01.07.2013 Views

Université Paris Ouest Nanterre La Défense - Portail documentaire ...

Université Paris Ouest Nanterre La Défense - Portail documentaire ...

Université Paris Ouest Nanterre La Défense - Portail documentaire ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Jury :<br />

<strong>Université</strong> <strong>Paris</strong> <strong>Ouest</strong> <strong>Nanterre</strong> <strong>La</strong> <strong>Défense</strong><br />

Ecole doctorale Economie, organisations, société<br />

Thèse pour l’obtention du grade de Docteur en Démographie<br />

Liliana ESTRADA QUIROZ<br />

Quelle place le travail a-t-il dans la vie des enfants ?<br />

Le cas des grandes villes du Mexique<br />

Thèse dirigée par Mme María Eugenia COSIO ZAVALA<br />

Soutenue le 17 décembre 2011<br />

Bruno LAUTIER. Professeur à l’<strong>Université</strong> de <strong>Paris</strong> 1.<br />

Cecilia RABELL. Professeur à l’Universidad Nacional Autónoma de México.<br />

Véronique HERTRICH. Chargée de Recherche à l’INED.<br />

1


RÉSUMÉ<br />

Bien que le travail des enfants semble être une pratique hors du temps, dans l’actualité une partie non<br />

négligeable d’enfants — dans les grandes villes du Mexique, ainsi que dans plusieurs pays en<br />

développement — travaillent de manière quotidienne. Nous allons tenter de connaître l’importance du<br />

travail dans la vie des enfants à travers deux approches : qualitative et quantitative. <strong>La</strong> première est<br />

basée sur des entretiens, que nous avons spécialement réalisés auprès des enfants travailleurs et non<br />

travailleurs à Mexico ; la deuxième est appuyée sur une source secondaire, une base de données<br />

nationale sur le travail des enfants. Grâce à l’utilisation de ces deux sources complémentaires, nous<br />

avons réussi à aborder plusieurs aspects de cette problématique si complexe, en donnant une place<br />

privilégiée à la famille et en regardant les enfants travailleurs comme protagonistes dans tout ce qui les<br />

concerne. Or, les enfants travailleurs ne représentent pas une population homogène. Nous avons<br />

montré que les raisons, les processus de mise au travail, les activités, les conditions, les déterminants<br />

et les conséquences varient selon leur domaine de participation (extradomestique ou domestique) et<br />

leur lien de parenté avec l’employeur (familial ou non familial). Cependant, les différences ne se<br />

limitent pas au terrain des faits, elles s’observent aussi dans les représentations sociales qu’ont les<br />

enfants sur les types distincts de travail des enfants. Enfin, des contrastes marqués existent par âges et<br />

par sexes, témoignant que des inégalités de genres et de générations touchent déjà les plus jeunes.<br />

Mots clés : enfant, travail, famille, Mexique, domestique, représentation.<br />

What place does work have in the lives of children?<br />

Case study in the big cities of Mexico.<br />

ABSTRACT<br />

Although child labour is thought to be an outdated practice, currently a significant proportion of<br />

children - in the big cities of Mexico and in many developing countries - are working on a daily basis.<br />

We have looked into the importance of work in the lives of children using two different approaches:<br />

qualitatitve and quantitative. The first is based on interviews, which we specifically carried out with<br />

both working and non-working children in Mexico City; the second approach uses a national database<br />

on child labour. By using these two complementary sources, we were able to cover several aspects of<br />

this complex problem, in particular by emphasising the role of the family and observing child workers<br />

as protagonists in their lives. However, child workers are not a homogeneous population. We have<br />

shown that the reasons for working, the type of work, the working conditions, and the determining<br />

factors and consequences of working vary according to the area of activity (domestic or not) and the<br />

child's relationship to their employer (family member or not). However, the differences are not<br />

confined to simply facts, they are also observed in the social representations that children have about<br />

the distinct types of child labour. Finally, there are marked differences determined by age and gender,<br />

showing that inequality already affects the youngest members of society.<br />

Key Words: child, work, family, Mexico, housework, representation.<br />

Centre de recherche Populations et sociétés (CERPOS)<br />

<strong>Université</strong> <strong>Paris</strong> <strong>Ouest</strong> <strong>Nanterre</strong> <strong>La</strong> <strong>Défense</strong><br />

200, avenue de la République<br />

92000 NANTERRE<br />

3


4<br />

REMERCIEMENTS<br />

Je voudrais, tout d’abord, remercier María Eugenia Cosio, qui s’est intéressée à mon projet, et<br />

a dirigé et enrichi cette thèse avec ses réflexions, ses questions et ses corrections. Je lui suis<br />

reconnaissante de sa confiance et de la liberté qu’elle m’a toujours accordée. Son aide, sa<br />

patience et sa compréhension ont été fondamentales pour atteindre mon but, après toutes ces<br />

années si exceptionnelles dans ma vie.<br />

Je souhaite spécialement saluer Cecilia Rabell, qui a été une personne essentielle pendant mon<br />

parcours professionnel. Ses conseils, son soutien et sa confiance avant, pendant et jusqu’à la<br />

fin de cette aventure m'ont beaucoup réconfortée. Je la remercie aussi d'avoir accepté d’être<br />

rapporteuse et de participer à mon jury, et donc de consacrer quelque temps de son séjour en<br />

France à ma soutenance.<br />

Je voudrais adresser mes très chaleureux remerciements à Monsieur Bruno <strong>La</strong>utier pour avoir<br />

accepté d’examiner et de rapporter cette thèse, et à Madame Véronique Hertrich pour accepter<br />

de lire mon manuscrit et de faire partie de mon jury. Merci pour leur intérêt, leur participation<br />

et leur temps.<br />

Je remercie également Carole Brugeilles et toute l’équipe du CERPOS, pour le soutien que<br />

j’ai toujours eu comme doctorante attachée de ce laboratoire de recherche. Leur aide fut fort<br />

importante à divers moments de ma recherche.<br />

Un grand merci à tous ceux qui ont apporté à mon travail leurs compétences, à différents<br />

moments de mon parcours. De manière particulière à : Helen Del Pozo, <strong>La</strong>uro Mercado,<br />

Blanca M. Aguilar, Miguel Morales, Alexandra Fillon, Céline Clément, Camille Bret,<br />

Bernadette Fieux, Emmanuelle Derouet, Louisa Ersanilli. Merci pour leur aide et leur<br />

disponibilité inestimables.<br />

Un dernier, mais non moins important merci à ma famille, qui m’a toujours beaucoup donnée.<br />

De manière spéciale à mes parents, deux exemples de vie, si chers et si exceptionnels à mes<br />

yeux. A Juan Carlos, pour sa patience, son soutien et tout le bonheur qu’il m’apporte. A Gael<br />

pour toutes les joies et les réconforts qu’il me procure chaque jour.<br />

Cette recherche a été possible grâce au financement du CONACyT et la SFERE.<br />

Enfin, je tiens à saluer tous les amis et collègues non nommés qui, de près ou de loin, ont<br />

contribué à la concrétisation de ce travail de recherche.


TABLE DE MATIÈRES<br />

INTRODUCTION.................................................................................................................... 13<br />

PARTIE I.................................................................................................................................. 19<br />

Les enfants travailleurs au Mexique : leur réalité et leurs discours ......................................... 19<br />

CHAPITRE I..................................................................................................................................... 21<br />

Les enfants travailleurs comme sujets de recherche ......................................................................... 21<br />

I.1. L’état des connaissances sur le travail des enfants................................................................. 23<br />

I.1.1. Le travail des enfants comme objet d’études en sciences sociales.................................. 23<br />

I.1.2. Qu’est-ce le travail des enfants ? .................................................................................... 26<br />

I.1.3. Les approches du travail des enfants............................................................................... 32<br />

I.2. Le travail des enfants comme pratique : problématique et hypothèses. ................................. 35<br />

I.3. Notre cadre théorique de référence......................................................................................... 39<br />

I.3.1. Les enfants travailleurs comme protagonistes. ............................................................... 39<br />

I.3.2. Le travail des enfants comme une stratégie familiale de vie........................................... 41<br />

I.3.3. <strong>La</strong> théorie des représentations sociales consacrée au sujet du travail des enfants. ......... 47<br />

Conclusions .................................................................................................................................. 57<br />

CHAPITRE II ................................................................................................................................... 59<br />

Les enfants travailleurs sous deux approches : méthodologie et sources de données....................... 59<br />

II.1. Les enfants travailleurs : notre cadre conceptuel de référence.............................................. 59<br />

II.1.1. Notre population objet d’études..................................................................................... 60<br />

II.1.2. Le travail des enfants : nos points de repère.................................................................. 70<br />

