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Ostéonécrose des mâchoires par bisphosphonates per os

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Entretiens<br />

de Bichat<br />

2 oct. 2010<br />

Salle 341<br />

9 h 15 - 9 h 30<br />

Introduction<br />

474 - © ENTRETIENS DE BICHAT 2010<br />

<strong>Ostéonécr<strong>os</strong>e</strong> <strong>des</strong> <strong>mâchoires</strong> <strong>par</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> <strong>per</strong> <strong>os</strong><br />

A. Barrier*, G. Lescaille**, A. Rigolet***, B. Ruhin-Poncet****<br />

* Service de Chirurgie Maxillo-Faciale et Stomatologie, Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris<br />

** Hôpital Pitié-Salpétrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris Cedex<br />

*** Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris Cedex 10<br />

**** Hôpital Pitié-Salpétrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris Cedex 13<br />

Bien qu'il n'ait pas été démontré de relation de causalité entre<br />

la prise de <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> et la survenue d'une <strong>os</strong>téonécr<strong>os</strong>e<br />

<strong>des</strong> <strong>mâchoires</strong> (ONM) ; une association a été reconnue entre les<br />

<strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> injectables et l'ONM en raison :<br />

- de la forte association temporelle entre la prise de <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

et l'ap<strong>par</strong>ition de l'ONM,<br />

- et le peu de cas d'ONM décrits dans la littérature, avant l'arrivée<br />

sur le marché <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong>.<br />

Mais cette association avec les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> oraux (BPO) est<br />

moins évidente en raison de la faible incidence présumée <strong>des</strong> <strong>os</strong>téonécr<strong>os</strong>es<br />

<strong>des</strong> <strong>mâchoires</strong> induites <strong>par</strong> les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

oraux (ONMBPO).<br />

L'<strong>os</strong>téopor<strong>os</strong>e constitue un problème de santé publique avec<br />

le vieillissement de la population. Les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> de<br />

deuxième et troisième générations <strong>par</strong> voie orale sont les médicaments<br />

actuellement les plus prescrits pour le traitement de<br />

l'<strong>os</strong>téopor<strong>os</strong>e car ils ont démontré leur efficacité dans cette indication<br />

et constituent ainsi le traitement de référence : ils <strong>per</strong>mettent<br />

de diminuer la survenue <strong>des</strong> fractures et réduisent ainsi<br />

la morbidité, la dépendance, l'institutionnalisation et également<br />

la mortalité <strong>des</strong> patients <strong>os</strong>téoporotiques.<br />

Mais depuis la <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> premiers cas d'ONMBP en 2003<br />

<strong>par</strong> Marx et al. puis <strong>des</strong> premiers cas d'ONMBPO <strong>par</strong> Ruggiero<br />

et al. 1 , une inquiétude s'est installée puisque près de 14 millions<br />

de femmes aux Etats-Unis et 8 millions en Europe et ailleurs prennent<br />

ce traitement 2 .<br />

Ainsi, de nombreux groupes d'ex<strong>per</strong>ts se sont penchés sur ce<br />

problème devant la crainte de voir ap<strong>par</strong>aître dans les années<br />

qui viennent un problème majeur de santé publique avec l'ap<strong>par</strong>ition<br />

croissante de cas d'ONMBPO.<br />

Historique <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

La première indication <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> est le traitement de<br />

la maladie de Paget. C'est dans les années 1990 que débutent<br />

les premiers essais cliniques de prévention de l'<strong>os</strong>téopor<strong>os</strong>e <strong>par</strong><br />

l'Alendronate. Ce traitement est approuvé <strong>par</strong> la FDA (Food and<br />

Drug Administration) en 1995 pour le traitement de l'<strong>os</strong>téopo-<br />

Stomatologien<br />

r<strong>os</strong>e p<strong>os</strong>t-ménopausique. La FDA approuve ensuite le Risédronate,<br />

en 2000, puis l'Ibandronate, en 2005.<br />

Structure chimique <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

Les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> sont <strong>des</strong> molécules synthétiques analogues<br />

