01.07.2013 Views

La traduction caduque, retraduction et contexte culturel (en ...

La traduction caduque, retraduction et contexte culturel (en ...

La traduction caduque, retraduction et contexte culturel (en ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Dans la vision bermani<strong>en</strong>ne, la <strong>traduction</strong>, <strong>en</strong> général, se place<br />

dans une temporalité propre, se trouvant sous le signe de la caducité <strong>et</strong><br />

de l’inachèvem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> c’est seulem<strong>en</strong>t la re<strong>traduction</strong>, considérée dans<br />

son s<strong>en</strong>s générique, qui arrive à atteindre ou vise à atteindre<br />

l’accomplissem<strong>en</strong>t. Il est bi<strong>en</strong> connu qu’une <strong>traduction</strong>, à la différ<strong>en</strong>ce<br />

de l’original, comm<strong>en</strong>ce à dater à un mom<strong>en</strong>t donné, vu son rapport à<br />

un certain état de la langue, de la littérature <strong>et</strong> de la culture où elle<br />

risque de se figer. C’est grâce aux re<strong>traduction</strong>s qui cré<strong>en</strong>t un véritable<br />

espace d’accomplissem<strong>en</strong>t de la <strong>traduction</strong>, qu’on peut remédier à ce<br />

figem<strong>en</strong>t. Selon Berman, la re<strong>traduction</strong> est structurellem<strong>en</strong>t associée à<br />

la <strong>traduction</strong> car « la possibilité <strong>et</strong> la nécessité de la re<strong>traduction</strong> sont<br />

inscrites dans l’acte même de la <strong>traduction</strong> » <strong>et</strong> dans c<strong>et</strong> esprit toute<br />

<strong>traduction</strong> faite après la première <strong>traduction</strong> est une re<strong>traduction</strong><br />

(Berman, 1990 : 1). Il remarque le destin exceptionnel des « grandes<br />

<strong>traduction</strong>s », ayant comme traits définitoires le fait qu’elles constitu<strong>en</strong>t<br />

un évènem<strong>en</strong>t dans la langue d’arrivée, ont une grande systématicité au<br />

moins égale à l’original, sont un lieu de r<strong>en</strong>contre <strong>en</strong>tre la langue de<br />

l’original <strong>et</strong> celle du traducteur, construis<strong>en</strong>t un li<strong>en</strong> fort avec l’original,<br />

mesurable par l’impact sur la culture réceptrice, se pos<strong>en</strong>t comme un<br />

précéd<strong>en</strong>t incontournable pour l’activité de <strong>traduction</strong> contemporaine ou<br />

ultérieure <strong>et</strong> ont, de règle, le régime de re<strong>traduction</strong> (idem : 2-3). Nous<br />

pourrions peut-être y ajouter la créativité dans les limites imposées par<br />

la secondarité propre déjà à toute <strong>traduction</strong> dont fait preuve le grand<br />

traducteur, son s<strong>en</strong>s exceptionnel de langue <strong>et</strong> une certaine pratique de<br />

la littérature. On pourrait même parler de la concurr<strong>en</strong>ce avec l’original<br />

qu’une « grande <strong>traduction</strong> » peut décl<strong>en</strong>cher <strong>et</strong> p<strong>en</strong>ser, dans ce s<strong>en</strong>s, à<br />

l’aveu que fait, quelque part, Andreï Makine à propos de la <strong>traduction</strong><br />

<strong>en</strong> russe des vers de Baudelaire qu’il trouve plus belle que l’original.<br />

Il faut compr<strong>en</strong>dre ici le travail de r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

d’approfondissem<strong>en</strong>t qu’une <strong>traduction</strong> d’abord <strong>et</strong> une re<strong>traduction</strong><br />

<strong>en</strong>suite <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sur l’original par l’exploration des virtualités du<br />

texte ainsi que le besoin incontestable de répétition du travail humain<br />

pour viser l’accompli. Les fameuses paroles de Go<strong>et</strong>he sur la <strong>traduction</strong><br />

de son Faust par Nerval <strong>en</strong> dis<strong>en</strong>t beaucoup : « En allemand, je n’aime<br />

plus lire Faust, mais dans c<strong>et</strong>te <strong>traduction</strong> française tout repr<strong>en</strong>d<br />

fraîcheur, nouveauté <strong>et</strong> esprit » (cité in Sénécal, 1997 : 42).<br />

Les relations <strong>en</strong>tre grande <strong>traduction</strong> <strong>et</strong> re<strong>traduction</strong> ont parfois<br />

des eff<strong>et</strong>s pervers car une grande <strong>traduction</strong> a souv<strong>en</strong>t un pouvoir<br />

inhibiteur : elle susp<strong>en</strong>d pour quelque temps toute nouvelle <strong>traduction</strong><br />

par les standards trop élevés qu’elle impose <strong>et</strong> par cela décourage les<br />

év<strong>en</strong>tuelles t<strong>en</strong>tatives des traducteurs. <strong>La</strong> richesse de langue, la richesse<br />

textuelle, la richesse signifiante, la copia, avec le terme latin constitu<strong>en</strong>t,<br />

101

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!