II.1.3. Sur les notions de famille et ménage. ............................................................................ 75<br />

II.2. Les approches qualitative et quantitative : une quête de complémentarité entre deux points<br />

de vue............................................................................................................................................ 77<br />

II.2.1. L’analyse qualitative...................................................................................................... 78<br />

II.2.1.1. Déroulement du travail de terrain a Mexico........................................................... 83<br />

II.2.1.2. Les limites du travail de terrain.............................................................................. 96<br />

II.2.2. L’analyse quantitative.................................................................................................... 99<br />

II.2.2.1. Les bases de données pour l’analyse quantitative. ............................................... 101<br />

Conclusions ................................................................................................................................ 108<br />

CHAPITRE III ................................................................................................................................ 111<br />

Le Mexique : une mise en contexte................................................................................................. 111<br />

III.1. Le Mexique : le contexte national...................................................................................... 114<br />

III.1.1. <strong>La</strong> population.............................................................................................................. 115<br />

5


6<br />

III.1.2. Les conditions de vie : une image inégale d’opportunités.......................................... 120<br />

III.1.3. Le système éducatif : en franche croissance, mais encore insuffisant........................ 123<br />

III.1.4. Le marché du travail : un portrait de flexibilisation, précarité et hétérogénéité......... 127<br />

III.2. Le monde des familles mexicaines. ................................................................................... 133<br />

III.3. Le quartier de Pueblo Quieto : un contexte particulier...................................................... 137<br />

III.3.1. <strong>La</strong> brève histoire du quartier. ..................................................................................... 137<br />

III.3.2. <strong>La</strong> situation socioéconomique. ................................................................................... 139<br />

III.3.3. <strong>La</strong> situation sociodémographique............................................................................... 145<br />

Conclusions ................................................................................................................................ 148<br />

CHAPITRE IV................................................................................................................................ 151<br />

A propos des représentations sociales : les enfants prennent la parole........................................... 151<br />

IV.1. L’enfance : l’étape qui correspond à l’école primaria. ..................................................... 152<br />

IV.2. <strong>La</strong> scolarité : la condition pour être quelqu’un.................................................................. 158<br />

IV.3. Le travail : des regards tendancieux. ................................................................................. 165<br />

IV.3.1. Le discours des enfants sur le travail des enfants....................................................... 170<br />

IV.3.2. Le travail des enfants extradomestique familial......................................................... 179<br />

IV.3.3. Le travail extradomestique des enfants dans les rues................................................. 182<br />

IV.3.4. Le travail ménager...................................................................................................... 186<br />

Conclusions ................................................................................................................................ 195<br />

PARTIE II .............................................................................................................................. 201<br />

<strong>La</strong> place du travail dans la vie quotidienne des enfants ......................................................... 201<br />

CHAPITRE V ................................................................................................................................. 203<br />

Activités des enfants mexicains dans les grandes villes ................................................................. 203<br />

V.1. <strong>La</strong> scolarisation de la population urbaine de 6 à 17 ans...................................................... 204<br />

V.2. Les tâches domestiques....................................................................................................... 209<br />

V.3. Le travail extradomestique.................................................................................................. 210<br />

V.4. <strong>La</strong> combinaison des activités. ............................................................................................. 211<br />

Conclusion.................................................................................................................................. 214<br />

CHAPITRE VI................................................................................................................................ 217<br />

Les enfants travailleurs domestiques familiaux .............................................................................. 217<br />

VI.1. Les tâches domestiques : de l’apprentissage au travail. .................................................... 217<br />

VI.1.1. Le rôle de la famille sur la participation des enfants aux tâches domestiques. .......... 218<br />

VI.2. Les travailleurs domestiques familiaux. ............................................................................ 230<br />

VI.3. Les enfants face au travail domestique familial : une question de genre et de génération.233<br />

VI.4. Le travail domestique familial : une question de composition et d’organisation familiales.<br />

.................................................................................................................................................... 235<br />

VI.4.1. Le travail domestique, une affaire de femmes et d’enfants........................................ 238


VI.4.2. Des enfants qui remplissent l’absence de femmes. .................................................... 243<br />

VI.4.3. Garçons et filles : différents face a la précarité familiale........................................... 247<br />

Conclusions ................................................................................................................................ 248<br />

CHAPITRE VII............................................................................................................................... 253<br />

Les enfants travailleurs extradomestiques ...................................................................................... 253<br />

VII.1. Qui sont ces enfants travailleurs extradomestiques ?....................................................... 256<br />

VII.2. Le processus d’entrée précoce au marché du travail........................................................ 259<br />

VII.2.1. Les raisons de l'entrée précoce sur le marché du travail : entre contrainte et choix. 260<br />

VII.2.2. Les liens sexués d’embauche.................................................................................... 278<br />

VII.3. Le travail extradomestique non familial et familial : deux mondes différents................. 280<br />

VII.3.1. Le monde du travail des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux. ....... 281<br />

VII.3.2. Le monde du travail des enfants travailleurs extradomestiques familiaux. .............. 297<br />

Conclusions ................................................................................................................................ 309<br />

CHAPITRE VIII ............................................................................................................................. 313<br />

Le rôle du milieu familial sur le travail extradomestique des enfants............................................. 313<br />

VIII.1. Caractéristiques familiales et travail extradomestique des enfants : en quête<br />

d’explications.............................................................................................................................. 313<br />

VIII.2. Les incidences de l’environnement familial sur le travail extradomestique................... 329<br />

VIII.2.1. Les enfants vis-à-vis du travail extradomestique : une participation sexuée et<br />

générationnelle, soumise à l’entourage. ................................................................................. 332<br />

VIII.2.2. Des enfants qui remplacent un conjoint absent. ...................................................... 339<br />

VIII.2.3. <strong>La</strong> scolarité et l’activité du conjoint du chef de ménage : un rôle important, mais<br />

secondaire............................................................................................................................... 342<br />

VIII.2.4. Le travail extradomestique : soit une question de précarité familiale, soit une<br />

question d’offre de travail. ..................................................................................................... 347<br />

VIII.3. L’offre de travail disponible grâce à l’emploi des parents.............................................. 350<br />

Conclusions ................................................................................................................................ 356<br />

CHAPITRE IX................................................................................................................................ 359<br />

Les conséquences du travail : les vicissitudes d’une expérience précoce....................................... 359<br />

IX.1. Le vécu quotidien des enfants travailleurs. ....................................................................... 360<br />

IX.1.1. Les travailleurs domestiques familiaux : une vie en double. ..................................... 360<br />

IX.1.2. Les problèmes engendrés par le travail extradomestique : entre mythes et réalité. ... 367<br />

IX.2. Scolarisation et travail : entre dépendance et partialité. .................................................... 373<br />

IX.2.1. <strong>La</strong> déscolarisation : une question de temps................................................................ 377<br />

Conclusions ................................................................................................................................ 386<br />

CONCLUSION GÉNÉRALE ................................................................................................ 389<br />

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 405<br />

7


ANNEXES ............................................................................................................................. 425<br />

8<br />

ANNEXE I. Information Générale ................................................................................................. 427<br />

I.1. Extraits de la Loi fédérale du travail .................................................................................... 427<br />

I.2. Groupes d’activité professionnelle....................................................................................... 428<br />

ANNEXE II. Les instruments de travail ......................................................................................... 429<br />

II.1. Travail de terrain................................................................................................................. 430<br />

II.2. Les questionnaires de l’ENOE et du MTI 2007.................................................................. 434<br />

ANNEXE III. Présentation des interviewés.................................................................................... 455


LISTE DE FIGURES<br />

Tableaux<br />

Tableau 1. Participation des enfants par domaines institutionnels selon l’âge...................................... 65<br />

Tableau 2. Répartition (%) de la population urbaine de 6 à 17 ans....................................................... 66<br />

par groupes d’âges et sexe, 2007........................................................................................................... 66<br />

Tableau 3. Répartition de la population d’étude (%, N, n) 1 , ................................................................. 69<br />

par groupes d’âges et sexe, 2007........................................................................................................... 69<br />

Tableau 4. Classification des EAJ travailleurs selon le type de travail................................................. 73<br />

Tableau 5. Répartition (%) des enfants travailleurs de 6 à 14 ans....................................................... 112<br />

selon le type de travail, 1995-2002...................................................................................................... 112<br />

Tableau 6. Nombre de localités et population par taille de la localité,................................................ 119<br />

selon le classement de l’INEGI........................................................................................................... 119<br />

Tableau 7. L’Indice de Développement Humain 2007 pour des pays sélectionnés ............................ 122<br />

Tableau 8. L’organisation du système scolaire mexicain.................................................................... 123<br />

