Prendre sa carte 1920-2009 - Fondation Gabriel Péri
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Introduction<br />
Données nouvelles sur les effectifs du PCF<br />
Nota : L’introduction est suivie de deux annexes : la première comprend 14 tableaux de chiffres à l’appui de l’argumentation ;<br />
la seconde contient 14 <strong>carte</strong>s et 7 graphiques.<br />
Deux classeurs, l’un noir, l’autre rouge. À l’intérieur, 204 feuilles perforées, au format d’écolier, remplies de chiffres, tous<br />
copiés à la main, d’au moins quatre écritures différentes. Il s’agit de la comptabilité nationale des effectifs communistes, tenue par<br />
la Section Centrale d’Organi<strong>sa</strong>tion (puis Secteur d’Organi<strong>sa</strong>tion) du PCF 1 , chargée de veiller au bon fonctionnement des structures<br />
du parti, à leur recensement attentif et à leur renouvellement par la mise au point des campagnes de recrutement. Le classeur noir<br />
va jusqu’en 1984, le classeur rouge poursuit jusqu’en 1998 2 : on y trouve, année par année, département par département, des<br />
décomptes d’adhérents, des chiffres d’adhésions et un état de la structuration du PCF, sections et cellules, entreprises, locales et<br />
rurales. Au total, huit colonnes 3 .<br />
Les chiffres enregistrent les données transmises à la direction nationale par les fédérations départementales du PC 4 . La collecte<br />
en a été commencée en 1954. En mars de cette année-là, Auguste Lecoeur, secrétaire à l’Organi<strong>sa</strong>tion depuis 1950, est chassé<br />
de la direction, à l’issue d’une procédure expéditive, deux ans à peine après André Marty et Charles Tillon, qu’il avait pourtant luimême<br />
contribué à mettre à l’écart. Marcel Servin, ancien cheminot qui seconda Maurice Thorez au temps de ses fonctions ministérielles<br />
et qui dirige la section des Cadres depuis l’automne 1947, est désigné pour prendre <strong>sa</strong> place. Or Lecoeur, forte tête et<br />
homme de l’ombre, est parti en emportant toutes les archives de la section qu’il dirigeait. Tout est à recommencer : Servin demande<br />
que l’on ouvre un nouveau registre.<br />
Un Congrès va se tenir en juin, où l’on doit traditionnellement évoquer l’état de l’organi<strong>sa</strong>tion. Il faut partir rapidement de<br />
quelque chose… Lecoeur disparu, Thorez est le seul qui soit habilité à transmettre la teneur des états antérieurs. Les a-t-il à <strong>sa</strong> disposition<br />
? Ses archives, bien pourvues en données d’organi<strong>sa</strong>tion avant 1947, sont étonnamment muettes après cette date. Pourquoi<br />
n’a-t-il gardé aucun document comptable, même pour la période qui s’écoule entre l’automne 1947 et <strong>sa</strong> maladie, en octobre<br />
1950 ? Veut-il signifier qu’il n’est pas respon<strong>sa</strong>ble de la gestion de l’organi<strong>sa</strong>tion menée par les deux secrétaires précédents, Léon<br />
Mauvais et Auguste Lecoeur ? Y verra-t-on l’effet d’une certaine distance, d’un homme encore affaibli par la maladie ? Le silence et<br />
l’absence d’archives disent-ils l’obsession du secret, la crainte d’une divulgation supposée ravageuse ?<br />
En tout cas, la section d’Organi<strong>sa</strong>tion doit se débrouiller avec les moyens du bord. La seule source disponible se trouve dans<br />
les tableaux départementaux de 1937, 1945 et 1946, imprimés dans le rapport d’activité composé à l’occasion du XI e Congrès<br />
national de Strasbourg, en juin 1947. Les trois premières lignes du classeur sont le fruit de ce travail de scribe, accompli dans une<br />
belle écriture, à la plume Sergent-Major. Pour les dénombrements à venir, l’équipe de Servin décide de rompre avec une vieille habitude<br />
