Télécharger la revue - Église Catholique d'Algérie
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MéditAtion<br />
De toutes les réactions à l’attentat<br />
d’Achrafieh, <strong>la</strong> plus admirable est<br />
celle de cette femme hospitalisée<br />
filmée par <strong>la</strong> LBC, et qui affirmait<br />
qu’au moment de l’explosion, elle<br />
priait pour le peuple syrien, en se<br />
disant : « Quelle faute a commis<br />
ce peuple pour vivre une si totale<br />
déso<strong>la</strong>tion ? »<br />
Fady Noun<br />
Oui, quelle faute a commis ce<br />
peuple qui justifie pareilles souffrances ?<br />
Aussi admirable est le mot de cet ouvrier en<br />
bâtiment syrien qui affirmait : « Laissez, nous payons<br />
aujourd’hui le prix de toute <strong>la</strong> violence faite au<br />
Liban. » Mot authentique que je tiens d’un ami chef<br />
de chantier.<br />
C’est dans cette double générosité de cœur que<br />
se trouve <strong>la</strong> clé de <strong>la</strong> paix au Liban – et pourquoi<br />
pas, en Syrie. Le pardon offert d’avance par cette<br />
femme au peuple dont les dirigeants nous infligent<br />
pareilles souffrances est <strong>la</strong> clé de <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> violence<br />
au Liban.<br />
(…)<br />
Paroles sages qui apportent quelques lumières dans<br />
notre nuit. La nuit de ceux qui, à <strong>la</strong> télévision, ivres de<br />
douleur, affirmaient qu’ils ne seront payés de leurs<br />
souffrances que le jour où ils pourront reconnaître le<br />
cadavre de Bachar el-Assad, piétiné par son peuple,<br />
à certaines marques distinctives ; comme ce<strong>la</strong> s’est<br />
passé pour Wissam el-Hassan, difficilement identifié<br />
par les sauveteurs à <strong>la</strong> montre qu’il portait à son<br />
poignet et à un fragment de son arme.<br />
Ce n’est pas ainsi que l’on va au bout de <strong>la</strong><br />
violence. Ce n’est pas ce que Ghassan Tuéni a dit à<br />
l’enterrement de son fils, assassiné en 2005. Ghassan<br />
Tuéni a dit : « Éteignons <strong>la</strong> vengeance. Rachetons <strong>la</strong><br />
violence reçue en apprenant à souhaiter qu’elle soit<br />
leçon de civilisation<br />
Fady Noun est journaliste politique. Il est membre du GRIC (Groupe<br />
de Recherches Is<strong>la</strong>mo-Chrétien). Père de famille, chargé de<br />
communication à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, il est aussi<br />
l’auteur de recueils de poèmes. Ce texte est extrait d’un article<br />
publié le 18 octobre 2012 dans L’Orient Le Jour, quotidien libanais.<br />
<strong>la</strong> dernière. En apprenant à ne pas nous venger ; en<br />
apprenant que <strong>la</strong> violence engendre <strong>la</strong> violence et<br />
que dans ce cercle vicieux mimétique, nous nous<br />
constituons prisonniers de <strong>la</strong> violence, nous <strong>la</strong><br />
perpétuons et nous finissons par ressembler à notre<br />
adversaire ; plus rien ne nous distingue de notre<br />
ennemi. »<br />
Rachetons <strong>la</strong> violence en lui donnant une réponse<br />
de civilisation. Qu’il me soit permis de citer ici Michel<br />
Eddé qui, dans un éloge funèbre de Ghassan Tuéni,<br />
affirme que « les seules révolutions durables sont<br />
les révolutions b<strong>la</strong>nches », que <strong>la</strong> violence comme<br />
moteur de changement historique est une idéologie<br />
à jamais révolue.<br />
Dans son livre Voyage au bout de <strong>la</strong> violence, Samir<br />
Frangié, citant René Girard, a essayé de montrer qu’il<br />
y a dans nos violences une violence plus atavique<br />
dont on ne vient à bout que par une conduite de<br />
rachat, comme en <strong>la</strong> prenant sur soi.<br />
Oui, l’assassin est en nous et le voyage au bout de<br />
<strong>la</strong> violence est un voyage au bout de soi-même.<br />
Comme cette blessée de l’Hôtel-Dieu dont le cœur a<br />
pris le dessus sur l’idéologie, comme Ghassan Tuéni,<br />
comme le recommandent quelques sages qui nous<br />
restent, rachetons ce coup violent qui nous est porté<br />
par une conduite de civilisation.<br />
Il ne s’agit pas de nous aveugler sur l’origine de<br />
l’attentat, ou sur ses auteurs. Les assassins sont<br />
parmi nous comme au-delà de nos frontières. Mais<br />
il s’agit de maîtriser l’art d’éteindre <strong>la</strong> violence, en<br />
l’empêchant de nous détruire intérieurement, après<br />
nous avoir détruits extérieurement. Conquérons<br />
notre propre violence pour conquérir ensuite<br />
notre ennemi. Montrons au monde, pacifiquement,<br />
comme nous l’avons déjà fait, que le Liban existe<br />
vraiment.<br />
Fady Noun