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Sortie le 31 janvier<br />
Découvrez le fi lm en avant-première !<br />
Dossier<br />
pédagogique
Découvrez en avant-première !<br />
Vous êtes professeur de Lettres ou documentaliste au collège ou au lycée,<br />
nous vous invitons à découvrir le fi lm événement de Laurent Tirard en<br />
avant-première dans les villes suivantes :<br />
Aix-Marseille<br />
Amiens<br />
Bayonne<br />
Bordeaux<br />
Brest<br />
Clermont-Ferrand<br />
Avant-premières gratuites, réservées aux enseignants et aux documentalistes.<br />
Rendez-vous sur le site www.carresclassiques.com pour consulter la date<br />
de l’avant-première dans votre académie : dimanche 21 janvier (matin) ou<br />
mardi 23 janvier (soirée). Inscription obligatoire.<br />
x Pour en savoir plus sur le fi lm : www.moliere-lefi lm.com<br />
Laurent Tirard<br />
dans votre<br />
classe !<br />
JEU<br />
CONCOURS<br />
Dijon<br />
Grenoble<br />
La Rochelle<br />
Le Mans<br />
Lille<br />
Lyon<br />
Montpellier<br />
Nancy<br />
Nantes<br />
Nice<br />
Orléans<br />
Paris<br />
Laurent Tirard dans votre classe !<br />
Poitiers<br />
Rennes<br />
Rouen<br />
Strasbourg<br />
Toulouse<br />
Tours<br />
Vous pourrez rencontrer le réalisateur Laurent Tirard, en participant<br />
du 8 janvier au 27 février 2007 à notre grand jeu-concours « Molière en classe »* ! À<br />
gagner également : des livres, des affi ches du fi lm…<br />
Rendez-vous sur www.carresclassiques.com pour plus de détails.<br />
* Jeu organisé par Nathan, maison d’édition de SEJER, SA au capital de 26.602.500 €, dont le siège social est au 30 Place d’Italie, 75702<br />
Paris, RCS Paris B 393 291 042, organisé du 8 janvier au 27 février 2007 inclus, réservé à la France Métropolitaine. Modalités du jeu et<br />
règlement complet accessible sur www.carresclassiques.com.
Un fi lm de Laurent Tirard<br />
Scénario : Laurent Tirard et Grégoire Vigneron<br />
Produit par Fidélité – Olivier Delbosc – Marc Missonnier<br />
En association avec Virtual Films et Wild Bunch<br />
En co-production avec France 3 cinéma et France 2 cinéma<br />
Avec la participation de Canal + et TPS Star<br />
Distribué par Wild Bunch Distribution<br />
Ventes internationales Wild Bunch<br />
www. carresclassiques.com
2 •<br />
• Réalisation ....................................Laurent Tirard<br />
• Interprétation ...............................Romain Duris (Molière)<br />
........................................................Fabrice Luchini (Jourdain)<br />
........................................................Laura Morante (Elmire)<br />
........................................................Edouard Baer (Dorante)<br />
........................................................Ludivine Sagnier (Célimène)<br />
........................................................Fanny Valette (Henriette)<br />
........................................................Gonzague Requillart (Valère)<br />
........................................................Philippe du Janerand (M. Bonnefoy)<br />
........................................................Gilian Petrovski (Thomas)<br />
........................................................Sophie-Charlotte Husson (Madeleine Béjart)<br />
• Scénario, adaptation et dialogues .....Laurent Tirard<br />
........................................................Grégoire Vigneron<br />
• Décors ..........................................Françoise Dupertuis<br />
• Costumes ......................................Pierre-Jean Larroque<br />
Dossier pédagogique Nathan<br />
Présentation : Cécile de Cazanove et Sophie Pailloux<br />
Maquette : Laurence Ningre<br />
Photos : Jean-Marie Leroy © Fidélité fi lms 2006<br />
Dessins : Pierre-Jean Larroque<br />
Édition : Marion Noesser/Marie-Hélène Tournadre<br />
© Nathan, 2006. ISBN 313-3-09-107066-3<br />
Imprimé en FRANCE par CLERC
ien avant d’être élevé au rang<br />
de génie sous le nom de Molière,<br />
celui qui n’est encore que Jean-Baptiste<br />
Poquelin connaît des débuts<br />
diffi ciles. Excellent comédien, mais<br />
s’évertuant à jouer des tragédies<br />
pour lesquelles il n’a aucun talent,<br />
il survit tant bien que mal avec sa<br />
modeste troupe, jusqu’au jour où<br />
il est jeté en prison pour dettes.<br />
C’est alors qu’un certain Monsieur<br />
Jourdain, riche commerçant, fait au<br />
jeune acteur une offre qu’il ne peut<br />
refuser : en échange du rachat de<br />
ses créances, Molière doit lui enseigner<br />
l’art de la comédie. Jourdain<br />
en a besoin pour éblouir Célimène,<br />
une jeune précieuse qui tient salon<br />
et pour laquelle il a écrit une pièce.<br />
La situation est d’autant plus<br />
complexe que la femme de Jourdain,<br />
Elmire, ne doit rien découvrir.<br />
Molière est donc introduit chez<br />
Jourdain comme précepteur religieux<br />
de leur plus jeune fi lle. Éloigné<br />
de sa troupe, confronté à un homme<br />
peu doué pour les arts et obligé de<br />
jouer une comédie dans laquelle<br />
chaque situation quotidienne se<br />
transforme en piège, Molière ne rêve<br />
que de fuir. Mais au sein de cette<br />
maison bourgeoise, c’est une autre<br />
vie qu’il découvre. Observateur et<br />
vif, il perce vite à jour les secrets de<br />
chacun et surprend l’amour secret<br />
qu’Henriette, la fi lle de Jourdain,<br />
entretient avec le modeste Valère.<br />
Molière comprend aussi le double<br />
jeu de Dorante, noble aussi beau<br />
parleur que désargenté qui escroque<br />
Jourdain en lui promettant son entremise<br />
auprès de Célimène.<br />
Ce que Molière remarque le plus,<br />
néanmoins, c’est le charme d’Elmire,<br />
son esprit et sa désespérance d’épouse.<br />
Peu à peu, au mépris du danger,<br />
Molière la séduit, se révèle à elle, et<br />
vit une histoire d’amour interdite<br />
qui marquera sa vie pour toujours.<br />
Les choses s’accélèrent lorsque<br />
Dorante, plus que jamais décidé à<br />
s’accaparer la fortune de Jourdain,<br />
intrigue pour marier son fi ls à Henriette.<br />
Pour sauver Elmire et sa fi lle,<br />
mais aussi Jourdain malgré lui,<br />
Molière va imaginer un stratagème<br />
que seul le plus grand des auteurs<br />
pouvait mettre sur pied. Au bout de<br />
l’aventure, il y aura un départ, une<br />
rupture, un drame qui le hantera<br />
éternellement et lui donnera la force<br />
de faire rire de ce qui fait pleurer et<br />
d’écrire sur la vie comme personne<br />
d’autre ne saura jamais le faire…<br />
• 3
4 •<br />
L T<br />
Laurent Tirard a 39 ans. Il a fait des études de cinéma à<br />
New York University, a été lecteur de scénarios pour<br />
Warner Bros à Los Angeles, puis journaliste à Studio<br />
Magazine pendant six années. C’est pour ce magazine<br />
qu’il a créé la rubrique « Leçons de cinéma » : des<br />
interviews des plus grands réalisateurs de cinéma<br />
(Scorcese, Almodovar, Allen, Kusturica, Lynch, Godard,<br />
Burton…) en les interrogeant principalement sur<br />
leur manière de travailler, la direction d’acteurs, les<br />
techniques utilisées, etc.<br />
Il a ensuite travaillé sept ans comme scénariste (télévision<br />
et cinéma) et a réalisé deux courts-métrages,<br />
De source sûre (1999) et Demain est un autre<br />
jour (2000), avant de s’attaquer à son premier<br />
long-métrage, Mensonges et trahisons, et plus<br />
si affi nités, sorti en septembre 2004.<br />
Molière est son second fi lm.