<strong>des</strong> pyroph<strong>os</strong>phates inorganiques naturels, où le carbone se<br />

substitue à l'oxygène rendant la molécule non hydrolysable et<br />

lui assurant une forte affinité avec les cristaux d'hydroxyapatite<br />

dans l'<strong>os</strong>.<br />

Les propriétés <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> sont déterminées <strong>par</strong> deux<br />

radicaux, R1 et R2, fixés sur le carbone :<br />

- le radical R1 influence l'affinité de la molécule avec l'<strong>os</strong>. Celleci<br />

est augmentée si R1 est constitué d'un groupe hydroxyle (OH),<br />

- le radical R2 détermine la puissance de la molécule.<br />

En fonction de la nature de R2, les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> peuvent être<br />

classés <strong>par</strong> générations :<br />

- Les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> non aminés ou de 1 re génération :<br />

• Ils sont représentés <strong>par</strong> l'Etidronate dont la puissance anti-résorptive<br />

est utilisée comme référence (égale à 1) et <strong>par</strong> le Clodronate.<br />

• Le Tiludronate contient un cycle carboné relié au carbone central<br />

ce qui lui confère une puissance anti-résorptive égale à 10.<br />

- Les amino<strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> en constituent les 2 e et 3 e générations<br />

:<br />

• Les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> de 2 e génération contiennent une amine<br />

primaire. C'est le cas de l'Alendronate qui est administré <strong>par</strong> voie<br />

orale et qui est 1 000 fois plus puissant que l'Etidronate.<br />

• Les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> de 3 e génération dont certains contiennent<br />

une amine tertiaire (exemple de l'Ibandronate qui est 5 000 fois<br />

plus puissant que l'Etidronate), et d'autres contiennent une amine<br />

cyclique (exemple du Risédronate dont la puissance anti-résorptive<br />

est 5 000 fois plus importante que celle de l'Etidronate).<br />

Pharmacocinétique <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

La forme orale <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> a une faible biodisponibilité<br />

(de 1 à 5 %) si les conditions optimales d'absorption sont respectées<br />

(patient à jeun, ingestion en p<strong>os</strong>ition verticale avec un


grand verre d'eau et ni alimentation ni p<strong>os</strong>ition allongée dans<br />

les 30 minutes qui suivent l'ingestion).<br />

Après absorption, la demi-vie plasmatique <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

est de quelques heures : environ 50 % de la substance absorbée<br />

se fixe aux cristaux d'hydroxyapatite de l'<strong>os</strong> au niveau <strong>des</strong> sites<br />

de remodelage actif, tandis que 50 % est excrétée dans les urines.<br />

La demi-vie <strong>os</strong>seuse <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> est longue : pour<br />

l'Alendronate, elle est estimée à environ 10-12 ans.<br />

Mécanismes d'action <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

Dans le cadre de l'<strong>os</strong>téopor<strong>os</strong>e, ils augmentent significativement<br />

la densité minérale <strong>os</strong>seuse, entraînent une diminution <strong>des</strong> marqueurs<br />

biologiques du métabolisme <strong>os</strong>seux, et diminuent le<br />

risque de fracture. Ce sont de puissants inhibiteurs de l'activité<br />

<strong>os</strong>téoclastique.<br />

Les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> se fixent de façon sélective sur les cristaux<br />

d'hydroxyapatite de la phase minérale du tissu <strong>os</strong>seux. Lors de la<br />

phase de résorption <strong>os</strong>seuse, les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> sont soit relâchés<br />

de l'<strong>os</strong> et incorporés dans l'<strong>os</strong> nouvellement formé soit internalisés<br />

<strong>par</strong> les <strong>os</strong>téoclastes et orientent leur métabolisme vers l'apopt<strong>os</strong>e.<br />

