01.07.2013 Views

La traduction caduque, retraduction et contexte culturel (en ...

La traduction caduque, retraduction et contexte culturel (en ...

La traduction caduque, retraduction et contexte culturel (en ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

différemm<strong>en</strong>t dans l’espace normé du XVIII e siècle : le texte <strong>en</strong> prose<br />

d’Éti<strong>en</strong>ne de Silhou<strong>et</strong>te (1736) <strong>et</strong> les <strong>traduction</strong>s <strong>en</strong> vers de l’abbé du<br />

Resnel (1737) <strong>et</strong> de Louis de Fontanes (1783).<br />

L’éducation des lecteurs<br />

<strong>La</strong> préoccupation d’éduquer le lecteur semble être le but commun<br />

des traducteurs de L’Essai sur l’homme de Pope. C<strong>et</strong> aspect se reflète<br />

dans le titre choisi par l’abbé du Resnel : Les principes de la morale <strong>et</strong><br />

du goût : <strong>en</strong> deux poëmes traduits de l’anglois de M. Pope par M. du<br />

Resnel 1 . C<strong>et</strong>te <strong>traduction</strong>, qui paraît <strong>en</strong> 1737, reflète le double <strong>en</strong>jeu de<br />

former la morale <strong>et</strong> le goût du public, la morale étant associée à L’Essai<br />

sur l’homme, <strong>et</strong> le goût – à L’Essai sur la critique. Précisons que les<br />

explicitations des titres constitu<strong>en</strong>t une pratique assez fréqu<strong>en</strong>te dans les<br />

<strong>traduction</strong>s du XVIII e siècle, un principe que le Dictionnaire de<br />

Fur<strong>et</strong>ière 2 r<strong>en</strong>d par une formule suggestive : « le titre est le proxénète<br />

d’un livre, ce qui le fait v<strong>en</strong>dre ».<br />

Dans Le discours préliminaire du traducteur, qui s’ét<strong>en</strong>d sur<br />

soixante pages, l’abbé du Resnel condamne la multitude de romans,<br />

histori<strong>et</strong>tes, contes, à cause desquels les auteurs « se croy<strong>en</strong>t obligés de<br />

faire sérieusem<strong>en</strong>t des excuses au Public, lorsqu’ils travaill<strong>en</strong>t à<br />

l’instruire » (p. I). C<strong>et</strong>te affirmation s’inscrit dans le discours de<br />

discréditation du roman 3 , souv<strong>en</strong>t considéré comme une mauvaise<br />

influ<strong>en</strong>ce sur l’éducation. Condillac prés<strong>en</strong>te <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s les dangers que<br />

la lecture peut comporter pour ceux qui se laiss<strong>en</strong>t aller à « bâtir des<br />

châteaux <strong>en</strong> Espagne » 4 , surtout pour les personnes « dont le cerveau est<br />

fort t<strong>en</strong>dre » 5 . De même, dans L’an deux mille quatre c<strong>en</strong>t-quarante :<br />

rêve s’il <strong>en</strong> fût jamais 6 , Louis-Sébasti<strong>en</strong> Mercier imagine la destruction<br />

de tous les livres dont la lecture est considérée comme dangereuse :<br />

l’idée d’avoir mis le feu volontairem<strong>en</strong>t aux livres de la Bibliothèque du<br />

Roi, tout <strong>en</strong> gardant seulem<strong>en</strong>t quelques volumes, y est expliquée par le<br />

1<br />

POPE, Alexander, Les principes de la morale <strong>et</strong> du goût : <strong>en</strong> deux poëmes. Discours<br />

préliminaire du traducteur, chez Briasson, Paris, 1737.<br />

2<br />

v. Le Dictionnaire universel d’Antoine Fur<strong>et</strong>ière, t. III, 1701, p. 904.<br />

3<br />

Sur ce suj<strong>et</strong>, voir TOMA, Radu, Epistemă, ideologie, roman : secolul XVIII francez,<br />

Univers, Bucureşti, 1982, pp. 63-67.<br />

4<br />

CONDILLAC, Éti<strong>en</strong>ne Bonnot de, Œuvres de Condillac, revues, corrigées par<br />

l’auteur, imprimées sur ses manuscrits autographes <strong>et</strong> augm<strong>en</strong>tées de <strong>La</strong> langue des<br />

calculs, ouvrage posthume, t. 1, imprimerie de Ch. Houel, Paris, 1798, p. 127.<br />

5<br />

Ibid., p. 129.<br />

6<br />

v. MERCIER, Louis-Sébasti<strong>en</strong>, L'an deux mille quatre c<strong>en</strong>t-quarante : rêve s'il <strong>en</strong> fût<br />

jamais ; suivi de L’homme de fer : songe, 1786, pp. 321-322.<br />

148

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!