M<br />
M<br />
À vingt-deux ans, Jean-Baptiste Poquelin, alias Molière,<br />
rêve encore d’être un grand tragédien. Mais le public et sa<br />
troupe de l’Illustre-Théâtre le préfèrent en farceur. Criblé<br />
de dettes, il est jeté en prison. Quand on retrouve sa trace,<br />
quelques mois plus tard, il est parti en province avec l’Illustre-<br />
Théâtre. Ce seront douze années de voyage et de tournées,<br />
avant un retour triomphal à Paris en 1658.<br />
Mais que s’est-il passé à sa sortie de prison ? Les historiens<br />
l’ignorent. Laurent Tirard a imaginé sa rencontre avec des<br />
individus qui deviendront les personnages de ses grandes<br />
comédies. Ainsi, c’est un certain Monsieur Jourdain qui<br />
rembourse ses dettes ; introduit dans le château de son<br />
bienfaiteur, le jeune dramaturge devra se déguiser en…<br />
Tartuffe, puis affronter Elmire, l’épouse de Jourdain, dont il<br />
deviendra l’amant…<br />
Comment cette expérience transformera-t-elle son existence ?<br />
Madeleine Béjart, Catherine de Brie, Gros René et tous les<br />
comédiens de l’Illustre-Théâtre sont unanimes : Molière<br />
n’est pas fait pour jouer la tragédie. Madeleine, son amante,<br />
le supplie d’y renoncer. Les huissiers accablent la troupe, la<br />
faillite est là, Molière est en prison pour dettes. Rien n’y fait.<br />
Le chef de la troupe s’obstine jusqu’au jour où…<br />
Les compagnons de Molière sauront-ils le convaincre de suivre<br />
sa véritable vocation ?<br />
-<br />
• 5
6 •<br />
M J<br />
E<br />
Monsieur Jourdain rêve de savoir peindre, danser et ferrailler,<br />
de composer une pièce, d’écrire d’élégants billets<br />
doux, de faire la révérence, de parler galamment, en un mot<br />
de faire oublier qu’il est marchand. Il voudrait unir sa fi lle<br />
à un comte, ou même à un duc, être l’ami d’un noble bien<br />
introduit à la Cour. Et surtout, il aimerait tant séduire Célimène<br />
la précieuse ! Mais il découvre que celle-ci le méprise, que sa<br />
fi lle Henriette est malheureuse, que son « ami » Dorante le<br />
dupe et… que sa femme le trompe avec Molière-Tartuffe.<br />
Ce Jourdain-là est-il le même que le Bourgeois de Molière ?<br />
Dans le fi lm, la séduisante Madame Jourdain se prénomme<br />
Elmire. Exaspérée par les fantaisies de son mari, irritée de<br />
se voir imposer un conducteur d’âmes en la personne de<br />
Molière-Tartuffe, elle sera néanmoins séduite par les talents<br />
d’écrivain qu’elle découvrira chez notre héros dramaturge.<br />
C’est elle qui, au cours de leur aventure éphémère, lui permettra<br />
de prendre conscience de son vrai génie : la comédie.<br />
Comment persuadera-t-elle le jeune homme de suivre sa voie ?
C<br />
D<br />
Noble mais sans fortune, Dorante doit sauver les apparences<br />
dans les salons mondains et surtout auprès de Célimène,<br />
qu’il courtise assidûment. Cet intrigant sans scrupule fl atte<br />
Monsieur Jourdain, le trompe, lui ment, le vole, cherche à<br />
marier son fi ls à la fi lle du riche Bourgeois, accepte de renoncer<br />
à cette union pour 30 000 livres, et se résout même à introduire<br />
son « ami » dans le salon de Célimène, au risque d’y<br />
perdre sa réputation de galant homme.<br />
Mais à trompeur, trompeur et demi ?<br />
« Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour »,<br />
soupire Monsieur Jourdain. Célimène a certes de beaux yeux<br />
mais surtout une langue de vipère. Malheur à ceux qu’elle<br />
épingle par des formules brillantes et assassines, telle l’héroïne<br />
du Misanthrope, à qui elle emprunte ses traits. Personne<br />
n’en sort indemne et Monsieur Jourdain semble la victime<br />
toute désignée de sa raillerie et de sa causticité.<br />
Cette « jolie vache déguisée en fl eur » achèvera-t-elle le bourgeois<br />
amoureux à coups de métaphores précieuses ?<br />
• 7
8 •<br />
V H<br />
Diffi cile d’être la fi lle de Monsieur Jourdain et d’échapper à<br />
ses desseins : son père a décidé de la marier à Thomas, fi ls<br />
du noble Dorante. Mais, de son côté, la jeune fi lle est éprise<br />
de Valère. Elle en est réduite à recevoir des billets doux en<br />
cachette dans le parc et à faire passer son soupirant pour<br />
un professeur de chant.<br />
Plus diffi cile encore de devenir le gendre de Monsieur Jourdain<br />
quand on n’est pas noble. Valère en fait la cruelle expérience.<br />
Henriette et Valère – Lucile et Cléonte dans Le Bourgeois<br />
gentilhomme – forment le couple traditionnel des amoureux<br />
contrariés par l’autorité paternelle.<br />
Molière parviendra-t-il à secourir le jeune couple ?