Tableau 9. Le classement des ménages selon l’INEGI ....................................................................... 136<br />

Tableau 10. Caractéristiques des enfants interviewés individuellement ............................................. 152<br />

Tableau 11. Répartition (%) de la population urbaine de 6 à 17 ans................................................... 207<br />

qui ne fréquente pas l’école, selon les raisons de déscolarisation....................................................... 207<br />

Tableau 12. Répartition (%) des enfants selon le type d’activité qu’ils réalisent au moins une heure par<br />

semaine, selon les groupes d’âges et le sexe ....................................................................................... 212<br />

Tableau 13. Répartition (%) des EAJ et nombre moyen d'heures dédié ............................................. 220<br />

aux tâches domestiques selon la composition du ménage par âges..................................................... 220<br />

Tableau 14. Répartition (%) des EAJ et nombre moyen d'heures dédié aux tâches domestiques selon la<br />

composition du ménage par sexe des adultes...................................................................................... 220<br />

Tableau 15. Répartition (%) des EAJ selon la composition et la participation au travail ................... 222<br />

économique du couple parental, et nombre moyen d'heures dédié aux tâches ménagères.................. 222<br />

Tableau 16. Répartition (%) des EAJ selon les activités du couple familial....................................... 224<br />

et nombre moyen d'heures dédié aux tâches ménagères ..................................................................... 224<br />

Tableau 17. Répartition (%) des EAJ selon la condition du couple familial....................................... 225<br />

et nombre moyen d'heures dédié aux tâches ménagères ..................................................................... 225<br />

Tableau 18. Répartition (%) des EAJ et nombre moyen d'heures dédié aux tâches............................ 229<br />

ménagères selon le groupe d’activité professionnelle du chef de ménage .......................................... 229<br />

Tableau 19. Dédier plus de 7 heures ou 15 heures et plus par semaine aux tâches domestiques........ 234<br />

Rapport de risque et probabilité ajustée d’une régression logistique .................................................. 234<br />

9


Tableau 20. Dédier plus de 7 heures ou 15 heures et plus aux tâches domestiques par semaine........ 237<br />

Rapport de risque et probabilité ajustée d’une régression logistique binomiale par sexe ................... 237<br />

Tableau 21. Répartition (%) des chefs par sexe, ................................................................................. 247<br />

selon le nombre d'heures moyen dédié au travail domestique............................................................. 247<br />

Tableau 22. Age moyen au premier travail des EAJ de 6 à 17 ans ..................................................... 259<br />

par groupes d’âges et sexe, selon le type de travail............................................................................. 259<br />

Tableau 23. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux ...................... 260<br />

et familiaux, selon la raison principale pour travailler ........................................................................ 260<br />

Tableau 24. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux, ..................... 286<br />

selon la taille de l’entreprise par groupes d’âges et sexe..................................................................... 286<br />

Tableau 25. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux, ..................... 287<br />

selon le type d’entreprise..................................................................................................................... 287<br />

Tableau 26. Répartition (%) des EAJ et pourcentage de travailleurs extradomestiques ..................... 314<br />

familiaux et non familiaux, selon la composition par groupes d’âges du ménage.............................. 314<br />

Tableau 27. Répartition (%) des EAJ et pourcentage de travailleurs extradomestiques ..................... 317<br />

familiaux et non familiaux, selon la composition du ménage par sexe et âges................................... 317<br />

Tableau 28. Répartition (%) des EAJ et pourcentage de travailleurs extradomestiques non familiaux et<br />

familiaux, selon la composition et la participation extradomestique du couple parental.................... 319<br />

Tableau 29. Répartition (%) des EAJ et pourcentage des travailleurs extradomestiques.................... 321<br />

familiaux et non familiaux, selon les activités du couple familial ...................................................... 321<br />

Tableau 30. Répartition (%) des EAJ et pourcentage des travailleurs extradomestiques.................... 324<br />

non familiaux et familiaux selon la scolarité du couple parental ........................................................ 324<br />

Tableau 31. Répartition (%) des EAJ et pourcentage d’enfants travailleurs non familiaux et familiaux<br />

selon le groupe d’activité professionnelle du chef de ménage et du conjoint du chef ........................ 328<br />

Tableau 32. Etre travailleur extradomestique non familial ou familial par rapport à ne pas l’être.<br />

Rapport de risque et probabilité ajustée d’une régression logistique binomiale par sexe ................... 331<br />

Tableau 33. Pourcentage d’enfants travailleurs, selon le groupe d’activité combinée........................ 351<br />

du chef de ménage et du conjoint du chef ........................................................................................... 351<br />

Tableau 34. Pourcentage d’enfants travailleurs, selon la situation dans l’activité .............................. 354<br />

combinée du chef de ménage et du conjoint du chef........................................................................... 354<br />

Tableau 35. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques selon les conséquences........ 372<br />

d’un éventuel arrêt de travail, par type de travail et par sexe.............................................................. 372<br />

Tableau 36. Répartition (%) de la population urbaine de 6 à 17 ans qui ne fréquente pas l’école,..... 382<br />

selon les raisons de déscolarisation par type de travail, pour les deux sexes ...................................... 382<br />

Tableau 37. L’ordre d’importance des variables sélectionnées dans le modèle.................................. 399<br />

Travail domestique familial selon le temps de travail et le sexe d’Ego .............................................. 399<br />

Travail extradomestique selon le lien de parenté et le sexe d’Ego...................................................... 399<br />

10


Graphiques<br />

Graphique 1. Taux de travail économique et taux de travail domestique ........................................... 112<br />

des enfants de 6 à 14 ans par sexe, 1995-2002.................................................................................... 112<br />

Graphique 2. Evolution des pourcentages d’élèves inscrits en école publique, .................................. 125<br />

selon le cycle scolaire, 1990-2007....................................................................................................... 125<br />

Graphique 3. Proportion (%) de personnes qui fréquentent l’école .................................................... 126<br />

par groupes d’âges, selon le sexe, 1970 et 2000.................................................................................. 126<br />

Graphique 4. Taux de chômage (TDA) et taux de .............................................................................. 129<br />

conditions critiques d’emploi (TCCO) par sexe, 1991-2009 .............................................................. 129<br />

Graphique 5. Pourcentage d’EAJ scolarisés et nombre moyen d'heures par semaine......................... 206<br />

dédié aux études, par âges et sexe ....................................................................................................... 206<br />

Graphique 6. Pourcentage d'EAJ qui réalise des tâches domestiques et ............................................. 209<br />

nombre moyen d’heures par semaine dédié à ces activités, par âges et sexe ...................................... 209<br />

Graphique 7. Pourcentage d’EAJ qui réalise un travail extradomestique ........................................... 210<br />

et heures moyennes par semaine dédiées au travail extradomestique, par âge et sexe........................ 210<br />

Graphique 8. Heures moyennes que les EAJ consacrent aux tâches domestiques,............................. 227<br />

selon la scolarité du chef et la différence de scolarité dans le couple parental ................................... 227<br />

Graphique 9. Répartition (%) des enfants travailleurs domestiques familiaux ................................... 231<br />

par âge et sexe, pour les deux critères de temps de travail.................................................................. 231<br />

Graphique 10. Répartition (%) des EAJ par groupes d’âges et sexe,.................................................. 233<br />

selon le nombre d’heures hebdomadaires dédiées au travail domestique ........................................... 233<br />

Graphique 11. Répartition (%) des EAJ travailleurs extradomestiques .............................................. 254<br />

selon le lien de parenté avec l’employeur par groupes d’âges et sexe, 2007 ...................................... 254<br />

Graphique 12. Structure par âges et sexe des enfants travailleurs extradomestiques.......................... 257<br />

selon le lien de parenté avec l’employeur ........................................................................................... 257<br />

Graphique 13. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux .................. 282<br />

par branches d’activité économique, selon le sexe et les trois groupes d’âges ................................... 282<br />

Graphique 14. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux .................. 284<br />

par activité principale, selon le sexe et les trois groupes d’âges ......................................................... 284<br />

Graphique 15. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux .................. 289<br />

par type d’établissement de travail, selon les groupes d’âges et le sexe ............................................. 289<br />

Graphique 16. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux .................. 291<br />

par nombre de jours travaillés par semaine, selon les groupes d’âges et le sexe ................................ 291<br />

Graphique 17. Quartiles de revenus des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux, ......... 294<br />

par revenu par heure, selon les groupes d’âges et le sexe ................................................................... 294<br />

11


Graphique 18. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques familiaux ......................... 298<br />

selon les branches d’activité économique par sexe et groupes d’âges ................................................ 298<br />

