Pour une pratique<br />
indisciplinaire : l’équipe indisciplinaire.<br />
Inscriptions : U.S.P., 52 rue Galliéni,<br />
92240 Malakoff. Tél. : 01 46 57 85 85.<br />
Fax : 01 46 57 08 60. E-mail : uspsy@<br />
free.fr. Site : www.uspsy.fr<br />
19 et 20 mars 2007. Marseille. Colloque<br />
organisé par l’association AN-<br />
THEA sur le thème : Quand la sexualité<br />
devient délit. Renseignements : Ass.<br />
ANTHEA, 7 Pl. des Herbes, 83300 Draguignan.<br />
Tél. : 04 94 68 98 48. Fax :<br />
04 94 68 28 74. E-mail : anthea@clubinternet.fr.<br />
Site : anthea.fr<br />
22 et 23 mars 2007. Brest. Journées<br />
sur le thème : « Regards croisés sur l’autisme<br />
» du Dr Fombonne et du Dr Constant.<br />
Renseignements : Centre hospitalier<br />
régional et universitaire de Brest,<br />
IMEBO, Institut Mère-Enfant de Bretagne<br />
Occidentale, CERDEA, Centre<br />
d’Etudes et de Recherche sur le Développement<br />
de l’Enfant et de l’Adolescent,<br />
Hôpital de Bohars, 29820 Bohars.<br />
Tél. : 02 98 01 50 46. Fax :<br />
02 98 01 52 98.<br />
23 et 24 mars 2007. Agen. XVII èmes<br />
Journées de l’AFERUP sur le thème :<br />
Urgences psychiatriques et dangerosité.<br />
De la psychiatrie à la criminologie.<br />
Inscriptions : Actour 47, 271 rue de<br />
Péchabout, BP 80304, 47008 Agen<br />
Cédex. Tél. : 05 53 66 14 14. Fax :<br />
05 53 68 25 42. E-mail : actour47@<br />
wanadoo.fr<br />
28 mars 2007. Toulouse. Journée de<br />
formation organisée par Le Furet,<br />
l’ACEPP, l’ESSSE, l’IFRASS, La Fondation<br />
van Leer, le CIPE et les éditions<br />
érès sur le thème : Le défi de la diversité<br />
pour les jeunes enfants. Inscriptions :<br />
Association Le Furet, 6 quai de Paris,<br />
tion des organisations. Yves Deugnier,<br />
président de la délégation régionale de<br />
la recherche clinique du CHU de Rennes<br />
présente les évolutions récentes de la<br />
recherche clinique et son inquiétude sur<br />
le devenir de la recherche dans un<br />
contexte de concurrence exacerbée au<br />
niveau mondial, et de relatif « désamour »<br />
des jeunes médecins pour la recherche<br />
clinique. Alain Lepape, responsable du<br />
comité de lutte contre les infections nosocomiales<br />
des hospices civils de Lyon,<br />
montre en quoi la lutte contre les infections<br />
et pour la qualité des soins déterminera<br />
la relation patient-médecin<br />
et, de manière plus générale, la confiance<br />
des usagers dans l’hôpital.<br />
Didier Dreyfuss et François Lemaire, réanimateurs<br />
médicaux, analysent l’emprise<br />
de la mort et de la prise en charge<br />
de la fin de vie sur le quotidien des professionnels<br />
et l’organisation de l’hôpital.<br />
Paulette Guinchard, députée du<br />
Doubs et ancienne secrétaire d’Etat aux<br />
personnes âgées, et Sylvie Legrain, professeur<br />
de gériatrie, posent les termes<br />
du débat entre déni de la vieillesse, absence<br />
de volonté politique et difficultés<br />
au quotidien de services de gériatrie<br />
mal aimés du reste de l’hôpital.<br />
Les participants de la table ronde sur<br />
les urgences, Laurent El Ghozi, Agnès<br />
Ricard, Alain Tyrode et Patrick Brun,<br />
67000 Strasbourg. Tél. : 03 88 21 96 62.<br />
Fax : 03 88 22 68 37. E-mail : mireille.lefuret@noos.fr<br />
28 mars 2007. Paris. Journée organisée<br />
par le Département de Formation<br />
Continue des Médecins Assistance Publique-Hôpitaux<br />
de Paris sur le thème :<br />
Actualités sur l’accompagnement et la prise<br />
en charge des conduites suicidaires. Inscriptions<br />
: fax : 01 40 27 39 25. E-mail :<br />
didier.lacapelle@sap.aphp.fr<br />
29 mars 2007. Charleville-Mézières. Premier<br />
Séminaire Tabac et Psychiatrie organisé<br />
par le Comité Local de Prévention<br />
du Tabagisme du Centre Hospitalier<br />
Bélair, établissement public de santé<br />
mentale du département des Ardennes.<br />
Inscriptions : Catherine Fournier, service<br />
Formation Continue, CH Bélair, 1<br />
rue Pierre Hallali, 08013 Charleville-Mézières<br />
Cédex. Pour tout renseignement<br />
administratif : Catherine Fournier. Tél. :<br />
03 24 56 87 23. E-mail : cfournier@chbelair.fr.<br />
Pour tout renseignement lié à<br />
l’organisation : Christophe Bailly. Tél.:<br />
03 24 56 87 27. E-mail : cbailly@ch-belair.fr<br />
31 mars 2007. Boulogne-Billancourt.<br />
9 ème Journée sur l’examen psychologique<br />
de l’enfant et de l’adolescent organisée<br />
par l’Association Clinique des<br />
Apprentissages et le Laboratoire de psychologie<br />
clinique et de psychopathologie<br />
de l’Institut de Psychologie (Université<br />
Paris Descartes) sur le thème : Regards<br />
cliniques sur les troubles dits « instrumentaux<br />
». Inscriptions : Institut de Psychologie,<br />
Université Paris Descartes, Bureau<br />
1031, 71 ave Edouard Vaillant, 92774<br />
Boulogne Billancourt Cédex.<br />
11 mai 2007 ou 1 er octobre 2007. Paris.<br />
Séminaire du CTNERHI sur le thème :<br />
CIF et enquête HID : quels apports à la<br />
connaissance du handicap psychique. Inscriptions<br />
: CTNERHI, 236 bis rue de Tolbiac,<br />
75013 Paris. Tél. : 01 45 65 59 40.<br />
Fax : 01 45 65 44 94. E-mail : r.martinez@ctenerhi.com.fr<br />
- Site : www.ctnerhi.fr<br />
17 au 29 mai 2007. Paris. 67 e Congrès<br />
des Psychanalystes de Langue Française<br />
sur le thème : La cure de parole. Il y aura<br />
deux rapports principaux : « L’écoute de<br />
la parole », Dominique Clerc, APF, « La<br />
force du langage », Laurent Danon-Boileau,<br />
SPP ; ainsi que de nombreux ateliers.<br />
Inscriptions : SPP, 187 rue St-Jacques,<br />
75005 Paris. Tél. : 01 43 29 66 70.<br />
23 au 26 mai 2007. Lyon. 10 èmes Journées<br />
Francophones de Thérapie Familiale<br />
Systémique de Lyon sur le thème :<br />
Autonomie et dépendances. Renseignements<br />
: http://www.therafam.com<br />
24 au 26 mai 2007. Bruxelles. Congrès<br />
International sur le thème : Jusqu’ici tout<br />
va bien... Mouvements en Santé Mentale<br />
17<br />
exercent sur un même territoire, le nord<br />
des Hauts-de-Seine. Tous sont médecins<br />
et voient l’hôpital d’un angle différent<br />
: maire adjoint chargé de la prévention<br />
de la santé et des personnes<br />
handicapées à la ville de Nanterre ; responsable<br />
du Smur de l’hôpital Beaujon<br />
à Clichy ; directeur des centres de santé<br />
de la ville de Gennevilliers ; chef de service<br />
des urgences de l’hôpital Louis-<br />
Mourier à Colombes. Le constat est le<br />
même : l’hôpital n’est rien sans la ville<br />
et son devenir dépendra de ses relations<br />
avec les autres acteurs impliqués<br />
dans la santé des populations du territoire.<br />
Après le suicide d’un proche<br />
Vivre le deuil et se reconstruire<br />
Christophe Faure<br />
Albin Michel, 15 €<br />
A partir de témoignages, qui sont autant<br />
de reflets de la diversité des situations,<br />
Christophe Faure s’adresse à celui<br />
qui reste lorsque l’autre est parti, et<br />
à son entourage, si démuni pour le soutenir.<br />
Ces paroles sur l’indicible aident<br />
le lecteur non pas à oublier, mais à nommer<br />
sa souffrance afin que la cicatrisation<br />
s’opère, lentement, en sachant que<br />
cette blessure ne guérira jamais tout à<br />
fait.<br />
entre clinique, social et politique organisé<br />
par la Ligue Bruxelloise Francophone<br />
pour la Santé Mentale en collaboration<br />
avec l’Union Internationale d’Aide à la<br />
Santé Mentale, l’Association Française<br />
de Psychiatrie, le Comité Européen :<br />
Droit Ethique et Psychiatrie, l’Observatoire<br />
National des pratiques en Santé<br />
Mentale et Précarité et avec le soutien<br />
de la Commission Communautaire Française<br />
de la Région de Bruxelles-Capitale.<br />
Renseignemets : Secrétariat de la<br />
Ligue Bruxelloise Francophone pour la<br />
Santé Mentale, 53 rue du Président,<br />
1050 Bruxelles, Belgique. Personnes à<br />
contacter : Dr Charles Burquel et Eric<br />
Messens. Tél. : 0032 (0)2 511 55 43.<br />
Fax : 0032 (0)2 511 52 76. E-mail : emessens@skynet.be<br />
8 et 9 juin 2007. Auxerre. XI ème Congrès<br />
de psychothérapie de groupe d’enfants<br />
et d’adolescents sur le thème : « Le thérapeutique<br />
dans les groupes » avec la participation<br />
de B. Golse, R. Kaës, C. Néri et<br />
l’équipe du CIRPPA. Contact : Centre<br />
d’Information et de Recherche en Psychologie<br />
et Psychanalyse Appliquées.<br />
Tél./Fax : 01 42 40 41 12. E-mail :<br />
