à plein temps. Pour ce qui est des mariages, divorces - Tribu 12

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01.07.2013 Views

6 Il s’agissait de réorganiser la Thora afin qu’elle soit claire et praticable. La légende dit que Yohanan Ben Zakaï vécut cent vingt ans. Alors que le peuple juif perdait son territoire et son indépendance nationale, Yohanan, contre l’avis des jusqu’au-boutistes réussit à maintenir l’essentiel : conserver vivante la religion. Les Zélotes, les Sadducéens, les Esséniens ont tous disparu. Le judaïsme d’aujourd’hui, qu’on nomme rabbinique est l’héritier des résistants spirituels de Yavneh, les Pharisiens, réunis autour de Yohanan ben Zakaï. BEN YÉHOUDA Theodor Herzl, le père du sionisme, n’imaginait pas un seul instant que la langue véhiculaire du pays d’Israël dont il envisageait la renaissance, soit autre que le yiddish. Et il n’était pas seul à partager cette idée. Pour la grande majorité du judaïsme d’Europe centrale et orientale, à l’heure où, vers la fin du 19ème siècle, le projet sioniste prend les contours de la réalité, il ne fait aucun doute qu’au pays retrouvé des Juifs on parlera le yiddish, la mameluschen, la langue maternelle ancestrale. Il fut un temps, même, où, compte tenu des projets d’ouvrir des écoles techniques allemandes en Palestine, l’allemand risquait de devenir la langue officielle du pays. Il aura fallu la conviction inébranlable et la ténacité d’Eliezer Ben Yehouda pour que l’hébreu renaisse de ses cendres. C’est en 1858, à Louchky, petite bourgade de Lituanie, qu’Eliezer Elianov Itshak Perelman voit le jour dans une famille juive traditionaliste. En 1877, il fait un rêve prémonitoire et entend une voix intérieure qui lui répète inlassablement : « Renaissance d’Israël et de sa langue sur la terre de ses pères ». Dès lors, sa décision est prise. Il se lance dans une étude éperdue de l’hébreu et dresse patiemment un listing de mots qui constitue peu à peu l’ossature de son futur Dictionnaire complet de l’hébreu ancien et moderne, en dix-sept volumes qui sera son œuvre maîtresse. Le mot « dictionnaire » n’existe d’ailleurs pas en hébreu. Qu’à cela ne tienne ! Il l’invente. Ce sera « milon » le premier néologisme de celui qui désormais se donne pour nom Ben Yehouda. En 1881, il épouse Déborah Yonas avant de rejoindre Jérusalem. Il se fait alors une promesse qu’il tiendra toute sa vie : « Rak ivrit ». Il ne parlera seulement qu’en hébreu. Dans son minuscule deux pièces, il va créer les conditions de ce qu’il appelle « la première expérience de renaissance de la langue hébraïque parlée ». En effet, Déborah est enceinte et tout est fait pour que le bébé, encore dans le ventre de sa mère, soit en immersion hébraïque totale. Aucun visiteur n’est admis chez les Ben Yehouda s’il ne s’engage à s’exprimer en hébreu. Et les premiers babils du jeune seront considérés comme de l’hébreu pur recueilli à la source et pieusement transcrit. Ben Yehouda fut probablement le premier homme des temps modernes à s’adresser en hébreu à son chien. Traité de fou par certains, admiré par d’autres, il sera nommé président de l’Académie hébraïque jusqu’à sa mort, en 1922. BEN GOURION Plus près de nous enfin, lorsque après les vagues d’immigration juive d’Europe de l’Est vers la fin des années 1880 et avec le succès de l’idée sioniste de Theodor Herzl, la possibilité de la résurrection d’un État juif semblait pouvoir passer de la légende à la réalité, David Ben Gourion, fut amené à prendre une décision cruciale : accepter l’idée d’un partage. Au 22ème Congrès sioniste qui se tînt, comme le tout premier, à Bale, en décembre 1946, la discussion tourna autour de la question : « Devons-nous rompre avec les Britanniques et envisager un partage du territoire avec les Arabes afin de créer un État juif sur une petite partie de la Palestine mandataire où nous pourrons librement organiser l’immigration de nos frères juifs ou demeurer sous un protectorat étranger, britannique ou autre, sans espoir de voir Israël naître un jour ? » Ben Gourion, très minoritaire, avait contre lui des « poids lourds » comme Haïm Weizmann ou Nahum Goldman. La gauche, exaspérée, tirait sur lui à boulets rouges.Yitshak Tabenkin, chef du Mouvement unifié des kibboutzim et Yaacov Hazan, chef du Hachomer Hatzaïr (La jeune garde) étaient farouchement opposés à tout partage. Opposée elle aussi à l’idée de partition, Golda Meïr finit par soutenir Ben Gourion. Shimon Peres et Moshé Dayan, jeunes délégués du Mapaï qui siégeaient pour la première fois au Congrès, soutinrent eux-aussi le « Vieux ». Les discussions furent orageuses. Mais Ben Gourion, finalement, gagna. En acceptant la partition et en la faisant voter au Congrès, il ouvrait la voie à la fameuse décision de l’ONU qui permit la naissance de l’État d’Israël. « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », dit le fameux adage. En refusant la politique du tout ou rien, à deux mille ans de distance,Yohanan Ben Zakaï a sauvé la religion juive et David Ben Gourion, l’État des Juifs. Quant à Eliezer Ben Yéhouda, sa ténacité et sa clairvoyance ont permis à la langue hébraïque de se rénover, de s’adapter au monde moderne et de rejoindre le concert des langues vivantes de la planète. En préservant la religion, la langue et la terre, les trois « Ben » ont sauvé le peuple juif. Jean-Pierre Allali