Graphique 19. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques familiaux ......................... 299<br />

selon l’activité principale par sexe et groupes d’âges ......................................................................... 299<br />

Graphique 20. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques familiaux ......................... 302<br />

par lieu de travail, selon le sexe et les groupes d’âges ........................................................................ 302<br />

Graphique 21. Quartiles de revenus des enfants travailleurs extradomestiques familiaux ................. 307<br />

par revenu par heure, selon les groupes d’âges et le sexe ................................................................... 307<br />

Graphique 22. Pourcentages d’enfants travailleurs extradomestiques non familiaux......................... 326<br />

et familiaux selon la scolarité combinée du couple parental............................................................... 326<br />

Graphique 23. Proportion (%) des EAJ déscolarisées par sexe et âges, selon le type de travail......... 379<br />

Graphique 24. Proportion (%) des EAJ déscolarisés par sexe, selon le type et le temps de travail .... 384<br />

12<br />

Figures<br />

Figure 1. Carte : Localisation du quartier de Pueblo Quieto................................................................. 81<br />

Figure 2. Carte : Le Mexique et ses principales villes......................................................................... 118<br />

Figure 3. Plan: Quartier de Pueblo Quieto à Mexico .......................................................................... 139<br />

Figure 4. Photos : Le quartier de Pueblo Quieto ................................................................................. 140<br />

Figure 5. Photos : Le commerce informel dans les rues de Pueblo Quieto......................................... 142<br />

Figure 6. Photos : Les camions-bennes partout dans le quartier de Pueblo Quieto............................. 143


INTRODUCTION<br />

Dans les pays en développement, avant tout mais aussi dans certains pays développés, les<br />

enfants travailleurs font partie du paysage quotidien, en ville, comme à la campagne. Au<br />

Mexique, il n’est pas rare de croiser tous les jours l’un de ces enfants travailleurs, que l’on<br />

estime à peu près à 3,6 millions. Des travailleurs qui ont du mal à se positionner dans un<br />

monde construit principalement par et pour les adultes, en suivant les préceptes de l’idée<br />

moderne de l’enfance, qui dominent la scène internationale, et qui soutiennent que la place<br />

des enfants se réduit aux domaines sociaux de l’école et de la famille. Le travail étant assimilé<br />

à son rôle économique, et les enfants travailleurs considérés globalement comme des<br />

individus hors norme ne représentant, en général, que des individus stigmatisés et montrés du<br />

doigt.<br />

Il n’est pas alors étonnant que le sujet ait été abordé souvent de manière partiale, dans tous les<br />

domaines, en privilégiant une approche sur les inconvénients, en traitant les enfants<br />

travailleurs comme un groupe de victimes d’un système injuste ou d’une famille en difficulté,<br />

par exemple, et en proposant, par conséquent, divers moyens pour éradiquer le problème. Une<br />

logique qui part d’une vision adulte, qui prétend suivre le modèle idéal de l’enfance moderne,<br />

qui pourtant s’avère souvent hors de contexte. Nous avons du mal à partager dans sa globalité<br />

une telle logique, par principe idéologique, à cause de notre expérience personnelle — en tant<br />

que travailleur précoce et en tant que témoin d’autres cas proches — et de notre parcours<br />

intellectuel, car nous avons croisé au bon moment — personnellement ou à travers leurs<br />

publications — des personnes qui nous ont permis de découvrir une manière alternative<br />

d’aborder cette réalité, grâce à leur regard particulier sur le sujet. Dans ce sens, au début de<br />

notre recherche, notre rencontre en Allemagne avec M. Liebel, docteur en sociologie et<br />

chercheur de la Freie Universität Berlin, a été très révélatrice. Il a, pendant des années, été<br />

l’un des principaux précurseurs d’un mouvement international pour revendiquer la place des<br />

enfants, notamment des enfants travailleurs, dans la société. Ses efforts en matière scientifique<br />

et sur le terrain de l’action, appuyé par d'autres partisans, ont finalement réussi à attirer<br />

l’attention de divers acteurs (chercheurs, dirigeants, associations, etc.) partout dans le monde.<br />

Il soutient principalement la nécessité d’approcher les enfants lorsque l’on aborde des sujets<br />

qui les concernent, en soulignant qu’ils ont leur mot à dire sur leur propre vie, et que leur vécu<br />

et leur vision sont importants. Ce qui implique de privilégier leur tout nouveau statut de sujets<br />

13


de droits, de personnes, d’acteurs, par-dessus celui de « mineurs », de victimes ou d’objets<br />

passifs des influences externes. Une approche connue comme child centred approach dans le<br />

monde anglo-saxon, par laquelle loin d’envisager l’éradication du travail des enfants — un<br />

objectif utopique à leurs yeux — l’on cherche, avant tout, à garantir à tous les enfants les<br />

meilleures conditions pour leur développement, même en ce qui concerne leur travail (Liebel,<br />

2003).<br />

Cette approche nous a paru pertinente, réaliste et intéressante pour le sujet, au moins dans le<br />

cas du Mexique, dont les conditions structurelles, familiales et individuelles, dans tous les<br />

domaines (économique, social, culturel, idéologique et politique) semblaient peu favorables<br />

pour finir avec une telle pratique. Et un contexte où le travail des enfants relève d’une grande<br />

hétérogénéité : les enfants réalisent des activités multiples, dans des conditions très<br />

contrastées (INEGI, 2004). Or, nous avons voulu nous concentrer sur le contexte urbain, qui<br />

est en expansion, afin de mieux traiter le sujet, étant donné que le travail des enfants dans le<br />

milieu rural représente une autre réalité, digne aussi d’une analyse particulière (Cos-Montiel,<br />

2000 ; Vargas Evaristo, 2006).<br />

C’est à partir de ce positionnement que nous avons choisi d’entamer une recherche sur la<br />

place du travail dans la vie des enfants, en abordant des aspects divers : causes, conditions de<br />

travail, conséquences ; mais aussi en faisant une analyse des déterminants proches. Certes, ces<br />

aspects ont déjà été abordés dans d’autres études (Levison, Moe et Knaul, 2001 ; Mier y<br />

Terán et Rabell, 2001a et 2004 ; Estrada Quiroz, 2005), mais pour la toute première fois au<br />

Mexique, nous proposons de les analyser avec une enquête spécialisée sur le sujet, et en<br />

tenant compte d’un classement des enfants travailleurs selon leur lien de parenté avec leur<br />

employeur (en plus de la division par types d’activité : extradomestique et domestique). Une<br />

division que nous croyons tout à fait nécessaire, pertinente et originale, à la lumière des études<br />

qui commençaient à poser des questions sur le bien-être des enfants au sein du ménage dans<br />

d’autres pays en développement (<strong>La</strong>nge, 1996 ; Ngueyap, 1996 ; Nieuwenhuys, 1996 ;<br />

Bhukuth, 2009), mais surtout, étant donné l’importance de la famille dans la vie des enfants.<br />

Dans ce sens, il nous semblait aussi d’intérêt de traiter l’environnement familial en<br />

considérant les caractéristiques du couple parental (ensemble et séparément), et non<br />

seulement à travers les caractéristiques du chef de ménage, en reconnaissant ainsi<br />

l’importance du conjoint du chef (fréquemment la mère d’Ego) dans le façonnement de la vie<br />

familiale et de chacun de ses membres. Une approche qui semble maintenant évidente pour<br />

14


l’étude de la relation entre la famille et la vie des enfants (Bertaux-Wiame et Muxel, 1996 ;<br />

Clément, 2009), et pourtant peu utilisée dans les études sur le travail des enfants au Mexique.<br />

Tout au début, notre projet était centré sur une analyse nettement quantitative. Mais au cours<br />

de notre recherche, trois événements se sont conjugués pour élargir notre étude vers une<br />

approche qualitative qui compléterait nos objectifs initiaux, à travers les informations sur le<br />

vécu des protagonistes eux-mêmes, et qui permettrait aussi l’incorporation d’une analyse dans<br />

un domaine que nous n’avions pas envisagé préalablement : les représentations sociales.<br />