cirppa@wanadoo.fr<br />
12 au 15 juin 2007. Nice. Troisièmes<br />
rencontres internationales du Centre<br />
Collaborateur de l’Organisation Mondiale<br />
de la Santé pour la Recherche et<br />
la Formation en Santé Mentale (CCOMS,<br />
Lille) sur le thème : Vaincre les discriminations<br />
en santé mentale. Renseignements<br />
: CCOMS. Tél. : 03 20 43 71 00.<br />
Fax : 03 20 43 71 15. E-mail : ccoms@<br />
epsm-lille-metropole.fr. Programme et<br />
fiche d’inscription téléchargeables sur<br />
le site internet : www.epsm-lille-metropole.fr/rubrique<br />
CCCOMS.<br />
15 et 16 juin 2007. Fontevraud. 22 èmes<br />
Journées Psychiatriques du Val de Loire<br />
conjointe aux 39 èmes Journées du Groupement<br />
d’Etudes et de Prévention du<br />
Suicide sur le thème : Alliance thérapeutique<br />
et refus de soins. Renseignements<br />
et inscriptions : Anne-Marie Guyot,<br />
Josiane Le Marec, Janine Raimbault,<br />
Secteur 7, Cesame, Sainte Gemmes sur<br />
Loire, BP 50089, 49137 Les Ponts de<br />
Cé Cedex. Tél. : 02 41 80 79 93. Fax :<br />
02 41 80 79 63. E-mail : s7.secretariat@<br />
ch-sesame-angers.fr. http\\www. med.<br />
univ-angers.fr/services/AARP.<br />
29 juin 2007. Paris. Journées Internationales<br />
de la Société Française de neurologie<br />
2007 présidées par le Pr Michel<br />
Clanet sur le thème : Sclérose en plaques.<br />
Secrétariat d’Organisation : BCA,<br />
6 bd du Général Leclerc, 92115 Clichy<br />
Cédex. Tél. : 01 41 06 67 70. Fax :<br />
01 41 06 67 79. Site : www.b-c-a.fr/<br />
sfninter2007
18<br />
LIVRES<br />
■ THÉRAPEUTIQUE<br />
Le travail<br />
Une sociologie contemporaine<br />
Michel Lallement<br />
Folio essais n°484<br />
Gallimard, 10,30 €<br />
On observe une remise en cause apparente<br />
du travail : chômage massif,<br />
délocalisation des industries et des<br />
services, flexibilité, pluriactivité semblent<br />
concourir à la fin du travail, à<br />
la disparition des statuts, à la mort<br />
du lien social par l’emploi. Désaffilié,<br />
le travailleur d’hier est devenu le sansdroit<br />
d’aujourd’hui. A cette crise, beaucoup<br />
de sociologues répondent par<br />
la mise en perspective historique du<br />
monde du travail que nous avons<br />
perdu.<br />
Michel Lallement, en contre-pied, dans<br />
ce livre inédit, fait une sociologie<br />
contemporaine de la crise, s’attaquant<br />
aux dimensions inédites des transformations<br />
de la production. De fait,<br />
les recherches et analyses de la sociologie<br />
peuvent aider à comprendre<br />
des conditions collectives de travail<br />
et de vie trop souvent vécues sur un<br />
mode subjectif et individuel. Le travail,<br />
moteur et révélateur des mutations<br />
contemporaines, garde sa place<br />
centrale d’institution sociale.<br />
Toxicos, le goût et la peine<br />
Patricia Bouhnik<br />
La Découverte, 24 €<br />
Patricia Bouhnik, maître de conférences<br />
en sociologie à l’université<br />
d’Amiens, travaille sur les questions<br />
relatives aux consommations de<br />
drogues. Elle montre que ces quinze<br />
dernières années, la mort de milliers<br />
d’usagers de drogues illicites n’a pas<br />
résulté uniquement de l’usage des<br />
produits.<br />
La vie à la rue, les incarcérations et<br />
l’errance, les contaminations par le<br />
virus du sida et les hépatites liées au<br />
partage des seringues et aux conditions<br />
précaires d’injection ont contribué<br />
à la dégradation générale de leur<br />
état de santé et à la multiplication<br />
des maladies opportunistes. La criminalisation<br />
a aussi contribué à les<br />
surexposer à l’égard des risques (accidents,<br />
polyconsommations hasardeuses,<br />
suicides...).<br />
Ce livre permet de comprendre les<br />
inflexions ayant marqué leur histoire.<br />
Derrière les plaintes, regrets et peurs<br />
qui émaillent leurs récits, ils évoquent<br />
leur condition sociale et leur confrontation<br />
grandissante à des risques rarement<br />
recherchés. Les trajectoires,<br />
les fonctions assignées à la consommation<br />
et les styles de vie adoptés<br />
sont très divers, mais découlent de<br />
ce que l’auteur désigne comme des<br />
« systèmes de vie avec les drogues ».<br />
Cette notion permet d’intégrer les facteurs<br />
socio-économiques, les interactions<br />
avec les institutions ainsi que<br />
les rapports sociaux au monde des<br />
usagers de drogues. Elle permet d’interroger<br />
les politiques publiques, l’ambivalence<br />
du rapport à la loi et les<br />
contradictions nées de la mise en<br />
œuvre des dispositifs de soins, de réduction<br />
des risques et de substitution.<br />
Ce travail s’est déroulé pendant une<br />
quinzaine d’années sur différents territoires<br />
: les cités de la banlieue nord<br />
parisienne, de la fin des années 1980<br />
jusqu’au début des années 2000 ; les<br />
quartiers dits populaires du nord de<br />
Paris ensuite, avec les formes de<br />
consommation propres à la seconde<br />
moitié des années 1990 et des regroupements<br />
d’usagers très précarisés<br />
; la prison, enfin, où une partie<br />
de ces mêmes publics - surtout ceux<br />
issus de milieux populaires - allaient<br />
passer à un moment ou à un autre<br />
de leur histoire.<br />
Suivi et réinsertion de patients<br />
psychotiques présentant une addiction au<br />
cannabis, traités par RisperdalConsta ® LP<br />
Il est actuellement classique de considérer<br />
que 50% des patients psychotiques<br />
consomment des toxiques et<br />
notamment du cannabis (1).<br />
L’usage de ces produits contribue à<br />
majorer ou aggraver la symptomatologie<br />
clinique (2), à compliquer le traitement<br />
du fait d’une certaine résistance<br />
qui peut nécessiter des doses<br />
plus importantes pour un résultat<br />
moindre, mais aussi à participer (du<br />
fait des personnalités sous-jacentes et<br />
des troubles du comportement) à un<br />
manque de compliance aux soins,<br />
voire à un échappement, générateur<br />
de rechutes, de réhospitalisations et<br />
donc d’un coût élevé en matière de<br />
santé publique.<br />
Les revues de la littérature montrent<br />
l’intérêt depuis plusieurs années de la<br />
prescription des antipsychotiques atypiques,<br />
et notamment du Risperdal-<br />
Consta, seul antipsychotique atypique<br />
bénéficiant d’une forme injectable à<br />
action prolongée.<br />
Objectifs et méthodes<br />
Dans le cadre de notre pratique de<br />
psychiatrie de secteur dans un service<br />
destiné à des patients adultes, nous<br />
avons suivi l’évolution d’une cohorte<br />
de patients psychotiques traités par RisperdalConsta<br />
afin de dégager les caractéristiques<br />
concernant le suivi et les<br />
possibilités de réinsertion psychosociale<br />
des patients souffrant de la double<br />
pathologie, à savoir psychose et addiction.<br />
D’Octobre 2002 à Mai 2006, 60<br />
patients psychotiques ont été traités<br />
par Risperdal per os relayé par RisperdalConsta.<br />
Le traitement per os a été<br />
continué pendant les 3 ou 4 semaines<br />
après la première injection, les doses<br />
ont varié en fonction de la symptomatologie<br />
clinique et de l’expérience<br />
des praticiens.<br />
Ces patients étaient soit hospitalisés en<br />
unité de soins intrahospitalière, soit suivis<br />
au CMP.<br />
Un projet thérapeutique prévoyant leur<br />
réhabilitation psychologique, familiale,<br />
sociale et professionnelle a été élaboré<br />
pour chacun d’eux, le plus tôt possible,<br />
utilisant toutes les structures intermédiaires<br />
du service : hopital de jour intra<br />
et extra-muros (HDJ), centre d’activités<br />
à temps partiel (CATTP), cliniquerelais,<br />
chantiers thérapeutiques.<br />
Les patients ont été suivis régulièrement<br />
en consultation par leur psychiatre<br />
référent et ont bénéficié de<br />
soins infirmiers, à un rythme bimensuel<br />
correspondant à leur injection.<br />
45 €*<br />
pour un an<br />
75 €*<br />
pour 2 ans<br />
Tarif<br />
étudiant et internes<br />
30 €*<br />
*supplément étranger<br />
et DOM/TOM =30 €/an<br />
Résultats<br />
Parmi les 60 patients psychotiques traités<br />
par RisperdalConsta, 27 ont présenté<br />
des conduites addictives à différents<br />
toxiques et notamment au<br />
cannabis.<br />
Ces 27 patients étaient composés de<br />
21 hommes et 6 femmes, agés de<br />
27,7+ou-6,12 (19 à 42) ans, dont la<br />
durée moyenne d’évolution de la maladie<br />