T<br />
M B<br />
Thomas est un jeune homme aux idées fort modernes : au<br />
grand effroi de son père Dorante, il veut travailler, dans le commerce<br />
de surcroît. Il a étudié le droit du négoce et c’est un<br />
adepte du « libéralisme économique » bien avant l’heure :<br />
les lois françaises sont trop strictes à son goût et il sait<br />
comment les contourner pour accroître le profi t ! Il propose<br />
même de délocaliser ses manufactures en Espagne. « Et<br />
pourquoi pas en Chine ? », lui répond son père, abasourdi par<br />
tant d’audace…<br />
Jourdain laissera-t-il un tel personnage épouser sa fi lle ?<br />
L’homme de confi ance de Monsieur Jourdain se voit confi er<br />
une mission délicate et secrète : trouver un auteur capable de<br />
transmettre les arts de la scène et du spectacle à son maître,<br />
afi n de séduire Célimène. Il est ensuite chargé de rédiger les<br />
articles du contrat qui lie Molière à son hôte, le tout, bien sûr,<br />
à l’insu de Madame Jourdain.<br />
À quelle occasion ce notaire va-t-il révéler ses talents de comédien ?<br />
• 9
MLa légende Molière<br />
De Molière, il ne reste ni manuscrit ni correspondance. Très tôt sa biographie s’est<br />
effacée derrière la légende. Alfred Simon en cite une : « Un paysan [serait] venu à Paris,<br />
conduisant une charrette pleine de manuscrits de Molière. Renvoyé de bureau en bureau<br />
par les fonctionnaires des ministères qui se déclaraient incompétents, le manant et sa<br />
charrette sont repartis le soir même pour disparaître à jamais. » La vie de Molière présente<br />
donc des zones d’ombre. L’une d’entre elles sert de point de départ au fi lm.<br />
10 •
1643 : Molière a 21 ans<br />
En 1643, l’Illustre-Théâtre naît de la rencontre de Jean-Baptiste Poquelin, qui prend<br />
alors le nom de Molière, et de la famille Béjart. Au début de l’année 1644, la troupe présente<br />
au public des tragédies. Échec sur échec. Les comptes font apparaître un défi cit considérable.<br />
Les chandelles dont on ne peut se passer pour éclairer la scène coûtent une fortune…<br />
qui part en fumée ! Le public boude cette nouvelle compagnie. Molière se retrouve<br />
en prison pour dettes, poursuivi par un blanchisseur et un fournisseur de chandelles.<br />
Les spectacles reprennent à sa sortie de prison. Hélas ! La situation se dégrade très<br />
rapidement et, à l’automne 1645, l’Illustre-Théâtre cesse d’exister.<br />
1645 : Molière disparaît !<br />
« Malheureusement, on ne sait absolument pas ce que devint après ceci notre héros. Il fut<br />
comme effacé de la surface de la terre et on ne le vit plus à Paris. Pendant toute une année, il<br />
ne donna pas signe de vie… » (Mikhaïl Boulgakov, Le Roman de Monsieur de Molière, 1933).<br />
Pour certains, Molière serait allé en Italie avec le duc de Guise mais rien n’est moins<br />
sûr. Une certitude toutefois : pendant l’été 1646, « un pauvre convoi avait quitté Paris par<br />
le faubourg Saint-Germain et avait pris la direction du sud de la France. »<br />
L’Illustre-Théâtre commence alors une tournée en province qui durera douze années.<br />
• 11
1658 : l’avènement du génie comique<br />
À son retour à Paris, en 1658, la troupe de l’Illustre-Théâtre s’est enrichie de nouveaux<br />
acteurs de talent et jouit d’une bonne renommée ; elle gagne la protection du Prince de<br />
Conti puis de Monsieur, frère du Roi. Molière, pendant ses années en province, a écrit des<br />
farces qui ont fait rire des salles entières. Il n’a pas pour autant renoncé à la tragédie et<br />
c’est une pièce de Corneille, Nicomède, qu’il présente le 24 octobre 1658 dans la salle du<br />
Vieux Louvre, en présence de Louis XIV. Les applaudissements sont maigres. Molière achève<br />
la représentation par une farce, qui remporte, elle, un franc succès. Les dés en sont jetés :<br />
une carrière d’auteur et d’acteur de comédie s’ouvre avec Les Précieuses Ridicules (1659).<br />
Elle s’achèvera en 1673 avec Le Malade Imaginaire.<br />
12 •
La trouvaille du fi lm<br />
« En lisant les biographies, nous sommes<br />
tombés sur le passage qui parle de la disparition<br />
de Molière en 1645… Nous avions envie<br />
de profi ter de cette brèche dans sa vie. »<br />
(Laurent Tirard)<br />
Mais le fi lm ne se contente pas de combler<br />
un vide biographique : « Molière a opéré son<br />
passage d’acteur à auteur. Son humanité<br />
nous a beaucoup parlé, et particulièrement<br />
son drame intime : avoir ce talent qu’il ne<br />
reconnaissait pas au début (comédien) et<br />
avoir envie d’un autre talent (tragédien),<br />
pour lequel il n’était pas fait. Cette frustration<br />
lui a fi nalement permis d’aller puiser de la<br />
profondeur dans la tragédie, qu’il a introduite<br />
dans la comédie. » (Laurent Tirard)<br />
Le fi lm mêle subtilement des fi gures qui<br />
deviendront les personnages de l’œuvre de<br />
Molière : M. Jourdain est aussi Orgon, celui<br />
du Tartuffe, et un peu Arnolphe, le barbon<br />
dupé de L’École des femmes. Le réalisateur<br />
multiplie les clins d’œil en introduisant les<br />
formules qui font la saveur des textes de<br />
Molière (« Le petit chat est mort »). Il reprend<br />
des situations connues : comme Orgon,<br />
Jourdain se retrouve sous une table pour<br />
confondre Tartuffe l’imposteur. Le spectateur<br />
est emporté dans un tourbillon où il devient<br />
à la fois diffi cile et délicieux de démêler le<br />
vrai du faux, le théâtre de la réalité, l’œuvre<br />
de la vie.<br />
Le film double le « drame intime »<br />
d’une rencontre amoureuse qui amènera<br />
Molière à reconnaître son véritable<br />
talent :<br />
Elmire. – Eh bien ! Jouez des comédies<br />
qui explorent l’âme humaine.<br />
Molière. – Ce genre de comédie<br />
n’existe pas.<br />
Elmire. – Alors inventez-le !<br />
• 13
14 •<br />
du<br />
‘<br />
Devant la Cour<br />
entréee<br />
o<br />
en scène cène<br />
ourgeois g<br />
Le 14 octobre 1670, au château de Chambord, Molière présente devant le roi et<br />
la Cour une nouvelle création, Le Bourgeois gentilhomme. Cette comédie-ballet<br />
remporte un succès immédiat : « En vérité, aurait déclaré Louis XIV à Molière, vous<br />
n’avez rien fait qui m’ait plus diverti, et votre pièce est excellente. » La troupe du<br />
Roi a déployé tout son talent : Armande Béjart tient le rôle de Lucile ; le jeune La Grange<br />
joue Cléonte. Plus étonnant pour nous, mais dans la tradition théâtrale de l’époque,<br />
Hubert joue le maître de musique aux actes I et II, et… Madame Jourdain dans la<br />
suite de la pièce ! Molière incarne Monsieur Jourdain et Lully apparaît, en mufti,<br />
pendant la cérémonie turque qui clôt la représentation.
