01.07.2013 Views

La traduction caduque, retraduction et contexte culturel (en ...

La traduction caduque, retraduction et contexte culturel (en ...

La traduction caduque, retraduction et contexte culturel (en ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

textes étrangers » 1 . Ce type de <strong>traduction</strong> m<strong>et</strong> <strong>en</strong> cause le problème de la<br />

fidélité par rapport au texte-source ; aussi faut-il m<strong>en</strong>tionner le fait que<br />

ces traducteurs m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t au c<strong>en</strong>tre de leur démarche le respect de<br />

l’Auteur, ce qui pourrait paraître paradoxal pour le lecteur du XXI e<br />

siècle, vu les transformations auxquelles ils soum<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t le texte-source.<br />

Dans son introduction à la <strong>traduction</strong> de Luci<strong>en</strong>, adressée à<br />

Monsieur Conrart, secrétaire <strong>et</strong> conseiller du roi, d’Ablancourt justifie<br />

son choix de modifier le texte-source par la nécessité de « faire quelque<br />

chose d’agréable ; autrem<strong>en</strong>t ce ne seroit pas Luci<strong>en</strong> ; & ce qui plaist <strong>en</strong><br />

sa <strong>La</strong>ngue ne seroit pas supportable <strong>en</strong> la nostre » 2 . C<strong>et</strong>te image de<br />

l’Auteur, qui parvi<strong>en</strong>t à parler la langue-cible par l’intermédiaire du<br />

traducteur, est la clé pour compr<strong>en</strong>dre la notion de fidélité dans ce<br />

<strong>contexte</strong>. Le traduire est perçu comme un acte qui présuppose la<br />

capacité de s’id<strong>en</strong>tifier à l’Auteur dont on traduit l’œuvre, de r<strong>en</strong>dre<br />

l’ess<strong>en</strong>ce de sa p<strong>en</strong>sée dans la langue-cible. Le fait d’adapter le textesource<br />

aux normes de la culture-cible, <strong>en</strong> le modifiant parfois de<br />

manière fondam<strong>en</strong>tale, constitue donc une nécessité qui résulte du<br />

respect de l’Auteur. Le traducteur est, à son tour, un auteur, qui choisit<br />

les textes à traduire <strong>en</strong> fonction de sa capacité d’empathie quant à<br />

l’écriture d’un auteur étranger.<br />

On r<strong>et</strong>rouve ces idées dans la préface de l’abbé du Resnel, qui cite<br />

le comte de Roscommon <strong>en</strong> ce qui concerne le fait qu’il faut choisir son<br />

auteur comme on choisit un ami, ce choix étant déterminé par la<br />

sympathie <strong>et</strong> par « le rapport du goût & des inclinations » (p. XIV). Il <strong>en</strong><br />

résulte une union de p<strong>en</strong>sées, expression, style <strong>et</strong> esprit, ayant comme<br />

résultat une id<strong>en</strong>tification totale : « Bi<strong>en</strong>tôt vous cesserez d’être<br />

Traducteur & vous devi<strong>en</strong>drez un autre lui-même » (ibid.). Compr<strong>en</strong>dre<br />

signifie, dans c<strong>et</strong>te situation, avoir la capacité de se substituer à l’autre,<br />

d’emprunter son rythme jusque dans les moindres détails. Par<br />

conséqu<strong>en</strong>t, la <strong>traduction</strong> ne se résume pas au texte traduit, elle doit<br />

découler d’un travail d’assimilation de l’altérité. Il s’agit d’une<br />

recréation, qui se construit à la faveur d’une id<strong>en</strong>tification totale <strong>et</strong> non<br />

pas d’un rapport de ressemblance. C’est sur c<strong>et</strong>te distinction<br />

fondam<strong>en</strong>tale que doit s’appuyer la compréh<strong>en</strong>sion de la <strong>traduction</strong> de<br />

l’abbé du Resnel.<br />

À l’opposé de c<strong>et</strong>te approche de la <strong>traduction</strong> se trouve la<br />

démarche d’Éti<strong>en</strong>ne de Silhou<strong>et</strong>te, qui fait le choix de traduire L’essai<br />

sur l’homme <strong>en</strong> prose. C<strong>et</strong>te décision est justifiée par le fait que toutes<br />

les <strong>traduction</strong>s serai<strong>en</strong>t inférieures à l’original (p. 304), donc ce type de<br />

1<br />

BERMAN, Antoine, <strong>La</strong> <strong>traduction</strong> <strong>et</strong> la l<strong>et</strong>tre ou l’auberge du lointain, Seuil, Paris,<br />

1999, p. 38.<br />

2<br />

v. Luci<strong>en</strong> de la Traduction de N. Perrot d’Ablancourt, T. Jolly, Paris, 1664, p. 14.<br />

151

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!