Actes du 5e colloque étudiant (PDF; 4 Mo) - Institut EDS en ...

NOS COMMANDITAIRES ET PARTENAIRES

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
2
5 e colloque étudiant de l’Institut
EDS
Les actes du colloque
Gestion durable des ressources et du
territoire: avancées et perspectives
20 mars 2009, Université Laval, Québec

Coordonnées de l’Institut
Institut Hydro-Québec en
environnement, développement et
société
2440, Pavillon des Services, Boul.
Hochelaga, local 3800
Université Laval, Québec, G1K 7P4
Téléphone : (418) 656-2723
Télécopieur : (418) 656-7330
Courriel : ihqeds@ihqeds.ulaval.ca
À propos de l’Institut EDS
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
L’Institut Hydro-Québec en environnement,
développement et société (Institut EDS) est un
regroupement de membres de la communauté
universitaire, provenant aussi bien de sciences sociales
que de sciences dures ou appliquées, qui partagent un
intérêt commun pour la recherche et la formation en
environnement, développement et société.
Le mandat de l’Institut est de soutenir la recherche
pluridisciplinaire, les synergies entre spécialistes et de
promouvoir une vision d’ensemble sur les questions
d’environnement dans la société. L’Institut réalise ou
facilite des activités visant l’approfondissement et la
diffusion des connaissances dans le domaine de
l’environnement et du développement durable. Afin de
faciliter l’atteinte de ces objectifs, la structure se veut
souple, rassembleuse et ouverte.
L’Institut EDS relève à la fois du Vice-rectorat à la
recherche et du Vice-rectorat aux études, possède une
relation privilégiée avec deux facultés (sciences sociales
et sciences et génie), tout en collaborant avec
l’ensemble des facultés de l’université. Ses membres
peuvent être individuels ou collectifs.
Site Internet: http://www.ihqeds.ulaval.ca
Supervision du colloque et publication des Actes :
Koassi d’Almeida, adjoint à la formation et à la coopération,
Institut EDS
Comité organisateur du colloque :
Sabine Mekki, Jean-François Fortier, Sandrine Hogue-
Hugron, Julia Sotousek, Hélène Picard, Maria Aubin,
Véronique Maltais et Pierre Rondier
Avec la collaboration de : Anne Rouleau
Nos remerciements à Ariane Gagnon-Légaré, Linda Marcoux
et Jocelyne Néron de l’Institut EDS pour leur précieuse
collaboration à l’organisation du colloque.
Québec, mars 2009
3

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
4
Table des matières
Préface aux Actes du 5 e colloque étudiant.......................................................................... 7
Thème 1
Innovation et gouvernance.................................................................................................. 8
Droit d’accès à l’information environnementale : pierre d’assise du développement
durable
Jean Baril, étudiant au doctorat en droit............................................................................ 9
Gouvernance urbaine et gestion des déchets ménagers urbains à Abidjan : cas des
communes de Yopougon, Abobo et Cocody
Aya Georgette Dje, étudiante au doctorat en sociologie.................................................. 18
La constitutionnalisation d’un droit de la personne à l’environnement et au
développement durable en Afrique
Alain-Guy Tachou Sipowo, étudiant à la maîtrise en droit international ........................ 27
The Instrumentalisation of the Environment and the Diversionary Behaviour in Non-
Conflictual Conditions: A case study of the political discourse between the USA and
China between 1979 and 2004
Alia Alatassi, étudiante à la maîtrise en science politique ............................................... 37
Participation et innovations : le cas de la Commission d’étude sur la gestion de la forêt
publique québécoise
Julie Hagan, étudiante à la maîtrise en sociologie........................................................... 48
Processus participatif pour les décisions de développement de la villégiature autour des
lacs
Roxanne Lavoie, étudiante à la maîtrise en aménagement du territoire et développement
régional............................................................................................................................. 56
Thème 2
Entre exploitation et conservation des écosystèmes ......................................................... 64
Multiples discours, multiples réalités : La menace d’érosion des marais du Saint-Laurent
Chrystian Careau, étudiant à la maîtrise en sciences géographiques et membre du CIEQ
........................................................................................................................................... 65
Simulation du débit de la rivière Saint-Charles, première source d’eau potable de la ville
de Québec
Étienne Gaborit, étudiant au doctorat en génie civil........................................................ 69
La recolonisation spontanée dans les bancs d’emprunt de la région du Parc des Grands-
Jardins, Charlevoix

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Sandrine Hogue-Hugron, étudiante à la maîtrise en biologie végétale ........................... 79
Les plantes vasculaires sont-elles importantes pour favoriser la croissance des sphaignes
dans un contexte de culture de sphaignes?
Rémy Pouliot, étudiant au doctorat en biologie végétale................................................. 88
Impacts sur les volumes ligneux de la tordeuse des bourgeons de l’épinette
(Choristoneura fumiferana (Clem.) dans les sapinières soumises à différents niveaux
Cédric Fournier, étudiant à la maîtrise en sciences forestières....................................... 98
Essais exploratoires d’un procédé de distribution mécanique d’un prédateur naturel dans
la culture de la pomme de terre
Sylvain de Ladurantaye, étudiant à la maîtrise en génie agroalimentaire..................... 106
Thème 3
Gestion adaptative de l’eau............................................................................................. 112
À qui appartient l’or bleu? La problématique du droit de propriété de l’eau
Vincent Loiselle, Maître en philosophie ......................................................................... 113
Le Delta du Danube et l’Europe de l’environnement
Yoann Combe, étudiant à la maîtrise en sciences géographiques.................................. 120
La nécessaire modernisation des moyens de surveillance des zones maritimes pour une
gestion durable des ressources de la mer: l’exemple de l’Océanie
Clémence Mallatrait, étudiante au doctorat en science politique .................................. 137
Les actions des acteurs locaux dans la gestion de l’eau au Québec : de la fragmentation à
l’intégration?
Syltiane Isabelle Goulet, étudiante à la maîtrise en droit .............................................. 145
Catherine Potvin, conférencière d’honneur .................................................................... 155
Stage en développement durable au Panama (édition 2008)
Présentation de projets .................................................................................................... 156
Œuvres d’art.................................................................................................................. 157
Espoir
Herschell Lubin, étudiant au baccalauréat en Art Visuels............................................ 158
Vent nouveau
Julie Dumas, étudiante au baccalauréat en art visuel.................................................... 164
Voilier d’espoir sur mer asséchée
Fanny Parent, étudiante au baccalauréat en arts visuels et médiatiques...................... 165
5

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Poisson dur à avaler
Katy Bergeron, étudiante au baccalauréat en arts plastiques........................................ 166
Les mains dans les arbres
Hugo Nadeau, étudiant au baccalauréat en arts plastiques........................................... 171
Liste des participants....................................................................................................... 174
6

Préface aux Actes du 5 e colloque étudiant
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Le 5 e colloque étudiant de l’Institut EDS dont le thème était «La gestion durable
des ressources et du territoire: avancées et perspectives» a réuni plus de quatrevingt
participants. Dix-huit étudiants chercheurs de l’Université Laval et d’autres
université québécoises provenant des sciences sociales, des sciences et génie,
de droit, de foresterie, de l’agriculture, de l’aménagement ont présenté les
résultats de leurs travaux de recherche. Le colloque a également permis aux
étudiants de se sensibiliser aux différentes questions et approches du
développement durable, et d’amorcer un dialogue interdisciplinaire. Ce 5 e
colloque a mis en évidence une des priorités de l’Institut EDS, celle de
rassembler, en invitant les étudiants en arts visuels à présenter des œuvres en
lien avec le thème du colloque et aussi en intégrant à sa programmation, un
atelier sur les «résultats de stages en développement durable au Panama»
réalisés à l’été 2008 par des étudiants de 1 er cycle sous la supervision de
l’Institut EDS.
Outre les sessions régulières, des expositions d’œuvre d’art et la présentation de
la conférencière d’honneur, madame Catherine Potvin, professeure au
département de biologie de l’Université McGill, deux concours ont également eu
lieu en marge du colloque. Le premier visait à récompenser la meilleure œuvre
d’art présentée dans le cadre du colloque. Le prix a été décerné à Herschell
Lubin, étudiant au baccalauréat en art visuel de l’Université d’Ottawa. Le second
avait pour but de récompenser la meilleure communication orale du colloque. Le
prix a été attribué à Roxanne Lavoie, étudiante à la maîtrise en aménagement de
l’Université Laval.
Ces nouveautés sont le fruit de l’engagement d’un comité organisateur étudiant
dynamique composé de Maria Aubin, Jean-François Fortier, Sandrine Hogue-
Hugron, Véronique Maltais, Sabine Mekki, Hélène Picard et de Julia Sotusek, qui
a assuré avec brio l’entière responsabilité de l’organisation, de la mise en œuvre
et du succès de cet événement d’envergure.
La participation croissante des étudiants au colloque annuel de l’Institut EDS
confirme l’importance de cet espace de rencontre, de réflexion et d’échange sur
les questions et approches de développement durable. L’Institut EDS continuera
à tout mettre en œuvre pour faciliter le développement et la renommée de cette
activité étudiante.
Philippe Le Prestre
Directeur
7

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
8
Thème 1
Innovation et gouvernance

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Droit d’accès à l’information environnementale : pierre d’assise du
développement durable
Jean Baril
Étudiant au doctorat en droit
Université Laval
Il faut se rendre à l’évidence : même si, ces
dernières décennies, le droit de
l’environnement a connu un développement
fulgurant, tant au niveau international que
national, l’environnement continue de se
dégrader 1 . Certains instruments juridiques ne
semblent pas donner les résultats escomptés et
de nouveaux devront être mis en place pour
rendre effectif le concept de développement
durable. Après l’approche traditionnelle
réglementaire et celle des instruments
économiques du marché, on assiste
présentement à l’apparition d’une 3 e vague en
matière de gouvernance environnementale,
appelée « regulation by revelation », qui
repose sur la divulgation la plus large des
informations en matière d’environnement 2 .
Des développements juridiques récents
Déjà, un des principes de la Déclaration de
Rio sur l’environnement et le développement
indiquait que chaque citoyen devait avoir
accès aux informations relatives à
l’environnement que détiennent les autorités
publiques de façon à permettre au public de
participer efficacement à la prise de
11 Le 25 octobre 2007, vingt ans après la publication du
fameux Rapport Brundtland, le Programme des Nations
Unies pour l’Environnement (PNUE) faisait paraître
GEO-4, le rapport le plus complet sur l’état actuel de la
planète. Ce rapport conclut « qu’aucun des problèmes
majeurs soulevés dans Notre avenir à tous ne connaît
de prévisions d’évolution favorables » et affirme que
« si ces problèmes ne sont pas attaqués de front, tous les
progrès accomplis risquent d’être anéantis et de
menacer la survie même de l’humanité ».
2 Aarti GUPTA, « Transparency Under Scrutiny :
Information Disclosure in Global Environmental
Governance » (2008) 8/2 Global Environmental
Politics 2
décisions 3 . En 1998, la Commission
économique des Nations Unies pour
l’Europe adopte la Convention sur
l’accès à l’information, la participation
du public au processus décisionnel et
l’accès à la justice en matière
d’environnement 4 , qui constitue un
accord d’un nouveau genre à l’intérieur
du droit international de
l’environnement. En effet, ce traité ne
porte pas sur des milieux, des substances
ou des espèces, mais reconnaît et affirme
des droits qui peuvent être directement
invoqués par tous devant les tribunaux.
Cette convention dépasse donc le cadre
de l’environnement pour toucher aussi
des questions de démocratie et
d’exercice partagé du pouvoir entre
l’État, les décideurs économiques et les
citoyens, condition essentielle du
développement durable.
Depuis Rio, de nombreux autres
instruments juridiques, nationaux
comme internationaux, ont réitéré
l’importance de l’accès à l’information
en matière d’environnement et l’on peut
affirmer que l’information est
aujourd’hui reconnue internationalement
comme un des éléments indispensables
pour la protection et l’évaluation de
l’environnement 5 . De plus, ce droit
3
Déclaration de Rio, Doc. NU
A/CONF.151/26/Rev.1 (1992), art. 10.
4
[En ligne].
http://www.unece.org/env/pp/documents/cep43f.
pdf (Page consultée le 11 décembre 2008).
5
Paulo Alfonso LEME MACHADO,
« Information and Environment : The Evolution
9

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
procédural serait une condition de réalisation
du droit à un environnement sain et de
qualité 6 , droit maintenant reconnu dans la
Charte québécoise des droits et libertés de la
personne 7 .
Quant au droit général d’accès à l’information,
il s’agit, là aussi, d’un droit tout récent pour
les citoyens, mais qui se répand rapidement
partout sur la planète. En 1966, le Congrès
américain vote le Freedom Of Information
Act 8 (FOIA), législation qui consacre le droit
d’obtenir de l’État des documents jusque-là
préservés du regard des simples citoyens 9 .
Aujourd’hui, environ 70 pays disposent d’une
législation en matière d’accès à l’information,
dont les deux tiers ont été adoptés au cours de
la dernière décennie 10 . Par ailleurs, le Conseil
de l'Europe vient tout juste d’adopter le
premier instrument juridique international
contraignant qui reconnaisse un droit général
d’accès aux documents détenus par les
autorités publiques 11 . Autre évolution majeure
des vingt dernières années, le droit d’accès à
of Environmental Law », (2007) Environmental Policy
and Law, 37/2-3, p. 200.
6 Alexandre KISS et Jean-Pierre BEURIER, Droit
international de l’environnement, 3 e éd., Paris, A.
Pédone, 2004, p. 104.
7 L.R.Q., c. C-12.
8 5 U.S.C. § 552.
9 Paul-André COMEAU, « Accès à l’information :
perspectives internationales », dans Service de la
formation permanente, Barreau du Québec, Le droit à
l’information : le droit de savoir!, Cowansville,
Éditions Yvon Blais, 2006, p. 38.
10
COMMONWALTH HUMAN RIGHTS
INITIATIVE, Our Rights, Our Information –
Empowering People to Demand Rights Throught
Knowledge, 2008, p. 11. [En ligne] .
http://www.humanrightsinitiative.org/publications/rti/o
ur_rights_our_information.pdf (Page consultée le 18
février 2009)
11 Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux
documents publics. Adoptée le 27 novembre 2008 par
le Comité des Ministres, la Convention n’a pas encore
de numéro d’identification officielle. On peut retrouver
le texte [En ligne].
http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/Acc
essDoc.htm, (Page consultée le 18 février 2009)
10
l’information est de plus en plus
considéré comme un droit humain
fondamental, nécessaire à la réalisation
de tout autre droit humain 12 .
En outre, le droit d’accès à l’information
environnementale s’inscrit aussi dans les
récents développements entourant la
philosophie du droit, particulièrement
avec la théorie de démocratie
délibérative et de « l’agir
communicationnel » de Jürgen
Habermas 13 . Ainsi, la divulgation la plus
complète des informations pouvant
éclairer les multiples choix possibles est
considérée comme une condition
indispensable à l’élaboration et à la
légitimité des normes publiques en
matière d’environnement 14 .
Donc, en nous servant du cadre
conceptuel entourant le développement
durable et la démocratie délibérative,
notre recherche vise à faire une analyse
critique de la situation québécoise pour
déterminer si la réalité correspond aux
principes annoncés. Dans un État de
droit, ce sont les règles juridiques qui
cristallisent les obligations de l’État, des
entreprises et des citoyens, ainsi que
leurs droits, bien plus que le discours
politique. Donc, est-ce que les diverses
règles juridiques en vigueur au Québec
permettent que l’information
environnementale soit rendue disponible
pour assurer une participation effective
des citoyens à la protection de
12 Toby MENDEL, Freedom of Expression
Attains Legal Maturity. [En ligne].
http://www.article19.org/speaking-out/legalmaturity
(Page consultée le 13 décembre 2008).
13 Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie :
entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997 et
du même auteur L’intégration républicaine :
essais de théorie politique, Paris, Fayard, 1998.
14 Bjarne MELKEVIK, Considérations juridicophilosophiques,
Québec, PUL, 2005, p. 93.

l’environnement? Où, si les exceptions
traditionnelles à la divulgation,
particulièrement celles liées aux « droits
commerciaux », continuent-elles d’être un
frein majeur au droit de tout citoyen à
l’information environnementale?
La situation actuelle au Québec
Au Canada, ni la constitution ni la Charte
canadienne ne font référence au droit à
l’information, et cela même si la Charte
canadienne des droits et libertés 15 fut adoptée
l’année même de l’adoption par le Parlement
fédéral d’une loi sur l’accès à l’information.
Le droit à l’information y est plutôt vu comme
étant une création jurisprudentielle découlant
du droit à la liberté d’expression et de la
liberté de presse consacrée à l’article 2b) de la
Charte canadienne 16
. Pour sa part,
l’Assemblée nationale du Québec adopte, en
1975, la Charte des droits et libertés de la
personne 17 dont l’article 44 énonce que
« Toute personne a droit à l’information, dans
la mesure prévue par la loi ». Au Canada, il
s’agit du seul lieu de nature constitutionnelle
où se trouve formulé expressément un droit à
l’information 18 .
Au Québec, l’environnement a joué un rôle de
précurseur dans la question du droit d’accès à
l’information. En 1978, quatre ans avant
15 Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [Annexe
B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982), R.-U.,
c.11)].
16 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE
ET DE LA JEUNESSE, Le droit fondamental à
l’information, Complément au mémoire de la
Commission des droits de la personne et de la jeunesse
soumis lors de l’examen du rapport quinquennal de la
Commission d’accès à l’information, Octobre 2003, p.
6.
17 Précitée, note 7.
18 Henri BRUN, « Le droit du public à l’information
politique : un droit constitutionnel aux ancrages
multiples », dans Service de la formation permanente,
Barreau du Québec, Développements récents en droit
de l’accès à l’information, Cowansville, Éditions Yvon
Blais, (2005), p. 89, à la page 92.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
l’adoption de la Loi sur l’accès aux
documents des organismes publics et sur
la protection des renseignements
personnels
19
[ci-après « Loi sur
l’accès »], la Loi sur la qualité de
l’environnement [ci-après « L.q.e. »] est
modifiée de façon substantielle pour y
introduire un régime d’autorisation
préalable plus exigeant, celui de
l’évaluation et de l’examen des impacts
sur l’environnement 20 . La grande
particularité de cette procédure est de
permettre l’information, la consultation
et la participation du public. En 1982,
des spécialistes affirmaient :
Afin de permettre aux citoyens de
profiter pleinement des nouveaux
droits qui leur étaient désormais
reconnus (…), il était normal que le
législateur prévoie des dispositions
destinées à faciliter l’accès du public
à l’information gouvernementale.
C’est ainsi que les nouveaux droits
des citoyens en matière
d’environnement furent assortis de
ce qui apparaît aujourd’hui sans
doute comme une première dans les
lois québécoises, à savoir une
reconnaissance statutaire du droit du
public à l’information
gouvernementale 21 .
Au Québec, à l’instar de ce qui existe au
niveau international, on trouve
généralement deux voies d’accès du
public à l’information en matière
d’environnement. Une première
envisage la réponse des autorités aux
demandes d’informations particulières
du public. Au Québec, cette forme
19
L.R.Q., c. A-2.1. [ci-après citée « Loi sur
l’accès »].
20
L.Q. 1978, c. 64, section IV.1.
21
Yvon DUPLESSIS, Jean HÉTU et Jean
PIETTE, La protection juridique de
l’environnement au Québec, Montréal, Les
Éditions Thémis Inc., 1982, p. 148-149.
11

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
« passive » du droit à l’information
correspond en gros aux mécanismes prévus
par la Loi sur l’accès et à l’article 118.4 de la
L.q.e..
Par ailleurs, les autorités publiques détenant
des compétences en matière d’environnement
ou dont les activités peuvent causer un impact
sur l’environnement ont aussi une obligation
« active » en matière d’information. Elles
doivent assurer de manière systématique la
collecte, la sélection, la vérification, le
classement, la mise en forme, la mise à jour et
la diffusion des informations
environnementales pertinentes auprès du
public, en ayant de plus en plus recours aux
technologies modernes de communication 22 .
Cette obligation de divulgation d’information
environnementale est principalement assumée
en vertu de l’article 118.5 L.q.e., qui prévoit la
tenue d’un registre public par le ministre
responsable de l’environnement.
Cependant, un examen de la législation, de la
jurisprudence et de la doctrine juridique
démontre que l’accès aux informations
environnementales est loin d’être acquis au
Québec. Paradoxalement, la Loi sur l’accès
contient de nombreuses restrictions qui vont à
l’encontre d’objectifs recherchés par la L.q.e.
Ces restrictions visent généralement à protéger
les droits des tiers qui ont dû fournir des
informations à caractère industriel, financier,
commercial, technique, scientifique ou
syndical afin d’obtenir des autorisations 23 . De
nombreuses compagnies s’appuient sur ces
restrictions, et sur le statut « quasi
constitutionnel » de la Loi sur l’accès 24 , pour
22
Yvan RAZAFINDRATANDRA, « Du droit
d’accéder à l’information au droit d’être informé : le
rôle moteur du droit de l’environnement dans la
transformation des rapports entre l’administration
française et les usagers », (2005) 134 RDE 293.
23 Loi sur l’accès, précitée, note 19, art. 23-24-25.
24 Son article 168 indique que « Les dispositions de la
présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou
spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins
12
contester le droit du ministère de
divulguer ce type d’informations et
empêcher les citoyens d’obtenir des
documents réclamés en vertu de l’article
118.4 de la L.q.e. 25 . En outre, ce sont ces
exceptions au principe général d’accès
qui sont les plus utilisées pour refuser la
communication de documents, au
Québec comme au Canada 26 . Selon un
ancien Commissaire à l’information du
Canada :
L’actuel Commissaire a vu des
milliers de documents détenus par le
gouvernement qui concernaient des
entreprises privées. Les véritables
secrets sont rares. Dans certains
milieux, sonner l’alarme du
désavantage commercial est devenu
autant un réflexe que de cligner des
yeux. Les fonctionnaires ont presque
cessé de se soucier de l’intérêt du
public pour la transparence des
relations avec le gouvernement et les
entreprises privées 27 .
Ces conclusions rejoignent celles d’un
spécialiste de l’accès à l’information au
Québec qui considère inadmissible que
ce soit les entreprises qui établissent la
nature confidentielle de documents « en
les traitant de façon constante comme
telle » 28 et que les fonctionnaires des
que cette dernière loi n'énonce expressément
s'appliquer malgré la présente loi. ».
25
C’est ainsi que des citoyens de
Drummondville ont dû entreprendre une bataille
judiciaire de 6 ans pour finalement obtenir un
rapport de caractérisation environnementale,
traitant de la qualité de l’air dans leur quartier.
Voir Québec (Procureur général) c. Lavoie,
2006 QCCS 1632
26
COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU
CANADA, Réponse au rapport du groupe
d’étude de l’accès à l’information, Ottawa,
Septembre 2002, p. 73-74.
27
Id.
28
Critère retenu par la jurisprudence,
malheureusement selon nous, et qui fait relever

ministères environnementaux soient si
prompts à défendre ce point de vue devant les
instances chargées d’entendre les doléances
des citoyens à qui on refuse ces
informations 29 .
L’article 41.2 de la Loi sur l’accès peut
permettre d’obtenir des organismes publics
certaines informations environnementales
importantes, sans se buter aux habituelles
restrictions invoquées :
41.2. Un organisme public peut
communiquer un renseignement visé par
une restriction au droit d'accès prévue aux
articles 23, 24, 28, 28.1 ou 29 dans les cas
suivants :
…
4° à toute personne ou tout organisme si
cette communication est nécessaire à
l'application d'une loi au Québec, que cette
communication soit ou non prévue
expressément par la loi; (nos soulignés)
En revanche, l’avant-dernier alinéa du même
article indique que : « Toutefois, l'application
du présent article ne doit pas avoir pour effet
de révéler une source confidentielle
d'information ni le secret industriel d'un
tiers ». Le secret industriel d’un tiers, animé
par des considérations d’ordre économique,
semble donc peser plus lourd que l’application
d’une loi d’ordre public, comme la L.q.e,
malgré le discours sur un développement
durable donnant la même importance aux
facteurs économiques, sociaux et
environnementaux. En outre, la L.q.e. contient
aussi une disposition qui permet au ministre
du comportement de l’entreprise, la décision concernant
la divulgation d’information environnementale. Voir
Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétaire d’État)
(1994), 79 F.T.R. 42 (C.F. 1ere inst.)
29 À ce sujet, voir Yves DUPLESSIS, « L’accès à
l’information pour un environnement sain » dans
Service de la formation permanente, Barreau du
Québec, Développements récents en droit de l’accès à
l’information (1992), Cowansville, Éditions Yvon
Blais, p. 147-191.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
de « soustraire à une consultation
publique des renseignements ou données
concernant des procédés industriels » 30 .
Notons que la notion de « procédés
industriels » est bien plus vaste que celle
de « secrets industriels » contenue dans
la Loi sur l’accès.
Au Québec, l’obligation « active » de
divulgation d’information
environnementale est principalement
assumée en vertu de l’article 118.5
L.q.e., qui prévoit la tenue d’un registre
par le ministre responsable de
l’environnement. Ce registre porte sur 16
catégories de documents administratifs.
Cependant, malgré sa conclusion
édictant que « Les renseignements
contenus dans ce registre ont un
caractère public », l’accès au registre ne
permet pas au citoyen l’accès aux
documents permettant d’établir les
conditions précises apparaissant à un
certificat d’autorisation. Un certificat
d’autorisation fait généralement
référence aux conditions dans lesquelles
une entreprise devra opérer. Il fait aussi
état des analyses relatives aux impacts
de cette opération et des engagements
qui sont pris de part et d’autre.
Cependant, l’obtention d’une copie du
certificat d’autorisation par un citoyen se
résume, à ce jour, à la seule lettre du
ministère adressée au promoteur disant :
« Voilà votre certificat d’autorisation et
vous opérerez selon les conditions
énoncées dans les documents cijoints
» 31 . Mais, sans les fameux
documents joints contenant
l’information environnementale
recherchée. Or, si on ne connaît pas ces
30 Loi sur la qualité de l’environnement, L.R.Q.,
c. Q-2., art. 31.8 [ci-après citée « L.q.e »]
31 Ulysse BERGERON, « L’État ne répond plus
– Le ministère du mutisme durable ? », Le
Trente, (Décembre 2005- Janvier 2006), 17.
13

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
conditions d’autorisation, le fait que la Loi sur
la qualité de l’environnement 32 permette aux
citoyens de prendre une injonction pour faire
respecter les conditions d’autorisation devient
tout à fait illusoire.
Appelée à se prononcer sur le sens de cette
disposition, la Cour du Québec a d’abord
conclu, dans l’arrêt Récupération Portneuf
Inc, qu’il faut distinguer les renseignements
contenus dans le registre, des documents
auxquels il permet de se référer 33 . Par
conséquent, elle considère que les
renseignements contenus dans un document
auquel le registre permet de référer n’ont pas
de caractère public et sont soumis aux
restrictions de la Loi sur l’accès. Cependant,
une lueur d’espoir semblait permise lorsque,
en juin 2004, après plusieurs décisions ayant
appliqué les principes dégagés par l’arrêt
Récupération Portneuf Inc, le juge Brossard
de la Cour du Québec adoptait une position
différente en concluant que les documents
faisant partie du certificat d’autorisation
étaient accessibles pour une municipalité 34 . La
Cour supérieure 35 a refusé de réviser cette
décision et constaté que :
14
[…] l’article 19.3 de la L.q.e. consacre le
droit d’une municipalité de s’adresser à
notre cour afin d’obtenir une injonction en
cas de non respect par le titulaire d’un
certificat d’autorisation des conditions qui
y sont prévues. Or, l’exercice de ce droit
devient impossible si l’on ne connaît pas la
portée et le contenu véritable du certificat
[…]
32 L.q.e., précitée, note 30, art. 19.1.
33 Récupération Portneuf Inc. c. Ministère de
l’Environnement [1991] R.J.Q. 549 (C.Q.)
34 Chertsey (Municipalité) c. Québec (Ministère de
l’Environnement), (18 juin 2004), Montréal 500-80-
022212-034 (C.Q.) juge S. Brossard.
35 Chertsey (Municipalité) c. Québec (Ministère de
l’Environnement), (22 novembre 2004) 500-17-021578-
045 (C.S.), juge W. C. Décarie. Requête en révision
rejetée.
Nous avions alors salué cette décision et
considéré qu’il était possible d’utiliser le
raisonnement de cet arrêt pour soutenir
le droit des citoyens d’obtenir les
informations environnementales
nécessaires au soutien de leur droit à
l’injonction reconnu par la L.q.e. 36
Malheureusement, tant le MDDEP que
la Commission d’accès à l’information
continuent de contester cette
interprétation. En effet, dans un
jugement du 18 décembre 2007, la
C.A.I. refuse à une municipalité la
communication de documents
accompagnant le certificat d’autorisation
accordé à une carrière de granit, en
arguant des exceptions sur les secrets
industriels et les renseignements
commerciaux, comme l’avait d’ailleurs
décidé préalablement le MDDEP 37 .
C’est ainsi qu’il est aujourd’hui
impossible, pour un groupe écologiste
comme Fondation Rivières, d’obtenir le
débit réservé qui fut autorisé, par le
gouvernement, au promoteur d’une
centrale hydroélectrique privée sur la
Magpie. Et cela, même si ce projet et
cette question ont fait l’objet
d’audiences publiques et d’un avis du
BAPE! Si l’État n’a pas l’obligation de
rendre publiques les conditions
d’autorisation des projets pour lesquels il
donne le feu vert, comment les citoyens
peuvent-ils jouer le rôle de protecteurs
de l’environnement souhaité par les
discours sur le développement durable et
la démocratie participative?
36 Jean BARIL, Le BAPE devant les citoyens,
Québec, P.U.L., 2006, p. 106.
37 Municipalité de Saint-Nazaire c. Ministère du
Développement durable, de l’Environnement et
des Parcs et Granilac, (18 décembre 2007), 04
12 32 et 05 13 79 (C.A.I.) Commissaire Jean
Chartier.

D’autre part, les lois actuelles sur l’accès ne
touchent généralement que les informations
détenues par l’État. Or, le secteur privé peut
détenir des informations environnementales
fort importantes pour la préservation de
l’environnement. De plus, on assiste
actuellement à un transfert de certaines
missions de l’État vers le secteur privé, soit
par privatisation ou par partenariat, qui rend
souvent inaccessibles des informations qui,
auparavant, l’auraient été. Cela nous semble
difficilement conciliable avec le
développement durable et le discours sur la
responsabilité sociale des entreprises.
Questionnement et hypothèses de recherche
Les résultats attendus de notre recherche
permettraient donc d’apporter des éléments de
réponses juridiques aux questions suivantes :
le droit peut-il encore continuer à considérer
confidentiels et de nature privée des
renseignements qui touchent le patrimoine
collectif de l’humanité ou d’une nation? Face
à l’ampleur de la crise écologique mondiale, la
loi doit-elle continuer à privilégier l’intérêt
privé d’une personne morale qui juge
confidentiels certains renseignements d’ordre
environnemental que d’autres lois « d’intérêt
public » l’obligent pourtant à fournir à une
institution gouvernementale? Pourquoi la liste
des contaminants émis dans l’environnement
par une personne morale peut-elle relever de
sa « vie privée » et du secret industriel alors
qu’ils sont rejetés dans le domaine public et
que l’air et l’eau sont considérés « choses
communes » par le Code civil du Québec?
Comment faire en sorte que le cadre juridique
entourant le droit à l’information
environnementale reflète les exigences
nouvelles posées par le développement
durable? Comment concrétiser et rendre
effectif le droit de chaque individu à un
environnement sain tel qu’inscrit depuis 2006
dans la Charte des droits et libertés de la
personne et depuis 1978 dans la Loi sur la
qualité de l’environnement?
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Selon nous, et à ce stade-ci de notre
recherche, l’apparition du concept de
développement durable, les
revendications de démocratie
participative et de bonne gouvernance, la
mondialisation des échanges ainsi que
les possibilités nouvelles offertes par
l’explosion des technologies de
l’information doivent faire évoluer les
notions traditionnelles de droit ou de
liberté d’information. De plus, l’ampleur
de la crise écologique mondiale rend
nécessaire un traitement différencié des
informations pouvant avoir un impact
sur l’environnement. L’égalité d’accès
aux informations environnementales
nous semble une obligation, tant pour
une participation juste et efficace aux
processus de prises de décision que pour
la légitimité des normes
environnementales adoptées. Donc, il
faut abandonner certaines restrictions
traditionnelles au droit d’accès, afin de
permettre la divulgation quasi
automatique des informations
environnementales, tant celles détenues
par l’État que celles entre les mains du
secteur privé. Que tous les êtres humains
se donnent des droits pour défendre la
nature et le genre humain semble être
une évolution inévitable, d’ailleurs
tracée par le droit international de
l’environnement. Environnement et
démocratie vont plus que jamais de pair
et s’il y a désir de préserver l’un, il
faudra renforcer l’autre. Un des résultats
attendus de notre recherche est de
montrer les liens unissant droit de
l’environnement, droit d’accès à
l’information, démocratie délibérative et
développement durable. Seule l’union de
ces pièces permettrait de résoudre le
casse-tête écologique actuel.
15

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17

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
18
Gouvernance urbaine et gestion des déchets ménagers urbains à
Abidjan : cas des communes de Yopougon, Abobo et Cocody
Aya Georgette Dje
Étudiante au doctorat en sociologie
Université Laval
Résumé
Dans le présent article, nous nous penchons sur la
gestion des déchets ménagers dans la ville
d’Abidjan, soumise à une forte croissance
démographique. Face à l’urbanisation rapide,
accompagnée de l’augmentation de la production
des déchets, la ville est confrontée à de grands
problèmes d’insalubrité. Les pouvoirs
institutionnels, qui ont la charge de la gestion des
déchets éprouvent de nombreuses difficultés et
affichent des carences réelles dans l'organisation
officielle. Pour combler le vide laissé dans le
service par les pouvoirs institutionnels, de
nouveaux acteurs de la société civile qui
s’impliquent davantage dans la gestion de déchets
ménagers urbains émergent. Les stratégies de ces
nouveaux acteurs sont sanctionnées par une
imagination créative et une ingénierie assez
originale.
Les dynamiques sociales à l’œuvre dans la gestion
de l’environnement donnent lieu à l’action
collective et à la participation publique. Ils se
développent, donc, deux groupes d’acteurs qui
collaborent, l’un formel et l’autre informel. De ce
fait, dans cet article, nous explorons un cadre
théorique axé sur une nouvelle forme de gestion
des déchets ménagers. Nous mettons, en avant, les
acteurs en présence, leurs pratiques et leurs
représentations sociales de l’environnement à
partir de la défaillance des pouvoirs publics. Nous
soulignons aussi l’influence des variables
contextuelles, structurelles et culturelles sur la
salubrité de l’environnement urbain. Ainsi,
proposons-nous un éclairage novateur en mettant
l’accent sur un cadre sociologique propice à
l’expérimentation de l’innovation sociale.
Introduction
Le sujet traité aborde la question de la
gestion des déchets ménagers urbains. Cette
question est, de plus en plus présente, dans
les problématiques environnementales. Bien
des chercheurs indiquent que pour résoudre
les problèmes d’environnement, il est
nécessaire de mettre l’accent sur les valeurs
des acteurs, leurs pratiques et leurs
représentations de l’environnement.
Quelques travaux d’un ensemble d’auteurs
notamment Tessier et Vaillancourt (1996),
Rudolf (1998), (Garnier et Sauvé, 1999),
Dumas et Gendron (1994) Gervais et Dumas
(1991), Gervais (1991), Jodelet et Scipion
(1992) sont orientés dans ce sens et sont
d’un apport considérable à la compréhension
des problèmes environnementaux.
Il est bon de reconnaître que la recherche
axée sur les pratiques et les représentations
sociales de l’environnement contribue
significativement à l’élaboration des
politiques, à la résolution des crises
environnementales ou l’avancement du
savoir scientifique sur l’environnement.
Mais les travaux menés jusqu’ici restent
réductionnistes à la faveur de l’Occident.
Malheureusement, les implications de ces
travaux ne peuvent être transférables et
utilisables en Afrique. Les limites des
recherches existantes, au plan contextuel et
géographique, invitent à se pencher sur les
questions environnementales urbaines en
Afrique et sur les perspectives de solution.

L’originalité de notre étude réside dans
l’exploration de la question des déchets ménagers
urbains sous l’angle des acteurs, de leurs pratiques
et de leurs représentations dans un environnement
fort dégradé à partir de la défaillance des acteurs
institutionnels. Cette étude se veut une réflexion
sociale en vue de résoudre le problème
environnemental causé par l’insalubrité et pose,
ainsi, les jalons de la sociologie de
l’environnement dans les villes africaines.
Notre recherche n’est pas une étude
représentative. Les résultats
obtenus, sous la base de
l’échantillon, ne sont pas
exhaustifs, encore moins
généralisables aux autres
communes de la Côte d’Ivoire et
aux pays du Sud, de manière
générale. Il s’agit bien d’une
étude de cas et accuse des limites
certaines. La salubrité demeure
mal appréhendée. Elle ne saurait
être mesurable par les
représentations sociales.
Toutefois, cette recherche entend
contribuer à l’amélioration de la
salubrité.
Problème traité
La croissance de la ville d’Abidjan, à l’instar des
grandes métropoles africaines, engendre une
production importante des déchets et soulève des
défis de taille. Les plus épineux sont la gestion
des ordures ménagères (Touré, 2003). À Abidjan,
l'on assiste, depuis plus d'une décennie, à une
dégradation effrénée de l’environnement. La
détérioration environnementale est due, entre
autres, à l’insalubrité grandissante qui émane de la
défaillance des pouvoirs publics. Cette situation
trouve son point culminant par le déversement, en
2006, des déchets toxiques issus du navire Probo
Koala sur différents sites en plein air. L’état
d’insalubrité se caractérise par l’accumulation des
déchets non collectés et la prolifération des dépôts
sauvages dans les lieux publics tels que les
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
caniveaux, les ravins, la lagune et les abords
des ruisseaux. Cet état de fait occasionne
une grande pollution et détériore le cadre de
vie. Les nuisances causées à
l’environnement ont des impacts désastreux
sur la santé des populations ainsi que sur les
ressources naturelles telles que l'air, le sol et
l'eau (Dogoré, 2007) et compromettent les
perspectives de développement durable.
Figure 1
Constat de l’insalubrité
Les carences constatées dans le système de
collecte, d’évacuation et d’élimination des
déchets ménagers ont entraîné, dans les
années 90, l’émergence de nouveaux acteurs
de la société civile à la recherche de
solutions endogènes et efficaces. Dès lors,
des initiatives et des pratiques, caractérisées
par une nouvelle façon de faire les choses,
se multiplient en vue de répondre au besoin
de la salubrité. Devant un tel constat, la
question qui mérite d’être posée est la
suivante : la nouvelle gestion des déchets
ménagers urbains qui implique de nombreux
acteurs et diverses pratiques a-t-elle une
influence sur la salubrité environnementale?
19

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Telle est la question centrale à laquelle nous
tentons de répondre.
L’hypothèse générale de recherche est la
suivante : les pratiques des acteurs impliqués
dans la gestion des déchets ménagers urbains,
résultant de la défaillance institutionnelle, ont un
impact plus ou moins important sur la salubrité
environnementale.
Les concepts clés composant l’hypothèse générale
conduisent
à la mise
en
évidence
des
différentes
variables.
La
variable
indépenda
nte est la défaillance institutionnelle. La
défaillance des instances institutionnelles,
chargées de la gestion des déchets ménagers, est
l’élément contextuel déclencheur qui a débouché
sur l’implication d’une diversité d’acteurs aux
représentations différentes, autour d’un enjeu
commun qui est la recherche de la salubrité
environnementale.
La variable intermédiaire est l’émergence de
nouveaux d’acteurs de la société civile. Cette
variable prend en compte la typologie des acteurs,
leurs pratiques et leurs représentations. La
variable dépendante est la salubrité
environnementale. Celle-ci nous permet
d’apprécier l’effet des pratiques différenciées des
acteurs sur l’environnement à savoir si la salubrité
s’améliore ou non.
Les hypothèses spécifiques sont :
Hypothèse 1 : La faiblesse des pouvoirs
institutionnels favorise la dynamique et
l’implication de nouveaux acteurs dans la gestion
des déchets ménagers.
20
Hypothèse 2 : Les nouvelles formes de la
gestion des déchets ménagers urbains
varient en fonction de l’espace physique et
du niveau socio-économique des habitants.
Hypothèse 3 : certains types d’organisation
de la gestion des déchets ménagers urbains
sont plus efficaces que d’autres en matière
de salubrité environnementale
Figure 2
Schématisation de l’hypothèse générale
Présentation du milieu d’étude
La Côte d’Ivoire est située en Afrique de
l’Ouest. D’une superficie de 322.463 km,
elle compte, selon la Banque mondiale
(2007), 18.5 millions d’habitants avec un
taux de croissance annuel de 2,057% et une
densité de 57 habitants/km². Abidjan,
capitale économique, est située au sud du
pays et s'étend sur une superficie de
57 735 ha. Soumise à une urbanisation
galopante, cette ville connaît une perpétuelle
croissance due à l’industrialisation,
l’expansion anarchique des quartiers
précaires et à la crise politico-militaire de
2002 qui a engendré un déplacement massif
de la population vers ladite ville. En 2006, la
population d’Abidjan était estimée à 4 et 5
millions d’habitants.
La ville d’Abidjan est composée de 10
communes à savoir Plateau, Abobo,
Attécoubé, Adjamé, Cocody, Koumassi,
Marcory, Port-Bouët, Treichville et
Yopougon. L’ensemble de ces communes

constitue le district d’Abidjan où l’on observe
l’expérimentation de la gouvernance
environnementale en vue de résoudre le problème
de l’insalubrité récurrente.
Figure 3
Les trois communes de l’enquête
Matériels et méthodes
Le choix du site d’investigation
Les trois communes notamment Yopougon,
Abobo et Cocody qui font l’objet de la zone
d’étude ont chacune leurs caractéristiques propres.
Yopougon, est la commune la plus vaste et la
plus peuplée d’Abidjan. Celle d’Abobo est
majoritairement constituée d’habitats populaires
et précaires avec des voies d’accès difficiles.
Quant à la commune de Cocody, elle contient
plusieurs quartiers résidentiels luxueux. Deux
quartiers dans chacune des communes ont été
choisis pour les enquêtes. Les deux quartiers se
distinguent par les caractéristiques particulières.
L’un, de type semi-urbain à l’interface de la ville
et du village de classe socio-économique
moyenne et l’autre de type milieu urbain qui
répond à une classe défavorisée. Dans les deux
cas de figure, l’enjeu de l’enquête de terrain est de
saisir l’influence des caractéristiques
contextuelles, structurelles et culturelles sur la
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
gestion des déchets et la salubrité
environnementale.
Le choix de la méthodologie
Pour la collecte de données, trois communes
et deux quartiers de chaque commune ont
été retenus. Une enquête, à deux volets, a été
faite. La méthodologie
employée repose donc,
sur une approche
quantitative et
qualitative.
Au moyen des
questionnaires,
l’échantillon quantitatif
se compose, pour
chaque quartier, de la
manière suivante :
• de 20 ménages
sélectionnés par
choix raisonné;
• 10 éboueurs choisis
de façon aléatoire;
• 10 récupérateurs
composés de femmes et d’hommes,
choisis de façon accidentelle.
Au total, un questionnaire a été distribué à
240 participants. Les questions posées, à
caractère semi-ouvert, ont mis en évidence
les motivations des acteurs qui interviennent
dans la gestion des déchets, leurs
perceptions du service de la précollecte, de
la récupération et les moyens utilisés, leurs
attitudes et leurs perceptions du déchet, leurs
pratiques de rejet, leurs représentations de la
ville et de l’environnement ainsi que les
attentes et les difficultés.
En ce qui concerne le volet qualitatif,
l'entrevue individuelle a été utilisée à
l’intention des acteurs institutionnels et
privés (services techniques des
municipalités, District d'Abidjan, différents
ministères concernés, sociétés privées, chefs
de la précollecte et les structures de
21

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
l'environnement). Au total, dix-sept personnes ont
été interviewées.
Également, à partir d’une grille de lecture, nous
avons eu recours à l’observation directe.
L’observation portait sur le système technique et
les moyens mis en œuvre pour la gestion des
déchets ménagers, le comportement des acteurs,
les formes d’organisation, les modalités du
service, l’attention sociopolitique, les
caractéristiques physiques des quartiers, le degré
de mobilisation des habitants, la gestion de
l’espace, le niveau réel et les formes de service.
En fin de compte, une analyse comparative des
trois communes a été adoptée afin de déceler
l’influence des variables structurelles et
culturelles sur la salubrité environnementale.
Résultats
Les résultats de l’étude tendent à montrer que :
La gestion des ordures, comme cadre de
l'action publique, suscite une dynamique
sociale et de nouvelles formes d'organisation
ouvertes à la participation. Il en émerge une
certaine forme de «gouvernance».
Les pratiques des nouveaux acteurs créent une
ingénierie inventive et expérimentent
l'innovation sociale pour pallier les lacunes
réelles de l'organisation officielle.
Les représentations sociales de l'espace urbain
et de l'environnement déterminent la nature
des pratiques et les stratégies des acteurs.
Les caractéristiques particulières des
communes influencent les modes
d’organisation de la gestion des déchets, le
système technique, le niveau et le coût du
service.
Le comportement des acteurs et les pratiques
novatrices ne conduisent pas forcément à la
salubrité environnementale.
Interprétation des résultats
Les crises fréquentes des ordures, découlant de la
défaillance des pouvoirs publics dans la gestion
des ordures ménagères, donnent lieu à une fenêtre
22
d’opportunité. Cette situation que nous
considérons comme élément déclencheur
offre une occasion de participation aux
acteurs sociaux de la société civile (Palerm,
2000). La gestion des déchets ménagers
apparaît, de ce point de vue, comme un
espace social qui rassemble les citoyens sans
distinction de race, de classe sociale, de
sexe, de profession. Les acteurs, moins
hiérarchisés, provenant des associations
communautaires, des coopératives, des
groupements d’initiatives microprivées, des
activités de la précollecte ou de la
récupération s’infiltrent dans la filière et
s’organisent afin de répondre au besoin de la
salubrité. Ceux-ci affichent une nouvelle
manière de faire les choses; il est question
d’un nouveau mode d’intervention qui
rompt avec les pratiques antérieures. Il s’agit
de pratiques novatrices adaptées au contexte
d’une société où les moyens conventionnels
traditionnels de la gestion des déchets
s’affirment inefficaces et caducs. Dès lors,
les pouvoirs institutionnels n’ont plus le
monopole de l’action publique axée sur la
bureaucratisation (Jouve, 2003). Nous
assistons, donc, à une production de l’action
collective prenant en compte les acteurs
formels et informels, à une démocratie
participative (Theys, 2003) et l’émergence
d’une forme particulière de la gouvernance
environnementale.
Nous parlons de forme particulière parce
que l’action collective n’est pas fondée sur
des éléments pertinents tels que la
concertation, la transparence, l’efficacité et
la prise de décision commune entre les
acteurs. La participation publique à la
gestion des déchets ménagers se limite
seulement aux pratiques diverses orientées
par les intérêts et les représentations
diverses. Le processus de décision commune
pour les politiques environnementales est
exclu. La raison qui en découle est qu’il
n’existe pas de schème théorique ou, mieux

encore, de cadre substantiel sur lequel les acteurs
s’appuient. De ce point de vue, l’action collective
des acteurs, bien loin d’apporter des réponses
d’une grande efficacité, donne lieu non seulement
à l’impuissance collective (Theys, 2003) mais
contredit aussi l’architecture de la « bonne
gouvernance ».
L’analyse des données met en évidence l’utilité
économique et sociale de la participation des
nouveaux acteurs. Dans ce sens, l’action publique
est plus une réponse aux problèmes de chômage,
de pauvreté et d’exclusion sociale, consécutifs à la
crise économique. Les nouveaux acteurs, excepté
les hommes d’affaires, sont essentiellement des
désœuvrés, des déscolarisés, des diplômés sans
emploi et des démunis. En ce qui concerne la
précollecte, les prestations de service, auprès des
ménages, sont faites moyennant des contributions
financières. Le coût et le mode de paiement
dépendent du niveau des quartiers. Plus les
quartiers sont nantis, plus les habitants bénéficient
d’une qualité de service et plus les prestations
sont rémunérées. Par exemple, les habitants de
haut standing font l’objet d’un grand soin du point
de vue de l’organisation du service, du choix des
techniques matérielles et des comportements
visant la salubrité. En contrepartie, les prestataires
sont mieux payés. De notre analyse, il ressort
clairement que le champ de la gestion des déchets
ménagers participe à l’intégration sociale et à une
insertion socioprofessionnelle. Que ce champ
offre des possibilités d’épanouissement
économique ou social aux nouveaux acteurs, ce
n’est pas ce qui est nouveau. Ce qui l’est en
revanche, c’est l’expérimentation de l’innovation
sociale. Pour combler les lacunes affichées des
acteurs institutionnels, et surtout leur manque
d’inspiration et d’ingénierie, les nouveaux acteurs
s’impliquent sur le terrain par des initiatives
38
spontanées qui apportent des solutions
38 Les précollecteurs confectionnent de petits moyens
techniques comme les outils de ramassage d’ordures faits de
morceaux de cartons, de pneus, de tranche de bois pour
opérer dans les zones inaccessibles aux camions
conventionnels afin d’enlever plus d’ordures. Ils utilisent
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
originales et innovantes. La capacité de ces
acteurs, à créer à partir, des modèles
culturels pour régler la crise
environnementale est très impressionnante;
ce qui nous amène à souligner la promotion
d’une participation au niveau cognitif.
(Breyman, 1993) qualifie, cela, de
connaissance pratique ou ordinaire au sujet
de l’environnement. Quant à Ori (1993), il
fait référence à cette expérience comme de
véritables pouvoirs face aux pouvoirs
institutionnels.
Par ailleurs, les observations de terrain
révèlent que les conditions du milieu ou la
structure des communes conditionnent
l’organisation sociale, politique, technique et
économique. L’assertion de certains
théoriciens de l’écologie humaine et les
travaux des sociologues de l’environnement
notamment de Duncan (1961, 1964) sur la
dynamique d’interaction entre le milieu
physique, la population, l’organisation et la
technique illustrent bien nos propos. Les
pratiques se fondent non seulement sur les
conditions structurelles, mais aussi, sur les
représentations sociales. La manière de voir
les choses des acteurs, leur perception de la
ville et de l’environnement, les choix
rationnels qu’ils font et les intérêts en jeu
induisent des comportements, des pratiques
et des sélections. En d’autres termes, leurs
représentations sociales de l’environnement
influencent leurs pratiques et vice versa;
d’où la nécessité de souligner qu’il existe
une interaction bidirectionnelle. Les travaux
des auteurs comme Martin et Royer-Rastoll
(1990) soulignent bien l’interactivité entre
les représentations sociales et pratiques.
également les mêmes moyens pour retenir les ordures
afin de les éviter de se répandre au sol. Quant aux
récupérateurs, pour se protéger contre les piqures
d’objets tranchants, ils utilisent des fers crochus pour
ouvrir les sacs et repérer les matières recyclables.
23

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Conclusion
Globalement, les hypothèses se confirment par les
résultats obtenus. Des analyses se dégagent
quelques lignes principales qu’il convienne de
retenir. Afin de suppléer les lacunes des pouvoirs
institutionnels, les nouveaux acteurs font preuve
d’une grande capacité d’imagination. Le champ
de la gestion des déchets est donc ouvert à la
participation et à l’innovation sociale. Les limites
du processus de participation, conjuguées au
clientélisme et la confusion des responsabilités ne
donnent pas lieu à une véritable gouvernance
environnementale favorisant une gestion durable
des déchets à Abidjan. La gestion des déchets en
termes de protection de l’environnement ou des
ressources naturelles n’est pas l’objectif des
acteurs. Force est donc de reconnaître que la
conduite de ces acteurs est encore loin du
développement durable.
Les pratiques de l’ensemble des acteurs,
influencées par les facteurs physiques,
structurelles, culturelles, politiques et
économiques ne conduisent pas forcément à la
salubrité. L’innovation sociale des nouveaux
acteurs apporte certes, des réponses d’une grande
utilité, mais ne règle pas le problème de
l’insalubrité environnementale. De ce fait, nous
estimons que les innovations sociales des acteurs
doivent s’articuler aux outils de la gouvernance
environnementale afin d’aboutir à une gestion
durable des déchets ménagers.
Recommandations
Des leçons tirées de notre analyse, il importe de :
Repenser la configuration de l’environnement
institutionnel en l’articulant aux outils de la
gouvernance afin de répondre aux objectifs
d’efficacité, de rigueur, de transparence, de
cohérence et de responsabilités bien assumées;
24
Renforcer le mécanisme de coordination
et de concertation des deux pôles de
pouvoirs (acteurs institutionnels et de la
société civile);
Produire une mise à niveau du cadre
réglementaire qui met l’accent sur une
gestion des déchets ménagers
respectueux de l’environnement;
Mise en place d’un schéma directeur de
la gestion des déchets (précollecte,
collecte, valorisation et élimination des
déchets), servant de plate-forme pour
tous les acteurs. Ce schéma doit être
construit à la lumière de la
réglementation et appliquer les sanctions
à tous les contrevenants;
Penser l’éducation et la formation des
nouveaux acteurs aux problèmes
environnementaux et les inciter à agir
dans le sens de la protection de
l’environnement;
La gestion collective des déchets
ménagers est une esquisse de la
gouvernance environnementale. La
participation ne peut être efficace et
constructive que si cette démarche
contribue à l’élaboration consensuelle
des normes et politiques
environnementales. La décision
collective des acteurs sociaux
contribuerait au renforcement de la
légitimité des politiques publiques;
L’État doit se porter garant, à travers des
structures désignées, d’assurer le respect
des politiques environnementales.
Remerciements
Mes remerciements vont à l’endroit de
Monsieur Louis Guay, directeur de
recherche, qui a collaboré à la réalisation de
notre article et du CRDI qui a financé notre
recherche de terrain à Abidjan (Côte
d’Ivoire).

