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Prendre sa carte 1920-2009 - Fondation Gabriel Péri

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PRENDRE SA CARTE <strong>1920</strong>-<strong>2009</strong><br />

pour les effectifs d’adhérents, des seules déclarations fournies<br />

par les fédérations ; la direction nationale actuelle considère<br />

qu’elle dispose de possibilités de contrôle plus rigoureux. Officiellement,<br />

en tout cas, le nombre de coti<strong>sa</strong>nts rendu public par<br />

le Centre est passé d’un peu plus de 99 000 en février 2006 à<br />

un peu moins de 65 000 en novembre <strong>2009</strong>, soit un peu moins<br />

de la moitié des <strong>carte</strong>s déclarées officiellement placées.<br />

Quant au cercle du « militantisme », il est d’autant plus<br />

difficile à mesurer que l’activité communiste ne se limite pas à<br />

la participation aux activités étroitement parti<strong>sa</strong>nes (réunions,<br />

diffusion de la presse et de la propagande, organi<strong>sa</strong>tion des campagnes<br />

électorales…). L’implantation communiste, on le <strong>sa</strong>it,<br />

s’est nourrie d’une triple matrice d’activité extra-parti<strong>sa</strong>ne : celle<br />

du syndicat, celle de l’association et celle de la municipalité. Le<br />

militant communiste participe aux activités de <strong>sa</strong> cellule, mais il<br />

est aussi membre d’un syndicat, d’une « organi<strong>sa</strong>tion de<br />

masse » , ou bien il fait partie des conseillers municipaux recensés<br />

par le parti (plus de 36 000 en 1945, une dizaine de milliers<br />

en 2008). Tous ceux-là s’ajoutent et se mêlent, pour dessiner les<br />

contours du noyau militant, aux 3 à 4 000 membres des comités<br />

fédéraux, et aux membres des 9 à 20 000 bureaux de cellule.<br />

En 1997, une enquête conduite par François Platone et Jean<br />

Ranger 47 , à partir d’un échantillon d’un millier d’adhérents,<br />

estimait à 18 % (21 % d’hommes et 12 % de femmes) celles et<br />

ceux qui di<strong>sa</strong>ient con<strong>sa</strong>crer plus de 10 heures par mois aux<br />

tâches militantes. Rapporté aux effectifs de l’époque, cela équivalait<br />

à environ 40 000 personnes investies de façon assez soutenue.<br />

Si l’on applique ce ratio à l’ensemble des <strong>carte</strong>s théoriquement<br />

placées entre 1954 et aujourd’hui, on arrive à un<br />

volant de « militants » qui oscillerait entre 50 000 et 24 000.<br />

Pour l’instant, la seule série complète disponible est celle<br />

qui, depuis 1954, porte sur les <strong>carte</strong>s « placées ». Les données<br />

consignées reposent sur les seules déclarations des fédérations<br />

départementales. Elles sont en général vérifiées par la section<br />

d’Organi<strong>sa</strong>tion elle-même 48 , qui ne manque pas d’introduire ses<br />

correctifs au fur et à mesure. Mais, dans son ensemble, le classeur<br />

ne peut que refléter les effets d’une « politique du chiffre »<br />

appliquée de haut en bas. Dans certains cas, l’information est<br />

manifestement déformée à dessein. Le graphique 3 (en annexe)<br />

montre ainsi l’évolution, entre 1976 et 2005, des <strong>carte</strong>s placées<br />

dans quatre départements qui, avec Paris, font alors partie du<br />

groupe des cinq premiers par leur nombre d’adhérents. Les tendances<br />

d’évolution des effectifs fédéraux recouvrent à peu près<br />

celle du territoire national, avec une particularité notable pour<br />

la période 1986-1989 : alors que le département du Nord enregistre<br />

une simple rémission dans le recul, les Bouches-du-<br />

Rhône, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne annoncent des<br />

regains. Dans le cas des deux départements franciliens, les progressions<br />

affichées sont si spectaculaires qu’elles laissent entendre<br />

un retour vers le niveau du début des années 1980 ! Or on<br />

<strong>sa</strong>it que l’année 1984 marque en Seine-Saint-Denis le début<br />

d’une crise intense qui se traduit, un an plus tard, par l’éviction<br />

du secrétaire fédéral, François Asensi.<br />

Dans les deux départements de la « petite couronne », la<br />

tentation, nourrie ou non par une consigne explicite, a été<br />

d’élever au maximum le niveau des effectifs, afin de montrer, y<br />

compris à « Fabien », que les mauvais résultats antérieurs résultaient<br />

d’une politique « opportuniste », heureusement redressée<br />

après 1984. Le tableau 8 confirme l’anomalie : les fédérations<br />

de la région parisienne signalent des augmentations<br />

sensibles entre 1986 et 1989, alors que les autres fédérations<br />

voient leur recul se poursuivre, à rythme soutenu (<strong>sa</strong>uf en<br />