est de 6,3 +ou- 6,09 (1 à 26) ans ;<br />
25 étaient célibataires, 2 ont vécu en<br />
couple (dont 1 séparé) ; 23 patients<br />
ont été hospitalisés et le traitement initié<br />
en intrahospitalier, 4 ont été suivis<br />
uniquement au CMP. Parmi les 23, 17<br />
ont été hospitalisés en hospitalisation à<br />
la demande d’un tiers (HDT) et suivis<br />
ensuite pour la plupart en sortie d’essai,<br />
6 ont été pris en charge en hospitalisation<br />
libre (HL). Pour 2 d’entre eux, il<br />
s’agissait de la 1 ère hospitalisation, pour<br />
14 d’entre eux, la 1 ère hospitalisation<br />
avait eu lieu 1à 2 ans plus tôt, pour 6<br />
d’entre eux, la 1 ère hospitalisation<br />
remontait à 3 à 7 ans plus tôt. Une<br />
mesure de protection des biens sous<br />
forme de curatelle article 512 a été<br />
mise en place pour 8 d’entre eux.<br />
La symptomatologie psychotique a<br />
été marquée par son caractère souvent<br />
très aigu au moment du début des<br />
soins :<br />
- symptomatologie clinique positive :<br />
délire souvent à thème de persécution,<br />
hallucinations, dissociation, désorganisation<br />
psychique souvent très marquée<br />
;<br />
- mais aussi symptomatologie négative<br />
pour certains : retrait, perte des<br />
investissements, désinsertion sociale,<br />
familiale, professionnelle, voire claustration<br />
;<br />
- troubles du comportement parfois<br />
sévères : crises clastiques, comportements<br />
délictueux ;<br />
- troubles de l’humeur, notamment<br />
dépression ;<br />
- insomnie ;<br />
- angoisse majeure.<br />
Le diagnostic retenu, selon les critères<br />
du DSM-IV est :<br />
- schizophrénie paranoïde : 22 patients<br />
- schizophrénie désorganisée : 1 patient<br />
- trouble schizo-affectif : 2 patients<br />
- état délirant aigu : 2 patients<br />
Les troubles de personnalité associés<br />
étaient le plus souvent :<br />
- état limite : 9<br />
- schizoïdie : 11<br />
- traits paranoïaques : 7<br />
Nom :<br />
Prénom :<br />
Adresse :<br />
Au niveau des antécédents :<br />
- personnels : 13 avaient des antécédents<br />
psychiatriques avant l’éclosion<br />
du trouble nécessitant le soin. 5 avaient<br />
des antécédents somatiques ;<br />
- familiaux : 16 patients avaient des<br />
antécédents familiaux.<br />
Addictions retrouvées :<br />
- cannabis : 27 patients<br />
- cocaïne : 4 patients<br />
- héroïne : 1 patient<br />
- ecstasy : 2 patients<br />
- LSD : 1 patient<br />
- alcool : 12 patients<br />
Traitement :<br />
25 patients parmi les 27 avaient été<br />
traités antérieurement par :<br />
- antipsychotiques classiques : 7 patients<br />
- antipsychotiques atypiques : 7 (autres<br />
que Rispéridone et Clozapine)<br />
- Rispéridone avant le traitement<br />
actuel : 10<br />
- Clozapine : 1<br />
- thymorégulateurs : 4<br />
- antidépresseurs : 7<br />
- anxiolytiques, somnifères : à peu près<br />
tous<br />
- ECT : 2<br />
Tous les patients ont été traités par Risperdal<br />
per os à dose variable de 4 à 8<br />
mg. Ce traitement a été relayé par RisperdalConsta<br />
et la 1ère injection a eu<br />
lieu avant la sortie de service, le traitement<br />
per os étant poursuivi pendant<br />
3 ou 4 semaines. Les injections suivantes<br />
ont eu lieu au CMP ou en intrahospitalier,<br />
en fonction du lieu de<br />
consultation de chaque patient et de<br />
la nécessité de maintien d’un cadre<br />
thérapeutique plus contenant (22 sont<br />
actuellement suivis au CMP et 5 en<br />
intra-hospitalier).<br />
Les posologies initiales prescrites ont<br />
évolué au cours du temps :<br />
- 25mg : 3 patients : 1 est resté à 25mg,<br />
2 sont passés à 50mg<br />
- 37,5mg : 2 patients : 1 est passé à<br />
50mg, 1 est passé à 50mg puis retour<br />
à 37,5mg<br />
- 50mg : 22 patients : 13 sont restés à<br />
50mg, 6 sont passés à 37,5mg, 3 sont<br />
passés à 25mg.<br />
Les posologies actuelles sont donc :<br />
- 25mg : 4 patients<br />
- 37,5mg : 7 patients<br />
- 50mg : 16 patients<br />
Peu de traitements sont associés (antidépresseurs,<br />
anxiolytiques). Une psychothérapie<br />
est proposée quand elle<br />
est possible. Une prise en charge en<br />
service spécialisé d’addictologie peut<br />
être aussi proposée aux patients<br />
(groupes et prises en charge individuelles).<br />
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
Les motifs de l’utilisation du RisperdalConsta<br />
les plus fréquents ont été :<br />
- la mauvaise tolérance des traitements<br />
précédents,<br />
- le manque d’efficacité générateur de<br />
rechutes,<br />
- le déni des troubles et l’opposition<br />
aux soins, particulièrement fréquents,<br />
- la mauvaise compliance est l’argument<br />
essentiel, cause de rechute et souvent<br />
de réhospitalisation.<br />
Evolution :<br />
Le traitement a généralement été bien<br />
supporté, on a repéré peu d’effets<br />
secondaires de type extra-pyramidal.<br />
Un seul patient a interrompu le traitement<br />
du fait d’effets secondaires insuffisamment<br />
contrôlés par le traitement<br />
correcteur, très peu de patients ont reçu<br />
un traitement antiparkinsonien associé.<br />
Avec le recul du temps, variant de 6<br />
mois à 3 ans, un patient a interrompu<br />
du fait d’une mauvaise tolérance neurologique,<br />
et un a rechuté sur un mode<br />
toxicomaniaque malgré un traitement,<br />
nécessitant plusieurs réhospitalisations.<br />
Resocialisation- Réhabilitation :<br />
Les mesures de réinsertion psychosociales<br />
ont été mises en place le plus<br />
souvent dès le début des soins, par le<br />
biais de la participation à des activités<br />
thérapeutiques notamment avec les<br />
psychomotriciennes, mais aussi du fait<br />
de la mise en œuvre de mesures avec<br />
l’aide des assistantes sociales. Ces<br />
mesures se sont poursuivies au-delà de<br />
l’hospitalisation, et elles se sont succédées<br />
en utilisant les différentes structures<br />
intermédiaires du service, mais<br />
aussi pour certains patients, ultérieurement,<br />
dans des structures de réinsertion<br />
extérieures au service. Certains<br />
ont ainsi pu bénéficier de formations,<br />
de reprise de travail en milieu protégé<br />
ou normal.<br />
- Centre d’activités thérapeutiques à<br />
temps partiel (CATTP) : 7 patients<br />
- Hôpital de jour intra et extra-muros<br />
(HDJ) : 3 patients<br />
- Clinique-relais : 4 patients<br />
- Formation professionnelle, mission<br />
locale : 5<br />
- Retour en famille : 3<br />
- HDJ + famille : 2<br />
- HDJ + Clinique-relais : 1<br />
- CATTP + Clinique-relais : 2<br />
- HDJ puis Centre d’aide par le travail<br />
(CAT) : 1<br />
- CATTP puis CAT : 1<br />
- Hôpital de semaine (HDS) de façon<br />
séquentielle : 1<br />
- Domicile personnel : 7<br />
- Chantiers thérapeutiques : 1<br />
- Reprise de travail : 3<br />
Discussion<br />
Je m’abonne pour : 1 an 2 ans<br />
Dans le cadre de la prise en charge de<br />
patients souffrant de pathologie psychotique<br />
associée à une addiction<br />
notamment au cannabis, le traitement<br />
Bulletin d’abonnement<br />
Le Journal de <strong>Nervure</strong> + La Revue<br />
CHÈQUE À L’ORDRE DE MAXMED à envoyer avec ce bulletin,<br />
54, boulevard de la Tour Maubourg, 75007 Paris<br />
Téléphone : 01 45 50 23 08<br />
Je souhaite recevoir une facture acquittée justifiant de mon abonnement.<br />
✂
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
par RisperdalConsta associé à la mise<br />
en place de mesures de réinsertion<br />
psychosociale le plus tôt possible dans<br />
la prise en charge, a permis une évolution<br />
favorable pour 25 des 27<br />
patients concernés, avec un recul de :<br />
- 6 mois : 2 patients<br />
- 6 mois à 1 an : 11 patients<br />
- 1 à 2 ans : 8 patients<br />
-> 2 ans : 4 patients<br />
Il semble que l’action du Risperdal<br />
Consta soit liée :<br />
- à son efficacité sur les symptômes<br />
positifs, mais aussi négatifs, et sur les<br />
troubles de l’humeur ;<br />
- mais aussi sur les symptômes de<br />
désorganisation conceptuelle particulièrement<br />
présents dans cette population,<br />
peut-être en rapport avec l’action<br />
déjà signalée sur les dimensions<br />
d’hostilité-excitation, d’anxiété-tension<br />
et le contrôle des impulsions (3) ;<br />
- sur certains troubles de la personnalité,<br />
notamment paranoïaques.<br />
On peut proposer de rapporter cette<br />
efficacité clinique au profil pharmacologique<br />
particulier de la molécule<br />
