Télécharger la revue - Église Catholique d'Algérie
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Année de lA foi<br />
Annie, vous êtes catholique dans une famille qui<br />
est musulmane. Est-ce qu’il vous est arrivé de<br />
douter, de vous dire : « ce serait plus facile si j’étais<br />
musulmane » ?<br />
Je suis née dans une famille très croyante, dans un<br />
vil<strong>la</strong>ge où tous étaient catholiques. Avec <strong>la</strong> guerre, nous<br />
avons dû partir pour habiter un vil<strong>la</strong>ge protestant, où<br />
nous étions les seuls catholiques. Un jour, j’ai interrogé<br />
mon père : « pourquoi n’irions-nous pas avec les<br />
protestants au temple ? » Mon père m’a dit : « Tu ne<br />
sais pas quelles richesses nous avons dans notre foi ! »<br />
et il m’a tellement bien expliqué que je n’ai jamais plus<br />
eu de doutes.<br />
Comment êtes-vous arrivée en<br />
Algérie ? Comment avez-vous<br />
rencontré votre mari ?<br />
Ayant fait des études d’infirmière<br />
et de sage-femme, je vou<strong>la</strong>is<br />
aller dans un pays pauvre. J’ai<br />
été envoyée en 1967 dans un<br />
dispensaire de l’Algérois, que<br />
fréquentaient beaucoup de gens<br />
du Sud. Moi qui avais étudié en<br />
Suisse, voilà que je devais faire des accouchements<br />
chez des nomades sous <strong>la</strong> tente ! Je priais : « Dieu aidemoi,<br />
que tout se passe bien. »<br />
Un jour, un homme est venu demander que quelqu’un<br />
aille chez lui chaque soir, pour soigner son épouse<br />
ma<strong>la</strong>de. C’est ainsi que j’ai rencontré mon mari. Aîné<br />
des enfants, il aidait son père qui s’occupait d’un<br />
grand domaine agricole. Il avait besoin d’être écouté.<br />
Un jour il m’a déc<strong>la</strong>ré son amour. Il m’a dit : « tu peux<br />
rester comme tu es, on peut vivre nos deux religions<br />
en parallèle et être ensemble ». Je suis allée réfléchir<br />
deux semaines en Allemagne et, à mon retour, j’ai dit<br />
« oui ». On a décidé que si on restait en Algérie, nos<br />
enfants seraient musulmans. On s’est mariés, on a eu<br />
trois enfants. Nous fêtions les fêtes chrétiennes et les<br />
fêtes musulmanes. Je pouvais recevoir chez nous mes<br />
amis chrétiens. Ce<strong>la</strong> ne faisait aucun problème. Ce qui<br />
interview<br />
« Quand on est chrétien, on peut aller partout »<br />
Annie Benchekor est allemande et vit près d’Oran. Elle<br />
est veuve d’un Algérien avec qui elle a eu trois enfants.<br />
Elle nous raconte son itinéraire et nous parle de sa foi.<br />
compte c’est <strong>la</strong> foi. Jamais je n’ai douté.<br />
Autour de vous, comment voyait-on cette alliance<br />
entre une catholique et un musulman ?<br />
Ma belle-mère, nomade, ignorait qu’il existait d’autres<br />
religions. Jamais elle ne m’a fait de reproches. Mon<br />
beau-père avait été élève des pères b<strong>la</strong>ncs, et avec lui<br />
je pouvais bien discuter. Quand on a construit notre<br />
maison, il a demandé à vivre avec nous. Je l’ai soigné<br />
jusqu’à <strong>la</strong> fin. Je tenais sa main quand il s’est endormi.<br />
Qu’est-ce qui vous a nourri sur votre chemin de foi ?<br />
Depuis mon enfance, le dimanche est un jour sacré<br />
pour moi. Je n’ai jamais<br />
manqué <strong>la</strong> messe du<br />
dimanche. Le jour<br />
de notre mariage,<br />
d’ailleurs, j’ai <strong>la</strong>issé les<br />
invités le temps d’aller<br />
à <strong>la</strong> messe. Et je prie<br />
beaucoup Marie.<br />
Ma belle-mère, que<br />
je soigne chez moi,<br />
fait cinq fois par jour<br />
sa prière. Comme elle<br />
entend mal, je lui dis quand c’est l’heure de <strong>la</strong> prière.<br />
Et moi, quand j’entends le muezzin, je prie : « Mon<br />
Dieu, fortifie ma foi, donne-moi le courage et <strong>la</strong> force »<br />
ou bien « Ô Dieu fort, ô Dieu grand, ô Dieu immortel,<br />
prends pitié de moi. »<br />
Annie, y a-t-il une parole de l’Évangile que vous aimez<br />
particulièrement ?<br />
« Aime Dieu de tout ton cœur… et ton prochain<br />
comme toi-même. » Quand mon mari est tombé<br />
ma<strong>la</strong>de, chaque soir je priais avec lui à ma manière, et<br />
lui aimait beaucoup entendre : « Le Seigneur est mon<br />
berger… ».<br />
Ma vie a été très riche. Quand on est chrétien, on peut<br />
aller partout.<br />
Propos recueillis par D.L.