Le Théâtre du Palais-Royal<br />
À Paris<br />
Historique de la pièce<br />
Inaugurée en 1641 par Richelieu, cette salle est la mieux aménagée de Paris. La scène est vaste (35 m x 17 m)<br />
et permet ainsi aux ballets de présenter avec faste les danses qui ponctuent la pièce. Les représentations<br />
du «Bourgeois gentilhomme» font salle comble…<br />
La pièce est reprise à Paris, au Théâtre du Palais-Royal, dès le 23 novembre 1670.<br />
Le public est varié : au parterre s’installe, debout, une foule peu fortunée et souvent<br />
très agitée. Les loges, installées dans des galeries sur les côtés de la salle, accueillent<br />
un public élégant mais souvent bavard. Certains jeunes aristocrates achètent, à chers<br />
deniers, des chaises ou des banquettes sur les côtés de la scène. Leur présence diminue<br />
l’espace des acteurs et perturbe régulièrement les spectacles : il arrive en effet que<br />
l’on prenne l’arrivée tardive d’un spectateur pour l’entrée d’un acteur ! Parfois aussi,<br />
des querelles éclatent entre le parterre à l’esprit moqueur et ces jeunes seigneurs enrubannés<br />
qui se pavanent sur scène. Les représentations sont souvent interrompues et<br />
reprennent quand le calme se fait, au cri de « Place au théâtre ! »<br />
• 15
16 •<br />
1 Molière auteur
2 Molière comédien<br />
• 17
Molière metteur en scène<br />
3<br />
18 •
Molière ou le théâtre incarné<br />
Le fi lm de Laurent Tirard, par sa fi ction, conduit le spectateur à pénétrer<br />
dans les coulisses de la création théâtrale. Molière (Romain Duris) y apparaît<br />
comme l’incarnation même du théâtre, dans tous ses aspects.<br />
x Chaque photo du fi lm saisit un moment particulier.<br />
1 1658 : Molière essaie en vain d’écrire une comédie pour Monsieur, frère du roi, et<br />
ne parvient toujours pas à renoncer à écrire et jouer des tragédies. Il s’agit<br />
d’une étape clé, celle où l’expérience vécue va devenir, par l’écriture, texte<br />
de théâtre, étape douloureuse, comme le signifi ent à la fois l’expression du<br />
personnage et le désordre qui règne autour de lui. Dans le retrait du monde<br />
que lui offre la nuit, Molière passe de la vie vécue à cette autre vie recréée.<br />
2 1645 : Molière a séduit Elmire. Sa chambre devient la scène où il mime pour la<br />
fl ash<br />
back<br />
Analyse des 3 images<br />
jeune femme, spectatrice, les attitudes courtisanes de M. Jourdain, sorte<br />
de chien docile. Il y révèle ses talents d’acteur comique, lui qui ne rêve<br />
encore que de jouer des tragédies. Cette scène représente un moment fondamental<br />
du parcours de Molière : la prise de conscience des pouvoirs du<br />
rire et la naissance d’un nouveau genre de comédie, à la fois satirique et<br />
subversif.<br />
3 1659 : La grande carrière de Molière commence, avec la représentation des Précieuses<br />
ridicules. Cette photo consacre l’apothéose du spectacle théâtral<br />
lui-même. De l’autre côté du rideau, Molière, l’homme, le créateur, le metteur<br />
en scène, s’efface derrière le monde qu’il a fait naître. Sous les feux de la<br />
scène, s’animent pour un public royal les fi gures de sa vie et les projections<br />
de son imagination. Le jeu d’ombres chinoises suggère cette frontière incertaine<br />
entre réalité et illusion qui constitue le pouvoir même du théâtre.<br />
• 19
LE BOURGEOIS GENTILHOMME (1670)<br />
Acte II, scène 4 (extrait)<br />
Monsieur Jourdain. – Au reste, il faut que je vous fasse une confi dence. Je suis amoureux<br />
d’une personne de grande qualité, et je souhaiterais que vous m’aidassiez à lui écrire quelque<br />
chose dans un petit billet que je veux laisser tomber à ses pieds.<br />
Maître de philosophie. – Fort bien.<br />
Monsieur Jourdain. – Cela sera galant, oui.<br />
Maître de philosophie. – Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ?<br />
Monsieur Jourdain. – Non, non, point de vers.<br />
Maître de philosophie. – Vous ne voulez que de la prose ?<br />
Monsieur Jourdain. – Non, je ne veux ni prose ni vers.<br />
Maître de philosophie. – Il faut bien que ce soit l’un, ou l’autre.<br />
“<br />
20 •<br />
Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez-moi<br />
mes pantoufl es, et me donnez mon bonnet de nuit », c’est de la prose ?<br />
”
Monsieur Jourdain. – Pourquoi ?<br />
Maître de philosophie. – Par la raison, Monsieur, qu’il n’y a pour s’exprimer que la prose, ou les vers.<br />
Monsieur Jourdain. – Il n’y a que la prose ou les vers ?<br />
Maître de philosophie. – Non, Monsieur : tout ce qui n’est point prose est vers ; et tout ce qui<br />
n’est point vers est prose.<br />
Monsieur Jourdain. – Et comme l’on parle qu’est-ce que c’est donc que cela ?<br />
Maître de philosophie. – De la prose.<br />
Monsieur Jourdain. – Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufl es, et me donnez<br />
mon bonnet de nuit », c’est de la prose ?<br />
Maître de philosophie. – Oui, Monsieur.<br />
Monsieur Jourdain. – Par ma foi ! Il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que<br />
j’en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela. Je voudrais donc<br />
lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ; mais je voudrais<br />
que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment.<br />
Maître de philosophie. – Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres ; que<br />
vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d’un…<br />
Monsieur Jourdain. – Non, non, non, je ne veux point tout cela ; je ne veux que ce que je vous<br />
ai dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.<br />
Maître de philosophie. – Il faut bien étendre un peu la chose.<br />
Monsieur Jourdain. – Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet ; mais<br />
tournées à la mode, bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les<br />
diverses manières dont on les peut mettre.<br />
Maître de philosophie. – On les peut mettre premièrement comme vous avez dit : Belle Marquise,<br />
vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : D’amour mourir me font, belle Marquise,<br />
vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien :<br />
Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir,<br />
belle Marquise, d’amour.<br />
Monsieur Jourdain. – Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?<br />
Maître de philosophie. – Celle que vous avez dite : Belle Marquise, vos beaux yeux me font<br />
mourir d’amour.<br />
Monsieur Jourdain. – Cependant je n’ai point étudié, et j’ai fait cela tout du premier coup. Je<br />
vous remercie de tout mon coeur, et vous prie de venir demain de bonne heure.<br />
• 21
Int. jour — Maison Jourdain, salon<br />
MOLIÈRE (2007)<br />
Scénario (extrait)<br />
Jourdain. – Dorante est là qui m’attend, porteur d’un présent pour ma douce Célimène.<br />
Mais je souhaite y joindre un mot bien tourné pour parfaire l’entreprise.<br />
Molière. – (Résigné) Et que voulez-vous lui dire ?<br />
Jourdain. – Je voudrais lui dire : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour.<br />
Mais je voudrais que cela fût mis d’une manière galante.<br />
Molière réfl échit.<br />
Molière. – Eh bien vous pourriez lui dire par exemple que les feux<br />
de ses yeux réduisent votre cœur en cendres, que...<br />
Jourdain. – Non, non, non. Je ne veux pas cela. Je ne veux que<br />
les mots que je vous ai dits : Belle Marquise, vos beaux yeux me<br />
font mourir d’amour. Mais je me demande s’il n’y a pas une<br />
autre façon de les tourner.<br />
Molière. – (Affl igé) Eh bien, on peut les mettre comme vous avez<br />
dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou<br />
bien : D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux.<br />
Ou bien : Vos beaux yeux d’amour me font, belle Marquise, mourir.<br />
Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour<br />
me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle<br />
Marquise, d’amour.<br />
Jourdain. – Mais laquelle est la meilleure ?<br />
Molière. – Celle que vous avez dite : Belle Marquise,<br />
vos beaux yeux me font mourir d’amour.<br />
Jourdain. – Incroyable ! Et elle m’est venue du<br />
premier coup !<br />
Molière est accablé.<br />
22 •
“<br />
Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font.<br />
Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour.<br />
”<br />
• 23
Analyse des 2 extraits<br />
Comment écrire un billet doux ?<br />
Telle est la question que se pose M. Jourdain,<br />
amoureux fou d’une marquise, Dorimène/Célimène,<br />
dont les noms se font écho. Il demande<br />
conseil au Maître de philosophie dans la pièce<br />
et à Molière dans le fi lm. Tous deux suggèrent<br />
d’écrire le billet doux en termes imagés, qui plairont<br />
à la belle précieuse : « les feux de ses yeux<br />
réduisent votre cœur en cendres ». Métaphores,<br />
hyperboles, emphase, le langage amoureux respire<br />
la préciosité en cette dernière moitié du XVII e siècle.<br />
M. Jourdain, lui, préfère une autre hyperbole,<br />
plus éculée, celle de l’amour fatal : « Belle Marquise,<br />
vos beaux yeux me font mourir d’amour »<br />
et il n’en démord pas. Ses conseillers, dans la<br />
comédie comme dans le fi lm, en sont réduits à<br />
proposer des variations acrobatiques autour de<br />
ces mots.<br />
Molière, un double du Maître<br />
de philosophie ?<br />
Les deux personnages sont au service de M.<br />
Jourdain, l’un pour lui enseigner la philosophie,<br />
l’autre pour lui apprendre à être acteur et à écrire.<br />
Le Maître de philosophie acquiesce à tout ce<br />
que dit M. Jourdain : « Oui, monsieur », « Je n’y<br />
manquerai pas ». Il ne laisse échapper aucun<br />
mouvement d’humeur, aucune trace d’impatience<br />
car il est à son service ! Molière, par contre,<br />
manifeste une affl iction grandissante au cours<br />
24 •
de la scène. Les gros plans sur le visage de Romain<br />
Duris soulignent le dépit de celui qui n’est<br />
pas écouté et qui se heurte à une obstination qui<br />
voisine au caprice.<br />
Le Maître de philosophie est un personnage<br />
secondaire. Dans le fi lm, l’épaisseur psychologique<br />
de Molière se construit peu à peu, au gré de ses<br />
confrontations avec M. Jourdain.<br />
Les métamorphoses de M. Jourdain<br />
La scène fait rire, au théâtre comme au cinéma,<br />
c’est indéniable. La phrase du billet, déclinée<br />
sous toutes les formes possibles, répétée mécaniquement<br />
et de plus en plus vite, fi nit par être<br />
tellement déformée qu’elle confi ne au non-sens.<br />
Les distorsions syntaxiques culminent dans le<br />
dernier avatar : « Me font vos yeux beaux mourir,<br />
belle Marquise, d’amour . » La chute de la scène<br />
est un exact retour au point de départ : M. Jourdain<br />
se félicite de ce qu’il croit être son talent naturel.<br />
Cependant, toute une partie du dialogue de la<br />
pièce a disparu dans le fi lm : les répliques, très<br />
célèbres, sur « prose et vers ». Il est vrai que<br />
l’urgence est plus grande : « Dorante est là qui<br />
m’attend, porteur d’un présent pour ma douce<br />
Célimène ». Cette suppression correspond à une<br />
infl exion du caractère de M. Jourdain, plus naïf<br />
que ridicule dans le fi lm.<br />
• 25
:<br />
L T G V<br />
x Comment est née l’idée de ce fi lm ? Vient-elle<br />
d’une fascination particulière pour Molière ?<br />
LT Non ! Je n’avais pas de vieille passion pour<br />
le personnage. C’est peut-être aussi ce qui m’a<br />
permis d’avoir un regard frais et neuf sur sa vie.<br />
J’avais envie d’orchestrer une rencontre fi ctionnelle<br />
entre l’auteur et ses personnages. En lisant les<br />
biographies, nous sommes tombés sur le passage<br />
qui parle de la disparition de Molière. On avait<br />
envie de profi ter de cette même brèche dans la vie<br />
de Molière, plus ou moins grande et réelle selon<br />
les historiens, pour inventer une fi ction dans laquelle<br />
