La controverse de Guantanamo - Gymnase Auguste Piccard

Table des matières
1. Introduction .......................................................................................................................... 3
2. Historique .............................................................................................................................. 7
2.1 Guantanamo avant le 11 septembre 2001 ......................................................................... 7
2.2 Ouverture du centre de détention de Guantanamo pour lutter contre le terrorisme ......... 8
2.3 Influence de l’administration Bush sur le projet Guantanamo ........................................ 9
3. Camp de Guantanamo ....................................................................................................... 10
3.1 Localisation .................................................................................................................... 10
3.2 Organisation interne : subdivision de la prison .............................................................. 10
3.3 Détenus incarcérés et leur arrestation ............................................................................. 14
3.4 Traitement des prisonniers .............................................................................................. 16
4. Guantanamo d’un point de vue juridique ........................................................................ 25
4.1 Lois autorisant les détentions arbitraires et illimitées ..................................................... 25
4.2 Choix de la prison américaine à Cuba ............................................................................ 27
4.3 Statut des prisonniers ...................................................................................................... 29
4.4 Jugement des prisonniers ................................................................................................ 32
4.5 Opposition entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire américains .................... 36
5. Etude d’un cas concret ....................................................................................................... 39
5.1 Conditions d’internement ............................................................................................... 40
5.2 Jugement de Mourad Benchellali ................................................................................... 43
6. Fermeture de Guantanamo ............................................................................................... 45
6.1 Décision de Barack Obama sur Guantanamo ................................................................. 45
6.2 Difficultés de la fermeture .............................................................................................. 47
6.3 Accueil des prisonniers ................................................................................................... 48
6.3.1 Garantie de sécurité pour les détenus....................................................................... 49
6.3.2 Pays impliqués et hôtes des prisonniers ................................................................... 52
6.4 Rôle de la Suisse ............................................................................................................. 59
7. Evolutions futures .............................................................................................................. 61
8. Discussion ............................................................................................................................ 62
8.1 Critiques des interviews .................................................................................................. 62
8.2 Limites de notre recherche et de nos réponses ............................................................... 63
1

9. Conclusion ........................................................................................................................... 65
10. Bibliographie ..................................................................................................................... 70
11. Sites internet ..................................................................................................................... 74
12. Filmographie ..................................................................................................................... 75
13. Contacts ............................................................................................................................. 75
2

1. Introduction
Dans le monde complexe dans lequel nous vivons, il y a des lois qui ne devraient jamais être
transgressées. Ces lois, adoptées progressivement par la plupart des pays démocratiques,
protègent les droits fondamentaux des personnes. Elles découlent du combat des hommes
pour défendre des valeurs essentielles comme l’égalité des droits et la justice pour tous, qui
servent de base à toute civilisation prônant le respect d’autrui et de chacun. Sans la défense de
ces valeurs et le respect des lois qui y sont associées, on ne pourrait éviter les actes insensés et
la cohabitation dans notre monde serait impossible. La loi du plus fort serait la seule issue.
Aujourd’hui, ayant compris qu’’un tel monde serait invivable, l’homme, via les hautes
autorités législatives des Etats de droit de notre planète et certaines organisations
supranationales, a donc posé un cadre juridique composé de lois nationales et de conventions
et lois internationales, connues et reconnues par tous. En cas de non-respect de ces lois, des
sanctions logiques et proportionnelles, annoncées par un juge indépendant et suite à des
débats contradictoires et équilibrés, ont été élaborées pour punir et rétablir la justice. En aucun
cas, un Etat civilisé ne devrait répondre à la violence en violant ces principes fondamentaux
de la justice.
« La civilisation signifie une société reposant sur l‟opinion des civils. Elle veut dire que la
violence, la loi des guerriers et des chefs despotes, les conditions des camps et de la guerre,
de la révolte et de la tyrannie, cèdent la place aux parlements, où des lois sont élaborées, et
aux cours de justice indépendantes dans lesquelles, pendant longtemps, ces lois sont
maintenues. » 1
Winston Churchill
Suite aux attentats terroristes dramatiques du 11 septembre 2001, les Etats-Unis d’Amérique,
atteints dans leur corps et dans leur âme, ont fait un choix qui répondait aux impératifs
politiques du moment et aux souhaits revanchards le la majorité des Américains et qui a fait la
part belle aux tribunaux militaires d’exception. Ils ont jugé que, pour combattre le terrorisme
auquel ils avaient déclaré une guerre totale, le modèle classique et équilibré de la justice,
c’est-à-dire celui qui inclut des juges, un procureur, des avocats de la défense et de la partie
civile, protégeant les droits des victimes mais aussi ceux des accusés, n’était plus adéquat. Ils
ont transgressé leurs propres valeurs fondatrices et démocratiques et ont contourné leurs
propres lois en agissant de façon outrancière sous prétexte de garantir la sécurité du pays. Sur
le terrain, cela s’est traduit par la mise en place de programmes de kidnapping et des centres
de détention, en particulier la désormais célèbre prison de Guantanamo, où le non-droit a
régné pendant de années.
« Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d‟une nation qu‟en visitant ses prisons. » 2
1 Source: http://www.espacefrancais.com/citations/?searchq=dependan&show=10000
2 Source: http://www.amnesty.be/doc/imprimersans.php?id_article=107
F. Dostoïevski
3

Suite à ces attentats, une grande partie des hommes arrêtés et soupçonnés de terrorisme par les
autorités américaines se sont retrouvés dans les geôles de Guantanamo. Afin de punir ces
hommes soi-disant criminels et sans aucune forme de procès, ces hommes ont été enfermés
dans des cages à l’air libre. Des conditions de vie déplorables et une alimentation insuffisante
étaient de mise derrière les enceintes interdites du centre de détention. Cette prison américaine
n’était en rien comparable à celles du territoire national. Bien que les conditions
d’internement se soient progressivement améliorées ces derniers temps, cette réalité ne peut
pas être occultée.
« L‟acceptation de la torture sous quelque forme que ce soit est un retour en arrière de notre
civilisation. Elle devrait être l‟objet d‟une interdiction absolue et ne devrait pouvoir être
justifiée par rien et même pas par la sécurité d‟un pays. » 3
Dick Marty
Pensant que la guerre contre le terrorisme dans le monde, érigée en croisade, pouvait justifier
tous leurs actes, les Etats-Unis ont violé les principes fondamentaux de la justice et se sont
montrés violents face aux détenus. Ils ont imposés aux prisonniers des conditions de
détentions inacceptables et indignes d’un pays démocratique. La violence de Guantanamo,
afin d’obtenir des renseignements ou des aveux de la part des détenus, est aujourd’hui
assimilée à de la torture. Ce moyen de pression a été toléré voire encouragé par
l’administration Bush elle-même, sans se soucier des lois de son propre pays.
Ces trois citations, accompagnées de l’opinion que nous nous sommes faite pendant notre
travail de recherche, conduisent à la même conclusion : en laissant les impératifs de la guerre
contre le terrorisme prendre le pas sur les lois et les avis du parlement, en créant des prisons
aux conditions d’internement inacceptables et en institutionnalisant la torture, les Etats-Unis
ne se sont pas montré à la hauteur d’un Etat civilisé et démocratique dont ils ont pourtant
longtemps été le modèle.
Même les actes abominables des fanatiques du 11 septembre 2001 et le non respect des droits
fondamentaux par plusieurs pays ostensiblement alliés aux terroristes ne justifient pas ces
choix de l’administration Bush. C’est l’étude de cette prison indigne du degré de civilisation
des Etats-Unis qui vous est présentée dans ce travail.
Dans le cadre de notre travail de maturité, une trentaine de thèmes nous ont été proposés.
Celui que nous avons choisi portait sur le terrorisme et la tension sécuritaire. Le professeur
ayant bien vendu son thème lors d’une séance d’information, il nous a immédiatement plu,
d‘autant plus que le terrorisme était un thème très souvent évoqué ces dernières années, et
surtout très médiatisé. Puis lors d’une deuxième séance, plusieurs sujets captivants à
l’intérieur de ce vaste thème nous ont été présentés par le professeur. Un sujet concernant la
3 Interview Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne
4

prison de Guantanamo se trouvait dans la liste. Nous l’avons choisi, car à l’époque c’était déjà
une prison très médiatisée et contestée. Les élections présidentielles approchaient et on
pensait que Barack Obama serait élu et qu‘il y‘aurait du changement car durant sa campagne
présidentielle il avait fait la promesse qu’il signerait la fermeture du centre de détention de
Guantanamo le premier jour de sa présidence.
Les Etats-Unis sont depuis toujours considérés comme un pays de liberté et de respect des
droits internationaux. Une telle prison qui ne se trouve pas sur son territoire national et qui est
contrôlée par ses militaires donne-t-elle une bonne image de l’Amérique ? La torture, les
kidnappings illégaux de terroristes présumés, les Conventions de Genève aux oubliettes et
l’injustice. Autant de questions que nous tenions à étudier. Finalement, nous préférions, pour
une fois, passer des journées entières le nez dans des articles de presse que devant des
formulaires de physique ou de maths.
Dès le début de nos recherches, nous avons noté que plusieurs questions concernant la légalité
et la fermeture de la prison de Guantanamo revenaient systématiquement dans les différents
documents que nous avons consultés. Plus nos recherches avançaient, et plus nous
remarquions que c’était sur ces thèmes que la prison était très controversée et que son étude
pouvait devenir intéressante. Ces problématiques nous ont permis d’orienter nos recherches et
notre travail dans une certaine direction et d’éviter une approche trop imprécise et une vision
trop générale du sujet.
Guantanamo sur le sol cubain : dans quels buts et avec quelles conséquences ?
Ambiguïté des lois américaines par rapport à ses propres prisonniers
Quel statut et quel jugement pour les prisonniers ?
étaient les trois grandes problématiques qui se posaient et auxquelles il fallait trouver une
réponse pour étudier le statut juridique de la prison.
Concernant la future fermeture de Guantanamo les trois questions qui se présentaient à nous
pour analyser ce sujet étaient les suivantes :
Pourquoi est-il si difficile de fermer cette prison ? Quels pays pour accueillir ces détenus et
quelles sont les précautions à prendre ? L’implication de la Suisse dans la fermeture de
Guantanamo.
Hypothèses de réponses aux problématiques relevant de la légalité de Guantanamo:
A Guantanamo, les droits de l’homme ne sont pas respectés. Les détenus sont torturés et les
conditions de vies sont très difficiles. Ce genre de prison ne peut pas exister sur le territoire
national américain, car c’est un pays qui respecte les droits de l’homme. Le but était de sortir
ces terroristes présumés du cadre juridique traditionnel et la base de Guantanamo s’est avérée
être l‘endroit idéal. Là-bas, les détenus sont jugés par des tribunaux militaires et beaucoup
sont inculpés sans preuves. Les tribunaux militaires pour juger des prisonniers ne peuvent pas
5

être utilisés sur le sol américain. Alors qu’à Guantanamo les interrogateurs peuvent même
utiliser la torture morale et physique pour extorquer des informations aux détenus. Dans les
prisons américaines de telles pratiques sont strictement interdites.
Hypothèses de réponses aux problématiques relevant de la future fermeture de Guantanamo:
La fermeture de Guantanamo était inévitable et le président Barack Obama l’a officialisée dès
le premier jour de sa prise de fonctions. La principale difficulté sera de trouver des pays
d’accueil à ces prisonniers qui ont vécu l’enfer. Mais l’Europe en tant qu’alliée des Etats-
Unis, devrait se montrer solidaire avec eux. Si chaque pays d’Europe acceptait d’accueillir
quatre ou cinq ex-détenus ou plus, de Guantanamo, la prison serait rapidement vide. Les
seules précautions à prendre serait de ne pas oublier qu’ils ont été traités très violemment et
que cela a peut-être eu, sur certains comportements, une influence néfaste.
En Suisse, l’accueil d’ex-prisonniers présumés terroristes lorsqu’ils étaient à Guantanamo
serait envisageable, mais il faudrait que la sécurité du pays soit absolument garantie.
6

2. Historique
2.1 Guantanamo avant le 11 septembre 2001
L’île de Cuba fut découverte par Christophe Colomb le 27 octobre 1492 et devient très vite
une colonie espagnole. En 1895, les Cubains se révoltent pour la deuxième fois contre le
colonisateur et tentent de reprendre leurs terres. La couronne d’Espagne réprime sévèrement.
Lorsque le colonisateur espagnol est presque vaincu, les Américains décident d’entrer en
guerre et de prendre la défense des Cubains. Les forces américaines remportent une victoire
totale et l’armistice est signé le 12 août 1898. Après la fin de la guerre, en 1901, les dirigeants
américains adoptent l’amendement Platt 4 , qui a pour but d’instaurer deux bases navales à
Cuba dont celle de Guantanamo. En 1903, un an après la déclaration de l’indépendance de
Cuba, un traité est signé par le gouvernement américain et cubain, qui accepte de louer la base
navale de la baie de Guantanamo aux Etats-Unis, mais uniquement pour l’utilisation
charbonnière et navale. Ce traité est renouvelé en 1934 avec toujours les mêmes objectifs à
l’exception du bail qui devînt perpétuel. L’annulation de ce traité ne peut avoir lieu que par
l’accord des deux nations ou l’abandon de la base par les Américains. Dans celui-ci, était
également conclu le versement d’une somme, pour payer le loyer, de 4000$ par année à Cuba.
Dès 1959, suite à l’arrivée au pouvoir du communiste Fidel Castro, le gouvernement cubain
commence à contester la présence américaine et n’encaisse plus les chèques du loyer. En
outre, le président a tenté à plusieurs reprises de récupérer la base navale, mais un refus
incontestable des Américains ne le lui permet pas. Chaque année, on assiste à une sorte de
rituel, lorsque Fidel Castro déchire symboliquement le chèque pour exprimer son
mécontentement. Pour lui, c’est un arrangement à contrecœur et considère l’occupation
américaine comme « illégitime ».
Déclaration publiée par le gouvernement cubain qui montre bien leur désaccord et leur
innocence sur ce qui se passe dans cette zone :
« Un sens élémentaire de la dignité et un désaccord total avec ce qui se passe sur cette
portion de notre territoire national ont conduit Cuba à refuser d‟encaisser ces chèques qui
sont libellés à l‟ordre du trésorier général de la République de Cuba, un poste et une
institution qui n‟existent plus depuis longtemps. » 5
Au fil du temps, énormément de tensions se sont établies entre les deux Etats et à partir des
années 90, les Américains ont arrêté de respecter le traité. Ils ont commencé par l’installation
d’un camp de refugiés haïtiens. Les refugiés vivaient dans un environnement insalubre et
certains d’entre eux étaient atteints de virus grave comme celui du SIDA. En 1993, un tribunal
4
L’amendement Platt est une disposition légale américaine votée en 1901 par le Congrès des Etats-Unis qui
stipulait les conditions du retrait des troupes américaines présentes à Cuba depuis la guerre hispano-américaine.
Inclus dans la constitution cubaine, cet amendement définissait les termes des relations américano-cubaines et
officialisa le droit d’ingérence des Etats-Unis sur la République de Cuba. Valide jusqu’en 1934.
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Amendement_Platt
5
Source : BOLOPION Philippe, Guantanamo : le bagne du bout du monde, La Découverte, 2004, p.70
7

américain a ordonné la fermeture du camp de réfugiés. Mais le plus grave, c’est que depuis
2001 les Etats-Unis utilisent l’ancien camp comme une prison. 6
2.2 Ouverture du centre de détention de Guantanamo dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme
Le 11 septembre 2001 les Etats-Unis sont pour la 2 ème fois de leur histoire, après Pearl
Harbour, attaqués sur leur territoire national. Deux avions viennent percuter les tours du
World Trade center symboles de la super puissance économique américaine en plein cœur de
New-York. Un autre s’écrase sur le Pentagone à Washington symbole de la puissance
militaire US. Puis un quatrième avion visant vraisemblablement la Maison Blanche s’écrase
dans un champ. Ces attaques sont très vite attribuées au réseau terroriste d’Al-Qaïda et à son
leader Oussama Ben Laden soutenu par des régimes islamiques fanatiques et en particulier le
régime taliban qui a la main mise sur l’Afghanistan. Ces attentats ont mis à la lumière du jour
une nouvelle menace souvent incarnée par le réseau Al-Qaïda et par son leader Oussama Ben
Laden. S’en suit rapidement de nombreuses décisions de la part de l’administration Georges
W Bush pour combattre le terrorisme. « La guerre contre le terrorisme » est officiellement
déclarée. Mais en réalité ces termes avaient déjà été employés en 1995 par le président Bill
Clinton conscient des risques que pouvait courir son pays face à la montée du terrorisme
international. Ces décisions sont appliquées avec le vif soutien de la population américaine
persuadée du danger immédiat qu’elle encoure.
Après les attentats du 11 septembre le peuple américain est bouleversé, plus personne ne se
sent en sécurité. Ces paroles prononcées par G.W.Bush le 6 octobre 2001 avaient pour but de
rassurer et de conforter l’opinion publique américaine vis-à-vis du monde musulman.
« Contre un tel ennemi, il n'y a qu'une seule réponse efficace. Nous ne devons jamais reculer,
jamais abandonner et ne jamais accepter autre chose qu'une victoire totale » 7
Le 13 novembre 2001, le président des Etats-Unis, M. Bush, signe un décret militaire
concernant la « détention, le traitement et le jugement de certains citoyens non américains
dans la lutte contre le terrorisme ». Le gouvernement annonce publiquement les mesures
prises pour combattre le terrorisme, dont celle de l’ouverture d’un centre de détention sur la
base américaine sur sol cubain de Guantanamo. Toutes les personnes suspectées d’appartenir
au mouvement Al-Qaïda ou d’être des combattants du régime taliban y seront incarcérées.
Les premiers détenus seront transférés dans la prison de Guantanamo le 11 janvier 2002, soit
un peu moins de quatre mois après le début de la guerre en Afghanistan déclarée par les
Américains.
6 Sources : BICHOVSKY Aude, Guantanamo, le camp de la honte ?, L’Hèbe, 2006
BOLOPION Philippe, Guantanamo : le bagne du bout du monde, La Découverte, 2004, p.52-62
7 Source : http://www.iran-resist.org/article591.html
8

2.3 Influence de l’administration Bush sur le projet Guantanamo
Suite aux attentats, le directeur de la CIA, G.Tenet a proposé un plan d’attaque contre
l’Afghanistan à G.W.Bush. Ce plan devait détruire les bases d’Al-Qaïda, mais prévoyait aussi
une attaque contre 80 pays présumés terroristes où les combattants d’Al-Qaïda auraient pu se
refugier, le Yémen, l’Arabie Saoudite, le Pakistan,… Dans cette lutte, le nom d’Oussama Ben
Laden est omniprésent. Les autorités veulent le traquer, l’arrêter et le juger. Le 17 septembre
2001, George Bush signe un traité présidentiel secret qui autorise la CIA à faire des transferts
d’argent aux services secrets étrangers coopérant à leur lutte contre le terrorisme et décidés à
mener des opérations secrètes et des d’assassinats.
Le discours du 6 octobre 2001 illustre la peur du monde islamique extrémiste, ressentie par le
peuple américain. Il permet également de mieux comprendre les mesures de sécurité prise par
l’administration Bush et en particulier l’ouverture de Guantanamo le 13 novembre. Un extrait
de ce discours est reproduit ici :
« Certains parlent, à leur sujet, d‟ ´´islam extrémiste``. D‟autres, de „djihadisme militant‟.
D‟autres encore, d‟ „islamofascisme‟. Quel que soit le nom qu‟on lui donne, cette idéologie
est très différente de l‟islam en tant que religion… Elle instrumentalise l‟islam au profit d‟un
but politique : la création, à travers le terrorisme, la guérilla et la subversion, d‟un Empire
totalitaire qui serait la négation de toute liberté politique et religieuse. Ces extrémistes
transforment le concept musulman traditionnel de djihad en un appel au meurtre contre les
chrétiens, les juifs, les hindous, et ceux qui, parmi les musulmans, se réclament d‟une autre
interprétation (de cette religion)… » 8
Les Etats-Unis sont extrêmement méfiants vis-à-vis des immigrants. Le monde musulman est
mal vu, les arrestations se multiplient. G.W.Bush signe, dans la foulée, le 26 octobre 2001,
l’USA Patriot Act. Il donne des droits extraordinaires et très nettement étendus aux agences
fédérales pour perquisitionner des propriétés privées, saisir des documents confidentiels et
mettre sous écoute des lignes téléphoniques. Les recherches sont souvent initiées sur la base
de l’appartenance religieuse ou la provenance ethnique. En 2002, G.W.Bush autorise la
National Security Agency (NSA), à mettre sous écoute toute personne suspecte sans preuves
et même sans présomption de culpabilité.
Comme on le voit, de nombreux traités sont signés juste après le 11 septembre, dans l’urgence
et dans des conditions précipitées. L’administration Bush, essaye tant bien que mal de rassurer
le peuple américain. La période suivant les attentats est une période de fortes influences de
l’administration Bush sur toutes les grandes décisions prises aux Etats-Unis. 9
8 Source : http://michelgurfinkiel.com/articles/13-Etats-Unis-George-Bush-designe-lennemi.html
9 Sources : http://www.libertysecurity.org/article230.html
BICHOVSKY Aude, Guantanamo, le camp de la honte ?, L’Hèbe, 2006
9

3. Camp de Guantanamo
3.1 Localisation
Le camp de Guantanamo se situe sur la base navale de la baie de Guantanamo dans le sud-est
de l’île de Cuba. La base navale est proche de la ville de Guantanamo et s’étend sur 110 km 2 .
Plus de 8500 personnes y travaillent essentiellement des militaires américains, mais aussi des
civils et des étrangers surtout Jamaïcains et Philippins. Cette base fonctionne comme une
petite ville, elle a ses propres chaînes de télévisions, ses radios, services médicaux, ses écoles
et ses supermarchés. Mais cette base est surtout connue pour sa prison américaine de haute
sécurité Guantanamo.
Carte de Cuba qui cible la base de Guantanamo Baie. La base est en couleur jaune et le camp X-Ray y est
indiqué. 10
3.2 Organisation interne : subdivision de la prison
La prison de haute sécurité de Guantanamo est divisée en 3 parties principales : le camp X-
Ray, le camp Delta et le camp Iguana qui différent par leur ancienneté, leur taille, mais surtout
par les différences de traitement infligées aux personnes qui y sont détenues.
Le premier que l’on appelle aujourd’hui X-Ray fut construit en 1994 à deux kilomètres au
nord du camp Delta, actuellement en service. Au départ, il fut construit pour isoler les
10 Sources : BENETT Drake, « Que faire de Guantanamo », Courrier International, le 25 juin 2009
http://www.courrierinternational.com/article/2009/06/25/que-faire-de-guantanamo
10

prisonniers haïtiens des réfugiés du coup d'État de 1994. Puis, en 2001, il est provisoirement
utilisé pour accueillir les premiers détenus soupçonnés de terrorisme. Le camp était entouré de
barbelés tranchants et de cages grillagées de 1.80 m sur 2.40 m faisaient office de cellules.
Celles-ci étaient recouvertes par un toit de tôle dont la capacité de protection était nulle en cas
d’ouragans, fréquents dans cette région. Les murs de la prison sont ainsi transparents et les
prisonniers visibles de l’extérieur, d’où le nom de camp « rayon X ». Dans chacune des
cellules, un matelas de mousse était posé sur le sol en ciment, ainsi que deux seaux, l’un
servant de réserve d’eau et l’autre de latrine. Par manque de place, le camp X-Ray sera fermé
le 29 avril 2002 et ses prisonniers seront transférés dans le camp Delta. Aujourd’hui, Il
ressemble plus à un champ de ruine mais reste tout de même le symbole des premières
incarcérations sur le site de Guantanamo.
Cette image illustre une cellule dans le camp x-ray. 11
Le camp principal, situé à l’intérieur de la base, est le camp Delta. C’est le plus grand de tous.
Il est créé entre le 27 février et la mi-avril 2002. Il comporte 612 cellules. Il est divisé en six
parties dans lesquelles les détenus sont repartis selon leur degré de coopération durant les
interrogatoires. Hormis le camp 4, les camps Delta 1,2 et 3 évoquent pour ceux qui ont pu les
visiter des « images de zoo ou de chenil ». Le premier camp est divisé en huit blocs et un
quartier d’isolement. Chaque bloc est composé de 48 cages, avec seulement quatre douches.
Le bloc d’isolement, lui, est constitué de 24 cages que les prisonniers appellent « les
tombes », car hormis une petite fenêtre qui permet aux gardiens de passer de la nourriture, les
parois sont sans ouverture. Cependant depuis la construction des autres camps les conditions
ont bien évoluées.
Les cellules de ces camp sont extrêmement petites, à peine plus grandes qu’un lit deux places.
Une couchette en métal surélevée par rapport au sol sur laquelle est posé un matelas fin fait
office de lit. Pour ce qui est du matériel de lavage, de prière et, éventuellement, de jeu, il est
distribué en fonction de la collaboration des détenus.
11 Source : http://sinope.redjupiter.com/images/booknotes/campCells.gif
11

