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Enquête

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8<br />

ACTU<br />

remaides 54 - décembre 2004 - Photos : Pierre & Gilles, Laurent Vincent-Bardin<br />

Livre<br />

Le “mousse” Moréna, devenu célèbre à 37<br />

ans, est aujourd’hui un vaillant capitaine de<br />

53 ans, la poitrine large comme un coffre. Pas<br />

sur le bateau ivre de Rimbaud, mais plutôt sur<br />

celui du capitaine Crochet, n’hésitant pas,<br />

avec une plume acérée comme une lame, à<br />

régler quelques comptes avec des gens du<br />

show biz, milieu qu’il côtoie depuis son tube<br />

Oh, mon bateau !, sans tomber toutefois dans<br />

une dérive amère. Moréna a bien vécu :<br />

argent, luxe, plaisirs et sexe, mais une seule<br />

chose compte : sa passion pour Antoine qui a<br />

duré quatorze ans. Et sa plume devient légère<br />

comme une caresse pour celui avec qui il<br />

partage les angoisses des résultats d’analyses,<br />

les joies de l’espoir retrouvé, une<br />

chambre d’hôpital au fond du couloir. Dans<br />

un récit commencé tel un journal intime,<br />

Eric Moréna :<br />

“OH, MA GALÈRE !”<br />

Dans un livre à paraître début 2005, Un fond de tristesse, Eric Moréna parle avec<br />

force de son amour pour son compagnon Antoine, mort du sida en 1992. Loin de<br />

sombrer dans le vague à l’âme, l’interprète de Oh, mon bateau ! fait son retour,<br />

racontant ses années houleuses avec réalisme et poésie, ou comment il a réussi à<br />

sortir la tête de l’eau et bientôt, un nouvel album.<br />

émouvant par son style parfois virevoltant,<br />

s’égrène la vie de deux hommes que seule la<br />

mort a séparé, jamais le VIH. Un hommage,<br />

mais aussi un avertissement : la “contagion<br />

d’amour” n’arrive pas qu’aux autres et il est<br />

encore plus délicat de l’assumer lorsqu’on est<br />

célèbre. Le rendez-vous est pris dans un café<br />

avec Eric Moréna, œil espiègle, éternel bouc<br />

et ruban rouge en guise de légion d’honneur.<br />

Remaides : Pourquoi avez-vous eu envie de<br />

publier cette histoire très intime ?<br />

Eric Moréna : Je tenais un journal, souvent<br />

interrompu, puis remanié et encore abandonné,<br />

jusqu’au jour où un ami m’a dit :<br />

“Pourquoi ne le partagerais-tu pas avec les<br />

gens ?” L’idée a fait son chemin : témoigner<br />

de la souffrance des autres. Et puis, je voulais<br />

rendre hommage à mon ami, Antoine,<br />

mort dans d’horribles souffrances le 22 septembre<br />

1992. Le sida m’a pris l’homme de<br />

ma vie… Il faut parler de tous ceux qui sont<br />

morts d’amour.<br />

Cela a été difficile de gérer votre célébrité face<br />

à une maladie qui souvent exclut ?<br />

Cela a surtout été très dur pour moi au<br />

moment où la maladie s’est déclarée. Je faisais<br />

des allers et retours entre les “paillettes”<br />

et l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, les rumeurs<br />

Un fond de tristesse<br />

d’Eric Moréna, (éditions Société des Ecrivains,<br />

15 euros), sortie prévue en février 2005 dans<br />

toutes les librairies. Une partie des droits du<br />

CD 2 titres Antonio mio, bientôt dans les bacs,<br />

sera reversée à AIDES.<br />

allaient bon train, des amis ne me parlaient<br />

plus. Je m’évadais dans la peau de Moréna en<br />

faisant des galas ou la folle à la télé, grâce à<br />

mon méga tube Oh, mon bateau ! J’ai mesuré<br />

que, qui que l’on soit, le sida est une<br />

maladie de pestiférés pour les personnes<br />

atteintes et les proches. Mais ceux qui jugent,<br />

souffrent, eux, d’un rétrécissement du cœur.<br />

Comment avez-vous vécu la maladie d’Antoine ?<br />

Je n’avais pas peur du VIH et à une époque,<br />

je voulais moi aussi l’avoir pour épouser ses<br />

souffrances. Je me suis senti désarmé. Lorsqu’il<br />

commença à trop souffrir, j’ai décidé de<br />

l’hospitaliser à domicile, je ne pouvais lui<br />

apporter que ma présence. Il mesurait 1,80 m<br />

et pesait 50 kg, je le portais à la baignoire<br />

comme une plume. Dans ma tête, je me sentais<br />

malade. Et puis après sa mort, j’ai<br />

ressenti la terrible injustice qu’il n’ait pas pu<br />

bénéficier des nouveaux traitements arrivés<br />

par la suite.<br />

Quels sont vos projets aujourd’hui ?<br />

J’attends que mon livre sorte, de l’avoir entre<br />

les mains pour tourner la page. Après,<br />

j’écrirai la suite, tout ce qui s’est passé depuis<br />

sa disparition, la dépression et les espoirs…<br />

Je ne me suis jamais remis de la mort<br />

d’Antoine. C’est un de mes anges aujourd’hui.<br />

Je sors aussi mon quatrième album début<br />

2005 où une chanson s’appelle Antonio mio<br />

qui dit : “Dans le vertige de mes vertiges, la<br />

solitude de mon cœur, tu es parti dans un<br />

pays où l’amour ne fait plus souffrir…” Quand<br />

j’aurai plus de temps, j’aimerais bien aussi<br />

m’engager dans la lutte contre le sida.<br />

Entretien : Dominique Thiéry

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