Figure 4
Image illustrant l’innovation des précollecteurs
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
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26

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
La constitutionnalisation d’un droit de la personne à l’environnement et
au développement durable en Afrique
Alain-Guy Tachou Sipowo
Étudiant à la maîtrise en droit international
Université Laval
Introduction
Le continent africain est souvent mal situé
dans les problématiques environnementales. Il
est décrit à tort ou à raison comme un espace
vert. Le faible tissu industriel et l’absence
d’une économie productiviste seraient à
l'origine d’une pollution et une dégradation
des ressources naturelles relativement lentes.
Cependant, au contact du libéralisme
économique, l’Afrique se montre intéressée
par l’accélération de son développement. Par
conséquent, le développement durable,
problématique globale 1 , est accueilli comme
une nouvelle idéologie construite pour retarder
le progrès. Ainsi, alors que se consoliderait au
Nord un droit de l’environnement plus fort
(codes de l’environnement), on revendiquerait
au Sud des normes environnementales de
caractère développementaliste (responsabilité
commune mais différenciée) 2 .
S’intéresser aux Constitutions africaines a de
ce fait une importance qu’il convient de
démontrer. La constitution dans un État est
plus qu’une loi, c’est la loi fondamentale de
laquelle découlent toutes les autres. D’un
point de vue philosophique et théorique, elle
pose les bases de l’organisation sociale,
1 Alex Franklin, "Sustainable Development. By Susan
Baker," J Environmental Law 19, no. 3 (2007).
2 Voir principe 7 de la Déclaration de Rio sur
l’environnement et le développement, adoptée par la
Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le
développement, Rio de Janeiro, 3 au 14 juin 1992. En
ligne sur http://www.un.org/french/events/rio92/riofp.htm#three,
[Dernière consultation le 10 mars 2009].
exprime les croyances, les convictions et
les aspirations d’une nation. Si l’on
considère l’environnement comme une
question fondamentale, les constitutions
doivent le refléter. Il s’en suit en effet
des conséquences juridiques. Car la
Constitution est à la fois une loi
supérieure et une loi qui pose des
obligations contraignantes. C’est le lieu
où les promesses internationales de
juridicité diplomatique et politique
trouveraient une consécration forte et
engageante.
L’étude des constitutions africaines en
rapport avec l’environnement révèle
toutes les possibilités. De l’insouciance à
la proclamation d’un droit de la personne
à l’environnement et au développement
durable, peu de solutions concrètes sont
cependant prodiguées pour la jouissance
et la gestion efficiente.
1. La proclamation d’un droit à
l’environnement
Les constitutions africaines à l’image de
leurs États sont assez jeunes. Cet âge
justifie qu’elles prennent en compte la
généralisation de la protection
internationale, à la fois des droits de la
personne et de l’environnement. En
moyenne, mise à part la Tunisie, la
majorité des constitutions ont été
adoptées, ou les dernières modifications
d’envergure datent au plus lointain de
1972, année du sommet de Stockholm.
27

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Le droit à l’environnement porte de ce fait une
spécificité liée à son adossement sur les deux
branches du droit.
La formule est sensiblement la même d’une
constitution à une autre, de sorte que l’on
s’interroge sur la réelle conscience de sa
construction. Toutes les constitutions
africaines n’ont cependant pas proclamé le
droit à un environnement sain. Celui-ci est
apparu assez récemment 3 , d’où son insertion
dans la troisième génération des droits de la
personne. Il faut remarquer dans certains cas
que le droit à un environnement sain est
proclamé avec emphase alors que dans
d’autres, il se perd dans une longue
énumération.
Dans la constitution centrafricaine du 5
décembre 2004, l’article 9 garantit aux
citoyens ‘le droit au travail, à un
environnement sain, au repos et aux loisirs
dans le respect des exigences du
développement national’. La phraséologie de
la constitution gabonaise est semblable. Dans
ses dispositions relatives aux principes et
droits fondamentaux, il est stipulé que ‘L’État,
selon ses possibilités garantit à tous,
notamment à l’enfant, à la mère, aux
handicapés, aux vieux travailleurs et aux
personnes âgées, la protection de la santé, la
sécurité sociale, un environnement préservé, le
repos et les loisirs’ 4 . Le Sénégal conjugue ‘le
droit à la santé et à un environnement sain’ 5
3 La Déclaration finale de la Conférence des Nations
Unies sur l'environnement humain de Stockholm du 5
au 16 juin 1972 stipule en son principe 1 que
« L'homme a un droit fondamental à la liberté, à
l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans
un environnement dont la qualité lui permette de vivre
dans la dignité et le bien-être […] ». La Déclaration du
Sommet de Rio au Principe 1 stipule de même : « Les
êtres humains sont au centre des préoccupations
relatives au développement durable. Ils ont droit à une
vie saine et productive en harmonie avec la nature ».
4 Gabon, Constitution de juillet 2003.
5 Sénégal, Constitution du 7 janvier 2001, article 8
28
comme allant de pair dans son
énumération des libertés individuelles
fondamentales.
Dans la plupart des cas, le droit à
l’environnement est individualisé dans le
préambule ou le texte de la constitution.
En Afrique du Sud, il est construit autour
de la constitution comme pierre
angulaire du droit de l’environnement 6
et de la Déclaration des droits. La
conjugaison des deux a donné lieu au
développement d’une importante
jurisprudence portant sur les droits
environnementaux 7 . Pour le reste, les
pays francophones proclament
invariablement que ‘toute personne a
droit à un environnement sain’. Il en est
ainsi du Cameroun 8 , de l’Union des
Comores 9 , de la RDC 10 , du Rwanda 11 et
du Tchad 12 . Dans certains cas, le droit
résulte de la reconnaissance étatique.
Ainsi aux Seychelles, ‘L’État reconnait
le droit de toute personne de vivre dans
un environnement propre, sain, équilibré
[…]’ 13 . Le caractère laconique de la
formule pose le problème de la
consistance du droit reconnu. Que faut-il
en effet entendre par environnement
sain alors même que le concept
6
Sally-Ann Rigby and Roseanne Diab,
"Environmental Sustainability and the
Development Facilitation Act in South Africa," J
Environmental Law 15, no. 1 (2003)., p. 29.
7 Patrick McAuslan, "Environmental Law in
South Africa," J Environmental Law 14, no. 2
(2002)., p. 267.
8 Cameroun, Constitution du 2 juin 1972, révisée
le 18 janvier 1996 et le 09 avril 2008, préambule
9 Union des Comores, Constitution du 23
décembre 2001
10
République démocratique du Congo,
Constitution du 18 février 2006, article 53
11 Rwanda, Constitution du 4 juin 2003, article
49
12 Tchad, Constitution du 31 mars 1996, article
47
13 Seychelles, Constitution du 8 juin 1993

d’environnement n’est pas défini par la
constitution ? C’est au-delà qu’on retrouve des
tentatives de précision. En Afrique du Sud,
« the Environment Conservation Act 73 » de
1989 adopte une approche holistique. Elle
veut que l’environnement soit « […] the
aggregate of surrounding objects, conditions
and influences that influence the life and
habits of man or any other organism or
collection of organisms » 14 . Cette conception
qui embrasse à la fois les organismes vivant et
non vivant ouvre la porte au questionnement
sur leur gestion que traduit la notion de
développement durable. Sur ce point, les
constitutions africaines sont caractérisées par
leur timidité.
2. Le droit au développement durable
timidement affirmé
Le développement durable annoncé à Rio
comme modèle parfait de gestion
environnementale est défini comme
« development that protects the environment,
at the same time as meeting the basic needs of
all people in an affordable manner » 15 .
Quelques constitutions africaines y font
référence.
Ainsi, au droit ‘to an environment that is not
harmful to their health or well being’, la
constitution sud-africaine reconnaît que tout
le monde a le droit ’to have the environment
protected for the benefit of present and future
generations‘
16
. Contrairement aux
constitutions du Gabon et de la République
centrafricaine (RCA) qui limitent la
reconnaissance d’un droit à l’environnement
sain par les nécessités du développement,
posant ainsi un tel droit et la mise en œuvre
14 Voir Rigby and Diab, "Environmental Sustainability
and the Development Facilitation Act in South Africa.",
p. 29.
15 J. Latsky and T. Roux G. Budlender, Juta's New
Land Law (South Africa: Juta, 2000).
16 Afrique du Sud, Constitution du 7 février 1997 tel
qu’adopté le 8 mai 1996, section 24(b).
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
d’une politique économique en
contradiction, la constitution sudafricaine
préfère une conciliation. La
formule lumineuse veut en effet que
l’Etat ‘secure ecologically sustainable
development and use of natural
resources while promoting justifiable
economic and social development’ 17 .
Il s’agit d’une adhésion aux principes du
sommet de Rio 18 que prend aussi en
considération la constitution gambienne
de 1997. Loin d’être proclamé comme
un droit individuel, l’environnement est
un bien de la nation. Il est stipulé que
‘the State shall pursue a policy of
protecting the environment of the Nation
for posterity’ 19 . La constitution du
Ghana contient des dispositions
identiques 20 . Les pays de l’Afrique
anglophone se font assez bien l’écho du
développement durable, puisque la
Namibie s’engage à utiliser les
ressources naturelles ‘on a sustainable
basis for the benefit of all Namibians,
both present and future’ 21 .
Dans ces derniers pays, la
constitutionnalisation du développement
durable ne s’accompagne cependant pas
de la proclamation du droit individuel à
un environnement sain. Il est sans doute
subodoré de l’obligation d’assurer un
développement durable, le droit de la
personne à l’environnement, compte
17 Ibid, section 24(b) (iii).
18 Aux termes du Principe 3 de la Déclaration de
Rio « Le droit au développement doit être réalisé
de façon à satisfaire équitablement les besoins
relatifs au développement et à l'environnement
des générations présentes et futures ».
19 Gambie, Constitution de 1997 tel qu’en
vigueur en 2002, section 215.4
20 Ghana, Constitution de 1992, article 36(9).
21 Namibie, Constitution de février 1990, article
95(1)
29

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
tenu de la complexité et de la
multifonctionnalité du concept 22 . Toutefois,
du point de vue de l’exigibilité judiciaire du
droit, la solution est moins claire. À part la
constitution sud-africaine, aucune des
constitutions des pays de l’Afrique
anglophone ne proclame véritablement un tel
droit. C’est par contre le fait de la plupart des
constitutions de l’Afrique francophone. Mais
a contrario pour celles-ci, la référence au
développement durable est peu fréquente. On
doit seulement l’inférer de la fonction étatique
de conserver et d’améliorer les ressources
naturelles et l’environnement. Nombre de
constitutions adoptent cette terminologie qui
du moins n’exprime pas un réel projet
d’avenir en termes d’héritage pour la postérité.
Toutefois, il faut saluer le mérite de ces
dispositions qui traduisent à tout le moins une
prise de position. Les constitutions de la
Libye, de la Mauritanie 23 , de l’Algérie 24 , du
Maroc 25 , de Djibouti, de la Tunisie 26 , de
l’Égypte 27 ou du Libéria 28 ne comportent
aucune disposition, ni sur le droit à un
environnement sain, ni sur le droit au
développement durable. Dans ce cas, on peut
envisager le caractère supplétif de la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples
à laquelle ils ont adhéré. Cependant, cette
dernière ne reconnaît le droit à un
environnement satisfaisant et global qu’au
profit du peuple 29 . Au demeurant, pour les
États qui reconnaissent un droit à
l’environnement, il se pose le problème de son
exercice.
22
Franklin, "Sustainable Development. By Susan
Baker."p. 424.
23
Mauritanie, constitution du 25 juin 2006
24
Algérie, constitution du 28 novembre 1996
25
Maroc, constitution du 13 septembre 1996
26 er
Loi n° 59-57 du 1 juin 1959.
27
Égypte, constitution de mai 2005
28
Liberia, Constitution du 6 janvier 1986
29
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples, article 24
30
3. L’exigibilité du droit de la
personne à l’environnement
Un droit exigible traduit la possibilité
pour le bénéficiaire de revendiquer et
d’obtenir, par une action judiciaire, sa
jouissance effective. Or les constitutions
ne tracent que les grandes lignes du
régime juridique des libertés. Ce dernier
est déterminé par des lois organiques ou
autonomes, par exemple la National
Water Act de 1998 d’Afrique du Sud qui
donne effet au droit constitutionnel à
l’eau 30 . Cependant, aucune constitution
ne pécherait à être précise. Une telle
démarche exprimerait l’importance
accordée à la réalisation du droit
proclamé.
À ce propos, la reconnaissance d’un
droit à un environnement sain dans les
lois fondamentales africaines a été
rarement accompagnée d’une modalité
de mise en œuvre précise. Il faut alors
craindre que leur constitutionnalisation
soit le fruit d’un mimétisme. Ceci est
d’autant plus regrettable que la Charte
africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples proclame un droit à
l’environnement au seul profit du
peuple. Ce droit est par conséquent
impossible à actionner, le peuple n’ayant
pas une existence juridique qui le
doterait d’une capacité d’agir.
Toutefois, quelques constitutions
esquissent des démarches pratiques.
Elles rendent compte qu’en tant que
droit de la personne, le droit à
l’environnement peut faire l’objet d’une
opposition. La constitution Burkinabè
stipule à ce sujet un droit exigible. On
peut lire à l’article 30 que ‘tout citoyen a
le droit d’initier une action ou d’adhérer
à une action collective sous la forme de
30
McAuslan, "Environmental Law in South
Africa.", p. 269.

pétitions contre des actes portant atteinte à
l’environnement ou au patrimoine culturel ou
historique’ 31 . Cette disposition est d’une
nouveauté réelle. Elle porte cependant les
germes de ses propres limites. L’action en
question ne peut être que collective et sa
nature politique ou judiciaire est indéterminée.
La constitution namibienne envisage aussi la
possibilité d’une action dans sa constitution de
1990. Cette action a lieu devant une autorité
indépendante non judiciaire appelée
Ombudsman. En vertu de l’article 91(c) de la
constitution, ses fonctions comprennent entre
autres, ‘duty to investigate complaints
concerning the over-utilization of the living
natural resources, the irrational exploitation
of non renewable resources, the degradation
and destruction of ecosystems and failure to
protect the beauty and character of Namibia’.
Les Seychelles reposent la mise en œuvre du
droit à l’environnement exclusivement sur
l’engagement constitutionnel de l’État.
L’article 38 de la constitution prévoit qu’à
l’effet d’assurer la mise en œuvre du droit à un
environnement propre, sain et équilibré, l’État
s’engage : ‘a) à prendre des mesures
favorisant la promotion, la protection, la
conservation et l’amélioration de
l’environnement, b) à assurer un
développement socio-économique durable des
Seychelles par une utilisation et une gestion
éclairée des ressources du pays, c) à
sensibiliser le public au besoin de protéger, de
conserver et d’améliorer l’environnement’. Il
s’agit en vérité plus d’un programme de
protection de l’environnement que des
modalités de faire valoir un droit qui aurait été
violé. La constitution sud-africaine institue à
cet effet un réel suivi à travers la Commission
des Droits de l’Homme. L’une de ses
fonctions consiste à requérir chaque année,
31 Burkina Faso, Constitution du 02 juin 1991, révisée
en 1997, 2000 et 2002
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
des organes de l’État, les informations
sur les mesures prises relativement à la
réalisation du droit au logement, à la
sécurité sociale, à l’alimentation, à l’eau,
aux soins de santé, à l’éducation et à
l’environnement (section 184).
Pour l’essentiel, l’ensemble des textes
examinés renvoie la compétence
environnementale au domaine de la loi.
La protection de l’environnement n’est
pas ainsi une question sur laquelle le
chef de l’exécutif peut décider seul. En
effet, on peut constater que dans les
constitutions africaines, la notion
d’environnement n’est pas détachable
des questions foncières et des ressources
naturelles. Il s’agit de biens publics dont
la gestion par l’exécutif ou les
colonisateurs a été critiquée par le passé.
Ainsi, selon la constitution
mauritanienne de juin 2006, ‘le régime
général de l’eau, des mines et des
hydrocarbures, de la pêche et de la
marine marchande, de la faune et de la
flore et de l’environnement’ est du
domaine de la loi. 32 L’Égypte ne perçoit
d’ailleurs autrement les ressources
naturelles. Sa constitution s’attarde
exclusivement sur le fait que ‘la loi
définit les modalités d’octroi des
concessions relatives à l’exploitation des
ressources naturelles’ 33 . Au Togo, c’est
le parlement qui légifère sur ‘la
protection et la promotion de
l’environnement et la conservation des
ressources naturelles’ 34 . Il en est de
même au Niger (article 82), en Guinée
(article 59), en Côte d’Ivoire (article 71),
au Burkina Faso (article 111) et au
Bénin (article 98).
32 Article 57
33 Article 123
34 Article 84
31

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
4. La responsabilité de protéger
l’environnement
Aucun acteur de la société n’échappe au
devoir de protection de l’environnement. Les
constitutions africaines ne conçoivent pas le
droit à un environnement sain comme
imposant une dette au seul État. Il s’agit d’un
partenariat social impliquant les individus, les
administrations publiques ou les entreprises.
La plupart des politiques de conservation
s’élaborent désormais par et avec le peuple et
non contre le peuple 35 .
Pour les individus, la protection de
l’environnement est l’un de leurs devoirs
constitutionnels les plus cités. Ceci conforte
l’idée que la prise de décision en matière
environnementale est un effort très
personnel 36 . La disposition qui proclame le
droit à un environnement sain fait tôt de
rappeler à son bénéficiaire qu’il est de son
devoir de contribuer à sa réalisation. À la
différence de l’Afrique du Sud, de la Namibie,
l’Angola, du Gabon, pour la majorité des
constitutions, il est du devoir de chaque
citoyen de protéger, de conserver et
d’améliorer l’environnement. C’est le cas des
Seychelles (article 40), du Cameroun
(préambule), du Bénin (article 27), du Rwanda
(article 49), du Congo Brazzaville (article 35),
du Tchad (article 52), de Madagascar (article
39). D’autres constitutions préfèrent utiliser
des concepts impersonnels ou généralisant.
Ainsi selon le préambule de la constitution des
Comores, il est du devoir de tous de
35 Hajo Junge, "Decentralisation and Community-Based
Natural Resource Management in Tanzania," In
Tanzania Wildlife Discussion Paper, ed Rolf D. Baldus
and Ludwig Siege. (Dar Es Salaam: GTZ Wildlife
Programme in Tanzania, 2002), http://www.wildlifeprogramme.gtz.de/wildlife/download/nr_32.pdf.,
[Dernière consultation le 11 mars 2009].
36 Stephen Stec, "The Environment and Sustainable
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32
sauvegarder l’environnement. En Côte
d’Ivoire, selon l’article 28 de la
constitution, ‘la protection de
l’environnement et la promotion de la
qualité de la vie sont un devoir pour la
communauté et pour chaque personne
physique ou morale’. Au Mali, le devoir
de protection est à la fois celui du peuple
malien (préambule), de tous et de l’État
(article 15). Le fait pour la Côte d’Ivoire
de citer les personnes morales permet de
prendre en compte le rôle des industries
et des grandes entreprises. Le scandale
écologique lié au déversement de
déchets toxiques provenant d’industries
occidentales a permis de mesurer les
risques auxquels sont exposés les pays à
forte tendance économique. Plusieurs
constitutions africaines, faisant écho à
des conventions internationales et
régionales, prennent des dispositions
radicales afin de contenir la pollution
industrielle.
En Namibie, l’Etat ‘shall provide
measures against the dumping or
recycling of foreign nuclear and toxic
waste on Namibian territory’
Quelques constitutions interdisent les
accords dont le but serait le
déversement, l’enfouissement ou le
transit de produits toxiques sur le
territoire de l’État. Au Burundi à ce
propos, l’article 270 de la constitution
stipule que ‘les accords d’installation de
base militaire étrangère sur le territoire
national ainsi que ceux autorisant le
stockage des déchets toxiques et autres
matières pouvant porter gravement
atteinte à l’environnement sont
interdits’. Il en est de même de l’article
191 de la constitution du Rwanda. On
trouve une disposition similaire dans les
constitutions tchadiennes (article 47(3),
béninoises (article 29) et nigériennes
37 Article 95 de la constitution
37
.

(article 27). Il s’agit doit-on en conclure d’une
prise de conscience que développement
économique et protection environnementale se
conjuguent.
À cet effet, la constitution du Cap Vert
dispose que ‘les activités économiques ne
doivent pas mettre en péril l’écosystème ni
contribuer à un déséquilibre dans les relations
entre l’homme et l’environnement’
Madagascar garantit la liberté d’entreprise
seulement dans les limites du respect de
l’intérêt général, de l’ordre public, de bonnes
mœurs et de l’environnement
L’environnement est aux Seychelles d’une
importance supérieure de sorte que la
limitation des libertés peut se justifier par
‘l’aménagement urbain et rural, la
préservation de l’environnement, le
développement économique et du bien-être du
pays’ 40 . Certaines constitutions amorcent un
véritable régime répressif des atteintes à
l’environnement. Le Bénin qualifie de crime
contre la Nation le transit, l’enfouissement, le
stockage ou l’importation de déchets toxiques
et polluants étrangers vers son territoire. Les
accords internationaux y relatifs sont
constitutifs du même crime. Le Président de la
République, selon l’article 74, peut être
poursuivi pour haute trahison lorsqu’il se rend
auteur, coauteur ou complice d’actes
attentatoires au maintien d’un environnement
sain, satisfaisant, durable et favorable au
développement. La constitution de l’Angola
prévoit également que les actes qui mettent en
danger l’environnement sont punis par la loi.
Dans la constitution nigériane de 1999, la
seule référence à l’environnement consiste à
imposer à l’État, l’obligation de sa
sauvegarde. Ainsi, ‘the State shall protect and
38
Cap Vert, Constitution article 88(3)
39
Madagascar, Constitution n° 2007-001 du 27 avril
2007, article 37.
40
Article 20 (2) a) de la Constitution
39
38
.
.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
improve the environment and safeguard
the water, air and land, forest and
wildlife of Nigeria’ 41 . Au Ghana
également, ‘the state shall take
appropriate measures needed to protect
and safeguard the national environment
for posterity’ 42 . En Namibie, la
promotion du bien-être du peuple
comprend l’obligation pour l’État
d’adopter des politiques dont le but est la
‘maintenance of ecosystems, essential
ecological processes and biological
diversity of Namibia and utilization of
living natural ressources on a
sustainable basis’. Cette disposition est
identique à l’article 24(2) de la
constitution de l’Angola tout comme
selon l’article 41 de la constitution du
Togo, ‘l’État veille à la protection de
l’environnement’.
5. Les mécanismes de gestion
environnementale
La décentralisation en Afrique comporte
une attribution d’importants pouvoirs en
matière environnementale aux structures
administratives locales ou provinciales 43 .
Il s’agit de la reproduction du consensus
obtenu à Rio et aujourd’hui
internationalement consolidé, que le
développement durable se fera par des
solutions locales provenant d’initiatives
communautaires. La conservation de
l’environnement doit donc être centrée
sur la société et l’engagement des
communautés locales plutôt qu’être
44
stratocentrée . La participation
41
Nigeria constitution de 1999, section 20
42
Article 36(9)
43
Junge, "Decentralisation and Community-
Based Natural Resource Management in
Tanzania.", p. 2.
44
M. Murphree D.Hulme, ed. African Wildlife
and Livelihoods: The Promise and Performance
of Community Conservation (Oxford: James
Currey,2001).
33

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
populaire est perçue à la fois comme un droit
et comme un moyen de garantir un modèle de
45
développement durable . Selon la
constitution de la RDC, l’application de la
législation environnementale relève de la
compétence exclusive des provinces 46 . En
Gambie de même, les fonctions, les pouvoirs
et les obligations des autorités
gouvernementales locales devraient
comprendre la préservation de
l’environnement selon l’article 192(3) de la
constitution.
Une telle démarche peut poser un problème en
termes d’unité de la politique nationale
d’environnement. C’est le cas de l’Afrique du
Sud de l’apartheid avec les législations
conflictuelles entre quatre provinces, les
« homelands » et les zones urbaines
séparées 47
34
. Avec la constitution du
gouvernement démocratique relève désormais
de la compétence nationale, toutes les
questions dont la résolution efficace requiert
l’uniformité à travers le territoire national 48 . À
cet effet, en cas de conflit, les politiques
nationales prévalent. Cependant, en Afrique
Australe, le niveau local est considéré comme
le lieu approprié pour la gestion et le contrôle
sur les ressources 49 . De même, la coopération
régionale autour de la Southern African
45
J. Majeres P. Egger, "Local Resource
Management and Development: Strategic
Dimensions of People’s Participation," in
Grassroots Environmental Action: People’s
Participation in Sustainable Development., ed.
Ghai D. and Vivian J.M. (London: Routledge, 1992).
46
Article 204 (20)
47
Rigby and Diab, "Environmental Sustainability and
the Development Facilitation Act in South Africa.", p.
27.
48
Section 146 de la Constitution
49
SLSA Team, "Decentralisations in Practice in Southern
Africa: Programme for Land and Agrarian Studies." (Cape
Town: University of the Western Cape, 2003),
http://www.ids.ac.uk/UserFiles/File/knots_team/decent
alfull.pdf., p. 2
Development Community (SADC) 50 a
permis de limiter les conflits 51 sur
l’eau 52 . Les constitutions du Mali et de
la Côte d’Ivoire admettent des abandons
de souveraineté dans l’intérêt de la
protection environnementale à un niveau
régional et international
53
. Les
constitutions de Madagascar et du Tchad
évoquent toutefois une responsabilité
commune : ‘L’État et les collectivités
territoriales décentralisées assurent la
protection, la conservation et la
valorisation de l’environnement par des
mesures appropriées’ 54 .
D’un point de vue institutionnel, très peu
de constitutions élaborent sur le rôle des
organismes de gestion
environnementale. Au Mali par exemple,
le Haut Conseil des Collectivités
possède des compétences en matière
environnementale. Il a entre autres
missions ‘d’étudier et de donner des avis
motivés sur toute politique de
développement local et régional. Il peut
faire des propositions au Gouvernement
pour toutes les questions concernant la
protection de l’environnement et
l’amélioration de la qualité de la vie des
citoyens’ 55 . Au Ghana, la constitution a
50 En 1998, un protocole sur les cours d’eau
partagés fut conclu entre les 14 membres de la
SADC. Voir David Blanchon, "Les Nouveaux
Enjeux Géopolitiques De L'eau En Afrique
Australe," Hérodote 3, no. 102 (2001).
51 ROZÈS A, "Les Sud-Africains Et L’angola : Treize
Années D’hostilité (1975-1988) " Guerres mondiales
et conflits contemporains, revue d’histoire 12, no.
196 (1999).
52 Anthony Turton, "Water Wars in South Africa :
Challenging the Conventional Wisdom," in Water
Wars : Enduring Myth or Impending Reality (Africa
Dialogue Monograph Series, 2000).
53 Constitution de Côte d’Ivoire, article 122 ;
constitution du Mali, article 82
54 Constitution de Madagascar, article 39 ;
Tchad, article 48
55 Article 99

institué une Commission de développement de
la planification composée de personnalités
ayant des compétences en matière sociale et
environnementale. Cette commission peut, sur
la demande du Président de la République ou
de l’Assemblée ou de sa propre initiative, faire
des propositions relatives à la protection de
l’environnement naturel et physique 56 .
Le rôle du parlement est particulièrement
important en RCA. Cette institution a été
dotée d’une mission de vigilance qui débute
dès la nomination du gouvernement par la
présentation du programme politique. Dans les
60 jours, le programme qu’il présente aux
représentants du peuple comprend notamment
l’action qu’il entend mener en matière
environnementale 57 . Plus loin encore, la
ratification et après son entrée en vigueur, la
dénonciation de tout traité portant sur
l’environnement sont sujettes à l’autorisation
du Parlement 58 . En plus du parlement, le
Conseil économique et social est consulté sur
tout projet environnemental (article 100),
donne son avis et engage les études y relatives
(article 101). L’implication de la société civile
est reconnue au Cap Vert par l’encouragement
de la création d’ONG œuvrant pour la
protection de l’environnement (article 70).
Conclusion
Au départ de cette étude, nous recherchions
particulièrement deux choses. D’une part, à
travers l’examen de leurs lois fondamentales,
déterminer s’il existe une conscience
environnementale chez les pays africains dont
nous craignions que les visées
développementalistes n’obstruent leur
perception des problèmes corrélatifs. D’autre
part, à rebours de leurs engagements
internationaux ou régionaux juridiquement
faibles, nous souhaitions retrouver dans leurs
56 Article 87
57 Article 42 de la Constitution de la RCA
58 Ibid, article 69
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
constitutions une juridicité complète
offrant une protection environnementale
effective. On peut tirer de cette étude
une satisfaction mitigée. Car, si la prise
de conscience se traduit par la
proclamation d’un droit de la personne à
l’environnement, le développement
durable et la réalisation du droit
proclamé n’ont que relativement
concerné les constituants. Cette lacune
n’est cependant que congénitale à la
nature des constitutions qui ne sont pas
le lieu de politiques détaillées. Avec la
Conférence des ministres africains de
l’environnement (CMAE), la convention
africaine sur la conservation de la nature
et des ressources naturelles de 1968,
révisée en 2003, la convention de
Bamako sur l’interdiction d’importer en
Afrique des déchets dangereux de 1991
ainsi que les conditionnalités
environnementales de la Banque
Mondiale, le régime de l’environnement
a considérablement évolué.
35

Bibliographie
5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
A, ROZÈS. "Les Sud-Africains Et L’angola : Treize Années D’hostilité (1975-1988) "
Guerres mondiales et conflits contemporains, revue d’histoire 12, no. 196 (1999): 125-
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Blanchon, David. "Les Nouveaux Enjeux Géopolitiques De L'eau En Afrique Australe."
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Turton, Anthony. "Water Wars in South Africa : Challenging the Conventional Wisdom."
In Water Wars : Enduring Myth or Impending Reality, 35-64: Africa Dialogue
Monograph Series, 2000.

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
The Instrumentalisation of the Environment and the Diversionary
Behaviour in Non-Conflictual Conditions:
A case study of the political discourse between the USA and China between 1979
and 2004
Alia Alatassi
Étudiante à la maîtrise en science politique
Université Laval
Introduction
On January 16, 2008, the House of
Representatives passed House Resolution 925
"Condemning the People's Republic of China
for its socially unacceptable business
practices, including the manufacturing and
exportation of unsafe products, casual
disregard for the environment, and
exploitative employment practices" (HRes.
925). As the Republican Administration of the
United States is starting to express concerns
about environmental practices of foreign
countries, like China, only recently, one might
wonder, whether theses concerns constitute
policy ends or means to achieve strategic
objectives. The diversionary theory of conflict
would posit leaders may use the rhetoric of
environmental concerns as means to meet
other, self-motivated ends. The theory claims
that troubled political leaders attempt to use
aggressive foreign policy for strategic goals.
In other words, they wish to divert the
attention of their population from the domestic
challenges and thereby increase their electoral
popularity (Levy 1989, cited in Miller 1999).
This claim is developed from the observation
that leaders often instrumentalise foreign
policy in order to manipulate domestic
audience and win their support (Miller 1999).
In fact, existing studies analyzing diversionary
behaviour have provided numerous
explanations for diversionary behaviour of
states, while linking it to periods of conflicts
only. No attempt has been made to
utilize the theory in order to account for
states' diversionary decisions when
conflicts do not occur. This is because
proponents of the theory affirm that ever
since 1800, every war has been a result,
partially at least, to efforts of state
leaders to deal with domestic problems
(Miller, 1999). Our proposed project
wishes to determine, therefore, if
domestic troubles could be associated
with state's diversionary behvaiours
during non-conflictual conditions. In
addition, the study attempts to show that
the environment (ecological values) is
used as an instrument of foreign policy
through diversionary behaviour. This is
relevant in the current time, given that
environmental concerns are at the
forefront of today's political discour.
Research Problem
In 1996, President Clinton explicitly
linked global environmental crisis to
international security during a summit
meeting with China's president, Jiang
Zemin (Le Prestre 2005). Clinton told
the Chinese president that:
The greatest threat to our security
that you present is that all of you
people will want to get rich in
exactly the same way we got
rich…There is just so many more of
you than there is of us, and if you
37

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
38
behave exactly the same way we do, you
will do irrevocable damage to our global
environment (Fridman 1996).
President Clinton's comments reveal that
environmental challenges could have an
important influence on states' interactions.
This is because they can trigger conflicts,
foster cooperation, and even create alliance
opportunities (Le Prestre 2005). More
importantly, environmental crises could be
used as an instrument of foreign policy,
creating thereby an opportunity for powerful
states to intervene in the domestic issues of
periphery states in order to fulfill strategic
goals. While on the surface, Clinton's remarks
reflect a concern over the global environment,
they could be triggered by strategic incentives.
In other words, they can serve to divert the
attention of the American population from
domestic troubles. Expressed concerns toward
ecological values can boost the popularity of
his government, especially when this issue is
highly popular in the USA.
According to the diversionary theory of
conflict, diversionary attempts of democracies
tend to be conditioned by their target's power
and regime type. These two elements
determine the response of the target state
when facing a diversionary attempt made by
democracy. In other words, China, a strong
non-democratic state, can respond to the
United States' instrumentalisation in different
ways depending on the type of domestic
troubles that are restraining the latter (Clark &
Nordstrom 2002). If the American
administration is suffering from economic or
political difficulties, such as inflation and lack
of presidential support, then China will
perceive those difficulties as internal threats
and it may respond by pursuing a nonconflictual
foreign policy toward the United
States in order to avoid being a scapegoat.
However, if internal difficulties are politically
severe, involving protests and demonstrations,
then China will perceive them as
opportunities and it may attempt to
exploit them to pursue an aggressive
policy against the United States.
The research problem could be presented
as a crisis game as shown in Figure 1,
taken from Smith (1995). It is a crisis
game between two states: State A and
State B. State A (the United States) is
the aggressor and State B (China) is the
target. The diagram shows the possible
outcomes from a strategic interaction
between these two countries. State A is a
democracy suffering domestic
challenges, and State B is a nondemocracy
with negative environmental
policies and regional supremacy. On the
surface, State A initiates the strategic
interaction by criticizing B's
environmental practices in order to
convince both its population and the
world's population that it wishes to
preserve ecological values. On the
unobserved level, A is acting
strategically by instrumentalising the
environment against B in order to divert
the attention of its own citizens from
domestic troubles. Both actions at the
observed and unobserved levels occur
simultaneously.
Knowing that state A is suffering from
domestic troubles; state B reacts
strategically as well and does not
response to A's aggressive discourse,
which could result in neutral relations
(NR), or pacific relations (PR), when B
responds pacifically, as shown in Figure
1. In other words, there is an inverse
relationship between the need of State A
to divert and the opportunity to do so
due to B's response. On the other hand,
when A suffers from dramatic political
troubles, such as demonstrations and
civil unrest, a strong and undemocratic B

will pursue an exploitive policy against it,
which could result in conflictual relations
(CR) (Clark & Nordstrom 2002). No
interactions between them will result in a
status quo (SQ), similar in value to the (NR)
outcome. In other words, the outcomes of the
crisis game are determined by the power and
regime type of the two actors.
Given that A and B are rational actors; they
should attribute a utility to each outcome of
the strategic interaction. Table 1 represents the
utility of outcomes attributed by each actor,
depending on the power and regime type of
each side and the nature of domestic troubles
suffered by A. For our case study, A is always
democratic superpower on the international
level, and B is a non-democracy and a
regional power challenging A's influence in
that region. If A is suffering political
disapprovals and economic challenges, it will
value conflictual relations, giving it a utility of
(2) because it will permit it to divert the
attention of its population from its domestic
challenges. This is will permit it to gain
electoral support through the "rally around the
flag" effect, achieving thereby its strategic
goal. As a democracy, A's domestic troubles
become visible to B, who perceives them as
threats. Consequently, it will favour (CR) the
least, giving it a value of (-1) and (SQ) the
most, giving it a value (2). On the other hand,
State A gives the status quo a value of (1). It
constitutes an opportunity for it to gain the
highest utility. Both states give (NR) a value
of (0), given that this outcome does not bring
any gains or losses for either side. Pacifying
the relations bring the least outcome for A (-
1), because it will prevent it from achieving its
strategic goal after an attempt to do so. B
gives (PR) a value of (1) because it will save it
from a potential aggression by A.
If A is suffering from civil unrests, it should
value conflictual relations the least (-1) and
the status quo (2) the most. It favours
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
concentrating its resources on solving its
domestic insecurities. On the other hand,
B will perceive these challenges as an
opportunity to pursue an aggressive
foreign policy against A, favouring
thereby (CR) the most (2) and (PR) the
least (-1). The status quo is an
opportunity to pursue its strategic
objectives, with a value of (1). Neutral
relations should always have a value of
(0) with no gains or losses for either
side.
The crisis game is a representation of the
research problem in abstract and general
terms; a single case study is used in
order to represent it in concrete terms
while verifying the proposed hypothesis.
Assumptions and Hypotheses
Applying the strategic choice approach
and the diversionary theory of conflict to
the study leads to the assumption that the
United States and China are purposive,
rational actors interacting in a strategic
environment. Both countries observe
their respective environment and behave
in ways that help them reach their
subjectively defined goals. Each one of
them possesses both preferences with
regards to its own actions, and beliefs
about the other actors' preference; their
decisions are influenced by these
preferences and beliefs. The United
States is the sender state, initiating
strategic interaction and China is the
receiver state, receiving the interaction.
Hypothesis 1(a) As economic and
political troubles increase and
environmental issues become more
popular, the USA will be more likely to
instrumentalise the environment against
China.
Hypothesis 1(b) As dramatic political
troubles increase, the USA will be less
likely to instrumentalise the environment
39

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
against China, regardless of its popularity.
Hypothesis 2: A troubled Democratic
government in the United States should use
the environment against China more
frequently, when compared with a troubled
Republican government, when the popularity
of the environmental issues is increasing.
Methodology
Defining Dates of Peace
In order to establish the periods of peace
between the United States and China, we have
conducted analysis of the Security Council
voting records using the United Nations
Bibliographic Information System. Our
analysis included both roll-call vote and
recorded vote on both adopted and draft
resolutions between 1979 and 2004 in the
Security Council. In other words, we did not
neglect negative votes of permanent members
at public meetings of the Council (vetoes),
which involved non-adopted draft resolutions.
In fact, including vetoes offered a realistic
analysis of the US-China relations in the
Security Council as shown in Figure 2, when
comparing the percentage of conflict that
includes veto records and the same results
when excluding these records. For instance,
when counting only adopted resolutions, the
graph leads us to believe that there were no
periods of conflict in 2001 and 2002. When
the voting record of the United States and
China on the same resolution was in
agreement--both voting in favour for instance-
-we have recorded the voting date as a period
of peace. Contradictory voting record means a
period of conflict. This included one side
voting in favour and the other voting against
the resolution, or even abstaining. Table 2
represents the dates of conflict between the
United States and China between 1979 and
2004. For each year, we have calculated the
percentage of conflicting votes for both
countries over the total of drafted and adopted
resolutions for this year. Dates of peace
40
include all the dates between 1979 and
2004 that are not included in Table 2.
A qualitative comparative model with a
Boolean Approach
In order to verify the hypotheses, we
used a qualitative comparative model to
analyze a number of political discourses
pronounced by members of the
American Legislation
(congressmen/congresswomen, senators)
and US Presidents, about China
concerning its Environmental practices
during the defined periods of peace. The
occurrence of these discourses was
analyzed along with the dependent
variables in the United States, including
economic difficulties, presidential
approval, and environmental popularity.
This set of data is analyzed using a
Boolean comparative approach.
The sample of political discourse
between the United States and China is
collected following a comparative
methodology as shown in Table 3. Given
the aim of the project in analyzing the
aggressive discourse of the United States
against China with regards to
environmental practices between 1979
and 2004, the sample respected this time
period and the defined periods of peace.
In addition, it was selected using two
criterions: the aggressiveness or not of
the discourse, (represented in the rows of
the table), and the subject matter of the
discourse, (represented in the columns).
The rows divide examples of aggressive
or non-aggressive discourse against
China, and the columns separate
discourse relating to either
environmental or non-environmental
issues. This was necessary in order to
avoid a bias of selection in the sample.
The combination of the two criterions
gives four cases in total. Case one

includes aggressive US discourse against
China, about the environment; case two
includes aggressive US discourse against
China, not concerning the environment; case
three includes non-aggressive US discourse
about the environment; and finally case four is
a sample of non-aggressive US discourse, not
relating to the environment. The non-cases
were included in order to avoid the bias of
selection.
Results
In verifying hypothesis 1(a) that predicted that
US administration will be most likely to
instrumentalise the environment against China
when suffering from economic troubles and
low presidential approval, we found that
economic and political troubles along with
environmental popularity are not positively
associated with the instrumentalisation of the
environment against China. Therefore, they
are not necessarily the cause of the
instrumentalisation of the environment against
China in the United States. The first
observation of Table 4 shows that the
instrumentalisation occurs regardless of the
absence of the dependent variables. It included
nine instances where the United States has
instrumentalised the environment against
China, when the misery index was low, the
president was popular and the environment
was unpopular. Although the second
observation shows that in five instances, the
instrumentalisation of the environment
occurred when the environment was popular,
we could not assert that US politicians
instrumentalise the environment against China
in response to the popularity of the
environment in the public opinion, given that
the instrumentalisation occurs even when the
environment is not popular.
In other words, the United States both in the
executive and legislative level don't
instrumentalise the environment against China
in response to the popularity of the
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
environment in the public opinion, nor
as a diversionary strategy. This
conclusion is confirmed when looking
observation 8 of Table 4. The row is
representative of the State of the Union
Address of President Reagan in January
26, 1982 when he first took office
following President Reagan. All the
hypothesized independent variables were
present in order to trigger the
instrumentalisation of the environment.
First, the economy was in recession
according to the misery index; US
citizens were disapproving of President
Carter's performance as president
especially during his last year in office
following the Iran hostage crisis (Gallup
2001); and the environment was gaining
popularity since Reagan was elected as
President in 1981. Nevertheless,
President Reagan did not instrumentalise
the environment against China in his
address. Rather he talked about
strengthening alliances with Asian
countries, which falls under case four.
Therefore, hypothesis 1(a) is not
confirmed.
We were unable to verify the strategic
response of the receiver state, China
through hypothesis 2(a) that predicts that
as China perceives economic and
political troubles in the USA as threats,
it will pursue a pacific policy toward it
in order to avoid being a scapegoat and
hypothesis 2(b) that predicts that as
China perceives dramatic political
troubles in the USA as opportunities, it
will pursue an aggressive policy towards
it in order to take advantage of its
domestic distractions. This is because as
a non-democratic state, China's
government does not have a systematic
and public response to criticisms coming
from the USA, with regards to the
environment. China's undemocratic
41