et à son activité très spécifique déjà<br />
discutée dans des publications précédentes<br />
:<br />
- par rapport à la schizophrénie : intérêt<br />
du blocage des récepteurs sérotoninergiques<br />
5HT2A et dopaminergiques<br />
D2 (3) ;<br />
- par rapport aux addictions : rôle par<br />
rapport aux récepteurs D4 et<br />
5HT2c (4).<br />
La dose la plus fréquemment utilisée<br />
est celle de 50 mg et elle est de plus<br />
en plus prescrite dès la 1 ère injection.<br />
Il semble que la nécessité de renouvellement<br />
de l’injection toutes les 2<br />
semaines, avec consultation par le psychiatre<br />
référent et suivi infirmier à<br />
l’occasion de l’injection, participe à<br />
l’alliance thérapeutique et finalement<br />
favorise la compliance ; cela pourrait<br />
expliquer le faible taux d’interruption<br />
(2 patients sur 27) et de rechute (1<br />
patient parmi les 2 pré-cités).<br />
L’importance du programme de réhabilitation<br />
sous forme de projet thérapeutique<br />
initié dès le début des soins<br />
et adapté à chaque patient en fonction<br />
de sa pathologie mais aussi de sa réactivité<br />
et de ses capacités, est bien enten-<br />
du également destinée à prévenir les<br />
rechutes, à intervenir sur la qualité de<br />
vie et le devenir à long terme (5).<br />
Conclusion<br />
Au total, 27 patients présentant des<br />
troubles psychotiques associés à une<br />
addiction parmi 60 patients psychotiques<br />
traités par RisperdalConsta ont<br />
présenté une évolution globalement<br />
favorable (2 seulement ont interrompu<br />
leurs soins), et ont pu bénéficier<br />
de mesures de réinsertion mais aussi<br />
d’un suivi au long cours qui semble<br />
devoir être rapporté à l’activité clinique<br />
liée au profil pharmacologique<br />
du RisperdalConsta, mais aussi à l’alliance<br />
que ses conditions d’utilisation<br />
favorisent. ■<br />
A.Viala, N.Benathzmane,<br />
F.Cornic et M.N.Vacheron<br />
Bibliographie<br />
Quand la sexualité devient délit<br />
Colloque organisé par l’association ANTHEA<br />
à Marseille les 19 et 20 Mars 2007<br />
(1) RUBIO G., MARTINEZ I., PONCE<br />
G., JIMENEZ-ARRIERO M.A. , LOPEZ-<br />
MUNOZ F., ALAMO C., Long-acting<br />
injectable Risperidone versus Zuclopenthixol<br />
in the treatment of schizophrenia with<br />
substance abuse comorbidity, Can. J.<br />
Psychiatry 2006, 51, 531-9.<br />
(2) KREBS M.O., GOLDBERGER C.,<br />
DERVAUX A., Cannabis use and Schizophrenia,<br />
Am. J. Psychiatry 2005, 162, 2,<br />
401-2.<br />
(3) MARDER S.R., DAVIS J.M.,<br />
CHOUINARD G., The effects of risperidone<br />
on the five dimensions of<br />
schizophrenia derived by factor analysis:<br />
combined results of the North American<br />
trials, J. Clin. Psychiatry 1997, 58, 538-<br />
546.<br />
(4) VIALA A., AYMARD N., VACHE-<br />
RON M.N., CAROLI F., Risperidone in<br />
treatment of substance abusing schizophrenic<br />
patients: two cases reports with<br />
pharmacoclinical follow-up over one year,<br />
Int. J. Neuropsychopharmacol. 2005, 5,<br />
1, 180-181.<br />
(5) LIEBERMAN J.A., STROUP T.S.,<br />
MCEVOY J.P., SWARTZ M.S., ROSEN-<br />
HECK R.A., PERKINS D.O., Effectivenesss<br />
of antipsychotic drugs in patients<br />
with chronic schizophrenia, N. Engl. J.<br />
Med. 2005, 353, 1209-23.nnnnnnnnnn<br />
Il n’est plus à démontrer combien les abus sexuels, qu’ils soient intra ou extra-familiaux,<br />
qu’ils concernent les enfants mais aussi les adultes, ont des répercussions<br />
psychiques, graves le plus souvent.<br />
La prise en compte par la Justice de tels actes s’approche parfois de son idéal :<br />
levée de la loi du silence, clarification des places de chacun, déculpabilisation<br />
et reconstruction pour la victime, prise de conscience et élaboration pour le<br />
coupable. Punition, prévention dans leurs aspects structurants.<br />
Toutefois, on ne peut qu’être stupéfait devant l’ampleur de la place prise par<br />
ces affaires au sein de nos sociétés : surenchère médiatique, intérêt des politiques,<br />
développement des mesures judiciaires et sanitaires...<br />
Alors, une des questions serait : y-a-t-il plus d’abus sexuels de nos jours, ou<br />
bien sont-ils plus dénoncés, ou encore est-on plus prompt à user de cette étiquette<br />
?<br />
Les professionnels intervenant en prison (mais aussi au dehors) savent à quel<br />
point l’amalgame est grand et dévastateur : le vocable de « délinquant sexuel »<br />
recouvre des personnalités très diverses allant du « prédateur » aux prises avec<br />
ses pulsions incontrôlables et une empathie au plus bas, au père incestueux<br />
sous l’emprise amoureuse ; en passant par le grand père aux caresses déplacées<br />
au comble de la culpabilité, le jeune embarqué par la loi du groupe, ou<br />
encore le psychotique qui agit par son délire.<br />
Les grandes classifications nosographiques n’empêchent pas la considération<br />
au cas par cas qui reste la seule démarche clinique et rend singulier chaque<br />
acte.<br />
Que se passe-t-il pour que la délinquance sexuelle soit à ce point au premier<br />
plan en matière de dangerosité dans une société qui, par ailleurs, prône la liberté,<br />
en particulier sexuelle et présente par elle même bien des dangers ?<br />
Peut-être est-il temps de nous souvenir que pour la psychanalyse la sexualité<br />
est toujours complexe et dérangeante, voir traumatique, que les frontières<br />
entre le normal et le pathologiques sont loin d’être aussi « sécuritairement »<br />
définies qu’on pourrait le souhaiter ? Que la déviance se définit toujours par<br />
rapport à des normes dont on sait qu’elles sont contingentes d’une époque<br />
et d’une société données ?<br />
Ce colloque aimerait questionner cette place accordée à l’auteur d’infraction<br />
sexuelle par les professionnels du soin et de la justice, les politiques et les<br />
médias mais aussi le simple citoyen.<br />
Association ANTHEA, 7 Place aux Herbes - BP 219 - 83006 Draguignan Cedex<br />
Tél. 04 94 68 98 48 - Fax. 04 94 68 28 74 anthea@club-internet.fr<br />
Les neuroleptiques classiques, certes<br />
efficaces sur la dimension positive<br />
de la schizophrénie (délire, agitation,<br />
trouble du comportement) se sont avérés<br />
peu capables de restaurer les capacités<br />
cognitives mises à mal tout en<br />
induisant de nombreux effets secondaires<br />
invalidants. Le développement<br />
d’antipsychotiques dits de « seconde<br />
génération » a permis d’appréhender la<br />
maladie sous un angle prometteur et il<br />
semble exister une voie menant au<br />
rétablissement. Outre leur efficacité largement<br />
comparable, voire supérieure,<br />
aux neuroleptiques classiques, ils possèdent<br />
un meilleur profil de tolérance<br />
neurologique.<br />
L’absence de phénomène délirant couplée<br />
à une stabilisation durable des<br />
fonctions supérieures et émotionnelles,<br />
sans parler évidemment de guérison,<br />
a conduit tout de même certains cliniciens<br />
à parler de rémission. Du latin<br />
remissio signifiant pause, la rémission est<br />
classiquement définie comme la diminution<br />
temporaire d’un mal par une<br />
maîtrise des principaux symptômes. Le<br />
concept de rémission est scientifiquement<br />
validé en cancérologie mais aussi<br />
en psychiatrie dans la dépression ou<br />
l’anxiété généralisée.<br />
L’évolution naturelle, ou sous traitement,<br />
de la schizophrénie, est variable<br />
d’un individu à l’autre. A quel moment<br />
est-il légitime de parler de rémission ?<br />
En 2005, un groupe de travail dirigé<br />
par Nancy Andreasen et composé d’experts<br />
(Weinberger, Kane, Carpenter) a<br />
défini un certain nombre de critères<br />
indispensables au diagnostic. Huit symptômes-clés<br />
ont été extraits de la PANSS<br />
et leur niveau de sévérité doit être<br />
simultanément inférieur ou égal à trois.<br />
Les items issus de l’échelle sont les suivants<br />
: idées délirantes, contenu inhabituel<br />
de la pensée, activité hallucinatoire,<br />
désorganisation conceptuelle,<br />
maniérisme et trouble de la posture,<br />
émoussement de l’expression des émotions,<br />
repli social passif et apathie,<br />
absence de spontanéité et de fluidité<br />
dans la conversation. Si ce score minime<br />
de sévérité est maintenu au moins<br />
six mois pour chacun des huit symptômes-clés,<br />
le patient est considéré en<br />
rémission. Ainsi, la notion de « patient<br />
stable », amélioration subjective communément<br />