L'action <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> aboutit à un ralentissement du<br />

métabolisme <strong>os</strong>seux (<strong>par</strong> diminution de la résorption <strong>os</strong>seuse <strong>os</strong>téoclastique)<br />

et donc une altération du remodelage <strong>os</strong>seux.<br />

Historique de l'ONMBPO<br />

Avant 2003, aucun essai clinique ou article publié ne rapporte<br />

de complications concernant la région maxillo-faciale ou la cavité<br />

buccale, seules quelques douleurs <strong>os</strong>seuses sont décrites.<br />

La première étude évoquant une relation de cause à effet entre<br />

la prise de BPO et la survenue d'ONM est celle Ruggiero et al.<br />

en 2004 sur une série de 63 cas dont seulement 8 cas (13 %)<br />

étaient induits <strong>par</strong> <strong>des</strong> BPO 1 .<br />

A ce jour, un peu moins de 200 cas d'ONMBPO sont retrouvés<br />

dans la littérature. Ils correspondent à environ 5 % de tous les<br />

cas d'ONMBP rapportés.<br />

Épidémiologie de l'ONMBPO<br />

Les industries pharmaceutiques ont avancé une incidence<br />

d'ONMBPO de moins de 1 sur 100 000 patients-années pour<br />

l'Alendronate et de 1 à 1,2 sur 10 000 pour le Risédronate.<br />

En 2004-2005, Mavrokokki et al. retrouvent, au cours d'une<br />

étude p<strong>os</strong>tale en Australie (portant uniquement sur les données<br />

du système de santé publique non contrôlées en terme de diagn<strong>os</strong>tic),<br />

une fréquence de 1/2260 à 1/8470 (0,01 à 0,04 %) pour<br />

les patients <strong>os</strong>téoporotiques et de 1/56 à 1/380 (0,26 à 1,8 %)<br />

pour le traitement de la maladie de Paget.<br />

Dans une large étude allemande incluant 780 000 patients recevant<br />

<strong>des</strong> BPO pour <strong>os</strong>téopor<strong>os</strong>e, 3 ONM ont été identifiées<br />

avec un risque inferieur à 1 sur 100 000 patients-années, mais<br />

cette étude rep<strong>os</strong>e sur <strong>des</strong> données enregistrées pour lesquelles<br />

le diagn<strong>os</strong>tic d'ONM n'a pas été contrôlé.<br />

Mais les étu<strong>des</strong> les plus récentes évoquent une incidence plus<br />

alarmante évaluée à 4 % dans l'étude de Sedghizadeh et al. 3 et<br />

une prévalence de 1/952 selon l'étude de Lo et al.<br />

Physiopathologie de l'ONMBP<br />

Stomatologien<br />

A ce jour malgré certaines théories, les mécanismes étiopathogéniques<br />

de l'ONMBP ne sont pas encore bien définis.<br />

Le remodelage <strong>os</strong>seux est une fonction physiologique assurée<br />

<strong>par</strong> les unités <strong>os</strong>seuses multicellulaires (Bone Multicellular Units<br />

- BMUs) qui sont comp<strong>os</strong>ées d'<strong>os</strong>téoblastes, d'<strong>os</strong>téoclastes et de<br />

vaisseaux sanguins, et qui ont pour fonction de supprimer les<br />

microtraumatismes <strong>os</strong>seux et de remplacer l'<strong>os</strong> endommagé <strong>par</strong><br />

un nouveau tissu <strong>os</strong>seux. Le maintien d'un tissu <strong>os</strong>seux en bonne<br />

santé rep<strong>os</strong>e alors sur la balance entre la résorption <strong>os</strong>seuse et<br />

la minéralisation de la matrice <strong>os</strong>seuse en formation.<br />

Les <strong>os</strong>téoclastes ont une durée de vie d'environ 150 jours ; ils résorbent<br />

la matrice minérale de l'<strong>os</strong> et relâchent <strong>des</strong> BMP (Bone<br />

Morphognentic Protein) et <strong>des</strong> IGF (Insulin-like Growth Factor)<br />

qui induisent localement une différenciation <strong>des</strong> cellules souches<br />

en <strong>os</strong>téoblastes pour former un nouvel <strong>os</strong>. Mais si la fonction<br />

<strong>des</strong> <strong>os</strong>téoclastes est trop sévèrement endommagée, les <strong>os</strong>téoclastes<br />

morts ne sont pas remplacés et le réseau capillaire <strong>os</strong>seux<br />

n'est pas maintenu entraînant ainsi une <strong>os</strong>téonécr<strong>os</strong>e.<br />