Une cellule typique de Guantanamo dans le camp Delta, photo prise par l’armée américaine. 12
Un détenu lorsqu’il débarque à Guantanamo, est d’abord transféré dans le camp 3 et, en
fonction de l’aide apportée aux Américains, il peut être transféré dans les camps 1 et 2 qui
infligent un traitement encore plus rigide ou bien accéder au camp 4. Le camp Delta 4 est
destiné aux détenus qui se comportent bien, les « Best Gitmo 13 Citizen ». La liberté est plus
grande et la vigilance réduite. En juillet 2006, plus de 150 détenus pour la plupart des
Afghans vivaient dans les baraquements du camp 4. Les cellules pouvaient accueillir plusieurs
prisonniers.
Une cellule du camp 4, avec plusieurs lits. Photo prise par l’armée américaine. (Nourriture et tapis de prière sur
les lits !) 14
12 Source : http://www.defenselink.mil/home/features/gitmo/facilities.html
13 « Gitmo » : surnom familier donné à la prison américaine de Guantanamo.
14 Source : http://www.defenselink.mil/home/features/gitmo/facilities.html
12

Le camp 5 fut construit par manque de place pour les détenus. Il ressemble aux prisons
américaines de haute sécurité. Il est composé de cellules individuelles éclairées en
permanence et peut accueillir près de 200 personnes.
Mais le gouvernement a encore fait agrandir la prison avec un camp supplémentaire, le camp
6 pour un coût d’environ 31 millions de dollars. Il sert pour les incarcérations et les
réhabilitations longues. Les prisonniers ne portent plus des tenues orange comme dans les
camps 1 à 4 mais blanches. Ils ont aussi le droit de discuter entre eux sans témoin et
bénéficient d’un avocat. Finalement il existe un septième camp gardé secret par les autorités
américaines. Il a été dévoilé au grand public en 2008. Y sont enfermés, les 16 détenus les plus
dangereux de Guantanamo.
Un plan du camp Delta. Ne sont pas représentés les camps 5 et 6, en construction. 15
Le camp Iguana se situe en face de la mer. C’est le plus petit et le moins sécurisé des trois. Il
se trouve à un kilomètre du camp principal et fut construit pour les détentions de personnes
mineures. Ce camp ne ressemble pas du tout aux autres. Il n’y a pas de barbelés, les gardes ne
sont pas armés et sont spécialistes en matière d’éducation. Les enfants ne sont pas maltraités,
ils suivent des cours dans leur langue maternelle et ont le droit de regarder la télévision
plusieurs fois par jour, ou de jouer à des jeux de société. Depuis 2003, le camp Iguana a été
fermé, puis rouvert mi-mai 2005 pour accueillir des détenus qui ne sont pas qualifiés comme
combattants ennemis. La plupart des prisonniers de ce camp attendent leur libération. Ils sont
détenus uniquement pour des questions de sécurité.
15 Source : https://lib.utexas.edu/maps/cuba.html?p=print
13

Finalement, les prisonniers sélectionnés pour comparaître devant les commissions militaires
sont incarcérés dans un camp secondaire appelé Echo. 16
3.3 Détenus incarcérés et leur arrestation
Depuis le 11 janvier 2002, 775 personnes d’environ quarante nationalités différentes ont été
ou sont toujours détenues à Guantanamo. Les prisonniers sont pour la plupart de confession
musulmane et de nationalité non-américaine. Ils viennent principalement du monde arabe et
d’Afrique mais aussi d’Europe et d’Asie. Les détenus de Guantanamo sont des individus que
le gouvernement américain a qualifiés de « combattants ennemis », c'est-à-dire des gens
soupçonnés de faire parti de l’organisation terroriste d’Al-Qaïda d’y être associés ou de
supporter le régime Taliban en place en Afghanistan. Ces personnes ont, pour la majorité, été
arrêtées dans le cadre de la guerre en Afghanistan. Cependant d’autres prisonniers ont été
appréhendés dans d’autres pays situés loin de toutes les régions en guerre comme en Bosnie-
Herzégovine, en Egypte, en Gambie ou en Indonésie. Deux Américains ont transité par la
prison de Guantanamo avant d’être envoyés sur la base navale de Norfolk, en Caroline de
Sud.
L’identité et les informations personnelles concernant un grand nombre d’hommes incarcérés
à Guantanamo ont d’abord été tenues secrètes par les autorités américaines. Amnesty
International et d’autres ONG ont lancé une vaste campagne de communication très critique
vis-à-vis du gouvernement américain, au terme de laquelle les Etats-Unis ont fini par révéler
les noms des prisonniers, leur âge, leur visage, leur métier, etc.
Si les prisonniers ne comptent aucune femme parmi eux, des mineurs en revanche en font
partie. Les plus jeunes d’entre eux, d’origine afghane, étaient respectivement âgés de treize
ans et de quinze ans lors de leur arrestation. Selon les Américains, leur arrestation était
légitime car ils détenaient des renseignements importants et faisaient partie d’organisations
terroristes.
En janvier 2004, le Pentagone a déclaré à leur sujet :
« Ces mineurs, de même que les autres détenus, ont été traités comme des combattants
ennemis représentant une menace pour les Etats-Unis. L‟âge n‟est pas un facteur déterminant
en détention. » 17
Les enfants de Guantanamo seront, toutefois, incarcérés dans le camp Iguana, où leur
traitement sera privilégié. En tout, dix-sept enfants au moins auraient été détenus à
Guantanamo Bay. Quatre d’entre eux y étaient toujours fin 2006. Leur noms sont connus :
16
Sources : ZAEEF Abdul Salam, Prisonnier à Guantanamo, EGDV Documents, 2008, p.103-112
BICHOVSKY Aude, Guantanamo, le camp de la honte ?, L’Hèbe, 2006
LIZIN Anne-Marie, Mission Guantanamo : les négociations secrètes pour vider la prison de la NAVY, Perrin,
2008, p.42-45
http://fr.wikipedia.org/wiki/Prison_de_Guant%C3%A1namo#Les_conditions_de_d.C3.A9tention
17
Source : AMNESTY INTERNATIONAL, Il faut fermer Guantanamo, Symbole d‟injustice, p.5.
14

Mohamed El Gharani, âgé de quinze ans lors de son arrestation, Omar Khadr, quinze ans,
Hassan bin Attash, dix-sept ans et Youssef al Shehri, seize ans.
1) Omar Khadr avait 15 ans, lors de son arrestation 18
2) Yousef al Shehri avait 16 ans, lors de son arrestation 19
3) Mohammed el Gharani avait 14 ans, lors de son arrestation 20
Parmi les détenus les plus importants de Guantanamo, tous enfermés dans le sous-camp
numéro 7, on mentionnera Khalid Sheik Mohammed. Il a été chef militaire et responsable
jusqu'à son arrestation en mais 2003 du « Département des opérations extérieures » d’Al-
Qaïda, ce qui signifie qu'il était le premier responsable des opérations terroristes menées en
occident. Il était considéré par les États-Unis comme terroriste islamiste et numéro 3 d'Al-
Qaïda et fut surnommé le « cerveau » par Oussama Ben Laden. Il a reconnu avoir été le
responsable opérationnel des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
La plupart des personnes appréhendées dans le cadre de la guerre contre le terrorisme ont été
directement transférées à Guantanamo. Cependant, ceux interpelés en Afghanistan ont
d’abord transité par les prisons situées dans les bases américaines en Afghanistan comme à
Bagram ou à Kandahar. Les traitements infligés aux détenus dans ces prisons sont également
très durs et violents.
Selon une étude portant sur 500 détenus, 5 % d’entre eux seulement ont été capturés par les
forces américaines et 86 % ont été arrêtés par les forces armées pakistanaises ou les forces de
l’Alliance du Nord basées an Afghanistan et remis aux autorités américaines, souvent en
échange de quelques milliers de dollars.
En septembre 2006, 14 détenus ont été transférés à Guantanamo après avoir été incarcérés par
la CIA, dans le cadre de son opération de « kidnapping », dans des lieux tenus secrets, sans
18 Source : http://kamerunscoop.wordpress.com/2009/04/08/guantanamo-la-fin/
19 Source :http://www.amnesty.fr/index.php/amnesty/agir/campagnes/terrorisme/actions/detention_de_mineurs_a
_guantanamo
20 Source : http://blogs.amnesty.org.uk/blogs_entry.asp?eid=3007
15

communication avec l’extérieur, pour des périodes allant jusqu’à quatre ans et demi. Parmi
ces détenus, il y a Khalid Sheik Mohammed, déjà mentionné ci-dessus. Il a été arrêté à
Rawalpindi au Pakistan, dans la nuit du 28 février 2003 au 1 er mars 2003 par des agents et
policiers pakistanais, aidés par des agents de la CIA, après une traque de plusieurs mois, basée
sur l’espionnage de son entourage. Après une filature et la découverte de ses caches, il fut
capturé vivant. Avant d’être emprisonné à Guantanamo, il a fait partie des « détenus
fantômes » de la CIA. 21
3.4 Traitement des prisonniers
En 2004, des photographies montrant des soldats américains terrorisant et humiliant des
détenus irakiens à la prison d’Abou Ghraïb, en Irak, ont choqué le monde entier. Ces images
venaient confirmer les soupçons de mauvais traitements et la torture que subissaient les
détenus de cette prison. Et une question s‘est posée: Est-ce que ces agissements de la part des
Américains ont été institutionnalisés ailleurs qu’à Abou Ghraïb?
En ce qui concerne Guantanamo, les mauvais traitements des prisonniers commencent dès les
vols les transférant à Cuba. Le vol est très long, il dure souvent plus de 20 heures et les
prisonniers sont assis dans des positions désagréables sans savoir où ils vont. C’est ainsi, les
yeux bandés, la bouche bâillonnée, un casque sur les oreilles et enchaînés, que se déroule leur
transfert des bases afghanes jusqu’à Cuba. Durant ce voyage un en-cas leur est proposé, mais,
ne pouvant pas aller aux toilettes la plupart refusent de manger. Même si ces traitements
semblent inhumains, l’administration Bush se justifie en expliquant que le masque sert à
éviter les propagations de microbes, et empêche de mordre et de cracher. Le casque sur les
oreilles, a pour but de lutter contre le bruit de l’avion, les gants protègent du froid et
empêchent les détenus de se débarrasser de leur menottes et le masque sur les yeux
empêcherait toutes tentatives d’évasion.
21
Sources : AMNESTY INTERNATIONAL, Il faut fermer Guantanamo, Symbole d‟injustice, p.4-5
AMNESTY INTERNATIONAL, Terrorisme et contre-terrorisme, défendons nos droits humains, p.8-9
http://fr.wikipedia.org/wiki/Khalid_Cheikh_Mohammed
LIZIN Anne-Marie, Mission Guantanamo : les négociations secrètes pour vider la prison de la NAVY, Perrin,
2008, p.95-108
BICHOVSKY Aude, Guantanamo, le camp de la honte ?, L’Hèbe, 2006, p.22-24
16

Sur cette photo nous pouvons voir le casque, les lunettes noires et le masque sur la bouche que devaient porter
les prisonniers. 22
A leur arrivée, les détenus doivent rester dans une position insupportable durant des heures en plein soleil. 23
22 http://www.reopen911.info/News/tag/guantanamo/page/2/
23 Source :
http://www.ptsem.edu/uploadedImages/Academics/Religion_and_Society_department/taylor/Camp_xray_detainees.JPG
17

Le fait de rester dans une position aussi inconfortable pendant si longtemps paralyse les
membres des prisonniers et les affaiblit considérablement. Ces faiblesses physiques peuvent
par la suite occasionner d’autres mauvais traitements par les gardes, pensant que certains
prisonniers désobéissent à leurs ordres.
Personnes capturées qui sont en vol pour le centre de détention de Guantanamo. Les conditions de vol sont très
rudes. 24
Ensuite chaque prisonnier est transféré automatiquement dans le camp 4. A cet instant, tous
les prisonniers sont traités de la même manière, c’est le point de départ de leur détention à
Guantanamo. Puis, en fonction de leur coopération durant les interrogatoires, ils peuvent
bénéficier d’un meilleur traitement ou être puni. Les gardiens peuvent aussi changer un
prisonnier de camp si celui-ci désobéit aux ordres. Une seule manière existe pour les
prisonniers de se tenir au courant de ce qui se passe dans les autres quartiers, c’est de crier des
informations lorsque les générateurs d’électricité cessent de fonctionner. Mais les gardiens et
les extreme reaction force se pressent alors pour intervenir. Les forces de réaction extrême
sont une « unité de réponse » aux violences des détenus. Les gardes portent une véritable
armure avec casque à visière, veste de protection, genouillères, coudières, protège-tibias,
boucliers et matraques. Ces équipes sont entraînées pour rapidement maîtriser un détenu dans
sa cellule le plaquer au sol, sans lui laisser aucune chance de répliquer. Ils sont redoutés par
tous les prisonniers à cause de leur violence extrême.
24
Source :
http://www.indymedia.ie/cache/imagecache/local/attachments/may2008/460_0___30_0_0_0_0_0_guantanamo_
bound_prisoners_for_torture.jpg
18

Voici un tableau indiquant les avantages dont bénéficient les prisonniers selon leur degré de
coopération :
Degré de
coopération
4 3 2 1
Promenade 15min/3jours 20min/3jours 15min/jour 30min/jour
Confort serviette
couverture
Hygiène savon
douche
1/3jours
Surveillance Haute
surveillance
Couleur de
l’uniforme
serviette
couverture
savon
brosse à
dents et
dentifrice
douche
1/3jours
Haute
surveillance
2serviettes
2couvertures
savon
brosse à
dents et
dentifrice
douche
1/2jours
Haute
surveillance
2serviettes
2couvertures
matelas
gros savon
brosse à
dents et
dentifrice
une douche
par jour
Faible
surveillance
Orange Orange Orange Brun
Autres… Bouteille en
plastique
sans
capuchon
Bouteille en
plastique
avec
capuchon
Le prêt d’un
peigne et
d’un miroir
lors de la
douche
Droit à un
avocat
Les détenus
peuvent
discuter
entre eux
librement
Ce tableau nous montre à quel point le système est organisé pour diriger les prisonniers récalcitrants par « la
carotte et le bâton ».
19

Les camps 5 et 6, construits plus tard en raison des pressions croissantes, sont régis par des
règles moins dures. Dans ces deux camps les détenus portent des uniformes blancs ; ils
peuvent discuter sans la présence d’un gardien, ont à disposition une télévision, des DVD et
d’autres moyens pour se distraire. Une surveillance vidéo y est installée, et les conditions de
vie y sont bien meilleures que dans les autres camps. Les personnes ayant le droit d’y
séjourner sont uniquement les plus coopératives avec les geôliers.
Ce système de détention ainsi que les méthodes d’interrogatoires ont été mis en place par les
Américains pour obtenir plus d’information sur les grandes organisations terroristes telles
qu’Al-Quaida ou des ennemis de la nation comme Oussama Ben Laden. Mais les
informations importantes récoltées par les interrogateurs grâce à ce système ne sont pas aussi
nombreuses contrairement à ce que l’on pourrait croire.
Selon Erik Saar, linguiste attaché à Guantanamo en 2002-2003 (Inside the Wire) :
« Les informations que les interrogateurs extraient n‟ont, pour l‟essentiel, aucun intérêt
même s‟ils essaient de ne pas le montrer.». 25
Pourtant, les interrogatoires sont extrêmement durs. Les prisonniers peuvent être interrogés à
n’importe quel moment du jour ou de la nuit, durant le temps jugé nécessaire par les
interrogateurs, parfois pendant plusieurs heures. Des méthodes que l’on peut qualifier
d’inhumaines y sont appliquées. Fin 2002, les interrogateurs de Guantanamo se trouvent dans
une impasse, ils ne parviennent pas à soutirer des informations de Zaccharias Moussaoui
présumé être le 20 ème pirate de l’air. Suite à ce blocus, le Major Général Micheal Dunlavey,
commandant du centre de détention, a envoyé une demande à sa hiérarchie en octobre 2002,
afin de valider un nouveau plan d’interrogatoire pour M. al Qahtani. Ce plan comporte des 3
catégories différentes de pression :
- Catégorie I : Cris, utilisation de plusieurs interrogateurs, tromperie sur l’identité des
interrogateurs (comme s’ils venaient d’un pays ayant la réputation de maltraiter ses
prisonniers) ;
- Catégorie II : les positions pénibles (telles que devoir rester debout jusqu’à quatre
heures d’affilée), utilisation de documents ou rapports falsifiés, isolement pendant 30
jours ou plus, interrogatoires dans d’autres lieux que les salles d’interrogatoire,
privation de lumière ou de bruit, couvrir la tête des prisonniers, interrogatoire pendant
20 heures d’affilée, articles de confort confisqués (y compris les articles religieux),
retirer les vêtements, obligation de se tailler et de se raser la barbe, exploitation des
phobies (comme la peur des chiens) pour provoquer du stress ;
25 Source : BENCHELLALI Mourad, Voyage vers l'enfer, Robert Laffont, 2006, p.180
20

- Catégorie III : exploitation de scénarios faisant croire au prisonnier que la mort ou la
douleur est imminente pour lui ou pour sa famille, exposition au froid ou à l’eau,
recours à des atteintes physiques n’engendrant aucune blessure, utilisation d’une
serviette mouillée ou de la technique du « water boarding » pour simuler la noyade ou
la suffocation. 26
Une séance de Water-boarding, simule la noyade et donc stimule les sentiments de mort proche. Les
origines de cette torture remontent à l’inquisition espagnole. Un tissu couvre le visage de la personne et
les interrogateurs versent de l’eau par-dessus, ce qui met le prisonnier dans un état de noyade et proche
de la mort. Lorsqu’il n’en peu plus, il finit par demander de continuer l’interrogatoire, car il ne peu plus
respirer et sent la mort approcher. 27
Selon un plan plus élaboré, les 16 premières techniques d’interrogatoire pour M.al Qahtani
ont été approuvées le 2 décembre 2002 par le secrétaire Rumsfeld. Puis en 2003, 24
techniques sont autorisées à nouveau par la même personne. Par la suite, ce plan sera utilisé
pour toutes les séances d’interrogation. Les agents du FBI ayant participé à plusieurs
interrogatoires ont en dénoncé certains aspects barbares :
« J‟ai vu un détenu assis sur le sol d‟une salle d‟interrogatoire, enveloppé dans un drapeau
israélien, avec de la musique forte et les flashes d‟un stroboscope »
26 Source : http://ccrjustice.org/files/rumsfeld.pdf
27 Source : http://attendingtheworld.wordpress.com/2008/07/03/is-waterboarding-torture-ask-christopher-
hitchens/
21

« A une occasion, je suis entré dans des salles d‟interrogatoires pour trouver un détenu
enchaîné en position fœtale sur le sol, sans chaise, ni aliments ni eau. La majorité des fois, ils
avaient uriné ou déféqué sur eux-mêmes, et se trouvaient ainsi depuis 18, 24 heures ou plus ».
« Presque inconscient dans une chambre où la température était certainement très au-dessus
de 38 degrés et un tas de poils sur le sol ». 28
Les dates de ces interrogatoires, l’heure et le nom de l’agent ont été effacés des fichiers par le
FBI.
Toutes ces méthodes transgressent les Conventions de Genève. Les détenus ne jouissent
d’aucun droit et ils ne peuvent pas se retourner contre le responsable, car c’est une bataille
perdue d’office. A cause de tous ces traitements infligés aux prisonniers de Guantanamo,
certain d’entre eux tentent le suicide. Il faut être psychologiquement fort pour résister à la
privation de sommeil par exemple. Certain peuvent s’adapter, mais d’autres ne supportent pas
et deviennent fous. Les personnes psychologiquement faibles ne sont pas traitées
différemment des autres.
En ce qui concerne les traitements des détenus, l’administration Bush a toujours tenté de se
justifier par l’importance de la guerre totale contre le terrorisme. Pendant les premières
années, tous les mauvais traitements étaient niés. Pour le gouvernement américain, ces
méthodes n’occasionnaient aucune blessure physique, ni psychique. Mais les associations
pour la protection des droits de l’homme se sont vite rendu compte du contraire. Un cas
invraisemblable raconté par Amnesty International :
« Le 24 janvier 2003 à Guantanamo, un homme en combinaison orange était traité avec
brutalité telle qu‟il a été atteint d‟un traumatisme crânien occasionnant des séquelles
neurologiques. La victime a déclaré avoir été agressée par une équipe spéciale composée de
cinq surveillants, qui l‟auraient jeté à terre, l‟auraient immobilisé par un étranglement
douloureux et lui aurait cogné la tête à plusieurs reprises contre les tôles métalliques du sol.
Ce que les agresseurs ne savaient pas, c‟est que leur victime était en fait un militaire
américain, qui s‟était porté volontaire pour se faire passer pour un détenu récalcitrant lors
d‟un exercice ». 29
Finalement, c’est en étudiant concrètement au chapitre 5.1 les sévices subis par le prisonnier
français Mourad Benchellali que l’on pourra conclure le sujet sur la torture. Conclure, tout en
gardant un regard critique sur l’exactitude des documents trouvés concernant le traitement des
prisonniers à Guantanamo
28 Source : http://ccrjustice.org/files/rumsfeld.pdf
29 Sources : AMNESTY INTERNATIONAL, Il faut fermer Guantanamo, Symbole d‟injustice, p.6
BENCHELLALI Mourad, Voyage vers l'enfer, Robert Laffont, 2006, p.176-185
BOLOPION Philippe, Guantanamo : le bagne du bout du monde, La Découverte, 2004, p.78-81
BICHOVSKY Aude, Guantanamo, le camp de la honte ?, L’Hèbe, 2006
.http://www.fidh.org/IMG/pdf/doc14_-_FR_Al_QATANI.pdf http://ccrjustice.org/files/rumsfeld.pdf
22