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
system does not have a body of response that
holds it accountable for its political
behaviours. In other words, China does not
suffer from audience cost (Fearon 1994), even
when its lacks the response to United States'
discourse.
This is also because as a non-democracy,
China relies on a small ruling coalition and
large selectorate to remain in power (Bueno de
Mesquita et al. 2003). This makes supporters
of China's political leaders highly loyal
because the cost of defection and exclusion
are extremely high if a challenger threatens to
remove the ruling power. The absence of
audience cost and the strong control over the
ruling coalition makes the leadership not
accountable for its political actions. There is,
therefore, a lack of visibility in terms of
foreign policy positions that makes it
impossible to have access to Chinese public
discourse toward the United States in specific
periods of time.
Nevertheless, China's response to international
criticism with regards to its environmental
policy is clear and remains unchanged ever
since the United Nations Conference on
Human Environment (UNCHE) in 1972 until
the present. In fact, China's rhetoric in these
events reflected always its traditional values
that included the protection of sovereignty
over natural resources, free transfer of
technology from the more to the less
advanced industrial countries and the
responsibility of the advanced
industrialized countries to bear the cost of
addressing the global environmental
problems to which it contributed so
heavily (Economy 2004 , p. 312).
In other words, China's traditional response to
the international criticism over its negative
environmental practices has put the blame on
the more advanced and industrial countries
and held them responsible in order to assist it
in overcoming its environmental challenges.
42
In fact, China's efforts to invite
international investment for
environmental protection have been truly
effective. According to an estimate, fully
eighty percent of China's environmental
protection budget is derived from
foreign countries. In addition, China is
the largest recipient of environmental aid
from the World Bank and Global
Environmental Facility and has received
continuous assistance from the United
Nations Development Programme
(UNDP), in addition to other countries
such as Japan and the United States
(Economy 2004).
Given that domestic troubles are found
to be negatively associated with the
instrumentalisation of the environment
against China as shown in hypothesis
1(a), hypothesis 3 is also not confirmed.
In other words, domestic troubles are not
the cause for stronger
instrumentalisation of the environment
by Democrats when compared to
Republicans. In fact, when accounting
for the party of the speakers of each
discourse in case one, it was found that
only 43% of the speakers are from the
Democratic Party, which indicates that
Republicans are more likely to criticize
China for its environmental practices,
although this criticism is not regarded as
a diversionary policy. In case two, both
Democrats and Republicans have equal
share (50%) in criticizing China for its
non-environmental practices, such as
human rights abuses and undemocratic
policies. Interestingly enough, the
Democrats were more likely than the
Republicans to praise China for its
positive environmental policies, even
minor ones according to case three.
Moreover, Case four confirms that
Democrats, especially Democratic
Presidents (79%) are more likely to

favour cooperative discourse with China when
it comes to non-environmental issues, in order
to normalize and appease relations between
the two countries
Conclusion
This project wished to determine if domestic
troubles could be associated with state's
diversionary behvaiours during nonconflictual
conditions. In addition, the study
attempted to show that the environment
(ecological values) is used as an instrument of
foreign policy through diversionary behaviour.
The qualitative analysis of the Political
aggressive and non-aggressive discourse of
the United States against China with regards
to the environment and non environmental
issues during periods of peace concluded that
domestic troubles, namely economic hardship
and presidential unpopularity are not causes of
the instrumentalisation of the environment,
especially in the American legislature. In
addition, even when politicians do criticize
China for its detrimental environmental
practices, they don't do so in response to the
popularity of the environment in the public
opinion. In other words, the diversionary
theory is not a good explanation for the
instrumentalisation of the environment in the
United States against China, even during
periods of peace. This leads us to believe that
criticizing China for environmental policy
could not be used to establish a diversionary
theory of peace.
Recognizing that the diversionary theory is
not a good explanation for the
instrumentalisation of the environment by the
United States against China, it could be
argued that the process is explained
opportunistically, rather than strategically. In
other words, political actors consider the
environment as an opportunity that is always
present to be used to win political debates in
the Congress and to preserve the international
image of the United States as a protector of
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
international liberal values, such as
environmental protection. In addition, as
environmental protection becomes more
influential to the voting process in the
USA, its chances of becoming an
instrument of foreign policy might
increase.
43

Figures
Figure 1
Crisis Game (Smith 1995)
Figure 2
Periods of Conflict: USA vs. China (1979-2004)
% of Conflict
70
60
50
40
30
20
10
0
1979
A (Aggressor)
SQ B (Target)
1981
Periods of Conflict USA vs China (1979-2004)
1983
1985
CR PR NR
1987
1989
1991
Year
1993
1995
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
1997
1999
2001
2003
With Veto
W/O Veto

Tables
Table 1
Utility of Outcomes
Utility of
outcomes
UA (USA)
U B (China)
Dom
troub
les
SQ Neutral
Relations
Severe
Troub
les
Dom
trou
bles
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Severe
Troub
les
Dom
trou
bles
Pacific
Relations
Severe
Troub
les
Dom
trou
bles
Conflictuel
Relations
Severe
Troub
les
1 2 0 0 -1 1 2 -1
2 1 0 0 1 -1 -1 2
Table 2
Dates of Conflict (Total of 152)
1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990
Mar-08 Jan-11 Apr-30 Jan-20 Aug-02 Jan-01 Mar-12 Jan-17 Feb-20 Jan-14 Jan-11 Jan-17
Mar-22 Jan-13 May-22 Jan-28 Sep-12 Feb-29 Jun-19 Jan-30 Apr-09 Jan-18 Feb-17 May-31
Mar-28 Apr-24 Jun-04 Apr-02 Oct-27 May-11 Jul-26 Feb-06 Oct-30 Feb-01 Jun-09 Nov-29
Apr-30 May-08 Jun-19 Apr-03 Oct-28 Apr-04 Sep-13 Feb-13 Dec-22 Mar-08 Jul-06
May-30 May-20 Aug-31 Apr-20 Dec-20 Aug-17 Oct-04 Apr-21 Apr-15 Aug-30
Jun-14 May-30 Nov-23 Jun-04 Sep-06 Nov-15 May-23 Apr-25 Nov-07
Jun-15 Jun-05 Jun-08 Oct-23 Jun-18 May-10 Dec-23
Jul-22 Jun-13 Jun-26 Jul-31 Nov-23
Nov-02 Jun-17 Aug-04 Aug-23 Dec-14
Nov-30 Jun-27 Aug-06 Oct-28
Dec-14 Jun-30 Dec-08
Dec-19 Aug-20
Nov-26
Dec-11
Dec-17
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Mar-02 Mar-31 Aug-09 Jun-22 Jan-30 Apr-26 Jan-10 Mar-13 Feb-25 Feb-17 Dec-14 Jun-30
Apr-05 May-30 Nov-11 Jul-31 Apr-21 Jul-26 Mar-07 Sep-23 May-14 Dec-19 Dec-15 Dec-20
Aug-13 Aug-23 May-17 Aug-16 Mar-21 Oct-24 Jun-10 Mar-27
Sep-14 Nov-08 Jun-16 Oct-22 Mar-28 Nov-25 Dec-03 Mar-28
Sep-19 Dec-02 Jun-19 Dec-17
Oct-02 Oct-23
Oct-09
Nov-16
Nov-30
2003 2004
Sep-12 Mar-25
Sep-16 Jul-30
Oct-14 Sep-02
Sep-17
Oct-05
45

Aggressive
Non-Aggressive
5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Table 3
Comparative Model
46
About the Environment
Case 1
USA discourse addressed toward China
USA discourse about the Environment
Aggressive discourse
n= 14; DV=1
Case 3
USA discourse addressed toward China
USA discourse about the Environment
Non aggressive discourse
n=3; DV=0
Not About the Environment
Case 2
USA discourse addressed toward China
USA discourse not about the Environment
Aggressive discourse
n=14;DV=0
Case 4
USA discourse toward China
USA discourse not about the environment
Non-aggressive discourse
n=14;DV=0
Table 4
Truth Table of Domestic Conditions and the Instrumentalisation of the
Environment in US-China Discourse
Number of
Observation Conditions Outcome
Number of
Instances
MI (T-1) (X1) PA (t-1_(X2) Popof Env (X3) Instrumof Env (Y)
1 0 0 0 1 9
2 0 0 1 1 5
3 0 0 0 0 12
4 0 0 1 0 6
5 1 0 1 0 2
6 0 1 0 0 7
7 1 1 0 0 3
8 1 1 1 0 1
Total of Cases 45

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
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BUENO DE MESQUITA, Bruce, Alstair Smith, Randolph M. Siverson & James D.
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47

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
48
Participation et innovations : le cas de la Commission d’étude sur la
gestion de la forêt publique québécoise
Julie Hagan
Étudiante à la maîtrise en sociologie
Université de Montréal
Introduction
Dans un contexte qui favorise la participation
des acteurs sociaux à la gouvernance
environnementale, la question de la pertinence
politique de la consultation publique se pose.
Dans quelle mesure les acteurs en présence
influencent-ils l’orientation des politiques? La
participation publique améliore-t-elle la
gestion des ressources naturelles? La rend-elle
plus efficace, plus légitime, plus inclusive et
plus durable? Afin d’éclairer ces
questionnements, une analyse discursive
institutionnelle de la Commission d’étude sur
la gestion de la forêt publique québécoise a été
effectuée. Bien que les mécanismes
participatifs permettent l’émergence de
nouveaux discours, l’introduction de nouvelles
règles et la modification de certaines
pratiques, la mise en œuvre de ces
changements demeure façonnée par des
rapports de pouvoir sur lesquels le recours à la
participation publique n’a que peu d’effets.
Il sera d’abord question de la redéfinition du
rôle de l’État confronté, d’une part, à des défis
environnementaux complexes et ébranlé,
d’autre part, par le pluralisme des demandes
sociales et les contestations tant locales que
globales de son autorité. Le recours à des
mécanismes de participation et de délibération
apparaît comme un instrument de gouvernance
visant à répondre aux multiples « crises » qui
affectent l’État moderne. Les expériences de
délibération et de consultation sont
généralement analysées sous l’angle discursif,
ce qui permet de dégager les arguments et les
rhétoriques mises de l’avant par les acteurs
sociaux. La simple analyse discursive ne
permet cependant pas de bien
comprendre le processus par lequel ces
arguments s’institutionnalisent, c’est
pourquoi je préfère utiliser une approche
qui allie discours et institutions : la
Political Arrangement Approach. Après
avoir brièvement présenté le contexte et
les acteurs de la Commission Coulombe,
il sera question des discours qui ont
émergé lors des consultations publiques
ainsi que des nouvelles règles qui ont été
revendiquées et mises en œuvre. Enfin,
l’effet de la Commission Coulombe sur
les rapports de pouvoir existants sera
étudié.
Crise de l’État et recours à la
participation publique
Crise de la modernité, crise de l’État,
crise environnementale… le vocable de
la « crise » recouvre une multitude de
remises en question. La survalorisation
de la science et de la technique – en
partie responsable des problèmes
environnementaux – a entraîné une
certaine relégation d’autres formes de
rationalités, lesquelles s’affirment
aujourd’hui. Il en résulte un
accroissement des demandes sociales et
des revendications identitaires
auxquelles les institutions étatiques
peinent à répondre (Hamel, 1996). C’est
dans ce contexte que les États, contraints
de modifier les modalités traditionnelles
– hiérarchiques et centralisées – d’action
publique, ont recours à la participation.

La participation s’inscrit dans une
problématique de la gouvernance comprise
comme la mise en commun, initiée par les
pouvoirs publics, des ressources et de
l’expertise des acteurs étatiques et de la
société civile afin de remédier aux limitations
des États modernes (Hamel et Jouve, 2006).
Ce contexte est « caractérisé par la
valorisation de l’idée de participation des
citoyens ordinaires et par la multiplication des
‘détours participatifs’, à savoir des procédures
et des pratiques destinées à associer les
citoyens à la décision publique » (Blatrix,
2002 : 80). Plusieurs mécanismes participatifs
agissent comme une forme d’aide à la prise de
décision, particulièrement lorsque les enjeux
sont controversés. Sous cet angle, le recours
accru à la participation dans les processus
décisionnels en environnement illustre les
efforts déployés par les pouvoirs publics pour
repousser une crise de légitimité imminente au
moment où les citoyens deviennent de plus en
plus méfiants envers les institutions chargées
d’administrer des ressources naturelles en
déclin (Marshall et Goldstein, 2006; Tuler et
Webler, 1999).
Dans le domaine de la foresterie, le discours
technique fondé sur les seuls paramètres
biophysiques a longtemps été le discours
dominant. Ce discours, qui justifiait une
exploitation capitaliste de la forêt, est contesté
depuis quelques années. Certains attribuent
cette remise en question au passage de la
modernité à la postmodernité (Contreras,
2001), d’autres y voient la marque de la
modernisation écologique, une rationalisation
élargie du processus de production tenant
davantage compte de la qualité de
l’environnement (Guay, 1999). Il est aussi
possible d’y percevoir l’action des
mouvements sociaux, facilitée par un contexte
institutionnel favorisant le recours à des
mécanismes participatifs et délibératifs. Cela
soulève plusieurs questions : comment ce
contexte « participationniste » transforme-t-il
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
la façon d’élaborer les politiques?
Jusqu'à quel point les discours des
acteurs sociaux sont-ils assimilés par les
institutions? En résumé, dans quelle
mesure la participation à la Commission
Coulombe a-t-elle permis l’expression
de paradigmes discursifs émergents ou
minoritaires et leur intégration
éventuelle dans les discours et les
pratiques des institutions chargées
d’élaborer et de mettre en œuvre les
politiques publiques de la forêt ? Afin de
répondre à ces questions, j’ai analysé le
cas de la Commission Coulombe, une
expérience de consultation publique dans
le domaine de la gestion forestière.
Analyse discursive et rapport aux
institutions
Les connaissances, les représentations et
les discours ont une influence importante
sur les approches politiques de la forêt
(Contreras, 2001), c’est pourquoi les
analyses de discours se sont multipliées
dans la sous-discipline de l’analyse des
politiques forestières. La plupart de ces
analyses supposent une compétition
entre les différents discours et
représentations (Selby et al. 2007)
conduisant éventuellement au
remplacement d’un paradigme discursif
par un autre. Ainsi, la gestion
écosystémique est souvent présentée
comme un nouveau paradigme appelé à
remplacer le paradigme productiviste
(Bengston, 1994; Elands et Wiersum,
2001). D’autres études s’intéressent
plutôt à la façon dont différentes
représentations de la forêt peuvent
coexister, voire être combinées dans une
vision plus englobante de la foresterie
(Adamowicz et Veeman, 1998; Wyatt,
2004; Lebel, Contreras et al. 2004). Les
analyses discursives sont utiles pour
éclairer la façon dont les discours
dominants sont reproduits ou contestés
49

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
et elles sont particulièrement pertinentes pour
dégager le point de vue des acteurs
minoritaires (Wyatt, 2004). Par contre, ce type
d’analyse peut parfois être désincarné et
illustrer le point de vue des acteurs sans
permettre d’approfondir leurs rapports aux
institutions.
Afin d’éclairer la dimension institutionnelle
des discours et des représentations des acteurs
sociaux, Arts et Leroy (2006) ont élaboré la
Political Arrangement Approach (PAA), une
approche qui s’inspire à la fois du néoinstitutionnalisme
et de l’analyse discursive.
Un arrangement politique correspond à la
façon dont un domaine politique donné est
temporairement façonné par des discours, des
acteurs, des ressources et des règles 1 (Arts et
Buizer, sous presse : 4). Cette approche
permet de décrire comment et dans quelle
mesure les discours sont institutionnalisés. En
effet, les dynamiques institutionnelles sont
influencées par l’émergence de nouveaux
discours et, inversement, ces discours,
lorsqu’ils s’institutionnalisent, s’avérèrent
utiles pour comprendre comment les
institutions se transforment ou, au contraire,
pourquoi elles demeurent stables (Arts et
Buizer, sous presse; Hajer, 1995). J’ai donc
appliqué une grille d’analyse s’inspirant de la
PAA à plusieurs documents écrits produits
dans le cadre de la Commission Coulombe.
Cela m’a amené à tirer un certain nombre de
résultats préliminaires qui sont avant tout des
hypothèses à approfondir lors d’entrevues à
venir avec les acteurs clés.
1 Traduction de « A policy arrangement can be defined
as the way in which a certain policy domain is
temporarily shaped in terms of discourses, actors,
resources and rules » (Arts et Buizer, in press : 4).
50
Contexte et acteurs de la Commission
Coulombe
En 1999, la sortie du documentaire
L’Erreur Boréale (Monderie et
Desjardins, 1999) a créé une véritable
onde de choc. Plusieurs acteurs sociaux
exigent alors une enquête publique
indépendante (Bisson, 1999; April,
1999). Trois ans plus tard, un rapport de
la Vérificatrice générale du Québec
révèle « l’insuffisance des connaissances
du ministère sur plusieurs aspects ainsi
que l’utilisation d’outils [qui ne sont] pas
toujours adéquats » (Vérificateur général
du Québec, 2002 : 69). Dans la foulée de
ce rapport, deux grandes sociétés
forestières de même que le premier
ministre Bernard Landry, se déclarent
favorables à la tenue d'une enquête
publique (Côté, 2003). Ce sera
finalement, le gouvernement libéral de
Jean Charest qui mettra sur pied la
Commission Coulombe. Plusieurs
groupes écologistes sont déçus devant le
mandat scientifique et technique de cette
commission et craignent que celle-ci ne
soit pas aussi transparente et
indépendante que l’aurait été une
véritable Commission d’enquête
(Francoeur, 2003).
Des consultations publiques ont été
menées auprès d’une multitude d’acteurs
sociaux, régionaux et nationaux. Au
total, les audiences et les forums de
discussion ont interpellé environ 1800
participants et plus de 300 mémoires ont
été déposés (Commission d’étude sur la
gestion de la forêt publique québécoise,
2004 :263). Au terme de cet exercice de
consultation, on constate que la
Commission a dépassé le mandat qui lui
était confié : « tout a été mis sur la table
pendant les audiences: le social,
l’administratif, le technique, le
scientifique et le politique. La

Commission n'a ni fermé l'oreille ni refusé
d'assumer les enjeux dont on la saisissait »
(Francoeur, 2004).
Émergence de nouveaux discours
Si la Commission Coulombe a donné
l’occasion à certains discours plus marginaux
de s’exprimer, c’est d’abord et avant tout le
discours écosystémique qui y prévaut. Le
discours écosystémique, qui a une filiation
avec la notion de développement durable à
travers l’idée d’un aménagement durable des
forêts (Martineau-Delisle, 2005 : 247), met de
l’avant une vision holistique des écosystèmes
forestiers et une préoccupation accrue pour le
maintien et la résilience de ces écosystèmes
(Cortner et Moote, 1999).
On peut dire que les premiers balbutiements
du discours écosystémique au Québec ont eu
lieu en 1996 alors que six critères
d’aménagement durable des forêts sont ajoutés
au préambule de la Loi sur les forêts. Au
moment où se déroule la Commission,
l’approche écosystémique est de plus en plus
populaire auprès des chercheurs, des
professionnels et des institutions chargées
d’administrer la ressource, mais demeure
subordonnée au paradigme productiviste sur le
terrain.
La Commission Coulombe réaffirme
l’importance de la gestion écosystémique en
recommandant « que l’aménagement
écosystémique soit au cœur de la gestion des
forêts publiques du Québec » (Commission
d’étude sur la gestion de la forêt publique
québécoise, 2004 : 47). Il est intéressant de
souligner un élargissement de la notion
d’écosystème, puisque le rapport de la
Commission aborde notamment le rôle de la
forêt dans les cycles de l'eau et du carbone. Au
terme de ses réflexions, la Commission a
dégagé une vision de la forêt québécoise qui
souligne son importance sociale et culturelle,
préoccupation absente du biocentrisme
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
traditionnel et encore marginale dans le
paradigme écosystémique. Dans son
rapport final, la Commission reconnait
que les forêts, par les ressources qu’elles
génèrent, sont « le terroir de la culture
des Premières Nations » (Commission
d’étude sur la gestion de la forêt
publique québécoise, 2004 :4) et
consacre un chapitre entier à la
dimension autochtone de la gestion
forestière (chapitre 8, p. 237-242).
Émergence de nouvelles règles
Il ressort de l’analyse des mémoires
présentées, d’une part, l’appel à des
normes internationales de certification et
à des quotas internationaux d’aires
protégées et, d’autre part, l’appel à un
assouplissement des règlementations
nationales afin de les adapter aux réalités
régionales. Cela reflète les tensions vers
les échelles locales et planétaires qui
affectent l’État moderne centralisé. Des
groupements de professionnels, des
associations autochtones et des groupes
paysans ainsi que des entreprises
proposent d’assouplir le cadre normatif
afin de l’adapter aux particularités
régionales. On peut voir dans ces
revendications une critique de la
bureaucratisation et de la
technocratisation de la gestion forestière.
On peut aussi y percevoir une rhétorique
qui vise, pour les uns, la réappropriation
de la ressource par les communautés
locales et, pour les autres, une certaine
dérèglementation des pratiques. Si les
recommandations et des récriminations
des acteurs nous informent sur leurs
visions de l’encadrement de la gestion
forestière, les lois qui ont été introduites
par le MRNF dans la foulée du rapport
Coulombe nous renseignent plus
directement sur les changements
institutionnels concrets auquel la
Commission a mené.
51

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité
deux projets de loi : l’un portant sur la baisse
d’attribution de la matière ligneuse (projet de
loi nº 71) – qui sera accompagné de mesures
pour soutenir le secteur forestier – et l’autre
portant sur la création d’un poste de forestier
en chef (projet de loi nº 94). D’autres
changements sont à l’étude par le MRNF,
notamment l’implantation de l’aménagement
écosystémique qui fait l’objet de trois projets
pilotes (Gouvernement du Québec, 2003a) et
l’élaboration d’un nouveau règlement sur
l’aménagement durable des forêts qui
remplacera l'actuel Règlement sur les normes
d'intervention dans les forêts du domaine de
l'État (RNI) (Gouvernement du Québec,
2003b). Une gestion intégrée et régionalisée
est envisagée pour répondre aux
revendications de certains acteurs sociaux
(Gouvernement du Québec, 2008). Au
lendemain du dépôt du rapport Coulombe, le
gouvernement avait réaffirmé son intention
d’atteindre l’objectif de 8 % d’aires protégées
avant la fin de l’année 2008. C’est plutôt 6%
d’aires protégées que le Québec aura atteint
avec l’ajout de 1% de la superficie du Québec
en mai 2008 (Beauchemin, 2008).
Redéfinition des rapports de pouvoir
La Commission Coulombe n’a certes pas
transformé radicalement les rapports de
pouvoir, mais son action ne peut être réduite à
un simple exercice de relation publique,
notamment en raison de sa transparence, de
son indépendance et des innovations
discursives qu’elle a permises. Les
conclusions de la Commission confirment la
remise en question du paradigme productiviste
au profit d’un paradigme écosystémique
(Bengston, 1994) 2 . Le Livre Vert prévoit que
2 Le Livre Vert, dont l’objet est la réforme du régime
forestier québécois, a été rendu public 4 ans après la
Commission Coulombe. Il est des plus pertinents de
voir comment et dans quelle mesure les
recommandations du rapport Coulombe y sont
intégrées.
52
70% du territoire forestier soit constitué
en zone d’aménagement écosystémique
et intégré (Gouvernement du Québec
2008 :28). On assiste aussi à
l’élargissement vers une définition plus
inclusive de ce qu’est un écosystème,
notamment avec une intégration accrue
des dimensions sociales et culturelles de
la forêt et de son rôle dans le cycle du
carbone.
Les groupes autochtones et
environnementaux sont les grands
perdants de la mise en application des
recommandations de la Commission.
Alors qu’on retrouvait la préoccupation
d’intégrer les savoirs et les pratiques
forestières spécifiques des communautés
autochtones dans le rapport Coulombe
où un chapitre entier était consacré à cet
enjeu (Commision d’étude sur la gestion
de la forêt publique québécoise, 2004 :
237-242), cette préoccupation apparait
dans le Livre Vert, mais elle y demeure
subordonnée à l’objectif de
régionalisation (Gouvernement du
Québec, 2008 : 23). Le rapport
Coulombe intégrait les revendications
des écologistes, mais ceux-ci se voient
écartés de sa mise en œuvre (Francoeur,
2005). En effet, la stratégie de
régionalisation favorisée par le
gouvernement prévoit une gouvernance
régionale fondée sur la participation de
diverses instances régionales (CRÉ,
MRC, etc.) et de « groupes d’intérêts
régionaux » (Gouvernement du Québec,
2008 : 35), ce qui correspond à une
certaine relégation des groupes
environnementaux qui sont
généralement des organisations
nationales, voire internationales.
Conclusions
Confronté, d’une part, à la complexité et
à l’incertitude et, d’autre part, à la

méfiance des citoyens, l’État a recours à des
mécanismes de participation publique. Dans
quelle mesure ce contexte
« participationniste » affecte-t-il réellement
l’élaboration des politiques et la modification
des pratiques des instances chargées de gérer
les ressources naturelles? Dans quelle mesure
la participation améliore-t-elle la gestion des
ressources naturelles? Dans le cas que j’ai
étudié, le recours à la participation a favorisé
la transition vers une gestion écosystémique
élargie.
Par contre, en ce qui concerne les
changements concrets au sein des institutions,
on remarque que les recommandations des
acteurs sociaux sont intégrées aux politiques
dans la mesure où celles-ci convergent avec
l’agenda de ces institutions. Par exemple,
l’assouplissement du cadre normatif
revendiqué par certains acteurs –
principalement des acteurs du développement
régional et de l’industrie forestière – a été
intégré aux politiques, car il correspondait à
l’agenda décentralisateur du gouvernement
Charest, alors que l’application de normes de
certification transnationales (la norme FSC,
par exemple), promue principalement par les
groupes écologistes, est encouragée sur la base
d’un volontarisme indulgent quand elle n’est
pas complètement délaissée. On peut donc
dire que la participation publique à la
Commission Coulombe a rendu la gestion de
la forêt un peu plus ouverte et inclusive en
donnant une tribune où les différentes visions
de la ressource pouvaient se faire entendre. La
Commission a certainement rendu la gestion
de la forêt plus légitime en s’emparant de la
controverse suscitée par la diffusion de
l’Erreur Boréale et en créant des mécanismes
d’encadrement du MRNF et de l’industrie, le
poste de forestier en chef notamment. Par
contre, la participation publique ne rend pas la
gestion des ressources naturelles
nécessairement plus durable. En effet, compte
tenu d’une certaine relégation des groupes
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
environnementaux la critique est en
quelque sorte évacuée de la mise en
œuvre et du suivi des recommandations
de la Commission. La durabilité du
processus repose uniquement sur les
organisations chargées de l’implantation
des recommandations – l’administration
publique, l’industrie et les acteurs
régionaux – dont les préoccupations de
durabilité demeurent encore souvent
subordonnées aux préoccupations de
développement.
53

Bibliographie
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
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55

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
56
Processus participatif pour les décisions de développement de la
villégiature autour des lacs
Roxanne Lavoie
Étudiante à la maîtrise en aménagement du territoire et développement
régional
Université Laval
Martin Boisvert, Philippe Dufour, Jean Christian Roy
Étudiants à la maîtrise en aménagement du territoire et développement régional
Mise en contexte
Le développement des lacs de villégiature est
un enjeu prioritaire pour plusieurs MRC du
Québec. L'arrivée de nouveaux villégiateurs
peut générer des retombées économiques
importantes pour les régions, grâce au
développement de l’industrie récréotouristique
et à la hausse des revenus fonciers pour les
municipalités. Dans le même temps, les
décideurs sont généralement sensibles aux
problématiques environnementales et désirent
préserver la santé des lacs de leur territoire.
Dans le cadre de la révision de son schéma
d'aménagement, débutée en 2008, la MRC des
Appalaches étudie la possibilité d’étendre les
secteurs de villégiature situés autour des lacs,
en élaborant un plan de gestion de ses plans
d'eau. Ayant connu des difficultés
économiques suite à un déclin dans le secteur
de l’amiante, elle espère ainsi diversifier ses
activités et profiter des retombées
qu’amènerait le développement de la
villégiature. Ce dernier a des répercussions
considérables sur plusieurs aspects du milieu.
Il peut rehausser le pouvoir attractif de la
région, créer de nouveaux emplois, modifier la
valeur foncière des propriétés, augmenter les
revenus de la municipalité et contribuer à la
diversification de l’économie. Toutefois, il
peut également affecter les services publics et
la gestion municipale : pressions des
villégiateurs pour obtenir plus de services,
difficulté à offrir des services et à contrôler les
activités en raison de la faible densité
d’occupation. De plus, le développement
de nouveaux secteurs de villégiature
présente un risque de causer des conflits
d’usages (par exemple avec
l’agriculture) et de créer de nouvelles
zones résidentielles concentrées à
l’extérieur des périmètres d’urbanisation,
contribuant ainsi à l’étalement urbain.
Enfin, il peut avoir des impacts négatifs
sur le milieu naturel, en exerçant une
pression accrue sur les écosystèmes
lacustres, en accentuant l’érosion ou en
contribuant à la contamination et à la
dégradation des ressources en eau (MRC
de l’Amiante, 2008; MAMR, 2007). Ce
dernier aspect est particulièrement
important, non seulement d’un point de
vue écologique, mais également par
rapport à la santé publique, puisque
certains lacs sont utilisés comme
réservoirs d’eau potable ou comme lieux
de plaisance. Le développement de
nouveaux secteurs de villégiature s’avère
donc une problématique complexe qui
intègre plusieurs aspects de la gestion du
territoire. De plus, de nombreux
règlements et lois encadrent un tel
projet. L’ensemble de ces éléments doit
être pris en compte lors de décisions à ce
sujet.
Cette étude propose un processus d'aide
à la décision permettant de prioriser les

secteurs disponibles autour des lacs à partir
d’un ensemble de critères et d’un processus
participatif mettant à contribution des
décideurs régionaux.
Méthodologie
La démarche suivie a pour but d’aider les
décideurs de la MRC des Appalaches à
déterminer à quel endroit le développement de
la villégiature serait souhaitable sur leur
territoire, par rapport à leurs priorités. Il s’agit
donc de comprendre leur vision de la
problématique, de les amener à travailler
ensemble sur les critères à prendre en compte
et de proposer des actions correspondant à
leurs préoccupations.
Une collecte de données, des rencontres avec
différents acteurs ainsi que des visites sur le
terrain ont d'abord été effectuées afin de
définir la problématique dans une perspective
d’aménagement du territoire. Une première
liste de critères permettant de prioriser les lacs
a alors été élaborée.
Les décideurs de la MRC, soit les maires des
municipalités concernées par la villégiature,
ont ensuite été convoqués à un premier atelier
visant à connaître leur vision de la
problématique et à déterminer les critères
qu’ils souhaitent considérer pour le
développement de la villégiature. Cet atelier
s’est déroulé en trois temps. Les participants
ont d’abord identifié individuellement trois
avantages et trois inconvénients du
développement de la villégiature et, ensemble,
les ont regroupés selon les thèmes qui s’en
dégageaient : l’économie, le bien-être,
l’environnement, l’occupation du territoire et
la politique. Les résultats de ce premier
exercice ont ensuite été comparés à la
problématique définie préalablement, dans le
but d’effectuer des liens et de susciter des
réactions chez les maires. Ces premières
étapes ont permis de connaître les principaux
enjeux du développement des lacs pour les
maires (Tableau 1). La troisième phase de
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
l’atelier consistait à choisir les critères
permettant de prioriser les secteurs à
développer, dans une liste établie à
l’avance. Les maires ont alors dû
confronter leurs opinions et négocier
afin de sélectionner un nombre restreint
de critères (Tableau 2).
Par la suite, les terrains disponibles
autour des lacs ont été décomposés en
secteurs relativement homogènes selon
les contraintes légales et réglementaires,
la topographie, le couvert forestier et les
limites municipales (Figure 1). À partir
de ces informations, chaque secteur s’est
vu attribuer une évaluation pour chacun
des critères identifiés lors de la première
rencontre avec les décideurs.
Un second atelier avec les maires
(Figures 2 et 3) a permis de définir leurs
préférences par rapport aux critères. Le
groupe présent a d’abord été divisé en
deux sous-groupes, auxquels on a
présenté les cartes de la MRC illustrant
les secteurs potentiels pour le
développement de la villégiature. Les
participants devaient alors sélectionner
les secteurs qui leur paraissaient bons et
mauvais pour y implanter de nouveaux
chalets, en justifiant leur choix. Cet
exercice visait d’abord à valider les
critères définis lors de la première
rencontre, puis à obtenir des actions de
référence permettant de comparer les
secteurs entre eux. En classant les
secteurs, les maires fournissaient des
informations sur ce qu’ils considéraient
«bon», par exemple un lac profond et
clair bordé de pentes suffisantes pour
offrir une vue aux villégiateurs, ou
«mauvais», comme un lac vaseux situé
en terrain plat. La seconde partie de cette
rencontre était plus théorique, et avait
pour but de paramétrer les préférences
des décideurs sur les critères. Ils
57

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
devaient premièrement donner une note de
passage et une note «bonne» pour chaque
critère, puis proposer une pondération.
Les critères et les préférences définis lors de
cette rencontre ont été modélisés dans un
système d’information géographique (SIG)
permettant de réaliser une analyse
multicritère, grâce à Electre-tri (Shärlig,
1996). Différents modèles de priorisation ont
été finalement cartographiés.
Résultats
Le résultat attendu de cette démarche consiste
en une carte des secteurs potentiels pour le
développement de la villégiature, priorisés
selon les critères définis par les décideurs. Or,
le processus nous a également permis d’élargir
nos connaissances sur la participation et la
prise de décision à l’échelle régionale.
La première rencontre avait été conçue avant
de connaître les décideurs de la MRC des
Appalaches. Certains exercices se sont avérés
trop abstraits pour eux, et le lien avec leurs
préoccupations quotidiennes n’était pas
évident. La participation était plus ardue et
l’on sentait qu’ils ne concevaient pas
clairement en quoi la démarche allait leur
servir.
Lors de la seconde rencontre, les maires
présents ont sélectionné les secteurs de lacs
qui leur paraissaient les meilleurs et les moins
bons pour le développement du territoire
(Figure 4). Cet exercice beaucoup plus concret
a permis aux décideurs de situer la
problématique sur le territoire et de discuter de
possibilités réelles. Les maires avaient en
réalité une idée plutôt claire des sites
spécifiques à développer. En effet, ils
pointaient rapidement et intuitivement les
secteurs demandés, et utilisaient souvent les
mêmes justifications, identifiant de cette façon
les critères auxquels ils accordaient le plus
d’importance. Ces explications ont également
montré que l’appréciation des décideurs était
58
généralement basée sur la qualité
visuelle du lac pour les villégiateurs
ainsi que sur la qualité globale de l’eau
du lac. De plus, certains des participants
étaient influencés par des projets de
développement déjà planifiés, dont ils
avaient de la difficulté à faire
abstraction.
Les échelles d’évaluation ont par la suite
été caractérisées, selon la réalité du
territoire et les préoccupations des
maires. À partir de ces résultats et de
négociations entre les maires, la liste de
critères a été ordonnée selon
l’importance de ceux-ci (la pondération
apparaît entre parenthèses) : l’intégration
au paysage (45%), la qualité visuelle
(28%), la qualité de l’eau (20%) et la
présence de cyanobactéries (7%).
Cette approche a présenté de nombreux
bénéfices pour les maires présents. En
effet, elle leur a permis de structurer
individuellement leur pensée et leur
opinion par rapport au développement de
la villégiature sur leur territoire. Les
rencontres leur ont donné l’occasion de
débattre de certains aspects du
développement et des priorités
d’aménagement, ainsi que de prendre
conscience des positions divergentes au
sein du groupe. Le fait que les ateliers
soient dirigés par une équipe venant de
l’extérieur a mis tous les maires sur le
même pied d’égalité. Ils étaient ainsi
plus à l’aise de confronter leurs opinions
librement, dans le but d’en arriver à un
consensus. Les discussions et les débats
ont permis aux maires d’avoir une
perception plus globale du problème. En
effet, en identifiant les multiples enjeux
et en écoutant divers points de vue, les
maires ont pu apprécier la complexité du
développement de nouvelles zones de
villégiature et réaliser que ce genre de

projet englobe de nombreux aspects et
contradictions qu’ils n’avaient pas encore
envisagés. Ils se sont par exemple aperçus que
d’offrir la plus belle vue aux nouveaux
villégiateurs impliquait de détériorer
davantage le paysage, et donc la vue, de ceux
qui étaient déjà présents. L’amélioration de la
vue nécessite en effet de dégager le champ de
vision des arrivants, et d’ainsi mettre à
découvert le bâtiment, ce qui a pour effet de
diminuer son potentiel d’intégration au
paysage. Les maires ont donc compris qu’il
fallait faire un choix. Bref, le processus de
décision des décideurs de la MRC des
Appalaches quant au développement de la
villégiature n’est pas terminé, mais ils ont
maintenant eu l’occasion de s’exprimer et de
connaître les différents points de vue existants.
Ils sont maintenant plus conscients des enjeux
et ont développé une vision d’ensemble
commune de la problématique.
L’originalité de ce projet a résidé entre autres
dans son caractère multidisciplinaire : il
intègre la gestion du territoire, la gestion
environnementale et de l’eau, les processus
d’aide à la décision et le développement
économique et régional. Les résultats obtenus
ont permis également d’identifier et
comprendre quels sont les enjeux du
développement autour des lacs pour des
décideurs élus et d’adapter les méthodes
d’animation des ateliers à leur réalité. À l’aide
des résultats de ce projet, il est possible
d’appliquer une analyse multicritère afin de
proposer les secteurs à développer en priorité,
et ce, selon les critères et préférences définis
par les maires. Cette étape est actuellement en
cours de réalisation. En s’impliquant dans une
démarche d’aide à la décision, les décideurs
de la MRC des Appalaches ont démontré leur
volonté de prendre en compte tous les aspects
du développement de la villégiature et de
trouver un consensus sur les priorités en
aménagement. Jusqu’ici, leurs efforts ont
mené à la structuration de la problématique et
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
à la définition des critères et préférences
permettant l’analyse multicritère. Ils
seront bientôt en possession d’outils leur
donnant l’occasion de discuter des
secteurs à prioriser. Leur réflexion n’est
pas terminée, mais ils ont maintenant en
main les informations nécessaires à une
décision éclairée.
59

Figures
Figure 1
Exemple de découpage
Figure 2
Deuxième rencontre avec les maires,
exercice 1
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Légende
Contraintes
Affectation agro-forestière
Secteurs potentiels
Figure 3
Deuxième rencontre avec les maires,
exercice 2

Figure 4
Sélection des secteurs «bons» et «moins bons»
Bon
Légende
Moins bon
Contraintes
Affectation agro-
forestière
Secteurs
potentiels
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
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5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Tableaux
Tableau 1
Enjeux identifiés par les maires lors de la première rencontre
Thème Enjeux identifiés par les maires
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Économie • Favorise l’économie locale
• Augmentation de la valeur foncière, donc plus de revenus pour la ville
• Risque d’altérer les statistiques de revenus des municipalités et de leur
faire perdre des subventions.
Bien-être • Tranquillité pour les villégiateurs
• Qualité de vie intéressante autour des lacs
• Risque d’achalandage accru
• Risque de perte de tranquillité
Environnement • Attire l’attention sur l’environnement
• Risque de contamination des lacs
• Impact négatif sur la qualité de l’eau
• Risque de détérioration de la santé des poissons
• Risque d’augmentation du nombre d’épisodes de cyanobactéries
Occupation du territoire • Développement du territoire
Politique • Plus d’électeurs
• Risque d’un développement non encadré
• Risque de chasser les anciens propriétaires à cause de l’augmentation
de la valeur foncière
• Pressions accrues pour avoir des services
• Autres demandes de la part des villégiateurs
Tableau 2
Critères identifiés lors de la première rencontre avec les maires
Critères
La qualité globale de l’eau du lac
L’intégration des nouveaux arrivants
La détérioration possible du paysage
Le nombre maximal de lots dans un secteur à développer
L’achalandage actuel sur le lac, en fonction des différentes activités pouvant y avoir cours (baignade,
bateaux de plaisance, pêche, etc.)

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5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
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63

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
64
Thème 2
Entre exploitation et conservation des écosystèmes

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Multiples discours, multiples réalités :
La menace d’érosion des marais du Saint-Laurent
Chrystian Careau
Étudiant à la maîtrise en sciences géographiques et membre du CIEQ
Université Laval
Matthew Hatvany, professeur, Département de géographie et membre du CIEQ
Depuis les années 1990, et surtout depuis les
derniers cinq ans, tous les chercheurs des
sciences naturelles expriment dans une même
voix leurs inquiétudes en référence à une
érosion généralisée à l’ensemble des marais
(89 km2) de l’estuaire du Saint-Laurent
causée, notamment, par une hausse présumée
du niveau marin et le manque de couverture
de glace durant l’hiver. Selon eux, l’état des
marais est précaire – « Les conséquences de
cette érosion et du recul des côtes sur les
infrastructures collectives essentielles peuvent
entraîner des coûts collectifs particulièrement
importants ».
À première vue, il
semble bien qu’ils
ont raison. Les
signes d’érosion
(blocs de tourbes
retirés de l’estran et
une microfalaise qui
recule) sont faciles
à observer sur les
marais bien connus
du littoral, par
exemple, ceux à
Cap-Tourmente,
Montmagny,
Kamouraska et
Rivière-du-Loup
(Figure 1). Mais, dans
notre recherche en
géographie historique
au CIEQ (Centre interuniversitaire d’études
québécoises), on se trouve souvent à mi-
chemin entre les sciences naturelles et
les sciences sociales. Cette situation
assez unique nous incite à considérer le
problème d’érosion des marais comme
phénomène à la fois physique
(géomorphologique du littoral) et social
(une question de perception et même
d’idéologie).
Figure 1
Érosion observée sur le marais de la
baie de Kamouraska, été 2008
Source : Hatvany 2008, Fonds CRSH, du projet « Centuries of sustainability: plants,
animals and people in the marshlands of the St. Lawrence Estuary » de Matthew Hatvany,
professeur, Département de géographie, Université Laval.
65

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Pourquoi les deux approches? Parce qu’on sait
bien que les scientifiques qui décrivent l’état
de l’environnement, même les meilleurs, sont
toujours influencés par la société qui les
entoure. En d’autres mots, chaque discours
scientifique est, jusqu’à un certain point, une
réflexion des préoccupations de la société
dans laquelle le discours est prononcé. Dans le
cas du discours actuel sur l’érosion des marais
du Saint-Laurent, ce n’est pas la première fois
que pratiquement toute la communauté
scientifique prononce une vision assez
unilinéaire concernant l’évolution des marais.
En effet, une approche géohistorique
démontre que le discours actuel sur
l’écosystème intertidal est en opposition
directe avec le discours historique de la
plupart des scientifiques québécois,
américains et même européens du milieu du
XIX e siècle jusqu’à récemment. En effet, dans
les sources historiques, on note que depuis le
Moyen Âge jusqu’aux années 1980, le
discours dominant des scientifiques
(naturalistes, biologistes, géomorphologistes
et ingénieurs) a été axé principalement sur la
sédimentation et la croissance assez constante
des marais littoraux, par exemple les côtes de
la mer du Nord aux Pays-Bas et en Angleterre,
les baies de l’Aiguillon et du Mont-Saint-
Michel en France, ou le marais de Barnstable
en Nouvelle-Angleterre spécifiquement en
Amérique du Nord. Chez nous, prenons par
exemple le discours de l’agronome Aubert
Hamel en 1963 dans la revue Agriculture. Un
expert sur la phytologie littorale qui a discuté
dans son texte sur un programme de
« développement économique ». Par
l’entremise d’un vaste projet d’endiguement
des marais à des fins agricoles dans le Saint-
Laurent, il prétendait que, dans un avenir plus
lointain, la sédimentation et la croissance
constante des marais pourraient alors former
un énorme delta entre l’Île d’Orléans et Île
aux Coudres qui relierait toutes les îles. Le
résultat de tous ces discours scientifiques : les
66
agriculteurs et le gouvernement du
Québec ont endigué et transformé à
jamais plus de 30 km du littoral de
l’estuaire entre La Pocatière et Rivièredu-Loup.
D’un contexte sociétal
d’industrialisation, de contrôle de la
nature et d’exploitation des ressources
naturelles, il y a eu au Québec, entre les
années 1970 et 1990, une transition vers
une société postindustrielle. Dans ce
nouveau contexte, depuis 1990, un
changement de paradigme s’impose sur
les marais et maintenant le discours
général porte sur le changement
climatique et l’érosion des berges. Alors,
entre le discours historique de croissance
des marais, et le discours actuel
d’érosion des marais, qu’en est-il dans la
réalité? Pour répondre à cette question,
on a porté une étude de cas sur le marais
de la baie de Kamouraska. Le choix du
lieu d’étude a été déterminé par la
richesse des sources historiques qui
portent sur cette baie et ses marais
(cartes anciennes datant du XVIII e
siècle, série de photographies aériennes
datant de 1929, et beaucoup de
documents primaires et secondaires aux
archives). Il faut aussi savoir que depuis
le XIX e siècle, les agriculteurs de
Kamouraska bénéficient de la
transformation du marais en terres
agricoles à l’aide de digues appelées
« aboiteau » et qu’ils dépendent encore
grandement de la situation du marais,
donc de l’avenir de ces digues. Ce site
mérite donc une attention particulière.
Afin de répondre à notre problématique,
on a utilisé une analyse temporelle
(cartographie spatio-temporelle) de
l’évolution du marais de la baie depuis
les derniers trois cents ans. Cette analyse
a été basée sur des cartes anciennes, des
photographies aériennes et des images

satellitaires représentant la baie de
Kamouraska depuis le XVIII e siècle, ainsi que
des données mesurées avec GPS prises lors de
la vérification du terrain en 2008. Afin de
reconstituer les périodes d’accrétion
(croissance) et d’érosion du milieu naturel,
nous avons identifié six sites de repères que
l’on a placés sur une carte schématique qui
superpose à la même échelle la limite
inférieure du marais depuis le XVIII e siècle
(Figure 2).
Figure 2
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Les résultats de notre analyse à longue
durée sont surprenants. En effet, les
mesures prises aux sites de repères A et
B sur la figure 2 dans l’est de la baie,
présentent un accroissement constant du
marais depuis 1948, un processus qui est
toujours en cours à l’heure actuelle. En
effet, l’accrétion mesurée dans cette
partie du marais est de l’ordre de près de
trois mètres en moyenne par année
depuis 1948. De plus, un autre processus
géomorphologique est actif depuis 1948,
soit celui de l’érosion. Celle-ci est
Source : Carte réalisée par Chrystian Careau et Matthew Hatvany, Fonds CRSH, du projet
« Centuries of sustainability: plants, animals and people in the marshlands of the St. Lawrence
Estuary » de Matthew Hatvany, professeur, Département de géographie, Université Laval.
67

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
nettement observable dans le sud-ouest du
marais, précisément autour des sites de repères
D et E. Spécifions que l’érosion est de l’ordre
de plus de 40 mètres depuis 1985 à cet
endroit.
La signification de ces données nous indique
que l’évolution du marais de la baie de
Kamouraska n’est pas linéaire en direction,
mais plutôt dynamique. C’est-à-dire que le
marais présente des périodes de
sédimentation, de stabilité, et d’érosion
notable depuis le XVIII e siècle. Contrairement
aux discours historiques et actuels sur la
géomorphologie des marais, les résultats
soutiennent que ce marais est à la fois affecté
par l’érosion dans sa portion sud-ouest, mais
qu’il est en croissance (sédimentation) dans sa
partie orientale. Cette situation paradoxale
illustre non seulement que certaines parties
des digues de la baie sont menacées d’érosion,
mais que l’érosion de ces digues n’est pas
moins liée aux récents changements
climatiques et la hausse du niveau marin qu’au
rôle des acteurs (ingénieurs, agronomes,
écologistes) qui ont mal anticipé les
complexes dynamiques d’érosion et de
sédimentation sur ce marais. En effet, avec la
construction des digues, leurs présences a eu
comme résultat de fixer les limites spatiales du
marais, privant la migration terrestre de celuici
en période de hausse du niveau marin
comme, on croit, c’est le cas aujourd’hui.
Clairement, certaines digues ont été
positionnées dans des zones nettement à
risque d’érosion et de recul des limites du
marais.
Les conclusions préliminaires de cette étude
démontrent que le réductionnisme présent
dans le discours de la gestion et de l’évolution
du milieu naturel de la baie de Kamouraska a
eu pour effet de masquer les complexités
d’interactions entre les dynamiques naturelles
et les infrastructures anthropiques en place
dans cet environnement. Ces résultats nous
68
rappellent que chaque milieu est unique.
Les multiples trajectoires qu’emprunte le
marais de la baie de Kamouraska
s’opposent nettement aux discours
linéaires des scientifiques concernant
l’évolution du milieu naturel, et ceci
malgré la menace actuelle des
changements climatiques.
*Cette étude a bénéficié des fonds
CRSH du projet « Centuries of
sustainability: plants, animals and people
in the marshlands of the St. Lawrence
Estuary » de Matthew Hatvany.