adoptée par les psychiatres,<br />
laisse la place à un concept objectivable<br />
par des critères pragmatiques.<br />
Au-delà des discussion sémantiques,<br />
les échelles de diagnostic de rémission<br />
mises à notre disposition permettent<br />
de mesurer, plus précisément, les effets<br />
des traitement médicamenteux et des<br />
interventions psychosociales sur le cours<br />
de la maladie. Elles nous conduisent,<br />
par ailleurs, vers une nouvelle approche<br />
psychopathologique de la psychose.<br />
Parvenir à freiner, voire à stopper le<br />
processus pathogène en cours implique<br />
une relecture de la physiopathologie<br />
de la schizophrénie. L’évolution classique<br />
déficitaire, conception purement<br />
kraepelinienne de la maladie disparaît<br />
au profit d’une description plus optimiste<br />
telle qu’elle a été décrite jadis<br />
par Bleuler.<br />
C’est toute la dimension du soin aux<br />
schizophrènes que l’on bouscule. Quels<br />
sont nos objectifs thérapeutiques ?<br />
Atteindre un niveau de stabilité suffitil<br />
à satisfaire les exigences du patient<br />
et de sa famille ? Viser la rémission,<br />
c’est améliorer la qualité de vie et le<br />
fonctionnement social de nos patients,<br />
à la recherche d’un réel mieux-être<br />
synonyme d’autonomie. Viser la rémission,<br />
c’est faire un pari sur l’avenir où la<br />
maîtrise de la maladie devient un objectif<br />
accessible.<br />
La première Biennale Janssen-Cilag en<br />
Psychiatrie (2-4 février 2007) consa-<br />
crée très largement à la rémission fut<br />
l’occasion de synthétiser les avancées<br />
cliniques et thérapeutiques dans ce<br />
domaine. « La rémission contribue à<br />
faire évoluer les mentalités et le regard<br />
que nous portons sur la schizophrénie »<br />
affirme Nancy Andreasen. Selon elle,<br />
un tel concept doit être réaliste et<br />
mesurable par des outils appropriés<br />
susceptibles d’évoluer à long terme.<br />
Lors de l’élaboration de la grille de diagnostic<br />
évoquée en introduction, trois<br />
domaines ont été explorés : les activités<br />
cognitives, le fonctionnement psycho-social<br />
et, surtout, la symptomatologie<br />
clinique sur laquelle le groupe de<br />
consensus a finalement concentré son<br />
attention. L’activité psychotique, la<br />
désorganisation mentale et la symptomatologie<br />
négative ont fourni les huit<br />
critères de diagnostic. Dans une étude<br />
concernant 293 patients suivis depuis<br />
15 ans, Nancy Andreasen diagnostique<br />
17% de patients en rémission face à<br />
19% de non-répondeurs (2). Ce qui a<br />
différencié, probablement, le potentiel<br />
évolutif de ces deux cohortes appartient<br />
au registre de l’adaptation sociale :<br />
l’intensité des relations familiales, la<br />
qualité de l’entourage, la valorisation<br />
professionnelle, la diversité des loisirs<br />
sont autant de facteurs favorables. L’âge<br />
de début, l’état pré-morbide et la sévérité<br />
des symptômes négatifs influencent<br />
eux-aussi très nettement la capacité<br />
de rémission. D’un point de vue neuroanatomique,<br />
les mesures des volumes<br />
cérébraux confirment l’existence d’un<br />
effet neuroprotecteur d’origine encore<br />
inconnue chez les patients en rémission<br />
dont la perte en tissu cérébral est<br />
statistiquement inférieure. « C’est tout le<br />
challenge des prochaines années » s’enthousiasme<br />
Nancy Andreasen dont la<br />
curiosité s’affiche sans limite : « découvrir<br />
quels sont les facteurs neuroprotecteurs<br />
et développer des critères de mesure<br />
des effets des antipsychotiques sur le<br />
fonctionnement psychosocial et la qualité<br />
de vie sont mes priorités ». Ces questions<br />
ont été discutées lors d’un atelier<br />
conduit par le Docteur François Caroli,<br />
Chef de Service au CHS Sainte-Anne<br />
et animé par le Docteur Marie-Noëlle<br />
Vacheron. Les orateurs ont notamment<br />
insisté sur la déperdition cognitive liée<br />
à la répétition des rechutes et à la<br />
nécessité d’information des risques<br />
d’une mauvaise observance du traitement<br />
neuroleptique. Traiter l’aigu pour<br />
préserver l’avenir. En effet, l’inobservance<br />
croît de 35% à 6 semaines de<br />
traitement à 75% à 2 ans. La non-compliance<br />
médicamenteuse est un phénomène<br />
subtil et d’origine multifactorielle.<br />
Certaines explications émergent<br />
tout de même : la complexité de la<br />
prise, les effets secondaires délétères<br />
et parfois stigmatisants, l’isolement social<br />
et affectif, la sévérité de la schizophrénie,<br />
l'étendue des troubles cognitifs, les<br />
addictions associées, la recherche d’un<br />
contrôle personnel de la maladie, les<br />
relations médécin-malade, les changements<br />
d’équipe... sont autant de raisons<br />
à un arrêt du traitement. Les NAP<br />
(neuroleptiques à action prolongée)<br />
constituent une alternative séduisante<br />
mais ils ne sont pourtant prescrits que<br />
chez moins de 20% des patients à travers<br />
le monde. Dans une étude effectuée<br />
en 2001 auprès de 6000 malades,<br />
Adams (1) constate une importante<br />
diminution du taux d’attrition. Schooler<br />
(7) en 2003 enregistre un taux de<br />
rechute à un an de 42% sous traitement<br />
per-os alors qu’il diminue à 27%<br />
pour les patients sous NAP. Malgré les<br />
contraintes et le caractère parfois stigmatisant<br />
de l’injection, 60% des schizophrènes<br />
ont une préférence pour<br />
cette forme galénique. Ainsi, les APAP<br />
(antipsychotiques à action prolongée)<br />
ne devraient plus être réservés à la<br />
THÉRAPEUTIQUE ■ 19<br />
La rémission : une évolution<br />
possible de la schizophrénie<br />
deuxième ou à la troisième rechute<br />
mais être aussi administrés à de jeunes<br />
candidats nouvellement diagnostiqués.<br />
La première étape vers la rémission<br />
implique de la part de nos patients une<br />
meilleure conscience morbide traduite<br />
par une vision lucide de la maladie.<br />
Un antipsychotique à action prolongée<br />
ne doit pas être considéré comme une<br />
stratégie stigmatisante mais comme un<br />
outil de soin efficace à long terme.<br />
Le Professeur Robin Emsley est Président<br />
du département de Psychiatrie à<br />
l’Université Stellenbosch à Cape Town<br />
en Afrique du Sud. Ses recherches sont<br />
principalement axées sur les aspects<br />
cliniques et psychopharmacologiques<br />
de la schizophrénie. Il s’est attelé plus<br />
particulièrement à examiner l’incidence<br />
et la nature des facteurs de rechute.<br />
Selon lui, 82% des patients vont rechuter<br />
dans les 5 ans qui suivent le premier<br />
épisode, récidive aux conséquences<br />
familiales, professionnelles et<br />
surtout cognitives extrêmement péjoratives.<br />
A chaque décompensation, c’est<br />
une partie des capacités fonctionnelles<br />
qui s’érode. Le facteur prédictif le plus<br />
important d’une telle situation est à<br />
rechercher dans une prise irrégulière<br />
des traitements médicamenteux. « Ne<br />
laissons plus la répétition des récidives<br />
faire prendre conscience au patient de la<br />
nécessité d’un traitement retard stabilisant<br />
mais persuadons-le, dès le premier épisode,<br />
de son intérêt et de son efficacité »<br />
propose le Professeur Emsley. Il étaye<br />
son exposé par les résultats d’une<br />
étude (3) conduite sur douze mois comparant,<br />
lors d’un premier épisode psychotique,<br />
l’efficacité du Risperdal-<br />
Consta ® LP versus Risperdal ® per os.<br />
Le taux de maintien à un an est de<br />
76% pour la forme injectable face à<br />
53% pour la forme orale. Toutes les<br />
dimensions de la PANSS (positive,<br />
négative, désorganisation) sont en<br />
faveur de l’APAP qui permet d’atteindre<br />
un taux de rémission, à un an,<br />
de 50% selon les critères d’Andreasen.<br />
Ces données sont confirmées par la<br />
revue de la littérature effectuée par le<br />
Professeur Pierre-Michel Llorca de l’Université<br />
d’Auvergne à Clermont-Ferrand<br />
: dans les études Kujawa<br />
(n=316) (5), Kissling (n=715) (4) et Lasser<br />
(n=578) (6), le taux moyen de rémission<br />
après un an de traitement par RisperdalConsta<br />
® LP est en moyenne de<br />
40%. Dans ces populations, plusieurs<br />
déterminants cliniques semblent prédictifs<br />
de la rémission chez les schizophrènes<br />
: le fonctionnement global<br />