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Il s’agissait de réorganiser la Thora afin qu’elle soit claire et<br />

praticable. La légende dit que Yohanan Ben Zakaï vécut <strong>ce</strong>nt<br />

vingt ans.<br />

Alors que le peuple juif perdait son territoire et son indépendan<strong>ce</strong><br />

nationale, Yohanan, contre l’avis <strong>des</strong> jusqu’au-boutistes<br />

réussit <strong>à</strong> maintenir l’essentiel : conserver vivante la religion. Les<br />

Zélotes, les Sadducéens, les Esséniens ont tous disparu. Le<br />

judaïsme d’aujourd’hui, qu’on nomme rabbinique <strong>est</strong> l’héritier<br />

<strong>des</strong> résistants spirituels de Yavneh, les Pharisiens, réunis autour<br />

de Yohanan ben Zakaï.<br />

BEN YÉHOUDA<br />

Theodor Herzl, le père du sionisme, n’imaginait pas un seul instant<br />

que la langue véhiculaire du pays d’Israël dont il envisageait<br />

la renaissan<strong>ce</strong>, soit autre que le yiddish. Et il n’était pas seul <strong>à</strong><br />

partager <strong>ce</strong>tte idée. <strong>Pour</strong> la grande majorité du judaïsme<br />

d’Europe <strong>ce</strong>ntrale et orientale, <strong>à</strong> l’heure<br />

où, vers la fin du 19ème siècle, le projet<br />

sioniste prend les contours de la réalité, il<br />

ne fait aucun doute qu’au pays retrouvé<br />

<strong>des</strong> Juifs on parlera le yiddish, la mameluschen,<br />

la langue maternelle an<strong>ce</strong>strale. Il fut<br />

un <strong>temps</strong>, même, où, compte tenu <strong>des</strong><br />

projets d’ouvrir <strong>des</strong> écoles techniques<br />

alleman<strong>des</strong> en Pal<strong>est</strong>ine, l’allemand risquait<br />

de devenir la langue officielle du pays. Il<br />

aura fallu la conviction inébranlable et la ténacité d’Eliezer Ben<br />

Yehouda pour que l’hébreu renaisse de ses <strong>ce</strong>ndres.<br />

C’<strong>est</strong> en 1858, <strong>à</strong> Louchky, petite bourgade de Lituanie,<br />

qu’Eliezer Elianov Itshak Perelman voit le jour dans une famille<br />

juive traditionaliste.<br />

En 1877, il fait un rêve prémonitoire et entend une voix<br />

intérieure <strong>qui</strong> lui répète inlassablement : « Renaissan<strong>ce</strong> d’Israël<br />

et de sa langue sur la terre de ses pères ».<br />

Dès lors, sa décision <strong>est</strong> prise. Il se lan<strong>ce</strong> dans une étude<br />

