Enquête
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Entretien avec Mohammed Touré, Président de Kénédougou Solidarité :<br />
“LE MALI NOUS A PROMIS<br />
LES TRAITEMENTS GRATUITS”<br />
Dernière association entrée dans le Réseau Afrique<br />
2000, Kénédougou Solidarité est basée à Sikasso, une<br />
ville au sud du Mali. Son président, Mohammed Touré,<br />
évoque l’importance d’appartenir au Réseau pour<br />
développer actions et soutiens aux personnes<br />
séropositives dans cette région dont le nom,<br />
Kénédougou, signifie la cité verte. Comme l’espoir.<br />
Remaides : Pourquoi avoir voulu rejoindre<br />
le Réseau Afrique 2000 ?<br />
Mohammed Touré : Pour être plus forts. Nous<br />
connaissions le Réseau pour avoir rencontré<br />
des associations membres et nous savions<br />
qu’y participer nous permettrait d’être plus<br />
visibles, plus crédibles et de pouvoir développer<br />
des appuis techniques et des<br />
formations. Notre association est née en<br />
1998 pour apporter une réponse locale à la<br />
lutte contre le sida. Sikasso est une ville carrefour<br />
située au centre d’un axe de<br />
ravitaillement entre le Mali, la Côte d’Ivoire,<br />
le Burkina Faso et le Togo. Beaucoup de routiers<br />
et d’agriculteurs sont touchés par le<br />
VIH. Nous devions prendre les choses en<br />
main !<br />
Que le Réseau vous apporte-t-il ?<br />
Le Réseau nous permet de rencontrer d’autres<br />
associations africaines locales,<br />
d’améliorer nos informations et d’échanger<br />
des expériences, mais aussi d’avoir une visibilité<br />
nationale et même internationale grâce<br />
au site Internet (voir encadré p. 28). Petit à<br />
petit, nous sommes reconnus pour ce que<br />
nous faisons : à Sikasso, beaucoup de médecins<br />
pratiquent des dépistages sauvages de<br />
patients sous prétexte qu’ils n’ont pas le<br />
temps de les informer ou parce qu’ils estiment<br />
que cela ne sert à rien de dire à<br />
quelqu’un qu’il est séropositif s’il n’y a pas<br />
de traitement. Aujourd’hui, ils continuent à<br />
dépister en cachette, mais désormais, ils<br />
nous envoient les personnes déclarées séropositives<br />
pour qu’on les prenne en charge.<br />
Qu’est-ce que Kénédougou Solidarité propose<br />
aux personnes séropositives ?<br />
Nous disposons d’une unité opérationnelle,<br />
appelée le “Cerkes” qui propose au public un<br />
dépistage anonyme, des consultations médicales<br />
et psychothérapeutiques pour les<br />
personnes touchées ainsi qu’une pharmacie.<br />
Dans un autre local, nous avons aussi des<br />
groupes de paroles et nous menons des<br />
actions d’éducation thérapeutique et nutritionnelle.<br />
Et puis nos activités concernent<br />
aussi les soins à domicile.<br />
Qu’en est-t-il de l’accès<br />
aux médicaments anti-VIH au Mali ?<br />
Il y a peu, j’étais encore assez pessimiste<br />
puisque seules 700 personnes à Bamako et<br />
une quarantaine à Sikasso, bénéficiaient d’un<br />
traitement. Mais le gouvernement malien<br />
vient de nous promettre la gratuité des médi-<br />
caments pour tous les malades du sida du<br />
pays, financée par le Fonds mondial. Nous<br />
venons de recevoir une mission exploratoire à<br />
Sikasso. Mais nous attendons de voir : si, le<br />
1 er décembre, nous ne les avons toujours pas,<br />
une grande marche sera organisée dans la<br />
capitale pour nous rappeler au bon souvenir<br />
du chef de l’Etat !<br />
Etre séropositif, malade du sida en Afrique,<br />
est-ce toujours difficile de l’assumer ?<br />
Il y a une grande amélioration concernant la<br />
visibilité des personnes. Avant, les familles<br />
associaient le sida à la conséquence de mauvaises<br />
mœurs, maintenant, elles acceptent<br />
mieux la situation de leurs proches confrontés<br />
à la maladie et sont souvent sollicitées<br />
pour leur venir en aide, ce qui fait partie de<br />
la prise en charge du malade.<br />
En quoi est-il capital que le Nord et le Sud<br />
travaillent de plus en plus ensemble ?<br />
Le sida a prouvé que l’on ne peut pas mener<br />
le combat tout seul, que ce soit au niveau des<br />
relations entre pays du Sud ou avec les pays<br />
du Nord. Nos échanges sont plus fructueux<br />
car nous savons mieux ce dont nous souffrons<br />
et ce dont nous avons besoin. Nous<br />
contribuons au Nord à la connaissance du<br />
Sud et grâce à lui, nous avons des soutiens<br />
logistiques, financiers et des informations sur<br />
les dernières avancées thérapeutiques.<br />
Entretien : D. T.<br />
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INTERNATIONAL photo : Emmanuel Trénado - remaides 54 - décembre 2004