1 Nancy VENEL Chercheur associée au CADIS (EHESS) Muslims ...

génération, les jeunes musulmans. Autant de catégories qui produisent et réaffirment sans
cesse une frontière entre eux et nous. Tout se passe comme si ces jeunes étaient victimes en
quelque sorte de leur origine culturelle et religieuse et de l’image qu’en ont les autres. On
extranéise ces jeunes natifs et on les place d’emblée dans une situation de citoyen de seconde
zone quand on ne met pas en doute leur loyauté à l’égard de la France du fait de leur
appartenance religieuse supposée.
A l’heure où un foulard est beaucoup plus visible que mille têtes nues et où l’on occulte la
pluralité des subjectivités religieuses pour ne donner à voir que certains bricolages périlleux
d’allégeance cette enquête prend tout son sens.
Mon objectif pour cette recherche a donc été d’aller à la rencontre de ces jeunes non pas
supposés mais susceptibles d’être musulmans du fait de leur origine maghrébine et de leur
filiation et d’essayer de repérer les représentations que ces acteurs se font de leur propre rôle
de citoyen et la manière dont ils expriment leur « citoyenneté ordinaire ».
Mon propos n’a pas été de porter un regard normatif sur eux en essayant de voir qui est un
bon citoyen et qui ne l’est pas mais d’observer ce qu’est la citoyenneté pour eux, comment ils
l’expérimentent, ce qu’ils mettent derrière elle.
- Qu’est-ce qui motive leur participation ou non à la Cité ?
- Qu’est ce qui est à la base de leur sentiment d’appartenance à la collectivité ?
- Comment perçoivent-ils leur rôle ?
Quelques précisions méthodologiques :
Ma recherche s’est limitée à un échantillon de « jeunes français d’origine maghrébine et
musulmans par filiation ». Les personnes rencontrées sont toutes âgées de 18 à 36 ans. J’ai
pris le parti d’utiliser le terme jeune pour désigner la population enquêtée, parce qu’au-delà
de son sens purement biologique (aux frontières incertaines puisqu’on est toujours le vieux ou
le jeune de quelqu’un), il renvoie à cette « génération » née et socialisée sur le sol français
(pour son écrasante majorité) et partageant un minimum d’intérêts collectifs objectifs (à
défaut d’être subjectifs) et une mémoire commune (celle de l’immigration et du passé
colonial).
Le terme de maghrébin, quant à lui, n’est utilisé qu’en France, et nombreuses sont les
personnes nées en Algérie ou au Maroc a déclaré s’être découvert maghrébin en France. Mais
on sait les frontières des groupes fluctuantes et évolutives. En France les « Maghrébins » y
sont perçus comme formant une unité groupale et les « maghrébins » se perçoivent dans une
certaine mesure comme unis (face à des expériences communes notamment). En outre, ils
n’appartiennent pas à la civilisation judéo-chrétienne.
Le critère religieux a, lui, constitué mon dernier élément de contrôle de l’échantillon : seuls
ont été rencontrés des jeunes Français dont les deux parents son musulmans. Tous les
musulmans de France ne sont pas d’origine maghrébine (certains sont originaires de Turquie,
d’autres d’Afrique sub-saharienne, un petit nombre d’Europe balkanique et même d’Asie,
sans compter les convertis à l’islam) mais l’enquête a été circonscrite aux jeunes musulmans
d’origine maghrébine afin d’éviter d’avoir à prendre en considération dans l’analyse une trop
grande hétérogénéité de critères. Enfin, bien sûr tous les jeunes d’origine maghrébine ne sont
pas musulmans. Il faut souligner l’existence de jeune juif sépharade qui ne partagent en aucun
cas la même histoire, la même culture ni la même religion que les jeunes d’origine
maghrébine musulman.
Dans le cadre de cette recherche, sont considérés comme musulman tous les individus
ayant une conscience assumée ou subie d’être musulman : qu’ils se disent musulmans euxmêmes
ou qu’ils soient dit musulmans par les autres. Le public visé n’était pas seulement
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