Molière rencontrerait ses personnages.<br />
x Quel travail avez-vous effectué sur les biographies<br />
de Molière ?<br />
LT Les biographies qui nous ont intéressés<br />
étaient les moins offi cielles, comme celle de<br />
26 •<br />
Boulgakov. Nous avons trouvé les autres un peu<br />
froides, plus factuelles : elles fermaient les portes<br />
plus qu’elles ne les ouvraient à la fi ction.<br />
GV Ce qui nous a frappés, c’est son caractère,<br />
la personnalité qui se dessinait au fi l de nos lectures.<br />
Molière se trouvait à nos yeux dépoussiéré. Il<br />
apparaissait comme un personnage vivant, romanesque,<br />
entreprenant. C’était un vrai héros comme<br />
on les aime : à la fois fort et faible, courageux et<br />
couard, plein de défauts, caractériel.<br />
LT L’humanité du personnage nous a ainsi<br />
beaucoup parlé, et particulièrement son drame<br />
intime : avoir ce talent qu’il ne reconnaissait pas<br />
au début (comédien) et avoir envie d’un autre<br />
talent (tragédien), pour lequel il n’était pas fait.<br />
Cette frustration lui a permis d’aller puiser de la<br />
profondeur dans la tragédie, qu’il a introduite<br />
dans la comédie.<br />
x Craignez-vous que l’on vous accuse d’avoir<br />
« trahi » Molière ?<br />
LT La question ne s’est jamais vraiment posée : le<br />
poids du personnage ne nous a pas gênés, il ne faut<br />
d’ailleurs pas penser à ce genre de choses. L’idée<br />
était de faire un fi lm qui nous permettait de mettre<br />
tout ce qui nous plaisait chez Molière, tout ce<br />
qu’on aimait dans ses pièces, et que le tout soit<br />
fi dèle à l’esprit de Molière. Nous avons fi nalement<br />
essayé de refabriquer une pièce de Molière.<br />
x Votre fi lm se nourrit du théâtre de Molière,<br />
mais vous avez privilégié trois pièces : Le
Tartuffe, Le Bourgeois gentilhomme et Le Misanthrope.<br />
Pourquoi ?<br />
GV Nous avons répertorié de façon exhaustive<br />
toutes les situations qui nous plaisaient – et elles<br />
sont nombreuses – puis tous les personnages,<br />
tous les dialogues et toutes les expresssions. À<br />
partir de là, nous avons construit notre propre<br />
histoire. Il s’est trouvé que nous étions principalement<br />
dans ces trois pièces-là parce qu’elles correspondaient<br />
le mieux à notre sujet : l’opposition<br />
entre M. Jourdain et Molière, l’homme de mauvais<br />
goût et l’homme de bon goût, le rapport complexe et<br />
ambigu entre l’artiste et l’homme de pouvoir. Une<br />
question très présente à notre avis chez Molière.<br />
Dans notre fi lm, Jourdain s’appelle Jourdain parce<br />
qu’il a plus le caractère de Jourdain, mais il y a aussi<br />
Dandin, Orgon, Chrysale et même Monsieur de<br />
Pourceaugnac dans ce personnage. De même,<br />
Célimène aurait pu s’appeler Philaminte.<br />
x La complexité de votre M. Jourdain estelle,<br />
selon vous, présente dans Le Bourgeois<br />
gentilhomme ?<br />
LT Je ne crois pas : il est ridicule, naïf et stupide<br />
dans la pièce (il joue le rôle traditionnel de la dupe<br />
chez Molière). Sa complexité dans le fi lm vient du<br />
fait qu’il est construit à partir de plusieurs personnages<br />
de bourgeois des pièces de Molière, ce<br />
qui lui donne plus d’épaisseur. Elle correspond<br />
aussi à la vision que pouvait avoir Molière des<br />
bourgeois, infl uencée par son rapport à son père :<br />
un rapport de haine et de tendresse mêlées.<br />
GV C’est là d’ailleurs sa force, on sent qu’il peut se<br />
mettre à la place de tout le monde : un homme, une<br />
femme, un bourgeois, un paysan, un aristocrate…<br />
LT Ce qui est très intéressant, c’est le rapport entre<br />
M. Jourdain et Molière : un rapport confl ictuel<br />
entre l’artiste et le riche parvenu que le premier<br />
méprise mais dont il est obligé de reconnaître la<br />
sincérité, le travail et le courage. Ce thème nous<br />
plaît beaucoup car il évoque le confl it entre l’art et<br />
l’argent et le rapport au pouvoir. Une thématique<br />
qui ne pouvait être intéressante que si les deux<br />
personnages étaient de complexité égale.<br />
x Quelle image de Molière souhaitez-vous que<br />
le public retienne de votre fi lm ?<br />
GV Molière a vécu dans son époque intensément.<br />
Nous avons voulu montrer que son talent<br />
n’était pas inné mais qu’il était le fruit d’un travail<br />
acharné, d’une réfl exion menée sur une vie entière<br />
et nourrie par ses angoisses, ses voyages, ses expériences…<br />
Il a pris des risques, a été mis au ban de<br />
la société, a connu une vie très diffi cile, mais s’est<br />
consacré entièrement à son art.<br />
LT Nous souhaiterions que le public prenne le<br />
même plaisir à le redécouvrir et à réécouter ses<br />
comédies que nous, que ce fi lm efface le vieux<br />
souvenir scolaire et poussiéreux de Molière<br />
pour laisser la place à l’esprit brillant, pertinent,<br />
contemporain et humain qu’il fut. z<br />
• 27
x Comment vous êtes-vous préparé pour<br />
ce rôle ?<br />
J’ai abordé le personnage par étapes. Pour me<br />
documenter, je suis allé en premier lieu au musée<br />
du Louvre étudier des tableaux du XVII e siècle.<br />
Dans un second temps, je me suis rendu à la<br />
Comédie-Française. Au cœur de ce temple<br />
de l’art dramatique, le poids de l’image que<br />
l’on donne de cet homme m’a presque écrasé.<br />
Alors que j’essayais jusqu’à présent de ne pas<br />
me laisser impressionner par la dimension<br />
mythique du personnage, j’ai presque eu peur<br />
de le jouer. Je me suis alors posé une série de<br />
questions : que signifi ait, à l’époque, être artiste<br />
dramatique ? comment vivre de son art ? qui<br />
serait-il aujourd’hui ? Sans doute serait-il<br />
tenté par le cinéma, parce que ce génie vivait<br />
en adéquation avec son temps. Enfi n, j’ai relu<br />
quelques pièces.<br />
28 •<br />
: R D<br />
En défi nitive, c’est la scène du théâtre qui m’a<br />
libéré. Sur les planches, on ressent une émotion<br />