D’abord, notre conviction croissante sur l’importance d’approcher les enfants travailleurs afin<br />

de mieux étudier le sujet ; ensuite, l’occasion d’avoir trouvé, au milieu du chemin, des<br />

personnes qui se sont intéressées à notre recherche, et qui nous ont alors offert leur appui<br />

technique et matériel pour réaliser le travail de terrain à Mexico ; enfin, l’obtention de<br />

ressources financières pour le faire.<br />

Nous nous sommes alors trouvés, à mi-chemin, face à la possibilité d’analyser la place du<br />

travail dans la vie des enfants dans deux sphères : pragmatique et idéologique ; et de toucher<br />

des sujets relatifs aux processus et aux liens qui jouent dans l’entrée précoce au travail et dans<br />

la permanence dans celui-ci, des thèmes impossibles à aborder à travers notre source de<br />

données quantitative. Ce qui a été une occasion d’approcher plus largement notre<br />

problématique. Et c'est seulement grâce à la combinaison de ces deux sources de nature<br />

différente que nous avons pu toucher « tous » les aspects qui constituent la problématique du<br />

travail des enfants. Or, nous combinons les données quantitatives (enquête officielle) qui<br />

permettent d’avoir des résultats solides, car elles sont représentatives de la population urbaine<br />

du Mexique, en termes statistiques, avec les données qualitatives (entretiens auprès des<br />

enfants d’un quartier populaire à Mexico) qui servent à illustrer une partie très particulière de<br />

la réalité et qui offrent des pistes pour les explications, mais dont les résultats ne peuvent pas<br />

être généralisés, car ils n'ont pas une représentativité statistique, ni nationale. C’est pourquoi,<br />

lorsque nous utilisons ensemble les deux sources, nous encadrons l’information qui provient<br />

directement des entretiens auprès des enfants, en soulignant ainsi qu’il s’agit de données de<br />

nature et de portée différentes de celles issues de l’enquête officielle. Cette remarque prétend<br />

aussi souligner que les récits servent seulement à illustrer, éclairer ou à enrichir une idée ou<br />

un résultat précis, dont nous ne pouvons pas faire une généralisation, mais dont le contenu<br />

complète ce que nous avons pu trouver sur la base des données quantitatives. Un critère que<br />

15


nous n’utilisons pas lorsque nous parlons des représentations sociales, parce que dans ce cas,<br />

nous nous servons uniquement des entretiens auprès des enfants.<br />

Notre étude est donc une tentative pour aborder le sujet de manière intégrale, en combinant<br />

des données complémentaires, où le vécu des enfants travailleurs eux-mêmes permet de<br />

rendre un autre aperçu d’une pratique qui semble hors du temps, mais, dans la réalité, a du<br />

sens et de la valeur dans la vie de ceux qui la réalisent et de ceux qui la côtoient. Nous<br />

contrastons ainsi notre recherche avec la plupart des études mexicaines, dans les domaines<br />

sociodémographique et économique, qui abordent le sujet en privilégiant l’idée selon laquelle<br />

la mise au travail précoce représente une stratégie de « survie » des familles à faibles revenus,<br />

pour faire face aux problèmes économiques au niveau du ménage et au niveau structurel.<br />

Trois idées ont spécialement marqué notre intérêt pour approfondir le travail des enfants.<br />

D’une part, l'intérêt d’approcher le sujet à partir d’une perspective qui place les enfants au<br />

cœur de l’analyse, au-delà des jugements, leur rendre une place centrale en tant qu’acteurs<br />

dynamiques dans leur développement. Une approche qui amènerait à privilégier la<br />

reconnaissance de leur apport dans la construction de leur propre vie, de la vie familiale et de<br />

la société, en leur ôtant le rôle de simples victimes. D’autre part, l’idée très répandue que les<br />

enfants qui travaillent dans leur milieu familial représentent un cas à part de tous les autres<br />

enfants travailleurs, voire qu’ils ne sont simplement pas des travailleurs. Leur particularité<br />

repose principalement sur le fait que la famille, en tant qu’espace privilégié de l’enfance, a été<br />

considérée comme un lieu naturel de protection et de formation pour les enfants. Or, des<br />

évidences appuyées sur des études de cas ont mis en cause le caractère banal et anodin du<br />

travail des enfants en milieu familial, ainsi que de la sécurité que la famille est censée offrir<br />

aux enfants. Des évidences qui prennent de l’ampleur face à une pratique assez fréquente.<br />

Enfin, en relation directe avec ce que nous venons d’évoquer, l’indifférence vis-à-vis des<br />

enfants qui travaillent au sein du ménage, en s’occupant des tâches ménagères et d’autres<br />

membres de la famille, a attiré aussi notre intérêt. Et c’est à partir de ces inquiétudes qu’a<br />

commencé à prendre forme notre recherche, dont la question de départ portait sur la place du<br />

travail dans la vie des enfants ; notre hypothèse centrale étant que les enfants continuent de<br />

travailler actuellement parce que le travail représente un moyen important pour accomplir des<br />

projets ou pour satisfaire des besoins personnels ou familiaux.<br />

16


Présentation du plan<br />

<strong>La</strong> thèse est divisée en deux parties, composées de neuf chapitres. Les deux premiers<br />

chapitres de la première partie sont consacrés aux aspects théoriques et méthodologiques qui<br />

donnent sens à cette étude. Le travail des enfants, étant un sujet plutôt de récent intérêt dans le<br />

monde scientifique, manque d’un développement théorique et méthodologique propre. Dans<br />

le premier chapitre, nous nous pencherons sur trois discussions qui sont à la base de notre<br />

raisonnement théorique : d’abord, le travail des enfants du point de vue de la sociologie de<br />

l’action, soit les enfants travailleurs comme protagonistes de leur propre vie ; ensuite, le<br />

travail des enfants comme une stratégie familiale de vie ; enfin, la théorie des représentations<br />

sociales. Dans le deuxième chapitre, nous étudierons tout ce qui concerne le cadre conceptuel,<br />

la méthodologie et nos sources d’information. En effet, face aux flux qui entourent<br />

l’expression « travail des enfants », nous sommes plus que jamais obligés d’éclaircir, tout<br />

d’abord, notre cadre conceptuel de référence. Ensuite, nous discuterons sur les méthodes<br />

utilisées dans chacune de nos deux approches analytiques : quantitatif et qualitatif. Enfin,<br />

nous traiterons ce qui concerne les sources des données qui fournissent l’information pour les<br />

analyses : d’un côté, pour l’approche quantitative, nous présenterons notre source de données<br />

secondaire, le Module du travail des enfants qui fait partie de l’Enquête Nationale sur<br />

l’Occupation et l’Emploi, ENOE, de 2007 ; de l’autre, pour l’approche qualitative, nous<br />

discuterons sur l’information qui provient de la collecte de notre travail de terrain dans un<br />

quartier populaire de la Ville de Mexico.<br />

Les deux derniers chapitres de la première partie sont consacrés à la mise en contexte. Dans le<br />

troisième chapitre, nous parlerons de la situation générale dans le pays, notamment sur les<br />

conditions structurelles sociodémographiques et socioéconomiques. Mais aussi, nous<br />

aborderons brièvement le contexte au niveau méso, la place et la signification de la famille au<br />

Mexique, ainsi que ses principales caractéristiques. Tout tourne autour de la famille, cette<br />

institution qui a su remplacer l’Etat, dans son rôle de chargé de la protection sociale de la<br />

population : fondamentale dans la vie du pays, ainsi que dans la vie des enfants. Ensuite, nous<br />

décrirons la situation concrète du contexte où vivent les enfants que nous avons rencontrés<br />

lors de notre travail de terrain : le quartier de Pueblo Quieto, un tout petit quartier sensible<br />

enclavé dans la capitale, où le travail des enfants est assez fréquent, et un cas de figure de<br />

l’hétérogénéité de cette pratique. Et pour finir avec les questions du contexte, et pour<br />

commencer avec l’analyse des résultats proprement dite, dans le quatrième chapitre, sous une<br />

17


approche nettement qualitative, nous aborderons le sujet des représentations sociales à propos<br />

des divers thèmes qui entourent la vie des enfants : l’enfance, la scolarité, le travail<br />

extradomestique et domestique. Nous considérons que les pratiques ne peuvent pas être<br />

expliquées sans les représentations, et vice-versa. Nous nous servirons des discussions avec<br />

les enfants, les protagonistes de notre sujet d’étude, pour explorer ce monde des idées.<br />

