COURS DE LITTÉRATURE FRANÇAISE, III - World eBook Library

AD DIX-HUITIEME slicLE. 361
Platon moderne, ce reveur d'une nouvelle Atlantide, qui
part pour aller dans les immenses forcts de la Finlande,
choisir des positions, calculer la resistance que ces bois
epais doivent opposer au feu de l'artillerie. II y resta
plusicurs mois, tout occupe de combinaisons militaires,
au milieu de ces deserts de sapins et de bouleaux, dont il
a trace de si pittoresques descriptions.
Sa mission achevee, il revint a Moscou; mais un caprice
de cour avait exile ses principaux protecteurs. Son
projet favori, l' ctablissement de sa colonie, devenait plus
impossible que jamais. Le chagrin de ce mecompte, I'aspect
de cette cour licencieuse et barbare, oil les vices elt..L
gants n'otaient rien a In ferocite, Ie rebutent. Un souvenir
de la liberte polonaise qui hrillait au loin, Ie seduit.
II renonce a l'alnbition subalterne de rester capitaine
d'artillerie, ou de devenir colonel dans les troupes russes,
ct denlande son conge.
Ce sont ces caprices, ces bourrasques d'un esprit genereux
et inquiet, qui l' ont fait accuser; et c' est pour
cela que je les rappelle. Arrive en Pologne, il oublia,
dans de brillantes seductions, les interets de Ia liberte
polonaise. II quitta la Pologne par un caprice, il courut
a Vienne, retourna inutilement a Varsovie, partit pour
Dresde, y vecut dans les plaisirs, et revint, en passant par
la Prusse. La, ce n' etait plus de folles distractions qui
l'attiraient. Frederic, deja vieux, courbe, chagrin, ne
croyant qu'a l'esprit, et cependant ne se servant que du
despotisme, s' occupait it faire manreuvrel' sa garde, en
meme temps qu'il ecrivait des lettrcs charnlantes a Voltaire
et it d' Alembert. Pour lui, un homme de la tailIe de
Bernardin de Saint-Pierre, ayant deja servi dans les
troupes russes, n'etait bon qu'a faire un officier. }Iais