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La petite fabrique de Patrons (Vidéo, 2004) « Découper puis coudre selon des indications contraire au travail bien appris et bien fait ». Ulice Deborne s’impose cette contrainte pour réaliser une vidéo aux effets spéciaux décalés et simplistes. L’artiste filme, caméra sur l’épaule, deux personnes, Mme Jacqueline, couturière à la retraite et Mr Luc, ouvrier en invalidité. L’artiste utilise les savoir-faire de ces deux anciens travailleurs pour définir ce qu’il appelle « la petite fabrique de Patrons » car elle se veut, dit-il « le témoignage vraisemblable d’une entreprise fictive qui fabrique des patrons ». Personnes ou personnages, ils sont les témoins d’une société qui fabrique ses propres patrons qu’ils soient travailleurs au noir, professions libérales ou patrons d’ateliers clandestins. A travers des situations absurdes, l’artiste dénonce l’exploitation de l’Homme. Le leitmotiv d’un « je fabrique des patrons », le rire et les gestes de dérision des deux personnages démontrent qu’une résistance à cette exploitation est possible. Ensemble, ils faussent les règles du jeu : assimilent les échecs aux dames pour exprimer avec ironie un échange peu équitable ; invalident le statut de l’homme important en redéfinissant joyeusement, ce qui fait la valeur d’une personne ; se recouvrent le visage d’un masque pour dénoncer l’esclavagisme contemporain ; confectionnent des patrons de papier calque ou gonflent des ballons jusqu’à ce qu’ils éclatent pour célébrer, dans un souffle de vie, la gratuité d’un geste. Cette dépense dans l’expérience de l’excès ou de la nuit noire rend, le jeu de l’autre, nécessaire. Fiction ou réalité ? Le regard de l’artiste peut paraître neutre. C’est principalement dans la transparence d’une prise de vue que s’opèrent le témoignage et l’identification. Sa participation par une voix hors champ, lelescopage des émissions et de musiques choisies, le partage d’un verre de l’amitié transforme ce documentaire fiction en expérience commune. En manifestant son travail dans la rue ou en l’exposant dans un hôpital de gériatrie, Ulice Deborne prend le parti d’une culture non artistique et rapproche l’art de la vie. Karine Maire Ulice DEBORNE action culturelle 23

La petite fabrique de Patrons<br />

(Vidéo, 2004)<br />

« Découper puis coudre selon des indications contraire au travail bien appris et bien fait ». Ulice<br />

Deborne s’impose cette contrainte pour réaliser une vidéo aux effets spéciaux décalés et simplistes.<br />

L’artiste filme, caméra sur l’épau<strong>le</strong>, deux personnes, Mme Jacqueline, couturière à la retraite et Mr<br />

Luc, ouvrier en invalidité. L’artiste utilise <strong>le</strong>s savoir-faire de ces deux anciens travail<strong>le</strong>urs pour définir<br />

ce qu’il appel<strong>le</strong> « la petite fabrique de Patrons » car el<strong>le</strong> se veut, dit-il « <strong>le</strong> témoignage vraisemblab<strong>le</strong><br />

d’une entreprise fictive qui fabrique des patrons ». Personnes ou personnages, ils sont <strong>le</strong>s témoins d’une<br />

société qui fabrique ses propres patrons qu’ils soient travail<strong>le</strong>urs au noir, professions libéra<strong>le</strong>s ou<br />

patrons d’ateliers clandestins.<br />

A travers des situations absurdes, l’artiste dénonce l’exploitation de l’Homme. Le <strong>le</strong>itmotiv d’un « je<br />

fabrique des patrons », <strong>le</strong> rire et <strong>le</strong>s gestes de dérision des deux personnages démontrent qu’une<br />

résistance à cette exploitation est possib<strong>le</strong>. Ensemb<strong>le</strong>, ils faussent <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s du jeu : assimi<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s<br />

échecs aux dames pour exprimer avec ironie un échange peu équitab<strong>le</strong> ; invalident <strong>le</strong> statut de<br />

l’homme important en redéfinissant joyeusement, ce qui fait la va<strong>le</strong>ur d’une personne ; se recouvrent<br />

<strong>le</strong> visage d’un masque pour dénoncer l’esclavagisme contemporain ; confectionnent des<br />

patrons de papier calque ou gonf<strong>le</strong>nt des ballons jusqu’à ce qu’ils éclatent pour célébrer, dans un<br />

souff<strong>le</strong> de vie, la gratuité d’un geste. Cette dépense dans l’expérience de l’excès ou de la nuit noire<br />

rend, <strong>le</strong> jeu de l’autre, nécessaire.<br />

Fiction ou réalité ? Le regard de l’artiste peut paraître neutre. C’est principa<strong>le</strong>ment dans la transparence<br />

d’une prise de vue que s’opèrent <strong>le</strong> témoignage et l’identification. Sa participation par une voix<br />

hors champ, <strong>le</strong> té<strong>le</strong>scopage des émissions et de musiques choisies, <strong>le</strong> partage d’un verre de l’amitié<br />

transforme ce documentaire fiction en expérience commune. En manifestant son travail dans la rue<br />

ou en l’exposant dans un hôpital de gériatrie, Ulice Deborne prend <strong>le</strong> parti d’une culture non artistique<br />

et rapproche l’art de la vie.<br />

<strong>Karine</strong> <strong>Maire</strong><br />

Ulice<br />

DEBORNE<br />

action culturel<strong>le</strong> 23

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