très personnelle et l’intimité qui se crée avec la<br />
salle, le parterre, m’a rassuré sur la liberté que<br />
j’avais d’interpréter le rôle.<br />
x Comment vous êtes-vous approprié le<br />
personnage de Molière comédien, tel que<br />
le film le représente ?<br />
Laurent Tirard a longtemps hésité sur une<br />
question importante : fallait-il ou non prendre<br />
des libertés avec l’époque ? Personnellement,<br />
il me semblait nécessaire de me conformer au<br />
style du XVII e siècle, et je souhaitais interpréter<br />
le personnage de façon réaliste. Peut-être parce<br />
qu’il s’agissait de Jean-Baptiste Poquelin et<br />
d’un fi lm d’époque, mais je me suis beaucoup<br />
plus préparé en amont que pour mes précédents<br />
fi lms, et ce fut un plaisir ! J’ai beaucoup travaillé<br />
les scènes de tragédie : j’ai appris à déclamer, à<br />
réciter, je me suis entraîné avec un spécialiste.<br />
J’ai également fait de la calligraphie. Une heure<br />
par jour, la pratique de l’écriture à la plume<br />
me transportait ailleurs. Je suis peu à peu entré<br />
dans le personnage, au point de reprendre au<br />
quotidien certains mots et certains aspects de<br />
la diction de l’époque !<br />
L’idée de modernité m’a aussi rapproché de<br />
Molière : il était de son époque autant que<br />
je peux l’être de la mienne. Laurent Tirard a<br />
dessiné un personnage humain, complexe, qui<br />
bouillonne d’envies, d’ambition et de doutes.<br />
C’est un artiste face à son œuvre et un homme
face à lui-même. Il aimait ceux dont il se moquait,<br />
et cela contribue, je crois, au ton comique de<br />
ses comédies. Ce qui comptait pour lui, c’étaient<br />
les situations, la vie, nos failles. À travers cette fragilité,<br />
je me suis senti proche du personnage.<br />
En revanche, interpréter un homme aussi à l’aise<br />
avec la comédie représentait un véritable défi .<br />
x Quels sont vos souvenirs de lycéen de<br />
Molière ?<br />
Du théâtre de Molière, je n’ai gardé malheureusement<br />
qu’une image poussiéreuse, acquise<br />
à l’école. En relisant ses pièces pour préparer<br />
le fi lm, j’ai pris conscience de la distance abyssale<br />
entre la façon dont on nous le présentait et la<br />
vie, l’énergie que Jean-Baptiste Poquelin avait<br />
mises dans son travail. Aurait-il apprécié les<br />
mises en scène très classiques, que l’on propose<br />
si souvent aujourd’hui de ses pièces ? Pas sûr…<br />
Son œuvre peut parfaitement captiver les élèves,<br />
si on la présente de façon vivante, sans<br />
emphase inutile. Molière est moderne, critique,<br />
volontiers subversif. C’est en tout cas l’image que<br />
le fi lm donne de lui. Avec justesse, je crois.<br />
x Quels conseils donneriez-vous à des<br />
élèves pour leur faire lire Molière ?<br />
Voilà une question bien diffi cile ! Peut-être<br />
faudrait-il éviter d’asséner aux élèves le poncif<br />
suivant, très décourageant : « Lisez-le, même<br />
si c’est diffi cile, car vous aurez envie de le relire<br />
plus tard. » C’est faux. Je leur dirais plutôt que<br />
Molière était un homme moderne, un marginal,<br />
un provocateur, et qu’il utilisait l’humour en<br />
virtuose pour se moquer de ses contemporains.<br />
J’emmènerais les élèves au Louvre pour<br />
leur montrer les toiles de l’époque, je les ferais<br />
monter sur les planches d’un théâtre, pour<br />
qu’ils appréhendent mieux l’émotion intense<br />
que l’on peut ressentir face au public ! z<br />
• 29
: L<br />
F<br />
x Le personnage de Jourdain, vous a-t-il séduit<br />
quand on vous l’a proposé ?<br />
Non, le personnage ne me séduisait pas. Le<br />
Bourgeois gentilhomme est une comédie qui m’intéresse<br />
moyennement. De M. Jourdain, j’avais<br />
la vision fi gée de l’incarnation de la naïveté. C’est<br />
plus un type qu’un personnage, selon moi. C’est<br />
d’ailleurs là qu’est le génie de Molière : par un élément,<br />
une réplique, il crée un « type ». M. Jourdain<br />
est ainsi « celui qui fait de la prose sans le savoir ».<br />
Seul le désir du metteur en scène, Laurent Tirard,<br />
m’a fait accepter le rôle.<br />
x Le personnage dans le film, justement, est<br />
plus qu’un type ?<br />
Oui ! Il est drôle au début, tragique à la fi n. Quand il<br />
enlève sa perruque dans le salon de Célimène, il est<br />
pathétique. Et puis, c’est un composé de plusieurs<br />
30 •<br />
personnages de Molière : il y a du Chrysale, de<br />
l’Arnolphe en lui. Tirard a créé un bourgeois assez<br />
éloigné de la convention.<br />
x Avez-vous fait évoluer le personnage du<br />
scénario ?<br />
Je n’ai pas vraiment infl échi le personnage, je me<br />
suis laissé diriger par Laurent Tirard. Dans La<br />
Discrète, c’était la même chose : je ne croyais pas<br />
vraiment à ce personnage quand j’ai lu le scénario.<br />
C’est la détermination du metteur en scène qui<br />
m’a convaincu. Pour moi, d’ailleurs, l’acteur n’a<br />
pas à avoir d’opinion sur son rôle. Il sait ce qu’il<br />
peut faire ou ne pas faire. Il y a, dans le personnage<br />
de M. Jourdain chez Molière, une véritable dimension<br />
burlesque, ridicule, que je ne saurais pas<br />
rendre. Je ne l’ai donc pas joué burlesque, mais<br />
naïf. S’il y a quelque chose que j’ai apporté à Laurent<br />
Tirard, c’est l’émerveillement du personnage.<br />
x Avez-vous déjà joué des personnages de<br />
Molière ? Quel rôle aimeriez-vous interpréter ?<br />
Je n’ai jamais joué de personnage de Molière à la<br />
scène, mais je l’ai beaucoup travaillé. Jouvet disait<br />
qu’il fallait à l’acteur 50 minutes de gammes quotidiennes<br />
sur Molière. Pour moi, c’est la langue<br />
qui fait son génie : une langue à la fois diffi cile et<br />
organique, une langue qui n’a pu être écrite que<br />
par un acteur de génie, une langue puissante et<br />
étonnante, plus en vers qu’en prose, d’ailleurs. z
: D<br />
F<br />
P -J<br />
L<br />