On distingue dans la littérature deux théories principales selon<br />

que le point de dé<strong>par</strong>t de la pathologie se situe dans l'<strong>os</strong> ou dans<br />

les tissus mous :<br />

- La théorie "inside-out" :<br />

Le métabolisme <strong>os</strong>seux est profondément ralenti <strong>par</strong> les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

aboutissant à terme à une diminution du remodelage<br />

<strong>os</strong>seux. Cette inhibition de la résorption <strong>os</strong>seuse augmente la<br />

masse <strong>os</strong>seuse mais conduit à la formation d'un <strong>os</strong> davantage<br />

minéralisé avec l'accumulation d'un <strong>os</strong> plus ancien et plus cassant<br />

incapable de ré<strong>par</strong>er les microtraumatismes physiologiques<br />

<strong>os</strong>seux. La localisation exclusive au niveau maxillo-mandibulaire<br />

s'explique <strong>par</strong> un métabolisme <strong>os</strong>seux beaucoup plus important<br />

qu'au niveau du reste du squelette <strong>os</strong>seux ; notamment au niveau<br />

de l'<strong>os</strong> alvéolaire qui est soumis à l'influence mécanique<br />

<strong>des</strong> dents et au stress <strong>per</strong>manent provenant <strong>des</strong> forces masticatrices<br />

ce qui accroît le nombre de microtraumatismes physiologiques.<br />

La survenue d'un traumatisme ou d'une infection<br />

nécessite une ré<strong>par</strong>ation <strong>os</strong>seuse qui dépasse alors les capacités<br />

de cet <strong>os</strong> devenu « hypodynamique ». L'ONM résulte donc<br />

d'une association entre un métabolisme <strong>os</strong>seux altéré, un traumatisme<br />

local et, une demande accrue en ré<strong>par</strong>ation <strong>os</strong>seuse.<br />

- La théorie "outside-in" :<br />

La toxicité <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> sur les cellules épithéliales a été<br />

clairement documentée : les ér<strong>os</strong>ions buccales et ulcères gastriques,<br />

effets indésirables bien connus <strong>des</strong> amino<strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

oraux, l'illustrent <strong>par</strong>faitement. Ainsi le facteur déclenchant<br />

pourrait être un traumatisme de la muqueuse buccale ou une<br />

avulsion dentaire entraînant une libération de <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

à <strong>par</strong>tir de l'<strong>os</strong> sous-jacent qui serait responsable d'une inhibition<br />

de la cicatrisation normale de la muqueuse.<br />

D'autres auteurs ont évoqués l'éventuel effet anti-angiogénique<br />

<strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> puisque <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> in vitro et <strong>des</strong> étu<strong>des</strong><br />

sur modèle animal ont montré que les <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> inhibent<br />

l'angiogénèse. Mais, comme le précisent ces auteurs, les effets<br />

observés sont décrits pour <strong>des</strong> d<strong>os</strong>es bien plus élevées que celles<br />

© ENTRETIENS DE BICHAT 2010 - 475


administrées à l'homme, et ces effets n'ont pas été démontrés<br />

chez l'homme. Par ailleurs, il existe d'autres médicaments avec<br />

<strong>des</strong> effets anti-angiogéniques plus puissants qui n'entraînent pas<br />

d'ONM chez l'homme.<br />

Diagn<strong>os</strong>tic de l'ONMBP<br />

A ce jour, dans la littérature, il n'existe pas de définition claire de<br />

l'ONMBP, mais plusieurs, établies <strong>par</strong> différents groupes d'ex<strong>per</strong>ts.<br />

Selon l'AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire <strong>des</strong> Produits<br />

de Santé), l'ONMBP peut-être définie <strong>par</strong> l'association <strong>des</strong><br />

4 caractéristiques suivantes :<br />

1. Traitement <strong>par</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> antérieur ou en cours.<br />

2. Lésion de la muqueuse au niveau de la région maxillo-faciale<br />

mettant à nu l'<strong>os</strong> nécr<strong>os</strong>é et <strong>per</strong>sistant depuis plus de 8 semaines.<br />