<strong>La</strong> deuxième partie est consacrée entièrement à l’analyse de la place qu’occupe le travail dans<br />

la vie quotidienne des enfants. Des analyses basées sur une approche quantitative, mais<br />

enrichies, dès que possible, avec l’information issue de l’expérience des enfants que nous<br />

avons eus l’occasion de rencontrer lors de notre travail de terrain. Tout d’abord, dans le<br />

cinquième chapitre, nous discuterons de l’importance, quant à l’intensité et la participation<br />

des enfants dans diverses activités : études, tâches domestiques, travail économique, en<br />

soulignant les différences par genre et par génération. Ensuite, le sixième chapitre sera<br />

consacré aux enfants travailleurs domestiques familiaux. Nous commencerons par identifier<br />

leurs caractéristiques individuelles, pour poursuivre avec l’analyse de la relation entre cette<br />

pratique et le milieu familial. Dans les deux chapitres suivants, nous aborderons le cas des<br />

enfants travailleurs extradomestiques, les distinguant selon s’il y a un lien de parenté avec<br />

l’employeur : familiaux ou non familiaux. Dans le chapitre sept, nous commencerons par<br />

observer les principales caractéristiques individuelles de ces enfants, et nous passerons à<br />

l’analyse du processus d’entrée des enfants dans le monde du travail. Ensuite, nous décrirons<br />

tout ce qui concerne le travail : que font-ils ? où le font-ils ? comment et dans quelles<br />

conditions ? Dans le chapitre huit, nous rentrerons dans l’analyse relationnelle entre le travail<br />

des enfants et le milieu familial, en étudiant ainsi l’importance de certains facteurs familiaux<br />

sur le travail des enfants. Enfin, pour terminer avec cette partie, et avec notre recherche, nous<br />

consacrerons le neuvième et dernier chapitre aux conséquences du travail des enfants, pour<br />

chaque cas : travail domestique familial, travail extradomestique familial et travail<br />

extradomestique non familial. Un aspect qui est au cœur des désaccords à propos du sujet.<br />

Nous aborderons le thème de deux points de vue : premièrement, les conséquences, dans un<br />

sens large, sur la vie quotidienne des enfants ; deuxièmement, le rapport entre le travail et la<br />

scolarité, dans un sens plus relationnel que causal, vu la nature des nos données.<br />

18


PARTIE I<br />

Les enfants travailleurs au Mexique : leur réalité et leurs discours<br />

19


CHAPITRE I<br />

Les enfants travailleurs comme sujets de recherche<br />

Notre intérêt pour le sujet du travail des enfants surgit à partir d'une collaboration dans un<br />

groupe de travail multidisciplinaire (sociologues, démographes, anthropologues) des<br />

chercheurs, des jeunes chercheurs et des étudiants, dans le cadre d’un projet qui portait sur les<br />

conditions de vie des enfants et des jeunes au Mexique. 1 Tout au début, c’était plutôt un<br />

regard partiel et suspicieux sur cette pratique qui nous a motivés à choisir un tel thème. Mais<br />

au fur et à mesure des lectures et des recherches, la complexité du sujet, ainsi que l’étendue<br />

des incertitudes et des préjugés qui l’entourent ont remplacé cette motivation plutôt éthique<br />

par une curiosité scientifique qui depuis n’a pas cessé de s’accroître.<br />

C’est ainsi que nous avons engagé notre première étude : une analyse quantitative sur les<br />

facteurs déterminants du travail des enfants au Mexique, en considérant que le travail des<br />

enfants est le résultat d’une stratégie familiale de survie. Nous avons fait des analyses pour<br />

deux types de travailleurs : domestiques et extradomestiques, et selon le sexe, deux groupes<br />

d’âges (de 12 à 14 ans et de 15 à 17 ans) et le milieu de résidence (rural/urbain). A l’aide des<br />

données du recensement de la population 2000, 2 nous avons étudié les facteurs familiaux<br />

(type de ménage et sexe du chef ; nombre de jeunes enfants ; années de scolarité du chef ;<br />

l’activité du chef ; condition du logement) et contextuels (type du marché du travail local),<br />

associés à l’offre et à la demande, du travail des enfants.<br />

Nos résultats ont montré des différences qualitatives et quantitatives par âge, sexe et type de<br />

localité, ainsi que la pertinence d’analyser séparément les deux types de travail : domestique<br />

et extradomestique, car il existe un lien différencié entre les divers facteurs et le type de<br />

travail. Tout d’abord, comme attendu, le travail parmi les 15 à 17 ans est plus fréquent que<br />

celui des 12 à 14 ans, et ils ont des caractéristiques différentes : les 12 à 14 ans étant plus<br />

concentrés dans les activités domestiques que les 15 à 17 ans par exemple. En plus, il existe<br />

1 Un projet coordonné par Marta Mier y Terán et Cecilia Rabell, démographes chercheuses de l’Instituto de<br />

Investigaciones Sociales de l’Universidad Nacional Autónoma de México, IISUNAM, et de la Facultad<br />

<strong>La</strong>tinoamericana de Ciencias Sociales, FLACSO-México. Les études réalisées par les participants de ce groupe<br />

de travail sont publiées dans l’ouvrage : Mier y Terán Marta, Rabell Cecilia (coords.) (2005). Jóvenes y niños:<br />

Un enfoque sociodemográfico. México : FLACSO-México, IISUNAM. 373 p.<br />

2 Faute d’une source de données plus appropriée pour notre objectif de recherche, à ce moment-là.<br />

21


une distribution traditionnelle par sexe, où les filles réalisent plutôt des activités domestiques,<br />

tandis que les garçons réalisent plutôt du travail extradomestique, une différenciation plus<br />

notable dans les localités rurales et chez les 12 à 14 ans. En effet, si l’on considère que les<br />

tâches domestiques réalisées comme activité principale sont un type de travail chez les<br />

enfants, la participation de filles et de garçons est semblable, tandis que si l’on reste<br />

seulement avec le travail extradomestique, les garçons semblent travailler davantage que les<br />

filles. Enfin, le travail des enfants est beaucoup plus fréquent dans le milieu rural que dans<br />

l’urbain, mais au-delà de l’intensité, à la lumière des résultats, les enfants travailleurs dans le<br />

milieu rural et urbain représentaient deux univers différents, dignes d’être traités séparément<br />

(Estrada Quiroz, 2005).<br />

Cette étude quantitative a permis de confirmer la complexité du sujet, et l’hétérogénéité de cas<br />

qui existent, et qui méritent d’être regardés de plus près. Parce que même si le classement en<br />

domestique ou extradomestique a été déjà efficace, l’on peut aller encore plus loin. Bien<br />

évidemment, en gardant les divisions des enfants selon les critères démographiques de l’âge et<br />

du sexe. Et aussi, il s’est avéré nécessaire de chercher d’autres sources de données<br />

quantitatives et qualitatives ; d’une part, pour avoir des informations sur les enfants âgés de<br />

moins de 12 ans ; et d’autre part, pour mieux connaître ces enfants travailleurs, car les<br />

données quantitatives sont toujours limitées.<br />

Les résultats et les inquiétudes surgies de cette étude ont favorisé notre intérêt par le sujet. A<br />

ce moment-là, déjà en France, un travail d’état des connaissances s’est imposé avant de<br />

s’engager dans une recherche plus importante. C’est pourquoi nous avons consacré notre<br />

mémoire du DEA à faire le point sur le sujet (Estrada, 2004). Nous avons discuté brièvement<br />

sur les diverses approches au sujet, sur l’histoire et l’actualité du travail des enfants dans le<br />

monde, et concrètement au Mexique. Ainsi, survoler l’état des connaissances sur le sujet, ainsi<br />

que relativiser la situation des enfants travailleurs mexicains, par rapport aux enfants d’autres<br />

pays et régions, a été fondamental pour l’élaboration de notre projet de thèse. <strong>La</strong> présente<br />

recherche s’inscrit alors dans la continuité de ces travaux.<br />

Avant de présenter notre problématique, nous tenons à faire un état des connaissances qui<br />

permettrait de donner sens à notre projet de recherche final.<br />

22


I.1. L’état des connaissances sur le travail des enfants.<br />

L’entrée du XXIe siècle représente un tournant dans l’étude du travail des enfants dans divers<br />

sens. A l’origine, le sujet est passé de simple problème social à problème de sciences sociales.<br />

Un virage fort important qui a eu pour effet une meilleure connaissance de cette pratique et de<br />

ses acteurs.<br />

I.1.1. Le travail des enfants comme objet d’études en sciences sociales.<br />

Alors que les enfants travailleurs ont toujours existé dans l’histoire de l’humanité, c’est en<br />

1919, avec la création de l’Organisation Internationale du Travail, OIT, qu’ils apparaissent sur<br />

la scène publique comme un problème social d’envergure internationale. Cependant, celui-ci<br />

reste un peu à l’écart de l’intérêt public et gouvernemental jusqu’à la fin du XXe siècle<br />

(Schlemmer, 2006). A cette époque-là, l’attention des groupes et des personnes intéressés par<br />

le sujet répond plus à une question politique et éthique que scientifique. <strong>La</strong> majorité des<br />

études et des publications spécialisées sur le sujet ont été faites sur recommandation ou avec<br />

le soutien de l’OIT. Tout au début, les études semblaient être plus un moyen de dénonciation<br />

qu’une quête de connaissances ou d’approfondissement sur le sujet (Cain, 1977 ; Schildkrout,<br />

