Figures mythiques et bibliques chez Louky Bersianik et ... - Archipel
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l'agriculture) <strong>et</strong> au social (car elle a établi des lois); d'autre part, on voit la proximité<br />
nécessaire à la relation mère-fille, occultée en général par la mythologie <strong>et</strong> la religion judéo<br />
chrétienne.<br />
Comme sa mère, Perséphone semble réunir les deux mondes: elle est une figure de<br />
l'entre-deux puisqu'elle constitue « non seulement le trait d'union entre le monde des in[eri<br />
<strong>et</strong> celui des superi, mais c<strong>et</strong>te oscillation symbolise surtout le rythme de la nature », la force<br />
de la lumière qui efface celle des ténèbres. Par conséquent, elle « est une figure d'unité dans<br />
la dualité entre la vie <strong>et</strong> la mort» (Brunei, 2002, 1540, 1541) ; elle est aussi une figure de<br />
réconciliation « lumineuse» avec le monde parce qu'elle revient sur terre. Parce qu'elle a<br />
mangé des graines de grenade, le Moyen Âge l'a associée à Ève, tentée par la pomme<br />
(Brunel,2002, 1541). Pierre Brunei se demande si la découverte de l'enfer n'est pas tout<br />
simplement la découverte de soi, l'enfer pouvant être en nous (Brunei, 2002,1541,1542). En<br />
psychanalyse, Jung <strong>et</strong> Kérényi associent Perséphone à une crise existentielle, à l'idée de<br />
dislocation d'un individu qui se sent entre deux mondes, ce qui peut correspondre au<br />
sentiment de fragmentation que ressent la femme dans le système patriarcal.<br />
Les féministes, elles, interprètent ce mythe comme le mouvement de séparation <strong>et</strong> de<br />
rapprochement entre la mère <strong>et</strong> la fille, entre la fille <strong>et</strong> l'amant, un mouvement nécessaire à la<br />
réalisation de soi (Hirsch, 1989,35). Selon Adrienne Rich, le courroux de Déméter provoque<br />
le miracle (tout comme la Passion du Christ le fait ressusciter) <strong>et</strong> « [l]a véritable signification<br />
des Mystères était c<strong>et</strong>te réintégration de la mort <strong>et</strong> de la naissance à un moment où<br />
l'éclatement patriarcal semblait les avoir entièrement disjoints» (Rich, 1980,237).<br />
Dans La Main tranchante du symbole, <strong>Louky</strong> <strong>Bersianik</strong> écrit que c'est en bande que<br />
les femmes (<strong>et</strong> les déesses) sont les plus efficaces. Elle mentionne les Sirènes, les Muses, les<br />
Parques, les Amazones, ainsi que Déméter <strong>et</strong> Perséphone (<strong>Bersianik</strong>, 1990, 254). Nous<br />
voyons naître là une volonté de rappeler la solidarité féminine <strong>et</strong> le lien mère-fille oubliés,<br />
voire occultés, par la culture patriarcale. <strong>Bersianik</strong> a re-visé la notion de mère, puisque, selon<br />
elle, r<strong>et</strong>rouver la femme en la mère est nécessaire pour devenir soi-même une femme (Royer,<br />
77). Selon Bénédicte Mauguière, il y a, <strong>chez</strong> <strong>Bersianik</strong>, le désir « d'affinnation par rapport à<br />
la réalité sociale qui ne lui correspond pas ainsi qu'une manifestation de l'identité par un<br />
r<strong>et</strong>our à l'identité première, la mère, dont l'écriture des femmes garde intrinsèquement la<br />
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