éperdue de l’hébreu et dresse patiemment un listing de mots<br />

<strong>qui</strong> constitue peu <strong>à</strong> peu l’ossature de son futur Dictionnaire<br />

complet de l’hébreu ancien et moderne, en dix-sept volumes<br />

<strong>qui</strong> sera son œuvre maîtresse. Le mot « dictionnaire » n’existe<br />

d’ailleurs pas en hébreu. Qu’<strong>à</strong> <strong>ce</strong>la ne tienne ! Il l’invente. Ce<br />

sera « milon » le premier néologisme de <strong>ce</strong>lui <strong>qui</strong> désormais se<br />

donne pour nom Ben Yehouda. En 1881, il épouse Déborah<br />

Yonas avant de rejoindre Jérusalem. Il se fait alors une promesse<br />

qu’il tiendra toute sa vie : « Rak ivrit ». Il ne parlera seulement<br />

qu’en hébreu. Dans son minuscule deux piè<strong>ce</strong>s, il va créer les<br />

conditions de <strong>ce</strong> qu’il appelle « la première expérien<strong>ce</strong> de<br />

renaissan<strong>ce</strong> de la langue hébraïque parlée ». En effet, Déborah<br />

<strong>est</strong> en<strong>ce</strong>inte et tout <strong>est</strong> fait pour que le bébé, encore dans le<br />

ventre de sa mère, soit en immersion hébraïque totale. Aucun<br />

visiteur n’<strong>est</strong> admis chez les Ben Yehouda s’il ne s’engage <strong>à</strong><br />

s’exprimer en hébreu. Et les premiers babils du jeune seront<br />

considérés comme de l’hébreu pur recueilli <strong>à</strong> la sour<strong>ce</strong> et<br />

pieusement transcrit. Ben Yehouda fut probablement le premier<br />

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chien. Traité de fou par <strong>ce</strong>rtains, admiré par d’autres, il sera<br />

nommé président de l’Académie hébraïque jusqu’<strong>à</strong> sa mort, en<br />

1922.<br />

BEN GOURION<br />

Plus près de nous enfin, lorsque après les vagues d’immigration<br />

juive d’Europe de l’Est vers la fin <strong>des</strong> années 1880 et avec le<br />

succès de l’idée sioniste de Theodor Herzl, la possibilité de la<br />

résurrection d’un État juif semblait pouvoir<br />

passer de la légende <strong>à</strong> la réalité, David Ben<br />

Gourion, fut amené <strong>à</strong> prendre une décision<br />

cruciale : ac<strong>ce</strong>pter l’idée d’un partage. Au<br />

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1946, la discussion tourna autour de la<br />

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Britanniques et envisager un partage du<br />

territoire avec les Arabes afin de créer un<br />

État juif sur une petite partie de la Pal<strong>est</strong>ine mandataire où nous<br />

pourrons librement organiser l’immigration de nos frères juifs<br />

ou demeurer sous un protectorat étranger, britannique ou<br />

autre, sans espoir de voir Israël naître un jour ? »<br />

Ben Gourion, très minoritaire, avait contre lui <strong>des</strong> « poids<br />

lourds » comme Haïm Weizmann ou Nahum Goldman. La gauche,<br />

exaspérée, tirait sur lui <strong>à</strong> boulets rouges.Yitshak Tabenkin,<br />

chef du Mouvement unifié <strong>des</strong> kibboutzim et Yaacov Hazan, chef<br />

du Hachomer Hatzaïr (La jeune garde) étaient farouchement<br />

opposés <strong>à</strong> tout partage.<br />

Opposée elle aussi <strong>à</strong> l’idée de partition, Golda Meïr finit par<br />

soutenir Ben Gourion. Shimon Peres et Moshé Dayan, jeunes<br />

délégués du Mapaï <strong>qui</strong> siégeaient pour la première fois au<br />

Congrès, soutinrent eux-aussi le « Vieux ». Les discussions<br />

furent orageuses. Mais Ben Gourion, finalement, gagna. En<br />

ac<strong>ce</strong>ptant la partition et en la faisant voter au Congrès, il<br />

ouvrait la voie <strong>à</strong> la fameuse décision de l’ONU <strong>qui</strong> permit la<br />

naissan<strong>ce</strong> de l’État d’Israël.<br />

« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », dit le fameux<br />

adage. En refusant la politique du tout ou rien, <strong>à</strong> deux mille ans<br />

de distan<strong>ce</strong>,Yohanan Ben Zakaï a sauvé la religion juive et David<br />

Ben Gourion, l’État <strong>des</strong> Juifs. Quant <strong>à</strong> Eliezer Ben Yéhouda, sa<br />

ténacité et sa clairvoyan<strong>ce</strong> ont permis <strong>à</strong> la langue hébraïque de<br />

se rénover, de s’adapter au monde moderne et de rejoindre le<br />

con<strong>ce</strong>rt <strong>des</strong> langues vivantes de la planète. En préservant la<br />

religion, la langue et la terre, les trois « Ben » ont sauvé le<br />

peuple juif.<br />

Jean-Pierre Allali

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