x Quelles ont été les directives de Laurent Tirard ?<br />
Travaillez-vous ensemble ou séparément ?<br />
FD Laurent Tirard est un metteur en scène très<br />
ouvert et nous avons eu beaucoup de liberté dans<br />
notre travail. Le scénario donne bien sûr des indications<br />
précises (scènes en extérieur, en intérieur, lieu<br />
« nouveau riche » ou populaire…), mais la part de<br />
créativité est très grande pour imaginer les décors<br />
et les ambiances de chaque scène. Nous en avons<br />
beaucoup parlé dans la période de repérage des<br />
lieux et pendant toute la préparation du fi lm,<br />
avant tournage. C’est un moment essentiel du<br />
processus d’élaboration des décors.<br />
C’est ainsi que j’ai un peu triché par exemple sur<br />
la période : le fi lm se déroule surtout avant le départ<br />
en tournée de Molière avec l’Illustre-Théâtre<br />
(en 1646), mais j’ai un peu décalé le style dans<br />
le temps, vers la fi n du siècle, plus riche, plus<br />
visuelle, avec plus de dorures, de faste, qui était<br />
plus en harmonie avec les personnages. Nous essayons<br />
d’être au plus proche de la réalité dans la<br />
sensation. Il était plus important de souligner la<br />
(<br />
(<br />
richesse de M. Jourdain que de se soumettre au<br />
style Louis XIII, très triste, avec des meubles en<br />
bois tourné et des tissus sombres qui ne racontaient<br />
pas le bon personnage. C’était trop austère.<br />
L’important est de donner du sens.<br />
JPL J’aime voir ce que le chef décorateur a repéré<br />
avant de créer les costumes, pour m’imprégner<br />
du lieu. Un exemple : à la fi n du fi lm, le lieu choisi<br />
(Versailles) est un théâtre du XVIII e siècle, qui a<br />
une palette de couleurs spécifi que de cette époque.<br />
Il était diffi cile d’y intégrer des costumes du<br />
XVII e siècle, dont la gamme de couleurs était différente.<br />
J’ai donc opté pour une harmonisation des<br />
couleurs. Nous travaillons toujours ensemble, ce<br />
qui nous permet de créer une unité fi lmique.<br />
x Comment se sont effectués le<br />
repérage et le choix des lieux<br />
et costumes du film ?<br />
FD Pour des raisons pratiques,<br />
il fallait tourner en Îlede-France,<br />
où les châteaux XVII e<br />
sont nombreux, mais, hélas, pas<br />
mal transformés au XIX e , voire au<br />
XX e siècle. La diffi culté consistait<br />
donc à retrouver l’ambiance particulière<br />
de l’époque, à travers ces<br />
modifi cations, en les gommant,<br />
ce qui est assez complexe,<br />
quand les sols et les plafonds<br />
)<br />
)<br />
• 31
ont été modifi és : les décors muraux<br />
peuvent être facilement maquillés,<br />
voire redoublés par mes équipes, alors<br />
qu’il est techniquement très diffi cile<br />
de redoubler un plafond décoré.<br />
Nous avons donc trouvé un château,<br />
près de Paris, en assez mauvais<br />
état, mais qui pouvait se plier<br />
à ces contraintes. Certaines<br />
pièces étaient trop grandes<br />
pour le scénario : elles ont été<br />
recoupées et retravaillées en<br />
volume. D’autres ont été<br />
intégralement habillées en<br />
bois, cimaises et lambris.<br />
Les tableaux<br />
ont joué un grand<br />
rôle dans ces décors, et j’ai<br />
recherché les toiles qu’un nouveau riche aurait<br />
pu acquérir. C’est ainsi que Jourdain est montré<br />
dans un univers pictural allant de Poussin à De La<br />
Tour, en passant par Vermeer.<br />
C’est aussi dans les communs de ce château que<br />
j’ai reconstitué une taverne avec l’ambiance de<br />
l’époque, en m’inspirant largement des peintures<br />
fl amandes qui sont une source d’une très grande<br />
richesse pour la documentation sur l’époque.<br />
Quant aux extérieurs, il a fallu trouver d’autres<br />
jardins, et tourner dans un autre château, devant<br />
une autre façade.<br />
JPL Je ne m’inspire pas des travaux de costumiers<br />
qui ont déjà interprété une époque. Ce que<br />
je recherche, ce sont des documents d’époque et<br />
la manière dont je vais pouvoir m’en servir au<br />
mieux pour créer l’ambiance qui convient au fi lm.<br />
32 •<br />
x Quel travail particulier avez-vous effectué<br />
pour les lieux théâtraux eux-mêmes ?<br />
FD Les scènes de théâtre ont été tournées avec la<br />
machinerie existante du Petit Théâtre de Versailles<br />
et ses machinistes. Les changements de décor ont<br />
été faits à vue, avec cette machinerie d’époque qui<br />
vient d’être restaurée. Ce Petit Théâtre, fait pour<br />
Marie-Antoinette, qui aimait jouer à Versailles, est<br />
très fragile : tout en bois, il ne peut accueillir des représentations<br />
publiques pour des raisons de sécurité.C’est<br />
un vrai privilège que d’avoir pu y tourner.<br />
C’est aussi une occasion de le montrer au public…<br />
JPL J’ai recherché l’unité scénique des représentations<br />
théâtrales des pièces de Molière dans le<br />
fi lm, de manière à ce qu’on ne puisse les confondre<br />
avec les scènes « réelles » : je souhaitais que les<br />
spectateurs sentent immédiatement à l’écran que<br />
l’on était au théâtre, sans tomber dans la « Comédie-Française<br />
des années 50 ». Or, à l’époque, afi n<br />
d’être bien vus, les acteurs portaient beaucoup de<br />
doré et d’argent, se maquillaient le visage en blanc<br />
et soulignaient leurs sourcils de noir. Les costumes<br />
de scène sont ainsi tous dans cette palette de couleurs<br />
afi n de bien mettre en valeur leur aspect théâtral.<br />
x La personnalité de l’acteur influence-t-elle<br />
vos choix ?<br />
JPL Je suis toujours à l’écoute des acteurs. Je<br />
leur soumets quelques idées et je leur pose des<br />
questions afi n de mieux cerner la manière dont<br />
ils voient leur personnage. L’essentiel repose sur<br />
la perception qu’aura l’acteur de mes créations :<br />
j’apprécie donc qu’il participe au choix du costume<br />
car il va vivre dedans. Le costume doit devenir<br />
vêtement ! z
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