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Simulation du débit de la rivière Saint-Charles, première source d’eau
potable de la ville de Québec
Étienne Gaborit
Étudiant au doctorat en génie civil
Université Laval
G. Pelletier, P.A. Vanrolleghem et F. Anctil, Département de Génie civil, Université
Laval
Résumé
Sur le bassin versant de la rivière Saint-
Charles, il est nécessaire de mieux gérer l’eau,
d’un point de vue quantitatif et qualitatif. Or la
prise de décisions peut être aidée par la
modélisation hydrologique. Ce travail porte
sur la mise en place du modèle semi-distribué
de qualité de l’eau SWAT sur ce bassin
versant urbain et relativement montagneux, et
sur l’évaluation de sa capacité à simuler les
débits. Cette première approche est comparée
à deux autres, reposant pour l’une sur
l’utilisation du modèle hydrologique global
GR4J, et pour l’autre sur l’emploi d’un réseau
de neurones. Ce bassin présente par ailleurs de
réelles difficultés pour ce type de
modélisation, liées essentiellement au manque
de données : quasi-absence d’information
spatiale sur les précipitations et absence
d’étude pédologique détaillée. Les résultats,
globalement satisfaisants, montrent toutefois
que la performance hydrologique résultant des
trois approches est limitée par ces manques :
celle utilisant SWAT davantage que les deux
autres. Dans ce cas, les lacunes ne permettent
pas d’utiliser le plein potentiel du modèle
SWAT dont la structure plus lourde devient un
inconvénient dès que les données sont
disponibles en quantité et en qualité
insuffisantes pour en justifier l’exploitation,
en opposition à GR4J et au réseau de
neurones. Il semble donc incontournable,
considérant l’importance stratégique du bassin
versant de la rivière Saint-Charles pour
l’approvisionnement en eau potable, que
l’effort d’observation de ce territoire soit
accru.
1. Introduction
La rivière Saint-Charles (Figure 1), qui
traverse la ville de Québec de part en
part, revêt un caractère important pour sa
population. En premier lieu, ce bassinversant
(BV) de 550 km 2 , qui prend sa
source dans les montagnes au nord,
fournit une part substantielle (56 % en
2007) de l’eau de consommation de la
ville. L’actuel barrage Cyrille-Delage,
reconstruit en 1948 à l’exutoire du lacréservoir
Saint-Charles, a d’ailleurs
permis d’accroître la capacité de
stockage en amont de la prise d’eau et
ainsi de régulariser une partie du débit
de la rivière.
Aujourd’hui, la partie aval du bassinversant
de la rivière Saint-Charles
(BVRSC) est fortement urbanisée. Dans
les secteurs relativement récents, les
eaux de pluie sont collectées séparément
des eaux usées et rejetées telles quelles à
la rivière (après un court passage par des
bassins de rétention), ce qui n’est pas
sans conséquence sur le débit et la
qualité des eaux. Une meilleure gestion
du débit sortant des bassins de rétention
permettrait d’améliorer la qualité de
l’eau rendue à la rivière. Or
l’optimisation de la gestion de l’eau
nécessite la mise en place de modèles,

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 1
Localisation du bassin versant de la rivière
Saint-Charles – cercles pleins
Exutoires de sous-bassins avec stations de
jaugeage; cercles pleins avec croix blanche :
exutoires sans station; cercle vide avec rond noir :
station de jaugeage de la rivière Saint-Charles et
exutoire du bassin-versant modélisé (340 km 2 );
carrés pleins : thermomètres et pluviomètres
d’Environnement Canada; triangles pleins :
pluviomètres de la ville de Québec.
pour étudier différents scénarios (Carpenter et
al. 2008).
Ce travail a pour objectif de mettre en place le
modèle de qualité de l’eau SWAT sur le
BVRSC et d’en évaluer la performance à
simuler les débits observés. La performance
obtenue avec le modèle semi-distribué SWAT
70
sera comparée à celles obtenues en
utilisant le modèle hydrologique global
GR4J et un réseau de neurones (RN).
Nous verrons, dans un premier temps,
les grandes caractéristiques climatiques
et géomorphologiques de la zone à
l’étude, et les moyens opérationnels dont
nous disposions. Dans un deuxième
temps, une brève présentation de la mise
en œuvre des modèles, dans le cas du
BVRSC, sera effectuée. Enfin, nous
décrirons les résultats et
interprétations découlant de ce
travail.
2. Données et méthodes
2.1 Description du territoire et
données utilisées
Le BVRSC chevauche deux grands
ensembles climatiques et
géomorphologiques (figure 1). Au
nord, les montagnes Laurentides
méridionales, qui décrivent un relief
assez important (altitude entre 200 et
800 m, pentes d’environ 25%) sont
couvertes par la forêt boréale
soumise à un climat de type
subpolaire humide – pluviométrie
annuelle comprise entre 1200 et 1750
mm en fonction de l’altitude. Au sud,
les Basses-Terres du Saint-Laurent
possèdent une topographie beaucoup
plus plane (altitude entre 50 et 200
m, pente inférieure à 10%). Le climat
y est tempéré subhumide avec une
pluviométrie annuelle entre 1000 et
1150 mm. Le réseau hydrographique du
BVRSC est très dense : 800 km de cours
d’eau et 317 lacs, dont le plus
volumineux est le lac-réservoir Saint-
Charles (15x10 6 m 3 ). Le débit moyen
annuel est de 8,5 m 3 s -1 au niveau de la
station de jaugeage de la rivière Saint-
Charles (figure 1).

L’information sur les données disponibles
pour la mise en œuvre du modèle SWAT est
compilée au tableau 1. En l’absence d’études
pédologiques, la série de sol Sainte-Agathe
(Canada Soil Survey Committee, 1978) a été
retenue pour tout le territoire du bassin.
Tableau 1
Données disponibles au modèle SWAT
Type de données Source
Tableau 2
Données hydrologiques et climatiques
disponibles
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Échelle/
Résolution
Description/Propriétés
Topographie Ressources naturelles Canada 23 m Modèle numérique de terrain
Hydrographie Base de Données Topographique du Québec 1:20 000 Réseau des cours d’eau
Territoire Canards illimités Canada 25 m Occupation du territoire
Hydrologie Centre d’expertise hydrique du Québec - Débit
Climat
Service météorologique du Canada
Ville de Québec
- Précipitation, température
Lieu
Aéroport Jean-Lesage
Forêt Montmorency
Type de
variable
Pluviométrie
Température
Pluviométrie
Température
Période
(mois/année)
01/85 à Actuel
08/65 à Actuel
Données
(%)
97,5%
98,3%
97%
96,5%
Source
Environnement Canada
Environnement Canada
Pluviomètres de la ville Pluviométrie 05/06 à Actuel 98,9% Ville de Québec
Rivière Saint-Charles Débit 01/69 à Actuel 100%
Rivière Jaune Débit 01/85 à 12/94 45%
Rivière Nelson Débit 06/06 à Actuel 100%
Rivière des Hurons Débit 12/07 à Actuel 100%
Rivière Lorette Débit 05/06 à Actuel 100%
Centre d’expertise hydrique
du Québec
Centre d’expertise hydrique
du Québec
Centre d’expertise hydrique
du Québec
Centre d’expertise hydrique
du Québec
Centre d’expertise hydrique
du Québec
Usine d’AEP Débit pompé 11/99 à 05/07 100% Ville de Québec
Notes : Les stations pluviométriques de la ville de Québec ne rapportent pas les précipitations solides. Le terme
« Actuel » signifie que les stations de mesure sont encore actives. Il désignait plus précisément le 12 décembre
2008 lorsqu’a été terminé le travail présenté ici.
71

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Toutes les données climatiques et
hydrologiques compilées au tableau 2 sont au
pas de temps journalier. Le bassin versant
modélisé a pour exutoire la station de
jaugeage de la rivière Saint-Charles (figure 1),
et exclu donc les rivières Lorette et du Berger.
Sa surface est de 340 km 2 (contre 550 pour le
bassin total). La station météorologique de
l’aéroport Jean-Lesage est située à environ 7
km au sud-ouest du BVRSC modélisé, alors
que celle de la forêt Montmorency se situe à
environ 20 km au nord du BVRSC (figure 1,
carrés pleins). Les données pluviométriques
des stations de la ville de Québec n’ont pas été
utilisées car disponibles depuis peu de temps
et jamais en hiver. Ainsi, la variabilité spatiale
et la précision des valeurs de précipitations sur
le BVRSC sont très mal renseignées dans les
modèles. De plus, les débits sortant du lac
Saint-Charles sont contrôlés par l’homme au
moyen du barrage Cyril-Delage. Leurs valeurs
n’ont pas été archivées et sont difficilement
estimables. Par conséquent, ce lac est
modélisé dans SWAT comme un lac naturel
(non contrôlé par un barrage à la sortie).
2.2 Les modèles hydrologiques
SWAT est un modèle continu et semidistribué,
basé sur la physique (Gassman et
al., 2007). Il cherche à représenter les
processus hydrologiques réels à une échelle
relativement fine, et a été développé pour
étudier les effets de l’utilisation humaine du
territoire, de l’eau et/ou des changements
climatiques, sur l’hydrologie quantitative et
qualitative. Lemonds et McCray (2007)
proposent un résumé des processus
hydrologiques simulés par SWAT. Neitsch et
al. (2004) décrivent les données du modèle
(entrées requises, sorties disponibles), Di
Luzio et al. (2002) présentent sa mise en
œuvre au moyen de l’interface AVSWAT
2000, utilisée ici, et Neitsch et al. (2005)
détaillent les équations du modèle SWAT.
72
Le modèle GR4J vise à modéliser le
comportement global d’un bassin au
moyen de deux réservoirs symbolisant
chacun le sol et l’aquifère. La version
utilisée ici est celle présentée par Perrin
(2002) et Perrin et al. (2003). Ce modèle
ne nécessite que la connaissance de
l’évapotranspiration potentielle (ETP),
de la pluviométrie, de l’aire du bassin et
du débit observé. De plus, les paramètres
à caler étant au nombre de quatre, sa
mise en œuvre est donc simple. Son
principal défaut, pour une simulation sur
un bassin soumis à ce type de climat, est
qu’il ne prend pas en compte la rétention
des précipitations sous forme de neige
car il n’est pas équipé d’un module de
fonte. Le modèle GR4J sera donc
exploité ici avec comme entrée
pluviométrique la somme des
précipitations uniquement liquides et de
la lame d’eau de fonte simulée par
SWAT, ce qui est décrit plus en détail
dans la partie 3.2.
Les réseaux de neurones (RN) sont des
régresseurs multivariés non linéaires.
Dans notre cas, il s’agit d’une couche
cachée composée de « nœuds » ou
« neurones » qui modifient de manière
non linéaire les valeurs des entrées
sélectionnées, et transmettent tous une
valeur au neurone de la couche de sortie,
qui transforme linéairement les
informations fournies par les neurones
de la couche précédente, afin de produire
la meilleure sortie finale possible, soit ici
le débit de la rivière Saint-Charles au
site de jaugeage. Leur structure est
détaillée dans de nombreuses
publications dont celles du ASCE Task
Committee on Application of Artificial
Neural Networks in Hydrology (ASCE,
2000a; 2000b).

3. Mise en œuvre et résultats
3.1 Mise en œuvre du modèle SWAT
La configuration initiale de SWAT a été
effectuée en suivant les directives émises par
Di Luzo et al. (2002) et Neitsch et al. (2004;
2005). Nous avons aussi bénéficié des
recommandations de Lemonds et McCray
(2007) qui ont implanté SWAT sur de petits
bassins montagneux montrant une grande
variabilité climatique spatiale et de Lévesque
et al. (2008) qui ont proposé une
méthodologie globale pour la mise en place du
modèle SWAT sur des BV québécois.
Le BVRSC a été divisé en 18 sous-bassins.
Toutes les simulations ont été effectuées au
pas de temps journalier. Les périodes de
calage et de validation comprennent chacune
une année de chauffe (1985 et 1995) et
s’étendent respectivement de 1986 à 1995 et
de 1996 à 2005. Pour augmenter le réalisme
de la pluviométrie sur le BVRSC, une
variation de cette dernière avec l’altitude, de
+3,5 mm/km/jour pluvieux a été prise en
compte (Lemonds et McCray, 2007).
Autant que possible, il a été choisi de fixer
dans SWAT la valeur de certains paramètres à
l’aide de leur signification physique ou
d’information présente dans la littérature, afin
de respecter le plus possible le réalisme
physique du bassin. Par exemple, les
paramètres liés aux lacs et aux zones humides,
telles que leurs surfaces et volumes, ont été
pour la plupart fixés à partir des informations
présentes dans le portrait du bassin versant de
la rivière Saint-Charles, effectué par le
Conseil du bassin de la rivière Saint-Charles
(2007). D’autres paramètres, comme ceux liés
à la végétation, ont quand à eux été fixés à
l’aide de la pertinence de leur signification
physique.
Les autres paramètres ont d’abord été ajustés
manuellement en optimisant les différents
critères de performance (voir figure 2), ce qui
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
a permis de restreindre la gamme de
variation des paramètres qui ont ensuite
été calés automatiquement, et de fixer
ceux non automatiquement calables et
dont un ordre de grandeur réaliste était
inconnu. Les valeurs finalement retenues
ont été obtenues à l’issue de 7 calages
automatiques (van Griensven et
Meixner, 2007; Green et van Griensven,
2008) et environ 150 calages manuels –
une alternance de calages automatiques
et manuels augmente en effet les chances
de converger vers des valeurs optimales
et réalistes pour les paramètres du
modèle.
3.2 Mise en œuvre des autres
modèles
La mise en œuvre du modèle GR4J
demande l’optimisation de ses quatre
paramètres (Perrin et al., 2003). Dans
notre cas, l’algorithme d’optimisation
utilisé est celui du solveur du logiciel
EXCEL 2007 et la fonction objectif est
le critère de Nash. Cette fonction
objectif a également été utilisée pour le
calage automatique des paramètres des
deux autres modèles. Les précipitations
fournies ont été obtenues en ajoutant à
des précipitations uniquement liquides,
les hauteurs d’eau issues de la fonte de la
neige calculées par SWAT. Une
pondération à partir de la surface du
BVRSC affectée par SWAT à chacune
des stations d’Environnement Canada a
été employée pour retenir la
pluviométrie uniquement liquide
moyenne. La hauteur de neige fondue
calculée par SWAT pour chaque sousbassin
a été soumise au même type de
pondération (soit en fonction du
pourcentage de la surface totale que
représentait chaque sous-bassin de
SWAT) pour le calcul d’une hauteur
fondue moyenne sur le BVRSC
modélisé. Ces deux types de valeurs ont
73

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 2
Critères d’efficacité ici utilisés
Ils comparent tous le débit observé au débit
simulé, au niveau de la station de jaugeage de la
rivière Saint-Charles, et sur l’intégralité d’une
période donnée. Tous ces critères obéissent à la
même loi : plus ils sont proches de 1, meilleure est
la simulation. S’ils sont négatifs, alors on simule
mieux en prenant la moyenne des débits observés
pour simuler le débit à chaque pas de temps
qu’avec la simulation issue du modèle. La
maximisation du nombre de Nash a servi à caler
automatiquement les paramètres des trois modèles.
Qobs et Qsim sont les valeurs journalières des
chroniques de débit observés et simulés
(respectivement), et ε est la moyenne des débits
observés divisée par 40. Nashln et Nashrc sont des
critères basés davantage sur les très faibles
(étiages) et faibles débits, respectivement, alors
que le critère de Nash “classique” est plus
influencé par les forts débits.
ensuite été sommées pour fournir ce que l’on
appellera des « précipitations totales liquides »
aux modèles GR4J et du RN.
La mise en œuvre des RN utilisés ici suit
exactement Anctil et al. (2009). Dans chaque
cas, 25 RN sont alors entraînés et la
simulation à chaque pas de temps est la valeur
moyenne des 25 simulations ainsi produites
(Wolpert, 1992). Le jeu d’entrées optimal est
établi de manière constructiviste à partir d’une
liste de 40 variables candidates, alors que le
nombre de neurones cachés est initialement
fixé à 5. Finalement, une fois les entrées
74
Nash = 1−
Nash = 1−
∑
∑
∑
∑
( Q − Q )
obs sim
( Qobs − Qobs
)
( Qobs + ε) − ( Qsim
+ ε)
( Q + ε) − ( Q + ε)
⎡⎣ln ln ⎤⎦
( ln obs ln obs )
ln 2
2
2
2
établies, le nombre de nœuds cachés est
optimisé par essai et erreur. Parmi 40
entrées initialement candidates, les 8
variables suivantes ont été retenues : le
débit journalier moyen interannuel de la
rivière Saint-Charles pour le jour actuel,
les « précipitations totales liquides »
pour les 3 jours précédents celui simulé,
les indices de teneur en eau du sol pour
des épaisseurs de 200 et 800 mm, et des
variables caractérisant un indice de
saison. Le nombre de nœuds cachés
finalement retenu après sélection de ces
8 entrées est de 4.
Des détails supplémentaires relatifs à la
mise en œuvre de ces trois modèles dans
le cas de figure de la modélisation
hydrologique du BVRSC sont décrits par
Gaborit et al. (sous presse).
Nash = 1−
∑
∑
( Qobs − Qsim
)
( Qobs − Qobs
)
rc 2
∑ ∑
∑ ∑
Q Q
Bilan = 1−
−
Q Q
sim obs
obs sim
3.3 Performances des modèles
On constate au tableau 3 et à la figure 3
que les résultats des différents modèles
sont globalement satisfaisants. Par
contre, les étiages sont mieux simulés
par GR4J et le RN que par SWAT,
surtout pour la période de validation
(voir les valeurs de Nashln au tableau 3).
En général, les approches utilisant le RN
et GR4J donnent des résultats assez
proches, meilleurs que ceux de
l’approche employant SWAT.
2

Figure 3
Hydrogrammes simulés (en noir) et
observés (en gris) avec les trois différents
modèles, pour la dernière année de la
période de calage (1995).
Calage – BVRSC
1986–1995
Tableau 3
Performances des différents modèles.
Les critères sont décrits à la figure 2.
Plusieurs causes limitent la performance des
trois modèles. Tout d’abord, un manque de
données au niveau de la pluviométrie est l’une
des limitations les plus évidentes qui se
manifeste notamment par des crues non
simulées (figure 3) hors de la période de fonte
de la neige. Idéalement, il faudrait un
pluviomètre par sous-bassin. Ici, on ne dispose
que de deux stations pluviométriques situées à
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
l’extérieur du BVRSC modélisé, ce qui
réduit la confiance dans la série de
précipitations moyennes (GR4J et RN)
et empêche une description réaliste de
l’hétérogénéité spatiale des pluies
Validation – BVRSC
1996–2005
Nash Nashrc Nashln Bilan Nash Nashrc Nashln Bilan
SWAT 0,72 0,73 0,61 0,91 0,66 0,56 0,12 0,86
GR4J 0,78 0,80 0,72 0,95 0,67 0,68 0,62 0,97
RN 0,79 0,79 0,70 0,97 0,67 0,65 0,55 0,98
(SWAT).
En
revanche,
le fait
que
GR4J et
le RN
reposent
tous deux
sur la série de lame d’eau de fonte
simulée par le modèle SWAT confirme
que ce module performe
convenablement.
Une question demeure
toutefois : pourquoi les
approches employant le
modèle global GR4J et le
RN donnent-elles de
meilleurs résultats que celle
utilisant le modèle distribué
SWAT? En principe, la
modélisation plus
respectueuse des processus
hydrologiques des modèles
distribués devrait avantager
SWAT au détriment des
modèles globaux. Mais,
dans cette étude, les lacunes
dans la description spatiale
des entrées du modèle
SWAT viennent fort
probablement limiter son utilité. En
effet, la quasi-absence d’information
spatiale sur les précipitations, l’absence
d’étude pédologique détaillée et de
débits observés à l’exutoire du lac Saint-
Charles ne permettent certainement pas
au modèle SWAT d’exploiter son plein
potentiel. Les résultats tendent à montrer
que ces lacunes avantagent la
75

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
performance des modèles globaux (GR4J et
RN) au détriment du modèle distribué SWAT.
En d’autres mots, la structure plus lourde de
SWAT devient un inconvénient dès que les
données sont disponibles en quantité et en
qualité insuffisantes pour en justifier
l’exploitation.
4. Conclusion
Une gestion plus attentive des volumes et de
la qualité des eaux du bassin versant de la
rivière Saint-Charles nécessite la mise en
place de modèles de simulation permettant
l’évaluation de divers scénarios de
développement ou d’intervention. La
performance du modèle de qualité de l’eau
SWAT a été démontrée à plusieurs reprises
(Gassman et al., 2007), bien que le modèle
parfait n’existe pas. Dans le cadre du bassin
versant de la rivière Saint-Charles, la
simulation des débits par le modèle SWAT est
globalement satisfaisante, mais limitée par les
lacunes dans les données disponibles,
notamment au niveau de l’observation des
précipitations, de la description pédologique
du territoire et de l’archivage des opérations
au barrage Cyrille-Delage. Ces limites ont été
confirmées par les performances supérieures
obtenues avec les approches employant le
modèle hydrologique plus simple GR4J et un
réseau de neurones, ne requérant tous deux
qu’une description grossière du territoire. Or,
ces modèles ne disposent pas des atouts de
SWAT pour la simulation de la qualité des
eaux. Il semble donc incontournable,
considérant l’importance stratégique du bassin
versant de la rivière Saint-Charles pour
l’approvisionnement en eau potable et le
support aux activités récréatives et
touristiques, que l’effort d’observation de ce
territoire soit accru.
76

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Bibliographie
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5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
La recolonisation spontanée dans les bancs d’emprunt de la région du
Parc des Grands-Jardins, Charlevoix
Sandrine Hogue-Hugron
Étudiante à la maîtrise en biologie végétale
Universités Laval
Roxane Andersen, Line Rochefort et Monique Poulin
Présentation de la problématique
L’exploitation des ressources naturelles dans
les régions plus éloignées des grands centres
urbains s’intensifie depuis la dernière
décennie. L’accessibilité aux mines, aux sites
de coupe forestière et aux barrages
hydroélectriques, par exemple, encourage le
développement du réseau routier dans le Nord
du Québec. Un tel développement a des
impacts environnementaux importants dont la
fragmentation des écosystèmes, la perte et la
dégradation d’habitat et la contamination des
sols. L’une des perturbations associées à la
construction de routes est l’emprunt de
matériel dans les dépôts meubles avoisinants
afin de consolider les assises des routes en
construction, les bancs d’emprunt. Ces sites
d’extraction du gravier peuvent représenter
jusqu’à 40% des perturbations associées à la
construction de routes (Johnson 1987).
L’extraction du gravier dans les bancs
d’emprunt entraîne l’exposition des dépôts
fluvio-glaciaires sous-jacents, généralement
caractérisés par un manque de matière
organique, un niveau très bas de nutriments,
une capacité limitée à retenir l’eau et une
température du sol plus élevée (Harper and
Kershaw 1997). Ces conditions, de même que
l’instabilité du sol, sont généralement
défavorables à l’établissement des plantes. De
plus, les niveaux très bas de recolonisation
spontanée dans les bancs d’emprunt peuvent
être expliqués par l’absence d’une banque de
graines. D’ailleurs, certains auteurs allèguent
que le temps nécessaire à la succession
écologique pourrait être de plusieurs centaines
d’années et qu’il serait même impossible
de retourner aux conditions qui
prévalaient avant l’extraction du gravier
sans l’intervention humaine dans
certains cas (Walker and Walker 1991,
Bradshaw 1997). En fait, les
perturbations associées aux bancs
d’emprunt sont si sévères que l’on
considère ces milieux comme étant
soumis aux processus de succession
primaire, où il y a absence de sol, de
rhizomes, de propagules et de banque de
graines (Walker and Walker 1991, Jones
and del Moral 2005).
Quelques essais de restauration ont été
faits dans les bancs d’emprunt ou dans
des milieux similaires. Ces tentatives
n’ont montré qu’un succès partiel. La
technique la plus populaire fut
l’ensemencement par des graminées,
généralement par des espèces non
indigènes. Le but est d’implanter
rapidement un couvert végétal afin de
réduire l’érosion du sol et d’ensuite
favoriser l’établissement d’espèces
indigènes qui remplaceraient
graduellement les communautés
introduites. La plupart de ces essais
résultent en une augmentation
satisfaisante du couvert végétal en
quelques années, mais des études
démontrent que la diversité végétale de
ces sites demeure relativement basse
même 10 ans après les plantations
(Densmore 1992).
79

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
En régions nordiques, il semble que les
plantes vasculaires soient plus affectées que
les bryophytes et les lichens par les contraintes
prévalant dans les bancs d’emprunt. En effet,
la courte saison de croissance réduit l’effort
reproductif (Chambers 1989) et le taux de
croissance des vasculaires (Billings 1992) et le
manque de microsites protégés est peu propice
à l’établissement des plantules (Urbanska
1997). Nous émettons ainsi l’hypothèse que
les bryophytes et les lichens seraient des
candidats intéressants pour la restauration des
bancs d’emprunt puisqu’ils sont adaptés aux
conditions environnementales rigoureuses qui
y règnent. Selon nos observations, les mousses
et les lichens s’y établissent d’ailleurs
spontanément en plus grande abondance.
Objectifs et Hypothèses
1) Identifier les communautés végétales qui
colonisent les bancs d’emprunt suite à
l’abandon.
H1 : La plupart des communautés végétales
qui colonisent les bancs d’emprunt seront
dominées par les bryophytes et les lichens
2) Déterminer quels facteurs
environnementaux favorisent ou inhibent
la présence des communautés végétales
identifiées préalablement.
H2 : La texture du sol et la quantité de
matière organique seront les facteurs les
plus importants régissant le retour de la
végétation.
3) Identifier des espèces qui sont
intéressantes pour la restauration des bancs
d’emprunts
H3 : Les bryophytes et les lichens seront des
espèces plus adaptées pour la restauration
des bancs d’emprunt comme elles sont
moins affectées par les conditions
environnementales rigoureuses qui y sont
caractéristiques.
80
Méthodologie
Région d’étude
Cette étude s’est déroulée dans la région
de Charlevoix sur les routes principales
et secondaires à l’intérieur et à proximité
du Parc des Grands-Jardins et de
territoires avoisinants de la ZEC des
Martres et de la Réserve faunique des
Laurentides. Un total de 117 bancs
d’emprunt a été inventorié lors des étés
2007 et 2008. Environ 50 km de routes
primaires, 79 km de routes forestières
secondaires et 25 km de routes
forestières tertiaires ont été parcourus,
couvrant une superficie d’environ 550
km 2 (voir figure 1). Cette région est
située dans la zone de transition de la
forêt mixte et de la forêt de conifères.
Elle est caractérisée par un climat sec et
froid, avec des températures annuelles
moyennes de 0°C, et avec des
précipitations annuelles de 1000 mm.
Ces conditions favorisent la présence de
pessières à mousses ainsi que de
pessières à lichens qui sont retrouvées à
cet endroit en leur limite la plus
méridionale au Canada. Ainsi, par son
microclimat unique, cette région est
idéale afin de développer, près de la ville
de Québec, des techniques de
restauration pour les bancs d’emprunt
qui pourront être transposables dans les
habitats plus nordiques du Québec et du
Canada.
Tous les bancs d’emprunt sélectionnés
pour cette étude étaient situés à une
altitude minimale de 640 m pour
s’assurer de la constance des conditions
climatiques et des communautés
végétales présentes. De plus, tous les
bancs d’emprunt qui montraient des
signes de perturbations récentes ou de
mesures de réhabilitation subséquentes à
l’abandon ont été ignorés.

Figure 1
Localisation de la région d’étude
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Le territoire du Parc national des Grands Jardins, de la ZEC des Martres et de la Réserve faunique des
Laurentides sont délimités par différentes teintes de vert. Les différents types de routes sont identifiés par
différentes couleurs : routes principales (rouge), route forestière secondaire (jaune) et routes forestières
tertiaires (orange). La localisation de tous les bancs d’emprunt inventoriés lors de l’étude est identifiée
par les punaises. Les punaises bleues représentent les bancs d’emprunt inventoriés en 2007 alors que ceux
en turquoises représentent ceux inventoriés en 2008.
Matériel et méthodes
Un inventaire systématique des différentes
communautés végétales présentes dans chacun
des bancs d’emprunt a été effectué. Un
transect a été tiré perpendiculairement à la
route à tous les 25 mètres en éliminant une
bande limitrophe de 10 m de chaque côté du
banc d’emprunt afin de réduire l’effet de
bordure. Le pourcentage de couvert de chaque
espèce a été évalué visuellement dans des
parcelles de 1 m 2 (1 m X 1 m) qui étaient
placées au centre de chacune des
communautés végétales présentes le long du
transect. Lorsqu’il y avait présence de
végétation de plus de 1 m de hauteur,
l’évaluation du pourcentage de couvert a été
faite dans une parcelle de 4 m 2 (2 m X 2 m)
afin d’adapter l’échelle
d’échantillonnage à la hauteur de la
végétation. Une caractérisation
physique a aussi été effectuée pour
chacune des parcelles et un
échantillon de sol a été prélevé. Des
analyses chimiques (pH et
conductivité) ont été effectuées sur les
sols prélevés.
Analyses statistiques
Pour toutes les analyses statistiques, les
espèces ayant une fréquence ou une
abondance de moins de 5% ont été
ignorées. Tout d'abord, nous avons
identifié les 25 espèces les plus
fréquentes et abondantes. L’abondance
représente le pourcentage de couvert
81

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
moyen que l’espèce couvrait lorsqu’elle était
présente dans un site, alors que la fréquence
est le nombre de sites où l’espèce était
présente. Dans les analyses subséquentes, les
données d’abondances ont été transformées
grâce à la distance d’Hellinger afin que les
mesures de similarité entre deux sites soient
basées sur la double présence d’espèces plutôt
que sur la double absence qui n’a pas de
signification écologique.
Ensuite nous avons utilisé l’analyse de
groupement afin d’identifier les communautés
végétales qui colonisaient le plus
fréquemment les bancs d’emprunt après
l’abandon. Nous avons choisi d’utiliser la
méthode de groupement selon la distance
minimale de Ward le coefficient d’association
D17 (distance d’Hellinger). Nous avons
sélectionné cette méthode, car elle accorde
plus d’importance aux différences entre les
espèces qui sont abondantes lors de
l’évaluation de la similarité d’un site, plutôt
que de donner de l’importance aux différences
entre les espèces rares (Legendre and
Legendre 1998). Finalement, nous avons
effectué une analyse de redondance afin de
déterminer quelles variables
environnementales avaient un effet significatif
sur les communautés végétales que nous
avons préalablement identifiées. Toutes les
analyses statistiques ont été effectuées avec le
logiciel statistique R (R Development Core
Team 2008).
Résultats et Discussion
La figure 2 montre les 25 espèces les plus
abondantes et les plus fréquentes. Les
bryophytes et les lichens sont plus fréquents et
plus abondants que les plantes vasculaires.
Deux espèces sont particulièrement
dominantes : Polytrichum piliferum
(bryophyte), Stereocaulon spp (lichen), par
ailleurs toutes deux sont typiques de la
succession primaire dans toute la région
circumboréale (Vetaas 1994, Jones and del
Moral 2005, Raffl et al. 2006). On peut aussi
82
observer que plusieurs espèces typiques
de la forêt boréale sont présentes dans
les bancs d’emprunt. C’est le cas pour
l’épinette noire (P. mariana), le sapin
baumier (Abies balsamea), le thé du
labrador (Ledum groenlandicum) et les
bleuets (Vaccinium spp.). Si les graines
de certaines espèces de la forêt boréale
réussissent à germer dans les bancs
d’emprunt. Par contre, pour plusieurs
espèces, dont l’épinette noire, le
pourcentage de couvert des plants est
faible et, sur le terrain, on peut observer
des signes qui laissent présager un taux
de survie assez bas probablement à cause
du manque de nutriments, et à une
exposition au soleil et au vent peu
favorable. Enfin, plusieurs espèces
rudérales, plus typiques du sud du
Québec, sont aussi retrouvées
fréquemment dans les bancs d’emprunt.

Figure 2
Les 25 espèces les plus fréquentes et abondantes
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Les barres verticales démontrent la fréquence moyenne de chaque espèce, alors que le point représente son abondance
moyenne.
L’analyse de groupement (voir figure 3) a
permis d’identifier 11 communautés végétales
différentes qui colonisent les bancs d’emprunt.
Une de ces communautés végétales représente
clairement la communauté naturelle composée
principalement de P. mariana et Pleurozium
schreberi. Les dix autres communautés sont
retrouvées exclusivement dans les bancs
d’emprunt. Quatre communautés de ces
communautés sont dominées par des
mousses (P. piliferum, Politrichum
commune, Sphagnum spp. et
Niphotrichum canescens), deux sont
dominées par des lichens crustacés
(Stereocaulon spp. et Dibaeis
83

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
baeomyces) et trois par différents assemblages
de plantes vasculaires.
Figure 3
Analyse de groupement
L’analyse de redondance a permis de
déterminer que les variables qui contribuent le
plus à expliquer la variation observée entre les
sites sont : la conductivité électrique, le pH,
l’altitude et le type de dépôt glaciaire. On peut
observer sur la figure 4 que les sites naturels
forment un groupement qui est clairement
séparé des sites de bancs d’emprunt. Il existe
donc une différence entre les sites naturels et
ceux en bancs d’emprunt au niveau de la
84
composition des communautés végétales
ainsi qu’au niveau des caractéristiques
environnementales. Nous pouvons donc
en déduire que la restauration des bancs
d’emprunt s’avère nécessaire puisque les
L’analyse de groupement a permis l’identification de 11 communautés végétales typiques qui colonisent les
bancs d’emprunt suite à l’abandon.
conditions qui y prévalent sont
différentes de celles du milieu naturel et
ne sont donc pas favorables pour
l’établissement des espèces typiques de
la forêt boréale. Il apparaît que l’altitude
contribue de manière significative à
expliquer la distribution des espèces
dans les bancs d’emprunts caractérises.
En conséquence, il semble essentiel de la
prendre en considération dans le choix

des espèces à utiliser pour la restauration.
Figure 4
L’analyse de redondance
La communauté naturelle (no. 10 sur la figure
4) est caractérisée par un pH plus acide, une
texture dominée par les particules fines ainsi
que par une conductivité électrique plus
élevée. Puisque les deux communautés
végétales dominées par les lichens (no. 5 et 8)
étaient aussi regroupées sur la figure 4, on
peut en déduire qu’elles s’établissent dans des
milieux avec des conditions
environnementales similaires. Les lichens
s’établissent dans des milieux de plus faible
altitude, avec un pH plus proche de la
neutralité, et des dépôts de type fluvioglaciaires.
Les communautés dominées par les
bryophytes (no. 1, 2, 7 et 9) ne sont, quant à
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
elles, pas toutes regroupées sur le
graphique. Néanmoins, on peut observer
une concentration de quatre
communautés végétales dans lesquelles
P. piliferum est abondante (no. 1,2,3 et
6) dans le coin supérieur gauche de la
figure 4. Ces communautés végétales
sont retrouvées en plus haute altitude,
dans des milieux avec un pH plus proche
de la neutralité, et des dépôts de till
glaciaires. La communauté dominée par
N. canescens (no. 9) est quant à elle
retrouvée dans des conditions similaires
à celles où on retrouve les lichens.
Finalement, une communauté retrouvée
en bancs d’emprunt a une composition
Les points sur le graphique représentent les sites et les flèches bleues les variables environnementales. Les
sites faisant partie des différentes communautés végétales sont regroupés par des cercles sur le graphique.
85

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
végétale similaire qui tend à ressembler à la
forêt boréale avoisinante (no. 4). Cette
communauté possède des caractéristiques
environnementales similaires à celle de la
communauté naturelle. Ainsi, on peut en
déduire que ces sites sont en bonne voie de
revégétalisation et qu’ils évolueront vers la
communauté naturelle sans intervention
humaine.
Conclusion
Cette étude a permis de démontrer que les
bancs d’emprunt abandonnés présentaient
plusieurs contraintes pour l’établissement des
plantes et que leur restauration semble souvent
nécessaire avec de revégétaliser le site. Les
bryophytes et les lichens sont des espèces
86
pionnières dans les bancs d’emprunt et
sont dominantes dans les communautés
végétales typiques après l’abandon. Les
espèces de bryophytes et de lichens les
plus fréquentes seraient potentiellement
des espèces intéressantes pour la
restauration des bancs d’emprunt,
comme elles ont le potentiel de s’établir
et survivre dans le milieu et de démarrer
le processus de succession primaire.
Avec une meilleure compréhension des
facteurs contraignant l’établissement de
la végétation dans les bancs d’emprunts,
il sera possible de développer de
techniques de restauration mieux
adaptées à ces milieux subarctiques et
subalpins.
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87

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
88
Les plantes vasculaires sont-elles importantes pour favoriser la
croissance des sphaignes dans un contexte de culture de sphaignes?
Rémy Pouliot
Étudiant au doctorat en biologie végétale
Université Laval
Line Rochefort, Professeur, Département de phytologie, Université Laval
Résumé
Dans le contexte de restauration écologique
des tourbières, la culture des sphaignes a été
suggérée comme solution de rechange lorsque
les sites donneurs de matériel végétal à
proximité des sites à restaurer sont rares ou de
trop faible superficie. Dans cette optique, les
plantes vasculaires, de par leur structure,
pourraient favoriser la croissance des
sphaignes en leur fournissant un support pour
l’élongation. Deux expériences en serre ont
été réalisées pour tester l'effet de différentes
catégories de plantes vasculaires (éricacées,
herbacées, imitation de jeunes troncs) sur la
croissance verticale des sphaignes. Des
mesures de croissance verticale ont été prises
après neuf mois. Étonnement, les plus grandes
croissances verticales surviennent lorsque les
traitements appliqués imitent la structure de
jeunes troncs d’arbres (piquets de bois
verticaux de différents diamètres). La rugosité
des piquets semble fournir des points
d'ancrage pour la croissance des sphaignes et
ce, malgré une structure en 3D plus simple
que les autres structures testées. En
contrepartie, la structure tridimensionnelle des
éricacées ne permet pas toujours une
augmentation de l’élongation verticale.
Finalement, la présence en faible densité de
l’herbacée Eriophorum angustifolium est très
efficace pour favoriser l’élongation des
sphaignes. À la lumière de ces résultats, il
semble que certains aspects des plantes
vasculaires favorisent la croissance des
sphaignes. Par contre, des recherches dans
d’autres sphères d’activité sont nécessaires
pour optimiser la culture de sphaignes.
Introduction
Une tourbière se définit généralement
comme un écosystème où, sur plusieurs
centaines d’années, la production
primaire est plus importante que la
décomposition, permettant ainsi une
accumulation de matière organique riche
en carbone et en formation de tourbe
(Vitt 2006). Environ quatre millions
de km 2 sont couverts par les tourbières
sur la planète et 30 % du carbone total y
est emmagasiné (Joosten et Clark 2002).
Au Canada, les tourbières occupent
17 % de la superficie totale du pays (171
millions de km 2 ; Gorham 1990) et plus
de 90 % des tourbières canadiennes ne
sont pas ou très peu affectées par
l’homme. Les principales perturbations
ayant causé la destruction des tourbières
du pays sont : la construction de
complexes hydroélectriques, le drainage
pour l’agriculture et la foresterie, ainsi
que l’extraction de la tourbe dans une
moindre mesure (Poulin et al. 2004).
Le Canada est le plus grand producteur
de tourbe de sphaignes sur la planète,
approximativement 170 km² des
tourbières au pays sont utilisés pour
l’extraction de la tourbe (Hood et Sopo
1999). L’industrie de la tourbe est
concentrée dans certaines régions du
pays (dans le Bas-St-Laurent au Québec,
la péninsule Acadienne au Nouveau-
Brunswick et au nord d’Edmonton en
Alberta) en dehors des grands centres

urbains ajoutant une activité économique
appréciable pour ces régions. Il reste peu de
tourbières naturelles dans ces régions et celles
restantes s’y retrouvent fragmentées et isolées
les unes des autres (Lachance et Lavoie 2004).
Pour s’assurer d’une gestion durable de cette
ressource, il s’avère important de restaurer les
sites abandonnés par l’industrie de la tourbe,
car les espèces de sphaignes, principales
responsables de l’accumulation de tourbe,
reviennent difficilement dans ces sites (Poulin
et al. 2005).
La restauration écologique peut se définir
comme étant l’ensemble des processus aidant
au recouvrement d’un écosystème qui a été
dégradé, endommagé ou détruit et ce, au
niveau des fonctions et/ou des structures
écologiques (SER 2004). Il est important de
cibler des objectifs de restauration clairs et
réalistes correspondant aux fonctions ou
structures clés pour le système dans le futur
(Hobbs et Harris 2001). Pour la restauration
des tourbières, l’accumulation de la matière
organique sous forme de tourbe est
certainement une des fonctions clés à rétablir.
Pour y arriver, il est important de recréer : 1)
le couvert muscinal de sphaignes ou de
mousses brunes selon le type de tourbe
résiduelle, 2) l’hydrologie et 3) la
productivité, la décomposition et les cycles
biogéochimiques propres aux tourbières non
perturbées (Rochefort 2000; Gorham et
Rochefort 2003). La technique de restauration
par transfert du tapis de mousse de sphaignes
comprend six étapes principales : 1) la
préparation du site à restaurer (niveler le site,
enlever la végétation indésirable, briser la
croûte biologique), 2) la collecte du matériel
servant à la réintroduction, 3) l’introduction de
ce matériel sur le site à restaurer, 4) la
protection de ce matériel avec un couvert de
paille, 5) le blocage des canaux de drainage
afin de rehausser le niveau de la nappe
phréatique et 6) si nécessaire, la fertilisation
du site (Rochefort et al. 2003; Rochefort et
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Lode 2006). Puisque très peu de
tourbières sont encore retrouvées à l’état
naturel dans les zones où la restauration
des tourbières a le plus souvent lieu, et
que les sites restants sont souvent de
faible superficie, la collecte du matériel
de réintroduction peut être une étape
critique et difficile à réaliser. Pour
contrer cela, la culture de sphaignes
pourrait compenser cette lacune. Cette
forme de culture consiste à produire
rapidement une biomasse renouvelable
de fibres de sphaigne dans le but de
contribuer au développement de
nouveaux substrats de culture, de
produire de la mousse florale, de
fabriquer des produits à base de fibres de
sphaigne et de servir de site
d’approvisionnement en diaspores de
sphaigne pour la restauration des
tourbières. Dans cette optique, il est
nécessaire de connaître les facteurs
favorisant la croissance des sphaignes,
l’élément végétal clé dans la restauration
des tourbières.
Puisque les plantes vasculaires sont une
partie intégrante des tourbières, la
présence ou non de celles-ci devient un
facteur important à considérer pour la
culture des sphaignes. En effet, la
structure des plantes vasculaires peut,
sous certaines conditions, faciliter la
croissance des sphaignes (Vitt et al.
1975; Luken et Billings 1986; Malmer et
al. 1994). La façon dont croissent les
plantes vasculaires est cependant très
importante. Par exemple, la structure en
trois dimensions des espèces d’éricacées
(ex. Chamaedaphne calyculata ou
Ledum groenlandicum) favoriserait la
croissance verticale des sphaignes,
tandis que la structure en deux
dimensions des espèces herbacées (ex.
Eriophorum ssp.) ne le permettrait pas
(Malmer et al. 1994). Dans le processus
89

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
d’entourbement des forêts, l’apparition des
éricacées donne un avantage compétitif aux
espèces de sphaigne qui peuvent se servir des
structures des plantes pour croître davantage
(Fenton et Bergeron 2006). Un autre exemple
de facilitation des plantes vasculaires concerne
les touradons d’Eriophorum vaginatum spp.
spissum qui agiraient comme des centres
d’établissement pour les sphaignes en
diminuant les fluctuations de la nappe
phréatique et du niveau du sol (Soro et al.
1999). Il existe cependant une compétition
asymétrique entre les sphaignes et les plantes
vasculaires pour la lumière et les nutriments.
Les espèces de sphaigne ont une capacité
d’échange ionique plus élevée que celle des
plantes vasculaires (Clymo 1963; Craigie et
Maass 1966). La compétition asymétrique
pour les nutriments entraîne souvent
l’exclusion compétitive de plusieurs espèces
de plantes vasculaires (Malmer et al. 2003).
Par exemple, la présence de sphaignes finit
par avoir un impact négatif sur la biomasse
des Eriophorum angustifolium, même si ceuxci
ont favorisé leur établissement (Heijmans et
al. 2002). Les plantes vasculaires ont, quant à
elles, un avantage compétitif pour la lumière
car elles poussent au-dessus des sphaignes. Si
l’environnement change en faveur des
vasculaires (ex. par une augmentation de la
température et par conséquent un abaissement
de la nappe phréatique, Gunnarsson et al.
2004), l’augmentation de l’ombre et de la
litière nuisent à la croissance des sphaignes
(Berendse et al. 2001; Pauli et al. 2002;
Limpens et al. 2003). L’interaction entre les
plantes vasculaires et les sphaignes semblent
donc importante pour optimiser la croissance
verticale des sphaignes.
Deux expériences en serre ont été réalisées
pour tester l'effet de différentes catégories de
plantes vasculaires et structures inertes sur la
croissance verticale et la biomasse des
sphaignes. Les hypothèses de travail pour la
première expérience étaient que : 1) la
90
structure des plantes vasculaires aide à la
croissance verticale des sphaignes, 2)
l’effet des éricacées est plus important
que celui des herbacées et 3) l’effet des
herbacées est plus important que les
structures simulant les petits troncs de
mélèzes ou d’épinettes noires. Pour la
seconde expérience, en plus des
hypothèses 1 et 2 de la l’expérience 1,
nous nous attendions à ce que : 1) les
traitements simulant les troncs d’arbres
entraînent de bonnes élongations
verticales et 2) l’effet de rugosité du bois
soit important (en testant des structures
rugueuses vs des structures lisses).
Méthodologie
Localisation des expériences
Les expériences en serre ont eu lieu dans
les serres de l’Université Laval, (juillet
2007 à avril 2008) et (mai 2008 à mai
2009). La température était maintenue
autour de 20°C le jour et de 15°C la nuit
et les taux d’humidité avoisinaient les
50% pour la première expérience tandis
que les conditions étaient plus chaudes
(25°C) et plus humides (60%
d’humidité) pour la deuxième
expérience.
Description des traitements
Chaque expérience était organisée selon
un design expérimental en blocs
complets aléatoires. La première
expérience comprenait six blocs, chacun
présentant les six traitements suivants :
1) plants de Chamaedaphne calyculata,
2) plants d’Eriophorum vaginatum var.
spissum, 3) plants d’Eriophorum
angustifolium, 4) structure ligneuse des
éricacées, 5) piquets de bois verticaux
(imitation de tronc, ½ pouce de
diamètre) et 6) témoin, c.-à-d. aucune
structure. Les trois premiers traitements
contenaient des plantes vivantes
provenant d’une tourbière naturelle,

alors que les traitements 4 et 5 comprenaient
uniquement la structure des plantes
vasculaires ou une imitation des structures et
étaient biologiquement inertes. La deuxième
expérience comprenait quatre blocs de neuf
traitements. En plus de ceux retrouvés dans la
première expérience, trois nouveaux
traitements ont été appliqués pour tester de
façon plus poussée l’effet des structures
verticales inertes, soit des : 7) piquets de bois
verticaux de 1 pouce de diamètre, 8) piquets
de bois verticaux de pouce de diamètre et 9)
pailles en plastiques de pouce de diamètre.
Tous les traitements ont été appliqués sur un
tapis de sphaignes sans relief. Pour recréer les
tapis de sphaignes en serre, nous avons récolté
les premiers trois centimètres de matériel
végétal dans une tourbière naturelle. Le
matériel végétal a été trié pour enlever les
plantes vasculaires et pour conserver
uniquement les tiges de Sphagnum rubellum.
Le matériel a ensuite été introduit dans des
bacs dans un ratio 1:3. Les bacs avaient été
préalablement remplis de tourbe blonde peu
décomposée.
Description des données et analyses
statistiques
L’élongation verticale des sphaignes a été
mesurée après trois et neuf mois pour les deux
expériences. Nous avons attendu trois mois
avant la première série de mesures pour
permettre l’établissement des sphaignes. Les
mesures ont été prises aux mêmes endroits à
chaque période de mesure à l’aide de repères
ponctuels fixes placés au-dessus du tapis de
sphaignes (cinq fils à 10 graduations, tendus
d’un bord à l’autre de chaque bac). La
différence entre les deux périodes de mesures
correspondait à six mois de croissance. Des
mesures de biomasse ont également été prises
à la fin de la première expérience. Pour ce
faire, la biomasse de sphaignes formée depuis
le début de l’expérience a été récoltée sur
chacune des parcelles, les plantes vasculaires
ont été enlevées et la biomasse a été séchée
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
puis pesée (± 0,1 g). Des tests de PPDS
protégés (plus petite différence
significative ou LSD) ont été utilisés
comme test de comparaisons multiples
des moyennes des traitements pour la
hauteur et la biomasse. Les analyses ont
été faites avec le logiciel SAS (2003).
Résultats
Dans l’expérience 1, les traitements avec
des plants vivants de Chamaedaphne
calyculata et avec des piquets de bois de
½ pouce de diamètre ont entraîné des
élongations verticales significativement
plus élevées que les autres traitements
(des élongations de 2,24 et 2,17 fois plus
grandes que le témoin; Figure 1a). À
l’opposé, les élongations verticales les
plus faibles ont été observées sous les
traitements avec des plants
d’Eriophorum angustifolium et le témoin
(Figure 1a). Pour la biomasse récoltée à
la fin de l’expérience, trois groupes de
traitements sont significativement
différents les uns des autres (témoin,
structure des éricacées et piquets de bois
de ½ pouce de diamètre >
Chamaedaphne calyculata >
Eriophorum angustifolium et
Eriophorum vaginatum; Figure 1b).
Dans ce cas, le meilleur groupe de
traitements a généré une biomasse entre
1,72 et 1,81 fois plus grande que celui
avec les Eriophorum vaginatum
traitement.
91

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 1
A) Élongation verticale (en cm) et B)
biomasse accumulée (g m-2) pour la
première expérience en serre (neuf mois de
croissance).
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m
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T
Environ 100% de la surface de bacs était couverte par les plants
d’Eriophorum. C. calyculata = Chamaedaphne calyculata, E.
angustifolium = Eriophorum angustifolium, E. vaginatum =
d’Eriophorum vaginatum et éricacées = structure des éricacées. n = 6
pour tous les traitements. Les lettres indiquent des différences
significatives (p < 0,05) entre les traitements (tests de PPDS ou LSD).
Pour l’expérience 2, les résultats
sont beaucoup moins concluants.
Cependant, les analyses de
biomasse sont encore en cours. Pour
le moment, la seule conclusion
significative qui peut être faite est
que le traitement avec des plants
d’Eriophorum angustifolium a
causé une élongation verticale des
sphaignes plus importante que le
traitement avec les structures
d’éricacées, les pailles de plastique
et le témoin (une élongation entre
1,30 et 1,38 fois plus grande; Fig.
2). Cependant, quelques tendances
doivent être soulignées : les
traitements avec des piquets de bois
et avec des plants de
Chamaedaphne calyculata ont
encore une fois donné des résultats
plus élevés que les autres
traitements et le traitement avec des
structures lisses (les pailles de
plastique) n’a pas permis une
croissance verticale plus grande
que le témoin. L’élongation
verticale est environ deux fois plus
élevée dans cette expérience
comparativement à la première. Il
est important de souligner que les
quatre bacs avec les piquets de bois de
un pouce de diamètre et trois des quatre
bacs avec les plants d’Eriophorum
vaginatum ont dû être éliminés à cause
de la prolifération de champignons. Ces
deux traitements n’ont donc pas été
utilisés pour les analyses.