avant l’épisode, l’intensité de la symptomatologie<br />
initiale et les capacités<br />
d’insight. Le sexe influe, lui aussi, sur<br />
l’avenir : les femmes bénéficient de<br />
meilleures dispositions pour répondre<br />
31 ème Festival<br />
International Ciné-<br />
Vidéo-Psy de Lorquin<br />
Du 12 au 14 juin 2007<br />
Le 31ème Festival sera, cette année<br />
encore, par l’intermédiaire des<br />
films les plus récents, un lieu de formation<br />
unique où se montre l’actualité<br />
de nos disciplines professionnelles<br />
qui concourent au vaste champ<br />
de la santé mentale.<br />
Des expositions, du théâtre, de la<br />
musique seront au rendez-vous pour<br />
créer la convivialité nécessaire à la<br />
rencontre et au dialogue.<br />
Renseignements et inscriptions :<br />
Association Festival Psy, 5 rue du<br />
Général De Gaulle, 57990 Lorquin. Tél. :<br />
03 87 23 14 12. Fax : 03 87 23 15 84.<br />
www.cnasm.prod.fr
20<br />
■ THÉRAPEUTIQUE<br />
à leurs besoins essentiels et parviennent<br />
ainsi à évoluer plus favorablement.<br />
La disparition constatée des perturbations<br />
thymiques, dont les idées<br />
suicidaires, peut être mise en corrélation<br />
avec l’amélioration de la qualité de vie.<br />
Comment, en effet, gérer ce changement<br />
d’état ? « Pour le patient, c’est le<br />
retour dans une vie que la maladie a<br />
transformée et dont il a été en quelque<br />
sorte absent, en tant que lui-même. Comment<br />
réinvestir tant de choses perdues<br />
ou métamorphosées ? », s’interroge le<br />
Professeur Jean-Louis Terra du CHS le<br />
Vinatier à Bron. « La schizophrénie a<br />
des effets comme des ronds dans l’eau :<br />
elle touche le corps, la vie psychique, la<br />
relation à soi, les relations duelles, les<br />
relations avec l’entourage, les relations<br />
avec la société, les valeurs de référence<br />
». Il est important de comprendre<br />
que les personnes qui vivent avec un<br />
handicap ne sont pas réhabilitées au<br />
sens où une voiture est réglée ou une<br />
télévision est réparée. Ces personnes<br />
ne sont pas les cibles passives de la<br />
réhabilitation. Au contraire, au fur et<br />
à mesure de leur rétablissement, elles<br />
font elles-mêmes l’expérience d’une<br />
image de soi et d’une motivation nouvelles,<br />
au sein et au-delà du handicap.<br />
Selon J-L. Terra, « être acteur de la rémission<br />
nous mobilise profondément dans<br />
de multiples dimensions. Nous avons de<br />
nombreux deuils à faire : celui de la certitude<br />
de la maladie, de la régression et de<br />
la dépendance du patient. Nous devons<br />
affronter plus côte à côte que face à face<br />
avec le patient, les réussites, les limites de<br />
la rémission et de la réhabilitation ».<br />
Bien comprendre la rémission passe<br />
par un meilleur diagnostic. Toute la<br />
difficulté est là : comment parler de ce<br />
stade de la maladie du schizophrène<br />
quand ce qui le décrit habituellement a<br />
disparu. Le groupe de travail d’experts<br />
français FROGS (Functional Remission<br />
Observatory Group in Schizophrenia)<br />
propose le développement d’une échelle<br />
multi-axiale, en hétéro-évaluation, et<br />
tenant compte du niveau de fonctionnement<br />
initial du sujet. Le Professeur<br />
Philip Gorwood du CHU Louis Mourier,<br />
membre du comité scientifique,<br />
exprime de nombreuses réserves quant<br />
à l’utilisation des différents outils déjà<br />
existants d’évaluation du fonctionnement<br />
social et de mesure de la qualité<br />
de vie. Certes ces mesures sont proches<br />
de notre niveau d’attente mais elles<br />
présentent de nombreux biais du fait de<br />
la forte hétérogénéité du milieu de vie<br />
des patients, du manque de considération<br />
de leur potentiel d’aptitude et<br />
de l’intrication majeure avec l’évaluation<br />
du niveau de symptômes résiduels. Progressivement<br />
s’est construit une grille<br />
composée d’items opérationnels,<br />
consensuels, pratiques, atteignables et<br />
mesurables. Cinq domaines sont<br />
balayés par le questionnaire : vie quotidienne<br />
(hygiène, alimentation,<br />
argent…), vie relationnelle (famille,<br />
amis…), santé et traitement, activités<br />
et qualité de l’adaptation. L’originalité<br />
de ce questionnaire consiste à ne pas<br />
tenir compte de la psychopathologie.<br />
De plus, les informations sont recueillies<br />
auprès du patient mais aussi de son<br />
entourage. Le mérite de ces grilles est<br />
d’inclure dans l’évaluation les facteurs<br />
La Société Française de Thérapie Familiale Psychanalytique annonce son<br />
6 e COLLOQUE :<br />
LA RECONNAISSANCE DANS LES LIENS DE FAMILLE<br />
23 et 24 juin 2007 à l’Espace des Diaconesses,<br />
18 rue Sergent Bouchat, 75012 Paris<br />
Avec : F. André-Fustier, F. Baruch-Alberto, M.-Y. Barraband, H.-P. Bass, A.<br />
Bauleo, A.-M. Blanchard, F. Boudou-Orliac, A. Carel, F. Cattarossi, P. Cuynet,<br />
E. Darchis, G. Decherf, Ch. Diamante, M. Drevon, J.-P. Dumont, R. Durastante,<br />
A. Eiguer, I. Gambini, E. Grange, E. Granjon, B. Guéry, E. Haulé-<br />
Taffo, R. Jaitin, Ch. Joubert, R. Kaës, A. Lafage, C. Leprince, A. Loncan, M.<br />
Mercier, F. et G. Mevel, M.-R. Moro, H. Popper, Ph. Robert, B. Savin, R. Sefcick,<br />
S. Tisseron, A. Yahyaoui, etc.<br />
La famille est traversée par des crises et des mésententes liées à la difficulté<br />
que ses liens trouvent à s’épanouir. Ces derniers sont sous-tendus par des affects<br />
passionnels et par le caractère incertain de l’unité de la famille comme<br />
dans la fusion ou la symbiose. En fait, dans ces derniers états, l’autre est reconnu<br />
avec peine dans sa singularité. Il est vécu comme un inconnu bien<br />
qu’il soit réclamé sans arrêt et peut-être pour cette même raison. Il est l’objet<br />
de projections ou de manipulations. Lorsque la fiabilité des liens fait défaut,<br />
l’humiliation d’autrui n’est pas exceptionnelle. Sont impliquées dans cet<br />
état de méconnaissance des forces groupales trans-subjectives marquées par<br />
l’omnipotence ; celle-ci alimente des mythes dont le caractère défensif crée<br />
un nouveau désordre.<br />
Mais reconnaître l’autre ne signifie pas le connaître à la perfection ; au contraire,<br />
le reconnaître c’est juste une tentative, un vœu pour identifier ses émotions,<br />
son besoin de présence, de chaleur, de soutien, d’accompagnement. L’autre<br />
conservera toujours du mystère. Il n’en est ainsi que plus attractif. Le sujet<br />
pourra se sentir solidaire de sa situation et concerné par ses peines. Il agira<br />
avec détermination quand cela sera nécessaire, à condition de ne pas nier<br />
l’autonomie de l’autre.<br />
Reconnaître l’autre prédispose celui-ci à reconnaître le sujet et, ensemble, les<br />
liens familiaux. Le défaut de reconnaissance affaiblit à la longue l’estime de<br />
soi de l’autre et de soi ; c’est l’une des raisons de l’appauvrissement du sentiment<br />
partagé de valeur de la famille, si fréquent aujourd’hui.<br />
Reconnaître autrui comme un proche n’exclut pas de le détester ni même<br />
de le trahir. Le lien familial subsistera. De même, la reconnaissance implique<br />
un combat et un conflit entre les membres de la famille. Il arrive que l’on se<br />
révolte contre une injustice ressentie, parfois sous l’effet de l’émulation dans<br />
la rivalité ou la jalousie entre frères et sœurs, par exemple.<br />
Dans la famille, un geste majeur est celui de la reconnaissance de l’enfant<br />
par le parent, qui comprend la nomination : « Tu es mon fils ». Cette reconnaissance<br />
organise psychiquement le lien de filiation. Nommer l’enfant n’est<br />
pas uniquement un acte de langage qui l’inclut dans la communauté des<br />
hommes, mais un acte qui l’intègre dans une généalogie et une parenté. Cet<br />
acte rassure et modifie, à la fois, l’enfant et le parent ; il est à l’origine du sentiment<br />
d’identité chez le premier et remodèle le sien chez le second, en même<br />
temps qu’il rappelle leur référence commune à la loi symbolique. Une large<br />
palette de troubles peut se manifester dès lors que cet acte de reconnaissance<br />
filiale fait défaut.<br />
Renseignements et inscriptions : Société Française de Thérapie Familiale Psychanalytique<br />
154 rue d’Alésia, 75014 Paris. Téléphone et Fax : 01 45 43 97 05<br />
www.psychanalyse-famille.org - sftfp@noos.fr - sftfp@free.fr<br />
Numéro de Formation Professionnelle : 11 752 477 575<br />