interne, de ne pas s’en tenir aux chiffres fournis par la trésorerie du parti et de solliciter les estimations des fédérations : à chacune<br />
d’indiquer le nombre des <strong>carte</strong>s remises aux adhérents, sous le contrôle vigilant de la « section d’Org », qui consigne les résultats<br />
à chaque fin d’année.<br />
Le document, tenu sous clef, était strictement confidentiel et ses données n’ont jamais été publiées à ce jour. En principe, le<br />
collaborateur de la section de travail, le secrétaire à l’Organi<strong>sa</strong>tion et le secrétaire général du parti étaient seuls habilités à en prendre<br />
connais<strong>sa</strong>nce 5 . Grosso modo, le secret a été bien gardé, même si une partie du document a circulé dans la seconde moitié des<br />
années 1970 : Jean Elleinstein, pour la rédaction d’un ouvrage semi-officiel sur le PC 6 , et Philippe Robrieux 7 purent utiliser<br />
quelques-unes des données du précieux registre. Mais pour l’essentiel, les fuites ont été rares, lais<strong>sa</strong>nt les historiens aux difficiles<br />
1 Le document a été déposé en 2006, aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, par Gilles Bontemps, au nom de la direction du PCF. Cette initiative<br />
est due à l’intervention d’Alain Zoughebi, aujourd’hui décédé, qui fut le respon<strong>sa</strong>ble-adjoint du secteur d’Organi<strong>sa</strong>tion auprès du Comité central, entre 1984 et<br />
1996. Le dépôt était destiné à alimenter le fonds des archives du PCF, désormais ouvert au public. Il fait donc partie de ce fonds, sous la cote 261 J 25.<br />
2 En fait, la dernière série complète est celle de 1994. Les quatre suivantes présentent des données très lacunaires, les données d’organi<strong>sa</strong>tion ayant commencé à<br />
être <strong>sa</strong>isies électroniquement après 1987. À partir de 1988, les chiffres d’adhérents présentés ici proviennent du fichier de l’actuel secteur « Vie du Parti », qui a<br />
pris la suite de l’ancien « Secteur d’Organi<strong>sa</strong>tion ». Les effectifs de ce fichier correspondent à ceux du classeur pour les sept années 1988-1994 ; ils le complètent<br />
même pour quelques effectifs fédéraux omis dans le document manuscrit.<br />
3 Certaines colonnes contiennent plusieurs chiffres. Entre 1985 et 1996, le classeur indique, pour les adhérents, le nombre de <strong>carte</strong>s placées dans les entreprises et<br />
les établissements scolaires, tandis que le nombre des cellules d’entreprises est complété par quelques indications parcellaires sur les cellules d’enseignants.<br />
4 Théoriquement, le trésorier de cellule remplit un feuillet d’effectifs, indiquant la composition de la cellule et les timbres payés. Ces feuillets, transmis à l’échelon<br />
supérieur, ont été longtemps la base d’estimation du nombre d’adhérents. Mais ils n’ont jamais fait l’objet de traitement global, l’idée d’un fichier central étant<br />
récusée (cf. infra).<br />
5 Entretien avec Guy Fuléro, collaborateur de la Section d’Organi<strong>sa</strong>tion entre 1971 et 1985, qui lui aussi contribua à la confection du registre.<br />
6 Jean Elleinstein, Le P.C., Grasset, 1976.<br />
7 Philippe Robrieux a publié une synthèse des archives d’Auguste Lecoeur et des données qu’il avait récupérées auprès de la Section centrale d’Organi<strong>sa</strong>tion, dans<br />
le troisième volume de son Histoire intérieure du PCF, Fayard, 1982, pages 506 et 507. Les chiffres qu’il présente pour la région parisienne correspondent effectivement<br />
à ceux du registre ici publié.<br />
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