Les photos suivantes ont été prises par l’armée américaine. Celles-ci ne montrent pas
forcément la réalité de Guantanamo. Ces photos ont pour but de faire passer Guantanamo
pour une prison correcte digne de celles que l’on peut trouver sur le sol américain. 30
30 Source : http://www.defenselink.mil/home/features/gitmo/facilities.html
23

4. Guantanamo d’un point de vue juridique
Les événements du 11 septembre ont suscité auprès du peuple américain un sentiment
d’insécurité et de danger permanent. Peu après les attentats, G.W. Bush et son administration
ont officiellement déclaré la guerre au terrorisme. Ils ont, dans la foulée, signé plusieurs
décrets sans forcément se soucier des lois fondamentales humanitaires et judiciaires qui
régissent les conflits internationaux.
Le 18 septembre 2001, soit sept jours après les attentats, le Congrès 31 américains vote la
première loi dans le cadre de la guerre contre le terroriste Authorization for use of military
force (AUMF) qui permet au président des Etats-Unis d’utiliser la force nécessaire et
appropriée contre les Etats, les organisations ou personnes considérées comme ayant autorisé,
commis ou facilité des attaques terroristes, ou contre celles ayant abrité de telles organisations
ou personnes.
A partir à cette première loi générale adoptée par le Congrès américain, G.W. Bush, en tant
que président des Etats-Unis d’Amérique et commandant en chef des forces armées par la
constitution américaine, signera plusieurs autres décrets présidentiels qui administreront en
partie le centre de détention américain de Guantanamo.
4.1 Lois autorisant les détentions arbitraires et illimitées
Le 26 octobre 2001, le président G.W Bush signe l’USA Patriot Act 32 voté la veille par le
Congrès américain. Cette loi donne aux services de renseignement, à la police, ainsi qu’à
l’armée américaine des pouvoirs exceptionnels dans le cadre de la guerre contre le terrorisme,
affaiblit le rôle des avocats de la défense et par conséquent remet certaines libertés
individuelles en question. Ainsi, ce texte autorise l’arrestation, la déportation et la mise à
l’isolement de suspects, qui peuvent être détenus indéfiniment par les autorités américaines.
Plus concrètement, la section 411 de ce texte « permet la détention et l‟expulsion d‟individus
ne possédant pas la nationalité américaine ayant fourni une assistance à des activités légales
d‟un groupe dont le gouvernement prétend qu‟il s‟agit d‟une organisation terroriste, même si
ce groupe n‟a jamais été désigné en tant que tel. Selon cette disposition, le secrétaire d‟Etat
peut désigner comme organisation terroriste tout groupe qui a été engagé dans des activités
violentes. » 33 C’est donc aux immigrés accusés de prouver qu’ils ne savaient pas que
l’organisation à laquelle ils ont fourni assistance était une organisation terroriste. Dans cette
section, aucune disposition n’oblige l’Etat à dresser une liste écrite des groupes qu’il
considère comme terroriste.
31
Le Congrès est le pouvoir législatif des Etats-Unis. Il est composé de deux Chambres, le Sénat (100 sénateurs,
soit deux par Etat) et la Chambre des représentants (435 représentants, soit un représentant pour environ 575'000
habitants).
32
De son vrai nom Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept
and Obstruct Terrorism c’est-à-dire « unir et renforcer l’Amérique en procurant les outils appropriés pour
déceler et contrer le terrorisme ».
33
Source : BICHOVSKY Aude, Guantanamo, le camp de la honte ?, L’Hèbe, 2006, p. 34
25

La section 412 prévoit, quant à elle, que « les immigrés dont l‟expulsion pour terrorisme est
impossible, mais qui ont violé les lois sur l‟immigration, peuvent être détenus de manière
illimitée si leur pays d‟origine refuse de les accepter. » 34
Ces deux sections du Patriot Act, liées principalement à l’immigration, permettent donc
d’incarcérer indéfiniment et sans preuve apparente toutes personnes de nationalité américaine
ou non pouvant commettre des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale. Dès
lors, la prison américaine de Guantanamo commencera à être le cadre des détentions
arbitraires et illimitées de prisonniers soupçonnés de terrorisme.
G.W.Bush lors de la signature de l’USA Patriot Act à la Maison Blanche le 26 octobre 2001 35
Mais le Patriot Act a subi plusieurs modifications entre sa votation, le 25 octobre 2001, et le
10 mars 2006. Seize dispositions du texte concernant majoritairement la surveillance, avaient
été adoptée pour une durée limitée soit jusqu’au 31 décembre 2005.
- 25 et 26 octobre 2001 : vote et signature de l’USA Patriot Act.
- Fin juillet 2005 : début du processus de révision, la chambre des représentants et le
Sénat ont d’abord voté la prolongation du Patriot Act. Mais les textes des deux
assemblées étant différents, une harmonisation c’est donc révélée nécessaire.
- 14 décembre 2005 : la Chambre des Représentants accepte le texte harmonisé.
- 15 décembre 2005 : le Sénat, pas convaincu par les nouvelles normes, bloque la
reconduction du Patriot Act.
34 Source : BICHOVSKY Aude, Guantanamo, le camp de la honte ?, L’Hèbe, 2006, p. 34
35 Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Patriotactsigning.jpg
26

- 21 décembre 2005 : le blocage du Sénat est levé à la suite d’un accord prolongeant les
dispositions du Patriot Act pour six mois dès le 31 décembre 2005. Cependant, lorsque
le texte revient une dernière fois à la Chambre des représentants, une nouvelle
proposition est faite : prolonger le Patriot Act de seulement cinq semaines, soit
jusqu’au 3 février 2006. Cette dernière proposition est avalisée par la Chambre Haute
du Congrès 36 .
- 3 février 2006 : une nouvelle prolongation de cinq semaines, soit jusqu’au 10 mars
2006 est votée.
- 7 mars 2006 : la Chambre des représentants américaine adopte définitivement le
Patriot Act, par une majorité de 280 voix contre 138 et reconduit donc les mesures
antiterroristes contenues dans cette loi.
Toutes les modifications du Patriot Act rendent ce texte très complexe et confirment son
caractère d’exception.
4.2 Choix de la prison américaine de Guantanamo à Cuba
La base de Guantanamo Bay est une enclave située au sud-est de l’île de Cuba. Elle fût cédée
aux les Américains en 1903 peu après la déclaration d’indépendance de Cuba. Au départ cet
accord permettait aux américains d’utiliser cette base uniquement pour l’exploitation navale et
charbonnière. En 1934, le bail devient perpétuel et s’annule que par l’accord des deux nations
ou par l’abandon de la base par les américains. Guantanamo devient une concession
américaine.
En 2001, suite aux attentats du 11 septembre et à la déclaration, le 13 novembre, de la guerre
totale contre le terrorisme par le président Bush, les Américains ont deux possibilités pour
enfermer les prisonniers capturés dans le cadre de cette guerres : soit dans les prisons de haute
sécurité américaines, soit sur la base de Guantanamo. A ce moment là, le but des autorités
américaines est de sortir ces prisonniers de tout cadre juridique. Guantanamo s’est donc avéré
l’endroit idéal pour des raisons pratiques et juridiques.
D’un point de vue pratique, la base militaire de Guantanamo est une île dans l’île d’où il est
impossible de s’évader. En effet, d’un côté se trouve l’océan à perte de vue, avec des courants
violents et des eaux infestées de requins. De l’autre, la base est séparée de Cuba par une
double frontière et des champs de mines, surveillés par des gardes américains et cubains.
36 Haute chambre du Congrès: chambre où siègent sénateurs et députés de la Chambre des représentants.
27

L’océan à perte de vue le long des côtes de Guantanamo. Aucun détenu n’oserait s’évader et se retrouver dans
ces eaux déchainées, infestées de requins 37 .
D’un point de vue juridique, les autorités américaines ont considéré que cette base de
Guantanamo ne se trouvant pas sur sol américain, la Constitution américaine ne s’y
appliquait pas. Les détenus n’y seraient donc pas protégés par les droits fondamentaux inscrits
dans la Constitution des Etats-Unis et les juridictions de droit commun seraient écartées au
profit de tribunaux militaires. Cette position est confirmée par la jurisprudence des cours
américaines et de la Cour suprême 38 qui ont écarté l’applicabilité de la Constitution dans les
cas où l’action du gouvernement fédéral hors des Etats-Unis concernait des étrangers.
Guantanamo est un vide juridique.
Mais ces théories développées par le gouvernement américain sont en contradiction avec les
principes résultants de deux textes juridiques.
Premièrement, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le PIDCP 39 signé et
ratifié par les Etats-Unis en 1992, s’applique aux personnes placées sous la juridiction d’un
Etat partie 40 , même celles se trouvant à l’étranger. Ainsi, l’article 2.1 prévoit que « les Etats
parties au présent Pacte s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant
sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte,
37
Source : http://www.boston.com/bigpicture/2008/12/scenes_from_guantanamo_bay.html
38
La Cour suprême est la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis. Elle est compétente dans tous les cas
relevant de la Constitution ou des lois des Etats-Unis et des traités qu’ils ont conclus.
39
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) également appelé Pacte ONU a été adopté
à New-York le 16 décembre 1966 par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 2200 A. Il est
entré en vigueur après la ratification par 35 Etats le 23 mars 1976.
40
Un Etat partie à un traité est un Etat qui a officiellement consenti à être lié par les dispositions de ce traité.
28

sans distinction aucune » 41 . De plus le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a
précisé aux Etats que les obligations que leur imposent le pacte ne se limitaient pas au respect
des droits de l’homme et que le PIDCP s’appliquait aux zones sous le contrôle des Etats
parties même situées hors de leur territoire.
Deuxièmement, l’accord bilatéral conclu en 1903 entre la République de Cuba et les Etats-
Unis prévoit que ces derniers exercent une juridiction complète sur Guantanamo et que donc
la Constitution et les lois américaines s’appliquent à l’intérieur de la base.
L’accord bilatéral de 1903 conclu entre la République de Cuba et les Etats-Unis indique en
effet, dans son article III : « While on the one hand the United States recognizes the
continuance of the ultimate sovereignty of the Republic of Cuba over the above described
areas of land and water, on the other hand the Republic of Cuba consents that during the
period of occupation by the United-States of said areas under the terms of this agreement the
United States shall exercise “complete jurisdiction” and control over and within said areas
[…] » 42 .
4.3 Statut des prisonniers
Selon les autorités américaines, les détenus de la prison de Guantanamo sont des
« combattants ennemis » et n’ont pas le statut de prisonniers de guerre. Pour cette raison ils ne
sont pas protégés par la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de
guerre, dont les Etats-Unis sont partie prenante depuis 1955. Mais avant de parler plus en
détails du statut des prisonniers, il convient de se pencher rapidement sur les éléments
principaux de la Convention de Genève.
La Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre fait partie d’un
ensemble de quatre traités internationaux, conclus à Genève le 12 août 1949, qui touchent
généralement à la protection des victimes de la guerre.
Conventions de Genève :
- 1 ère Convention : La Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et
des malades dans les forces armées en campagne.
- 2 ème Convention : La Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés,
des malades et des naufragés des forces armées sur mer.
- 3 ème Convention : La Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de
guerre.
41
Source : http://www2.ohchr.org/French/law/ccpr.htm
42
Source : http://www.ridi.org/adi/articles/2002/200206pel.htm
« D'une part les États-Unis reconnaissent le maintien de l‟ultime souveraineté de la République de Cuba sur les
zones terrestres et d'eau décrites ci-dessus, d'autre part, la République de Cuba consent à ce que pendant la
période d'occupation de ces zones par les États-Unis, selon les termes de cet accord, les États-Unis exercent une
juridiction complète et un contrôle au sein de ces zones » traduction par nos soins.
29

- 4 ème Convention : La Convention de Genève relative à la protection des civils en temps
de guerre.
Document original de la première Convention de Genève de 1864. 43
Ces Conventions s’appliquent en temps de guerre ou en cas de conflit armé entre deux ou
plusieurs parties contractantes. Elles protègent les individus qui ne participent pas aux
hostilités (les civils, les membres du personnel sanitaire, ou d’organisations humanitaires)
ainsi que ceux qui prennent plus part aux combats (les blessés, les malades, les naufragés et
les prisonniers de guerre). Les conventions de Genève sont des instruments contraignants du
droit international que la quasi-totalité des pays du globe ont ratifiées.
Contrairement à la communauté internationale, le président G.W. Bush, dans un mémorandum
datant du 7 février 2002 44 , a estimé que les quatre Conventions de Genève relatives à la
protection des victimes de la guerre ne s’appliquaient pas aux suspects liés à Al-Qaida,
organisation qui n’est selon lui pas une partie contractante au sens desdites Conventions. Il
considère les Talibans certes comme partie contractante du conflit qui, en tant que tels
devraient être protégés, mais les rangent dans une catégorie créée pour l’occasion, celle des
« combattants ennemis ». Ceux-ci ne peuvent pas jouir du statut de prisonnier de guerre et de
43 Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Original_Geneva_Conventions.jpg
44 Humane Treatment of al Qaeda and Taliban Detainees, Memorandum of Georges W. Bush 7 février 2002.
30

leurs droits prévus par la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de
guerre.
Or, il n’existe pas de statut intermédiaire : les individus qui tombent dans les mains de l’autre
partie pendant un conflit armé sont soit des soldats qui sont donc protégé par la 3 ème
Convention de Genève, soit des civils qui tombent sous la protection de la 4 ème Convention
relative à la protection des civils en temps de guerre.
Cette notion de « combattants ennemis » est inconnue du droit international et ne correspond à
aucun statut légal. Aucun soldat n’a jamais été traduit en justice en tant que combattant ;
même devant les tribunaux pour crimes de guerre. Ce sont généralement les officiers qui
donnaient les ordres qui ont été traduits en justice. Mais aucun simple soldat n’a jamais été
jugé.
L’article 4.1 de la 3 ème Convention de Genève prévoit que sont prisonniers de guerre les
membres des forces armées d'une Partie au conflit, de même que les membres des milices et
des corps de volontaires faisant partie de ces forces armées.
Ces termes larges ont été justement choisis pour éviter les ambiguïtés dues à la diversité des
situations des combattants. Les combattants talibans ainsi que les volontaires d’Afghanistan
font partie de cette catégorie et devraient donc être considérés comme des prisonniers de
guerre et non des « combattants ennemis ».
L’article 5 prévoit quant à lui que « S'il y a doute sur l'appartenance à l'une des catégories
énumérées à l'article 4 des personnes qui ont commis un acte de belligérance et qui sont
tombées aux mains de l'ennemi, lesdites personnes bénéficieront de la protection de la
présente Convention en attendant que leur statut ait été déterminé par un tribunal
compétent. »
En résumé, un détenu a le statut de prisonnier de guerre jusqu’à preuve du contraire. Les
membres de l’organisation terroriste Al-Qaïda devraient être mis sous la protection de cet
article.
Au contraire, les autorités américaines ont déclaré unilatéralement qu’il n’y avait en aucun
cas besoin de recourir à d’un tel tribunal envisagé par la 3 ème Convention de Genève pour
déterminer le statut des détenus de Guantanamo. En effet, elles ont considéré que le recours à
un tel tribunal n’est nécessaire que lorsque les autorités détentrices ont un doute sur le statut
des détenus, ci qui n’est pas le cas.
Cette interprétation est un déni du sens de l’article 5 de la convention. Les autorités
américaines devraient avoir en effet recours à un tribunal compétent, indépendant et impartial,
car s’il existe bien un doute quant au statut des détenus, c’est par une approche légitime qui
respecte le droit international qu’il faut trancher la question. En lieu et place d’une instance
impartiale, le gouvernement Bush a créé le 7 juillet 2004 des tribunaux d’examen du statut de
31

« combattant ennemi » 45 , constitués de trois officiers militaires dont l’unique objectif est de
confirmer ou d’infirmer pour chaque prisonnier le statut de « combattant ennemi ».
Mais certains des prisonniers de Guantanamo seraient peut-être même dans aucune catégorie
prévue par l’article 4 et seraient seulement des civils ou des non-combattants qui auraient été
capturés dans des zones de conflits en Afghanistan, ce qui devrait les protéger de toute
incarcération.
Les tribunaux d’examen mentionnés plus haut qui ont fonctionné de juillet 2004 à fin mars
2005 ont examiné 553 cas et le statut de « combattant ennemi » a été confirmé dans 93% des
cas. Ces jugements sont sujets au doute en raison de la partialité des tribunaux militaires.
Selon le CICR 46 , le gouvernement américain a délibérément traité la question du statut des
prisonniers de Guantanamo hors du cadre du système judiciaire américain et des Conventions
de Genève et ne les a pas considérés comme prisonniers de guerre, pour se donner toute
latitude dans leurs conditions d’incarcération et de jugement.
4.4 Jugement des prisonniers
« Toute personne arrêtée a le droit de savoir pourquoi elle est arrêtée et de quoi elle est accusée.
Ensuite, elle doit être présentée dans les trois jours devant un juge, qui peut décider de sa
libération ». 47
L’ordonnance d’Habeas Corpus est un texte de loi international qui énonce une liberté
fondamentale, celle de ne pas pouvoir être emprisonné sans jugement. Cette ordonnance
permet le contrôle judiciaire des détentions. Ses origines remontent à l'Angleterre du Moyen
Âge. Depuis, elle a été renforcée et précisée de façon à apporter des garanties réelles et
efficaces contre la détention arbitraire par l'Habeas Corpus Act (loi sur l’habeas corpus) de
1679. Aux États-Unis, elle a une valeur constitutionnelle, et ne peut être suspendue qu’en
temps de guerre. Comme expliqué dans le chapitre 4.2, les Américains affirment que la base
de Guantanamo ne se trouve pas sur le territoire américain. Selon le CICR, il en découle une
conséquence particulièrement grave : l’impossibilité pour tous les détenus de nationalité
étrangère d’obtenir l’ordonnance d’Habeas corpus 48 . Les autorités américaines ont en effet
immédiatement saisi cette occasion et ont annulé l’application de la loi de l’Habeas corpus
dès le début de la guerre contre le terrorisme. Les prisonniers de Guantanamo ne peuvent
donc pas contester la légalité de leur incarcération. Ils restent dans un flou juridique et ne
bénéficient pas de garanties procédurales.
En lieu et place de l’application de l’Habeas Corpus Act, le 13 novembre 200, Georges W.
Bush signait le Military Order, créant la prison de Guantanamo et instaurant des commissions
45
Combatant Status Review Tribunal (CSRT)
46
Interview de Mr Greg Müller, chef d’unité au CICR, protection dans la lutte globale contre le terrorisme, le 18
mai 2009 à Genève
47
Extrait de L’Habeas Corpus du latin que tu aies le corps (pour le produire en justice).
48
Interview de Mr Greg Müller, chef d’unité au CICR, protection dans la lutte globale contre le terrorisme, le 18
mai 2009 à Genève
32

militaires, dont la fonction est du juger les prisonniers de Guantanamo, la sentence pouvant
aller jusqu’à la peine de mort. Le 21 mars 2002, le gouvernement a par ailleurs adopté un
règlement concernant l’organisation et le fonctionnement de ces commissions militaires (le
Military Commision Order).
Ces commissions militaires établies par le gouvernement Bush ne respectent pas plusieurs
droits fondamentaux qui doivent être accordés aux détenus.
D’abord, elles sont discriminatoires, car elles ne s’appliquent qu’aux individus qui ne sont pas
ressortissants américains. L’article 2 de la déclaration universelle des droits de l’homme et la
Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre qui prévoit que toutes
les personnes sont égales devant la loi, est ainsi bafoué. Mais les Etats-Unis transgressent
également la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination
raciale, à laquelle ils ont adhéré le 21 octobre 1994. Son article 5 prévoit que
« Conformément aux obligations fondamentales énoncées à l'article 2 de la présente
Convention, les Etats parties s'engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale
sous toute ses formes et à garantir le droit de chacun à l'égalité devant la loi sans distinction
de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des
droits suivants :
a) Droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la
justice. » 49
Ensuite ces commissions militaires ne permettent pas de procès équitable, car elles ne
jouissent d’aucune distance ni indépendance par rapport au pouvoir exécutif américain. Les
officiers qui composent ces commissions sont en effet désignés par le Secrétaire à la défense.
Il s’agit d’une violation de l’article 10 de la déclaration universelle des droits de l’homme et
la Convention de Genève relative aux prisonniers de guerre. En plus de cette dépendance des
commissions militaires, les accusés n’ont pas le droit de choisir un défenseur de leur choix. Ils
se voient octroyer d’office à titre de conseiller un officier militaire juriste ou avocat dans les
forces armées. Les détenus peuvent toutefois choisir à leur propre frais un avocat civil mais
celui-ci ne pourra pas accéder à certaines données sur l’accusé classées secrètes ni s’entretenir
confidentiellement avec l’accusé sans la présence de son avocat militaire.
49 Source : http://www.aidh.org/Racisme/T_Discrim_02.htm
33

Dessin d’audience représentant le prisonnier éthiopien de Guantanamo Benyam Mohammed et son avocat
militaire commis d’office devant la commission militaire le 6 avril 2006. 50
En outre, les règles concernant la recevabilité des preuves devant les commissions militaires
autorisent notamment les preuves indirectes, les déclarations obtenues sous la torture et celles
provenant d’autres détenus de Guantanamo ou d’ailleurs. Ces règles vont à l’encontre de
l’article 15 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains
ou dégradants de l’ONU qui prévoit que « Tout Etat partie veille à ce que toute déclaration
dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un
élément de preuve dans une procédure, si ce n'est contre la personne accusée de torture pour
établir qu'une déclaration a été faite. » 51
Enfin, le droit de recours auprès d’un tribunal indépendant et impartial prévu par l’ONU n’est
pas respecté. La section 7 du Military Order prévoit que (2) « the individual shall not be
privileged to seek any remedy or maintain any proceeding, directly or indirectly, or to have
any such remedy or proceeding sought on the individual's behalf, in (i) any court of the
50 Source : http://cache.daylife.com/imageserve/027rdwt1yDh0o/610x.jpg
51 Source : http://www2.ohchr.org/french/law/cat.htm
34

