Prendre sa carte 1920-2009 - Fondation Gabriel Péri
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PRENDRE SA CARTE <strong>1920</strong>-<strong>2009</strong><br />
L’insubordination ouvrière 60 passe de moins en moins par<br />
les canaux traditionnels de la revendication : le « Parti de la<br />
classe ouvrière » enregistre de plein fouet ces mutations, <strong>sa</strong>ns<br />
pouvoir penser un ancrage de substitution et une redéfinition<br />
globale de son ambition sociale. Entre 1978 et 1994, ses effectifs<br />
s’effondrent dans le quart Nord-Est, reculent à Paris et dans<br />
la petite couronne, fléchissent dans les Alpes, la région lyonnaise<br />
et la région PACA. Il résiste un peu mieux dans le Nord-Pas-de-<br />
Calais, en Normandie et sur le littoral atlantique.<br />
7. La rétraction des années 1990-2000<br />
Une moitié des adhérents de l’apogée disparus entre<br />
1979 et 1994, au temps de Georges Marchais ; une autre<br />
moitié est perdue dans la décennie suivante, sous la houlette<br />
de ses successeurs (tableau 13). Jusqu’en 1988, les effectifs<br />
communistes résistent mieux que ceux de l’électorat : le ratio<br />
adhérents/électeurs est d’environ 6 % en 1973 à près de 10 %<br />
en 1978 et à 14 % en 1988. À partir de cette date, le ratio<br />
diminue d’élection en élection : 13 % en 1993, 10 % en<br />
2002, 8 % en 2007 (graphique 5 et <strong>carte</strong> 10). Désormais,<br />
l’affaissement de l’organi<strong>sa</strong>tion suit les rythmes du reflux<br />
électoral.<br />
Le changement de direction, en 1994, et l’élan relatif de<br />
la présidentielle de 1995 atténuent le recul. Les années suivantes<br />
déçoivent cette attente. Il est vrai que l’organi<strong>sa</strong>tion communiste<br />
se trouve alors doublement pénalisée : la gestion de la nouvelle<br />
participation gouvernementale, alors que le PCF est affaibli,<br />
déconcerte les militants ; la conduite chaotique de la<br />
« mutation » suscite davantage de dé<strong>sa</strong>rroi qu’elle ne crée d’espérance<br />
militante. Les ouvertures ne convainquent pas de nouveaux<br />
adhérents et ne provoquent des retours qu’à la marge. La<br />
tentative électorale de « double parité » (hommes-femmes, communistes-non<br />
communistes), lors des élections européennes de<br />
1999, débouche sur un échec amer. Le congrès de Martigues,<br />
au printemps 2000, voit l’entrée au parti et dans <strong>sa</strong> direction<br />
d’une vague de militants issus souvent du mouvement associatif<br />
; or leur agrégation ne fait pas véritablement sens, ni à l’intérieur<br />
ni à l’extérieur des rangs de l’organi<strong>sa</strong>tion. La Bérézina<br />
électorale de la présidentielle de 2002 accélère le repli : entre<br />
1998 et 2002, la perte annuelle d’adhérents oscille entre 10 %<br />
et 15%.<br />
À partir de 2004, on l’a vu, les chiffres officiels suggèrent<br />
une stabili<strong>sa</strong>tion des effectifs, un peu au-dessus des 130 000<br />
<strong>carte</strong>s placées. Sous réserve de vérifications ultérieures, le PCF<br />
pourrait bien, après le traumatisme électoral de 2002, avoir<br />
bénéficié d’une gestion interne plus classique mais plus rassurante<br />
et, davantage encore, du regain de mobili<strong>sa</strong>tion politique<br />
qui accompagne les années 2003-2006. Après les déboires de la<br />
« gauche plurielle », entre 1997 et 2002, le PCF esquisse un rapprochement<br />
avec la gauche dite « antilibérale », qui culmine au<br />
moment du succès du Non au référendum sur le projet de traité<br />
constitutionnel européen en mai 2005. L’échec du rassemblement<br />
des antilibéraux, en 2007, ne provoque pas de reflux, dans<br />
des statistiques officielles tout au moins. Assiste-t-on à la reprise<br />
du phénomène observé en 1987-1990, avec la réaction possible<br />
d’un espace militant déstabilisé mais qui ne veut pas se laisser<br />
aller au pessimisme du déclin inéluctable de l’organi<strong>sa</strong>tion et de<br />
l’idée ? La période à venir dira s’il s’agit là d’une simple rémission,<br />
comme l’électorat en connut entre 1993 et 1999, ou d’une<br />
stabili<strong>sa</strong>tion durable.<br />
La perte militante est générale, mais inégale. Elle est désormais<br />
plus sensible dans les zones de force, l’organi<strong>sa</strong>tion<br />
comme l’électorat se délitant dans son centre et plus seulement<br />
à <strong>sa</strong> périphérie (<strong>carte</strong> 13). L’Ouest breton, le bassin aquitain et<br />
les contreforts méridionaux du Massif central, les Alpes et le<br />
Jura résistent un peu mieux, tandis que s’effondrent les bastions<br />
de la région parisienne, de l’Est et du Limousin.<br />
La <strong>carte</strong> militante s’est éclaircie, le continent redevenant<br />
archipel : près de la moitié des adhérents, depuis 1994, sont<br />
dans 10 départements et près des deux tiers dans les vingt premiers.<br />
À la Libération, la Lozère était le seul département audessous<br />
de la barre des 1 000 ; aujourd’hui, ils sont 59 dans ce<br />
cas et 33 au-dessous de 500. La région Nord étendue vers la<br />
Seine-Maritime, la petite couronne parisienne, les Bouches-du-<br />
Rhône, le Rhône, la Dordogne et le Gard sont les zones de plus<br />
forte densité (<strong>carte</strong> 7).<br />
60 Xavier Vigna, L’Insubordination ouvrière dans les années 1968. Es<strong>sa</strong>i d’histoire politique des usines, Presses universitaires de Rennes, 2007.