1981 ; Bequele et Boyden, 1990 ; OIT, 1990). Une manière de justifier la mise en marche des<br />

programmes d’éradication du travail des enfants partout dans le monde, et de la vision<br />

abolitionniste, en se servant comme exemples des cas les plus inacceptables et touchants<br />

(OIT, 1990 ; OIT, 1999 ; OIT, 2002). L’intérêt portait surtout sur le classement des activités<br />

réalisées par les enfants (Tienda, 1979 ; Rodgers et Standing, 1981a ; Grootaert et Kanbur,<br />

1995) et sur la quête des indicateurs et des outils de collecte les plus adaptés pour mieux<br />

mesurer l’ampleur du travail des enfants (Elson, 1982 ; Bossio, 1992 ; Anker, 2000). Mais la<br />

réflexion théorique et la quête d’approfondissement dans la connaissance du sujet étaient<br />

assez réduites. Il faut cependant reconnaître qu’à la veille de l’an 2000, il y a eu, de plus en<br />

plus, des propositions intéressantes qui ont fait avancer la recherche sur un sujet qui a eu du<br />

mal à trouver une place parmi les chercheurs.<br />

En effet, le sujet du travail des enfants est assez nouveau en tant que thème d’étude en<br />

sciences sociales. A la fin des années 90, la production scientifique est encore peu nombreuse.<br />

En l’occurrence, il suffit de mentionner qu’en 1997 une recherche concernant les études sur le<br />

23


travail des enfants dans les pays du Sud au XXe siècle, qui ont été recensées au cours des dix<br />

dernières années 3 dans trois importantes sources <strong>documentaire</strong>s françaises 4 , a donné comme<br />

résultat seulement 34 références. Il s’agit de : cinq ouvrages, un numéro spécial de revue, dix-<br />

neuf articles du monde de la recherche académique, six documents universitaires et trois<br />

documents d’institutions internationales ou d’ONG. Selon Schlemmer (1997), le premier<br />

ouvrage important publié par l’OIT date de 1979, il s’agit de l’étude de Mendelievitch<br />

intitulée Le travail des enfants. En 1981 paraît un autre article important, celui de Rodgers et<br />

Standing, « Le rôle économique des enfants dans les pays à faibles revenus » publié dans la<br />

Revue internationale du travail. Et en 1988, Bequele et Boyden publient le premier ouvrage<br />

posant la question à un niveau théorique adéquat : Combating Child <strong>La</strong>bour.<br />

Le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance, UNICEF, a mis plus de temps à s’intéresser à la<br />

question. Le premier document où il s’exprime sur la question des enfants travailleurs et leurs<br />

conditions de vie date de 1986 : Exploitation of Working and Street Children. Mais avec la<br />

création, en 1988, de l’UNICEF International Child Development Center, appelé aussi<br />

Innocenti Center, les recherches au sein de cette organisation s’intensifient. Ce centre est<br />

devenu depuis un lieu de production d’études sur la question.<br />

Pour que les études et les publications se multiplient, il a fallu attendre l'arrivée de la<br />

Convention Internationale des Droits de l’Enfant, CIDE, organisée par l’UNICEF en 1989<br />

(UNICEF, 1990), et la création du programme IPEC (International programme for<br />

élimination of child labour) de l’OIT en 1992. Une remise en scène des enfants travailleurs<br />

qui a contribué à attirer, pour la première fois, l’attention du monde académique. Ainsi, selon<br />

Schlemmer, le colloque international « L’enfant exploité – mise au travail et prolétarisation »<br />

qui s’est tenu à <strong>Paris</strong> en 1994, constitue le « premier colloque organisé sur le sujet à<br />

l’initiative exclusive de chercheurs et pour des chercheurs, c'est-à-dire à vocation strictement<br />

scientifique, avec pour seul objet la confrontation et l’approfondissement des analyses,<br />

théoriques et concrètes, et non pas un débat sur les politiques à promouvoir. » (1996 : 9).<br />

3 Il s’agit d’articles de 7 pages ou plus (en quête d’articles de recherche et non seulement d’information) et des<br />

publications où le thème central est le travail des enfants.<br />

4 Les trois sources <strong>documentaire</strong>s interrogées sont : FRANCIS du CNRS, HORIZON élaborée par l’ORSTOM et<br />

la base SUD un réseau <strong>documentaire</strong> du ministère de la Coopération.<br />

24


En 2000, une nouvelle initiative de l’OIT, l’UNICEF et la Banque Mondiale propose<br />

d’améliorer les recherches, le recueil et l’analyse de données en matière de travail des enfants,<br />

ainsi que d’augmenter les études locales et nationales, et d’évaluer les interventions (OIT,<br />

2002).<br />

Depuis ces événements, les recherches se sont élargies, et il n’est pas difficile de trouver des<br />

articles scientifiques qui abordent la question du travail des enfants dans différents domaines :<br />

ethnologie, anthropologie, sociologie, démographie et économie, notamment. Mais ces études<br />

restent encore marginales par rapport à d’autres sujets sur l’enfance en sciences sociales. En<br />

plus, il existe encore une tendance à aborder le sujet comme un facteur de risque d’autres<br />

problèmes, notamment : la déscolarisation et la reproduction de la pauvreté, plus que comme<br />

un sujet à part entière.<br />

Les spécialistes reconnaissent la nécessité d’une réflexion théorique spécifique pour ne pas<br />

continuer à traiter le sujet à travers des théories dérivées de travaux généraux menés sur la<br />

population adulte (Schlemmer, 1996). Jusqu’à aujourd'hui, cette demande a eu juste quelques<br />

réponses dans les divers domaines d’étude (Nieuwenhuys, 2006 ; Hobbs et McKechnie,<br />

2007 ; Mizen, 2007 ; Morrow, 2007 ; Myers, 2007). D’ailleurs, il manque aussi le<br />

développement d’outils appropriés, car malgré la reconnaissance générale de sa différence par<br />

rapport au travail des « majeurs », le travail des enfants continue d’être souvent approché à<br />

travers des critères, des indicateurs, et des sources élaborés plutôt pour l’analyse de l’emploi<br />

en général (Gendreau, 1996 ; Anker, 2000 ; Levison, 2007 ; Bourdillon, 2009).<br />

Cependant, l’adoption du sujet par les scientistes sociaux n’empêche pas que dans d’autres<br />

domaines (médias, politique et social), le sujet continue à suivre son propre chemin, en<br />

présentant une image des enfants travailleurs qui porte plus sur des critères moraux que sur<br />

des résultats scientifiques. Ainsi, une bonne partie des informations publiées, notamment dans<br />

les médias, a pour objectif de montrer les enfants travailleurs comme un bloc homogène<br />

constitué de « pauvres victimes » ou de « victimes pauvres », en utilisant des arguments qui<br />

appellent plutôt à la compassion qu’à la raison. Une vision qui persiste, car, en l’utilisant, l’on<br />

joue avec le côté moral et émotif des personnes, et ainsi, il devient un sujet plus facile à<br />

vendre (Bonnet, 1996). En effet, le travail des enfants représente un sujet difficile à approcher<br />

sans prendre en compte la grande charge des connotations qui l’entourent. Et sans se laisser<br />

prendre par des jugements moraux et des positions politiques.<br />

25


Dans ce processus d’intégration au monde scientifique, les études, ainsi que les lignes de<br />

recherche, les approches et les perspectives se multiplient partout dans le monde, en<br />

apportant, progressivement, des éléments théoriques, conceptuels et méthodologiques qui<br />

contribuent à avancer dans la connaissance du sujet, en suivant le rythme des résultats<br />

scientifiques qui, de plus en plus, permettent de mieux connaître le phénomène. Mais aussi, en<br />

observant sur place l’évolution qu’a prise le travail des enfants dans les dernières années, face<br />

aux changements socioéconomiques et culturels qui affectent divers aspects de la vie familiale<br />

et individuelle. Car, plus que jamais, les effets pervers de la macroéconomie dépassent les<br />

enfants travailleurs ; aujourd’hui, même les enfants non travailleurs pourraient souffrir des<br />

effets négatifs des transformations économiques, politiques et sociales de la mondialisation<br />

(Hevener et al., 2002). 5 Enfin, en s’approchant des enfants travailleurs et en prenant en<br />

compte leur propre expérience.<br />

Pourtant, il existe encore d’intenses discussions autour de la définition. Car l’un des premiers<br />

aspects à traiter lorsque le sujet est devenu un sujet de recherche a été lié justement à la<br />

nécessité d’établir ce qu’est le travail des enfants (Bonnet, 1996 ; Schlemmer, 2005). Une<br />

discussion qui n’a rien d’anodin, et qui est l’objet de controverses toujours dans l’actualité.<br />