United States, or any State thereof, (ii) any court of any foreign nation, or (iii) any
international tribunal. » 52
En lieu et place d’un recours traditionnel instruit de façon neutre, tout accusé condamné par
une commission militaire peut voir dans le meilleur des cas, son jugement réévalué par le
Secrétaire à la défense, qui procède à un réexamen administratif (administrative review). S’il
estime que la procédure est conforme, il transmet alors le procès-verbal à un Collège de
réexamen (review panel) composé de trois officiers militaires, nommés par le Secrétaire à la
défense, qui a lui-même approuvé les chefs d’accusation. Ce collège doit alors transmettre
l’affaire au Secrétaire à la défense dans les septante-cinq jours, avec une recommandation ou
alors lui soumettre une nouvelle fois l’affaire si une erreur de droit est constatée. La décision
finale appartient au Président des Etats-Unis ou au Secrétaire à la défense, si le Président lui
en délègue le droit.
Au vu de ce qui précède, les commissions militaires ne sont ni indépendantes, ni impartiales
et n’offrent aucune garantie en matière de procédure judiciaire prévue par le droit
international. Face aux contestations appuyées par des textes de lois internationaux venant
d’ONG comme le CICR ou Amnesty International, le gouvernement Bush s’est un peu trop
souvent contenté de prétendre que sa position avait été validée par le Congrès lorsqu’il avait
adopté l’AUMF (Authorization for use of military force) 53 , qui autorise le Président à user de
toute la force nécessaire et appropriée contre les responsables de l’attaque du 11 septembre
2001.
Ces commissions militaires ont néanmoins suscité de nombreux débats et passes d’armes
entre les institutions américaines concernées, représentant les pouvoir exécutif, législatif et
judiciaire. Elles feront l’objet de certains changements entre 2004 et aujourd’hui. Les
tribunaux fédéraux ainsi que le Congrès en sont les principaux contributeurs. Concrètement le
28 juin 2004 la Cour suprême américaine a par exemple clarifié deux points fondamentaux.
Tout d’abord, elle conclut que les Etats-Unis exercent effectivement le contrôle total sur la
base navale enclavée de Guantanamo. Par conséquence, on ne peut plus évoquer, selon la
Cour suprême, une quelconque extraterritorialité pour prétendre que les cours américaines
n’ont pas juridiction sur les détenus de Guantanamo. Ensuite la Cour suprême a reconnu aux
tribunaux civils américains la compétence pour traiter de l’Habeas corpus. A partir de là, les
choses commencent à évoluer grâce notamment aux procédures judiciaires de deux détenus
qui obtiendront que leur cas soit porté devant la Cour suprême. Ces remises en question
affaiblissent la position de principe de l’administration Bush sur la nécessité de la base de
Guantanamo et ébranlent les certitudes d’une partie de l’opinion publique américaine.
52
Source : http://www.fas.org/irp/offdocs/eo/mo-111301.htm
(2) Toute personne jugée par une commission militaire ne peut utiliser de recours ou maintenir une procédure,
devant (i) une cour des Etats-Unis ou d’un Etat américain, (ii) la cour d’une nation étrangère, ou (iii) un tribunal
international.
53
Concernant l’AUMF, voir chapitre 4.
35

4.5 Opposition entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire américains
Le pouvoir législatif constitue l'une des trois composantes de l'État moderne avec le pouvoir
exécutif (Gouvernement) et le pouvoir judiciaire (les tribunaux). Le pouvoir législatif a pour
fonction de promulger les lois : les projets sont déposés, soumis à un débat et souvent
examinés par des comités (ou commissions) législatifs ; les projets font, au terme du
processus, l'objet d'un vote final. Généralement, les projets doivent être sanctionnés par le
pouvoir exécutif (Chef de l'État) pour devenir des lois. Le pouvoir judiciaire a pour rôle de
contrôler l'application de ces lois et de sanctionner leur non-respect.
Aux Etats-Unis, Le Congrès représente le pouvoir législatif. Il est divisé en deux partie ; la
Chambre des Représentants (chambre basse) et le Sénat (chambre haute). Le président, en
2001 George W. Bush, et son gouvernement sont le pouvoir exécutif. La Cour suprême des
États-Unis d'Amérique se trouve, quant à elle, à la tête du pouvoir judiciaire fédéral et en est
la pierre angulaire.
Au vu des nombreuses violations des droits procéduraux dont les prisonniers de Guantanamo
font l’objet, certains d’entre eux ont pu contester la légalité de leur détention devant les
tribunaux civils américains 54 . Lors de chaque affaire, le gouvernement américain développe
les mêmes arguments: il affirme être dans son droit, en vertu des pouvoirs conférés au
Président en temps de guerre, et dans le contexte des menaces que continue de proférer Al-
Qaïda, en maintenant en détention pendant la durée des hostilités des individus, y compris des
citoyens américains, qualifiés de combattants ennemis. Le gouvernement rappelle que sa
position a été validée par le Congrès lorsqu’il a adopté l’AUMF (Autorization for use of
military force), qui autorise le Président à user de toute la force nécessaire et appropriée
contre les responsables de l’attaque du 11 septembre 2001.
Deux affaires, dont les accusés étaient des citoyens américains, ont d’abord été jugées. La
première concernait Yaser Esam Hamdi, capturé en Afghanistan. La deuxième avait trait à
José Padilla, arrêté à l’aéroport de Chicago en mai 2002. Les deux hommes ont été qualifiés
de combattants ennemis et emprisonnés sans jugement sur la base américaine de Norlfolk, en
Caroline du sud sans avoir le droit de consulter un avocat ou leur famille. Tous deux ont donc
contesté la légalité de leur détention. La Cour suprême s’est prononcée sur ces deux cas le 28
juin 2004. Concernant l’affaire Hamdi, elle a considéré que ce dernier était en droit d’être
jugé avec toutes les garanties prévues par la loi et que sa requête devait être examinée par les
tribunaux américains. La Cour suprême a en revanche rejeté la requête de Padilla, au motif
qu’elle avait été déposée devant la mauvaise juridiction. Il dû être rejugé le 28 février 2005,
par un juge de district, qui a estimé que le gouvernement américain ne pouvait pas maintenir
José Padilla en détention illimitée. Le Département de la justice a fait appel contre cette
décision et a obtenu gain de cause le 9 septembre 2005 devant une Cour d’appel. Le 17
novembre 2005, après plus de trois ans et demi de détention sans aucune charge retenue à son
encontre, José Padilla a finalement été inculpé par une Cour fédérale de district.
54 Les tribunaux civils sont à distinguer des tribunaux militaires, qui s’appliquent aux militaires seulement.
36

Le lundi 28 juin 2004, après s’être prononcée concernant les deux affaires mentionnées cidessus,
dans un arrêt historique qui est une gifle pour l’administration Bush, les juges donnent
raison aux avocats des détenus. Par six voix contre trois, ils affirment que tous les prisonniers
de Guantanamo ont le droit de contester leur emprisonnement devant un tribunal fédéral
américain ce qui constitue un désaveu cinglant pour le gouvernement Bush. Les tribunaux
américains ont la possibilité d‟examiner la légalité de la détention de détenus étrangers
capturés à l‟‟étranger en relation avec des hostilités et incarcérés sur la base de Guantanamo
écrivent-ils. La juge Sandra O’Connor explique que, dans cette affaire, la Cour a clairement
indiqué qu‟un état de guerre n‟est pas un chèque en blanc pour le président. Les juges
estiment que les tribunaux américains seront capables de gérer convenablement, au cas par
cas, les éventuelles questions de sécurité nationale, tout en sauvegardant les libertés
élémentaires. Les ONG se réjouissent de cette décision, Michael Ratner du CICR estime que
« c‟est une victoire majeure pour la justice qui affirme la droit de chacun, citoyen ou non et
détenu par les Etats-Unis, de contester la légalité de sa détention devant un tribunal
américain. »
Le président George W. Bush se tient aux côtés des neuf juges qui composent la Cour suprême des États-Unis.
De gauche à droite: Ruth Bader Ginsburg, David Souter, Antonin Scalia, John Paul Stevens, Juge en chef John
Roberts, le président George W. Bush, ancienne juge Sandra Day O’Connor (aujourd‘hui remplacée par Sonia
Sotomayor), Anthony Kennedy, Clarence Thomas et Stephen Breyer. 55
A la suite de cette décision de la Cour suprême, plusieurs détenus contesteront la légalité de
leur détention et des jugements seront rendus par les tribunaux civils américains. Mais
cependant, à la fin de l’année 2005, le Congrès des Etats-Unis adopte une loi, le Detainee
Treatment Act 56 , signé le 30 septembre 2005 par le président Bush, texte qui revient sur les
55 Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Supreme_Court_October_2005.jpg
56 « loi sur le traitement des ennemis combattants »
37

avancées que ces décisions de la cour suprême auraient pu constituer pour les détenus de
Guantanamo. Ce texte statue que les terroristes présumés, non-citoyens américains, enfermés
à Guantanamo n’ont plus le droit de faire recours contre leur détention sur la base militaire
américaine devant les tribunaux civils. Cette loi garantit toutefois au Congrès un droit de
regard sur le statut de ces détenus; ainsi, la Maison-Blanche se devra d’expliquer aux
parlementaires les raisons qui l’ont poussée à qualifier les détenus de Guantanamo de
combattants ennemis. De même les Tribunaux d’examen du statut de combattant ennemi ne
pourront plus retenir des preuves obtenues par la contrainte. Enfin, le jugement rendu par ces
derniers sera susceptible de recours auprès d’une Cour d’appel. De fait, les partisans de cette
loi estiment qu’elle constitue un bon compromis entre la position de l’administration Bush,
qui milite en faveur d’un contrôle exclusif des conditions de détention des terroristes
présumés, et celle des groupes de défense des droits de l’homme qui critiquent les pratiques
américaines à Guantanamo. Le gouvernement Bush, se fondant sur cette loi, a donc
officiellement demandé à la cour suprême de rejeter les recours cherchant à remettre en cause
la légalité des tribunaux militaires d’exception.
38

5. Etude d’un cas concret
Résumée en dix lignes dans un journal, mon histoire n‟a pas besoin de phrases. Il
suffit de quelques mots détachés les uns des autres, des mots qui pèsent des tonnes:
« Jeune musulman français né aux Minguettes. »
« Père imam de banlieue. »
« Frère en Tchétchénie. »
« Filière algérienne. »
« Camp d‟Al-Qaïda. »
« Oussama Ben Laden. »
« Ennemi combattant. »
« Guantanamo. »
« Juge Bruguière. »
Vous avez tout compris, n‟est-ce pas? Au chômage, ayant perdu mes repères, j‟aurais
basculé dans l‟islamisme radical et choisi d‟aller m‟entraîner en Afghanistan dans un
camp pour faire le djihad. Et puis j‟aurais été arrêté par les Américains, les armes à
la main, du côté de Tora Bora et déporté à Guantanamo. Comme dit le proverbe, « il
n‟y a pas de fumée sans feu », donc, si on a été envoyé là-bas, il doit sûrement y avoir
une bonne raison.
C‟est cette histoire que je lis dans les yeux de certains, quand je les croise et que je dis
mon nom. Benchellali Mourad. Tout de suite, je vois: les yeux qui se plissent, la
personne qui fait un pas en arrière.
C‟est lui…
C‟est peut-être « lui », mais ce n‟est pas moi. 57
Mourad Benchellali
En 2001, Mourad Benchellali a 19 ans, d’origine algérienne, c’est un jeune français originaire
de la cité des Minguettes à Vénissieux en banlieue lyonnaise. Il y vit avec ses parents et ses
cinq frères et sœurs. Contrairement à son père imam, lui ne s’intéresse pas beaucoup à la
religion. C’est un musulman plutôt tranquille. Il a un métier et vient de se fiancer avec
Djamila, une fille de son quartier. Au printemps, Il fait l’erreur d’écouter son grand frère
Hakim, qui est lui un islamiste extrémiste, et part avec Nizar Sassi un ami, en Afghanistan où
il s’attend à passer des vacances de rêve.
57 Extrait du livre: BENCHELLALI Mourad, Voyage vers l'enfer, Robert Laffont, 2006, p. 12 et 13.
39

Les amis de son frère doivent s‘occuper d‘eux. C’est ce qu’ils font en les expédiant, à leur
insu, dans ce qui se révèlera être un camp d’entraînement d’Al-Qaïda, dans lequel ils
croiseront même la route d’Oussama Ben Laden. Dès qu’ils le pourront, ils partiront et c’est à
quelques kilomètres de la frontière pakistanaise qu’ils prendront connaissance des attentats du
11 septembre 2001. Dès lors ils seront pris en chasse par l’armée pakistanaise et après leur
arrestation ils seront remis aux Américains. Après deux semaines de cauchemar sur une base
militaire US à Kandahar, Mourad Benchellali sera déporté sur la base de Guantanamo à Cuba.
Il sera libéré de la prison en juillet 2004. Une fois en France, il passera encore plus d’une
année derrière les barreaux avant d’être définitivement libéré.
Mourad Benchellali dans un tribunal français après avoir été libéré de Guantanamo. 58
5.1 Conditions d’internement
Comme beaucoup de prisonniers de Guantanamo, Mourad Benchellali transitera par la prison
américaine de Khandahar basée sur un ancien aéroport dans le sud de l’Afghanistan avant
d‘être déporté à Guantanamo. C’est dans cette prison, entravé de menottes et de chaîne, qu’il
subira ses premiers mauvais traitements, ses premiers interrogatoires musclés et ses premières
humiliations. Nous sommes en janvier 2002, Mourad et d’autres prisonniers sont transférés
sans en être informés sur l’île de Cuba. Après plus de vingt heures de vol avec escale, les
détenus sont accueillis très violement. Les coups pleuvent et pleuvront durant les quatre
années de sa détention à Guantanamo.
Pour montrer plus concrètement que les traitements inhumains, le non-respect des religions
ainsi que la torture physique et psychologique étaient relativement courants à Guantanamo,
nous avons choisi de parler de certains évènements subis par Mourad Benchellali à
58 Source: http://cache.daylife.com/imageserve/0cbU4tx3d05au/340x.jpg
40

Guantanamo qui parlent d’eux-mêmes:
« Réveil de nuit, fouille de la cellule. Ça arrive souvent, mais cette fois-ci le gardien a l‟air
vraiment énervé. Je ne sais pas ce qui a pu se passer et de toute façon ça ne servirait à rien
de le savoir. Il jette ma serviette, s‟empare du Coran, le lance par terre, donne un coup de
pied dedans. ´´Ce livre pourri, il hurle, c‟est à cause de ça qu‟il y a eu le 11 septembre!`` » 59
Cet évènement est loin d’être un cas isolé. Plusieurs prisonniers ont déclaré avoir vu des
gardiens jeter un livre du Coran à la poubelle ou encore cracher dessus et le piétiner. Mais cet
épisode n’est pas sans conséquence, la nouvelle passe de cellule en cellule et la première
grève de la faim se déclenche aussitôt.
« Derrière moi, j‟entends les voix des détenus qui me disent de me calmer. Mais c‟est trop
tard: c‟est à mon tour de prendre le ´´bus`` sur la tête: quatre ou cinq MP en tenue
antiémeute, avec leur chef qui tient une bombe lacrymogène. J‟apprendrai plus tard qu‟ils
sont la IRF 60 : en jargon de Gitmo, nous les appelons la ´´hurt team`` »
« Pas besoin d‟imagination pour comprendre pourquoi: coup de bombe dans le visage pour
commencer, puis l‟un après l‟autre les membres de l‟équipe me tombent dessus à coups de
poing; dès que l‟un a fini, le suivant s‟y met. Je suis projeté d‟un côté à l‟autre du grillage,
relevé pour être frappé encore. Ils s‟y connaissent, ce sont des experts: ils savent taper sans
faire saigner, là où ça ne se voit pas. Je gueule jusqu‟à la limite de mes forces, et bientôt mes
cris ne sont plus qu‟un râle. Ils sortent. » 61
Lorsqu’un détenu ose manifester sa colère envers un garde voilà ce qu’il risque. Mourad
Benchellali a vu d’autres prisonniers se faire rosser par la IRF avec parfois encore plus de
violence et de sang.
« Il y a une nouvelle présence dans la pièce: c‟est une jeune femme avec le brassard MP, une
brune assez grande, une belle femme. Je ne l‟ai jamais vue. J‟ai entendu des rumeurs, mais
jusque-là il ne m‟est rien arrivé. […]»
« Qu‟est-ce que tu as? Dit-elle avec un sourire. Détends-toi… Elle commence à me toucher
les épaules, les bras, et je gueule: Ne me touche pas! »
« Elle enlève sa veste, se retrouve en T-shirt. Je baisse les yeux pour ne pas voir. J‟essaie de
concentrer mon regard sur l‟anneau où je suis accroché. Je les entends rigoler, ils trouvent
ça drôle. J‟entends un froissement: elle a enlevé son T-shirt, elle est en soutien-gorge. Le
malaise m‟assèche la gorge, me donne la nausée. Ne rien faire, ne pas bouger, garder les
yeux baissés, accrochés à l‟anneau. Je l‟entends qui demande, d‟une voix qui ne me semble
pas très assurée: »
« Je continue ou pas? Les deux types m‟appellent: « Mourad, elle continue ou pas? » Je serre
59 Source : Extrait du livre: BENCHELLALI Mourad, Voyage vers l'enfer, Robert Laffont, 2006, p. 156.
60 l’Extreme Reaction Force. Déjà évoquée au chapitre 3.4 sur le traitement des prisonniers.
61 Source : Extrait du livre: BENCHELLALI Mourad, Voyage vers l'enfer, Robert Laffont, 2006, p. 158-159.
41

les lèvres et les poings ».
« Hein, Mourad, tu veux parler, maintenant? Tu es de meilleure humeur, non? Tu es plus
cool, non? »
« Je grommelle entre mes dents: J‟en ai marre. »
« Ils ont dû lui faire un nouveau signe, parce que je la devine qui enlève son pantalon. Elle
s‟approche de moi par un côté et je tourne le visage de l‟autre, alors elle vient de l‟autre et je
me tourne à nouveau. J‟ai les larmes aux yeux, je baisse la tête le plus bas possible, comme si
j‟étais une autruche et que je pouvais l‟enfoncer dans le sol et ne plus voir, ne plus respirer.
Peut-être qu‟elle se déshabille complètement, peut-être pas, je ne sais plus, car je suis
enveloppé dans une espèce de brouillard. Il me semble que ça dure longtemps, il y a des rires,
des gloussements et puis d‟un coup: »
« C‟est bon, rhabille-toi. » 62
La torture physique (déjà évoquée en détails au chapitre 3.4 Traitement des prisonniers) mais
aussi psychologique étaient monnaie courante lors des interrogatoires à Guantanamo. En
l’occurrence, les gardes tentent de faire parler Mourad en l’humiliant sexuellement.
Beaucoup de témoignages de détenus libérés de Guantanamo, comme celui de Mourad
Benchellali, sont parus dans la presse et concernent le traitement qui leur a été infligé par
l’armée américaine. On y trouve tout et son contraire. Certains louent le traitement humain
qu’ils ont reçu, la qualité de la nourriture, le confort relatif des cellules et les soins qui leur ont
été prodigués, alors que d’autres affirment qu’ils ont subi nombre d’actes plus humiliants les
uns que les autres. Il convient de faire la part des choses dans ces témoignages. Certains
anciens détenus n’ont peut-être pas envie de parler des traitements qu’ils ont réellement subis
à Guantanamo, de peur d’être à nouveau arrêtés par les Américains; d’autres ont peut-être été
réellement bien traités car ils se sont montrés coopératifs avec l’armée ou parce que, ne
détenant pas de renseignement particulier, il n’était pas utile de les maltraiter pour leur
extorquer quelque information.
Enfin, d’autres ont peut-être exagéré les sévices subis, avec pour objectif de vendre à la presse
ou à des éditeurs des témoignages spectaculaires, ou simplement par vengeance ou par
propagande anti-américaine.
Dès lors, pour répondre à la question de la réalité de la torture à Guantanamo, il convient
d’utiliser essentiellement les rapports d’ONG neutres et indépendantes comme la Croix-
Rouge ou Amnesty International.
Lors de l’interview de Mr Greg Müller 63 , celui-ci nous avait mentionné un rapport du CICR
62 Source : Extrait du livre: BENCHELLALI Mourad, Voyage vers l'enfer, Robert Laffont, 2006, p. 172-173.
63 Interview de Mr Greg Müller, chef d’unité au CICR, protection dans la lutte globale contre le terrorisme, le 18
mai 2009 à Genève
42

sur Guantanamo datant de début 2007. Ce rapport devait au départ rester entre les mains du
CICR et de la maison blanche mais une fuite l’a dévoilé au grand public. On y trouve des
informations concernant le traitement des prisonnier et des techniques équivalentes à la
torture y sont évoquées.
Au vu de ce qui précède, avec l’appui des photos prises à Abou Grhaïb en 2004 et des plans
de torture physique et psychologique élaborés par le Pentagone en 2002, il n’y a plus guère de
doute : à Guantanamo la torture était bel et bien présente. Si on prend on compte les
témoignages des prisonniers et la réalité avérée de la torture dans d’autres prisons américaines
en Irak ou en Afghanistan, il n’y a en effet aucune raison de penser que Guantanamo ait pu
faire exception, même si les traitements extrêmes observés dans les prisons des terrains du
combat armé n’ont peut-être pas eu lieu.
Finalement, et ça sera le mot de la fin, selon Dick Marty « L‟acceptation de la torture sous
quelque forme que ce soit est un retour en arrière de notre civilisation. Elle devrait être
l‟objet d‟interdiction absolue et ne doit pas pouvoir être justifiée par la sécurité d‟un
pays. » 64
5.2 Jugement de Mourad Benchellali
Comme pour la majorité des détenus de Guantanamo, le statut de « combattant ennemi » sera
attribué à Mourad Benchellali dès son arrivée à Guantanamo. Là-bas, les jugements, même
devant des tribunaux militaires, étant rares, il passera ses quatre années d’emprisonnement
sans être jugé. Bizarrement, c’est à son retour en France que les ennuis avec la justice, à
proprement parlé, commenceront.
Ce dessin ironique montre des ex-prisonniers de Guantanamo prêts à se faire exploser sur le sol français, alors
qu’ils sont pacifiques. 65
64 Interview de M. Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne.
65 Source: http://www.bakchich.info/IMG/jpg_Guantanamo.jpg
43

Nous sommes le 27 juillet 2004 lorsque l’avion militaire se pose sur le sol français. A son
bord quatre ex-prisonniers de Guantanamo dont Mourad Benchellali habillés en civil,
soulagés de rentrer au pays. Mais en France, le comité d’accueil n’est pas exactement celui
auquel ils s’attendaient. Dès leur arrivée, on leur passe des menottes aux poignets et on leur
signifie sur le tarmac qu’ils sont placés en garde à vue par les juges Bruguière et Ricard pour
« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Ils sont désormais de
retour dans un monde fait de juges, d’avocats et de procès. Au siège de la Direction de la
surveillance du territoire (DST), ils passent un examen médical qui les trouve en assez bonne
santé, suffisamment en tout cas pour tenir le temps de la garde à vue. Mourad Benchellali se
montre coopératif. Il explique longuement le parcours peu habituel qui l’a conduit à
Guantanamo. Cet interrogatoire sert de base à son dossier qui, selon son avocat est vide.
Jacques Debray et ses confrères William Bourdon et Claire Chaillou, les avocats de Mourad,
décident de contester la légalité d’ « une procédure judiciaire française qui se fonde sur des
éléments qui on été recueillis dans les conditions qu‟on connaît, c‟est-à-dire auprès de
personnes qui sont détenues sans aucun droit. On ne peut pas d‟un côté dénoncer cette
situation et en même temps s‟en servir pour les poursuivre ici » 66 .
C’est depuis sa cellule de la prison de Fleury-Mérogis, que Mourad Benchellali apprendra
que, fin décembre 2002, son frère Hakim s’est fait interpellé par la DST à Romainville, avec
trois autres terroristes présumés, dans le cadre des « filières Tchétchènes ». Ils sont accusés
d’avoir préparé des attentats contre les intérêts russes en France. Sa mère, son père et Hafed,
un de ces frères, se retrouvent également en prison pour « association de malfaiteurs ».
Le procès de Mourad commence. Le juge Bruguière lui reproche les raisons de son départ en
Afghanistan qui ne sont, selon lui, pas cohérentes. Il lui reproche également d’avoir fait du
prosélytisme et les condamnations infligées à son frère terroriste se retournent parfois contre
lui. A chaque fois que Mourad passe devant le juge des libertés, ses avocats plaident son
innocence avec une force de conviction impressionnante. Nous sommes en 2005, les auditions
se poursuivent et le juge commence à être ébranlé par les avocats de Mourad ; lui continue à
raconter son récit avec sincérité. Début janvier 2006, Mourad Benchellali et son avocate
Claire Chaillou ont rendez-vous avec le juge Bruguière. L’atmosphère est détendue, le procès
avance. Fin janvier, le juge a accepté la demande de mise en liberté de Mourad mais a
ordonné une mesure de contrôle judiciaire. Mourad n’a pas le droit de quitter l’Ile-de-France
et n’a pas le droit d’être en contact avec Nizar Sassi. Juillet 2006, après des dernières paroles
blessantes de Madame le Procureur au palais de justice à Paris, Mourad Benchellali est enfin
libre. Le contrôle judiciaire est levé. Le voyage vers l’enfer est fini, il aura duré cinq ans.
Après la fin du procès Mourad et Nizar rentreront à Lyon, où ils essaient, aujourd’hui, de
vivre une vie normale bien que quatre années dans l’horreur de Guantanamo ne s’oublient
pas.
66 Propos de William Bourdon, avocat de Mourad Benchelalli, recueillis par Philippe Bolopion dans son livre:
Guantanamo : le bagne du bout du monde, La Découverte, 2004.
44