3. Absence d'antécédents de radiothérapie dans la région<br />

maxillaire.<br />

4. Absence de localisation métastatique au niveau de la zone<br />

d'ONM.<br />

L'ASBMR 4 fait la distinction entre les cas avérés (répondant à la<br />

définition ci-<strong>des</strong>sus) et les cas suspectés pour lesquels la durée<br />

d'exp<strong>os</strong>ition <strong>os</strong>seuse est inférieure à 8 semaines.<br />

Classification de l'ONMBP<br />

L'AAOMS 5 a établi une classification comp<strong>os</strong>ée de différents<br />

sta<strong>des</strong> d'évolution de l'ONM afin de mieux guider les mesures<br />

préventives et la prise en charge thérapeutique.<br />

- A risque : Pas d'<strong>os</strong> nécrotique ap<strong>par</strong>ent chez <strong>des</strong> patients qui<br />

ont été traités avec <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> oraux ou injectables.<br />

- Stade 0 : Pas de preuve clinique d'<strong>os</strong> nécrotique, mais présence<br />

d'une symptomatologie et de signes cliniques non spécifiques.<br />

- Stade 1 : Exp<strong>os</strong>ition d'<strong>os</strong> nécrotique chez <strong>des</strong> patients asymptomatiques<br />

et qui n'ont pas de signes évidents d'infection.<br />

- Stade 2 : Exp<strong>os</strong>ition d'<strong>os</strong> nécrotique associée à une infection<br />

se manifestant <strong>par</strong> <strong>des</strong> douleurs et un érythème dans la zone<br />

d'exp<strong>os</strong>ition <strong>os</strong>seuse avec ou sans drainage purulent.<br />

- Stade 3 : Exp<strong>os</strong>ition d'<strong>os</strong> nécrotique associée à <strong>des</strong> douleurs,<br />

une infection et au moins un <strong>des</strong> critères suivants : fracture pathologique,<br />

or<strong>os</strong>tome, <strong>os</strong> nécrotique et exp<strong>os</strong>é s'étendant audelà<br />

de la région alvéolaire (c'est-à-dire au ramus mandibulaire,<br />

au sinus maxillaire ou à l'<strong>os</strong> zygomatique), communication<br />

bucco-sinusienne ou bucco-nasale, ou <strong>os</strong>téolyse s'étendant au<br />

bord basilaire de la mandibule ou au plancher sinusien.<br />

Facteurs de risque de l'ONMBP<br />

A ce jour aucune étude n'a pu rechercher les facteurs de risque impliqués<br />

dans le développement de l'ONMBPO probablement en raison<br />

de la faible incidence de cette pathologie. Ainsi les facteurs de<br />

risque n'ont pas été identifiés avec certitude et restent spéculatifs.<br />

L'AAOMS 5 distingue plusieurs catégories de facteurs de risque<br />

de l'ONMBP injectables ou oraux :<br />

476 - © ENTRETIENS DE BICHAT 2010<br />

Stomatologien<br />

Facteurs de risque liés au bisph<strong>os</strong>phonate lui-même<br />

• Puissance du bisph<strong>os</strong>phonate notamment dans la forme injectable.<br />

• Durée du traitement.<br />

Facteurs de risque locaux<br />

• Chirurgie alvéolo-dentaire (avulsions dentaires, implants, chirurgie<br />

péri-apicale, chirurgie <strong>par</strong>odontale…).<br />

• Particularité de l'anatomie locale (tori linguo-mandibulaires et<br />

palato-maxillaires, insertion mylo-hyoïdienne).<br />

• Pathologie buccale concomitante (<strong>par</strong>odontopathie…).<br />

Facteurs de risque démographiques et systémiques<br />

• Age avancé.<br />

• Race caucasienne.<br />

• Co-morbidités associées (diabète, obésité, insuffisance rénale<br />

ou respiratoire, anémie...).<br />

• Pathologie métastatique.<br />

• Consommation tabagique.<br />

• Association à une chimiothérapie (controversée).<br />

Facteurs de risque génétiques pour le myélome<br />

Les deux principaux facteurs de risque sont la forme injectable<br />

et la notion de chirurgie alvéolo-dentaire comme facteur déclenchant.<br />

Évolution de l'ONMBP<br />

Les ONMBPO seraient moins sévères, plus prédictibles et répondraient<br />

mieux au traitement que les ONMBP injectables d'après<br />

l'étude de Marx et al sur 30 cas 6 .<br />

Les ONMBPO progresseraient rarement au-delà du stade 2 et la<br />

plu<strong>par</strong>t <strong>des</strong> cas évolueraient vers la guérison après l'arrêt <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong>.<br />