1988). Ce n’est qu’à partir de 1990 et, plus encore, après 1991<br />

que les tendances franciliennes retrouvent les « trends » nationaux.<br />

Gardons-nous donc d’en rester au premier degré des<br />

chiffres consignés : fussent-ils à u<strong>sa</strong>ge interne, ils reflètent un<br />

désir, dans l’encadrement national et départemental, de fournir<br />

des statistiques infirmant le thème du « déclin historique »<br />

et, par la même occasion, invalidant les arguments des critiques<br />

de l’intérieur.<br />

Plus généralement, en dehors même de ces périodes d’affrontement<br />

intense, l’analyse des flux nationaux devrait se doubler<br />

d’une étude plus fine, à l’échelon local. Elle permettrait<br />

<strong>sa</strong>ns doute, au-delà des effets de conjoncture, de tenir compte<br />

des équilibres propres à chaque structure du PCF, des traditions<br />

d’organi<strong>sa</strong>tion (ou de désorgani<strong>sa</strong>tion…), voire des<br />

déterminants individuels ou des micro-stratégies de pouvoir.<br />

Beaucoup dépend de la taille même des fédérations, de la<br />

concurrence interne qui peut opposer les sections locales, à<br />

l’intérieur des départements les mieux pourvus. Le poids des<br />

dirigeants nationaux, la proximité à l’égard du Centre (dans le<br />

cas de la région parisienne notamment) ne manquent pas d’influer<br />

sur les stratégies d’énonciation des effectifs départementaux.<br />

D’ores et déjà, un parcours cursif des milliers de chiffres<br />

consignés dans le classeur laisse apparaître que tel résultat, parfaitement<br />

arrondi, parfois reporté tel quel d’une année sur l’autre,<br />

suggère pour le moins une approximation, voire une dissimulation<br />

d’une fédération qui ne veut pas se faire morigéner<br />

par le Centre 49 . Parfois, les données sont purement et simplement<br />

lacunaires 50 .<br />

Sans doute conviendrait-il donc d’appliquer un nouveau<br />

coefficient de pondération pour apprécier un niveau des <strong>carte</strong>s<br />

placées vraisemblablement en-deçà de celui suggéré par les classeurs<br />

; mais, en l’état, ce coefficient est indéterminable.<br />

47 François Platone et Jean Ranger, « Les adhérents du Parti communiste français en 1997 », Les Cahiers du CEVIPOF, n° 27, mars 2000.<br />

48 Après 1960, les classeurs notent à plusieurs reprises que les résultats de telle ou telle fédération ont été « rectifiés » à la baisse. En fait, il s’agit aussi, par ces<br />

remarques, de mettre en cause la gestion de l’organi<strong>sa</strong>tion par le respon<strong>sa</strong>ble déchu, Marcel Servin, de même que celui-ci avait, à son arrivée, critiqué celle d’Auguste<br />

Lecoeur avant lui.<br />

49 En novembre 1990, le membre du Comité central qui « suit » la fédération de la Haute-Marne se plaint par note auprès du collaborateur de la section d’Organi<strong>sa</strong>tion<br />

d’une « situation d’organi<strong>sa</strong>tion catastrophique ne correspondant pas avec les chiffres annoncés cette année et <strong>sa</strong>ns doute les précédentes ». Il estime alors<br />

à une cinquantaine (sur un total annoncé de 766 <strong>carte</strong>s) la surévaluation pour l’année 1989. Il ajoute en outre que, cette année-là, 174 <strong>carte</strong>s ont été adressées<br />

par La Poste à des adhérents supposés.<br />

50 En 1954, par exemple, le registre ne donne aucune indication pour le Pas-de-Calais et la Loire, départements respectifs d’Auguste Lecœur et de son adjoint de<br />

l’époque, Théo Vial. Celui-ci a été contraint de faire son autocritique devant le XIII e Congrès du PCF, en juin 1954.

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