6. Fermeture de Guantanamo
6.1 Décision de Barack Obama sur Guantanamo
Durant sa compagne présidentielle, Barack Obama a fait la promesse de fermer la prison de
Guantanamo dans un délai estimé à cent jours après son investiture. Le 22 janvier 2009 à
peine entré en fonction, il signe un décret ordonnant la fermeture de Guantanamo dans le délai
d’un an au maximum. Il a décidé de commencer par suspendre le système judiciaire mis en
place par l’administration Bush en 2006 et de placer tous les détenus « combattants ennemis »
sous la protection des Conventions de Genève. Ce décret a permis de fermer plusieurs
comités. L’un doit réexaminer les dossiers de chaque détenu, l’autre doit s’occuper des
questions politiques et juridiques afin d’améliorer les conditions de détention et de respecter
l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève.
Les décrets signés par le président Obama ont réaffirmé que l’article 3 commun aux quatre
Conventions de Genève était la norme minimale qui régit le traitement de toute personne
détenue par les États-Unis dans le cadre d'un conflit armé 67 .
L’administration Obama décide d’abandonner le terme de « combattant ennemi », le 13 mars.
Cette qualification était uniquement une justification pour détenir des personnes soupçonnées
d’être liées au réseau terroriste d’Al-Qaïda.
B.Obama signe le décret ordonnant la fermeture de Guantanamo le 22 janvier 2009, entouré de militaires à la
retraite. 68
Les organisations de défense des droits de l’homme se sont réjouies de voir B.Obama faire un
pas dans la bonne direction. C’est une nouvelle ère de protection des droits et des libertés qui
67 Source : http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/united-states-detention-faq-240209 site du CICR
68 Source : http://www.reopen911.info/News/tag/guantanamo/
45

commence. Mais, à mi-chemin de la fermeture programmée, B.Obama se heurte à de
nombreux obstacles. La population américaine et la classe politique ne veulent pas accueillir
ces prisonniers sur leur territoire. De même pour l’étranger, énormément de pays refusent
d’accueillir des prisonniers considérés comme dangereux. 69
Le vendredi 14 mai 2009, le président a annoncé la réouverture des commissions militaires
tout en laissant leurs droits aux détenus. Les prisonniers auront le droit de choisir leur propre
avocat et les preuves obtenues sous la torture ne seront pas acceptées. La plupart des ONG
ainsi que certains de ses sympathisants ont pourtant mal réagi à cette annonce et sont
persuadés que Barack Obama a pris là, une mauvaise décision. Beaucoup de monde a été
déçu. 70
«Telles qu'elles ont été conçues et mises en place, les commissions militaires faisaient partie
d'un régime illégal de détention et étaient destinées à faciliter les condamnations» 71 a déclaré
Robert Freer, expert pour Amnesty International. Ces tribunaux sont juridiquement vides, ils
ne permettent même pas aux détenus de jouir des droits de l’Homme.
Après son élection, le président Obama a également interdit la publication des photos de
torture prise à Guantanamo. Bien qu’en tant que président il se doive de dire à la population
américaine ce qui s’est réellement passé à Guantanamo, il prône le secret défense, pensant que
cette publication accentuera l’antiaméricanisme dans le monde. 72
B.Obama a fait une demande de fond de 80 millions de dollars, affin de financer la fermeture
de la prison. Mais par crainte de retrouver des prisonniers sur le sol américain, dans les
prisons ou dans les rues, le Congrès a refusé. Ce dernier attend d’Obama un plan très précis de
ce qu’il va faire des 240 détenus incarcérés avant d’entrer en matière.
« D‟ailleurs il ne faut pas oublier que les deux grands partis américains, républicains et
démocrates confondus, ont accepté Guantanamo. Pour l‟opinion publique et la classe
69 Sources : http://www.reopen911.info/News/tag/guantanamo/ ,
MIND Spotless, « La nouvelle administration Obama est-elle crédible ? », le 19 avril 2009
ALLEMAND Andrés, « Barack Obama condamne à mort Guantanamo », 24 heures, le 23 janvier 2009
LESNES Corine, « M.Obama ferme Guantanamo et réengage son pays au Proche-Orient », Le Monde, le 24
janvier 2009
70
Source :http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/20090516.OBS7059/obama_maintient_les_tribu
naux_militaires_dexception_a_g.html , «Obama maintient les tribunaux militaires d’exception», nouvelobs.com,
le 22 mai 2009
71
Source :http://www.lepays.fr/fr/article/1166047,1230/Guantanamo-les-tribunaux-d-exception-de-Bush-retablispar-Obama.html
, « Guantanamo : les tribunaux d’exception de Bush rétablis par Obama », lepays.fr, le 15 mai
2009
72
Sources : http://www.lepoint.fr/presidentielle-americaine/2009-05-21/barack-obama-guantanamo-a-aide-alqaeda/1781/0/345661
CYRIEL Martin, « Barack Obama : ‘’Guantanamo a aide Al-Qaeda``», lepoint.fr, le 21 mai 2009
46

politique, ce n‟est pas facile non plus de reconnaître s‟être trompé pendant des années. » 73 a
déclaré M. Dick Marty.
Il ne faut pas oublier non plus que les républicains veulent conserver la prison de
Guantanamo, car à l’avenir ils pensent que celle-ci pourrait devenir un centre de détention
correct où les conditions d’internement pourraient même être meilleures que dans les
établissements pénitentiaires américains.
« Au début, Obama était libre des ses choix, alors que maintenant ça devient politique et
beaucoup plus difficile à gérer. Des problèmes avec les différents partis des Etats-Unis
apparaissent (démocrates et républicains). Ce sont des dilemmes réels auxquels, il est
confronté » 74 Obama n’est plus libre de ses choix. Il doit agir avec les accords ou les refus du
congrès, qui craint un nouvel attentat :
« Obama a une chance mais court aussi un risque. La chance c‟est que quoi qu‟il fasse, il ne
pourra pas faire pire que Bush. Le risque c‟est, je crois, qu‟il déçoive toutes les attentes qu‟il
a suscitées. Je le crois sincère et il veut vraiment que son pays retrouve le chemin du droit
international en fermant Guantanamo. Il espère redonner aux Etats-Unis cette image de pays
de la liberté et des droits civiques. Il est cependant confronté à une administration, à des
forces politiques et à une opinion publique qui ne partagent pas nécessairement ses idées…
Le choc du 11 septembre a été tel qu‟il y a aussi une véritable obsession de la sécurité aux
Etats-Unis. Le pire des désastres serait que demain il y ait un autre attentat aux Etats-Unis.
Toute la politique actuelle d‟Obama s‟écroulerait d‟un seul coup. Il doit donc être très
prudent avec ce qu‟il fait. Je le répète: si jamais il devait y avoir un nouvel attentat aux Etats-
Unis, la situation deviendrait dramatique. » 75 .
Obama a une tache très difficile à accomplir. Du jour au lendemain, sa politique de
changement pourrait se retourner contre lui si un nouvel attentat devait avoir lieu. La fin de
Guantanamo approche indiscutablement, selon certains journalistes, les conditions de vie des
prisonniers se sont nettement améliorées depuis quelques temps grâce notamment aux
nouveaux camps enfin terminés. Malgré tout, ce que vivent les prisonniers est terrible et il
faut qu’ils sortent de cet enfer.
6.2 Difficultés de la fermeture
En signant ce décret de fermeture, l’administration Obama s’est lancée dans un long et
difficile combat. C’est un casse-tête juridique à résoudre. Il existe plusieurs types de
prisonniers qui sont incarcérés à Guantanamo. Ils sont divisés en six cas. Tout d’abord, il y a
les prisonniers qui vont être jugés devant des cours civiles américaines. Deuxièmement, ceux
qui ont violé les droits de la guerre et qui doivent être jugés devant les « nouveaux » tribunaux
militaires établis par le président Obama. Troisièmement, il y a les détenus qui ont été jugés
73 Interview Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne
74 Sources : « La fermeture de Guantanamo est repoussée par les Sénat américain », eitb.com, le 20 mai 2009
http://www.eitb.com/infos/international/detail/152401/lafermetureguantanamoestrepousseparlesnatamricain/
75 Interview de M. Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne
47

sous la précédente législature. Puis, il y a ceux qui peuvent être transférés vers d’autres pays.
Cinquièmement, il y a les prisonniers qui ne peuvent pas être jugés pour un crime passé mais
qui représentent tout de même une menace certaine. Et finalement, certains détenus de
Guantanamo ne peuvent pas retourner dans leur pays d‘origine, car ils risqueraient de se faire
persécuter. Le dernier cas est, selon Obama, le plus difficile à traiter. Ces derniers pourraient
être transférés sur le sol américain, mais les citoyens ne veulent pas en entendre parler par
souci de sécurité. L’administration Obama n’a également toujours pas trouvé de solution pour
les détenus trop dangereux à libérer. Certains d’entre eux ont avoué être les cerveaux des
attentats du 11 septembre. C’est toujours difficile de croire des tels aveux, car pour les
terroristes c’est une grande fierté de purger une longue peine pour un attentat, même s’ils n’en
sont pas les responsables. Le problème majeur, c’est le casse-tête juridique, car un jugement
spécifique à chaque détenu est impossible.
« Le peuple américain ne veut pas non plus que ces détenus soient incarcérés sur une base
militaire ou dans une prison fédérale près de chez eux » 76 a expliqué le sénateur John Thune.
Accueillir ces prisonniers, selon les Américains, mettrait en péril la sécurité du pays. 77
Le FBI s’inquiète aussi du transfert des détenus de Guantanamo sur le sol américain. Ils
pensent que même dans une prison de haute sécurité ou simplement dans la rue, ils seraient
dangereux. Selon le FBI, il se pourrait que le terrorisme augmente aux Etats-Unis et que son
financement devienne bien plus facile. Cette situation préoccupe beaucoup. 78
Les décisions du président ne plaisent pas aux républicains du Congrès. Ceux-ci voudraient
réinstaurer le système mis en place par l’administration Bush. Pour les Américains il n’est pas
question d’accueillir des détenus étrangers dans leurs prisons. Ces prisons sont uniquement
pour les citoyens américains. Les avis changent et le peuple est de moins en moins convaincu
de la fermeture de Guantanamo. Il y a même certains démocrates qui commencent à
s’opposer aux décisions d’Obama par manque de clarté de celles-ci. 79
6.3 Accueil des prisonniers
L’administration Obama ne s’attendait pas à se retrouver face à de telles difficultés
concernant l’accueil des prisonniers par des pays tiers. Les Américains ont fait appel à
l’Union Européenne car les détenus torturés par les Américains ne veulent pas être transférés
76
Sources : « La fermeture de Guantanamo est repoussée par le Sénat américain », eitb.com, le 20 mai 2009
http://www.eitb.com/infos/international/detail/152401/lafermetureguantanamoestrepousseparlesnatamricain/
77
Sources : http://www.lepoint.fr/presidentielle-americaine/2009-05-21/barack-obama-guantanamo-a-aide-alqaeda/1781/0/345661
CYRIEL Martin, « Barack Obama : ‘’Guantanamo a aidé Al-Qaeda``», lepoint.fr, le 21 mai 2009
78
Sources : « La fermeture de Guantanamo est repoussée par les Sénat américain », eitb.com, le 20 mai 2009
http://www.eitb.com/infos/international/detail/152401/lafermetureguantanamoestrepousseparlesnatamricain/
79
Sources : http://societe.fluctuat.net/blog/38017-fermeture-de-guantanamo-obama-entre-deux-feux.html
GIRARD Renaud, « Le congrès s’oppose à la fermeture de Guantanamo », lefigaro.fr, le 20 mai 2009
http://www.lefigaro.fr/international/2009/05/21/01003-20090521ARTFIG00007-le-congres-s-oppose-a-lafermeture-de-guantanamo-.php
48

aux Etats-Unis. Il faut donc trouver d’autres pays européens pour les accueillir et où leur
sécurité serait garantie.
« Des ex-prisonniers ont été relâchés sans une excuse et sans un centime d‟indemnité.
Certains ont essayé, avec des avocats, d‟obtenir ces indemnités devant la justice américaine.
Le gouvernement américain a fait valoir le secret d‟état, et les juges n‟ont pas pu entrer en
matière […] Les Américains offrent maintenant la possibilité à certains anciens détenus de
venir vivre aux Etats-Unis, mais c‟est illusoire de croire qu‟ils l‟accepteront, ou demandent à
d‟autres pays, en particulier Européens, de les accueillir. » 80 C’est un raisonnement logique,
on ne va pas vivre chez quelqu’un qui nous a torturé.
Un autre problème se pose : comme mentionné au chapitre précédent, à Guantanamo, il y a
certainement des personnes coupables. Cela refroidit logiquement certains pays européens
pour l‘accueil des prisonniers venant de Guantanamo.
Dans ce genre d‘affaire, il ne faut pas oublier les retombées économiques. Celles-ci peuvent
être positives où négatives. Par exemple la Chine est contre la fermeture de Guantanamo et
veut juste récupérer les Ouïghours 81 qui y sont enfermés. Si un pays européen accepte
d’accueillir les prisonniers Ouïghours pour aider les Américains, la Chine risque de riposter
en cessant le commerce avec le pays en question. La réalité économique est bien présente
dans cette affaire aussi.
« Il faut, tout d‟abord, trouver les pays qui voudraient bien accueillir ces détenus et de pays,
il n‟y en a pas des masses. On doit se demander s‟ils doivent être jugés et relâchés ou s‟ils
doivent rester aux Etats-Unis. Des pays tels que la Chine, posent beaucoup de problèmes, car
ils s‟opposent à la libération de leurs prisonniers de Guantanamo. Peut-être que d‟autres
pays d‟Europe refuseront également pour la simple et bonne raison que la Chine est un grand
enjeu économique ». 82
Les pays européens ne veulent en aucun cas risquer de mettre leur économie en péril en
acceptant d’accueillir des ex-détenus de Guantanamo.
6.3.1 Garantie de sécurité pour les détenus
La plupart des détenus ont peur de rentrer dans leur pays, car ils risquent d’être à nouveau
torturés et persécutés. Chez eux, ils sont considérés comme des traîtres. C’est pour cela que le
CICR s’entretient avec les détenus en absence de témoin, afin qu’ils puissent exprimer leurs
craintes sans tension. Ensuite, ces craintes sont transmises aux autorités détentrices qui vont
s’occuper de leurs transferts. Les détenus seront envoyés dans un pays où leur sécurité est
80 Interview Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne
81 Ethnie chinoise musulmane soupçonnée d’être séparatiste et donc persécutée par leur gouvernement chinois.
82 Interview de Mr Greg Müller, chef d’unité au CICR, protection dans la lutte globale contre le terrorisme, le 18
mai 2009 à Genève
49

garantie. Par la suite le CICR s’entretient continuellement avec eux afin de s’assurer qu’ils ne
soient pas à nouveau persécutés. 83
«Ces personnes, quand elles sont rentrées chez elles, ont parfois été arrêtées à nouveau. Un
Français, Sassi, d‟origine tunisienne je crois, a fait une année et demi de prison à son retour
en France, après en avoir fait 4 ou 5 à Guantanamo. Il a finalement été acquitté par la
justice. Il a écrit un livre sur son histoire.» 84 Même après leur libération, beaucoup de détenus
sont à nouveau emprisonnés, car le pays d’accueil a encore des soupçons concernant ces exdétenus
de Guantanamo.
La plupart des prisonniers sont originaires d’Afghanistan, d’Algérie ou d’autre pays
musulmans. Les autorités américaines sont responsables de garantir leur sécurité. Mais dans
ces pays il est difficile de la garantir, car les détenus de guerre y sont considérés comme des
traîtres.
Cette image nous montre un américain en train d’humilier un prisonnier de Guantanamo. Ce prisonnier ne peut
plus retourner dans son pays, car il risque de se faire persécuter puisqu’il est considéré comme un traître. 85
83
Source : http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/united-states-detention-faq-240209 site du CICR
84
Interview Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne
85
Source : http://media.paperblog.fr/i/150/1506575/fermeture-guantanamo-prisonniers-terroristes--L-1.png
50

Les 17 détenus Ouïghours emprisonnés à Guantanamo depuis sept ans, posent en particulier
de gros problèmes, bien qu’ils aient été blanchis par le Pentagone de toutes accusations il y a
cinq ans. La Chine exige leur rapatriement, car elle considère ces Ouïghours turcophones
comme des terroristes ayant des liens avec Al-Qaïda. Mais probablement qu’en Chine ces
anciens détenus seraient soumis à la répression. Les Américains vont les libérer, mais ne
veulent pas qu’ils se fassent de nouveau emprisonner et torturer. Les Chinois veulent les juger
pour leur appartenance au mouvement islamique au Turkestan, qui est considéré par les
Nations-Unies et les Etats-Unis comme groupe terroriste.
« Par exemple il y a les Ouïgour, des Chinois musulmans, que les Chinois accusent de
séparatisme. Le pouvoir chinois dit : ´´ Rendez-les nous et nous allons les rééduquer. `` Dans
le langage chinois, ça peut vouloir dire condamnation à mort. Les Américains ne peuvent
donc pas les remettre aux Chinois.» 86 Les propos de Dick Marty sont clairs. Il est certain que
les Américains ne peuvent en aucun cas remettre ces personnes aux autorités chinoises. Ils en
sont responsables.
Plusieurs pays se sont dits volontaires pour leur accueil, comme l’Allemagne. Mais celle-ci
c’est très vite retirée par peur de représailles, notamment économique avec la Chine. De
même pour le Canada et l’Australie. Les îles Palau et l’Albanie sont les dernières destinations
envisagées par les autorités américaines.
Les Ouïghours se sont refugiés en Afghanistan pour fuir les persécutions chinoises. Ils se font
arrêter en 2001 et sont enfermés à Guantanamo. En 2004, ils avaient été innocentés. Le cas
posait un problème, ils ne souhaitaient pas retourner dans leur pays d’origine, de crainte d’être
torturés. Quatre des 17 Ouïghours ont été libérés et transférés sur les îles Bermudes. Puis,
l’Albanie en a accueilli deux autres. La Chine exige leur rapatriement et a demandé aux Etats-
Unis d’arrêter d’envoyer des personnes dans des pays tiers, car, selon eux, ils restent des
terroristes. 87 Elle veut juger ses ressortissants pour leur appartenance au Mouvement
islamique du Turkestan oriental.
86 Interview M.Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne
87 Sources : http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2009/06/11/la-chine-exige-le-rapatriement-des-ouigours-
de-guantanamo_1205578_3222.html
http://www.france24.com/fr/category/tags-articles/guantanamo?page=2
51

Deux Ouïghours qui ont été libérés le 12 mai 2006. Ils furent accueillis dans un camp de refugiés en Albanie. 88
6.3.2 Pays impliqués et hôtes des prisonniers
Certain pays européens ont participé aux transferts des prisonniers kidnappés et transférés
vers Guantanamo. Environ 31 vols secrets ont été effectués par la CIA avec des escales sur
des aéroports européens. Ces vols étaient utilisés pour transférer les terroristes présumés à
Guantanamo. Ils étaient complètement illégaux : les pays qui ont donné l’accord aux avions
d’atterrir et de décoller sur leur territoire ne respectent pas la Convention Européen des Droits
de l’homme. Selon M. Dick Marty, 14 pays membres de l’Union Européenne auraient
collaboré avec la CIA et accepté les vols illégaux qui traversaient leur territoire. La Suisse
n’est pas épargnée.
« Je reviens à votre question concernant le rôle de l‟Europe dans l„affaire de Guantanamo et
des prisons secrètes. L‟Europe connaissait ou dans la meilleure des hypothèses, a fermé les
yeux sur les agissements américains et les a tolérés. Il y a eu une série impressionnante de
mouvements d‟avion de l‟administration américaine, des avions non officiels mais qui
volaient pour des institutions officielles et qui ont pu atterrir et décoller sans aucun contrôle
pratiquement partout en Europe. » 89 Certains pays européens ont leur part de responsabilité et
selon M. Dick Marty, ils devraient rester solidaires avec les Etats-Unis, aussi dans le
processus de fermeture.
Un accord avec la CIA a été signé par plusieurs pays européens. Cet accord donne une
autorisation de vol aux avions des services secrets américains afin de transporter du matériel
logistique. Les Etats concernés par cet accord avaient constaté que la CIA avait abusé de
celui-ci et que les avions contenaient également des personnes présumées terroristes.
Cependant cet accord a quand même été renouvelé.
88 AFP, « Guantanamo : bisbilles sino-américaines autour du cas des Ouïghours » le monde, le 11 juin 2009
89 Interview de M.Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne
52

Ces transferts étaient appelés Extraordninary Rendition. Selon M.Dick Marty: « En pratique,
cela consiste à séquestrer des personnes soupçonnées d‟avoir un lien avec le terrorisme, sans
que cette accusation ait pu être vérifiée par l‟autorité judiciaire, et à les transférer aux
autorités de leur pays d‟origine où elles sont soumises à des interrogatoires brutaux.
L‟objectif de ces « restitutions » secrètes est d‟extorquer, par des actes de torture, des
renseignements aux personnes séquestrées, et d‟obtenir d‟elles, sous la pression de menaces,
qu‟elles collaborent avec les services secrets et qu‟elles agissent pratiquement comme agents
infiltrés. C‟est sur la base de ce concept de «restitutions » que les agents de la CIA ont
séquestré probablement plus de cent personnes. Nous n‟avons pas de données précises à ce
stade. » 90
Cette carte représente les transferts illégaux ; nous remarquons que la plupart passent par l’Europe. 91
90 Source : http://www2.unine.ch/webdav/site/uninext/shared/documents/Dick_Marty.pdf
91 Source : http://socio13.files.wordpress.com/2008/12/crate-cia.jpg
53

Sur cette carte nous pouvons voir les vols secrets effectué par la CIA en Europe. 92
Lorsque le Conseil de l’Europe a appris l’existence des prisons secrètes et des transferts
illégaux de la CIA, l’assemblée parlementaire a mis en place une Commission pour
l’utilisation présumée de certains pays européens par la CIA. L‘enquête a démontré qu’au
moins douze Etats européens étaient au courant des activités des Etats-Unis sur leur territoire.
Cette commission avait pour seul but de rappeler à ces pays que la lutte antiterroriste devait se
faire en respectant les droits de l’Homme. Les gouvernements nient les accusations sur les
prisons et les vols secrets, ce qui est normal selon M. Dick Marty, car seul le président et le
ministre de la défense étaient en courant.
92 Source : http://medias.lemonde.fr/mmpub/edt/ill/2005/12/08/v_8_cia.gif
54