Figure 2
Élongation verticale (en cm) pour la
deuxième expérience en serre (neuf mois de
croissance).
) 8
m
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B
Discussion
La présence des éricacées permet d’augmenter
le nombre de structures disponibles pour la
croissance des sphaignes. L’effet est d’autant
plus marqué lorsque les plantes sont vivantes.
En effet, les éricacées vivantes offrent encore
plus de structures pour le support et la
croissance des sphaignes (plus de tiges et les
feuilles) en plus de fournir un microclimat
avec moins d’écarts de température et
d’humidité. La densité des plantes vasculaires
d’Eriophorum n’était pas la même entre les
deux expériences. À densité élevée, la litière
des plantes vasculaires s’accumule et les
plantes créent trop d’ombrage, ce qui nuit à la
croissance des sphaignes (Berendse et al.
2001; Pauli et al. 2002; Limpens et al. 2003).
Les sphaignes vont chercher l’accès à la
lumière en s’étiolant. Les tiges auront une
b
Environ 40-50% de la surface de bacs était couverte par les plants d’Eriophorum.
C. calyculata = Chamaedaphne calyculata, E. angustifolium = Eriophorum
angustifolium, E. vaginatum = d’Eriophorum vaginatum et éricacées = structure
des éricacées. n = 4 pour tous les traitements, sauf le traitement des piquets
verticaux de 1 pouce (n = 0, pas représenté) et le traitement d’Eriophorum
vaginatum (n = 1). Les lettres indiquent des différences significatives (p < 0,05)
entre les traitements (tests de PPDS ou LSD). Le traitement d’Eriophorum
vaginatum n’a pas été considéré dans les analyses.
ab
ab
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
bonne élongation verticale lorsqu’elles
réussissent à pousser, mais le tapis de
sphaignes ne sera pas très dense, comme
le témoignent les faibles biomasses
générées par les traitements
d’Eriophorum.
Cependant, à faible
b
a
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P
b
o
in
é
m
T
densité, les touffes
d’Eriophorum vaginatum
et les tiges cylindriques
d’Eriophorum
angustifolium aident à la
croissance de sphaignes
comme ce fut démontré
ailleurs dans la littérature
(Soro et al. 1999;
Heijmans et al. 2002), en
offrant des points
d’ancrage aux sphaignes
et en les protégeant
contre les fluctuations
de la nappe phréatique
et de la tourbe. C’est
pourquoi les couverts
d’Eriophorum ont été
maintenus à environ 45-
50% de la surface des
bacs pour la deuxième expérience
contrairement à des couverts à près de
100% pour la première expérience.
L’efficacité des piquets de bois verticaux
(diamètre de ¼ ou ½ pouce) pour
favoriser l’élongation verticale est aussi
très étonnante étant donné une structure
en trois dimensions plus simples que les
autres structures testées. La rugosité du
bois est probablement très efficace pour
offrir de bons points de support pour les
sphaignes. Il n’est donc pas surprenant
d’observer des élongations moins
importantes avec les pailles de plastique
de même diamètre, les pailles ayant une
surface lisse. La structure en trois
dimensions des éricacées ne semble
donc pas être plus efficace pour
l’élongation verticale des sphaignes que
93

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
la structure en deux dimensions des herbacées
ou des imitations de troncs d’arbres, ce qui
contredit les idées amenées par Malmer et al.
(1994). Les sphaignes semblent suivre la
forme des structures offerte par les plantes
vasculaires pour leur croissance, ce qui fait
que des structures strictement verticales
comme les piquets de bois ou les tiges
d’Eriophorum angustifolium sont efficaces,
tout comme les structures des éricacées qui
partent dans tous les sens. Lorsque les plantes
vasculaires sont absentes ou que les structures
ne bloquent pas l’accès à la lumière (témoin,
piquets de bois et structure des éricacées), le
tapis de sphaignes se densifie, les tiges
devenant plus abondantes, mais aussi plus
petites. À la lumière des résultats obtenus dans
cette étude, il est légitime de penser que la
présence de jeunes troncs d’arbres peut être
bénéfique pour la sphaigne, tant pour
l’élongation que pour l’accumulation de la
matière organique.
Pour conclure, certains aspects des plantes
vasculaires semblent être importants pour la
croissance verticale des sphaignes. Comme
prévu, les plants d’éricacées créent des
supports très efficaces pour l’élongation des
sphaignes. Cependant, contrairement à ce que
nous pensions au départ, les structures
rappelant les troncs d’arbres (piquets de bois
verticaux) et de certaines espèces d’herbacées
sont également très efficaces (densités
d’environ 100 tiges m -2 ). Dans un contexte de
culture de sphaignes, la présence des plantes
vasculaires pourrait donc permettre une
récolte plus rapide de la fibre de sphaigne.
Cependant, il n’est pas souhaitable d’avoir des
racines ou d’autres parties de plantes
vasculaires dans la fibre de sphaignes utilisée
à des fins horticoles. Dans ce cas, il serait
intéressant d’inclure certaines structures
inertes imitant les plantes vasculaires aux tapis
de sphaignes, comme les piquets de bois
verticaux. Si la présence des plantes
vasculaires n’est pas importante, comme c’est
94
le cas lorsque la culture de sphaigne sert
à produire de la biomasse pour restaurer
un site exploité, la présence des plantes
vasculaires vivantes (jeunes arbres,
éricacées et faible densité d’Eriophorum
angustifolium) serait un atout. En plus de
fournir une banque de fragments ou de
graines de plantes vasculaires pour la
restauration, la croissance verticale des
sphaignes et la densification du tapis
muscinal seraient alors favorisées.
Perspectives économiques et sociales
La restauration des tourbières est une
activité de gestion des paysages de
pointe où les relations entre les différents
pôles scientifiques (écologie,
microbiologie, hydrologie, géologie,
etc.) sont primordiales afin de s’assurer
que la restauration est efficace et que le
système tend à retourner vers les
caractéristiques d’un milieu non perturbé
par l’homme. Le partage des
connaissances entre ces différents
domaines est essentiel pour assurer un
suivi écologique adéquat. La culture de
sphaignes, qui pourrait devenir une
partie intégrante de la restauration des
tourbières en fournissant les diaspores de
sphaignes à réintroduire, impliquent
aussi plusieurs axes de recherche.
Étudier les relations entre les espèces
végétales comme nous l’avons fait dans
cette étude est seulement une petite
partie des connaissances à acquérir pour
optimiser la croissance des sphaignes.
D’autres études sont nécessaires pour
bien cerner tous les aspects de la culture
de sphaignes, allant des études
économiques pour optimiser les coûts
associés à cette culture, aux études en
agriculture pour optimiser les cycles de
production, en passant par d’autres
études écologiques pour encore mieux
comprendre les interactions végétales.
De plus, le transfert de connaissances

entre les scientifiques et les producteurs de
tourbe est une partie indispensable à la
réussite des projets de culture de sphaignes
puisque les résultats seront utiles aux
producteurs pour l’aménagement des sites
après l’extraction de la tourbe. Finalement,
dans la lutte aux changements climatiques,
transmettre l’information à la population
locale est primordial pour la protection et la
restauration des tourbières (puits de carbone).
En comprenant l’importance des tourbières
dans le paysage, une population avisée pourra
être un puissant allié.
Remerciements
Merci à Vanessa Dufresne, Maude
Létourneau, Mylène Marchand-Roy, Caroline
Mercier, Isabel Thibault, Sophie Thibault et
Bibliographie
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Phan Cat Tuong Le pour l’aide sur le
terrain. À Claire Boismenu, Stéphanie
Boudreau, Josée Landry et Monique
Poulin pour les précieux conseils ainsi
qu’à tous les autres membres du Groupe
de recherche en écologie des tourbières
pour le cadre de travail exceptionnel. Le
support financier a été fourni par le
Conseil de recherche en sciences
naturelles et en génies du Canada, le
Ministère des Ressources naturelles et de
l’Énergie du Nouveau-Brunswick,
l’Association canadienne de tourbe de
sphaignes et ses membres, le Fonds
québécois de recherche sur la nature et
les technologies, l’Institut EDS et le
Centre d’études nordiques.
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5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
98
Impacts sur les volumes ligneux de la tordeuse des bourgeons de
l’épinette (Choristoneura fumiferana (Clem.) dans les sapinières
soumises à différents niveaux
Cédric Fournier
Étudiant à la maîtrise en sciences forestières
Université Laval
Éric Bauce, ing.f., Ph.D., Laboratoire d’entomologie forestière, Université Laval
Alain Dupont, ing.f., M.Sc., Service de la foresterie, SOPFIM
Résumé
Depuis plus de 20 ans, l’insecticide microbien
Bacillus thuringiensis est appliqué au Québec
afin de réduire les impacts négatifs de la
tordeuse des bourgeons de l’épinette sur la
ressource ligneuse. Mais, qu’en est-il de sa
rentabilité ? En raison de sa grande superficie
et des coûts d’opérations élevés, le territoire
forestier québécois ne peut être protégé en
totalité en période épidémique. Dans le
contexte forestier actuel et devant l’éventuel
retour d’une épidémie de la tordeuse des
bourgeons de l’épinette, il devient primordial
de savoir où est la limite économique de la
protection par l’application du Bacillus
thuringiensis. Ce questionnement est abordé
dans ce projet de recherche, plus
spécifiquement sur le sapin baumier, l’essence
de prédilection de la tordeuse des bourgeons
de l’épinette.
Introduction
Au Québec, la forêt est un moteur économique
très important. Globalement, le secteur
forestier représente environ 100 000 emplois
directs et plus de 10 milliards en retombées
économiques annuellement (Commission
d’étude sur la gestion de la forêt publique
québécoise 2004). Également, il est à noter
que le développement de 245 municipalités du
Québec s’est amorcé autour de la
transformation du bois (Commission d’étude
sur la gestion de la forêt publique québécoise
2004). Parmi ces municipalités, 153 d’entre
elles ont comme principale activité
manufacturière, la transformation du
bois (Commission d’étude sur la gestion
de la forêt publique québécoise 2004).
De nos jours, nous devons affronter une
crise importante qui oblige la fermeture
de plusieurs usines. Cette crise est
accentuée par une pénurie de la
ressource ligneuse. De plus, certains
phénomènes naturels accentuent ce
manque important. Parmi ceux-ci, on
retrouve les insectes.
Le paysage forestier est influencé par
des infestations de tordeuses des
bourgeons de l’épinette (Choristoneura
fumiferana (Clem.)) (MacLean, 1984).
Cet agent perturbateur naturel a toujours
été présent dans les forêts de l’Amérique
du Nord (Witter et al. 1984). Cet insecte
est reconnu pour consommer
principalement les aiguilles de l’année
courante du sapin baumier (Abies
balsamea (L.) Mill), de l’épinette
blanche (Picea glauca) et à un degré
moindre, de l’épinette rouge (Picea
rubra) ainsi que de l’épinette noire
(Picea mariana) (McLintock, 1955;
Witter et al. 1984). Cependant, lorsque
les populations sont trop élevées, il
arrive que les aiguilles des années
antérieures soient dévorées. Le cycle
évolutif de cet insecte dure un an et il
traverse différents stades tels que : un

stade œuf, six stades larvaires, un stade
chrysalide et un stade papillon (Martineau
1985). C’est à son dernier stade larvaire
(image 1), c’est-à-dire avant de devenir un
papillon, qu’il fait le plus de dommages. À ce
moment, il consomme plus de 80% de toute la
nourriture ingérée lors de son cycle évolutif
complet (Martineau 1985).
Image 1
Tordeuse des bourgeons de l’épinette, stade
6
Source : Delvas, 2008
Au Québec, l’intervalle entre deux épidémies
est d’environ 30 ans (Blais 1981; 1983; Morin
et al. 1992). La dernière, ayant débuté en
1967, s’est terminée en 1992 et les pertes
causées par les attaques répétées de cet insecte
sont de l’ordre de 180 millions de m 3 de bois,
soit l’équivalent de 10 années de récolte
forestière (Boulet 2001). La tordeuse joue un
rôle écologique dans les forêts du Québec en
rajeunissant les peuplements, car elle s’attaque
aux arbres matures, les plus âgés, pour laisser
la place au développement des plus jeunes.
Problématique
L’énergie produite au cours du processus de la
photosynthèse permet à l’arbre de se
développer normalement (Waring and
Schlesinger 1985). La consommation des
aiguilles des sapins et des épinettes a pour
effet de ralentir le développement en largeur et
en hauteur des sujets attaqués et par
conséquent, de réduire les volumes de bois
disponibles dans les peuplements (Reeks et al.
1951; Waring and Schlesinger 1985). Ce
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
stress causé à l’arbre provoque un
rapprochement des cernes annuels,
comme illustré par les flèches dans
l’image 2. Lorsque ces attaques
successives sont répétées sur plusieurs
années, la mortalité des arbres peut
survenir (Belyea, 1952).
Il existe certains prédateurs tels que des
oiseaux, des parasitoïdes et des agents
pathogènes qui contrôlent les
populations de tordeuses des bourgeons
de l’épinette. Dans le cas où le contrôle
n’est plus possible, les méthodes de lutte
directe et indirecte sont de mises (Boulet
et al. 1996). Par lutte indirecte, il est
question de modifications des
caractéristiques des peuplements
susceptibles, et ce, dans le but de les
rendre plus résistants (Boulet et al.
1996). La lutte directe est utilisée
seulement en dernier recourt (Boulet et
al. 1996). Les arrosages aériens de
Bacillus thuriengiensis var kurstaki, un
insecticide biologique, correspondent à
une méthode de lutte directe. Cet
insecticide est composé d’une bactérie
qui, au moment où elle est ingérée par
l’insecte, sécrète un cristal qui affecte
ses parois digestives, ainsi celui-ci arrête
de se nourrir et meurt peu de temps après
par septicémie (van Frankenhuyzen
1995).
99

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Image 2
Réduction en largeur causée par les
attaques de la tordeuse des bourgeons de
l’épinette
Plusieurs raisons peuvent amener les
gestionnaires à protéger les sapins et les
épinettes contre les attaques de la tordeuse des
bourgeons de l’épinette. La coupe forestière,
la préservation des habitats fauniques et les
activités récréatives comme le plein air en sont
quelques exemples. La vocation du territoire
permet au gestionnaire de choisir entre
protéger la croissance des arbres ou de
diminuer la mortalité au sein du peuplement.
Un territoire qui est utilisé comme habitat
faunique n’aura pas la même protection que
celui où il y a de la coupe forestière, étant
donné que l’intérêt économique n’est pas le
même.
100
De plus, les coûts des opérations de
protection doivent également être
considérés lors du choix de la protection
appliquée à un peuplement particulier.
Aussi, est-il envisageable de protéger
la croissance annuelle en période
épidémique d’un point de vue
biologique, opérationnel et financier?
Par sa grande superficie et pour
atteindre un certain équilibre en ces
trois aspects, le Québec ne peut être
protégé en entier lors d’une
épidémie.
Toute cette problématique a permis
de mettre en place un projet de
recherche dans lequel il est question
de vérifier si le fait d’appliquer, de
façon aérienne, un insecticide
biologique, permettra de diminuer le
stress du sapin baumier causé par les
attaques successives faites par la
tordeuse des bourgeons de l’épinette
en période épidémique. À notre
connaissance, au Québec, aucune
étude n’a soulevé la relation
d’efficacité entre les arrosages
aériens et les pertes de croissance
annuelle.
Cette hypothèse de recherche a été
divisée en trois aspects, qui sont :
1) Quantifier l’impact (diminution de la
croissance annuelle) sur le sapin
baumier provoqué par l’épidémie de
tordeuses des bourgeons de l’épinette
de 1994 à 2002.
2) Comparer les diminutions de
croissance annuelle observées dans
les peuplements soumis à différentes
intensités de protection et de
défoliation 1 causées par la tordeuse
des bourgeons de l’épinette.
1 Défoliation : Chute des aiguilles causée par des
insectes, des animaux ou des conditions
climatiques.

3) Évaluer la rentabilité (volume de bois
préservé) des programmes de
pulvérisations aériennes selon différents
régimes de défoliation en regard des
réductions de croissance observées.
Méthodologie 2
Le secteur à l’étude est situé dans la Vallée
des Outaouais. La sélection de ce site repose
sur le fait qu’au moment de la mise en place
de ce projet, en 1994, l’insecte était présent
seulement dans cette région du Québec. La
même année, la SOPFIM (Société de
protection des forêts contre les insectes et
maladies) débuta des suivis intensifs et
l’année suivante, elle entreprit des traitements
aériens de protection (1995). Ces traitements,
appliqués annuellement, se sont poursuivis
jusqu’en 2001 et deux années plus tard, des
échantillons ont été ramassés dans le but
d’évaluer leur efficacité.
Un total de 19 blocs a été utilisé dans ce
projet, divisés en trois catégories. Douze de
ces blocs ont été défoliés par la tordeuse des
bourgeons de l’épinette dans lesquels il y a eu
des applications annuelles de l’insecticide
biologique. Parmi les autres, trois blocs ont été
aussi attaqués par l’insecte, mais aucune
application d’insecticide n’a été faite. Étant
donné l’absence de l’insecte dans les quatre
derniers blocs, ils ont servi de contrôle pour
étudier la croissance sans le stress causé par la
présence de ce défoliateur. Différentes
données ont été ramassées dans le but de
pouvoir être en mesure de caractériser les
peuplements à l’étude et de pouvoir évaluer
l’effet des traitements. Également, plusieurs
sapins ont été abattus pour pouvoir récolter
des rondelles à différents niveaux sur le tronc,
pour voir l’évolution de la croissance des
arbres en présence d’un stress causé par cet
insecte. Au laboratoire, chaque rondelle a été
sablée pour mettre en évidence les cernes
annuels et le logiciel Windendro a permis de
2 Source : Dupont et al. 2003
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
mesurer la distance entre les cernes
(Regent Instruments inc. 2007).
Finalement, avec l’aide d’un autre
logiciel, il a été possible de calculer
l’évolution de la croissance annuelle de
chaque arbre abattu.
Avec les données recueillies sur le
terrain, l’accroissement et la mortalité
ont été évalués ensemble et séparément
dans le but de vérifier la proportion de
chacun dans le volume total perdu à la
fin d’une épidémie de tordeuse des
bourgeons de l’épinette. Finalement,
pour connaître le seuil de rentabilité des
arrosages aériens appliqués lors de cette
épidémie, l’utilisation de la formule
d’actualisation fut nécessaire et le taux
d’intérêt utilisé a été fixé à 4% :
C0=Cn/(1+i) n
où
C0: Coût à l’année 0
Cn: Coût l’année n
i: taux d’intérêt
n: nombre d’années
Étant donné la présence de peuplements
relativement jeunes lors de l’étude (35 à
45 ans), le seuil de rentabilité a été
calculé en considérant que la récolte de
ces peuplements se fera dans 10 ou 20
ans, soit le moment où le sapin baumier
aura atteint sa maturité.
Résultats et discussion
Beaucoup d’études ont évalué les pertes
en volume de bois à la suite du passage
d’une épidémie de tordeuses des
bourgeons de l’épinette. Cependant, très
peu d’études ont mesuré l’influence des
arrosages d’insecticides biologiques sur
les attaques provoquées par cet insecte.
L’application de Btk a un effet sur la
croissance annuelle du sapin baumier
(graphique 1). La courbe possédant le
101

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
centre blanc représente les peuplements qui
ont été attaqués par la tordeuse des bourgeons
de l’épinette dans lesquels il y a eu des
applications annuelles du produit biologique
(catégorie TBEavecBtk). La courbe avec des
pointillés fins représente les peuplements qui
ont été attaqués par l’insecte, mais où il n’y a
pas eu d’application d’insecticide (catégorie
TBEsansBtk). Finalement, les peuplements
représentés par la courbe pleine n’ont eu
aucune attaque causée par l’insecte, donc
aucun stress (catégorie STBE). Un niveau de
référence fixé à 100% représente
l’accroissement annuel moyen avant le début
de l’épidémie. Lorsque les courbes sont audelà
de 100%, nous sommes en présence d’un
gain de croissance et au moment où celles-ci
sont en dessous de 100%, nous sommes en
présence d’une réduction de croissance.
En considérant la période 1994 à 2002, une
différence dans l’évolution de la croissance
entre la courbe avec l’intérieur blanc et celle
en pointillés est visible. Aussi, la croissance
annuelle de la courbe avec l’intérieur blanc est
sensiblement la même que celle de la courbe
pleine. Donc, nous pouvons en conclure que le
fait d’appliquer un insecticide biologique
permet de conserver un patron de croissance
annuelle qui est semblable à celui des
peuplements qui n’ont pas été attaqués par la
tordeuse. Piene and Maclean (1984) ont aussi
observé une réduction des pertes de croissance
annuelle causées par la tordeuse des
bourgeons de l’épinette, sur le sapin baumier,
au Cape Breton, en Nouvelle-Écosse.
À l’échelle des peuplements, pour la catégorie
TBEavecBtk, l’accroissement périodique était
de 46.2 ± 4.1 m 3 /ha (moyenne ± erreur
standard à la moyenne) tandis que celui de la
catégorie TBEsansBtk, 26.2 ± 1.6 m 3 /ha
(moyenne ± erreur standard à la moyenne). À
titre de comparaison, les peuplements qui
n’ont pas subi le stress causé par l’insecte
(catégorie STBE), leur accroissement
102
périodique était de 57.1 ± 6.3 m 3 /ha
(moyenne ± erreur standard à la
moyenne). Donc, avec ces résultats, nous
pouvons affirmer que l’application de
Btk a permis de sauver un accroissement
périodique de 20 m 3 /ha (différence entre
l’accroissement des catégories
TBEavecBtk et TBEsansBtk).
À la fin de l’épidémie, le taux de
mortalité (% de tiges mortes) était plus
de trois fois plus élevé dans la catégorie
TBEsansBtk (29%) comparativement à
celle TBEavecBtk (8%). Ce résultat est
plus faible que le 55% et le 44% de
mortalité trouvé par Beaulieu et Hardy
(1982) et Blais (1981) respectivement.
Ces deux études ont été faites dans la
même région que celle qui s’est terminée
en 2003. Le volume perdu attribuable à
la mortalité pour les catégories
TBEavecBtk et TBEsansBtk était de 0.9
± 0.4 m 3 /ha et 21.4 ± 7.3 m 3 /ha
(moyenne ± erreur standard à la
moyenne) respectivement, donc une
différence d’environ 20 m 3 /ha. En
additionnant les volumes
d’accroissement périodique et de
mortalité, les arrosages aériens ont
permis de sauver plus de 40 m 3 /ha. Par
conséquent, la récolte se fera dans 10
ans, le seuil sera de 10.00 $/m 3 tandis
que, si la récolte se fait dans 20 ans, le
seuil sera de 14.80 $/m 3 . Donc, il est
économiquement rentable de protéger la
croissance annuelle du sapin baumier, en
période épidémique.
La tordeuse des bourgeons de l’épinette
est un insecte défoliateur qui sera
toujours présent dans nos forêts
québécoises. Actuellement, une
recrudescence des populations est
observée dans certaines régions du
Québec. Même s’il n’existe aucun
moyen de lutte assez efficace pour

enrayer complètement les populations, il est
nécessaire de les contrôler pour en réduire les
impacts, en période épidémique. Les
applications d’insecticides biologiques sont un
des moyens mis à notre disposition. Les
résultats de ce projet de maîtrise démontrent
que pour diminuer l’impact de cet insecte,
l’insecticide Bacillus thuriengiensis var
kurstaki est efficace. De futures recherches
semblables devraient être entreprises dans le
but de déterminer l’impact de l’application du
Btk dans d’autres régions et même, sur
d’autres insectes et essences d’arbres.
Graphique 1
Évolution de la croissance annuelle par
arbre des trois catégories de peuplements
durant l’épidémie.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
103

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
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105

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
106
Essais exploratoires d’un procédé de distribution mécanique d’un
prédateur naturel dans la culture de la pomme de terre
Sylvain de Ladurantaye
Étudiant à la maîtrise en génie agroalimentaire
Université Laval
M. Khelifi, Directeur de programme et professeur adjoint, Département de Génie
agroalimentaire
Le doryphore de la pomme de terre (DPT),
Leptinotarsa decemlineata (Say)
(communément appelé : « bibitte à patate »)
(Figure 1), est le principal insecte ravageur de
la culture de pommes de terre en Amérique du
Nord et en Europe (Hare, 1980; Jolivet, 1991;
Radcliffe et al., 1993). Actuellement, la
solution la plus courante de lutte contre le
DPT est la lutte chimique, c’est-à-dire avec
des insecticides chimiques. Toutefois, comme
pour bien d’autres applications, les méthodes
chimiques sont souvent controversées étant
donné les dangers qu’elles représentent pour
l’environnement et la santé humaine. En effet,
ces produits sont trop souvent utilisés de façon
massive et incontrôlée. Les conséquences sont
telles que les risques de les retrouver dans les
aliments, dans l’eau et donc dans le corps
humain sont plus élevés.
Figure 1
Doryphore de la pomme de terre adulte
source : http://leforficule.com/coleopteres/doryphore-2.jpg
L’utilisation de produits chimiques pour
le contrôle des insectes nuisibles s’est
largement répandue à travers le monde.
Les insecticides chimiques sont
habituellement très efficaces contre
plusieurs envahisseurs et sont
généralement faciles et peu coûteux à
produire (Federici, 1999). Aussi, ils sont
facilement accessibles aux producteurs
étant donné les nombreux points de
distribution dans plusieurs pays. De plus,
une large gamme de ces produits
chimiques est offerte, ce qui fait qu’il
existe pratiquement un insecticide pour
chaque ravageur. Tous ces facteurs
expliquent les raisons pour lesquelles les
producteurs privilégient généralement ce
moyen de contrôle; l’économie et le
rendement passent avant tout. Toutefois,
les effets des insecticides chimiques ne
sont que temporaires et souvent, plus
d’une application est nécessaire étant
donné la résistance accrue développée au
fil des années par certains insectes
nuisibles, en particulier le DPT (Weber
et Ferro, 1994; Alyokhin et al., 2008).
De ce fait, les insecticides chimiques
sont actuellement utilisés en grandes
quantités afin de compenser leur
efficacité décroissante, ce qui cause des
problèmes environnementaux et de
santé, en plus d’augmenter les coûts
d’application. Les conséquences sont
évidentes : élimination des prédateurs

naturels étant donné que les insecticides
chimiques ne sont pas sélectifs, perturbation
des écosystèmes, augmentation de la pollution
environnementale et des cours d’eau, etc.
Aussi, l’inquiétude des consommateurs s’est
élevée depuis quelques années et les
concertations environnementales contre ces
produits ont augmenté. Il devient donc de plus
en plus urgent de trouver une alternative de
lutte contre cet insecte nuisible qui soit plus
sécuritaire pour l’environnement et la santé
humaine.
Plusieurs producteurs sont bien conscients de
ce problème et suivent maintenant de plus près
les nouveaux développements sur les pratiques
culturales efficaces, rentables et sans danger
pour l’environnement. Aussi, la demande pour
des produits exempts d’insecticides chimiques
est très forte. Ainsi, bien qu’elle existe depuis
très longtemps, ce n’est que récemment que
l’on considère sérieusement la lutte biologique
comme une solution réaliste à long terme,
étant donné les problèmes encourus avec les
méthodes de lutte chimique.
Comparativement aux insecticides chimiques,
la lutte biologique est totalement inoffensive
pour l’environnement et sans danger pour la
santé humaine. En fait, la lutte biologique fait
appel à des moyens que la nature elle-même
utilise pour s’autorégulariser. En effet, la lutte
biologique fait appel aux bactéries,
champignons, parasitoïdes, micro-organismes
pathogènes, insectes antagonistes (prédateursproie),
etc. qui sont tous des produits naturels.
La seule intervention de l’homme consiste à
les adapter pour lutter contre les ravageurs des
cultures. De plus, le développement d’une
éventuelle résistance des ravageurs face à un
prédateur naturel est moins évident (de
Ladurantaye, 2008) ; le lion finira toujours par
attraper le zèbre! Le recours à un prédateur
naturel comme moyen de contrôle des
ravageurs est une solution étudiée et utilisée
depuis longtemps. Elle a de nombreuses fois
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
prouvé son efficacité à travers le monde
(Hagen et al., 1999).
Dans le cas du doryphore de pomme de
terre, l’utilisation de prédateurs naturels
est une alternative biologique
intéressante à l’utilisation des produits
chimiques. La punaise pentatomide
asopine généraliste (punaise soldat),
Podisus maculiventris (Figure 2), est le
prédateur le mieux adapté pour lutter
contre cet insecte nuisible au Québec. Ce
prédateur est en effet résistant aux rudes
conditions climatiques nord-américaines
et se retrouve déjà dans la nature au
Québec (espèce indigène). De plus, il
s’attaque à tous les stades de
développement du DPT, quoiqu’il
préfère les œufs et les petites larves. À
petite échelle, des essais de lâchers
manuels de Podisus maculiventris ont
prouvé que cette punaise est capable de
contrôler efficacement les populations de
doryphore (Cloutier et Bauduin, 1995).
Toutefois, ce prédateur n’est pas assez
abondant dans la nature pour maintenir
les populations de DPT en deçà du seuil
économique de défoliation des plants de
pommes de terre. L’idée consiste alors à
élever et introduire massivement ce
prédateur dans les champs de pommes
de terre.
Figure 2
Podisus maculiventris (punaise soldat)
adulte
107

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
L’introduction manuelle de Podisus
maculiventris sur de grandes superficies est
irréaliste étant donné qu’elle nécessite
beaucoup de temps et de main-d’œuvre.
Puisque la main-d’œuvre en agriculture est
plutôt rare et coûteuse et que la distribution
manuelle des prédateurs est laborieuse, il est
indispensable de mécaniser les lâchers au
champ, ce qui représente un défi de taille.
C’est alors que rentre en jeux la lutte
biologique mécanisée. Très peu de machines
ont été développées pour distribuer
mécaniquement des insectes prédateurs au
champ et aucune n’est commercialisée. De
plus, il n’existe aucune machine destinée à la
distribution mécanique de la punaise Podisus
maculiventris. C’est donc sur ce projet que
planche, depuis bientôt cinq ans, l’équipe du
Dr Mohamed Khelifi, professeur au
Département des sols et de génie
agroalimentaire de l’Université Laval. Un
distributeur mécanique a été développé et des
essais ont déjà été réalisés avec succès en
laboratoire.
Dans le but d’optimiser le développement de
ce distributeur mécanique pour qu’il soit
utilisé à grande échelle au champ, des essais
manuels de lâcher de Podisus maculiventris, à
l’échelle parcellaire, ont été réalisés dans un
champ de pommes de terre situé à Notre-
Dame-du-Mont-Carmel, en Mauricie. Les
objectifs étaient (1) d’élaborer une méthode de
lâcher au champ, (2) de simuler manuellement
cette méthode de lâcher, tel que le ferait la
machine, (3) de concevoir un contenant de
prédateurs et (4) d’évaluer, sur une base
hebdomadaire, la dispersion des punaises et la
densité de la population de doryphores.
Un champ a été divisé en 12 sections de
dimensions différentes (Figure 3) : quatre
parcelles traitées avec un insecticide chimique
(15 x 20 m), quatre parcelles où les punaises
prédatrices ont été dispersées (15 x 10 m) et
108
quatre parcelles témoins (15 x 5 m) où
les doryphores n'ont pas été contrôlés.
De cette façon, la méthode de lâcher
mécanique pouvait être comparée à la
méthode de répression chimique. La
méthode de lâcher de la machine a été
simulée de façon manuelle, car la
machine n'était pas disponible au
moment des essais et également pour des
raisons de confidentialité (la machine
étant en instance de brevet). Aussi, une
nouvelle forme de contenants a été
conçue et un nouveau matériel de
support des insectes a été évalué pour la
manutention des insectes prédateurs au
champ.
Lors des essais, les punaises ont été
lâchées au stade L2 (deuxième stade sur
cinq), soit le même stade utilisé lors des
essais de lâchers manuels effectués en
1995 par Cloutier et Bauduin. La densité
de la population de doryphores a ensuite
été évaluée sur une base hebdomadaire.
Des plants ont été pris au hasard, puis les
populations furent ramenées en
insectes/ha. Au total, près de 3000
punaises ont été épandues sur une
surface d’environ 0,06 hectare (600 m 2 ),
soit un taux de près de deux punaises par
plants (1600 plants).
Les résultats des essais ont révélé un
faible taux de survie des punaises, ce qui
a entraîné un contrôle insuffisant des
populations de doryphore. Plusieurs
hypothèses pourraient expliquer ces
résultats. Tout d’abord, il est très
plausible que les conditions
météorologiques ont joué en défaveur de
la survie des prédateurs. En effet, les
jours suivant les lâchers, de fortes pluies
peuvent avoir noyé les insectes tombés
au sol lors des lâchers et qui n’ont pas eu
le temps de remonter les plants.

Figure 3
Division en 12 parcelles du champ d’essais
20 m
10 m
5 m
10 m
5 m
20 m
15 m
30 m
Section insecticide 2
I3 (0,03 ha/parcelle) I4
Section punaise 2
P3 (0,015 ha/parcelle) P4
Section témoin 2
T3 T4
Section punaise 1
P1 P2
Section témoin 1
T1 T2
Section insecticide 1
I1 I2
Entrée au champ
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
109

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Aussi, la synchronisation entre le moment des
lâchers et le stade d’envahissement du DPT
était inadéquate. En effet, les lâchers sont
censés se réaliser vers le milieu du mois de
juin, soit au moment où les DPT adultes
viennent tout juste de pondre leurs œufs. À ce
moment, les jeunes insectes prédateurs sont
parfaitement disposés à se nourrir des œufs
qui sont plus faciles à manger que les larves.
Cependant, les lâchers ont été effectués au
début du mois de juillet alors que les œufs
avaient éclos et que le degré d’envahissement
du DPT était déjà critique, c’est-à-dire que les
larves étaient nombreuses et à des stades
avancés de développement. Les jeunes
punaises ont donc peut-être eu de la difficulté
à se nourrir des larves de DPT, celles-ci étant
trop grosses pour la taille des punaises.
D’autre part, les contenants et le matériel de
support des insectes étaient peut-être mal
adaptés pour le transport des insectes au
champ et pour leur dispersion. En effet, le
matériel de support était peut-être trop
grossier, ce qui aurait pu blesser les insectes et
mener à leur mort. Il sera alors nécessaire
d'étudier différentes avenues quant à la forme
et au matériau des prochains contenants ainsi
qu'au matériau de support des insectes dans le
contenant. Aussi, la méthode de lâcher était
peut-être trop brusque, ce qui aurait également
pu causer leur mort. Une autre hypothèse,
mais dans une moindre mesure, serait que les
plants de pommes de terre étaient trop avancés
dans leur stade de croissance et les prédateurs
n’ont pu rejoindre assez rapidement les larves
et les œufs de DPT pour se nourrir. Elles
seraient donc mortes par manque de
nourriture.
Ainsi, peu de punaises ayant survécu ont été
retrouvées sur les plants de pommes de terre
des parcelles punaises et ce, jusqu’à la fin des
essais. Tout de même, plusieurs cas de
prédation ont été observés et ce, même sur les
adultes de doryphore (Figure 4).
110
Figure 4
Larve de Podisus maculiventris en
prédation en ‘‘bungee feeding’’ sur un
DPT adulte.
Somme toute, ces essais nous ont permis
de découvrir de nouveaux aspects qui
n’avaient pas été pris en considération
lors du design de la machine et des
contenants ainsi que sur la méthode
d’épandage. Ces essais préliminaires
auront donc contribué à réduire les
risques d’erreurs avec la machine et
aussi à perfectionner le prototype et les
contenants existants avant les prochains
essais au champ.
Bien que ce distributeur ait spécialement
été développé pour la distribution de la
punaise Podisus maculiventris dans les
champs de pommes de terre, il pourrait
également servir pour lutter contre les
insectes nuisibles dans plusieurs autres
cultures maraîchères et de petits fruits
comme les aubergines, les fraises, etc.
Ainsi, de par son exclusivité, ce

distributeur révolutionnaire est voué à un futur
prometteur!
En conclusion, la lutte chimique a longtemps
fait fureur auprès des producteurs de pommes
de terre pour enrayer les infestations du
doryphore de la pomme de terre. Elle est
encore populaire. Par ailleurs, les moyens de
luttes alternatives sont grandement en
demande actuellement, car le DPT est de plus
en plus résistant aux insecticides chimiques.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
De plus, il y a un besoin pressant de
trouver une méthode alternative de lutte
contre le DPT qui soit respectueuse de
l’environnement et sans danger pour la
santé humaine. La lutte biologique est
très prometteuse et son impact sur
l’environnement et la santé humaine est
très faible, voire même inexistant. La
lutte biologique est vouée à un grand
avenir, surtout en ce qui concerne
l’utilisation de prédateurs naturels.
Bibliographie
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111

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
112
Thème 3
Gestion adaptative de l’eau

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
À qui appartient l’or bleu? La problématique du droit de propriété de
l’eau
Vincent Loiselle
Maître en philosophie
Université Laval
Depuis le début du 20 e siècle, la population
mondiale est passée de 1.6 milliard
d’individus en 1900 à plus de 6.8 milliards au
début du XXI e siècle. En plus de la nécessité
d’abreuver ces milliards de personnes,
l’explosion démographique a nécessité, d’une
part, l’intensification des activités agricoles et,
d’autre part, l’émergence d’énormes parcs
industriels ayant pour mandat de répondre aux
besoins des consommateurs. Les besoins en
eau sont si considérables que plusieurs fleuves
n'atteignent plus la mer durant certaines
périodes de l'année comme c'est le cas,
notamment, du Nil en Égypte, du Gange en
Inde, du fleuve Jaune en Chine et du Colorado
aux États-Unis. Les superficies de plusieurs
étendues d’eau diminuent à vue d’œil. La mer
d'Aral, en Asie centrale, demeure l’exemple le
plus frappant. L’explosion de la demande
combinée à la décroissance des ressources
disponibles ont valu à l’eau le surnom d’« or
bleu ». Rien ne laisse présager que la situation
s’améliorera. On estime également que la
consommation d'eau des populations urbaines
doublera au cours des trente prochaines
années et que la consommation industrielle
quadruplera durant la même période 1 . On
anticipe donc qu’en 2025 2,3 milliards
d’individus devront composer avec de graves
pénuries d’eau. De plus, avec le
réchauffement planétaire, nous prévoyons une
diminution notable des ressources d’eau à
1 Ces données sont accessibles sur le site web du
Programme intergouvernemental de coopération
scientifique de l'UNESCO concernant les ressources en
eau :
http://www.unesco.org/water/ihp/index_fr.shtml.
plusieurs endroits du monde. Dans ce
contexte, plusieurs spécialistes
s’entendent pour affirmer que l’enjeu
mondial du XXIe sera l’eau. Or, cet
enjeu a émergé avec une telle rapidité
que le droit international relatif à l’eau
est encore clarifier et même à fonder. À
qui appartient l’eau? Comme assurer une
saine gestion de cette richesse mondiale?
Afin de répondre à cet enjeu, nous allons
tout d’abord analyser les principes de
base actuels du droit de propriété de
l’eau et leurs apories. Par la suite, nous
étudierons certaines pistes de réflexion
pour théoriser une nouvelle gestion de
l’eau, comme le droit international relatif
à l’eau, l’ingérence politique et l’eau en
tant que patrimoine commun.
Finalement, nous examinerons les défis
impliqués dans l’implantation de la
gestion par bassin versant à
l’international.
En ce début de troisième millénaire, à
l’international, l’eau est considérée
sensiblement sous le même statut que les
autres ressources naturelles, c’est-à-dire,
selon les règles générales du droit de
propriété moderne. Fondamentalement,
la conception moderne du droit de
propriété reste fortement influencée par
John Locke. Selon la pensée du
philosophe, la propriété implique un
ensemble de droits du sujet-possesseur
sur l’objet possédé : droit d’usage, droit
de détruire, droit aux fruits de son
travail, droit d’empêcher les autres de
113

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
s’en servir, etc. Cette conception de la
propriété a inspiré les trois principes dits
« classiques » à la base des premières
théorisations du droit de propriété de l’eau. Le
premier de ces principes se nomme « la
doctrine Harmon », du nom du procureur
général des États-Unis à la fin du XIXe siècle.
La doctrine Harmon s'appuie sur la
souveraineté territoriale, c’est-à-dire, sur le
droit de chaque pays d'utiliser comme bon lui
semble les ressources de son territoire. Un
pays s'appuyant sur une telle mesure n'accorde
aucun droit aux pays en aval, tant au niveau de
la qualité qu’au niveau de la quantité d’eau. À
l’origine, cette doctrine a été prônée par les
États-Unis, lors d'un conflit avec le Mexique
concernant l'utilisation des eaux du Rio
Grande. Les Américains avaient effectué des
travaux qui avaient considérablement réduit le
débit du cours d'eau au Mexique. Le
gouvernement américain soutenait que les
États-Unis étaient en droit d'utiliser ce cours
d'eau à leur guise, d’autant plus que le Rio
Grande avait sa source en sol américain. En
revanche, le Mexique s'opposait aux
Américains en s'appuyant sur un autre
principe, celui de « l'intégrité territoriale
illimitée ». Le Mexique soutenait que les pays
en aval étaient en droit d'exiger le maintien du
débit des cours d'eau tant quantitativement que
qualitativement. Cette doctrine est d'ailleurs
défendue assez agressivement par l'Égypte.
L’Égypte, qui se considère comme légitime
propriétaire du Nil, fait aussi appel au principe
de « la primauté de l'usage antérieur » pour
légitimer ses revendications. Ce troisième
principe consiste à donner priorité à ceux qui
ont été les premiers, historiquement, à utiliser
un cours d'eau, comme c’est
vraisemblablement le cas des Égyptiens qui
utilisaient le Nil dès les débuts de la
colonisation de la Mésopotamie.
Bien que les principes classiques de propriété
de l’eau soient invoqués à l’international, leurs
fondements sont faibles. En effet, il est
114
inadéquat de théoriser le droit de
propriété de l’eau à partir des théories
générales du droit de propriété. Trois
raisons l’expliquent : la fluidité de l’eau,
son importance vitale et le manque
d’objectivité des théories du droit de
propriété. Tout d’abord, le droit de
propriété est basé sur l’exclusivité :
l’objet que nous avons fabriqué ou que
nous avons acheté nous appartient
exclusivement. Or, cet usage restrictif
cadre difficilement avec un bien fluide
utilisé par une communauté de
personnes : le cycle de l’eau implique un
mouvement perpétuel vers d’autres
écosystèmes, vers d’autres pays. En
cautionnant par différents moyens
l’appropriation exclusive de l’eau par les
États riverains, les théories classiques de
propriété de l’eau s’inscrivent contre la
nature même du cycle de l’eau. Par la
suite, l’importance vitale de l’eau nous
oblige à considérer cette richesse
autrement. Selon plusieurs économistes,
au nom de la rareté de la ressource, il est
préférable de considérer l’eau comme un
« bien économique classique »; la loi de
l’offre et de la demande est en mesure
d’optimiser les utilisations faites de la
ressource. Mais, si l’on maintient l’eau
sous le simple statut de ressource
naturelle quelconque, cela « mène
directement à la mise sur pied de bourses
de l’eau, comme il y a des bourses
pétrolières, des bourses minières 2 » et
les usages de l’eau seront hiérarchisés, et
ce, au désavantage des
« consommateurs » les plus pauvres. Il
ne faut pas oublier qu’il n’y a aucun
substitut à l’eau et « cette caractéristique
a son importance puisque dans la théorie
économique classique, l’application des
règles du marché, la loi de l’offre et de la
2 PAQUEROT, Sylvie, Eau douce, la nécessaire
refondation du droit international, Presses de
l’Université du Québec, Québec, 2005, p. 8-9.

demande exige qu’il existe des choix, que le
consommateur puisse exercer des préférences 3
». Finalement, il ne serait pas propice de
fonder la gestion mondiale de l’eau sur la
notion du droit de propriété, car la notion de
propriété, largement issue de la modernité, est
loin d’être universellement partagée. De
nombreuses sociétés non occidentales ont un
rapport totalement différent avec la nature et,
par conséquent, avec l’eau. Certaines n’ont
jamais considéré la terre comme un bien que
l’on peut s’approprier. L’exemple le plus
frappant reste sans nul doute le Gange. Ce
fleuve représente, pour les Indiens, une
divinité. Comment pourrait-on justifier que
quelqu’un s’approprie en vrac les eaux du
fleuve et, du coup, son caractère symbolique ?
Dans un même ordre d’idée, comment
empêcher des fidèles de faire brûler les corps
de leurs morts à bord d’embarcations de
fortune sur le fleuve sous prétexte qu’il s’agit
d’une atteinte à une propriété commune ? En
somme, comme la notion de propriété est une
invention humaine, elle prend autant de
formes qu’il y a de cultures.
Durant le dernier siècle, de nombreuses pistes
de réflexion sont mises de l’avant pour
développer une nouvelle gestion de l’eau à
l’international. Le but de cette transformation
est d’adoucir la rigidité des principes
classiques. Ces réflexions trouvent leur
origine dans une décision de la Cour
permanente de justice internationale de 1929,
qui statue sur l’obligation d’utiliser
équitablement les cours d’eau internationaux.
Comme ce jugement fait strictement référence
à la navigation, il faudra attendre la sentence
du Lac Lenoux de 1957 4 pour que la Cour
internationale reconnaisse le principe de
partage équitable de l’eau, et ce, pour d’autres
domaines que la navigation. À partir de ce
jugement et « à travers plusieurs
3 Ibid, p. 3.
4 Affaire du Lac Lenoux (France/Espagne) 16
novembre 1957, RSA XII.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
jurisprudences, s’est dessiné
progressivement le principe de
l’utilisation équitable 5 ». Adoptée en
1972, la Déclaration de Stockholm,
première conférence internationale sur
l'environnement et le développement,
résume cette nouvelle orientation :
reprise dans de nombreuses conventions
internationales comme la Déclaration de
Rio en 1992, le principe 21 de la
Déclaration de Stockholm confirme le
droit des États d'exploiter les ressources
naturelles sur leur territoire dans la
mesure où cette exploitation ne cause
pas de tort aux pays voisins. Dans le cas
de l'eau, les pays riverains en aval
doivent pouvoir bénéficier d’un
approvisionnement en eau constant en
qualité et en quantité acceptables. Dans
son premier jugement sur l’eau depuis
celui du lac Lenoux en 1957, la Cour
internationale de justice a d’ailleurs
confirmé en 1997, dans une dispute
impliquant la Slovaquie et la Hongrie à
propos du détournement des eaux du
Danube, la validité normative du
principe 21 de la Déclaration de
Stockholm.
Les jugements de la Cour internationale
de justice n’ont malheureusement pas
d’impact sur la gestion de l’eau à
l’international, étant donné qu’aucune
norme contraignante n’est imposée à des
pays en litige, outre l’interdiction
d’utiliser l’eau comme une arme 6 . Pour
l’instant, la gestion de l’eau à
l’international fait appel à la bonne
volonté des pays et aux pressions
internationales, « créant ainsi une
5 PAQUEROT, Sylvie, Eau douce, la nécessaire
refondation du droit international, Presses de
l’Université du Québec, Québec, 2005, p. 29.
6 En regard de plusieurs articles du Règlements
de La Haye, il est interdit d’utiliser l’eau comme
arme (destruction de barrages, contamination de
l’eau potable, assèchement de cours d’eau).
115