Recommandations préventives et curatives<br />

de l'ONMBPO<br />

Recommandations internationales<br />

Les dernières recommandations internationales sont celles de<br />

l'AAOMS 5 éditées en 2009 et basées sur l'opinion d'ex<strong>per</strong>ts et<br />

sur les données de la littérature.<br />

Pour les patients asymptomatiques sous <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

oraux<br />

Si la prise de <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> est inférieure à 3 ans et que le patient<br />

ne présente pas de facteurs de risque :<br />

Il ne faut pas modifier le traitement en cours ni la prise en charge<br />

alvéolo-dentaire mais il faut en informer le patient, organiser un<br />

suivi régulier dans les suites de la chirurgie alvéolo-dentaire et<br />

prévenir également le médecin prescripteur, de l'acte réalisé et<br />

le patient, du risque de survenue d'une ONM.<br />

Si la prise de <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> est inférieure à 3 ans et si le patient<br />

a pris <strong>des</strong> corticoï<strong>des</strong> durant la même période :<br />

Il faut contacter le médecin prescripteur pour envisager l'arrêt<br />

temporaire <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> (au moins 3 mois avant la chirurgie<br />

buccale) ; le traitement ne doit être repris qu'après la cicatrisation<br />

complète.


Si la prise de <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> est supérieure à 3 ans :<br />

La prise en charge doit être identique à celle précédemment décrite.<br />

Ces recommandations devront être adaptées à chaque situation<br />

clinique en fonction du rapport bénéfice/risque.<br />

Pour les patients présentant une ONMBPO<br />

Les objectifs du traitement sont d'éliminer la douleur, de contrôler<br />

l'infection <strong>des</strong> tissus mous et durs, d'arrêter la progression de<br />

l'ONM et obtenir une cicatrisation muqueuse.<br />

Ainsi la prise en charge rep<strong>os</strong>era sur :<br />

- L'information et l'éducation du patient.<br />

- L'arrêt temporaire (6 à 12 mois) ou définitif du bisph<strong>os</strong>phonate<br />

responsable ; cet arrêt doit être envisagé et discuté avec le médecin<br />

prescripteur. Il pourra, si besoin, être remplacé <strong>par</strong> un autre<br />

traitement.<br />

- La prise en charge de la douleur <strong>par</strong> un traitement antalgique<br />

adapté, en collaboration avec le médecin traitant.<br />

- Le contrôle de l'infection <strong>par</strong> une antibiothérapie adaptée.<br />

- Le respect d'une bonne hygiène bucco-dentaire <strong>par</strong> l'arrêt du<br />

tabac, <strong>des</strong> br<strong>os</strong>sages réguliers et efficaces, <strong>des</strong> soins locaux et<br />

<strong>des</strong> bains de bouche avec de la Chlorhexidine à 0,12 %.<br />

- Le traitement chirurgical doit être limité en raison de la nature<br />

diffuse de la pathologie au niveau maxillo-mandibulaire. Ainsi la<br />

chirurgie doit être réservée si p<strong>os</strong>sible au stade 3 de la classification<br />

de l'AAOMS ou pour <strong>des</strong> séquestres <strong>os</strong>seux bien délimités.<br />

Elle doit également être réalisée a minima, lorsque l'<strong>os</strong> nécrotique<br />

entraîne une irritation locale de la muqueuse empêchant<br />

sa cicatrisation ou lorsqu'il existe <strong>des</strong> foyers infectieux dentaires<br />

symptomatiques pouvant entraîner une extension de l'ONM.<br />

- Si une résection interruptrice est nécessaire, la reconstruction<br />

ne doit pas être réalisée <strong>par</strong> une greffe <strong>os</strong>seuse ou un lambeau<br />