limitants (financiers, contraintes matérielles),<br />
les nécessités et goûts du patient,<br />
son niveau socio-culturel, ses habitudes<br />
antérieures, les mesures de protection<br />
dont il fait l’objet ou son cadre de vie.<br />
L’année 2007 sera celle de la validation<br />
de l’échelle dans une population de<br />
500 patients en rémission symptomatique.<br />
En marge du congrès, deux productions<br />
cinématographiques ont été<br />
récompensées. Charade, réalisé par<br />
Alexandre Moix d’après une histoire<br />
du Dr. Marie-Hélène Braudo, nous<br />
conte le parcours de Rémi, schizophrène<br />
d’une trentaine d’année qui,<br />
lettre après lettre (d’où le titre), reprend<br />
le chemin de la vie. Bruno Lochet y<br />
campe avec justesse un malade en voie<br />
de rémission. Apre et poignant. Affection,<br />
un film de Frédérick Vin sur un<br />
scénario du Dr. Benoît Chabot dresse<br />
le portrait d’une jeune femme schizophrène<br />
qui s’identifie aux personnages<br />
féminins des tableaux d’Edward Hopper.<br />
Esthétique, enivrant, sophistiqué,<br />
l’œuvre inspire, par d’habiles fondus–enchaînés,<br />
une sensualité mélancolique.<br />
Bref, deux courts-métrages<br />
impeccables.<br />
Longtemps, l’évolution favorable d’un<br />
patient a conduit les cliniciens à réfuter<br />
le diagnostic de schizophrénie en lien<br />
avec les représentations péjoratives que<br />
nous avons de la maladie. L’amélioration<br />
ou la guérison est contraire au profil<br />
évolutif tel qu’il est défini dans le<br />
DSM-III, la rémission complète est<br />
extrêmement rare selon le DSM-IV.<br />
Les nouveaux outils de mesure de la<br />
rémission, qu’ils soient anglo-saxons<br />
(échelle d’Andreasen) ou franco-français<br />
issus du groupe d’experts FROGS, permettent<br />
de souligner objectivement<br />
une évolution pouvant être perçue<br />
comme importante pour les patients<br />
et pour leur famille. Malgré l’absence de<br />
définition consensuelle internationale,<br />
tous s’accordent pour soutenir ce<br />
concept de rémission dans une perspective<br />
de modification du regard porté<br />
sur la pathologie schizophrénique. La<br />
rémission dans la schizophrénie est un<br />
objectif que nous devons tous rendre<br />
réaliste et accessible. A cet effet, l’administration<br />
d’un antipsychotique à<br />
action prolongée s’est avérée être une<br />
stratégie thérapeutique appropriée et<br />
performante. ■<br />
Eric HENSGEN<br />
Psychiatre, Service du Docteur C. Schaal, Centre<br />
Hospitalier, Rouffach.<br />
Bibliographie<br />
(1) ADAMS CE, FENTON MK, QURAISHI<br />
S, DAVID AS, Systematic meta-review of<br />
depot antipsychotic drugs for people with<br />
schizophrenia, Br J Psychiatry 2001, 179,<br />
290-9.<br />
(2) ANDREASEN NC, CARPENTER WT<br />
JR, KANE JM, LASSER RA, MARDER SR,<br />
WEINBERGER DR, Remission in schizophrenia:<br />
proposed criteria and rationale for<br />
consensus, Am J Psychiatry 2005, 162, 3,<br />
441-9.<br />
(3) EMSLEY R, OOSTHUIZEN P, KOEN L<br />
et al., Remission in schizophrenia: results<br />
from a 12 month analysis of long-acting risperidone<br />
in patients with first episode psychosis,<br />
Poster presentation: 5th International<br />
Conderence on Early Psychosis:<br />
International Early Psychosis Association.<br />
Bermingham, England. Oct 2006.<br />
(4) KISSLING W, LLOYD K, SACCHETTI<br />
F, BOUHOURS P, MEDORI R, LLORCA<br />
PM, Direct transition to long-acting risperidone<br />
– analysis of long-term efficacity, J Psychopharmacology<br />
2005, 19, S1, 15-21.<br />
(5) KUJAWA M et al., Poster at 13th Biennial<br />
Winter Workshop on Schizophrenia<br />
Research, Davos, Switzerland, February 4-<br />
10, 2006.<br />
(6) LASSER RA, BOSSIE CA, GHARA-<br />
BAWI GM, KANE JM, Remission in schizophrenia:<br />
Results from a 1-year study of<br />
long-acting risperidone injection, Schizophrenia<br />
Res 2005, 77, 215-27.<br />
(7) SCHOOLER NR, Relapse and rehospitalization:<br />
comparing oral and depot antipsychotics,<br />
J Clin Psychiatry 2003, 64 Suppl<br />
16, 14-7.<br />
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007
22 ■ ANNONCES PROFESSIONNELLES<br />
N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
Pour vos annonces professionnelles<br />
contactez Madame Susie Caron au<br />
01 45 50 23 08<br />
ou par e-mail<br />
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Le Centre Hospitalier<br />
d’Oloron (64400)<br />
recherche<br />
un médecin psychiatre<br />
attaché (30%) au Service de Médecine Polyvalente,<br />
complété par un temps partiel (40%) auprès<br />
de deux structures médico-sociales associatives pour<br />
adultes handicapés mentaux en Vallée d’Aspe.<br />
Fonctions à pourvoir au 1er juillet 2007 (départ à la<br />
retraite du seul psychiatre libéral du secteur).<br />
***<br />
Renseignements auprès du Dr. BERGES - Tél. : 05 59 39 07 12<br />
Candidature à adresser à :<br />
Direction du Centre Hospitalier d’Oloron,<br />
Avenue Fléming - 64400 Oloron-Sainte-Marie<br />
EPSM LA L ROCHE<br />
(74)<br />
OCHE-SUR-F SUR-FOR<br />
ORON ON (74)<br />
recrute<br />
un Praticien Hospitalier temps plein<br />
pour le Secteur UCSA (Maison d'Arrêt de Bonneville - 74)<br />
Cadre de vie très agréable entre lacs et montagnes.<br />
***<br />
Candidature et CV à adresser à :<br />
M. DUMOUTET, Directeur Adjoint<br />
Tél. 04 50 25 43 05<br />
La Clinique Médico-Universitaire<br />
Georges Heuyer<br />
68, rue des Grands Moulins - 75013 Paris<br />
Tél : 01 45 85 25 17<br />
recherche<br />
2 MEDECINS SPECIALISES EN PSYCHIATRIE à temps plein,<br />
1 MEDECIN SPECIALISE EN PSYCHIATRIE à temps partiel,<br />
pour travailler en service d'hospitalisation temps complet auprès de patients de 16 à<br />
25 ans, dans le cadre d'une prise en charge soins-études. Participation aux astreintes<br />
médicales.<br />
Rémunération : selon les dispositions de la Convention Collective d'Octobre 1951.<br />
CV et lettre de motivation à adresser à Mme Francine AUBRY, Directeur<br />
Renseignements complémentaires auprès du Dr Hélène LIDA-PULIK, Médecin Coordonnateur<br />
L’I.M.P ’I.M.P ST-JOSEPH<br />
ST-JOSEPH<br />
21 rue Paul-Louis Lande • 33000 BORDEAUX<br />
recherche un psychiatre quart temps,<br />
à partir d’octobre 2007,<br />
orientation analytique souhaitée<br />
Contacts : Dr J. Bénazet,<br />
05 56 92 72 36 ou 05 56 06 34 45<br />
L’ARI accompagne plus de 1000 enfants,<br />
adolescents et adultes dans ses établissements<br />
et services (ITEP, IME, EEAP, Foyers, CAT) et près<br />
de 3500 enfants suivis en CMPP, CAMSP et<br />
Hôpitaux de Jour.<br />
Notre projet consiste à promouvoir et faciliter le soutien à l’intégration de<br />
ces personnes dans le milieu social, scolaire, culturel et professionnel, en les<br />
accompagnant de la nécessaire dimension de soins. Notre souci permanent<br />
d’adaptation induit la reconnaissance de la diversité des pratiques et des<br />
modes de prises en charge ainsi que la promotion des approches plurielles.<br />
C’est pourquoi, nous privilégions les structures adaptatives, pluri-professionnelles,<br />
souples, réduites et mobiles, organisées autour de la personne.<br />
Si ce projet associatif vous intéresse et si vous aimez travailler en équipe,<br />
nous recrutons des :<br />
Médecins Psychiatres h/f Réf. MP/NV<br />
Pédopsychiatres h/f Réf. PP/NV<br />
Pédiatres h/f Réf. PE/NV<br />
Postes à temps partiel ou temps complet<br />
à pourvoir dans les Bouches du Rhône et le Vaucluse<br />
Vous travaillez dans l’ensemble de nos structures et assurez la prise en charge<br />
individuelle des enfants ou adultes et de leur famille.<br />
Vous soutenez et participez aux réflexions des équipes pluridisciplinaires,<br />
notamment autour de la construction et la mise en œuvre des projets<br />
individuels.<br />
Adressez-nous votre dossier de candidature,<br />
en précisant le type d’établissement, le lieu et le<br />
temps de travail recherchés à : Yolande OBADIA<br />
Directeur Général - 26 rue Saint Sébastien<br />
13006 MARSEILLE<br />
ou par mail à la Direction des Ressources<br />
Humaines : f-decourbeville@ari.asso.fr<br />
www.ari.asso.fr<br />
Partagez notre projet médico-social<br />
dans le Sud de la France<br />
URGENT<br />
Association Régionale<br />
pour l'Intégration<br />
LE CENTRE HOSPITALIER SPÉCIALISÉ<br />
DE SARREGUEMINES (MOSELLE)<br />
Recherche<br />