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
obligation de comportement plutôt que de
résultat 7 ». Dans ce contexte, les parties ayant
des différends sur l’eau sont laissées à euxmêmes.
Évidemment, les pays en position
privilégiée sont réfractaires à la perte de leurs
privilèges. Comme le principe du « partage
équitable » est un principe flou et que le
politique domine sur le juridique à
l’international, les pays privilégiés tentent
donc de trouver des règlements en leur faveur
et d’affirmer haut et fort que la situation est
équitable. Ainsi, les conventions et le droit
international relatifs à l’eau sont constamment
bafoués sans qu’il y ait réaction de la
communauté internationale. Par exemple, à
cause de sa situation de dépendance
économique et politique face aux États-Unis,
nous voyons mal comment le Mexique
pourrait, à partir des concepts juridiques
internationaux, obliger les États-Unis à
prélever moins d’eau du Colorado. Dans le
même ordre d’idée, même si les Palestiniens
se présentent devant la Cour Internationale de
Justice pour dénoncer l’usage « non
équitable » de l’eau de la part des Israéliens, il
serait surprenant que le jugement ait un effet
quelconque. Il serait même étonnant que cette
cour de justice entende la cause.
Face à l’échec du juridique, des penseurs se
sont tournés vers des solutions
hydropolitiques, notamment l’ingérence
écologique. L’ingérence écologique consiste
en une intervention de la communauté
internationale dans la politique intérieure d’un
État si ce dernier ne pratique pas une gestion
durable de ses ressources en eau. Par exemple,
si un État pollue abondamment ou surutilise
un cours d’eau et porte ainsi atteinte à la vie
d’une communauté en aval, les Nations Unies
pourraient y dépêcher des observateurs neutres
pour rétablir la situation. Selon les tenants du
concept de l’ingérence écologique, il
7 PAQUEROT, Sylvie, Eau douce, la nécessaire
refondation du droit international, Presses de
l’Université du Québec, Québec, 2005, p.52.
116
reviendrait à la communauté
internationale d’assurer la protection du
capital écologique mondial. L’ONU
déploie déjà des casques bleus dans les
pays où les droits de l’homme sont
bafoués, elle pourrait dépêcher des
« casques verts » dans les pays où la
négligence environnementale entraîne de
graves conséquences sur la qualité et la
quantité des ressources d’eau du pays. Il
serait d’ailleurs techniquement plus aisé
de juger si le recours à l’ingérence
internationale est nécessaire, car,
contrairement au cas des droits de
l’homme, il serait possible, par la
fixation d’un seuil de pollution ou
d’utilisation, de mesurer un dépassement
des normes. Ce jeu démocratique pose
cependant plusieurs difficultés. Tout
d’abord, il est difficile de croire que
l’ONU va s’ingérer dans les affaires des
grandes puissances. Même dans le cas
des atteintes aux droits de l’homme,
comme lors d’un génocide, l’ONU
n’intervient pas toujours. Qu’est-il
possible d’espérer pour la gestion de
l’eau? Les Nations Unies ne
fonctionnent déjà pas efficacement;
surcharger l’organisation d’une mission
environnementale paraît insensé.
Popularisée par le groupe de Lisbonne et
son fondateur Riccardo Pettrella, la
notion de l’eau en tant que patrimoine
commun est de plus en plus invoquée.
Or, quels peuvent être les impacts
d’accorder un tel statut à l’eau à
l’échelle mondiale ? Actuellement, bien
que la notion de patrimoine commun soit
reconnue en droit international dans
plusieurs domaines (propriété de la mer,
sites archéologiques et naturels,
patrimoine artistique, protection des
espèces animales et végétales), ce
concept n’est pas défini d’une façon
précise. En ce qui a trait au statut de

l’eau, la notion de patrimoine commun de
l’humanité évoque la protection d’une richesse
commune ainsi que la « juste » utilisation
d’une ressource communément partagée par
tous les êtres vivants. Par contre, dans le cas
du groupe de Lisbonne, cette notion revêt un
sens plus négatif : l’absence de toute
propriété. Le concept de patrimoine commun
de l’eau pose néanmoins plusieurs
interrogations. Par exemple, fort de son
caractère patrimonial, l’eau de surface est au
Québec une « chose commune », c’est-à-dire
une ressource disponible pour tous, mais que
nul ne peut s’accaparer à sa seule jouissance.
Comme l’air, l’eau est reconnue par le Code
civil du Québec comme une chose dont
l’usage doit être régi par les lois d’intérêt
général 8 . Au Québec ce statut pose problème
lorsqu’il est question d’imputabilité. En effet,
comme l’eau appartient à tous et à personne à
la fois, personne ne se sent personnellement
responsable de sa détérioration. La fable The
Tragedy of the Commons de Garret Hardin
explique bien le problème fondamental relatif
aux biens communs. Comme l’accès à ces
biens est libre, tous les utilisent à leur
avantage, mais personne ne s’en sent
responsable une fois qu’ils sont surexploités.
De plus, si nous définissons le patrimoine
commun par la négation de la propriété privée
de l’eau, qu’en est-il des possibilités de
l’exploiter à des fins personnelles? Sommesnous
confinés à utiliser l’eau seulement pour
assouvir nos besoins de base? Bref, dans le
contexte actuel, nous voyons mal en quoi la
déclaration de l’eau comme patrimoine
commun, telle que présentée par Petrella,
pourrait régler des conflits d’usage à
l’international. Par exemple, s’il n’y a pas
assez d’eau pour les industries ou pour les
agriculteurs de deux pays riverains, qui peut
alors s’approprier l’eau et de quelle manière?
Comment aborder le problème de la
raréfaction des ressources d’eau de source
8 Article 980 à 982 dans le Code civil du Québec.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
disponibles dans une approche globale,
en tenant à la fois compte des réalités
politique, sociale, économique et
environnementale actuelles? En d’autres
termes, comment est-il possible de
théoriser l’appropriation de l’eau dans
une optique de développement durable?
Un consensus semble s’établir autour de
la gestion par bassin versant à
l’international. La gouvernance par
bassin versant permet de connaître en
détail toutes les composantes qui
influencent quantitativement et
qualitativement l’ensemble du réseau
hydrologique. Cette gestion déjà
largement adoptée sur le plan national
représente un véritable défi au niveau
international. Tout d’abord, cela
nécessite une mise en commun de
l’expertise de deux ou de plusieurs pays
lorsqu’un bassin versant est partagé.
Idéalement, la collaboration entre les
mêmes pays d’un bassin versant devrait
permettre la définition de cadres
régissant la gestion commune de l’eau
et, éventuellement, l’élaboration d’un
plan d’aménagement qui prévoit
l'établissement de mesures de
surveillance et de prévention. Un tel plan
permettrait de répondre aux
problématiques particulières des bassins
versants comme les sécheresses, les
inondations, la pollution, la
surexploitation, etc. De plus, afin
d’assurer une gestion démocratique des
bassins versants, le processus de
concertation entre les pays du même
bassin versant devrait être le plus
transparent possible et permettre aux
citoyens d’intervenir. Cela aurait donc
des conséquences positives sur les pays
plus instables, car l’assurance d’une
source d’eau permanente et suffisante
s’avère un gage de stabilité tant
économique que politique.
117

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Plusieurs défis devront être relevé pour
favoriser l’implantation de ce type de gestion.
Il est difficile pour plusieurs États d’accepter
qu’ils ne possèdent pas un droit de propriété
exclusif sur les cours en eau qui s’écoulent sur
leur territoire et que l’utilisation de l’eau
implique une collaboration avec les pays
voisins. Lors de la dernière convention
internationale sur l’eau (celle de New York en
1997), les participants ont d’ailleurs été peu
enclins à reconnaître la gestion commune des
ressources. La gestion équitable par bassin
versant doit aussi composer avec les questions
environnementales. Est-ce qu’une utilisation
équitable de l’eau implique de permettre à son
possesseur d’utiliser la ressource à sa guise,
entre autres, en la polluant ? Autrement dit,
l’interdiction de polluer prime-t-elle sur le
partage de l’eau ou le partage équitable de
l’eau sous-entend la possibilité de la polluer à
un certain niveau ? Jusqu’à maintenant, la
convention de New York « aura maintenu une
marge d’incertitude quant à la hiérarchisation
effective entre les deux principes de
l’utilisation équitable et de l’interdiction de
dommages significatifs 9
118
». Encore là,
plusieurs problèmes politiques peuvent
survenir, car devant cette marge d’incertitude,
ce sont les « experts » qui sont invités à régler
les problèmes de nature technique. Chiffres à
l'appui, les experts vont défendre les intérêts
de leur pays respectif en mentionnant, par
exemple, que le partage d’une rivière est
équitable pour le pays en aval ou que le taux
de pollution est acceptable. Dans de tels
conflits, l’argument scientifique demeure
l’argument ultime auquel tous se réfèrent.
Toutefois, nous devons garder à l’esprit que
s’il y a un domaine où les incertitudes
scientifiques règnent, c’est bien celui de
l’environnement. Il y a tant de données et de
paramètres à analyser que les modèles
scientifiques comportent une grande marge
9 PAQUEROT, Sylvie, Eau douce, la nécessaire
refondation du droit international, Presses de
l’Université du Québec, Québec, 2005, p. 66.
d’erreur et permettent diverses
interprétations. En plus de donner libre
cours aux multiples interprétations
scientifiques, le manque de clarté des
conventions internationales sur le seuil
de tolérance du niveau de pollution
permet aux États de fixer eux-mêmes
leurs normes selon leur situation
économique. Ainsi, une situation
économique plus difficile pourrait inciter
les pays à revoir à la baisse les normes
de pollution. Or, le respect des normes
environnementales ne doit pas être
répudié pour autant; les générations
futures n’ont pas à subir les contrecoups
des mauvais choix que nous faisons.
En somme, pour être efficace, la gestion
par bassin versant devrait être encadrée
par des lois internationales
contraignantes. En cas de conflit, le
recours à une tierce partie neutre, à des
fins de médiation, devrait aussi être
possible. Est-ce que l’ONU pourrait
confier ces nouvelles responsabilités à
un organisme déjà existant ? Le Réseau
international des organismes de bassin
(RIOB), un organisme qui œuvre dans la
promotion de la gestion par bassin
versant, pourrait être un choix
judicieux 10 . Avec l’aval de l’ONU, le
RIOB pourrait se voir investir de
nouvelles responsabilités juridiques
quant à l’encadrement des plans
d’aménagements des bassins versants.
Par ailleurs, tout en étant contraignant, le
cadre normatif entourant ce type de
gestion devrait laisser place à une
certaine souplesse, puisque, dans sa mise
en œuvre, la gestion par bassin versant
peut prendre diverses formes selon les
structures politiques et les cultures, elles-
10
Bureau d’audiences publiques en
environnement, L’eau, ressource à protéger, à
partager et à mettre en valeur, Montréal, 2003,
p. 26.

mêmes en constante évolution. Ainsi, le
processus décisionnel entourant la gestion par
bassin versant pourrait être délimité par un
cadre procédural qui assurerait la légitimité
des prises de décision, mais sans imposer de
conclusion 11 . Forts de leur coopération depuis
une centaine d’années, le Canada et les États-
Unis sont un exemple pour la gestion des eaux
frontalières. La commission mixte
internationale est l’une des meilleures
organisations qui traitent des questions
relatives aux ressources d’eau partagées entre
les deux pays. La commission produit des
recommandations afin que soient respectées
les clauses du Traité sur les eaux limitrophes
de 1909. Si la commission est un exemple à
suivre, c’est aussi à cause des termes de
l’accord. Cet accord a été établi à forces
égales et ne désavantage aucun des deux pays.
En prenant soin de l’adapter aux particularités
culturelles et politiques, est-ce que l’esprit du
Traité sur les eaux limitrophes de 1909
pourrait servir de cadre aux ententes sur la
gestion de l’eau à l’international? Le Danube,
avec plus de 18 pays riverains, pourrait
également représenter un exemple à suivre
dans la gestion commune des eaux à
l’international.
Somme toute, la création d’une nouvelle
éthique de l’eau doit immanquablement
s’employer à réformer la sphère politique. Si
la volonté politique n’est pas au rendez-vous,
peu vont se soucier de l’avenir des cours
d’eau. Or, en considérant les risques potentiels
du réchauffement climatique, de la pollution
ou de la surutilisation des cours d’eau, «il est
préférable d’être d’autant plus prudent qu’on
ignore avec exactitude leurs effets [sur les
écosystèmes) tout en sachant que, de toute
façon, ils ne seront pas bons 12 ». C’est
11 Il serait intéressant d’aborder un tel cadre à partir des
conclusions d’Habermas dans son livre De l’Éthique de
la discussion.
12 BACHELET, Michel, L’ingérence écologique,
Frison-Roche, Paris, 1995, p. 25.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
pourquoi un coup de barre est nécessaire
dans la gestion de l’eau comme en
environnement « à tel point que l’on
arrive à dire que le XXI e siècle sera
écologique ou qu’il ne sera pas 13 ».
13 Ibid, p. 16.
119

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Le Delta du Danube et l’Europe de l’environnement
Yoann Combe
Étudiant à la maîtrise en sciences géographiques
Université Laval
Introduction
Le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en
1992 apparait comme la consécration de la
prise en compte des enjeux environnementaux
dans les négociations internationales. Les
Nations-Unies (NU), en signant la Convention
sur la Diversité Biologique (CDB), se sont
engagées à adopter des stratégies visant à
lutter contre le déclin de la biodiversité. Or
aujourd’hui, même si de nombreux progrès
ont été réalisés dans le domaine de la
protection de l’environnement au sens large
(institutionnalisation des questions
environnementales, conventions
internationales, écopolitique, etc.), la
biodiversité demeure un des enjeux les moins
évoqués, notamment à travers les médias qui
préfèrent exploiter le caractère plus
catastrophique que représente la menace des
changements climatiques.
Les chefs d’États et de gouvernements des
pays de l’Union européenne (UE) ont abordé
cette problématique lors du Sommet européen
de Göteborg en 2001. À cette occasion, ils ont
donné comme objectif à l’UE d’« enrayer la
perte en biodiversité d’ici à 2010 1 », et la
Commission européenne a adopté une
nouvelle stratégie pour atteindre cet objectif 2 .
Cependant, la communauté européenne est
confrontée à de nombreux autres défis liés
notamment à l’intégration des nouveaux États
membres. Dans un tel contexte, comment
1 Conclusions de la présidence du Conseil européen de
Göteborg, 15 et 16 juin 2001.
2 Sixième programme d’action communautaire pour
l’environnement, 22 juillet 2002.
l’UE parvient-elle à faire coïncider ses
objectifs ambitieux en matière
d’environnement tout en favorisant la
croissance économique et l’amélioration
du niveau de vie? Le concept de
développement durable propose une
réponse à cette équation, car il favorise
une croissance économique socialement
acceptable et écologique durable. Malgré
cela, nous pouvons nous interroger sur la
pertinence d’un tel discours alors que
certains pays membres tels la Roumanie
sont en transition vers le modèle
européen. La société roumaine est en
pleine transformation depuis la
révolution de 1989 : les valeurs morales
évoluent, la démocratie est jeune, les
besoins du pays en infrastructures sont
très importants... Ainsi, quelle
importance peut-on alors accorder aux
préoccupations environnementales dans
un tel contexte? La prise en compte de la
biodiversité par les politiques publiques
est somme toute très récente, il s’agira
ici de revenir sur ce sujet au niveau
européen, mais surtout dans le contexte
très particulier d’un pays médian entre
« pays en développement » et « pays
industrialisés », aujourd’hui
politiquement intégré dans l’espace
européen. L’étude du cas plus singulier
du delta du Danube nous permettra
également d’évaluer plus concrètement
si la mise en pratique de la politique
environnementale de l’UE en faveur de
la biodiversité est réalisable dans ce
contexte particulier et s’il participe au
nécessaire développement de ce pays

européen, aux potentialités très importantes
mais encore largement méconnues.
L’intégration de la Roumanie dans l’Union
européenne
Avec l’entrée de dix nouveaux états membres
en 2004, suivie par celle de la Roumanie et de
la Bulgarie en 2007, l’UE rassemble
désormais 27 pays (Figure 1). On note que
l’ensemble du continent européen n’est pas
encore intégré dans l’UE. Cependant, les
élargissements successifs de 2004 et 2007 ont
largement ouvert l’UE à l’est, symbole par
excellence d’une réunification d’un continent
mis à mal par l’affrontement des deux blocs
idéologiques capitaliste et communiste durant
la guerre froide.
Au-delà, la politique dite de « voisinage » de
l’UE permet la signature d’accords de
partenariat ou de coopération avec des pays
qui ne sont pas membres de l’UE. À titre
d’exemple, l’Agence européenne pour
l’environnement (AEE) rassemble 32 pays (27
pays membres, ainsi que l'Islande, le
Liechtenstein, la Norvège, la Suisse et la
Turquie), alors même qu’elle fut créée par un
règlement du Conseil de l’UE en 1990 3 . La
principale mission de l’AEE est de rassembler
des « informations fiables et
indépendantes sur l’environnement » dans
l’optique d’élaborer, de mettre en œuvre et
d’évaluer les politiques environnementales en
Europe.
Ainsi, l’échelle territoriale de l’application
d’une mesure environnementale inscrite dans
la loi européenne (directive ou règlement) est
donc particulièrement vaste. Un cadre
législatif contraint les États membres à
s’engager dans des politiques
environnementales et à prendre les mesures
nécessaires pour remplir leurs obligations. En
3 Règlement (CEE) n° 1210/90 du Conseil, du 7 mai
1990, relatif à la création de l'agence européenne pour
l'environnement
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
outre, la mise en place d’une politique
commune influence les États non
membres, ce qui explique leur
participation à l’AEE. Par conséquent,
l’harmonisation et la coopération dans le
domaine de l’environnement permettent
à l’Europe d’être un leader mondial pour
répondre à des enjeux qui par définition
ne reconnaissent pas de frontières.
Cependant, il faut souligner que des
différences importantes de
développement existent au sein même de
l’UE, ce qui l’oblige à trouver des
solutions pour améliorer sa propre
situation environnementale, en fonction
des intérêts et des possibilités de chaque
État membre. Désormais, la politique
régionale de cohésion de l’UE vise à
harmoniser économiquement, mais aussi
socialement les pays européens, tout en
respectant l’environnement. Cette
démarche s’inscrit dans la stratégie de
développement durable adoptée pas le
Conseil européen en juin 2006, et
influence de manière intégrée les
décisions des institutions européennes 4 .
L’intégration des nouveaux États
membres, dont la Roumanie, est
également conduite dans le cadre de
cette stratégie de développement
durable; le chapitre « environnement »
du processus d’adhésion ayant revêtu
une importance toute particulière pour
les autorités européennes.
La Roumanie fait partie des pays
d’Europe centrale et orientale (PECO)
qui se sont résolument tournés vers
l’Europe de l’Ouest à la chute des
différents régimes communistes à partir
de 1989. Dès 1993, la Roumanie a signé
un traité d’association avec l’UE pour
préparer son adhésion, dont la demande
4 http://ec.europa.eu/sustainable/welcome/index_f
r.htm
121

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
est officiellement posée en 1995. Il s’agissait
alors pour les autorités roumaines de préparer
leur pays à atteindre progressivement les
critères définis lors du Conseil européen de
Copenhague en 1993, renforcés par le Conseil
européen de Madrid en 1995. Ils reposent sur
trois fondamentaux (politique, économique et
justice) et insistent principalement sur le
respect des droits de l’Homme, de l’État de
droit, de l’économie de marché, de la libre
concurrence et de l’acquis communautaire
(soit le respect des obligations législatives
européennes).
En 2000, le Conseil européen d’Helsinki
approuve la demande roumaine, et le
processus d’intégration de l’acquis
communautaire dans le droit national
s’accélère. L’environnement est un chapitre
important de ce processus, car les
compétences de l’UE dans ce domaine sont
larges. En ce qui concerne la Roumanie, la
première loi conséquente en matière
d’environnement date de 1995 5 , elle a été
révisée ultérieurement en 2002 et en 2005.
Cependant, la plupart des textes législatifs
concernant la protection de l’environnement,
des habitats naturels et des espèces sauvages
ont bien souvent été transposés dans
l’urgence. Cette procédure permet l’adoption
de textes législatifs sans débat parlementaire.
Elle est souvent utilisée par le gouvernement
roumain afin respecter les calendriers de
transposition des directives fixés par la
commission européenne 6 . Certes, la Roumanie
étant un État de droit, sans quoi son adhésion
aurait été refusée, les décisions prises dans
l’urgence sont toujours approuvées après la
promulgation du texte par le Parlement 7 .
5 Loi nr.137 du 29 décembre 1995 dite Loi sur la
Protection de l’environnement.
6 Ordonnance d’urgence du Gouvernement nr 236/2000
concernant le régime des aires naturelles protégées,
pour la conservation des habitats naturels, de la flore et
de la faune sauvages.
7 Loi nr 462 du 18 juillet 2001 approuvant l’ordonnance
d’urgence précédemment citée.
122
Malgré cela, le manque de débat initial
se montre contre-productif et la plupart
des textes de loi ne reprennent pas
toujours correctement les obligations
légales des directives européennes. De
plus, ce cadre législatif s’avère très
difficile à mettre en œuvre sur le terrain.
C’est ainsi que la dernière loi en date 8
qui visait à accorder un régime aux
futures aires protégées classées au titre
de la directive « Habitats » fut l’objet de
nombreuses controverses, tant sur le plan
national (Parlement, société civile) que
sur le plan européen (Commission
européenne). Par ailleurs, on peut
souligner que cette ordonnance a été
prise au lendemain d’un dernier
avertissement de la Commission
européenne le 18 septembre 2008 avant
une possible poursuite à la Cour de
Justice des Communautés européennes
de Luxembourg. Ainsi, d’un point de
vue légal, l’intégration de l’acquis
communautaire en matière de protection
de l’environnement est un défi
permanent pour la Roumanie.
Le patrimoine naturel exceptionnel du
pays invite cependant les autorités
roumaines et européennes à prendre des
mesures. La protection de
l’environnement est devenue un enjeu
majeur à la fois pour le pays mais aussi à
l’échelle européenne. En effet, on évalue
notamment l’efficacité de la politique
environnementale en se référant à des
unités géographiques spécifiques, les
régions biogéographiques. Or la
Roumanie abrite cinq des ces régions, ce
qui en fait le pays le plus diversifié en
8 Ordonnance Nr. 1964 du ministère de
l’Environnement et du Développement Durable
du 13 décembre 2007 concernant l’institution
d’un régime d’aires naturelles protégées pour les
sites d’importance communautaire, parties
intégrantes du réseau écologique européen
Natura 2000 en Roumanie.

termes d’habitats naturels. De plus, l’UE
appuie principalement sa politique en faveur
de la biodiversité sur la constitution d’un
réseau européen d’aires protégées, le réseau
Natura 2000, qui a pour mission de conserver
les habitats les plus sensibles, afin de protéger
les espèces animales et végétales menacées
qui s’y trouvent. Le réseau Natura 2000 est
évalué sur deux points principaux : la surface
totale occupée par les sites Natura 2000
(objectif de 15 % du territoire de l’UE) et de
sa représentativité (15 % de chaque région
biogéographique). L’inventaire des futurs sites
de ce réseau en Roumanie est donc une
priorité.
Le delta du Danube constitue un enjeu
environnemental majeur à lui seul pour la
Roumanie et plus largement pour l’UE.
Deuxième plus grand delta européen après
celui de la Volga, c’est un joyau patrimonial
reconnu par la communauté internationale. La
gestion de ses écosystèmes fragiles et
remarquables est au cœur de nombreuses
préoccupations, tant nationales
qu’européennes, voire même internationales.
Dès la chute du régime communiste au
lendemain de la sanglante révolution roumaine
de décembre 1989, la communauté
internationale s’est ainsi mobilisée pour
sauver le delta, menacé par les ambitions
démesurées de l’ancien dictateur Ceausescu,
qui voulait le transformer en vaste polder
agricole. Ainsi, dès 1990, le delta fut classé
Réserve de Biosphère et inscrit sur la liste du
patrimoine mondial de l’Humanité. Il est
également protégé au titre de la Convention de
Ramsar comme zone humide d’importance
internationale depuis septembre 1991. En
1993, la Réserve de Biosphère du delta du
Danube est officiellement créée 9 , dotée d’une
administration propre (ARBDD pour
9 Loi nr. 82 du 20 novembre 1993 instituant la Réserve
de Biosphère du Delta du Danube, modifiée et
complétée par la loi 454/2001 approuvant l’ordonnance
d’urgence du gouvernement nr. 112/2000.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Administration de la Réserve de
Biosphère du Delta du Danube). Pour
soutenir la mise en place de cette
institution, la Banque européenne de
reconstruction et de développement
(BERD) lui a accordé un financement,
marquant ainsi symboliquement l’intérêt
de l’Europe pour la sauvegarde de ce
territoire d’exception.
Comment la législation européenne en
matière de protection de la
biodiversité s’applique dans le delta
du Danube ?
Dans cet article, l’accent est mis sur
l’aspect pratique de la mise en œuvre
d’une politique, dans notre cas la
législation européenne en matière de
protection de la biodiversité, et ce dans
le cadre d’un pays en voie de transition
vers le modèle européen occidental, la
Roumanie. Au-delà de l’objet politique,
géopolitique et administratif, il s’agira
d’inscrire notre étude dans une approche
géographique, car elle nous permet
d’avoir un regard sur toutes les
composantes qui interagissent sur le
territoire précis que constitue le delta du
Danube, notre objet d’étude. Cette
approche est justifiée par le fait qu’il
s’agit avant tout de réaliser une étude
dite environnementale, il est donc
important de souligner l’importance
écologique du territoire tout en
considérant les usages humains présents,
qui sont au cœur de l’identité du
territoire. Le géographe a également une
faculté particulière pour appréhender les
problématiques avec des échelles
variables. Dans notre cas, une des
particularités de l’étude réside dans le
fait que plusieurs échelons décisionnels
s’emboitent les uns dans les autres, de
l’échelon local à l’échelon européen.
123

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Pour répondre à cet objectif, nous vous
présentons une synthèse des résultats qui
seront présentés de manière plus exhaustive
dans un mémoire de maitrise où l’on cherche à
évaluer si la mise en place des différents
programmes de l’Union européenne - élaborés
par les services de la Direction générale de
l’environnement à Bruxelles et destinés à
lutter contre la perte de biodiversité - est
efficace pour répondre aux enjeux
environnementaux du delta du Danube. Dans
notre cas, il est plus approprié de se pencher
principalement sur les questions politiques, de
gestion et de gouvernance du territoire, pour
respecter le thème du colloque plutôt que de
développer tous les objectifs spécifiques de
notre travail de recherche.
Au regard du contexte politique particulier de
la Roumanie et de l’importance de son
patrimoine naturel, il parait indispensable dans
un premier temps de revenir sur la définition
des enjeux environnementaux propre au delta
du Danube, notre territoire spécifique d’étude.
En effet, la mise en œuvre d’une politique
répond toujours à un contexte particulier qui
influence initialement son élaboration (cycle
des politiques). Par conséquent, il s’agira de
revenir sur la formation géomorphologique du
delta afin de comprendre quelle est la richesse
de ses écosystèmes. En outre, il faudra
s’interroger sur la nature des menaces qui
pèsent sur ce territoire d’exception. Quels sont
ensuite les jeux d’acteurs qui influencent la
mise en œuvre de la politique européenne de
protection de la biodiversité dans le delta? On
distingue deux types de groupes d’acteurs, les
institutionnels et ceux issus de la société
civile. Il faudra donc les identifier et connaitre
leur rôle. Enfin, nous sommes invités à
discuter de cette mise en œuvre : peut-on
parler d’une réussite ou d’un échec? La
Roumanie sera-t-elle à la hauteur pour
répondre à ses devoirs de nouvel état membre
de l’UE? À l’issue de cette discussion,
certaines recommandations pourront être
124
émises afin de donner une réponse viable
et concrète aux problèmes posés par la
préservation du delta du Danube, et plus
largement sur la protection de
l’environnement en Roumanie et dans
l’UE.
Le développement de cette
problématique s’appuie sur des données
diverses. Une revue de littérature
composée d’ouvrages disponibles dans
diverses bibliothèques, ainsi que les
documents qui nous ont été remis par le
centre de documentation de la Direction
générale de l’environnement de la
Commission européenne de Bruxelles,
nous a permis d’être informés sur le
contexte général de notre étude. En ce
qui concerne la situation sur le terrain,
un séjour en Roumanie à l’été 2008 a été
l’occasion de mener des entretiens semidirigés
avec les principaux acteurs
concernés par la protection du delta.
Enfin, notre immersion durant plus de
deux mois en Roumanie, non seulement
dans notre territoire d’étude mais
également ailleurs au pays, fut une
occasion particulièrement intéressante
pour comprendre la société roumaine et
ses attentes. Ce séjour fut également
l’occasion de compléter notre recherche
d’un point de vue documentaire, et de
développer un réseau de contacts.
Le delta du Danube : formation et
spécificités écologiques.
Le delta du Danube occupe actuellement
environ 3 500 km² de terres émergées
(soit sept fois la superficie de l’île de
Montréal) si on exclut le complexe
lagunaire Razim-Sinoe. Les limites de la
Réserve de Biosphère l’ont cependant
inclus, formant un territoire de 5 800
km² (soit près de deux fois et demie la
superficie du Grand-Duché de
Luxembourg). Au-delà de son

importance territoriale, il se caractérise
également par une morphogénèse complexe, à
l’origine du delta d’aujourd’hui (figure 2). De
nombreux auteurs se sont penchés sur la
formation de ce delta exceptionnel, qui
rassemble dans un seul système plusieurs
processus et formes deltaïques différents
(Bratescu, 1914, 1942 ; Lepsi, 1942 ;
Pfannenstiel, 1950 ; Zenkowich, 1956 ;
Petrescu, 1957 ; Cotet, 1960 ; Bleahu, 1963 ;
Liteanu et Picajan, 1961, 1963 ; Almazov et.
al., 1963 ; Banu, 1965 ; Gâstescu and Driga,
1983, 1984, 1985 ; Panin, 1974, 1983, 1989 ;
Gâstescu, 1966, 1985, 1993 ; Bondar, 1963,
1983, 1993, 1999 ; Romanescu, 1995, 1996,
2003, 2005).
Le Danube, dans sa course vers l’Est, se voit
contraint de remonter vers le Nord pour
rejoindre la Mer Noire car son cours est barré
par le massif ancien de la Dobrogea. Le fleuve
s’épanche alors dans une large plaine, formant
un complexe pseudodeltaïque à l’intérieur des
terres, l’île de Brăila. À hauteur de la ville de
Galaţi, le fleuve reprend une direction ouestest,
et se dirige vers la Mer Noire en formant
un large delta, composé de trois bras
principaux : Chilia, Sulina et Saint Georges
(Sfîntul Gheorghe).
La formation des deltas repose sur le principe
général de l’opposition des forces fluviale et
marine à l’embouchure d’un fleuve (Paskoff,
1985). Une classification morphologique a été
dressée et distingue quatre grands types de
deltas : digité, lobé, arqué et triangulaire.
Selon Paskoff, le delta du Danube est un delta
lobé, caractérisé par une efficacité des actions
marines qui arrondissent les points saillants,
formés par des dépôts terrigènes mis en
mouvement pas les forces marines, dont la
puissance est variable. En effet, la mer Noire
étant une mer fermée, l’effet des marées est
quasi nul (7-11 cm dans le Nord-Est), mais
celui des vagues n’est pas à négliger. En effet,
selon les conditions de vents et la vitesse des
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
courants marins, certaines vagues
peuvent atteindre 7 m de hauteur, et les
vagues de 2,5 m à 4 m sont courantes
(Beale et Gâştescu, 1995).
Ainsi, la formation du delta du Danube
se trouve favorisée par un large plateau
continental, une charge sédimentaire
alluviale très importante, la faiblesse des
marées, la présence de courants marins
qui s’ajoute à la force des vagues pour
modeler le trait de côte et la
morphologie de la marge deltaïque par la
même occasion (Beale et Gâştescu,
1995).
Actuellement, le Danube rejoint la Mer
Noire en empruntant trois bras
principaux, formant trois « sous-deltas »
distincts. Au cours de son histoire
morphologique, il a emprunté d’autres
voies, modifiant en permanence le
paysage de formation la plus récente de
Roumanie. Le cours des anciens bras a
donc façonné le delta en modifiant les
équilibres sédimentaires, notamment à
cause des différences de débit.
Le sous-delta de Chilia, qui bénéficie
actuellement de près de 58% de la
décharge totale du Danube, est
particulièrement actif. À cet endroit, les
forces fluviales sont plus importantes
qu’aux embouchures du bras de Saint
Georges et du bras de Sulina, qui
reçoivent respectivement 22% et 20% de
la décharge totale du fleuve, soit 1,5
million de tonnes de sédiments en
suspension par an (source : ARBDD).
Par conséquent, le delta gagne deux
hectares de terres émergées par an à
l’embouchure du bras de Chilia (Beale et
Gâştescu, 1995), constituant une forme
deltaïque particulièrement originale, à
tendance digitée.
125

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
L’évolution du delta du Danube est complexe
et les nombreux auteurs qui l’ont étudié
avancent plusieurs hypothèses pour la
comprendre. Certaines se basent sur des
documents historiques (Stephanescu, 1981),
d’autres s’intéressent plutôt aux changements
récents de la morphologie du delta
(Romanescu, 2003, 2005). En résumé, deux
grandes hypothèses se dégagent (Beale et
Gâştescu, 1995) :
• La première présume qu’une lagune est
apparue suite à la fermeture d’un golfe qui
s’appuyait sur la bordure collinaire nord
dobrogéenne au Sud, et sur la haute plaine
du Bugeac au Nord (Ukraine et Moldavie
actuelle). La fermeture aurait eu lieu grâce
à la formation de bandes de sable, percées
ensuite par les bras du fleuve. Le delta
fluvial se serait alors développé entre ces
bras, par accumulation de sédiments
alluviaux.
• La seconde considère que le delta s’est
formé par l’avance graduelle des levées
alluviales, aussi loin que les courants
marins ont pu le permettre. La prise en
charge des sédiments alluviaux par ces
mêmes courants a donc conduit à
l’apparition de bandes de sables, ce qui
aurait contribué à transformer le golfe en
lagune, puis le delta fluvial se serait formé
par accumulation sédimentaire.
La principale différence entre les deux
hypothèses repose sur la formation de la
lagune. Dans le premier cas, cette lagune
aurait été formée avant le début de la phase
deltaïque, alors que le territoire du delta actuel
était complètement sous les eaux, formant un
large golfe. Des flèches de sable auraient alors
fermé le golfe, puis les processus deltaïques
auraient débuté. Dans le deuxième cas, la
formation du delta aurait d’abord débuté, la
fermeture du golfe étant provoquée plutôt par
la mise en circulation des sédiments alluviaux.
En effet, ils sont alors portés plus au large
grâce aux levées alluviales qui prolongèrent le
cours des bras du fleuve dans le golfe. Les
126
sédiments sont ainsi soumis de manière
plus importante au transport par les
courants marins de la dérive littorale, qui
modèlent alors les flèches de sable. Par
ailleurs, selon les deux théories, la
formation de la plaine deltaïque est
favorisée par la présence de lagune.
Celle-ci protège de l’érosion marine les
sédiments déposés principalement par
défluviation, c'est-à-dire lors des crues
qui font déborder les eaux fortement
chargées en sédiments par-dessus les
levées alluviales, ce qui permet le
comblement des espaces entre les
chenaux. La profondeur des eaux
diminue, et la végétation s’installe, ce
qui favorise le comblement du milieu par
des dépôts organiques.
La complexité des processus
morphologiques a pour conséquence de
créer des biotopes très différents, ce qui
conduit nécessairement à une importante
diversité des habitats, indispensable à la
biodiversité. Le gradient hydrique,
combiné au gradient de salinité,
constituent les deux principaux facteurs
écologiques. L’intégralité du delta,
hormis certains points plus élevés, et qui
correspondent à d’anciennes îles (Sulina,
Letea, Caraorman), est inondable. En
revanche, des aménagements ont permis
de contrôler les inondations sur près
d’un tiers de la surface du delta,
modifiant certains équilibres
hydrologiques (Beale et Gâştescu, 1995).
Ainsi, la hauteur de la nappe phréatique,
et la durée de l’inondation sont les deux
paramètres les plus révélateurs pour
expliquer la biogéographie des espèces
dans le delta.
Par conséquent, on a recensé 23
écosystèmes naturels, 6 agrosystèmes et
les aires urbaines, soit 30 unités
écosystémiques au total (Gâştescu et al.,
1998). On considère également que ces

écosystèmes interagissent tous entre eux, on
peut donc considérer le delta du Danube
formant un biome à lui seul. Deux
écosystèmes méritent d’être mis en évidence.
Il s’agit de la roselière inondée, qui occupe la
plus grande surface naturelle du delta, et de la
roselière flottante, que l’on retrouve
principalement sur le bord des lacs et qui
présente des associations végétales
particulièrement remarquables. Ces deux
écosystèmes forment la plus grande roselière
d’un seul tenant au monde (ARBDD), ce qui a
fortement contribué à la reconnaissance du
caractère exceptionnel du delta du Danube.
Enfin, ces écosystèmes sont l’habitat d’une
faune et d’une flore dont certaines espèces
sont parmi les plus menacées dans le monde,
telles le Pélican frisé, le Cormoran pygmée,
l’Oie naine, etc. (tableau 1).
Ainsi, le patrimoine naturel du delta du
Danube s’avère tout aussi exceptionnel que la
formation de ce territoire est complexe.
Par ailleurs, de multiples menaces planent sur
la préservation des équilibres écologiques
dans le delta. En effet, la pollution des eaux, la
baisse des stocks halieutiques, l’érosion des
plages et des rives, le braconnage, les activités
touristiques, etc. sont autant de problèmes qui
fragilisent les équilibres écologiques. En
outre, la poldérisation et l’aménagement pour
la navigation ont causé des dommages
importants, en détruisant de vastes superficies
d’habitats naturels et en perturbant fortement
les processus hydrologiques.
Quels sont les acteurs qui protègent le
delta?
Face à ces menaces, des programmes de
reconstruction écologique ont par exemple été
initiés pour répondre à l’urgence des
dégradations environnementales les plus
dramatiques. À titre d’exemple, la
renaturalisation de certains polders est
aujourd’hui une pleine réussite (Drost et al.,
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
1996), ce qui contribue à faire prendre
conscience qu’il est possible d’agir pour
assurer de la pérennité de la richesse
naturelle, mais aussi sociale et
économique du delta. En effet, le delta
n’est pas un sanctuaire, et la population
qui y vit doit elle aussi intervenir dans la
prise de décision des organismes chargés
de protéger ce territoire. Dans ces
circonstances, qui a pour mandat de
protéger l’environnement exceptionnel
du delta? Quels sont leurs rôles et leurs
missions?
La principale institution concernée est
l’Administration de la Réserve de
biosphère du Delta du Danube
(ARBDD), dont le siège est à Tulcea.
Elle est dirigée par un gouverneur,
nommé en Conseil des ministres, avec
rang de Secrétaire d’État sous l’autorité
directe du ministre chargé de
l’Environnement. Il dirige trois
directions (management, éducation et
relations internationales, économiques)
et s’appuie sur les avis d’un Conseil
scientifique pour superviser des plans de
management et des plans d’action. Les
objectifs principaux de l’ARBDD pour
la gestion de la réserve de la biosphère
sont les suivants :
• La conservation et la protection du
patrimoine naturel existant.
• La reconstruction écologique des
zones dégradées par l'impact des
activités humaines.
• La promotion de l'utilisation durable
des ressources générées par les
écosystèmes naturels de la réserve.
• Appui pour la gestion, l’éducation, la
formation et les services, sur une
base de recherche scientifique.
Véritable « ministère du delta du
Danube », l’ARBDD représente
l’autorité de l’État, et ne se limite pas à
des considérations environnementales.
127

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Elle délivre les permis d’exploitation des
ressources naturelles; une « Garde 10 des
inspecteurs écologiques » étant chargée de
relever les infractions. Enfin, l’Institut
National de recherches sur le Delta du Danube
rassemble une équipe de scientifiques de
toutes les disciplines qui apportent, par leurs
études, une caution scientifique aux actions de
l’ARBDD.
L’administration de la réserve apparait donc
comme une structure très implantée dans le
territoire. Son autorité dépasse largement celle
accordée généralement à une administration
de parc national par exemple. En effet,
l’administration des aires protégées de
Roumanie est dirigée par l’Agence nationale
pour la protection de l’Environnement
(NAPA), dont le siège est à Bucarest et qui est
directement rattachée au ministère de
l’Environnement.
Par conséquent, la Roumanie a choisi de
mettre en place un système déconcentré mais
non décentralisé, pour mettre en œuvre la
politique environnementale du pays. Ainsi, à
Tulcea, il existe une agence de protection de
l’environnement, mais elle n’est que le relais
de l’agence nationale ou du ministère. Bref,
elle n’a pas d’autonomie, même relative, et
surtout, elle n’a pas de mandat pour intervenir
dans les limites de la réserve de biosphère.
Au-delà de ce constat, il faut souligner que
cette réorganisation de l’administration est
générale et ne concerne pas uniquement la
politique environnementale. Elle fait suite à
deux pressions principales plutôt opposées,
qui ont plus ou moins forcé l’État à se
reformer.
10 À noter que la Roumanie possède une institution dont
le mandat est la surveillance des dommages potentiels
causés à l’environnement : la Garde nationale de
l’Environnement. Il y a un commissariat dans chaque
département, comme à Tulcea justement. Il semblerait
pourtant que les gardes inspecteurs de l’ARBDD et les
gardes nationaux ne travaillent pas ensemble, le
territoire de la réserve étant en dehors des attributions
territoriales de la Garde nationale.
128
La première pression est associée à la
politique régionale de l’UE. En effet, les
institutions européennes favorisent
l’émergence et la consolidation des
institutions régionales dans les États
membres, car elles estiment que cet
échelon est à privilégier pour obtenir les
meilleurs résultats en terme de
développement, et surtout parce que les
inégalités sont parfois criantes entre
régions d’un même État, ce qui est
encore plus vrai dans le cas des PECO.
Ensuite, la tradition très « jacobine »,
c'est-à-dire centralisatrice de l’État en
Roumanie, contraint ce dernier à avancer
à petits pas dans la décentralisation. En
résumé, on essaime des agences partout
dans le pays, mais on garde le contrôle
en permanence, notamment en limitant
l’indépendance financière des
administrations 11 .
Par ailleurs, on note l’émergence
d’associations qui prennent de plus en
plus d’importance, soit en tant que
lobbyiste, soit en tant que porteur de
projets environnementaux. Dans les
deux cas, cela représente un éveil de la
société civile, dans un pays qui n’est pas
vraiment habitué à la participation
citoyenne ou à la prise de position,
encore moins à l’écoute des demandes
individuelles et à l’esprit d’entreprise.
L’UE encourage ce mouvement, elle a
d’ailleurs pris des dispositions légales
pour garantir la participation de la
société civile 12 en ratifiant la Convention
11 Cette conclusion trouve ses sources dans la
série des entretiens qui ont été réalisés dans le
cadre d’un stage de maitrise en Roumanie à l’été
2008, où la plupart des acteurs concernés par la
protection du delta ont été interrogés.
12 Décision du Conseil 2005/370/CE relative à la
conclusion, au nom de la Communauté
européenne, de la convention sur l'accès à
l'information, la participation du public au

d’Aarhus signée en 1998. Directement
confrontées aux réalités du terrain, ces
associations deviennent progressivement
d’excellents relais sociaux pour diffuser
l’éducation environnementale et ainsi
sensibiliser les consciences aux problèmes
environnementaux.
En outre, donner la possibilité à la société
civile de faire directement appel aux
institutions européennes permet de contourner
l’obstacle que représentent parfois les
autorités nationales, soumises aux décisions
parfois en décalage des politiques. La
Roumanie est une jeune démocratie, son
indépendance est récente, cela explique peutêtre
les réticences du gouvernement à intégrer
pleinement cette réalité. Malgré tout, des
associations sont particulièrement actives dans
la protection du delta du Danube.
On peut citer par exemple l’association
« Salvaţi Dunarea şi Delta ! » (Sauvons le
Danube et son delta!), dont le président
fondateur est un journaliste connu en
Roumanie pour ses engagements en faveur de
l’environnement et qui n’hésite pas à profiter
des médias pour interpeller directement les
politiques. En dehors de ces actions de
lobbying, l’association est également porteuse
de projet de développement dans le delta
(projet de diversification des activités
professionnelles des pêcheurs de
Mahmudia 13 ).
Enfin, la société ornithologique de Roumanie
(SOR) est un partenaire de première
importance pour les autorités roumaines,
notamment pour implémenter la directive
« Oiseaux » et plus particulièrement pour la
désignation des sites de protection spéciale.
Malgré le faible nombre d’adhérents (1 500
processus décisionnel et l'accès à la justice en matière
d'environnement
13
http://www.green-report.ro/revista/salvati-deltapentru-reconversie-profesionala
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
environ), la SOR profite de sa
participation à Birdlife international,
consortium mondial des associations de
protection des oiseaux, dont les rapports
sont pris en compte par la Commission
européenne pour savoir si les états
membres ont désigné suffisamment de
sites au titre de la directive « Oiseaux ».
Le rôle des associations parait donc
majeur pour garantir l’efficacité de
l’application de la politique
environnementale du pays. Tout d’abord,
leurs missions de surveillance et d’alerte
sont un complément aux autorités
officielles qui ne disposent pas de
moyens suffisants; à titre d’exemple,
environ cinquante personnes patrouillent
régulièrement dans le delta, ce qui est
très faible au regard de la superficie de la
Réserve. Ces associations peuvent
ensuite saisir la Justice, et grâce à la
jurisprudence, renforcer le droit de
l’Environnement. Enfin, leurs initiatives
concrètes et leurs activités de lobbying
peuvent influencer de nouvelles
politiques plus efficaces dans le sens où
on estime qu’elles seront plus
« connectées » aux réalités de terrain.
La mise en place de programmes
environnementaux européens : de la
consolidation institutionnelle à la
protection de l’environnement
Il existe deux types de programmes
environnementaux cofinancés par l’UE :
les programmes de préadhésion et le
programme LIFE. Ils sont destinés à
apporter un soutien financier à la mise
en œuvre de la politique européenne en
matière d’environnement. Ce soutien est
avant tout un incitatif, mais c’est
également un moyen pour la
Commission européenne d’atteindre ses
objectifs et de légitimer certaines
décisions. Mais comment un État
129

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
membre pourrait alors tarder à mettre en
œuvre une décision européenne si des
financements communautaires sont
disponibles pour le soutenir dans cette
démarche?
En ce qui concerne les programmes de
préadhésion, on note que deux fonds
structurels visent entre autres à soutenir
financièrement des projets environnementaux,
soit le programme PHARE 14 et l’Instrument
Structurel de PréAdhésion (ISPA). Le
premier, dont la dotation pour la Roumanie
atteint 1 milliard 539 millions d’euros pour la
période 2004 à 2006, est destiné à aider les
administrations des pays candidats pour mettre
en œuvre l’acquis communautaire et à aligner
les industries, ainsi que les infrastructures, sur
les normes communautaires. Concernant
l’ISPA, avec une dotation de 1 milliard 26
millions d’euros, il s’agissait de soutenir les
investissements de grande ampleur dans les
infrastructures de transport (autoroutes, voies
ferrées) et d’environnement (assainissement,
adduction, gestion des déchets, mises aux
normes…).
L’Instrument Financier pour l’Environnement
(LIFE) vise à mettre en œuvre, à développer et
à améliorer la politique environnementale
européenne. La Roumanie a pu participer au
programme LIFE III (2000-2006) même si
elle n’était pas encore membre officiel de
l’UE 15 . Au total, ce programme a cofinancé 40
projets en Roumanie, soit 13 par le volet LIFE
Environnement (innovation
environnementale) et 27 par LIFE Nature
(conservation de la nature). Cela représente 16
un investissement total de 21,2 millions
14
PHARE pour « Pologne Hongrie, Aides à la
Restructuration Économique ». Il constitue le principal
instrument financier pour accompagner les PECO vers
leur adhésion à l’UE.
15
Décision du Conseil d’association Communautés
européennes / Roumanie No 1999/106/CE.
16
Commission européenne, Direction générale
Environnement, Unité LIFE.
130
d’euros, dont une contribution
communautaire de 10,77 millions (taux
de cofinancement de 50,8 %).
Actuellement, seuls un projet PHARE 17
et un projet LIFE Natura 18 ont été
engagés pour des actions concernant le
delta du Danube. Le projet soutenu par
le programme PHARE est destiné à
renforcer les capacités de management
de l’ARBDD. Il s’inscrit dans le cadre
de l’aide aux institutions pour soutenir la
mise en œuvre de l’acquis
communautaire. En ce qui concerne le
projet LIFE, il est très important de
souligner la participation de la SOR
comme principal maitre d’œuvre du
projet, avec le soutien de l’ARBDD.
L’association a bénéficié d’un
partenariat avec la Société Royal de
Protection des Oiseaux (RSPB,
Royaume-Uni). Lors d’un entretien, le
responsable du projet nous a confié que
la RSPB leur a apporté une aide
précieuse, notamment lors du dépôt de la
demande à Bruxelles. En effet, les
procédures administratives sont longues
et difficiles. Ce projet permet alors à la
SOR de s’affirmer comme un partenaire
de premier ordre pour la mise en place
de projet soutenu par LIFE. Il est ainsi
fort probable que cette expérience
permettra de favoriser la demande de
financements pour de futurs projets.
Actuellement, le dépôt de projets au titre
du nouveau programme LIFE+ se
poursuit et leur liste devrait être publiée
le 15 mai 2009.
17 CBC RO 2004/016.942.01.01 « Système
intégré pour le monitoring des facteurs de
l'environnement, la biodiversité et les ressources
naturelles de la Réserve de la Biosphère
Transfrontalière Delta Du Danube
Roumanie/Ukraine »
18 LIFE05NAT/RO/000169 « Sauver le Pélican
frisé dans le Delta du Danube »