Les offensives se sont multipliées au parlement européen et, le 6 octobre 2006, un accord
entre les Etats-Unis et 25 pays européens est signé. Il vient en aide aux Etats-Unis dans la
lutte contre le terrorisme en légalisant le transfert par les compagnies aériennes européennes,
d’une liste de 34 données personnelles comprenant l’adresse, les numéros de téléphone et de
carte de crédit, les habitudes alimentaires et l’itinéraire de tous leurs passagers aux autorités
américaines. C’est une défaite totale pour la défense des droits fondamentaux en Europe. 93
Cette image nous illustre bien la présence de la CIA en Europe. 94
La plupart des Etats européens ne veulent se brouiller avec les Etats-Unis, car leur
collaboration avec eux est fondamentale. Pour cela, des accords secrets ont été probablement
signés avec les Etats-Unis ou avec la CIA. 95
Selon le rapport de M. Dick Marty, la Pologne et la Roumanie sont directement impliquées
dans ce processus en ayant probablement des centres de détention secrets sur leur territoire.
L’Irlande, le Portugal et la Grèce sont impliqués en tant qu’escales pour des vols illégaux,
ainsi que bien d’autres pays comme la Suisse, l’Italie ou l’Allemagne.
« Le fait d‟avoir des prisons secrètes ou même de les tolérer est contraire à la Convention
Européenne des Droits de l‟Homme. Or la Roumanie et la Pologne sont membres du Conseil
de l‟Europe, ont signé la Convention et se sont engagés à respecter un certain nombre de
règles, parmi lesquelles l‟interdiction d‟ouvrir des prisons secrètes. Au sein du Conseil de
l‟Europe existe en effet un comité pour la prévention de la torture qui a le droit de visiter tous
les lieux de détention des 47 pays membres du Conseil de l‟Europe. Cela suppose que tous les
lieux de détention soient connus, jusqu‟aux cellules dans les aéroports et dans les palais de
justice » 96 a déclaré M. Dick Marty
L’Europe a participé à ces actes indignes en collaboration avec les Etats-Unis. Pour M. Dick
Marty, l’Europe doit rester solidaire avec les Etats-Unis et accepter d’accueillir certains
93 Source : http://www.cafebabel.fr/article/2228/vols-secrets-de-la-cia-un-parlement-limite.html
94 Source : http://static.rnw.nl/migratie/www.ranesi.nl/images/assets/11222339-redirected
95 Source : http://www2.unine.ch/webdav/site/uninext/shared/documents/Dick_Marty.pdf
96 Interview de M. Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne
55

détenus innocents qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine, car ils risqueraient de
se faire torturer à nouveau. En 2006, le Parlement européen a demandé à l’administration
américaine de fermer Guantanamo, d’assurer la sécurité des détenus libérés et de traiter
chaque prisonnier en respectant les conventions internationales.
« Durant des années, nous, les Européens, avons prétendu être la conscience de
l‟administration Bush et demandions la fermeture immédiate de Guantanamo. A présent, il y
a un Président des Etats-Unis qui, par conviction, désire le faire mais a besoin que nous
l‟aidions. Et nous, que faisons-nous ? Nous le laissons tomber ». 97 a déclaré Alexander Alvaro
(allemand, membre du Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe-ALDE).
Cette déclaration date du mois de février, lorsque l’Europe était partagée concernant l’accueil
des ex-détenus de Guantanamo.
« Les prisonniers de Guantanamo ne sont pas le problème de l‟Union européenne. Les
emmener en Europe est une très mauvaise idée. Nous ne devons pas accepter davantage de
terroristes ; l‟Europe en a déjà suffisamment. Ces gens-là sont dangereux et représentent une
menace pour le monde européen. Ils tueraient les citoyens européens ». 98 a déclaré Mogens
Camre (Danois, Vice-président du Groupe Union pour l’Europe des Nations - UEN)
Qui va accueillir les détenus ? 99
Le jeudi 4 juin 2009, les vingt-sept ont défini un accord sur les conditions d’accueil des exdétenus
de Guantanamo. Les craintes pour la sécurité sont tellement fortes que les ministres
européens ont adopté un cadre intra-européen pour l’accueil de ces prisonniers. Ce compromis
n’oblige pas les pays de l’Union Européen à accueillir des prisonniers même innocents, mais
permet aux Etats qui vont s’engager dans l’accueil de prisonniers a obtenir des informations
97
Source : http://www.europarl.europa.eu/news/public/story_page/030-47954-033-02-06-903-
20090202STO47917-2009-02-02-2009/default_fr.htm
98
Source : http://www.europarl.europa.eu/news/public/story_page/030-47954-033-02-06-903-
20090202STO47917-2009-02-02-2009/default_fr.htm
99
Source : http://strasbourg.cafebabel.com/fr/post/2009/02/18/Guantanamo-:-la-position-commune-europeenne-
est-elle-realiste
56

avant et après leur transfert. Les ex-détenus ne bénéficieront pas du libre échange dans
l’espace Schengen, ils obtiendront uniquement un permis de séjour limitatif. Sans cette
précaution, l’accord du 4 juin n’aurait pas eu lieu, selon le commissaire européen à la justice
Jacques Barrot. Dans cet accord, Européens et Américains soulignent que la responsabilité
première pour la fermeture de Guantanamo et pour trouver un lieu de résidence aux exdétenus
revient aux Etats-Unis. 100
En juin 2009, le président Barack Obama a reçu une interdiction du Congrès à amener des
détenus de Guantanamo sur le sol américain, en attendant un plan précis concernant l’avenir
du centre. Cette interdiction crée des tensions avec les Etats européens, car ils refusent à leur
tour d’accueillir ces détenus innocents. Malgré la progression des pays européens, les
Américains n’ont toujours pas fait de déclaration publique prouvant leur volonté d’accueillir
certains détenus innocents et lavés de tous soupçons.
Pendant que les Etats-Unis et l’UE cherche une solution pour l’accueil des détenus, ceux-ci restent toujours
enfermés à Guantanamo en attendant leur libération ou leur jugement. Sur cette photo on peut voir deux détenus
qui sont encore enfermé dans le camp (le 4 juin 2009). 101
Le mardi 20 octobre 2009, le président Obama a reçu finalement l’accord du Sénat concernant
l’accueil de détenus aux Etats-Unis pour leur procès. Cette nouvelle législation interdit
cependant qu'ils soient libérés sur le sol américain ou sur celui des États libres associés à
Washington, comme Guam ou Porto Rico. Elle stipule en outre que l’administration
américaine doit fournir une évaluation détaillée des risques susceptibles d'être causés par
l'organisation du procès d'un détenu aux États-Unis, au moins 45 jours avant le début des
audiences. Ce document doit inclure aussi des propositions pour diminuer les menaces
possibles, la planification du transfert du prisonnier, ainsi que des arguments pour assurer le
100
Source : http://www.cyberpresse.ca/international/200906/11/01-874832-guantanamo-accord-sur-lesconditions-de-transfert-dex-detenus.php
101
Source : http://www.lefigaro.fr/medias/2009/06/05/935afe56-5140-11de-9175-d1708a80ef19.jpg
57

gouverneur de l’État qui abrite le procès que l'individu jugé ne représente pas une menace au
maintien de l'ordre. 102
Le texte n’explique pas si l’administration Obama a le droit de retenir des prisonniers sans
aucune accusation contre eux aux Etats-Unis et si les détenus blanchis peuvent rester dans le
pays. Les prisonniers peuvent donc être transférés aux Etats-Unis, mais uniquement pour être
jugés. Il n’y a aucune précision sur la petite centaine de détenus qui ne peuvent pas être jugés,
mais qui sont considérés trop dangereux, selon les autorités américaines, pour être relâchés.
Le premier prisonnier qui va être jugé au Etats-Unis par une cour fédérale ordinaire, s’appelle
Ahmed Khalfan Ghailani, il a 34 ans. Il devra faire face à 286 chefs d’inculpations dont
meurtre, complot dans le but de commettre des meurtres, attentats à la bombe, mutilations et
conspirations visant à utiliser des armes de destruction massive contre des Américains. Selon
les accusations, il aurait commencé dans le terrorisme en livrant des bombes à bicyclette. Par
la suite, il aurait monté dans la hiérarchie d’Al-Qaïda et participé à l’organisation des attentats
contre l’ambassade des Etats-Unis au Kenya et Tanzanie en 1998 faisant 224 morts.
Ahmed Khalfan Ghailani est le premier détenu dangereux transféré aux Etats-Unis pour être jugé. 103
Ce terroriste présumé tanzanien a été arrêté en 2004 au Pakistan et envoyé à Guantanamo en
2006, car il était soupçonné d’être le garde du corps de Ben Laden. Il est arrivé le 6 octobre
102
Sources : http://www.france24.com/fr/20091021-senat-americain-autorise-venue-detenus-guantanamoproces-votehttp://www.cyberpresse.ca/international/etats-unis/200908/20/01-894258-des-pays-europeens-accueilleront-desprisonniers-de-guantanamo.phphttp://www.lemonde.fr/europe/article/2009/06/05/les-vingt-sept-trouvent-un-accord-surguantanamo_1202817_3214.html
103
Source : http://cache.daylife.com/imageserve/09Oz7GKcO30zg/340x.jpg
58

2006 à New York dans une prison du district sud, avant d’être transféré dans l’après-midi
devant un tribunal de droit commun. Il a plaidé non coupable et risque la peine de mort. Le
président essaie de convaincre l’opinion publique et le Congrès de faire venir ces prisonniers
dangereux aux Etats-Unis, de cette manière ils seraient jugés et condamnés pour leurs
accusations.
Début octobre 2009, un ancien détenu de Guantanamo a était accueilli en Belgique. Le
ministère des affaires étrangères a confirmé l’arrivée du prisonnier. Aucune charge n’a été
retenue contre ce prisonnier, il bénéficiera d’une nouvelle identité, un visa, un permis de
séjour et un permis de travail. La Belgique a tout prévu, l’accueil, l’intégration et la
surveillance du prisonnier. Même si cet homme est libre et juridiquement en règle, le pays
d’accueil préfère prendre des précautions tant pour la sécurité nationale que pour le
prisonnier. 104
L’ex-prisonnier a été arrêté en 2001 pendant la chute de Khandahar en Afghanistan par les
troupes américaines. Ce qu’on lui reprochait, était d’avoir participé à un camp d’entrainement
d’Al-Qaïda. Lorsqu’il est rentré en contact avec Al-Qaïda, il était jeune et venait de fuguer de
chez sa famille vers l’Afghanistan. Pour la juridiction américaine, il est mis hors de cause, car
le tribunal le considère comme une victime des terroristes. Il a été enfermé dans une prison à
Khandahar par les talibans, car il était soupçonné d’être un espion. Par la suite il a fait un
enregistrement vidéo, sur lequel il dit vouloir mourir en martyr. Mais cette vidéo aurait été
enregistrée sous la contrainte. 105
Aujourd’hui, plusieurs pays dans le monde et certains dans l’Union Européenne ont déjà
accueilli des ex-détenus de Guantanamo comme la France, la Belgique, les îles Palau. Il ne
reste plus qu’à espérer que d’autres pays prennent leurs responsabilités et deviennent pays
hôtes.
6.4 Rôle de la Suisse
« Nous vous remercions de votre courriel du 10 avril adressé à la Chancellerie fédérale. Pour
des raisons de compétences, il a été transmis à l‟Office fédéral des migrations (ODM).
Le 21 janvier 2009, le Conseil fédéral a déclaré à l‟intention du gouvernement américain
qu‟il était disposé à examiner la manière dont la Suisse pourrait contribuer à la résolution du
problème de Guantánamo. Concrètement parlant, il s‟agit de savoir s‟il est possible
d‟accueillir pour raisons humanitaires certains détenus libérés et si oui, dans quelles
conditions. Tous les aspects juridiques et pratiques qui y sont liés sont actuellement étudiés
avec soin au sein d‟un groupe de travail interdépartemental, dont l‟attention se porte
104
Source : http://www.rtbf.be/info/monde/guantanamo/un-detenu-de-guantanamo-est-il-arrive-chez-nous-
149285#
105
Source :http://www.7sur7.be/7s7/fr/1502/Belgique/article/detail/1016419/2009/10/16/Le-prisonnier-de-
Guantanamo-accueilli-en-Belgique-etait-dangereux.dhtml
59

notamment sur la question suivante : ces détenus ne risquent-ils pas de représenter un danger
pour la population suisse ? » 106
La Suisse n’a pas donné une réponse claire concernant l’accueil d’ex-détenus. Elle se pose
une question sur la sécurité de la population suisse, et à laquelle M.Dick Marty répond durant
notre interview.
« Ecoutez, il y a des gens qui craignent pour la sécurité du pays. Je me demande si trois
personnes qui ont été détenues dans des conditions absolument terribles depuis des années (7
ou 8 ans) sont capables de mettre en péril la sécurité de la Suisse. Certains pays ont, je crois,
déjà déclaré leur disponibilité, la France me semble-t-il. La Suisse est une terre d‟accueil et
c‟est un geste qui ne nous couterait pas énormément. Je crois qu‟il ferait aussi du bien à
notre image si, pour une fois, on accueillait des personnes en détresse et pas des comptes en
banque. » 107 a déclaré M.Dick Marty
Des vols illégaux sont passés par la Suisse et ont même fait des escales. On en compte au
moins 48, alors que la Confédération en a confirmé juste trois.
La Confédération helvétique a renouvelé l’autorisation de survol pour les avions officiels
américains. Cet accord interdit toute utilisation illégale de ces vols. Malgré le fait que les
USA aient transgressé l’accord, la Suisse le renouvela.
La Suisse n’a toujours pas donné une réponse définitive concernant l’accueil d’anciens
détenus. Comme les autres pays de l’Union Européen, la sécurité intérieure reste le problème
majeur. Aucun détenu n’a été accueilli jusqu’à présent.
Le Ministre public de la Confédération aurait participé directement ou par l’intermédiaire de
la police, à des enquêtes à Guantanamo, selon M. Dick Marty. Des listes de personnes
détenues en Suisse et musulmanes ont été transmises aux autorités américaines. Par la suite
ces photos et ces listes seront utilisées à Guantanamo par les interrogateurs pour obtenir des
renseignements sur ces prisonniers musulmans. 108
106 Mail de Sibylle Siegwart du 11 mai 2009, Confédération Suisse
107 Interview M. Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne
108 Source : http://www2.unine.ch/webdav/site/uninext/shared/documents/Dick_Marty.pdf
60

7. Evolutions futures
Obama réussira-t-il à fermer Guantanamo avant la date fixée au 22 janvier 2010 ?
La fermeture a pris beaucoup de retard car le président Obama est bloqué par le Sénat qui ne
lui accorde pas le budget et ne lui autorise pas le transfert de détenus sur le sol américain. La
plupart des cas ont été examinés par le Pentagone et il y en a une soixantaine qui sont
innocents et qui attendent d’être accueillis dans un pays. Une centaine de détenus ne peuvent
pas être jugés ni être libérés. Le reste des prisonniers devront passer devant un tribunal de
droit commun. Il reste plus que quelques mois avant la date butoir, mais les pays restent
toujours hésitants surtout que les Etats-Unis ont interdit à Obama de libérer des prisonniers
sur le sol américain.
La solution serait que les Etats-Unis acceptent d’accueillir des ex-détenus, de cette façon
l’Union européenne acceptera peut-être plus facilement d’en faire autant. Il faudrait que les
détenus innocents soient transférés le plus rapidement possible dans un pays où ils seront en
sécurité et que les détenus qui doivent être jugés soient transférés dans des prisons
américaines de haute sécurité pour qu’ils puissent comparaitre devant des tribunaux de droit
commun. Les prisonniers qui seront jugé non-coupables, devraient jouir d’une aide des Etats-
Unis pour qu’ils puissent se reconstruire une nouvelle vie. Le président Obama devra trouver
une solution pour la centaine de détenus dangereux mais qui ne peuvent pas être jugés pour
l’instant.
Les ONG comme Amnesty International espèrent, elles aussi, voir un jour Guantanamo fermé. 109
109 Source : http://londonist.com/attachments/Londonist/Close_Guantanamo.jpg
61

8. Discussion
8.1 Critiques des interviews
Dans le cadre de notre travail sur Guantanamo, nous avons effectué des interviews de
plusieurs personnes et nous tenions à apporter certaines précisions sur ces interviews et leur
retranscription, pour que notre travail reste neutre.
M. Greg Müller chef de l’unité protection dans la lutte globale contre le terrorisme au
Comité International de la Croix Rouge, nous a accordé une interview le 18 mai 2009 à
Genève. Durant cette entrevue, il a répondu à nos questions de la manière la plus neutre qui
soit. L’interview n’a pas été filmée et nous ne pouvions donc que prendre des notes. La tâche
s’est révélée plus difficile que prévue et sur certaines questions, les réponses sont donc
simplifiées. Sur les questions relatives à la torture, il lui était impossible de s’exprimer, car les
rapports du CICR doivent rester confidentiels. L’Etat concerné et le CICR sont les seuls à
avoir accès à ces rapports. Pour éviter tout problème et suite à sa demande, nous lui avons
envoyé la retranscription finale de notre interview afin qu’il en prenne connaissance et nous
accorde l’utilisation de celle-ci dans notre texte.
M. Dick Marty, conseiller aux Etats et membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe, nous a accordé une interview en groupe au Palais Fédéral de Berne le 26 mai 2009.
Il nous a autorisé à filmer l’entretien ce qui a énormément simplifié sa retranscription. M.
Dick Marty a publié un rapport concernant les vols secrets de la CIA et par conséquence, s‘est
également intéressé à la prison de Guantanamo. Dans cet entretien, il faut noter que M. Dick
Marty, en réponses à nos questions, a parfois donné son avis personnel. Il pense que les
Américains sont principalement responsables de l’état de fait que représente Guantanamo,
mais que les Européens ont aussi leur part de responsabilité. Nous devons prendre en compte
son avis personnel, mais ne pas l’utiliser comme un fait établi. Ce fut à nous de garder une
certaine distance avec certaines de ses réponses.
Après un échange d’e-mails avec M. Mourad Benchellali, ancien prisonnier français de
Guantanamo, nous espérions qu’il réponde à un questionnaire que nous lui avions envoyé.
Finalement, celui-ci n’a pas donné suite à notre demande ce qui montre quand même une
certaine limite dans nos recherches due au fait que nous soyons que des gymnasiens.
Nous avons également écrit à la Confédération Suisse pour obtenir de plus amples
informations concernant l’accueil des prisonniers en Suisse. Dans notre mail, nous avions
annexé un questionnaire mais nous n’avons pas obtenu de réponses à ces questions.
Cependant, nous avons reçu de leur part un document indiquant la position de la Suisse sur
l’accueil des ex-détenus de Guantanamo.
Finalement, afin de rester le plus objectif dans l’étude et l’analyse de la prison de
Guantanamo, nous avions également envoyé une lettre à l’ambassade américaine en Suisse
avec en annexe un questionnaire. Cette lettre est restée sans réponse. Il est vrai que les
Américains n’avaient aucun intérêt à répondre sincèrement à certaines de nos questions. Car
62

dans l’histoire c’est un petit peu eux les méchants et ils n’avaient pas envie de montrer une
mauvaise image de leur pays.
8.2 Limites de notre recherche et de nos réponses
Nos recherches sur la prison de Guantanamo ont été les plus variées possibles. Nous nous
sommes aussi bien inspiré d’écrits de personnes ayant visité le camp, de livres sur le sujet ou
de témoignages d’anciens détenus que de sites internet généralistes comme Wikipedia et
d’autres. Nos interviews ainsi que de nombreux articles parus dans la presse écrite ou sur le
net se sont également révélés utiles pour notre travail. Mais notre sujet étant très polémique,
nous avons dû nous méfier de certains de nos documents de travail et les prendre avec la
distance nécessaire.
Par exemple, les témoignages d’anciens détenus restent assez délicats car ce qu’ils ont vécu
est dramatique et a pu transformer leur vision des choses en un plaidoyer contre Guantanamo.
Certains ont peut-être exagéré les faits pour se venger des Américains, d‘autres au contraire,
auraient menti et parlé de conditions d‘internement exemplaires par craintes de représailles.
Nous avons noté cette difficulté d’interprétation des dires et des écrits des deux parties, les
anciens prisonniers libérés et les Américains. Nous avons par exemple trouvé un site de
l’armée américaine qui publie des photos exemplaires de cellules de Guantanamo. Nous les
avons utilisées, mais il faut rester vigilant avec ce matériel car elles pourraient être des mises
en scène pour atténuer le caractère violent de la prison. Le suivi et l’interprétation la plus
objective et prudente possible de l’actualité est indispensable dans un tel travail.
Des difficultés sont également survenues lorsqu’est venu le moment de trouver réponse aux
problématiques de départ.
Pour la partie juridique de notre étude, les premières difficultés se sont présentées dans la
recherche des textes de loi et de certains décrets présidentiels concernant Guantanamo pas
aussi accessibles que ce que l‘on pourrait croire, même avec internet. L’interprétation de
ceux-ci, souvent uniquement disponibles en anglais ou tout simplement tellement compliqués
que même certains avocats jettent l’éponge, n’a pas été facile du tout et elle est peut-être trop
superficielle ou incomplète. Guantanamo est un casse tête juridique et les autorités ont joué
avec les mots pour tenter de donner un caractère légal à cette prison. Certains textes, comme
par exemple le Patriot Act, ont subi de nombreuses modifications depuis leur création.
Pour la partie concernant la fermeture programmée de Guantanamo, suivant un programme
changeant et se poursuivant actuellement, il a fallu suivre en permanence l’actualité et se
résoudre à fixer une date finale pour conclure notre travail. Cette date est celle du 22 octobre
2009. Nous sommes conscients qu’il risque d’y avoir encore beaucoup de changements dans
les mois qui viennent. Il nous était également impossible de prendre connaissance des
innombrables articles publiés dans les journaux, de tous les accords signés entre Européens et
Américains, de toutes les décisions prises par les Etats et de toutes les déclarations du
président Obama récemment élu et de son administration. Pour ne pas s’égarer, nous avons
été obligés de faire une sélection sur des critères pas forcément rigoureux (pourquoi tel article
63

plutôt qu’un autre ?) sur laquelle nous nous sommes basés pour réaliser notre travail. C’est
indiscutablement un vrai sujet d’actualité.
Ce dessin montre la différence de perception de la prison de Guantanamo entre l’administration Obama et celle
de Bush. 110
110 Source : http://www.zoom-algerie.com/images/49c-dilem.jpg
64