<strong>os</strong>seux vascularisé car les berges de résection sont peut-être le<br />

siège d'une nécr<strong>os</strong>e <strong>os</strong>seuse débutante.<br />

Les autres traitements n'ont pas montré leur efficacité.<br />

Recommandations françaises<br />

En France, l'AFSSAPS recommande une prise en charge similaire<br />

à celle de l'AAOMS avec quelques précisions.<br />

Pour les patients devant recevoir un traitement <strong>par</strong> bisph<strong>os</strong>phonate<br />

oral, il est recommandé<br />

D'effectuer un bilan bucco-dentaire suivi <strong>des</strong> soins dentaires nécessaires<br />

; ces derniers ne doivent pas retarder l'instauration du<br />

traitement <strong>par</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> chez les patients à risque élevé<br />

de fracture.<br />

Stomatologien<br />

Pour les patients sous <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> oraux sans ONM, il<br />

est recommandé<br />

De réaliser un suivi bucco-dentaire au moindre symptôme buccodentaire<br />

et au moins une fois <strong>par</strong> an comme dans la population<br />

générale.<br />

Lorsque les avulsions dentaires sont nécessaires, elles doivent être<br />

les moins traumatisantes p<strong>os</strong>sibles et réalisées sous couverture<br />

antibiotique avec une fermeture muqueuse étanche (si besoin<br />

réalisation d'un lambeau d'épaisseur <strong>par</strong>tielle).<br />

L'AFSSAPS ne préconise pas l'arrêt temporaire <strong>des</strong> BP avant un<br />

acte chirurgical bucco-dentaire mais ces recommandations ont<br />

été éditées en décembre 2007.<br />

Conclusion<br />

Les derniers résultats sur l'incidence et la prévalence de cette pathologie<br />

sont inquiétants et font craindre une augmentation du<br />

nombre de cas dans les années à venir pouvant représenter un<br />

problème de santé publique. Devant l'augmentation du nombre<br />

de prescription à long terme de <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> oraux (27 millions<br />

aux Etats-Unis en 2008), l'information <strong>des</strong> professionnels<br />

de santé sur cet effet indésirable doit être intensifiée pour que<br />

les mesures préventives soient appliquées systématiquement<br />

lorsqu'elles sont nécessaires, pour que la prescription <strong>des</strong> <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong><br />

à long terme dans le cadre de l'<strong>os</strong>téopor<strong>os</strong>e ne<br />

soit pas systématique et pour que les cas avérés d'ONMBPO<br />

soient mieux pris en charge et déclarés à la pharmacovigilance.<br />

RÉFÉRENCES<br />

1 - Ruggiero SL, Mehrotra B, R<strong>os</strong>enberg Tjengroff SL. Osteonecr<strong>os</strong>is of the jaws<br />

associated with the use of <strong>bisph<strong>os</strong>phonates</strong> : a review of 63 cases. J Oral<br />

Maxillofac Surg. 2004;62:527-34.<br />

2 - Sawatari Y, Marx RE. Bisph<strong>os</strong>phonates and bisph<strong>os</strong>phonate induced <strong>os</strong>teonecr<strong>os</strong>is.<br />

Oral Maxillofac Surg Clin North Am. 2007;19:487-98, v-vi.<br />

3 - Sedghizadeh PP, Stanley K, Caligiuri M, Hofkes S, Lowry Bshuller CF. Oral bisph<strong>os</strong>phonate<br />

use and the prevalence of <strong>os</strong>teonecr<strong>os</strong>is of the jaw : an institutional<br />

inquiry. J Am Dent Assoc. 2009;140:61-6.<br />

4 - Kh<strong>os</strong>la S, Burr D, Cauley J, Dempster DW, Ebeling PR, Felsenberg D, et al.<br />

Bisph<strong>os</strong>phonate-associated <strong>os</strong>teonecr<strong>os</strong>is of the jaw : report of a task force<br />

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© ENTRETIENS DE BICHAT 2010 - 477

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