Enfin, un dernier projet 19 s’inscrit quant à lui
dans le programme TACIS. Il s’agit d’une
initiative transfrontalière qui a permis aux
acteurs des différentes institutions concernées
par la protection de l’environnement dans le
bas Danube de se rencontrer pour élaborer un
plan de management commun. La coopération
transfrontalière est indispensable pour mettre
en place une gestion intégrée globale, et des
programmes comme celui-ci permettent de
dépasser les contraintes administratives issues
du fait que l’Ukraine et la Moldavie ne font
pas parties de l’UE.
Natura 2000 et le delta du Danube : l’État
roumain participera-t-il à la réussite de la
politique européenne de lutte pour la
biodiversité?
La mise en place du réseau Natura 2000 est
une exigence qui survient après l’adoption de
la directive 92/43/CEE concernant la
conservation des habitats naturels ainsi que la
faune et la flore sauvages. À l’origine, les
états membres devaient soumettre une liste
nationale de sites proposés (abrégé par
« pSIC ») au plus tard en juin 1995, mais dans
le fait, de nombreux pays ont eu beaucoup de
difficultés à la dresser, telle la France qui n’a
déposé sa liste qu’en avril 2006. En
Roumanie, l’entrée dans l’UE devait
correspondre au dépôt de la liste nationale, ce
qui fut le cas pour les Sites d’importance
communautaire (SIC), mais qui posa plus de
problèmes 20 pour les Zones de Protection
Spéciale, au titre de la directive « Oiseaux ».
19 Le programme TACIS ((Technical Assistance to the
Commonwealth of Independant States-CEI) est destiné
à favoriser la transition vers une économie de marché et
renforcer la démocratie dans les États partenaires
d’Europe orientale et d’Asie centrale. Concernant le
delta, il concerne la Roumanie, ainsi que l’Ukraine et la
Moldavie. Achevé en 2004, il s’intitule « Coopération
transfrontalière dans les aires naturelles protégées du
delta du Danube et du Prut inférieur – Objectifs de
gestion pour la conservation de la biodiversité et le
développement durable »
20 Commission européenne, IP/08/1347
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Quant au delta du Danube, il est à la fois
classé comme SCI 21 mais également
comme ZPS 22
, ce qui a été
particulièrement aisé compte tenu du fait
que le delta est déjà classé Réserve de
Biosphère. Cependant, il y a des nuances
concernant la délimitation des zones. Le
pSIC « ROSCI0065 Delta Dunarii » suit
le tracé de la réserve de biosphère, mise
à part l’inclusion de la colline de
Beştepe dans la zone. En ce qui concerne
la proposition de ZPS (ROSPA0031
Delta Dunarii şi complexul Razim-
Sinoe), il prend également en compte
toute la plaine alluviale du Danube,
depuis Galaţi jusqu'à Isaccea (en amont
de Tulcea). La zone marine, qui est
incluse dans la Réserve de Biosphère,
fait elle aussi l’objet d’une proposition
en pSIC et ZPS, distincte de la
précédente.
Pour résumer, tout le territoire du delta
devrait faire partie, à terme, du réseau
Natura 2000. Cependant, on peut
s’interroger sur les changements qui
auront lieu à la suite de ce classement en
Zone Spéciale de Conservation (ZSC).
Dans les faits, certains périmètres dans
le delta sont classés en zones de
protection intégrale, ce qui signifie
qu’aucune activité humaine ne peut
bouleverser les équilibres naturels. En
cela, le classement comme ZSC
21 Ordonnance Nr. 1964 du ministère de
l’Environnement et du Développement Durable
du 13 décembre 2007 concernant l’institution
d’un régime d’aires naturelles protégées pour les
sites d’importance communautaire, parties
intégrantes du réseau écologique européen
Natura 2000 en Roumanie.
22 Décision du Gouvernement, concernant la
déclaration des aires de protection spéciale
avifaunistique comme partie intégrante du réseau
écologique Natura 2000 en Roumanie, publiée au
Journal officiel de Roumanie, Partie I, Nr.
739/31.X.2007.
131

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
n’apportera pas une protection plus
contraignante, mais près de 53 % de la
superficie de la réserve est classée en zone
économique, où les activités humaines
peuvent être pratiquées (ARBDD). Ainsi, sur
cet espace en particulier, le classement en
« site Natura 2000 » apportera une certaine
garantie que les activités humaines seront
réglementées, car chaque projet dont l’impact
environnemental est conséquent doit être
soumis à la Commission européenne.
À la lumière de ces données, il semble que la
Roumanie a tout de même réussi à honorer ses
obligations en termes de désignations de sites,
malgré la récente polémique avec la
Commission concernant les ZPS, et
notamment grâce à plusieurs projets soutenus
par le programme PHARE 2004. Un important
travail d’inventaire et de cartographie a été
réalisé, sur des bases scientifiques solides
issues d’instituts de recherche ou
d’associations telle la SOR pour la proposition
des ZPS. Tous ces travaux ont reçu l’aval de
l’Académie Roumaine avant d’être soumis au
ministère de l’Environnement.
Cependant, la question de la gestion des sites
reste en suspens. En effet, la Roumanie a
préféré mettre l’emphase sur la désignation
des sites plutôt que sur l’application 23 de
l’article 6 de la directive « Habitats ». En
l’état actuel des choses, on se dirige vers une
gestion directe par des institutions publiques.
Le réseau des agences locales pour la
protection de l’environnement devrait donc
être chargé de la gestion des ZSC, sous
supervision de l’Agence nationale pour la
protection de l’environnement et sans pour
23 Article qui stipule que les états membres ont
obligation de mettre en place des mesures de gestion
visant à conserver ou à améliorer les conditions
écologiques des habitats protégés par le réseau Natura
2000. Malgré tout, le choix des modes de gestion est
laissé aux états membres.
132
autant garantir des financements viables
pour mettre en place des projets de
conservation.
Conclusion
La mise en œuvre de la politique
européenne en matière de protection de
la biodiversité est un défi pour les pays
européens, et en particulier pour la
Roumanie. L’importance des enjeux
environnementaux a conduit l’UE a
modifié ses politiques en intégrant la
notion de développement durable. La
Roumanie, membre récent de l’UE
(2007), a aujourd’hui l’obligation de
transposer les directives européennes et
de les appliquer, mais cette obligation
est également une chance pour le pays.
En effet, à l’heure où l’on remet en
cause l’ordre économique mondial, la
voie du développement durable apparait
de plus en plus comme la solution qui
permettrait au long terme d’assurer un
développement qui socialement est
acceptable, économiquement viable et
écologiquement responsable. La
politique régionale de l’UE, qui repose
sur le principe de cohésion entre les
régions européennes, suit ces principes
et soutient la Roumanie dans sa
transition vers ce nouveau modèle de
société.
En outre, la Roumanie est dotée d’un
patrimoine naturel exceptionnel, et le
delta du Danube apparait comme un
joyau qui bénéficie de l’attention de
nombreux acteurs, à la fois locaux,
nationaux mais également européens et
internationaux. Cet héritage est donc un
élément majeur pour reconnaitre
l’importance de l’environnement dans
les politiques publiques, mais le
gouvernement roumain n’est pas encore
en mesure d’apporter tout le soutien
nécessaire à la bonne mise en œuvre de

ces politiques qui sont largement inspirées par
les décisions des institutions de l’UE.
En effet, la Roumanie reste un pays très
centralisateur, ce qui peut apparaitre comme
un héritage de son passé politique. La vision
du gouvernement, qui décide et ensuite fait
exécuter, n’est pas considérée dans l’esprit des
institutions européennes comme étant celle qui
est mieux à même de répondre aux enjeux. On
peut donc craindre que les conflits qui ont
poussé la France à d’abord choisir le mode de
gestion à privilégier (c'est-à-dire l’approche
contractuelle), pour gérer les futurs sites et
Figure 1
La Roumanie au sein de l'Union européenne.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
ensuite proposer une liste nationale,
risque fortement d’apparaitre en
Roumanie dans les années voir les mois
qui viennent. Par conséquent, il est
indispensable que les associations, les
syndicats ou les groupements
professionnels concernés diffusent sur le
terrain les informations nécessaires pour
impliquer tous les usagers dans la
gestion des futurs sites Natura 2000,
sans quoi la mise en place de la politique
européenne de lutte pour la biodiversité
sera un échec dans le delta du Danube, et
plus largement en Roumanie.
133

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Figure 2
Carte écotouristique du delta du Danube – Roumanie
134

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Tableau 1
La biodiversité du delta du Danube en chiffres
Inventaire floristique et faunistique du delta du Danube
Flore Faune
Algues 640 Embranchements Ordres Nombre
Macromycètes 38 Vers 425
Plantes vasculaires 902 Mollusques 82
Invertébrés Crustacés 115
Arachnides 168
Insectes 2 208
Poissons 85
Amphibiens 10
Vertébrés Reptiles 11
Oiseaux 331
Mammifères 42
Total espèces végétales 1 689 Total espèces animales 3 460
Sources : Administration de la Réserve de biosphère du delta du Danube.
Institut National du Delta du Danube pour la recherche et le développement.
135

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
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ROMANESCU Gheorghe, Morpho-hydrographical evolution of the Danube delta, tome
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STEFANESCU Constantin-Mircea, La formation et l’évolution du delta du Danube.
Paris, Bibliothèque Nationale, 1981.
TACIS Programme, Transboundary cooperation in the nature protected areas in the
Danube Delta and lower Prut – Management objectives for biodiversity and sustainable
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136

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
La nécessaire modernisation des moyens de surveillance des zones
maritimes pour une gestion durable des ressources de la mer: l’exemple
de l’Océanie
Clémence Mallatrait
Étudiante au doctorat en science politique
Université Jean Moulin - Lyon 3
Le but de cette étude est de montrer quel est le
système de surveillance des zones maritimes
océaniennes et en quoi ce système s’avère un
atout pour la gestion durable des ressources de
la mer en Océanie. La région souffre
aujourd’hui d’une relative atonie économique,
se trouvant doublement en marge :
géographiquement et économiquement. Pour
autant, ces micro-États vivent essentiellement
de la mer et la préservation de
l’environnement marin est nécessaire
l’équilibre régional tout entier. La lutte contre
la pêche illégale, la lutte pour la préservation
de l’écosystème marin et la préservation des
ressources deviennent des enjeux fédérateurs,
faisant de cette région un modèle dans la prise
de conscience écologique.
1. Les outils de surveillance et leurs
modes de fonctionnement : quelle
architecture pour quelle(s)
performance(s) ?
L’objectif ici est de préciser de manière
générale les différents systèmes et outils de
surveillance qui existent à l’heure actuelle et
de déterminer quel système de surveillance
semble être le plus efficace en ce qui
concerne la zone du Pacifique Sud et
pourquoi.
De l’utilisation du VMS…
Le Vessel Monitoring System est le système
permettant de différencier les navires légaux
des navires illégaux, par le biais d’installation
de balises de localisation et de détection.
Depuis bientôt quinze ans, les États côtiers
adoptent des « réglementations VMS »,
réglementation leur permettant de
surveiller, via les satellites, tous les
bateaux dotés de balise pêchant dans
leur zone économique exclusive.
Aujourd’hui, tous les pays côtiers du
monde utilisent le VMS.
Cependant, le VMS détecte uniquement
les navires dotés de balises. Les bateaux
non dotés de balises de détection
pêchant illégalement dans la zone
économique ne pourront pas être
repérés par ce système. Certains
systèmes sont gérés en commun par des
Commissions telles la commission
Forum Fisheries Agency (FFA) pour le
Pacifique Sud. La surveillance radar
permet un suivi continu de l’écho des
bateaux détectés, d’autant plus efficace
que la position fournie aujourd’hui par
les satellites. La Nouvelle Commission
Thonière du Pacifique Central et
Occidental (WCPFC) 1 a, quant à elle,
opté pour un système ouvert. Il devait
être implanté début 2007.
1 Cette commission est d’une grande importance
dans la région, le Pacifique Sud étant l’une des
régions les plus riches en thonidés. Cette
commission a le but d’instaurer un système de
surveillance pour la gestion des ressources
pélagiques afin d’éviter tout pillage, mais
surtout, de veiller à ce qu’aucun bateau sans
licence ne vienne exploiter la zone aux dépens
des bateaux licenciés.
137

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
… à la nécessaire coopération pour
une meilleure surveillance
Comme cela a déjà été précisé, les données
récoltées par le VMS permettent de tracer les
navires équipés de balises patrouillant dans la
zone. Pour autant, si chaque État peut avoir
une carte de sa propre zone économique, il ne
peut en aucun cas savoir ce qui se passe audelà
de ses frontières maritimes. Les cartes
suivantes sont un exemple de ce que reçoit
chaque État concernant sa propre zone
maritime : [Carte n°1]
Les données regroupées entre elles donnent la
carte suivante : [Carte n°2]
Les États côtiers reçoivent en moyenne 30 à
40 positions du bateau par jour, informations
qui permettent son suivi. Les points rouges
sont les temps d’activité de pêche, les points
bleus les déplacements dans la zone. Comme
le prouve cette série de cartes, il est possible
de suivre un navire, presque en temps réel,
mais surtout de détecter toute activité illégale
de pêche dans des zones pour lesquelles il
n’aurait pas d’autorisation.
Cette série de cartes souligne également
l’atout que représente une coopération en
matière de surveillance des zones maritimes.
Ces États, quand bien même disposeraient-ils
de ces informations, n’auraient pas de
moyens suffisants d’intervention et de
répression en cas de délits. De plus, une mise
en commun des informations serait un gain
de cohérence et d’efficacité pour la
sauvegarde de la zone. Elle permettrait un
suivi intégral des navires et faciliterait de
surcroît l’interception des navires en situation
irrégulière. Le recoupement d’informations
permet l’anticipation.
Ce projet coopératif de surveillance des
pêches ne pourrait se faire qu’en respectant
certains critères. Premièrement, il doit
impérativement comprendre un échange des
informations recueillies. Les informations
138
collectées mises en commun
donneraient une carte de surveillance
complète et suffisamment cohérente
pour la mise en œuvre de moyens
nécessaires. Mais cette mesure seule ne
suffira pas. Elle doit se coupler d’une
autorisation de poursuite et
d’arraisonnement des navires dans les
zones économiques d’États voisins si
ceux-ci ont opté pour la coopération en
matière de surveillance. Ce paramètre,
s’il est fondamental, requiert que
chacun des États impliqués accepte que
des forces de sauvegarde étrangères
s’introduisent dans leur zone maritime.
De plus, cet accord ne peut se faire que
sous certaines conditions : il faut
connaître le positionnement des navires
disposant d’une licence et avoir la
capacité de reconnaître les navires
illégaux. Cette volonté de coopération
dispose de bons fondamentaux. D’une
part, les données VMS sont disponibles
sur demande, mais surtout, des efforts
en matière de coopération pour la
sauvegarde maritime sont déjà fournis
par la France avec l’Australie, la
Nouvelle-Zélande et les États insulaires.
Il est à ce sujet intéressant de
mentionner que des efforts ont été faits
dans le domaine : un accord francoaustralien
pour la lutte contre la pêche
illégale. Selon les termes de l’accord,
qui doit encore être approuvé par le
Parlement fédéral australien, « les
bâtiments de la Marine nationale
patrouillant dans la région seront
habilités à arraisonner tout bateau
présumé coupable d’action de pêche
illégale dans les eaux australiennes,
alors que les mêmes règles
s’appliqueront également dans les eaux
françaises pour les navires de la Royal
Australian Navy. À ces opérations de

police, s’ajoute également un important volet
d’échanges et d’informations, notamment
satellitaires. Ce texte officialisera une
coopération informelle entre les deux pays,
déjà existante dans cette partie du globe
depuis plusieurs années » 2 . Cette démarche
franco-australienne fait suite à l’initiative de
mars 2006 pour une surveillance des pêches
tripartite, avec la Nouvelle-Zélande. La
mutualisation des efforts de ces trois pays
vise à renforcer les moyens de la police des
pêches, moyens rendus disponibles pour les
États océaniens.
Olivier Caslin précise par ailleurs que « cette
déclaration, dont les modalités restent
toujours à mettre en œuvre, doit permettre à
ces pays de pouvoir se défendre efficacement
contre un fléau qui met dangereusement en
péril leur économie respective, tout en faisant
peser une lourde menace sur les stocks de
cette immense région » 3 . Beaucoup d’États
océaniens vivent des métiers de la pêche. Ne
serait-il pas plutôt judicieux de dire qu’ils
survivent grâce aux métiers de la pêche,
l’aide internationale leur apportant une aide
complémentaire nécessaire? Toujours est-il
que la lutte contre la pêche illégale symbolise
la préservation des ressources nécessaires au
dynamisme économique minimal.
Les satellites radars : un système
complémentaire efficace
Les satellites radar Envisat (européen lancé
en mars 2002) et Radarsat (Canadien 1995-
2006) orbitent à plus de 800km de la Terre, et
en font quatorze fois par jour le tour. Ces
satellites ont prouvé leur efficacité pour la
surveillance des pêches dans la zone australe
française.
2 Olivier Caslin, « Pêche illégale – Accord francoaustralien
», Le marin, n°3086, vendredi 1 er septembre
2006, p.4.
3 Ibid.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Avec l’application des licences, les
autorités françaises ont pu constater que
90% de la pêche illégale avait disparu
dans l’Océan Indien. Le succès du
projet a incité les autorités australiennes
à adopter ce type de surveillance pour
sa zone maritime et celle de la zone des
îles voisines ayant souscrit au contrat de
l’opérateur du système. Deux ans
d’utilisation ont contribué à une
réduction significative de la pêche
illégale dans la zone.
Ces satellites sont capables de recueillir
des informations de grande précision en
dépit des conditions de nuit, de
couverture nuageuse ou de brouillard.
Le meilleur mode de récupération des
données 4 est d’installer une antenne
radar, comme la France l’a fait aux
Kerguelen en 2003. L’architecture d’un
système de surveillance consiste en le
couplage des données VMS et des
données retransmises par le satellite
radar, permettant d’obtenir une carte
complète. La station radar reçoit les
images qu’elle traite pour déterminer
s’il y a, ou non, des activités illégales
dans la zone surveillée. À la différence
du VMS, le radar « voit tout », il détecte
les bateaux non dotés de balises de
détection.
Le couplage des images VMS et du
satellite radar permet de reconnaître
avec certitude les navires pêchant
illégalement. Tout écho radar suspect,
s’il n’appartient pas à la carte des
données du VMS (tout bateau autorisé
ayant une balise), devient le signe d’une
activité illégale dans la zone surveillée.
La superposition des deux cartes est un
4 Le premier moyen étant de récupérer les
données envoyées au Canada (prolonge le
processus).
139

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
outil rapide et précis de localisation des
navires.
La qualité et la précision des images
répondent au mieux aux nécessités de la
surveillance maritime, d’autant plus qu’ils ont
fait leur preuve dans les terres australes
françaises et d’autres régions du monde. Ce
système est-il applicable et justifié dans le
Pacifique Sud ? Si oui, quels sont les résultats
attendus par l’instauration d’un système de
surveillance par satellite radar, procédé le
plus approprié à une zone aussi vaste que la
Pacifique Sud.
Modélisation et intégration des
moyens de surveillance par
satellite dans le Pacifique Sud
Quatre facteurs permettent d’évaluer l’intérêt
de la mise en application d’un système de
surveillance satellitaire de la zone maritime.
Le premier est scientifique. Il correspond aux
différentes problématiques d’analyse et de
modélisation des écosystèmes marins. Il
regroupe les activités de recherche en
météorologie, en océanographie et aux
domaines liés à la vie sauvage. Tous ces
domaines de surveillance océanographique
touchent directement l’océanographie
opérationnelle et les différents courants
marins, qui sont accessoirement des éléments
intéressants de renseignement pour les
migrations des bancs de poissons. À ce sujet,
le réchauffement climatique, et
l’augmentation constante de la température
de l’océan, aujourd’hui de plus de deux
degrés, a des conséquences considérables sur
les écosystèmes marins. D’où l’enjeu de la
préservation de l’environnement marin pour
la gestion des ressources naturelles et
l’économie des micro-États.
Le second est un facteur politique et lié à la
reconnaissance des frontières et de la
140
souveraineté des États côtiers sur leur
zone maritime. D’où une coopération
nécessaire.
Le troisième concerne les aspects
opérationnels d’instauration du système
de surveillance. En dépit des contraintes
techniques d’installation du système de
surveillance satellitaire, les pays
d’Outre-mer français disposent de
toutes les conditions nécessaires à sa
mise en service.
Le quatrième aspect concerne les
aspects économiques. Il englobe les
questions de rendement et de rentabilité
des activités de pêche. Consécutivement
à cette variable économique se pose le
problème de la délivrance des licences
de passage dans leur zone maritime par
les États voisins. La convention de
Montego Bay le droit de passage
inoffensif dans les eaux territoriales. Il
s’agit de s’assurer qu’un bateau de
pêche non autorisé à pêcher qui traverse
une zone a suspendu, pendant sa
traversée, son activité de pêche.
La protection des ressources constitue
un enjeu d’autant plus important que la
richesse pélagique de la zone
calédonienne est fortement convoitée
par les pays riverains. Les zones de
pêches dans la zone se situent en
bordures asiatiques et dans le cœur du
Sud Pacifique, dont la ZEE
polynésienne représente un vivier
important et un objet de convoitise.
Il est important de spécifier tout d’abord
qu’une seule antenne de réception ne
permettrait pas de couvrir une zone
aussi importante que l’ensemble de la
zone économique exclusive française du
Pacifique. Le rayon de réception d’une
antenne n’est pas suffisant. Dans l’étude

de faisabilité sur la « Surveillance des pêches
par satellite dans le Pacifique Sud » d’avril
2005, étude faire par la société CLS, deux
emplacements hypothétiques sont évalués à
Nouméa et à Papeete. Voici la couverture de
la zone dans le Pacifique Sud par les deux
antennes : [Carte n°3]
La carte ci-dessus montre que la zone
surveillée couvre la totalité du Pacifique Sud.
La conclusion du rapport préalablement cité
stipule que « dans un cadre opérationnel et
surtout dans un cadre régional, il s’avère que
les territoires français du Pacifique sont
presque idéalement situés car ils offrent une
couverture quasi complète du Pacifique Sud
avec deux antennes de réception. Les
infrastructures […] sont possibles à
implanter, dans un cadre où les compétences,
la logistique et l’environnement de travail
existent sans ambiguïté » 5 .
Toutes les conditions techniques sont
requises pour la viabilité de l’instauration
d’un tel système. Il est important de souligner
que si ce programme a été fait par une
entreprise française pour les pays d’Outremer
français, il concerne l’ensemble des pays
du Pacifique Sud. Il peut devenir un outil
indispensable de surveillance à la FFA, et être
un atout fédérateur de la zone autour de la
problématique écologique et d’exploitation
des ressources pélagiques. L’instauration
d’un tel système concernerait l’ensemble des
pays de la zone sud Pacifique, et les coûts
deviendraient dès lors l’affaire de tous les
États intéressés. Le programme satellitaire
(français) deviendrait alors un enjeu de
coopération dans le Pacifique Sud et en
Océanie – les zones maritimes australiennes
et néozélandaises étant en partie balayées par
les satellites.
5 « Surveillance des pêches par satellites dans le
Pacifique Sud », Étude de faisabilité, CLS, avril 2005.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
2. Les enjeux de la surveillance
satellitaire dans le Pacifique Sud :
quels sont les résultats espérés?
Au-delà du simple aspect de la
surveillance maritime se dessinent de
multiples enjeux : une meilleure
connaissance de l’environnement
maritime via la recherche océanique et
marine, induisant une meilleure gestion
de l’écosystème marin, la surveillance
contre toute forme de pollution
maritime, tous ces enjeux devenant dès
lors des piliers de la politique du
développement durable dans la région.
La coopération, dont la France serait
l’un des piliers, deviendrait un modèle
d’organisation et de recherche
d’efficacité eu égard aux enjeux
assignés par et pour l’ensemble des
États d’Océanie.
Pour une meilleure appréciation
du milieu marin
Les objectifs du projet sont multiples :
en premier lieu, il s’agit de percevoir
dans sa globalité le monde pélagique et
de mieux appréhender l’environnement
dans lequel s’exercent les métiers de la
mer, en vue d’une amélioration de ceuxci.
Cette meilleure connaissance du
milieu permettra une nécessaire
adaptabilité de l’effort de pêche. Le
second enjeu vise donc l’amélioration
des conditions de travail autour de la
mer, un des enjeux de l’économie
océanienne. Les moyens de surveillance
maritime améliorés deviendront les
garants de cette politique de protection
et de sauvegarde de l’environnement et
des hommes de la mer.
Les activités de pêche seront adaptables
aux disponibilités pélagiques. Les
activités seront fonction des ressources
disponibles et des lieux de disponibilité
de ces ressources. Une réglementation
141

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
plus fine en matière d’exploitation des
ressources halieutiques permettra de
promouvoir cette politique de préservation
des ressources.
Pour l’amélioration du système de
coopération
Il est un enjeu manifeste d’investir dans un
système de surveillance satellitaire au regard
d’une amélioration des moyens de
surveillance actuels. Mais quelles sont
précisément les retombées espérées d’un
point de vue coopératif? Nous avons pu
constater, sur la carte précédente, que la
couverture de la surveillance par satellite
englobait la totalité des micro-États du
Pacifique Sud, ainsi que les façades
océaniennes australiennes et néozélandaises.
Ce projet prend donc la forme d’un projet
fédérateur que la collectivité océanienne peut
soutenir.
La France a investi de nombreuses heures de
vol de surveillance : les forces armées
françaises de Nouvelle-Calédonie ont mis à
disposition 40 heures de surveillance au
Vanuatu et aux Fidji et 15 heures aux Tonga.
Les forces armées françaises de Polynésie
française ont, quant à elles, consacré 30
heures à la surveillance de Kiribati et des îles
Cook.
Dans un article publié dans le journal Le
marin, il est rapporté que l’Australie requiert
les moyens français pour la surveillance de sa
zone dans les eaux australes. « Le braconnage
intensif de la légine dans les eaux australes a
eu au moins un mérite : celui de renforcer la
coopération entre la France et l’Australie » 6 .
L’appui des outils de surveillance satellitaire
permet vraisemblablement de promouvoir la
coopération franco-australienne en matière de
6
« Surveillance franco-australienne dans
l’Antarctique », Le marin, n°3035, 9 septembre 2005,
p.32.
142
surveillance des pêches et de lutte
contre les activités illégales, et de
l’étendre d’une manière générale aux
États du Pacifique Sud.
Pour d’importantes retombées
économiques : de la lutte contre
la pêche illégale...
L’exemple de l’instauration du système
de surveillance satellitaire dans l’océan
Indien est particulièrement éloquent, et
constitue un argument de poids. Les
évaluations après instauration certifient
la disparition de près de 90% des
activités de pêche illégale, réduction qui
correspond à un gain retrouvé de 50 à
60 millions d’euros, pour un coût
d’installation de près d’un million
d’euros.
Les stocks de pêche pillés constituent
un manque à gagner que les systèmes de
surveillance par satellite remettraient
indirectement aux bateaux licenciés. De
plus, et suite aux évaluations, cette
récupération du potentiel de pêche
permettrait de sauver près de deux-cents
emplois, qui sont particulièrement
nécessaires dans une région
économiquement non porteuse. Les
retombées après instauration du système
constituent un gain utile à une économie
océanienne qui peine à atteindre un
niveau acceptable. L’enjeu est, en
conséquence, d’autant plus important.
Le document, présenté par le Secrétariat
général de la Communauté du
Pacifique, souligne que « dans le
Pacifique, le secteur maritime
contribue, de manière non négligeable,
à traiter le problème de la pauvreté dans
la région. De fait, de nombreux
d’Océaniens exercent des métiers de la
mer […]. La réussite la plus
remarquable au cours des cinq dernières

années a été d’obtenir l’inscription des pays
océaniens sur la “Liste Blanche ” ce qui,
selon une évaluation pour le Programme
Affaires maritimes réalisée en 2003 par un
cabinet extérieur, a permis de préserver 4000
emplois et de rapporter 16 millions de dollars
US de devises ». Et de conclure : « le présent
document témoigne de la manière dont un
programme régional de la CPS, en
l’occurrence le Programme des Affaires
maritimes, est engagé stratégiquement sur
trois fronts – international, régional et
national – dans le but de traduire les
conventions internationales en normes et
procédures régionales qui permettent à nos
pays océaniens dotés de faibles ressources de
se mettre en conformité avec des instruments
et d’en tirer profit » 7 .
Autrement dit, il est un enjeu majeur de
renforcer les pénalités en cas de prises de
marchandises pélagiques illégalement
acquises. L’appréciation du milieu marin,
l’amélioration et l’optimisation de la
coopération, les coûts et bénéfices et l’appui
de la juridiction ont en commun un élément
central : le développement durable.
... à la gestion préventive de la
problématique pétrolière
Eu égard à la conjoncture économique et aux
récentes envolées du prix du baril de pétrole,
la question d'une rationalisation des
patrouilles et surveillances en haute mer se
posera inéluctablement. En effet, au-delà du
coût de plus en plus important d'une mission
de sauvegarde maritime dans le Pacifique se
pose à plus long terme la question de la
disparition de l'or noir et de la difficulté qui
7 Secrétariat général de la Communauté du Pacifique,
« Engagement stratégique à l’échelon régional et
international pour aider les États et territoires membres
de la CPS à se positionner de manière à apporter une
réponse efficace aux enjeux qui se présentent », Trentesixième
session du comité des représentants des
gouvernements et administrations, Nouméa, Nouvelle-
Calédonie, 13-17 novembre 2006.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
sera alors rencontrée pour faire face à
ces changements consécutifs.
Penser aujourd'hui la surveillance par
les systèmes satellitaires, c'est anticiper
les manques de ressources pétrolières
qui seront nécessaires demain aux
actions de sauvegarde maritime. Et
ainsi, tout en épousant progressivement
un mode de surveillance alliant
rationalisation des coûts, efficacité des
missions, autonomie et anticipation face
à un épuisement des ressources
pétrolières.
Enfin, au-delà de la question stratégique
des réserves pétrolières sur le long
terme, l’option de la surveillance
satellitaire constitue une plus-value non
négligeable, puisque cette alternative
propose un nouveau mode de
surveillance écologique qui préserve
l'environnement. Bien entendu, cette
option ne peut être conçue que couplée
aux modes traditionnels de surveillance
sur le terrain, elle ne peut s’y substituer
totalement. Elle permettrait néanmoins
d’en soulager quelque peu le poids
financier compte tenu du ratio
qu’implique, pour la couverture d’une
zone aussi vaste que le Pacifique Sud, le
rapport coût-efficacité.
Le développement durable :
argument fédérateur de la
coopération dans le Pacifique
Sud
La surveillance satellitaire contribue
considérablement à produire une juste
connaissance de l’écosystème marin.
Cette connaissance est nécessaire à une
rigoureuse adaptation des moyens de
sauvegarde et de protection aux besoins.
Ces besoins sont à apprécier avec
d’autant plus de rigueur que les peuples
océaniens ont lutté - incapacités
143

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
financières et techniques évidentes exclues -
pour la préservation de leur environnement
contre les « pollutions nucléaires », faisant du
Pacifique Sud et de l’Océanie l’une des rares
zones de la planète exempte de toute
ambition proliférative dans le domaine
nucléaire.
L’ambition des Insulaires du Pacifique Sud
est de répondre aujourd’hui à leurs besoins.
Or, ceux-ci, s’ils veulent être satisfaits, ne
pourront l’être sans un respect de
l’environnement marin. Le premier ministre
norvégien, Gro Harlem Brundtland, a proposé
en 1987, lors de la Commission mondiale sur
l’environnement et le développement, ce qui
est devenu la définition de référence du
développement durable. Il s’agit d’un
développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs.
Porter le devoir d’assurer la pérennité des
ressources pour les générations futures est un
gage de responsabilité dont le Pacifique Sud
et l’Océanie ne peuvent se passer. Pour
reprendre les mots d’Hans Jonas dans Le
principe responsabilité : « agis de façon que
les effets de ton action soient compatibles
avec la Permanence de la vie
authentiquement humaine sur terre » 8 .
8 Hans Jonas, Le principe responsabilité, Paris,
Flammarion, 1990, p.28.
144

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Les actions des acteurs locaux dans la gestion de l’eau au Québec : de la
fragmentation à l’intégration?
Syltiane Isabelle Goulet
Étudiante à la maîtrise en droit
Université Laval
Introduction
L’insouciance et l’ignorance ont souvent
gouverné les usages de la population et les
politiques des décideurs quant à l’eau au
Québec, probablement dû à l’apparente
abondance de la ressource. Cela dit, le
foisonnement d’une ressource ne compense
pas sa piètre qualité. Si bien que des
problématiques hydriques bien réelles ont vu
le jour, même chez nous, où gît pourtant une
importante réserve d’eau douce. Les enjeux en
lien avec la qualité de l’eau sont nombreux.
Nous pensons, par exemple, à la prolifération
des algues bleu-vert ou à la tragédie de
Walkerton en Ontario.
Une autre problématique guette notre société
dans la gestion de notre eau : le changement
climatique. Ses conséquences sont multiples et
hypothétiques. Cette situation entraîne des
incertitudes dans la gestion de l’eau et
complique d’autant la tâche des décideurs.
Avec le changement climatique, de nouveaux
risques et des incertitudes font leur apparition,
que nous nommerons « risques hydriques ».
Ils s’intensifieront en occurrence et en
amplitude. Dès lors, plusieurs questions se
posent. Le système de gestion de l’eau du
Québec est-il suffisamment adapté et flexible
pour prendre en compte le changement
climatique et ses risques hydriques? Est-il
adéquat pour remplir les fonctions qui lui sont
attribuées? Et lorsqu’il est question
d’incertitudes, le principe de précaution est
souvent invoqué. Peut-il nous être utile pour
faire face au défi du changement climatique?
Est-il efficace dans la gestion de la ressource
en eau?
Il sera question dans ce texte de la prise
en compte par les acteurs locaux des
risques hydriques liés au changement
climatique dans la gestion de l’eau au
Québec. Nous tenterons de déterminer si
les acteurs locaux, soit les municipalités,
les municipalités régionales de comté et
les organismes de bassin versant, sont
parés à faire face aux changements à
venir, s’ils possèdent les outils pour faire
face à la musique. Nous tenterons, en
guise de conclusion, de proposer
certaines solutions et suggestions aux
problèmes mis en exergue au cours de
l’exercice.
La méthodologie de recherche a consisté
majeure partie à rechercher dans la
législation, la jurisprudence et la
doctrine juridique. Des discussions avec
divers intervenants du ministère du
Développement durable, de
l’Environnement et des Parcs et de
certains organismes de bassin
complètent la recherche. Quatre plans
directeurs de l’eau ont été analysés, soit
ceux du Conseil de bassin de la rivière
Montmorency, du Comité de bassin de la
rivière Chaudière, de la Corporation
d’aménagement et de protection de la
rivière Sainte-Anne et du Conseil de
bassin de la rivière Etchemin.
Problématique
Nous allons voir que le droit de l’eau au
Québec est sectoriel, ce qui contribue
grandement à la fragmentation de la
gestion de l’eau au Québec. Un léger

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
retour en arrière nous permettra de
comprendre comment il est devenu nécessaire
de se doter d’outils pour adopter une gestion
plus saine et efficace de l’eau, si nous voulons
être capables de prendre en compte des enjeux
fondamentaux, tels que le changement
climatique. Enfin, deux outils seront proposés
pour améliorer la prise en compte des risques
hydriques par les acteurs locaux, soit la
gestion intégrée de l’eau par bassin versant et
l’utilisation du principe de précaution, et ils
seront définis et expliqués.
1.1 Le droit de l’eau en bref
L’eau est une chose commune, ou res
communes, ce qui implique qu’elle n’est pas
susceptible d’appropriation par quiconque, pas
plus que par l’État, et que son usage, commun
à tous, est régi par des lois d’intérêt général et
le Code civil 1 . En droit civil, les droits et
obligations des individus sont souvent
fonction de la propriété foncière. L’eau n’y
échappe pas. En ce sens, le droit d’usage de
l’eau est attribué suivant la propriété du sol.
Une multitude de lois concernent l’eau et sa
gestion, tant au palier provincial que celui du
fédéral. La Loi sur la qualité de
l’environnement (L.R.Q., c. Q-2) et plusieurs
de ses règlements protègent la ressource 2 , la
Loi sur le régime des eaux (L.R.Q., c. R-13)
traite de la force hydraulique et l’utilisation
des cours d’eau et de leur lit, la Loi sur les
forêts (L.R.Q., c. F-4.1) protège les milieux
hydriques près des activités forestières, la Loi
sur les mines (L.R.Q. c. M-13.1) permet, entre
1 Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 913.
Madeleine CANTIN CUMYN, « La notion de chose
commune et les conflits d’usages », (2007) 12 Lex
electronica, en ligne :
(consulté le 13 mars 2009), p. 2.
2 Voir : Règlement sur la qualité de l’eau potable
(R.R.Q., c. Q-2, r. 18.1.1), Règlement sur le captage
des eaux souterraines (R.R.Q., c. Q-2, r. 1.3),
Règlement sur les exploitations agricoles (R.R.Q., c. Q-
2, r. 11.1), Politique de protection des rives, du littoral
et des plaines inondables (R.R.Q., c. Q-2, r. 17.3).
146
autres, de détourner un cours d’eau, la
Loi sur la conservation et la mise en
valeur de la faune (L.R.Q., c. C-61.1) et
la Loi sur la conservation du patrimoine
naturel (L.R.Q., c. C-61.01) concourt à
la protection des habitats fauniques et
l’intégrité du patrimoine naturel, la Loi
sur la sécurité des barrages (L.R.Q. c.
S-3.1.01) et la Loi sur la sécurité civile
(L.R.Q. c. S-2.3) vise la protection des
personnes et des biens et enfin, la Loi
visant la préservation des ressources en
eau (L.R.Q., c. P-18.1) interdit
l’exportation massive d’eau. Toutes ces
lois émanent du niveau provincial.
D’autres lois fédérales peuvent s’ajouter
à cet ensemble, notamment la Loi
canadienne sur la protection de
l’environnement (1999) (L.C. 1999, c.
33), qui concourt également à la
protection de la ressource en eau et la
Loi sur les pêches (L.R.C. 1985, c. F-14)
qui protège l’habitat du poisson.
Une multiplication des lois entraîne une
multiplication des parties prenantes, ce
qui complexifie le cadre dans lequel
s’insèrent les actions des acteurs locaux.
Nous constatons que le droit de l’eau est
fonction des usages et des secteurs, ce
qui fragmente l’action publique. Le droit
de l’eau n’a, à l’heure actuelle, aucune
perspective globale, au détriment d’une
saine gestion de la ressource.
1.2 La gestion de l’eau au Québec à
l’ère du 21e siècle
Une commission du Bureau d’audiences
publiques sur l’environnement a été
mandatée le 15 mars 1999 pour tenir une
vaste consultation publique portant sur la
gestion de l’eau au Québec. Le rapport
de la Commission trace un portrait
préoccupant de la gestion de l’eau à
l’aube des années 2000 :
La gestion actuelle de l’eau et des
milieux aquatiques est sectorielle, peu
intégrée et insuffisamment soucieuse

de la protection de la ressource. Il faut
passer à une gestion intégrée, mieux
harmonisée au palier gouvernemental, tenant
ensemble les fonctions de protection et de
mise en valeur, et délibérément mise en
œuvre à l’échelle des bassins versants. Par
ailleurs, des actions peuvent et doivent être
entreprises, qui s’imposent maintenant et
s’inscrivent dans le sens de la politique à
venir 3 .
La Commission écrit même que le Québec a
« un retard notoire » dans le domaine de la
gestion de l’eau par bassin versant, et qu’il est
urgent d’y remédier. En plus de préconiser la
gestion de l’eau par bassin versant, la
Commission suggère l’élaboration d’une
politique de gestion de l’eau au niveau
national et l’adoption d’une loi-cadre par le
gouvernement afin d’offrir un encadrement
juridique intégré à la gestion de l’eau 4 , car
« [i]l ne saurait y avoir de véritable politique
de l’eau sans une refonte du droit de l’eau
intégrant les lois sectorielles actuellement en
vigueur » 5 .
C’est à partir de ce constat que la Politique
nationale de l’eau est conçue en 2002 6 . Une
réforme du mode de gouvernance est proposée
et une protection accrue de la ressource est
préconisée. La gestion intégrée de l’eau par
bassin versant est au cœur de cette politique.
Mais la Politique nationale de l’eau étant une
simple politique administrative, elle n’a
qu’une valeur incitative. Elle n’a pas force de
loi et le gouvernement peut y déroger s’il le
désire 7 . Cela dit, elle bénéficie tout de même
3
BUREAU D’AUDIENCES PUBLIQUES SUR
L’ENVIRONNEMENT, L’eau, ressource à protéger, à
partager et à mettre en valeur - rapport de la
Commission sur la gestion de l'eau au Québec, rapport
n° 142, Québec, 2000, p. 267.
4
Id., p. 269 et 270.
5
Id., p. 270 et 271.
6
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, L’eau. La vie. L’avenir.
Politique nationale de l’eau, Québec, Ministère de
l’Environnement, 2002 (ci-après « PNE »).
7 e
Patrice GARANT, Droit administratif, 5 éd.,
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2004, p. 291.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
d’une ample diffusion et est largement
acceptée, ce qui lui donne une certaine
légitimité. En 2004, Environnement
Québec propose un cadre de référence 8 ,
qui précise et développe plusieurs idées
de la Politique nationale de l’eau. Le
ministère du Développement durable, de
l’Environnement et des Parcs s’appuie
toujours sur ce cadre de référence dans
sa prise de décision concernant les
organismes de bassin versant.
Il faudra attendre encore quelques
années pour assister à une manifestation
formelle de l’implantation d’une gestion
intégrée de l’eau au Québec. La ministre
du Développement durable, de
l’Environnement et des Parcs, Line
Beauchamp, a présenté à l’Assemblée
nationale en juin 2008 le projet de loi
nº 92 qui s’intitule Loi affirmant le
caractère collectif des ressources en eau
et visant à renforcer leur protection 9 . Ce
projet de loi promeut la gestion intégrée
de l’eau par bassin versant. Il est mort au
feuilleton dû aux élections provinciales
de décembre 2008, mais il y a tout lieu
de penser qu’un projet de loi sur l’eau au
moins semblable à celui-ci reviendra sur
l’ordre du jour du gouvernement en
2009.
Suite à cette revue de l’actualité récente
en matière de gestion de l’eau, nous
constatons que des problèmes majeurs
ont été mis en lumière dans le rapport du
Bureau d’audiences publiques sur
8 Pierre AUGER et Julien BAUDRAND, Gestion
intégrée de l’eau par bassin versant au Québec :
cadre de référence pour les organismes de
bassins versants prioritaires, Québec, ministère
de l’Environnement, direction des politiques de
l’eau, 2004, p. 12 (ci-après « cadre de
référence »).
9 Projet de loi 92 (adoption de principe le 17 juin
2008), 1 ère session, 38 e législature (Québec) (ciaprès
« projet de loi »).
147

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
l’environnement, mais qu’aucun outil
législatif qui appréhendait le problème
globalement n’a encore été mis sur pied pour
les résoudre.
1.3 Quelques définitions et concepts
Deux solutions sont explorées dans cette
recherche pour une meilleure prise en compte
des risques hydriques liés au changement
climatique par les acteurs locaux, soit la
gestion intégrée de l’eau par bassin versant et
l’utilisation du principe de précaution. Puisque
nous sommes en présence de nouveaux
concepts, nous allons les définir à l’instant.
1.3.1 La gestion intégrée de l’eau par bassin
versant
La gestion intégrée s’oppose à la gestion
sectorielle, qui réglemente les secteurs au
moyen de normes précises sans se préoccuper
des autres secteurs, sans égard à la situation
géopolitique du cours d’eau. Chaque bassin
versant a un contexte propre et l’eau y est
utilisée pour des usages différents, ce qui ne
commande pas le même traitement et le même
soin. La gestion sectorielle, sans nuance, n’est
donc pas indiquée pour une saine gestion de
l’eau.
L’intégration, pour être opérationnelle, doit se
manifester à plusieurs niveaux, soit entre les
politiques d’aménagement du territoire et de
gestion de l’eau, entre la gestion des eaux de
surface et des eaux souterraines, entre les
institutions, entre les politiques
administratives et économiques, etc. De plus,
tous les acteurs de l’eau doivent pouvoir
participer au processus décisionnel et de
planification 10 .
10 Torkil JØNCH-CLAUSEN et Jens FUGL, « Firming up
the Conceptual Basis of Integrated Water Resources
Management », (2001) 17 International Journal Water
Resources Development 501. PARTENARIAT MONDIAL
POUR L’EAU, La gestion intégrée de la ressource en
eau, TAC Background paper no 4, 2000, p. 24, en
ligne :
(consulté le 13 mars 2009).
148
Le territoire sur lequel s’exerce
généralement la gestion intégrée de l’eau
est le bassin versant. Il est défini par le
gouvernement québécois comme étant :
le territoire sur lequel toutes les eaux
de surface s’écoulent vers un même
point appelé exutoire du bassin
versant. […] Par conséquent, en
gestion intégrée de l’eau, le bassin
versant est défini non plus seulement
comme une surface, mais comme un
volume d’espace. Il comprend non
seulement le territoire sur lequel
toutes les eaux de surface s’écoulent
vers un même exutoire, mais aussi
tout ce qu’il contient, c’est-à-dire les
eaux de surface, les eaux
souterraines, les sols, la végétation,
les animaux ainsi que les humains 11 .
La gestion de l’eau par bassin versant
représente le premier pas vers une
gestion intégrée du territoire et de ses
cours d’eau et contribue à la prise en
compte de l’eau comme un tout, ce qui
permet d’appréhender la gestion de la
ressource de manière globale.
1.3.2 Le principe de précaution
La Loi sur le développement durable
définit le principe de précaution comme
suit : « lorsqu’il y a un risque de
dommage grave ou irréversible,
l’absence de certitude scientifique
complète ne doit pas servir de prétexte
pour remettre à plus tard l’adoption de
mesures effectives visant à prévenir une
dégradation de l’environnement » 12 . Le
principe de précaution se distingue du
principe de la prévention. Ce dernier
11 Georges GANGBAZO, Gestion intégrée de l’eau
par bassin versant : concepts et application,
ministère de l’Environnement du Québec,
Direction des politiques de l’eau, 2004, p. 3.
12 Loi sur le développement durable, L.R.Q., c.
D-8.1.1, art. 6j) (ci-après « LDD »).

entre en scène lorsque le risque de dommage
est connu et qu’il s’agit de l’éviter 13 . Le
principe de précaution, lui, vise les risques
incertains. Puisque les risques associés au
changement climatique sont incertains, le
principe de précaution devient un instrument
d’aide à la décision et pourrait être utilisé dans
la gestion des risques hydriques.
1.4 Énoncé de la problématique
Le droit de l’eau au Québec est sectoriel et
fragmenté. Une revue de l’actualité récente
nous a permis de constater que certains
problèmes existent dans la gestion de l’eau, et
qu’il est nécessaire d’y remédier. Certains
outils existent, tels que l’utilisation du
principe de précaution et la gestion intégrée de
l’eau par bassin versant, mais sont-ils
fonctionnels au Québec? Si oui, dans quelle
mesure? Plus particulièrement, est-ce que les
acteurs locaux, soit les municipalités, les
MRC et les organismes de bassin versant,
peuvent utiliser ces outils pour faire face aux
nouveaux défis posés par le changement
climatique dans la gestion de l’eau?
Présentation des résultats
Nous verrons que les deux outils proposés
n’ont malheureusement qu’une portée limitée
au Québec. En effet, la gestion « intégrée » de
l’eau proposée par l’Administration ne l’est
pas pleinement dans les faits, et le principe de
précaution n’est que peu intégré dans notre
droit. Cela étant, les acteurs locaux ne
possèdent pas de marge de manœuvre
intéressante dans l’utilisation de ses outils, et
manquent souvent d’expertises et de moyens.
Mais d’abord, nous allons dresser un portrait
de chacun des acteurs.
1.5 Portraits des acteurs locaux
1.5.1 Les municipalités et les MRC
Depuis l’avènement de la Loi sur les
compétences municipales, les municipalités
ont d’importants pouvoirs en matière
13 LDD, art. 6i).
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
d’environnement et dans le domaine de
l’eau 14 , ce qui fait d’elles des actrices de
premier plan dans la gestion des risques
hydriques, notamment par le biais de
leur compétence en aménagement du
territoire. Les MRC, quant à elles, sont
compétentes « à l’égard des cours d’eau
à débit régulier ou intermittent, y
compris ceux qui ont été créés ou
modifiés par une intervention
humaine » 15 . De plus, la Politique de
protection des rives, du littoral et des
plaines inondables prévoit que les MRC
peuvent élaborer un schéma
d’aménagement et de développement,
qui détermine les grandes orientations en
aménagement du territoire, qui peut
comprendre un « plan de gestion » des
rives, du littoral et des plaines
inondables 16 . De manière générale, les
municipalités et les MRC, dans le cadre
de leur compétence traditionnelle en
aménagement du territoire, ont un rôle
important à jouer en matière de gestion
de l’eau et des risques hydriques.
1.5.2 Les organismes de bassin versant
La Politique nationale de l’eau a créé en
2002 un nouveau type d’organisme, les
organismes de bassin versant, qui a
comme mission « de mettre en œuvre,
dans une perspective [de]
développement durable, la gestion
14
Loi sur les compétences municipales, L.R.Q.,
c. C-47.1, art. 4 al. 1 par. 4 et art. 19. Daniel
BOUCHARD, « Quelques impacts de la nouvelle
Loi sur les compétences municipales sur les
pouvoirs municipaux en matières
environnementales », dans Développements
récents en droit de l'environnement, Service de
la formation permanente du Barreau du Québec,
2006, Droit civil en ligne (DCL),
EYB2006DEV1136.
15
Loi sur les compétences municipales, préc.,
note 14, art. 103.
16
Politique de protection des rives, du littoral et
des plaines inondables, R.R.Q. c. Q-2, r.17.3,
art. 5.1.
149