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Secteur Psychiatrie Adulte (57G11)<br />
Rémunération 4ème échelon majoré de 10%<br />
Possibilité de logement<br />
2 à 3 gardes mensuelles rémunérées comme telles<br />
Adresser candidature + CV + copies<br />
du Doctorat en Médecine et du DES de psychiatrie à :<br />
Monsieur le Directeur du<br />
Centre Hospitalier Spécialisé • BP 10629<br />
57206 Sarreguemines Cedex<br />
Association Hospitalière de Franche-Comté<br />
www.ahfc.asso.fr<br />
Etablissement Privé participant au Service Public Hospitalier, recrute<br />
pour le site de Montbéliard - Psychiatrie Infanto-Juvénile<br />
2 Psychiatres à temps plein (h/f)<br />
postes disponibles à pourvoir dans les meilleurs délais.<br />
Conditions statutaires : CCN 1951 (FEHAP) sous CDI<br />
ou Praticien Hospitalier en détachement.<br />
Pour tout renseignement sur ces postes, contacter :<br />
Monsieur le docteur Ph. BOUNIOL, Médecin Chef, tél. 03 81 37 71 20<br />
Envoyer lettre + cv + photo à AHFC - Direction des Affaires Médicales<br />
CHS de Saint Rémy et Nord Franche-Comté, 70160 Saint Rémy.<br />
Tél. 03 84 97 24 14 Fax 03 84 68 25 09<br />
sylvie.lemarquis@ahfc.fr prbcom.fr<br />
LE CENTRE<br />
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DE NANTES (44)<br />
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Pour tout renseignement<br />
s’adresser à :<br />
Monsieur le Docteur<br />
DELVIGNE<br />
Chef de Service de<br />
Psychiatrie III<br />
Tél. : 02 40 84 63 15<br />
Monsieur le Docteur<br />
BELONCLE<br />
Directeur du<br />
Pôle Psychiatrie<br />
Tél. : 02 40 84 61 52<br />
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Monsieur le Directeur des<br />
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Centre Hospitalier<br />
Universitaire de Nantes<br />
Immeuble Deurbroucq<br />
5, allée de l’Ile Gloriette<br />
44093 Nantes Cedex 01<br />
Secteur 16 de<br />
Psychiatrie Adulte<br />
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EXTRA -<br />
HOSPITALIER<br />
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Dr Roche-Rabreau<br />
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N°1 - TOME XX - FÉVRIER 2007<br />
REVUES<br />
Former à l’accompagnement<br />
des personnes handicapées<br />
Marcel Nuss<br />
Préface de Patrick Gohet et Jean-<br />
Claude Cunin<br />
Dunod, 23 €<br />
Marcel Nuss, qui est Président de la Coordination<br />
Handicap et Autonomie, a<br />
été chargé par le ministère, en 2003,<br />
d’une mission de médiation et de communication,<br />
il en a démissionné et critique<br />
actuellement les insuffisances de<br />
la nouvelle loi de février 2005.<br />
Les enjeux que représentent les nouveaux<br />
modes d’accompagnement, induits<br />
et encouragés par cette loi, ainsi<br />
que les répercussions inévitables que<br />
vont avoir sur la formation des accompagnants<br />
ces nouveaux modes<br />
d’accompagnement, ne sont pas négligeables.<br />
L’auteur pense qu’on ne pourra<br />
pas échapper, par exemple, à une revalorisation<br />
des salaires, sauf à vouloir<br />
se contenter d’un accompagnement au<br />
rabais et, par conséquent, prendre le<br />
risque d’avaliser de façon consciente,<br />
donc cynique, des maltraitances prégnantes<br />
et récurrentes. En ce qui concerne<br />
la réforme des formations, la quasitotalité<br />
des personnes consultées esti-<br />
ment qu’une remise à plat du système<br />
est primordiale. Elles sont pour l’instauration<br />
d’un tronc commun englobant<br />
les métiers de l’accompagnement<br />
des personnes. Ce qui signifie qu’elles<br />
adhèrent à l’idée d’une formation de<br />
base unique pour ces professionnels<br />
de l’accompagnement, débouchant<br />
sur des spécialisations optionnelles.<br />
Elus des villes et santé<br />
mentale<br />
Rhizome n°24, Bulletin national santé<br />
mentale et précarité<br />
Jean Furtos et Christian Laval n’imaginaient<br />
pas, lorsqu’ils ont pensé le thème<br />
de ce numéro, il y a 2 ans, qu’il sortirait<br />
dans un agenda politique bouleversant<br />
où les maires se verraient proposer<br />
une extension de leurs pouvoirs<br />
de police pour faire basculer une mesure<br />
thérapeutique, l’hospitalisation d’office,<br />
en mesure de lutte contre la délinquance.<br />
C’est dans ce contexte que<br />
l’interview du Ministre délégué aux collectivités<br />
territoriales appelle à un débat<br />
où les éléments du soin, du prendre<br />
soin et de la tranquillité publique doivent<br />
être jaugés sans précipitation. Il<br />
s’agissait, et il s’agit toujours de publiciser<br />
le rôle croissant des élus municipaux<br />
dans des pratiques de santé mentale<br />
multiples ; l’une d’elles est la possibilité<br />
23<br />
légale d’ordonner des hospitalisations<br />
d’office en cas de troubles imminents<br />
pour la sûreté des personnes. Une étude<br />
DIV-ONSMP (2003-2006) permet d’aborder<br />
ces pratiques avec une matière substantielle.<br />
Pour les professionnels de la<br />
santé mentale, il n’est pas toujours facile<br />
de reconnaître le rôle des élu(e)s locaux<br />
dont la mission ouvre une perspective<br />
d’emblée politique où la question<br />
du comment vivre ensemble se pose<br />
avec acuité. L’histoire rappelle pourtant<br />
qu’en France, pays très centralisé, la<br />
Santé Publique s’est vraiment développée<br />
dans les villes qui l’ont concrètement<br />
voulu, et il semble qu’il en soit de<br />
même pour la Santé Mentale. Certes,<br />
comme tous les élus, les maires sont<br />
souvent contraints par le calendrier électoral<br />
; mais dans le même temps, ils se<br />
trouvent dans une proximité généraliste<br />
avec leurs concitoyens et avec les<br />
professionnels. Percutés par les paroles,<br />
les cris et les silences des uns et des<br />
autres, ils gardent la capacité d’initier<br />
des actions à visée individuelle et collective<br />
dont on lira quelques développements<br />
dans ce numéro.<br />
RHIZOME est téléchargeable sur le Web: www.chlevinatier.fr/orspere<br />
Un singulier pluriel<br />
La psychanalyse à l’épreuve du<br />
groupe<br />
René Kaës<br />
Dunod, 26 €<br />
Ce livre détaille l’approche psychanalytique<br />
des groupes. René Kaës montre<br />
comment le sujet singulier est aussi un<br />
sujet « pluriel » dont l’inconscient est<br />
tenu et façonné dans les liens intersubjectifs,<br />
dans les alliances inconscientes,<br />
dans les espaces psychiques<br />
partagés avec d’autres.<br />
Directeur de la rédaction :<br />
Gérard Massé<br />
Rédacteur en chef : François Caroli<br />
Comité de rédaction : Centre Hospitalier<br />
Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris.<br />
Tél. 01 45 65 83 09.<br />
Botbol M., Carrière Ph., Dalle B., Goutal M.,<br />
Guedj M.-J., Jonas C., Lascar Ph., Martin A.,<br />
Paradas Ch., Sarfati Y., Spadone C.,<br />
Tribolet S., Weill M.<br />
Comité scientifique : Bailly-Salin P.<br />
(Paris), Besançon G. (Nantes), Bourgeois<br />
M. (Bordeaux), Buisson G. (Paris), Caillard<br />
V. (Caen), Chabannes J.-P. (Grenoble),<br />
Chaigneau H. (Paris), Christoforov B.<br />
(Paris), Colonna L. (Rouen), Cornillot P.<br />
(Paris), Dufour H. (Genève), Dugas M.<br />
(Paris), Féline A. (Paris), Ginestet D.<br />
(Paris), Guelfi J.-D. (Paris), Guyotat J.<br />
(Lyon), Hochmann J. (Lyon), Koupernik<br />
C. (Paris), Lambert P. (Chambéry), Loo H.<br />
(Paris), Marcelli D. (Poitiers), Marie-<br />
Cardine M. (Lyon), Mises R. (Paris),<br />
Pequignot H. (Paris), Plantade A. (Paris),<br />
Ropert R. (Paris), Samuel-Lajeunesse B.<br />
(Paris), Scotto J.-C. (Marseille), Sechter D.<br />
(Lille), Singer L. (Strasbourg), Viallard A.<br />
(Paris), Zarifian E. (Caen).<br />
Comité francophone : Anseau M.<br />
(Belgique), Aubut J. (Canada), Bakiri M.-A.<br />
(Algérie), Cassan Ph. (Canada), Douki S.<br />
(Tunis), Held T. (Allemagne), Lalonde P.<br />
(Canada), Moussaoui D. (Maroc), Romila A.<br />
(Roumanie), Simon Y.-F. (Belgique), Stip E.<br />
(Canada), Touari M. (Algérie).<br />
Publicité<br />
médical<br />
SUPPORTER<br />
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Renata Laska - Susie Caron,<br />
54, bd Latour-Maubourg, 75007 Paris.<br />
Tél. 01 45 50 23 08.<br />
Télécopie : 01 45 55 60 80<br />
E-mail : info@nervure-psy.com<br />
Edité par Maxmed<br />
S.A. au capital de 40 000 €<br />
54, bd Latour-Maubourg, 75007 Paris<br />
Maquette : Maëval. Imprimerie Fabrègue<br />
Directeur de la Publication :<br />
G. Massé<br />
www.nervure-psy.com