9. Conclusion
Voici les problématiques abordées :
Problématique sur la légalité de Guantanamo
o Guantanamo sur le sol cubain : dans quels buts et quelles en sont les
conséquences ?
o Ambiguïté des lois américaines sur ses propres prisonniers.
o Quel statut et quel jugement pour les prisonniers ?
Problématique sur la fermeture de Guantanamo
o Pourquoi fermer cette prison est-il si difficile ?
o Quels pays pour accueillir ces détenus et quelles sont les précautions à
prendre ?
o L’implication de la Suisse dans la fermeture de Guantanamo.
Certaines réponses aux problématiques liées à la légalité de Guantanamo ne peuvent pas être
absolument exactes car une interprétation des textes de lois s’impose.
Les Américains ont décidé d’installer la prison de Guantanamo sur l’île de Cuba pour des
raisons à la fois pratiques et juridiques. Les deux raisons pratiques sont assez évidentes.
Premièrement, les Etats-Unis possédaient déjà une base militaire sur un bout de territoire leur
appartenant ce qui facilitait l’installation de cette prison. Deuxièmement, aucun détenu
n’oserait s’évader d’une prison entourée de falaises et de champs de mines. Quant aux raisons
juridiques, elles sont un peu plus complexes. Le but de l’administration Bush était de sortir les
prisonniers arrêtés dans le cadre de la guerre contre le terrorisme de tout cadre juridique. Cette
administration a considéré que la base de Guantanamo ne se trouvait pas sur le sol, bien que
ce soit faux. Les conséquences en sont dramatiques. Ainsi, les Américains peuvent traiter
comme bon leur semble les détenus de Guantanamo qui ne seraient donc pas protégés par les
droits fondamentaux inscrits dans la Constitution américaine. La torture a par exemple été
utilisée pour extraire des informations aux détenus.
Notre seconde problématique nous semble un petit peu naïve lorsqu’on la regarde aujourd’hui
car en fait, comme indiqué ci-dessus, les lois américaines ne s’appliquent pas sur les détenus
de Guantanamo bien qu’enfermés par les Américains. A Guantanamo, les lois n’existent pas,
seules les règles annoncées par le président et son administration font foi. Guantanamo vit
dans un trou noir juridique.
Concernant le statut, les Américains ont pensé qu’il pourrait contourner le statut de prisonnier
de guerre imposé par la 3
65
ème Convention de Genève sous prétexte que ce n’est pas une guerre

conventionnelle. Afin de se détaché des lois qu’impose ces Conventions, les Etats-Unis ont
inventé un statut intermédiaire qui est l’ « ennemi combattant ». Chaque prisonnier, lorsqu’il
débarque à Guantanamo hérite de ce statut qui n’en est pas un car cette notion de
« combattants ennemis » est inconnue du droit international et ne correspond à aucun statut
légal. Les détenus sont donc juridiquement également inexistants. Au départ, ils ne pouvaient
même pas contester la légalité de leur détention devant des tribunaux compétents et
indépendants. Cela a quelque peu changé mais reste très rare. Comme tous les prisonniers du
monde entier, ceux de Guantanamo auraient dû être jugés dès leur arrivée. Cela n’a été fait
que plus tard et seulement devant des tribunaux militaires avec des avocats militaires commis
d’office. Il est important de préciser que, bien que ces tribunaux militaires ne soient pas
compétents et indépendants, seule une partie des détenus ont comparu devant celles-ci.
Concernant les problématiques liées à la fermeture de Guantanamo, plusieurs raisons
expliquent ces difficultés. Tout d’abord, à l’intérieur du centre de détention de Guantanamo
existent plusieurs types de prisonniers: les innocents, les jugeables et les dangereux qui ne
peuvent être en aucun cas libéré. Le Congés bloque le processus de fermeture en interdisant à
Obama de transférer des détenus sur le sol américain et en refusant sa demande de budget
pour la fermeture. Finalement, il n’y a pas beaucoup de pays qui accepteraient d’accueillir des
anciens détenus, même innocentés. Cette situation a un peu évolué, car plusieurs pays, dont la
Belgique, ont accueillis des détenus innocents.
Les pays de l’Union européenne devraient rester solidaires avec les Etats-Unis en accueillant
des détenus innocents. Des pays comme l’Australie envisagent d’aider les Etats-Unis. Des
précautions sont prises, les détenus resteront sous surveillance pendant quelque temps après
leur libération. Il ne faut pas mettre en péril la sécurité intérieure du pays.
La Suisse reste impliquée dans l’affaire Guantanamo à cause des vols illégaux qui ont transité
par les voies aériennes helvétiques. D’un geste humanitaire elle pourrait accueillir quelques
anciens prisonniers innocents si toutefois la sécurité du pays est garantie. Pour le moment,
aucun détenu n’est arrivé en Suisse et aucune réponse officielle de la Confédération n’est
rendue publique.
Nos hypothèses de départ n’étaient certainement pas complètement fausses, mais
certainement naïves. Au départ nous nous doutions de la différence de Guantanamo avec
d’autres prisons et bien que conscients du mauvais traitement des prisonniers là-bas, nous
nous ne rendions pas bien compte du vide juridique qui régnait à Guantanamo. Ces hommes
sont non seulement torturés mais ne peuvent pas se plaindre devant la justice. Les lois
inscrites dans la Convention américaine ne s’appliquent absolument pas à Guantanamo
contrairement à ce que l’on aurait pu croire au début.
Quant aux hypothèses de réponses relatives aux difficultés de fermer cette prison, nous ne
nous sommes pas rendu compte de la tâche énorme qui attendait le président Obama. A
l’époque nous pensions que le délai de cent jours décidé par le président pour fermer
Guantanamo serait largement suffisant alors qu’aujourd’hui elle est loin d’être fermée. Les
pays européens se sont montrés moins coopératifs que nous le pensions. Des enjeux
66

économiques stratégiques se cachent certainement derrière tout cela. Concernant la Suisse,
nous n’avions pas complètement tort, car celle-ci veut avant tout garantir sa sécurité comme
nous l’avions prédit. Lors de nos premières hypothèses nous n’avions pas parlé du jugement
des prisonniers ni de leur possible accueil sur le territoire américain alors que cela s’est avéré
être un véritable casse-tête pour Obama.
Nous avons étudié la plupart des aspects relatifs à la prison de Guantanamo grâce à des
articles de presse, à des témoignages, à des livres de journalistes, à des textes de loi ou encore
à des rapports d’ONG. Au travers de toutes ces enquêtes et témoignages, nous avons pu, à
notre tour, nous forger notre propre opinion sur la prison de Guantanamo.
Du point de vue légal, les Etats-Unis ont ratifié de nombreux textes de loi et signé des
conventions - le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’accord bilatéral
conclu en 1903 entre la République de Cuba et les Etats-Unis, les Conventions de Genève, qui
interdisent théoriquement la création d’un centre de détention comme celui de Guantanamo.
Ces lois et conventions ne peuvent pas en principe être transgressées.
Mais pour revenir sur tous ces accords légaux qui ne leur permettent pas d’agir à leur guise
dans le cadre de la guerre contre le terrorisme décrétée après les attentats de New York
comme cause nationale, le Congrès américain a voté l’ Authorization for use of military force.
Celui-ci permet au président des Etats-Unis d’utiliser la force et tous les moyens jugés
appropriés contre les Etats, les organisations ou personnes considérées comme ayant autorisé,
commis ou facilité des attaques terroristes, ou contre celles ayant abrité de telles organisations
ou personnes. Après cette première loi, le président G.W. Bush en a signé d’autres dont le
Patriot Act, qui autorise des actions qui vont a l’encontre des droits fondamentaux reconnus
au plan international et signés par la Etats-Unis. A partir de là, ces lois antagonistes,
nationales et internationales créent un casse-tête juridique, et c’est finalement l‘administration
Bush qui décide ce qu‘elle veut sur la base du bien-fondé de son action contre les terroristes.
Quoiqu’on leur reproche, les Etats-Unis se justifient toujours en utilisant des lois d’exception
ratifiées pour l’occasion.
Nous pensons que les Etats-Unis, après les attaques du 11 septembre 2001, ont réagi à chaud
et cela avec le soutien d’un certain nombre de pays européens. Ils n’ont pas pris le temps de
peser les conséquences de leurs actes. L’instauration de la prison de Guantanamo à Cuba fin
2001 était illégale selon les lois internationales, même si elle apparait légale selon les lois
américaines créées pur l‘occasion. Le gouvernement, se sentant soutenu dans leur démarche
pas l‘opinion publique américaine et par certains autres pays, n‘ont pas hésité à transgressé le
droit international et plus important encore, les principes de droit fondamentaux qui ont servi
de piliers à leur acte de fondation. Les opinions personnelles sur ce sujet peuvent varier selon
l’interprétation purement juridique de différentes lois concernées, mais pas à notre avis sur les
principes de droit, comme l‟habeas corpus ou la torture, qui ont été bafoués. C’est cependant
ce qui fait de Guantanamo une prison très controversée.
67

C’est seulement aujourd’hui que les Américains réalisent que les lois d’exception signées par
l’administration Bush portent non seulement une grave atteinte à leur image de pays
démocratique, mais aussi les mettent dans une situation très difficile pour se sortir de ce
guêpier. En outre, on ne peut pas dire que Guantanamo ait été vraiment efficace dans la lutte
contre le terrorisme. Comme le dit Dick Marty dans l’interview qu’il nous a accordée, les
Etats-Unis ne savent même plus comment juger les prisonniers presque certainement
coupables d’actes de terrorisme. C’est au président Obama maintenant de restaurer l’image de
son pays et de trouver des solutions pour fermer Guantanamo. Sa fermeture a été annoncée
mais elle s’avère bien plus difficile que prévue en particulier à cause du problème de l’accueil
des anciens prisonniers. Qui veut vraiment aider les Etats-Unis après cet échec et se
compliquer l’existence ?
Nous pensons néanmoins que malgré les difficultés d’ordre légal et logistique, les pays
Européens devraient accueillir des ex-détenus acquittés afin de faciliter la tâche du président
Obama, de lui permettre de mettre un terme à cet épisode de non-droit et de renforcer par la
même occasion des liens économiques que politiques avec les Etats-Unis. Pour la Suisse, cela
lui permettrait également de se repositionner sur la scène internationale après son inscription
sur la liste de grise des paradis fiscaux qui a terni son image.
Nous trouvons que l’exemple de Guantanamo montre qu’il est toujours dangereux de nier des
principes de droit et de justice et que cela finit par se retourner contre soi.
Bien que la rédaction de notre travail de maturité fût longue et (assez) éprouvante, nous avons
pris du plaisir à faire nos recherches.
Ce travail nous a permis d’interviewer des gens intéressants et importants, Mr. Marty et Mr.
Müller, d’accéder à leur environnement de travail et de comprendre mieux leur fonction, ce
que nous n’avions jamais eu l’occasion de faire auparavant.
La façon d’aborder un travail aussi complet, en consultant beaucoup d’ouvrages, et de décider
d’un plan, n’était pas évidente et nous avons appris à progressivement préciser notre projet.
Sur le plan de l’étude du sujet, nous avons décortiqué l’histoire et les problématiques de
Guantanamo et simultanément, nous en entendions parler dans les médias et aussi dans des
groupes de discussion variés. Parfois les choses dites et entendues ne correspondaient pas du
tout à la réalité, elles étaient déformées par des a priori ou des convictions personnelles. Nous
le savions parce que nous avions étudié le sujet en détails. Nous savons aujourd’hui que cela
est vrai pour tous les autres sujets et qu’il faut se méfier des idées toutes faites ou des
informations soi-disant objectives. Cela devrait nous aider dans l’avenir.
Mais avant tout, ce travail maturité nous aura appris à travailler en binôme, avec tout ce que
cela comporte de difficultés mais aussi de bons moments. En fin de compte, nous avons été
(assez) efficaces et cet apprentissage du travail en groupe nous sera certainement utile pour
les années à venir.
68

Finalement, notre travail de maturité a également apporté son lot de bons souvenirs comme la
visite privée du bâtiment et du musée du CICR à Genève, et quelques moments mémorables
de décompression après des journées fatigantes.
69

10. Bibliographie
Livres
o BENCHELLALI Mourad, Voyage vers l'enfer, Robert Laffont, 2006,
En 2001, M.Benchellali a 19 ans. Il travail comme agent de médiation dans la ville des
Vénissieux. Son frère aîné lui propose d’aller en Afghanistan. Il finit par se retrouver
dans un camp d’entrainement d’Al-Qaeda, puis emprisonné à Guantanamo durant 4
années.
o BICHOVSKY Aude, Guantanamo, le camp de la honte ?, L’Hèbe, 2006,
21 questions-réponses sur la prison de la base Américaine de Guantanamo à Cuba,
créée suite à l’intervention des Etats-Unis en Afghanistan, sur les conditions de
détention, le statut légal des prisonniers,…
o BOLOPION Philippe, Guantanamo : le bagne du bout du monde, La Découverte,
2004,
La base de Guantanamo, sur l’ile de Cuba, est une zone de non-droit. 600 combattants
soupçonnés d’être liés au terrorisme s’y trouvent dans le plus grand secret depuis
2001.
o Conseil de l’Europe, Guantanamo : une violation des droits de l‟homme et du droit
international ? , Point de vue, point de droit, 2007,
Exposé de l’ensemble des arguments présentés par l’Assemblée pour demander la
fermeture du centre de détention de Guantanamo. Il contient également l’étude de la
Commission de Venise qui apporte son expertise.
o LE COUR GRANDMAISON Olivier, LHUILIER Gilles et VALLUY Jerôme, Le
retour des camps ?, Autrement Frontière, 2007, p.125-129,
Livre lié au nom respect de la Convention de Genève par la prison de Guantanamo.
o LIZIN Anne-Marie, Mission Guantanamo : les négociations secrètes pour vider la
prison de la NAVY, Perrin, 2008,
Alors que le débat sur la possible fermeture de la prison US à Cuba s’échauffe,
Guantanamo change de physionomie.
o PETERMANN Simon, L‟infernal paradis, A.Versaille éditeur, 2009,
Cette enquête dénonce l’existence et les conditions d’enfermement du centre de
détention Guantanamo, basé sur l’île de Cuba et dans lequel des terroristes présumés y
ont été transférés.
o ZAEEF Abdul Salam, Prisonnier à Guantanamo, EGDV Documents, 2008
Ch.10-11-13-15-25 et p.105-122-244,
70

Témoignage de l’ambassadeur afghan au Pakistan sous le régime taliban en 2000 qui
fut emprisonné presque 4 années au camp de Guantanamo.
Articles de presse
o SABATIER Patrick, « Barack Obama marque sa rupture avec l'ère Bush en fermant
Guantanamo », Le Point, le 23 janvier 2009
http://www.lepoint.fr/actualites/barack-obama-marque-sa-rupture-avec-l-ere-bush-enfermant/1781/0/309843
o NAPAKATBRA, Torture : « Des Etats européens accusés dans un rapport de
l'ONU », Les mots ont un sens, 11 mars 2009
http://www.lesmotsontunsens.com/torture-grande-bretagne-europe-violemmentcritiquee-rapport-onu-3648
o AFP, USA : « plus d' "ennemi combattant" », le Figaro, 13 mars 2009
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/03/13/01011-20090313FILWWW00550guantanamo-plus-d-ennemi-combattant.php
o Centre d’actualités de l’ONU, « Guantanamo : 5 experts de l'ONU dénoncent la
torture et demandent la fermeture du centre de détention », 16 février 2006
http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=11878&Cr=droits&Cr1=guant
anamo
o AFP, « Guantanamo: HRW appelle le Yémen et les USA à s'entendre sur les
détenus », Romandie News , 29 mars 2009
http://www.romandie.com/infos/news2/090329040128.3nb1nt9f.asp
o LOBJAKAS Ahto, « Estonie, Guantanamo embarrasse la nouvelle Europe », Courrier
International n° 955 paru dans Postimees, 19 février 2009
http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=94716
o GLABERSON William et COOPER Helene, « Etats-Unis, Guantanamo, première
embûche pour Obama », Courrier International paru dans The New York Time, 14
janvier 2009
http://www.courrierinternational.com/article/2009/01/13/guantanamo-premiereembuche-pour-obama
o EPHRON Dan, « Etats-Unis, Fermer Guantanamo : plus facile à dire qu’à faire »,
Courrier International n° 942 paru dans Newsweek, 20 novembre 2008
http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=91820
71

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York Times, 16 juin 2005
http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=52615
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International, 7 mars 2006
http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=60632
o STRUCK Doug, « Avoir 15 ans à Guantanamo », Courrier International n° 763 paru
dans The Washington Post, 16 juin 2005
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o SALIBY Hoda, « Guantanamo, Les "combattants ennemis" ont désormais un nom »,
Courrier international paru dans The New York Times, 21 avril 2006
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o MAHLER Jonathan, « Les tribunaux militaires sur la sellette, Guantanamo sous l’œil
de la Cour suprême », Courrier International n° 803 paru dans The New York Times,
23 mars 2006
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Nouvel Observateur, 27 janvier 2009
http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/societe/20090127.FAP0942/francais_de_gu
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o TSR info, « Des détenus de Guantanamo en Suisse », 21 janvier 2009
http://www.dorffer-patrick.com/article-27160908.html
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international », TV5MONDE communiqués de presse, 19 mars 2009
http://www.tv5.org/TV5Site/info/communiques-de-pressearticle.php?NPID=FR213551
o Rapport du Pentagone, A Guantanamo, « traitement "humain" mais trop de solitude,
selon le Pentagone », Monde - International, 24 février 2009
http://www.rtlinfo.be/rtl/news/article/221546/A+Guantanamo,+traitement+humain+m
ais+trop+de+solitude,+selon+le+Pentagone
o STROOBANTS Jean-Pierre, « L’Union européenne s’achemine vers l’accueil d’un
nombre réduit de détenus de Guantanamo », Le Monde, 8 avril 2009
72

o STROOBANTS Jean-Pierre, « Les Vingt-Sept hésitent sur l’accueil éventuel d’exdétenus
de Guantanamo », Le Monde, 26 mars 2009
o STROOBANTS Jean-Pierre, « Des ONG pressent les Vingt-Sept de recevoir d’exdétenus
de Guantanamo, Le Monde, 26 février 2009
o JCDe, « Derrière les grilles de Guantanamo, Tribune de Genève, 23 février 2009
o STEVAN Caroline, « Guantanamo, le fardeau empoisonné », Le Temps, 5 février
2009
o JACOLET Thierry, « La Suisse devrait prendre sa part », Le Courrier, 3 février 2009
o NOUGAYRÈDE Natalie, « M.Obama ferme Guantanamo et réengage son pays au
Proche-Orient », Le Monde, 24 janvier 2009
o BOLOPION Philippe, « A Guantanamo, j’étais devenu aussi inhumain que ceux que
je poursuivais », Le Monde, 14 janvier 2009
o BOLOPION Philippe, « L’administration Bush responsable des tortures
de ´´prisonniers combattants``, selon le Sénat », Le Monde, 15 décembre 2008
o STEVAN Caroline, « Emilou MacLean, avocate des oubliés de Guantanamo », Le
Temps, 10 décembre 2008
Documents Amnesty international
o AMNESTY INTERNATIONAL, Il faut fermer Guantanamo, Symbole
d‟injustice, 2007
o AMNESTY INTERNATIONAL, Terrorisme et contre-terrorisme, défendons
nos droits humains,2006
o AMNESTY INTERNATIONAL, Amnesty en action, n°4/08
73

11. Sites internet
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o http://fr.wikipedia.org/wiki/Prison_de_Guant%C3%A1namo#Les_conditions_de_d.C
3.A9tention
o http://fr.wikipedia.org/wiki/Nizar_Sassi
o http://en.wikipedia.org/wiki/Guantanamo_Bay_detention_camp
Amnesty international
o http://www.amnesty.ch/fr/actualite/magazine/56/retablir-le-droit-au-c153ur-del2019injustice
o http://www.amnesty.ch/fr/themes/les-abus-de-la-abguerre-contre-leterrorismebb/guantanamo-un-scandale-pour-les-droits-humains/torture-et-autresmauvais-traitement
Rapport de l’Amnesty International sur Guantanamo
Interview d'un garde (Center of the study of human rights in the Americas)
o http://humanrights.ucdavis.edu/projects/the-guantanamo-testimonialsproject/testimonies/testimonies-of-military-guards/testimony-of-brandon-neely
Convention de Genève:
o http://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_Gen%C3%A8ve
o http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/91_fr.htm
HWR/ Human Rights Watch
o http://www.hrw.org/fr
Rapport de la Croix-Rouge
o http://citoyen.eu.org/doc/torture-Guantanamo.php
La Croix-Rouge a constaté le recours à des formes de torture à Guantanamo Bay, Le
Monde, 30 novembre 2004
Military Order of November 13, 2001
http://www.fas.org/irp/offdocs/eo/mo-111301.htm
Pacte international relatif aux droits civils et politiques
http://www2.ohchr.org/French/law/ccpr.htm
USA Patriot Act
http://epic.org/privacy/terrorism/hr3162.html
Amendement Platt
74

http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amsudant/Cuba-Platt-amend.htm
Habeas Corpus
http://fr.wikipedia.org/wiki/Habeas_corpus
Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale
http://www.aidh.org/Racisme/T_Discrim_02.htm
Déclaration universelle des droits de l’homme
http://www.un.org/fr/documents/udhr/
Les Conventions de Genève
http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/genevaconventions
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
http://www2.ohchr.org/french/law/cat.htm
Detainee Treatment Act
http://www.pegc.us/detainee_act_2005.html
12. Filmographie
WINTERBOTTOM Michael, The Road to Guantánamo, 7 juin 2006
En septembre 2001, 4 amis anglais partent de Tipton en Angleterre, pour assister à un mariage
au Pakistan et prendre quelques jours de vacances. Seuls 3 d’entre eux reviendront…deux ans
et demi plus tard après un séjour à Guantanamo.
13. Contacts
- Monsieur Dick Marty. Interview le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne.
- Monsieur Greg Müller, chef d’unité au CICR, protection dans la lutte globale contre le
terrorisme. Interview le 18 mai 2009 au CICR à Genève.
- Monsieur Mourad Benchellali contacté par e-mail, pas de réponse de sa part.
- La Confédération Suisse contactée par e-mail, avec une réponse le 11 mai 2009 de
Madame Sibylle Siegwart.
- L’ambassade américaine contactée par courrier, pas de réponse de leur part.
75