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
intégrée en élaborant un Plan directeur de
l’eau (PDE) du bassin versant […] » 17 . Les
organismes de bassin versant ont un rôle de
table de concertation et de planification à
l’échelle du bassin 18 . Un Plan directeur de
l’eau est « un document qui rassemble des
éléments d’information nécessaires à la
compréhension des problèmes d’ordre
hydrique et environnemental du bassin versant
ainsi que les solutions envisagées, notamment
en matière de protection, de restauration et de
mise en valeur de l’eau » 19 .
Sur le plan juridique, les organismes de bassin
versant sont des organismes à but non
lucratif 20 . Ils sont des personnes morales de
droit privé, administrées par leur conseil
d’administration respectif 21 , et non par l’État.
En ce sens, « les OBV ne sont pas des
autorités administratives » 22 . Cela étant dit, les
OBV ne sont pas autonomes du point de vue
financier, leur principal revenu provenant du
gouvernement 23 . De plus, la fonction même de
l’OBV est dictée par le pouvoir central.
Pourtant, ce sont aux membres de l’OBNL à
qui revient cette tâche 24 . Donc sans être un
17
PNE, préc., note 6, p. 19.
18
Id.
19
Id., p. 21.
20
Loi sur les compagnies, L.R.Q. c. C-38. Cadre de
référence, préc., note 8, p. 8.
21
C.c.Q., art. 311.
22
Suzanne COMTOIS et Catherine CHOQUETTE, Le
statut juridique des organismes de bassin versant,
Version préliminaire, Étude réalisée pour le ministère
de l’Environnement du Québec, Sherbrooke, 2005, p.
12.
23
Alexandre BRUN et Frédéric LASSERRE, « La mise en
œuvre difficile des politiques territoriales de l’eau au
Québec (Canada) : le cas des contrats de bassin », dans
Actes de la journée d’études « Les territoires de
l’eau », Arras, Université d’Artois, 2004, 36.
24
Jean-Paul RAÎCHE, « Gestion intégrée de l’eau au
Québec : bilan et prospective. Approches concrètes
pour une nouvelle gouvernance », dans Catherine
CHOQUETTE et Alain LÉTOURNEAU (dir.), Vers une
gouvernance de l’eau au Québec, Québec, Éditions
MultiMondes, 2008, p. 261, à la page 266.
REGROUPEMENT DES ORGANISATIONS DE BASSIN
VERSANT AU QUÉBEC (ROBVQ), Consultations
150
prolongement de l’État, les OBV sont
tout de même largement tributaires du
MDDEP.
D’un autre côté, certains auteurs
dénoncent que les OBV manquent de
moyens et d’encadrement. En ce sens,
l’adoption d’une loi-cadre serait
souhaitable, ainsi que l’attribution d’une
enveloppe budgétaire à la hauteur de leur
mission 25 . Ces auteures croient qu’une
clarification du statut des OBV serait
pertinente, afin de lever l’ambiguïté de
la relation qu’ils entretiennent avec
l’État et de bien délimiter leur champ
d’action.
1.6 La gestion de l’eau par bassin
versant au Québec : un modèle
d’intégration?
Une gestion intégrée de l’eau par bassin
versant permettrait aux acteurs locaux de
mieux prendre en compte les risques
hydriques liés au changement
climatique, puisqu’elle appréhende les
problèmes de manière globale. Par
contre, à l’heure actuelle, nous ne
pouvons pas qualifier d’intégrée la
gestion de l’eau au Québec. Plus
concrètement, les divers niveaux
d’intégration ne sont pas rencontrés. Par
exemple, les prélèvements d’eaux
souterraines sont soumis à un régime
d’autorisation différent de ceux des eaux
de surface.
Un autre exemple est encore plus
parlant : les politiques d’aménagement
du territoire ne sont pas intégrées avec
particulières et auditions publiques à l’égard du
projet de loi n°92 – Mémoire, Québec,
Septembre 2008, p. 11.
25 J.-P. RAÎCHE, préc., note 24, p. 267. Vincent
LUYET et al., « Gouvernance participative dans
la gestion intégrée de l’eau par bassin versant au
Québec : État des lieux et réflexions », (2005) 38
n°5 Revue Vecteur Environnement 36, p. 43 et
44.

celles de la gestion de l’eau. En effet, la
législation du domaine de l’aménagement du
territoire ne réfère à aucun moment aux PDE.
Pourtant, les PDE comprennent des
renseignements essentiels à la confection des
schémas d’aménagement et de développement
que doivent mettre sur pied les MRC. Il
s’agirait d’une façon de prendre en compte de
manière plus efficace les risques hydriques
dans l’aménagement du territoire, deux
concepts pourtant intimement liés, en plus
d’utiliser les ressources financières de façon
plus efficiente en évitant d’effectuer deux fois
les mêmes études. Les MRC n’utilisent pas
non plus les PDE de manière volontaire. Le
Commissaire au développement durable
regrette cette situation dans son rapport 2007-
2008 26 .
De plus, bien que la mission des organismes
de bassin versant est de mettre en œuvre la
gestion intégrée de l’eau par bassin versant,
cette démarche reste volontaire et certains
OBV manquent de légitimité 27 . Les résultats
concrets de cette gestion intégrée tardent donc
à se manifester. Malgré un début de 21 e siècle
foisonnant en nouveaux développements, nous
ne pouvons toujours pas qualifier d’intégrée la
gestion de l’eau au Québec, et puisque le
cadre institutionnel n’est toujours pas intégré,
il est difficile aux acteurs locaux de l’utiliser.
L’aménagement du territoire durable est donc
compromis.
26 VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, Rapport du
Vérificateur général du Québec à l’Assemblée
nationale pour l’année 2007-2008, Tome II, Rapport du
commissaire au développement durable, Québec, en
ligne :
(consulté le 13 mars 2009), par.
4.127.
27 Pour de amples détails sur la légitimité des OBV,
voir : Suzanne BEAULIEU, « Les organismes de bassins
versants : une entité en quête de légitimité », dans C.
CHOQUETTE et A. LÉTOURNEAU (dir.), préc., note 24, p.
227.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
1.7 Le principe de précaution et ses
incidences pratiques
Le principe de précaution est peu présent
au Canada et au Québec. Nous le
retrouvons dans la Loi sur le
développement durable, dans la Loi
canadienne sur la protection de
l’environnement, dans les processus
d’évaluation environnementale, mais
tout ceci a une portée limitée. Le
changement climatique est mentionné
dans la littérature administrative, mais
n’est pas réellement pris en compte dans
la pratique, ni dans la législation.
Pourtant, le principe de précaution
pourrait être utile aux acteurs de tous les
niveaux afin d’assurer une meilleure
gestion des risques hydriques qui,
rappelons-le, sont des risques incertains,
dont les manifestations se produiront à
long terme. La gestion à court terme
n’est pas adéquate pour les risques
hydriques.
Il est difficile pour les municipalités
d’utiliser le principe de précaution dans
la gestion des risques hydriques. Les lois
provinciales ne leur permettent pas de le
faire explicitement et, bien que la Cour
suprême a montré des signes d’ouverture
quant à une utilisation du principe de
précaution dans la prise de décision
concernant des pesticides 28 , rien n’est
définitif actuellement. Du côté des plans
directeurs de l’eau des OBV, un seul des
quatre analysés semble faire référence au
changement climatique, soit celui du
Conseil de bassin de la rivière
Montmorency, mais de manière
28 Voir : 114957 Canada Ltée (Spraytech,
Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), [2001] 2
R.C.S. 241 (ci-après « Spraytech »). La majorité
de la Cour suprême a reconnu en obiter dictum
l’application du principe de précaution en droit
canadien et a permis à la Ville de Hudson de
maintenir en vigueur sa réglementation sur les
pesticides.
151

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
implicite. Nous pouvons y lire « évènements
climatiques exceptionnels » 29
et « aléas
climatiques » 30 . Nous retrouvons également
dans le PDE que « comprendre le climat, c’est
pouvoir maîtriser les réactions du milieu » 31 .
Il est fort possible que ces énoncés référent au
changement climatique, mais il est dommage
que le CBRM ne l’ait pas inclus nommément.
Force est d’admettre que les acteurs de l’eau
au niveau local ne possèdent pas toute
l’expertise nécessaire pour utiliser le principe
de précaution adéquatement, ni les outils
politiques, législatifs et autres, ce qui
compromet une gestion à long terme des
risques hydriques.
Conclusion
Si nous voulons être parés à faire face au
changement climatique dans la gestion de
notre eau, il est nécessaire de se doter, dès
aujourd’hui, d’instruments légaux et
techniques. Pourtant, cela n’a été fait que
partiellement. Les plans directeurs de l’eau
analysés ne contiennent pas de référence
explicite au changement climatique, ni à
l’incertitude scientifique, encore moins au
principe de précaution. Les organismes de
bassin versant ne semblent pas outillés pour
faire face aux défis du changement climatique.
Ils éteignent des feux plus qu’ils ne gèrent le
long terme. À l’heure actuelle, les organismes
de bassin versant n’ont ni les moyens, ni les
pouvoirs, pour faire face à ces défis.
La gestion de l’eau par bassin versant que l’on
tente d’appliquer au Québec n’est pas
29 CONSEIL DE BASSIN DE LA RIVIÈRE MONTMORENCY,
Plan directeur de l’eau – Plan d’action, Québec, Avril
2006, p. 43, en ligne :
(consulté le 13 mars 2009).
30 Id.
31 CONSEIL DE BASSIN DE LA RIVIÈRE MONTMORENCY,
Plan directeur de l’eau - Diagnostic, Québec, Avril
2006, en ligne :
(consulté le 13 mars 2009), p. 2.
152
réellement intégrée. Par exemple, nous
avons vu que l’aménagement du
territoire n’est pas intégré avec la gestion
de l’eau au Québec, deux concepts
pourtant interdépendants, qui doivent
être pris en compte de manière globale,
ce qui a pour effet que les municipalités
et les MRC ne sont pas liées par les
plans directeurs de l’eau ni dans leurs
actions, ni dans la confection et la mise
en œuvre des schémas d’aménagement
et de développement. Cette situation
concourt à la sectorisation de l’action
dans le domaine de l’eau, à l’image du
droit de l’eau. Le principe de précaution
et la gestion intégrée de l’eau par bassin
versant au Québec sont des outils peu
fonctionnels au Québec. Les acteurs
locaux tentent bien que mal d’utiliser ses
outils, mais ils évoluent dans un carcan
sectoriel.
Quelques pistes de solutions peuvent
être avancées. D’abord, il est nécessaire
de se doter d’un encadrement législatif
exhaustif. Le projet de loi nº 92 est un
pas dans la bonne direction. Cela dit, il
est incomplet à plusieurs égards,
notamment quant à la participation du
public. Des mécanismes économiques
pourraient également être instaurés, tels
que des redevances sur les prélèvements
d’eau, qui seraient administrées par les
acteurs locaux, ce qui règlerait, du moins
en partie, leur problème de financement.
D’ailleurs, il en est question dans la
sphère politique depuis la sortie de la
Politique nationale de l’eau, mais elles
ne se sont jamais matérialisées. De plus,
les organismes de bassin versant
gagneraient à se voir accorder plus de
pouvoirs et de moyens, ainsi qu’une
clarification de leur statut juridique qui,
à l’heure actuelle, nage entre
l’organisme à but non lucratif et
l’organisme gouvernemental. Enfin, une
campagne de conscientisation et de

sensibilisation des acteurs municipaux à
propos de la nécessité d’une gestion intégrée
de l’eau par bassin versant devrait être tenue.
Des mesures incitatives et l’obligation
d’intégrer les plans directeurs de l’eau dans les
schémas d’aménagement et de développement
complèteraient le tout. Tout cela implique une
volonté politique ferme dans
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
l'accomplissement réel de la gestion
intégrée de l’eau, jusque dans la mise en
œuvre. La gestion intégrée de l’eau ne
doit pas rester théorique. Mieux outillés,
les acteurs de l’eau pourront faire face
aux risques hydriques qu’entraîne le
changement climatique.
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153

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développement durable, Québec, en ligne :
(consulté
le 13 mars 2009).
154

Catherine Potvin
Conférencière d’honneur
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Catherine Potvin est professeure au département de biologie de l’université McGill. Au
fil des années, elle s’est impliquée dans diverses activités scientifiques concernant trois
champs distincts de recherche. Elle a d’abord étudié les changements biologiques
globaux, sur lesquels elle travaille presque continuellement depuis l’obtention de son
doctorat à l’université Duke en Caroline du Nord en 1985. Ces principales recherches ont
touché tant l’écologie physiologique que l’étude des fonctions des écosystèmes. Elle est
aussi activement impliquée à un niveau politique. Un autre champ de recherche important
concerne les biostatistiques. En tant qu’écologiste, elle est convaincue de l’importance de
l’utilisation d’outils analytiques appropriés pour dévoiler les tendances observées dans la
nature. Finalement, elle a intensément collaboré avec les Indigènes de Panama,
spécialement les Embera. Le travail fait en collaboration avec la population focalise sur la
conservation des plantes utilisées de façon traditionnelle et sur une utilisation durable des
terres.
155

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
156
Stage en développement durable au Panama (édition 2008)
Présentation de projets
Sarah Martel
Étudiante au baccalauréat intégré en affaires publiques et relations internationales
Université Laval
Cadre légal environnemental de la République de Panama pour la gestion d’aires
protégées : implications pour le Parc Naturel Métropolitain.
Mélissa Dupuis-Bowie
Étudiante au baccalauréat en études internationales et langues modernes
Université Laval
Projet de reforestation dans la communauté Kuna de Chicola Chicola, province de
Mandugandi.

Œuvres d’art
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
157

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
158
Espoir
Herschell Lubin
Étudiant au baccalauréat en Art Visuels
Université d’Ottawa
« Espoir / Recollons les morceaux »
Matériaux: matières recyclables: miroir cassé, céramique, plastique, carton et
acrylique sur bois
1m x 1m
2009
Faire une œuvre picturale comme une peinture
qui relate la gestion du territoire et des
ressources nécessite que l’on ait une
connaissance générale sur la géologie, la
biologie, la géographie, l’environnement, etc.;
mais comme artiste, j’ai voulu au départ faire
crédit à ma faculté d’observation, vivre ce qui
se passe dans notre société contemporaine et
arriver à les traduire ou les transférer sur mon
support avant de considérer ces grandes
expressions.
Aujourd’hui, tout ce qui concerne
l’environnement est consumé dans tous
les foyers et pullule dans les pratiques
artistiques contemporaines. Aussi, la
gestion durable des ressources et du
territoire est si complexe qu’elle ne
saurait uniquement se reposer sur des
fonds monétaires, les nouvelles
technologies et les capacités
intellectuelles, mais aussi sur la bonne
foi et une prise de conscience qui

affectent les comportements dans une
perspective favorable à l’environnement
J’ai choisi d’appuyer mon travail sur des
recherches et des valeurs plus significatives.
Le territoire du Québec, avec ses forêts, ses
cours d’eau, ses rivières, la place parmi les
premiers, avec des ressources dont la durée de
l’exploitation est incalculable. Tout ceci lui a
valu, et peut-être aujourd’hui encore, des
paysages pittoresques, un environnement sain.
Un lieu où il fait bon vivre.
Figure 1
Mont Lefroy, Lawren Harris, 1930
Avec toutes ces richesses, le Québec est
considéré premier producteur de bois et le
premier exportateur en énergie électrique. Mis
à part tout ceci, il faut aussi la présence
humaine associée à son gout pour la
consommation qui change la couleur de ce
beau tableau.
Dans mon travail, j’ai considéré quatre points
essentiels : les ressources, le territoire, les
gens, la société. Mes recherches se basent sur
le système d’exploitation des ressources qui
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
affectent l’environnement et la
production, les effets de la
surexploitation qui minent les
perspectives en lien avec l’histoire
canadiennes à travers la peinture. Ce qui
m’a amené dans le répertoire du groupe
des sept, particulièrement Lawren
Harris, avec son œuvre « Mont Lefroy »
qu’il a réalisée en 1930. Je suis fasciné
par son travail. Les paysages canadiens
dominent l’ensemble de son œuvre.
C’est un homme très spirituel, attaché à
son milieu, son territoire, la nature et
l’environnement. À travers son travail, il
montre le côté paradisiaque des paysages
canadiens; il nous fait découvrir et
accéder à l’inaccessible. À travers sa
palette et le traitement qu’il fait de la
surface, il y a de la poésie silencieuse
qui traverse l’environnement qu’il peint
sur sa toile.
Né à Brantford, en Ontario, le 23 octobre
1885 d’une famille très aisée, il
commença à peindre très jeune et étudia
la peinture en Allemagne avec Franz
Skarbina, Fritz von Willie et Adolf
Schlabitz. Dès son retour au Canada, il
est devenu un membre fondateur du club
des lettres et des arts de Toronto où il a
rencontré la plupart des futurs membres
du groupe de sept. Harris, avec le Dr.
James MacCallum, a financé le bâtiment
principal du studio de Toronto, qui s'est
ouvert en 1914, mais a gardé son studio
personnel pour explorer sa palette.
« Les paysages des rocheuses du Grand
Nord qu’a peint Lawren Harris
représentent le point culminant de ses
efforts pour donner une expression
concrète à l’âme canadienne, grâce à la
peinture paysagiste. Aucun autre peintre
(je ne peux affirmer si cela reste un fait)
avant lui n’a créé des œuvres donnant
159

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
une image aussi précise des liens
psychologiques et émotifs qui unissent les
Canadiens à leur pays. Aucun autre peintre
non plus n’a créé des œuvres qui sont
devenues si rapidement les emblèmes d’une
jeune nation. » 1 D’où les raisons qui m’ont
porté à choisir son œuvre « Mont Lefroy »
pour mon projet.
Figure 2
Processus de réalisation dans l’atelier
Comme le philosophe idéaliste Benedetto
Croce, Harris pensait que : « L’important dans
l’art est ce qui ne peut s’expliquer par les
mots. » 2 Pour réaliser « Espoir/Recollons les
morceaux », j’ai utilisé des produits de rebus
divers : carton, plastique, céramique, des
contenants de produits que nous avons
consommé. En somme, des produits tirés des
poubelles, lesquels ont un discours particulier.
J’ai choisi de composer avec ces matériaux
parce que les gens manifestent de plus en plus
leur sens de responsabilité envers
l’environnement par de nouveaux
comportements. Ils deviennent plus attentifs,
1 Christopher Jackson : Lawren Harris : Le grand nord
via l’ouest, Glenbow Museum, Calgary, 1991(p. 7)
2 Christopher Jackson: Lawren Harris : Le grand nord
via l’ouest, Glenbow Museum, Calgary, 1991(p. 29)
160
conscients et soucieux de toute action
qui peut être prise en faveur de celui-ci.
Les matériaux sont coupés, cassés
ensuite collés sur le support en bois
contreplaqué dans un certain ordre pour
relater l’aspect de « gestion » sur la
surface, le tout relié avec de la peinture
acrylique.
Le choix des matériaux est pour mettre
l’accent sur le nouveau comportement
envers l’environnement qui avantage la
nature et la composition (l’ordre) est
pour la gestion. Mais aussi un
comportement qui ouvre la voie à de
nouvelles perspectives.
C’est à travers cette valeur symbolisée
(le paysage de Lawren Harris et la
responsabilité des Canadiens envers
l’environnement) que ces deux œuvres
se ressemblent.
Je suis allé à un symposium organisé par
l’Université d’Ottawa le samedi 7 mars
2009 où Michel Daigneault, dans son
intervention, disait que l’on ne peut plus
faire la peinture de la même façon
qu’autrefois, faisant allusion à Jackson
Pollock et ses all over ; figuration,
abstraction. Dans l’abstraction
d’aujourd’hui, il y a soit la figuration,
soit une ligne d’horizon, soit un signe
qui situe ou guide notre regard.
Le point est que pour moi, les artistes
contemporains depuis longtemps déjà
prennent beaucoup de risques dans leurs
pratiques artistiques ont pris des risques
et se sont impliqués à reproduire des
œuvres plus engagées, ayant ainsi
recours à la figuration et aux matériaux
qu’ils utilisent pour faire passer le
message. L’esthétique et la valeur
marchande deviennent secondaires mais

la portée est considérable avec une faculté
communicationnelle, informative et
rassembleur.
Figure 3
Matériaux utilisés
John K Grande dit dans son livre Art, Nature
et Société : « Dans leur démarche en vue
d’atténuer le clivage important entre
l’environnement et l’humanité, beaucoup
d’artistes gardent maintenant leurs distances
vis-à-vis des machinations du marché, tout en
faisant des efforts pour dépasser les formes
d’expressions traditionnelles. Ce qui est en
fait une tentative de création de nouveaux
liens entre l’humanité et l’écosystème dont
dépend notre avenir. » 3
La composition de cette œuvre via ces
matériaux issus des bacs de recyclage doit
rejoindre l’œuvre de Lawren Harris par des
liens auxquels toute une communauté
s’identifie. Le gouvernement et les institutions
en collaboration avec les grandes compagnies
élaborent des programmes de sensibilisation,
des usines ont adopté des nouvelles méthodes
de production plus efficace et plus énergétique
en lien avec les nouvelles
technologies. « Réutilisation des produits
3
John K. Grande: Art, Nature et Société, éditions écosociété,
1997 (p. 49)
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
recyclables, donner une deuxième vie ou
une « X » vie à ces produits, Ampoule
éconergie, cuvette de toilette à très faible
consommation d’eau programme de
sensibilisation pour inciter les gens à
acheter des produits énergétiques comme
le choix d’une automobile hybride qui
permet à l’acheteur de recevoir un
montant en argent comptant en retour. »
Toute cette procédure dans la question
de gestion représente de la proaction et
ceci pour un environnement plus sain.
Tout le monde en sort gagnant. Retour
en argent comptant, et aussi des
automobiles hybrides.
Pour Harris, la grande nature était
inséparable de la mentalité canadienne.
Je trouve aujourd’hui que les Canadiens
se font violence pour sauvegarder
l’environnement et préserver la nature en
adoptant de nouvelles attitudes et en
changeant leurs habitudes; c’est l’aspect
que j’ai développé dans mon travail.
Car elles tendent à susciter les mêmes
liens et créer un rapport avec « Mont
Lefroy » de Lawren Harris, pour montrer
notre prise de conscience, notre sens de
responsabilité, notre attitude changeante
en faveur de la nature et ses ressources.
Représentent une illustration d’où nous
venons et où nous voulons aller.
L’aspect paradisiaque présent dans le
paysage canadien que nous avons perdu
par notre comportement est en fait ce
que nous tentons de récupérer dans
« Espoir/Recollons les morceaux »,
aspect signifié par la composition et les
matériaux que j’ai utilisé pour le projet.
Afin de suivre un courant narratif littéral
dans mon travail, j’ai opéré de la même
façon que certains impressionnistes. J’ai
capté le fugitif, l’essence de mes
161

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
observations sur ce qui est courant dans la
société contemporaine. Aujourd’hui, gens
montrent un sens de responsabilité poussé à
travers un désir de mieux se comporter envers
l’environnement. Ce qui est l’objectif de mon
travail.
Olivier Revault Dallones qui voulait reprendre
une vielle formule à travers son texte “Penser
L’art ” disait : “Il y a dans l’art du mouvement
pour aller plus loin… L’œuvre d’art se
propose à un public, se montre à lui ou se fait
entendre ou lire, et dans le seul fait qu’elle
cherche à ou vise à provoquer une réaction
quelle qu’elle soit, il y a déjà comme
l’ébauche d’un prolongement à la fois
souhaité et inévitable”. 4 Tel est la réaction que
je veux stimuler avec les points à travers
lesquelles les Canadiens se sentiraient liés. Ce
que j’appellerais des valeurs collectives.
Voilà pourquoi, pour ce projet, j’ai voulu
produire une œuvre qui met en évidence des
valeurs symboliques qui créent des liens entre
les gens de la communauté qui la perçoivent.
4 Olivier Revault Dallones: Penser l’Art, revue
d’esthétique (p. 27)
162

5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Bibliographie
JACKSON, Christopher : Lawren Harris : Le grand nord via l’ouest, Glenbow Museum,
Calgary, 1991
GRANDE, John K.: Art, Nature et Société, éditions éco-société, 1997
REVAULT DALLONES, Olivier: Penser l’Art, revue d’esthétique

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
164
Vent nouveau
Julie Dumas
Étudiante au baccalauréat en art visuel
UQÀM
Vent nouveau
Acrylique sur carton
43 x 46cm
2008
Cette œuvre se veut une illustration de la
relation entre l'humain et son environnement.
Elle comporte différents éléments
emblématiques de notre société, tels que les
édifices en béton, la route d'asphalte et la
fumée des usines. Au croisement de l'homme
et de la nature, j'ai rejeté la confrontation. Il
est indéniable que le concept de gestion
durable du territoire et des ressources se doit
d'être un pas vers l'avenir, une avancée
positive pour la cohabitation des êtres vivants.
Cela symbolise une prise de conscience
économique, entrepreneuriale mais également
personnelle. Entreprises, gouvernements
et citoyens, nous avons tous notre part à
faire pour le développement durable.
Un optimisme face à demain rayonne au
travers de la vibration des couleurs. Une
jeune femme est à l'avant-plan, en totale
harmonie avec la nature. Elle porte la vie
mais également l'espoir. À sa main, une
fleur éolienne, symbole même du vent
nouveau....

Voilier d’espoir sur mer asséchée
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Fanny Parent
Étudiante au baccalauréat en arts visuels et médiatiques
UQÀM
Voilier d’espoir sur mer asséchée
Technique mixte
91 x 50 cm
2008
Conçu presque entièrement à partir de
matières naturelles, ce tableau renvoie
directement à l'environnement.
Visuellement, il peut inspirer la catastrophe de
la mer d'Aral; un désastre duquel on doit
apprendre. De là, il illustre aussi les liens
étroits entre l'homme et la nature donc
l'impact direct de nos agissements sur
l'environnement.
Enfin, Voilier d'espoir sur mer asséchée
traduit la nécessité de voir se concrétiser
certains changements au niveau de la
gestion de l'environnement dans le but
d'assurer un avenir viable à la planète et
à sa biodiversité.
165

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
166
Poisson dur à avaler
Katy Bergeron
Étudiante au baccalauréat en arts plastiques
Université du Québec à Trois-Rivières
Poisson dur à avaler
acrylique et aérosol
40 x 32 po
2008
1.0 Introduction
L'homme et la nature ne font qu'un! Dans ce
texte, j'aborderai brièvement ma démarche
artistique, le choix de mon sujet abordé, le lien
entre ce sujet avec l’environnement, la société
et l'économie, et la recherche d'une solution
pour une gestion durable. Il est à noter que
l'exemple d'actualité pris pour exprimer la
pollution des eaux peut être applicable à
d'autres événements qui ont des conséquences
importantes dans notre vie actuelle et future.
2.0 Démarche artistique
L'actualité est l'une de mes sources
d'inspiration puisqu’elle englobe les
événements de la vie des gens autour de la
planète et, en ce moment, une des principales
inquiétudes tourne autour de l'environnement.
C'est pour cette raison que j'utilise l'art pour
exprimer et faire réfléchir sur des
problématiques actuelles. Dans le vaste
océan que représente l'environnement,
j'ai choisi le thème de la pollution de
l'eau et de ses impacts sur la
biodiversité.
Pour figurer cette problématique, une
œuvre intitulée “Poisson dur à avaler”,
qui est une photographie numérique de
36 X 24 pouces, représente un
arrangement sculptural : un poisson en
pierre agrémenté d'un service de table
arrangé de manière maladroite. Ce
médium a été choisi parce qu'il rappelle
un moment précis que nous devons nous
remémorer et sa dimension favorisant
une approche intime avec le spectateur.
3.0 L'œuvre : “Poisson dur à avaler”

Cette photographie a pour objectif de
souligner la problématique de l'exploitation
des sables bitumineux sur l'environnement.
Lors de la lecture du journal Le Nouvelliste,
j'ai été intriguée par un article portant le titre
“Un poisson mutant a été pris en Alberta” 1 .
En résumé, à Fort Chipewyan (Alberta) deux
garçons ont pêché un laquaiche aux yeux d'or
(voir figure1) qui présentait deux bouches
l'une sous l'autre et une peau cancéreuse. Les
industries pétrolières, qui exploitent le sable
bitumineux se trouvant en aval de la rivière,
ont été pointées du doigt. Des analyses ont été
effectuées afin de déterminer la cause, soit une
malformation naturelle ou soit la pollution des
eaux par des sables bitumineux. Les résultats
ont été transmis au Programme de surveillance
aquatique régionale (RAMP) de l'Alberta. Le
RAMP rassemble le ministère albertain de
l'Environnement, le ministère fédéral des
Pêches et des Océans, le ministère fédéral de
la Santé, des entreprises du secteur des sables
bitumineux ainsi que des organismes
autochtones. Un autre article du journal Le
Nouvelliste apparu environ deux mois après la
précédente parution “Les sables bitumineux :
Plus de cancers” 2 , certains experts c'est-à-dire
des médecins locaux ont noté une hausse
anormale de cas de cancer. D'après un expert,
“quand on lit les chiffres du gouvernement, on
peut voir que l'incidence des cancers est de
29% plus élevée”. Ensuite, dans les lacs
artificiels d'eau souillée, la toxicité est
tellement élevée que les pétrolières ont installé
des épouvantails flottants et font résonner des
coups de canon à air toutes les 3 secondes
afin d'éloigner les animaux. Le lendemain, un
article annonce un mégaprojet : la pétrolière
Total veut produire 200 000 barils par jour
d'ici 2020 3 . Le débat se poursuit entre les
industries, le gouvernement, les
environnementalistes et la population. De
plus, les Américains et les Européens suivent
le dossier ce qui salit l'image de notre pays par
l'aspect péjoratif de cette exploitation.
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Quoi qu'il en soit, la question n'est pas
seulement, est-ce que cette l'affection de
ce poisson est due aux pétrolières ou un
phénomène de la nature, mais est-ce que
le niveau de danger a été bien évalué?
Figure 1
Laquaiche aux yeux d'or mutant
d'Alberta pêché en aval des sables
bitumineux 11
4.0 L'environnement, la société et
l'économie
Après avoir pris connaissance de ces
renseignements, des recherches
approfondies ont été effectuées dans
l'Encyclopédie Universalis pour en
savoir davantage l'impact des effluents
industriels sur l'environnement. Un
article résume l'importance de l'eau :
“À l’échelle mondiale, plus de 90 p.
100 des prélèvements en eau sont
destinés à l’agriculture et à
l’industrie. Le degré d’utilisation
dépend du niveau de développement
de chaque pays : plus un pays est
développé, plus la part de l’industrie
dans la consommation d’eau est
importante. L’agriculture et
l’industrie sont à l’origine de
nombreuses pollutions, qui touchent
les cours d’eau comme les réserves
souterraines. Afin de préserver
167

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
l’environnement, il est nécessaire de
mettre en place des politiques agricoles et
industrielles garantissant une gestion
durable des ressources en eau [...]” 4
De plus, il est écrit que 1% des réserves d’eau
douce est utilisable, soit moins de 0,01% des
réserves terrestres en eau. Voici un extrait
intéressant d'archive de Radio-Canada :
“La transformation des sables bitumineux
nécessite une quantité d'eau très
importante, équivalent à la consommation
quotidienne d'une grande ville.
L'exploitation du bitume incite à puiser
dans les cours d'eau; elle met ainsi en péril
l'irrigation du sol et conduit à
l'assèchement de la nappe phréatique.
Après transformation, les eaux usées sont
chargées de métaux lourds, de solvants tels
que du mercure, de l'arsenic, du méthane
ou encore du benzène. Une partie est
reversée dans la rivière après nettoyage;
quand elles sont trop sales, elles sont
déversées dans les étangs situés à
proximité de l'usine et seront réutilisées
pour l'extraction du bitume. Mais la
pollution s'infiltre dans les sédiments et la
toxicité de ces agents nocifs s'amplifie
avec le temps. Jusqu'à présent, aucune
étude géologique n'a été réalisée.” 5
Et la biodiversité dans tout cela! Même si le
taux de toxicité des effluents est acceptable et
que la faune et la flore ne semblent pas
affectées directement, il reste qu'il peut y avoir
de la bioaccumulation ce qui est
problématique parce que ce processus permet
la transmission par la consommation
alimentaire ou par voie fœtal. Donc, la société
peut être exposée à des produits toxiques qui
seraient nocifs pour leur santé (par exemple, le
cancer). Cela ne facilite en rien les hôpitaux
qui font face à de nouveaux problèmes de
santé et les temps d'attente. De plus, les
aménagements des terrains d'exploitation
occasionnent la destruction de la forêt boréale
168
ainsi que des tourbières, ce qui provoque
la libération du dioxyde de carbone et du
méthane dans l'air et ensuite,
l'acidification des lacs et des forêts. Par
contre, ces industries créent des emplois,
participent à l'économie, aux échanges
internationaux et leur production
s’accroît constamment. Voici un extrait
d'article qui confirme cet aspect positif
d'exploitation :
“En 2006, l'économie canadienne
continue d'afficher de bons résultats,
toutefois très diversifiés selon les
régions et les secteurs. L'Alberta,
grâce à l'exploitation des sables
bitumineux, connaît ainsi une
croissance de 12,8%, contribuant à la
formation de 40% du P.I.B. fédéral.
La croissance s'est infléchie au cours
de l'année en raison de la baisse
d'activité aux États-Unis, qui a pesé
sur les exportations.” 6
Dans les archives de Radio-Canada, les
chiffres appuient ce fait :
“Les sables bitumineux sont
localisés dans le nord de l'Alberta,
soit à Peace River, à Cold Lake et à
Fort McMurray. Ils s'étendent sur
une superficie de 77 000 km 2 . Selon
les données d'Énergie Canada, les
sables bitumineux canadiens
contiendraient de 270 à 397 milliards
de mètres cubes de bitume. Si tout le
bitume des sables pétrolifères
pouvait être extrait, la demande
mondiale de pétrole serait comblée
durant les 100 prochaines années.” 7
Le coût d'exploitation d'un baril est de
10-13$ pour être vendu à 30$ 9 (prix en
2002). Le nombre total de barils, que
ces terres peuvent donner par extraction,
représente 300 milliards de barils
comparé avec l'Arabie Saoudite qui
s'estime à 270 milliards. Par contre,

seulement 11,5% de bitume peut être extrait
dans les sables.
5.0 Gestion durable : recherche d'une
solution
Comment trouver une adéquation entre
l'environnement, la société et l'économie? En
consultant des sites internet tels que
Greenpeace Canada, Parti vert du Canada et
en explorant Le Journal de Montréal,
quelques suggestions ont été émises à ce
sujet :
Les suggestions de Greenpeace Canada :
“Greenpeace demande qu’en premier lieu,
on suspende toute nouvelle autorisation de
projets d’exploitation et que l’on interdise
l’agrandissement ou la construction de
nouveaux bassins. Il faut aussi que tous les
bassins actuels soient immédiatement
décontaminés et renaturalisés. Finalement,
il faut que des pénalités plus sévères soient
imposées aux entreprises pétrolières qui ne
respectent pas les lois environnementales.”
8
Ensuite, sur le site du Parti vert du Canada,
quelques solutions ont été suggérées :
“[Instaurer] une taxe sur les substances
toxiques (TST) très élevée pour les
substances toxiques nocives afin de
responsabiliser les fabricants vis-à-vis des
produits chimiques qu'ils produisent, et
pour inciter l'industrie à réduire puis à
éliminer la production des substances
toxiques enregistrées en vertu de la LCPE
(Loi canadienne sur la protection de
l'environnement). [Mettre] fin à la
production et à l'utilisation au Canada des
substances toxiques les plus dangereuses
d'ici 2012. […] [Créer] un vaste Fonds de
dépollution du Canada pour dépolluer les
sites toxiques. Interdiront l'importation des
déchets toxiques et leur incinération.
Nettoieront toutes les décharges de
produits toxiques d'ici 2020, en donnant la
priorité aux collectivités les plus
menacées.” 9
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Dans un article du Journal de Montréal,
“La rivière sauvée par ses riverains» 10
ne concerne pas directement notre sujet,
mais l'attitude proactive et la manière
dont ils ont résolu leur problème
environnemental sont à prendre en
considération. En résumé, 70 membres
de l'Association de la Protection de
l'Environnement du Lac Raymond et de
la rivière du Nord et leur président ont
fait des démarches pour arrêter tout
déversement d'eaux usées non traitées à
la rivière du Nord. C'est en convainquant
des citoyens de se responsabiliser et en
sortant de l'argent de leurs poches que
monsieur Brouin a pu monter un dossier
avec des études d'impact
environnemental et d'avis d'expert. Le
résultat est qu'ils ont eu gain de cause de
la Cour Supérieure. Quoi qu'il en soit,
des implications de la collectivité et des
actions posées peuvent mener au
changement d'une municipalité, d'une
ville, d'une province, d'un pays et du
monde.
6.0 Conclusion
Bref, l'oeuvre picturale, “Poisson dur à
avaler”, est une réflexion sur la
pollution de l'eau et de ses impacts sur la
biodiversité. Sachant que le pétrole a des
conséquences économiques importantes,
plusieurs raisons appuient la recherche
d'une solution : ces effluents causent des
problèmes de santé de la population
environnante et en dehors du territoire
par la consommation de poissons; les
hôpitaux font face à de nouveaux
problèmes de santé et les temps d'attente
s'allongent; les effluents provoquent la
destruction de l'écosystème; ces
industries émettent des gaz à effet de
serre qui, par conséquent, participent au
réchauffement climatique. Ainsi, à la
lumière de ces informations et de vos
propres connaissances, que proposez-
169

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
vous comme solution afin d'harmoniser
l'environnement, la société et l'économie?
Bibliographie
1- «Un poisson mutant a été pris en Alberta», Le Nouvelliste (Trois-Rivières), 20 août
2008, p. 35.
2- «Les sables bitumineux: Plus de cancers», Le Journal de Montréal (Montréal), 12
octobre 2008, p. 10-11.
3- «Les sables bitumineux: Mégaprojet à l'horizon», Le Journal de Montréal(Montréal),
13 octobre 2008, p. 6-7.
4- «L'eau pour tous? L'eau dans l'industrie et l'agriculture», In Encyclopaedia
Universalis, s.d. En ligne. s.l.,
Consulté le 11 mars
2009.
5- Masson, M., 10 mars 2002 «Période 1947-2002: Alberta la ruée vers l'or noir», In
Archive Radio-Canada. En ligne. .
Consulté le 11 mars 2009.
6- «Canada actualité: vie économique», In Encyclopaedia Universalis, s.d. En ligne. s.l.,
Consulté le 11 mars
2009.
7- Masson, M., 10 mars 2002 «Période 1947-2002: Alberta la ruée vers l'or noir», In
Archive Radio-Canada. En ligne. .
Consulté le 11 mars 2009.
8- «Des militants de Greenpeace perturbent les activités de Syncrude», In Greenpeace
Canada. 2008., En ligne. s.l.,
Consulté le 11 mars 2009.
9- «Les substances toxiques», In Le Parti vert du Canada. s.d., En ligne. s.l.,
Consulté le
11 mars 2009.
10- «La rivière sauvée par ses riverains», Le Journal de Montréal(Montréal), 1er mars
2009, p. 13.
11- «Les sables bitumineux: Plus de cancers», Le Journal de Montréal (Montréal), 12
octobre 2008, p. 10.
170

Les mains dans les arbres
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Hugo Nadeau
Étudiant au baccalauréat en arts plastiques
Université Laval
Série de 17 poèmes : les mains dans les arbres
Impression sur du papier rebu
2008
171

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
172
GÉNÉRALITÉS
Les fusées fondent une poubelle promise
Un nécessaire
Les génies jettent ce qui reste de ridicule
Par le trou des fumées
Leur robe verte salit le col
Des employés bonveillants
Une star s’efface de la trop humanité
Les églises de pollue
Qui font des géants des nuages
Des acheminés aiguilles
Sortent mieux la nuit
Sans personne pour tousser le ciel
Toutes les usines sont des fusées
déprimées
Ratent sans entrain la lune
Toutes appellent à l’aide
Brasserie les rivières
De leurs mamelles danger
Toutes les usines toussent
Ceux qui déménagent démènent leur
chance
À éloigner les briques cigares
Qui vanillent leur café
Toutes les usines peinent d’amour
LES LITS DE LA LICORNE
La nature est ce qui nappe tout
S’enrage sans jamais se dire
Donne sans être
La ville tourne ses regards en cubes
Ampute les pigeons idiots
Croit en l’animal domestique
Comme aux prisonniers
Et dors dans les draps de l’humain
La licorne implacable à boire
Remplit sa corne de liqueurs
Traverse un vampire qui la couche
À l’abri des contes connus
Marchant avec aiguille
Elle s’opère plusieurs fois
Et cherche en elle plusieurs paix
Elle fait son shopping la nuit
Donne son plaisir à plaire
Remplit son mamelon de cintres
De bracelets et de souliers
La comprendre ce serait s’aimer

PARADIS CONSOMMANT
Il y a tant d’objets ici
je dors toujours sans être vu
Les vampires volent du courant
Le vert n’est plus de nature
A-t-on déjà voulu
d’une corde à manger
d’une pilule à pire
d’un fusil à râper
d’une maison à verres
d’une récolte à trous
d’une fenêtre à cartes
d’un musée à gicleurs
d’un garde range à médailles
d’une prairie à science
d’un restaurant à tombes
d’un réfectoire fournaise
d’une serrure à sang ?
J’attendrai qu’il fasse léger
qu’il ne fasse plus lit
j’irai encourager l’herbe
Celle que je cache au sous-sol
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
L’ARRIVÉE DES BLANCS
J'inclus quelques logis que nous
attendions
De ceux qui n’attendent plus
Nous n'avons pas d'animaux sauvés
Ni de remèdes enfilables
Ni de leçons à étirer
Ni de souvenirs d’oiseau
Ni de canots assortis
Ni de bons humains sur appel
Incertains et inquiets
Déserts et désordonnés
Connectés sans miel
Suants et donnés
Il nous reste je crois par coeur
À mériter notre départ
Et puis dans la coquille
La plus cachée la plus improbable
Tremperons des papiers farine
Alors pour des raisons de sécurité
Nous ne parlerons plus jamais
173

5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Liste des participants
Alia Alatassi
Étudiante à la maîtrise en science politique
Université Laval
Courriel: alia.alatassi.1@ulaval.ca
Jean Baril
Étudiant au doctorat en droit
Université Laval
Courriel: jeanbaril@hotmail.com
Katy Bergeron
Étudiante au baccalauréat en arts plastiques
Université du Québec à Trois-Rivières
Courriel: bergnkat@hotmail.com
Chrystian Careau
Étudiant à la maîtrise en sciences
géographiques et membre du CIEQ
Université Laval
Courriel: chrystiancareau@hotmail.com
Yoann Combe
Étudiant à la maîtrise en sciences
géographiques
Université Laval
Courriel: yoann.combe.1@ulaval.ca
Sylvain de Ladurantaye
Étudiant à la maîtrise en génie
agroalimentaire
Université Laval
Courriel: sydela@hotmail.com
Aya Georgette Dje
Étudiante au doctorat en sociologie
Université Laval
Courriel: djeaya@yahoo.fr
Julie Dumas
Étudiante au baccalauréat en art visuel
UQÀM
Courriel: plumepinceau@hotmail.com
174
Mélissa Dupuis-Bowie
Étudiante au baccalauréat en études
internationales et langues modernes
Université Laval
Cédric Fournier
Étudiant à la maîtrise en sciences
forestières
Université Laval
Courriel: cedric.fournier.1@ulaval.ca
Étienne Gaborit
Étudiant au doctorat en génie civil
Université Laval
Courriel: Etienne.Gaborit@gci.ulaval.ca
Syltiane I. Goulet
Étudiante à la maîtrise en droit
Université Laval
Courriel: syltianeisabelle.goulet.1@ulaval.ca
Julie Hagan
Étudiante à la maîtrise en sociologie
Université de Montréal
Courriel: julie.hagan@umontreal.ca
Sandrine Hogue-Hugron
Étudiante à la maîtrise en biologie
végétale
Universités Laval
Courriel: sandrine.hoguehugron.1@ulaval.ca
Roxanne Lavoie
Étudiante à la maîtrise en aménagement
du territoire et développement régional
Université Laval
Courriel: roxane.lavoie.1@ulaval.ca
Vincent Loiselle
Maître en philosophie
Université Laval

Courriel: Vincent_Loiselle@videotron.ca
Herschell Lubin
Étudiant au baccalauréat en Art Visuels
Université d’Ottawa
Courriel: hersign@yahoo.com
Clémence Mallatrait
Étudiante au doctorat en science politique
Université Jean Moulin - Lyon 3
Courriel: clemencemallatrait@hotmail.com
Sarah Martel
Étudiante au baccalauréat intégré en affaires
publiques et relations internationales
Université Laval
Courriel: sarah.martel.1@ulaval.
Hugo Nadeau
Étudiant au baccalauréat en arts plastiques
Université Laval
Courriel: hugo.nadeau.1@ulaval.ca
Fanny Parent
Étudiante au baccalauréat en arts visuels et
médiatiques
UQÀM
Courriel: fannyparent@hotmail.com
Benjamin Perron
Étudiant à la Maîtrise en sociologie
Université Laval
Courriel: benjamin.perron.1@ulaval.ca
Rémy Pouliot
Étudiant au doctorat en biologie végétale
Université Laval
Courriel: remy.pouliot.1@ulaval.ca
Alain-Guy Tachou Sipowo
Étudiant à la maîtrise en droit international
Université Laval
Courriel: alain-guy.tachousipowo.1@ulaval.ca
5 e colloque étudiant de l’Institut EDS
Professeurs
Louis Guay
Professeur au département de sociologie
Université Laval
Courriel: Louis.Guay@soc.ulaval.ca
Catherine Potvin
Professeur au département de biologie
Université McGill
Courriel: catherine.potvin@mcgill.ca
Équipe de l’Institut EDS
Philippe Le Prestre – Directeur
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 2723
Local : 3857
Courriel : Philippe.Le-
Prestre@ihqeds.ulaval.ca
Jocelyne Néron – Chargée des
communications
Téléphone : (418) 656-3274
Local : 3853
Courriel :
jocelyne.neron@ihqeds.ulaval.ca
Koassi D’Almeida – Adjoint à la
formation et à la coopération
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 2475
Local : 3849
Courriel :
Koassi.Dalmeida@ihqeds.ulaval.ca
Hélène Laurence – Adjointe à la
recherche
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 2598
Local : 3865
Courriel :
helene.laurence@ihqeds.ulaval.ca
Linda Marcoux – Adjointe
administrative
Téléphone : (418) 656-2723
Local : 3861
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5 e colloque étudiant de l’IHQEDS
Courriel : linda.marcoux@ihqeds.ulaval.ca
Ariane Gagnon-Légaré – Assistante
(recherche) ;
campus durable
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 5379
Local : 3831
Courriel :
ariane.gagnon.legare@ihqeds.ulaval.ca
Liliana Diaz – Coordinatrice projet Panama
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 8814
Local : 3827
Courriel : liliana.diaz@ihqeds.ulaval.ca
Marie-Hélène Bérard – Auxiliaire de
recherche
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 5379
Local : 3831
Courriel : mariehelene.berard@ihqeds.ulaval.ca
Anne Rouleau – Point focal membres
étudiants
Téléphone : (418) 656-2131, ext. 4654
Local : 3835
Courriel : anne.rouleau@ihqeds.ulaval.ca
Yan Turgeon - Rédacteur en chef d'Objectif
Terre (OÉI)
Téléphone: (418) 656-2131 ext. 5379
Local: 3831
Courriel : yan.turgeon@ihqeds.ulaval.ca
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