Annexes
Interview de M. Dick Marty le 26 mai 2009 au Palais fédéral à Berne.
L’Europe a-t-elle une responsabilité sur Guantanamo et son mot à dire sur les grandes
décisions qu’on prend à son sujet ? Par exemple sa fermeture?
Je pense que oui. On peut discuter si sa responsabilité est de type juridique ou de type moral
mais elle a une certaine responsabilité.
Mais je crois qu’il faut tout d’abord rappeler que l’administration américaine a jugé que, pour
combattre le terrorisme, le modèle classique de la justice (c’est-à-dire police, procureur, juge
d’instruction, avocats, juges) n’était pas adéquat. Sa position était de dire: « Nous sommes en
guerre et en temps de guerre c‟est un autre droit qui s‟applique ». Or, lorsqu’on est en
guerre, ce n’est pas le désert juridique. Il y a le droit de la guerre, qui est notamment
réglementé par toute une série de conventions, les Conventions de Genève. Par exemple, les
Conventions de Genève prévoient des règles très précises quant à la détention des prisonniers
de guerre qui ont droit à un traitement particulier et qui doivent surtout être enregistrés auprès
du Comité International de la Croix-Rouge (CICR), lequel doit pouvoir avoir accès librement
aux prisonniers. L’administration américaine répond : « C‟est une guerre particulière, ce
n‟est pas une guerre classique contre les armées en uniforme ou contre les armées d‟états,
c‟est une guerre asymétrique et donc les Conventions de Genève ne s‟appliquent pas aux
prisonniers. » Ils ont alors inventé un nouvel ordre juridique et ont défini ces personnes qu’ils
suspectent de terrorisme comme ennemis combattants.
Ils ont tout d’abord introduit le système d’extraordinary rendition. En fait, ce n’est pas une
invention de l’administration Bush mais cela existait déjà sous l’administration Clinton.
L’administration Bush en a fait néanmoins un emploi beaucoup plus important. Qu‘est-ce que
le extraordinary rendition? C’est le fait d’enlever quelqu’un en dehors de tout cadre juridique
et de le remettre à son pays d’origine, où cette personne est recherchée et poursuivie. C’est
par exemple le cas d’ Abou Omar qui était un réfugié politique égyptien et qui vivait depuis
plusieurs années avec sa famille à Milan, où il était imam. En Italie il bénéficiait du droit
d’asile. Un jour, à Milan, alors qu’il se dirigeait vers sa mosquée, il fût kidnappé puis
transporté jusqu’à la base aérienne d’Aviano. Là, il a été drogué, ligoté, puis chargé dans un
avion et emmené jusqu’à la base américaine de Rammstein en Allemagne. Entre parenthèses,
il a survolé la Suisse ce qui donne une compétence pénale à la Suisse. Là, il a changé d’avion
et a finalement été transporté au Caire où il fût évidemment poursuivi, maltraité et torturé. Les
interrogatoires n’ont finalement rien donné. Les autorités de police et de justice italienne qui
ont enquêté sur la disparition d’Abou Omar ont identifié les 24 ou 26 agents de la CIA qui ont
participé à cet enlèvement. Ils ont pu prouver que le lendemain de son enlèvement et de sa
remise aux autorités égyptiennes, le chef de la CIA à Milan s’était rendu au Caire. La
collaboration américano-égyptienne pour arrêter et faire parler cet homme est évidente. Cet
épisode illustre ce qu’est une extraordinary rendition.
76

Les Américains ont aussi dit: « Vous aussi, Européens, avez employé ces méthodes. » Ils se
referaient aux cas du terroriste Carlos. Le terroriste Carlos avait été, en effet, arrêté et enlevé
par une unité de la police française au Soudan. La grande différence, que les Américains
oublient, c’est que Carlos a été remis en France à la justice ordinaire, qu’il a eu droit à un
procès équitable devant la cour d’assise et a pu recourir jusqu’à la cour européenne de
Strasbourg. La France a justifié l’enlèvement en disant que parce qu’il n’y avait pas de
collaboration possible avec le Soudan, elle avait estimé qu’il fallait le ramener en France par
ce moyen. Je pense que cela pouvait se justifier.
Dans le système américain, les personnes sont remises à des états où l’on pratique
couramment la torture: l’Egypte, le Yémen, la Jordanie, la Syrie etc. Dans beaucoup d’autres
cas, des enlèvements ont eu lieu et les personnes ont été conduites soit au centre de détention
de Guantanamo, soit à la prison tristement célèbre d’Abu Grahib en Irak, sous administration
américaine, ou encore à la prison de Bagram en Afghanistan, également sous administration
américaine. Nous avons aussi pu prouver, et c’était mon travail, qu’il y a eu des prisons
secrètes en Pologne et en Roumanie. En Pologne, ont été notamment détenues et torturées des
personnes considérées comme terroristes et soupçonnées d’avoir participé aux attentas du 11
septembre. Le fait d’avoir des prisons secrètes ou même de les tolérer est contraire à la
Convention Européenne des Droits de l’Homme. Or la Roumanie et la Pologne sont membres
du Conseil de l’Europe, ont signé la Convention et se sont engagés à respecter un certain
nombre de règles, parmi lesquelles l’interdiction d’ouvrir des prisons secrètes. Au sein du
Conseil de l’Europe existe en effet un comité pour la prévention de la torture qui a le droit de
visiter tous les lieux de détention des 47 pays membres du Conseil de l’Europe. Cela suppose
que tous les lieux de détention soient connus, jusqu’aux cellules dans les aéroports et dans les
palais de justice.
Je reviens à votre question concernant le rôle de l’Europe dans l‘affaire de Guantanamo et
des prisons secrètes. L’Europe connaissait ou dans la meilleure des hypothèses, a fermé les
yeux sur les agissements américains et les a tolérés. Il y a eu une série impressionnante de
mouvements d’avion de l’administration américaine, des avions non officiels mais qui
volaient pour des institutions officielles et qui ont pu atterrir et décoller sans aucun contrôle
pratiquement partout en Europe. Les enlèvements qui ont eu lieu, par exemple celui que je
vous ai raconté, ont fait l’objet de livres qui ont été publiés. Il est impensable que de tels
agissements aient pu avoir lieu sans la collaboration active des services secrets par exemple
italiens. D’ailleurs, le procureur de Milan a prouvé la participation des plus hautes sphères des
services secrets et même du gouvernement italien au sabotage du procès contre les
responsables des services secrets impliqués. Ils ont prétendu que les preuves étaient couvertes
par le secret d’état, et qu’elles ne pouvaient donc pas être utilisées devant un tribunal.
D’autre part, et pour la première fois, est parue dans un rapport du 20 juin 2007, l’information
selon laquelle s’est tenue une séance secrète de l’OTAN (Organisation du Traité de
l’Atlantique Nord) à Bruxelles et où les Etats-Unis ont invoqué l’article 5 du traité de
l’Atlantique Nord qui prévoit que quand un membre de l’alliance est attaqué militairement,
les autres membres sont tenus de lui prêter assistance. Les Américains ont fait valoir cet
77

article 5. Ils ont annoncé que cette guerre contre le terrorisme serait conduite par la CIA. Ils
ont demandé que la CIA puisse se mouvoir librement dans les territoires des membres de
l’alliance, si nécessaire qu’on lui prête assistance et surtout qu’on reconnaisse l’impunité de
ses agents. Je crois donc que l’Europe est restée passive par rapport aux actions américaines et
y a peut-être même collaboré.
Je crois aussi qu’elle devrait aujourd’hui collaborer avec l’administration Obama pour fermer
Guantanamo. Le président Obama a très bien compris que Guantanamo crée aujourd’hui un
dommage d’image énorme aux Etats-Unis. La prison de Guantanamo est devenue le symbole
de la violation des droits de l’homme alors même qu‘elle est située à Cuba, pays victime du
blocus des Etats-Unis et décrié par les Etats-Unis pour sa gestion des droits de l‘Homme.
Obama s’est rendu compte que cette structure est inacceptable au vu des valeurs
traditionnelles démocratiques américaines.
Le comble c’est qu’il y a certainement à Guantanamo des personnes coupables de terrorisme.
On ne sait cependant pas comment les juger parce qu’elles ont été détenues pendant des
années de façon totalement illégale, qu’elles ont fait des déclarations sous la torture alors qu’il
y a une convention internationale qui interdit aux juges de tenir compte des déclarations
obtenues dans ces conditions.
Il y a aussi des personnes que même les Américains considèrent comme innocentes. Il y a
d’ailleurs plus de 500 personnes qui on été libérées de Guantanamo. Ce sont des personnes
qui ont été arrêtées et détenues arbitrairement pendant des années . Elle ont été relâchées sans
une excuse et sans un centime d’indemnité. Certains ont essayé, avec des avocats, d’obtenir
ces indemnités devant la justice américaine. Le gouvernement américain a fait valoir le secret
d’état, et les juges n’ont pas pu entrer en matière. Ces personnes, quand elles sont rentrées
chez elles, ont parfois été arrêtées à nouveau. Un Français, Sassi, d’origine tunisienne je crois,
a fait une année et demi de prison à son retour en France , après en avoir fait 4 ou 5 à
Guantanamo. Il a finalement été acquitté par la justice. Il a écrit un livre sur son histoire.
De nombreux prisonniers libérés ne peuvent aller nulle part car aucun pays ne veut les
recevoir ou parce qu‘ils y risquent leur vie. Par exemple il y a les Ouïgour, des Chinois
musulmans, que les Chinois accusent de séparatisme. Le pouvoir chinois dit: « Rendez-les
nous et nous allons les rééduquer. » Dans le langage chinois, ça peut vouloir dire
condamnation à mort. Les Américains ne peuvent donc pas les remettre aux Chinois.
Les Américains offrent maintenant la possibilité à certains anciens détenus de venir vivre aux
Etats-Unis, mais c’est illusoire de croire qu’ils l’accepteront ou demandent à d’autres pays, en
particulier Européens, de les accueillir. La Suisse à donné son accord de principe pour 2 ou 3
prisonniers seulement.
Pensez-vous que l’accueil de prisonniers pourrait se faire en Suisse ?
Ecoutez, il y a des gens qui craignent pour la sécurité du pays. Je me demande si trois
personnes qui ont été détenues dans des conditions absolument terribles depuis des années (7
78

ou 8 ans) sont capables de mettre en péril la sécurité de la Suisse. Certains pays ont, je crois,
déjà déclaré leur disponibilité, la France me semble-t-il. La Suisse est une terre d’accueil et
c’est un geste qui ne nous couterait pas énormément. Je crois qu’il ferait aussi du bien a notre
image si, pour une fois, on accueillait des personnes en détresse et pas des comptes en banque.
Ces derniers temps, Obama change beaucoup d’avis sur la façon de juger les
prisonniers. Pensez-vous que c’est parce qu’il a réalisé l’ampleur de la tache que
représentait la fermeture de Guantanamo ?
Obama a une chance mais court aussi un risque. La chance c’est que quoi qu’il fasse, il ne
pourra pas faire pire que Bush. Le risque c’est, je crois, qu’il déçoive toutes les attentes qu’il a
suscitées. Je le crois sincère et il veut vraiment que son pays retrouve le chemin du droit
international en fermant Guantanamo. Il espère redonner aux Etats-Unis cette image de pays
de la liberté et des droits civiques. Il est cependant confronté à une administration, à des
forces politiques et à une opinion publique qui ne partagent pas nécessairement ses idées.
D’ailleurs il ne faut pas oublier que les deux grands partis américains, républicains et
démocrates confondus, ont accepté Guantanamo. Pour l’opinion publique et la classe
politique, ce n’est pas facile non plus de reconnaître s’être trompé pendant des années.
Le choc du 11 septembre a été tel qu’il y a aussi une véritable obsession de la sécurité aux
Etats-Unis. Le pire des désastres serait que demain il y ait un autre attentat aux Etats-Unis.
Toute la politique actuelle d’Obama s’écroulerait d’un seul coup. Il doit donc être très prudent
avec ce qu’il fait. Je le répète: si jamais il devait y avoir un nouvel attentat aux Etats-Unis, la
situation deviendrait dramatique.
Pensez-vous que le nom de « trou noir juridique » pour désigner Guantanamo soit
justifié ?
Oui et ce « trou noir juridique » va durer, parce qu’un certain nombre de personnes seront
encore détenues sans jugement pendant longtemps. Cela restera une tache dans l’histoire
américaine. Je suis parfaitement conscient que dans le monde, il existe des choses bien pires
encore que Guantanamo. Mais ce qui est grave c’est que Guantanamo existe dans un pays qui
devrait aujourd’hui servir d’exemple pour les autres pays du monde. C’est encore plus grave
quand une super puissance mondiale institutionnalise cet état de fait. Comment voulez-vous
qu’on aille ensuite dénoncer des violations des droits de l’Homme et la torture en
Tchétchénie, en Chine, etc. On vous répondra: « Ne nous donnez pas de leçons: qu„avez-vous
fait à Guantanamo, si ce n„est violer les droits de l„Homme et torturer? » Les Américains ont
toujours prétendu « Nous ne torturons pas chez nous ». Mais en réalité, ils ont fait torturer par
les autres ou ont torturé ailleurs et l’enquête italienne le montre clairement.
On me dit toujours: « Vous exagérez » . Je sais: en Tchétchénie il y a pire. Mais le fait que les
Etats-Unis avec un certain appui d’une partie de l’Europe, aient utilisé pendant des années un
pareil système, crée un précédent dévastateur. Il existe même des listes noires à l’ONU,
basées sur des soupçons ou des accusations non communiqués aux intéressés, qui les privent
de leurs biens ou de leurs libertés.
79

L’acceptation de la torture sous quelque forme que ce soit est un retour en arrière de notre
civilisation. Elle devrait être l’objet d’une interdiction absolue et ne devrait pouvoir être
justifiée par rien et même pas par la sécurité d’un pays.
Berne, le 26 mai 2009
Interview CICR
Interview de Mr Greg Müller, chef d’unité au CICR, protection dans la lutte globale contre le
terrorisme, le 18 mai 2009 à Genève.
Guantanamo sur le sol cubain : dans quels buts et quelles en sont les conséquences ?
Guantanamo Bay est une base navale sur le sol cubain empruntée par les américains. Il y a
chaque année un moment célèbre : Fidel Castro déchire le chèque américain pour exprimer
son mécontentement. Pour lui c’est un arrangement à contrecœur.
2001 : Guerre internationale entre l’Afghanistan et les Etats-Unis suite aux attentats du 11
septembre. Les Américains ont deux possibilités pour enfermer les prisonniers de guerre, soit
sur un territoire extra-américain, soit sur le territoire américain, où les lois américaines
s’appliquent normalement, notamment celle de l’habeas corpus qui donne le droit aux
détenus de contester la légalité de leur détention. Les américains ne veulent pas donner ce
droit aux détenus arrêtés dans le cadre de la guerre contre le terrorisme.
Les personnes arrêtées dans ce cadre, sont en théorie des prisonniers de guerre et sont donc
protégés par la 3 ème convention de Genève. Mais les américains refusent également de leur
laisser la jouissance de ces droits. Guantanamo à Cuba s’est donc avéré être l’endroit idéal car
il est juridiquement vide, certaines lois ne s’appliquent pas.
Quel statut et quel jugement pour les prisonniers ?
Les Conventions de Genève permettent donner le statut de prisonnier de guerre à un détenu.
La partie, qui arrête un prisonnier, a le droit de le garder jusqu’à la fin de la guerre ou des
hostilités, mais elle n’a pas le droit de condamner quelqu’un qui c’est battu contre elle, afin de
défendre son propre pays.
Mais, par contre, selon les Conventions de Genève, on peut poursuivre un combattant qui a
tiré sur des civils, car elles l’interdisent.
Avantage : la 3 ème Convention de Genève permet à une partie de garder un prisonnier de
guerre jusqu’à la fin des hostilités.
Inconvénient : la 3 ème Convention de Genève interdit une quelconque condamnation contre le
détenu.
Les américains ont inventé le statut d’ennemi combattant qui, au départ ne transgressait pas la
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ème Convention de Genève, pour éviter de devoir respecter ce que les Conventions de Genève
imposent.

Le statut de combattants ennemis illégaux, a été choisi pour les détenus suspectés d’être
membre d’Al Qaida. Grâce à ce nouveau statut, le gouvernement américain a pu sortir hors du
système judiciaire américain et des Convention de Genève les prisonniers de Guantanamo,
afin d’en faire ce qu’ils veulent.
Le respect des religions et des convictions des prisonniers est-il appliqué ?
La Convention de Genève ne s’applique pas à ces détenus, ont affirmés les américains.
Malgré tout, l’article 3 des Conventions de Genève, est commun, c’est-à-dire qu’il doit être
impérativement respecté, c’est le minimum que puisse faire le gouvernement.
Information reste confidentielle : Un contrat a été signé entre le CICR et le gouvernement
américain pour que les délégués de CICR puissent voir tous ce qu’il se passe à Guantanamo et
faire des rapports pour le gouvernement américain en échange de ce libre accès, les rapports
doivent rester confidentiels.
Mais il est certain que le fait que le CICR fasse des visites à Guantanamo entraîne qu’il y ait
des améliorations. Dans les cas contraire le contrat serait annulé et les rapports deviendraient
publics.
La torture est-elle monnaie courante à Guantanamo ?
Information confidentielle. Mais un rapport du CICR s’est retrouvé par erreur sur internet
dans lequel on peut trouver certaines de nos réponses.
Quels pays pour accueillir ces détenus et quelles sont les précautions à prendre ?
Il faut, tout d’abord, trouver les pays qui voudraient bien accueillir ces détenus et de pays, il
n’y en a pas des masses. On doit se demander s’ils doivent être jugés et relâchés ou s’ils
doivent rester aux Etats-Unis.
Des pays tel que la Chine, posent beaucoup de problèmes, car ils s’opposent à la libération de
leurs prisonniers de Guantanamo. Peut-être que d’autres pays d’Europe refuseront également
pour la simple et bonne raison que la chine est un grand enjeu économique.
Certains prisonniers ne peuvent plus retourner dans leur pays, car c’est beaucoup trop
dangereux et ils risqueraient de se faire torturer et tuer (ouïgours en Chine).
Certaines méthodes d’interrogatoire violent les lois, et ne peuvent donc pas être acceptées
comme outil d’accusation. Les aveux obtenus sous la torture ne peuvent pas être présentés
devant un tribunal, ils ne seront pas acceptés. Ce qui apporte une difficulté supplémentaire
aux jugements des prisonniers de Guantanamo.
Il faut savoir qu’aux Etats-Unis, les procès sont ouverts à tous les médias, alors que le
gouvernement et les pays impliqués aimeraient que ces procès litigieux restent confidentiels.
Les médias pourraient mettre en puéril certains programmes utilisés aux Etats-Unis pour la
sécurité.
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Plus l’on avance dans la fermeture du centre de détention de Guantanamo, plus les difficultés
auxquelles il fallait s’attendre apparaissent.
Changement d’avis sur la fermeture de Guantanamo du président Obama.
Au début, lors de sa campagne, Obama était libre de dire ce qu’il voulait, alors que
maintenant ça devient politique et beaucoup plus difficile à gérer. Des problèmes avec les
différents partis des Etats-Unis apparaissent (démocrates et républicains). Ce sont des
dilemmes réels auxquels il est confronté.
Quelle est l'implication de la Suisse dans la fermeture de Guantanamo?
Beaucoup de pays accepte pour faire plaisir aux Etats-Unis et aussi parce que c’est une grande
puissance mondiale et économique d’accueillir des anciens détenus de Guantanamo. La
Suisse veut aussi faire plaisir aux USA. Mais il ne faut pas oublier que la Suisse est une terre
d’asile qui se doit de recevoir des gens qui seraient maltraités dans leur pays d’origine.
E-mail de la Confédération Suisse
11 mai 2009
Messieurs,
Nous vous remercions de votre courriel du 10 avril adressé à la Chancellerie fédérale. Pour
des raisons de compétences, il a été transmis à l’Office fédéral des migrations (ODM).
Le 21 janvier 2009, le Conseil fédéral a déclaré à l’intention du gouvernement américain qu’il
était disposé à examiner la manière dont la Suisse pourrait contribuer à la résolution du
problème de Guantánamo. Concrètement parlant, il s’agit de savoir s’il est possible
d’accueillir pour raisons humanitaires certains détenus libérés et si oui, dans quelles
conditions. Tous les aspects juridiques et pratiques qui y sont liés sont actuellement étudiés
avec soin au sein d’un groupe de travail interdépartemental, dont l’attention se porte
notamment sur la question suivante : ces détenus ne risquent-ils pas de représenter un danger
pour la population suisse ?
En espérant que notre réponse vous sera utile, nous vous souhaitons bonne chance dans vos
études et vous prions d’agréer, Messieurs, nos salutations distinguées.
Sibylle Siegwart
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Remerciements
Nos remerciements vont, en premier lieu, à Greg Müller, chef d’unité au CICR, protection
dans la lutte globale contre le terrorisme, qui nous a accordé une interview passionnante sur
Guantanamo à Genève et à Dick Marty chargé par le Conseil de l’Europe d’enquêter sur
l’affaire des prisons secrètes de la CIA sur le territoire européen, pour une interview filmée au
Palais fédéral à Berne. Leur aide nous a été très précieuse ; sans elle, notre travail aurait
manqué de vie.
Nous tenions également à remercier le bureau d’Amnesty International ainsi qu’Alliance Sud
à Lausanne où nous avons été très bien accueillis et où nous avons pu nous procurer des
documents indispensables à notre étude.
Finalement, nous adressons nos remerciements tout particuliers à Monsieur Steiner,
professeur de géographie au gymnase Auguste Piccard à Lausanne qui nous a suivis, encadrés
et conseillés avec patience et attention tout au long de notre travail de maturité.
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Résumé
La base de Guantanamo est une base militaire américaine située au sud-est de l’île de Cuba.
En 1903, un traité est signé par les gouvernements américain et cubain, ce dernier acceptant
de louer la base navale de la baie de Guantanamo aux Etats-Unis. Ce traité est renouvelé en
1934 avec les mêmes termes à l’exception de la durée du bail qui devient perpétuel.
L’annulation de ce traité ne peut avoir lieu qu’avec l’accord des deux nations ou l’abandon de
la base par les Américains. Guantanamo est donc une base américaine, qui deviendra par la
suite une base militaire.
Le 11 septembre 2001 les Etats-Unis sont attaqués, pour la 2 ème fois de leur histoire après
Pearl Harbour, sur leur territoire national. Des avions s’écrasent sur les tours du World Trade
Center et le Pentagone, symboles de la puissance économique et militaire des Etats-Unis. Ces
attaques seront très rapidement attribuées au réseau terroriste d’Al-Qaïda et à son chef
Oussama Ben Laden. La réponse de l’administration de G.W. Bush, est immédiate : les Etats-
Unis déclarent la guerre à l’Afghanistan, siège supposé d’Al-Qaïda et plus généralement du
terrorisme.
Afin de pouvoir agir librement et sous le prétexte que la sécurité nationale est mise en danger,
le président Bush va signer plusieurs décrets dans la précipitation, dont le Patriot Act, qui
autorise l’arrestation, la déportation et la mise à l’isolement de suspects, pouvant être détenus
indéfiniment par les autorités américaines. C’est à ce moment là que le statut de la base de
Guantanamo va passer celui de simple base militaire à celui de prison d’exception,
mondialement connue et très controversée.
A Guantanamo, les prisonniers sont maltraités. Ces mauvais traitements commencent dès leur
transfert sur l’île de Cuba et ce poursuivent jusqu’à leur cellule qui ne sont parfois que des
cages. La nourriture et les conditions hygiéniques ne sont pas dignes d’une prison américaine.
Le système est conçu et mis en place afin d’obliger les détenus de livrer des renseignements
en échange de traitements de faveur. Les interrogatoires sont interminables et la torture est
utilisée afin d’obtenir des informations, pour la plupart, inutiles.
Les prisonniers de Guantanamo ne bénéficient pas du statut de prisonnier de guerre, comme
imposé par la 3 ème Convention de Genève, mais celui d’ennemi combattant, statut
juridiquement inconnu. Le jugement n’est ni indépendant ni rendu par un tribunal compétent,
mais par des tribunaux militaires créés pour l’occasion. Ces agissements sont illégaux selon le
droit international, mais juridiquement corrects selon les récentes lois d’exception signées par
le président Bush. L’ambigüité juridique de Guantanamo se trouve là.
Aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé. Le président Obama a été élu et il a annoncé la
fermeture de Guantanamo pour la fin 2009. Ce délai ne sera surement pas respecté car de
nombreux problèmes, comme celui de l’accueil des ex-prisonniers jugés, sont apparus. Des
pays d’Europe devraient en accueillir quelques-uns car en tant que pays démocratiques et
respectueux des droits de l’homme, ils se doivent de montrer l’exemple en permettant la
fermeture rapide de cette prison indigne.