I.1.2. Qu’est-ce le travail des enfants ?<br />

Même si certains ont tenté de donner une définition au moins opératoire, on n’a pas réussi à<br />

élaborer un concept scientifique rigoureusement défini. Il s’agit d’un problème plutôt<br />

épistémologique abordé souvent par les chercheurs et les spécialistes du sujet, et pourtant<br />

encore l’objet d’une vive discussion. Cependant, une idée s’est imposée : le travail des enfants<br />

est une expression consacrée davantage qu’un concept scientifique (Schlemmer, 1997 ; Leroy,<br />

2009). Une expression qui a la particularité de se constituer autour de deux concepts subjectifs<br />

et abstraits : enfant et travail. Des concepts socialement construits, qui présentent des<br />

5 Les éléments les plus importants des changements dans les économies nationales et internationales sont<br />

résumés par les auteurs en sept points : la libéralisation de la libre entreprise ou l’entreprise privée de la<br />

régulation du gouvernement ; la promotion internationale de l’inversion et les échanges commerciaux ; la<br />

réduction des salaires des travailleurs syndicalisés et l’élimination ou la réduction des droits des travailleurs ;<br />

l’élimination du contrôle de prix ; la permission des dépenses publiques sur les services sociaux et d’autres<br />

services publics pour la privatisation ; et la vente d’entreprises de l’Etat, ainsi que les biens et les services aux<br />

investisseurs privés.<br />

26


spécificités historiques, sociales et culturelles (Cussianovich, 2004. Chaque société a sa<br />

perception particulière sur ces deux concepts, lesquels répondent à leur propre histoire et à<br />

leur propre réalité. 6 Alors, même si l’on peut dire que des enfants travailleurs ont toujours<br />

existé dans l’histoire de l’humanité, la perception sur le sujet a suivi des chemins différents<br />

dans le temps et l’espace. 7 Ainsi, le dynamisme qui caractérise les deux concepts qui intègrent<br />

l’expression « travail des enfants » converge vers la subjectivité de l’expression en elle-<br />

même. Cette difficulté pour définir les deux concepts qui la constituent a suscité une grande<br />

controverse autour du sujet du travail des enfants, et elle a été à l’origine du manque de<br />

consensus international à son égard (Barreiro, 2000).<br />

Certes, il est impossible de parler des enfants travailleurs sans faire appel à la notion d’enfant,<br />

mais au-delà des critères opérationnels, ce qui est au centre des discussions est la<br />

conceptualisation du terme « enfance » et, par conséquent, du rôle de l’enfant dans la société.<br />

Des aspects fondamentaux pour donner un sens au travail précoce. Et la conception sur ce<br />

qu’est le travail devient aussi un thème de discussion.<br />

Depuis le début du XXe siècle, dans la scène internationale, l’enfance est de plus en plus<br />

sacralisée, caractérisée par sa non-productivité économique et sa valorisation affective, c’est-<br />

à-dire que l’enfant perd sa valeur économique pour gagner en valeur morale (Zelizer, 1994).<br />

Cependant, l’on peut dire que la Déclaration de Genève, des droits des enfants, de 1923-<br />

1924, 8 marque le premier pas d’un changement dans la conception internationale de<br />

l’enfance : l’enfant n’est plus un objet de charité chrétienne ou de philanthropie, il devient<br />

l’objet d’une attention spéciale, qui est au centre de la collectivité et non exclusivement une<br />

affaire particulière à la famille. Toutefois, c’est plutôt la CIDE (UNICEF, 1990), qui fait<br />

6 Pour plus de détails sur l’histoire de l’enfance en divers pays, voir : Ariès, 1973 ; De Mause, 1983 ; Pollock,<br />

1983 ; Qvortrup, 1994 ; Zelizer, 1994 ; Stella, 1996 ; Portocarrero, 1998 ; Trisciuzzi et Combi, 1998 ; Brondi,<br />

2001 ; Rollet, 2001 ; Morel, 2004 ; Rojas Flores, 2004 ; Rodríguez Roca, 2005 ; Castillo Troncoso, 2006 ;<br />

Sánchez Calleja et Salazar Anaya, 2006 ; Pedraza-Gómez, 2007 ; Ramírez Sánchez, 2007.<br />

7 Pour des discussions à ce propos, voir : Qvortrup, 1994 ; Zelizer, 1994 ; Ngueyap, 1996 ; Méda, 1997 ;<br />

Trisciuzzi et Combi, 1998 ; Brondi, 2001 ; Camarena Córdova, 2004 ; Domic Ruiz, 2004 ; Rojas Flores, 2004 ;<br />

Castillo Troncoso, 2006 ; Pedraza-Gómez, 2007.<br />

8 Les hommes et les femmes de toutes les nations reconnaissent que l’humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle<br />

a de meilleur, et affirment leurs devoirs, en dehors de toute considération de race, de nationalité, de croyance.<br />

L’enfant doit être mis en mesure de se développer d’une façon normale, matériellement et spirituellement.<br />

L’enfant qui a faim doit être nourri ; l’enfant malade doit être soigné ; l’enfant arriéré doit être encouragé ;<br />

l’enfant dévoyé doit être ramené ; l’orphelin et l’abandonné doivent être secourus.<br />

L’enfant doit être le premier à recevoir secours en temps de détresse.<br />

L’enfant doit être mis en mesure de gagner sa vie et doit être protégé contre toute exploitation.<br />

L’enfant doit être élevé dans le sentiment que ses meilleures qualités doivent être mises au service de ses frères.<br />

27


vraiment évoluer l’image de l’enfance dans les discours : « A l’idée que les enfants avaient<br />

des besoins spéciaux a succédé la conviction que les enfants avaient des droits. » (Leroy,<br />

2009 : 13). Mais, malgré la reconnaissance des enfants en tant que « sujets de droits », cette<br />

considération reste plutôt dans le domaine idéologique, car dans les faits on ne prend au<br />

sérieux ni leurs idées, ni leurs capacités. En privilégiant la vision moderne d’enfance, où<br />

l’enfance est assimilée à une période d’insouciance, d’apprentissage, d’innocence et<br />

d’absence de contraintes, la vie et les actions des enfants dépendent encore plutôt de décisions<br />

des adultes (Liebel, 2003). L’école et la famille sont considérées comme les seuls espaces<br />

sociaux valorisants et structurants des enfants. L’enfant et l’adulte représentent deux mondes<br />

différents et exclusifs, et dans cette logique, l’enfance — comme l’âge de vulnérabilité<br />

physique et émotionnelle, et d’incomplétude psychologique et intellectuelle — a besoin d’une<br />

protection spéciale, et elle doit être exclue des activités productives (Castillo Troncoso, 2006 ;<br />

Pedraza-Gómez, 2007 ; Leroy, 2009). Par conséquent, l’on a tendance à considérer que les<br />

enfants éloignés de la protection et de l’abri qui apportent la famille, ainsi qu’en dehors du<br />

système scolaire, perdent les attributs et les privilèges propres de cette étape, et deviennent<br />

plutôt des petits adultes, comme les enfants travailleurs. Car le travail, qui est pris en termes<br />

économiques, appartient au monde des adultes (Castillo Troncoso, 2006). Dans cette<br />

perspective, basée sur la vision moderne de l’enfance et sur une notion de travail nettement<br />

économique, qui se sont imposées comme « concepts normatifs universels » (Bourdillon,<br />

2006), le travail des enfants a été longuement considéré comme synonyme d’exploitation,<br />

comme un problème à éradiquer, en négligeant la diversité socioculturelle, et en oubliant une<br />

mise en contexte.<br />

Sous cette perspective de l’enfance, il n’est pas alors étonnant que l’enfance soit située à une<br />

place prioritaire au centre de la société et des politiques publiques, et c'est grâce à cette<br />

préoccupation grandissante que diverses organisations internationales (principalement l’OIT,<br />

l’UNICEF et l’Organisation Mondiale de la Santé, OMS) ont poussé les Etats membres de<br />

l’Organisation de Nations Unies, ONU, à s’engager pour améliorer les conditions de vie des<br />

enfants dans divers domaines : scolarité, santé, alimentation... Cependant, alors qu’il existe un<br />

consensus sur la nécessité de garantir des conditions de vie adéquates et des droits à tous les<br />

enfants, il y a aussi des désaccords sur les formes et les moyens d’y arriver, ainsi que sur ce<br />

qui n’est pas adéquat pour les enfants, et le rôle des enfants dans la société. Comme le<br />

souligne Leroy par rapport au travail des enfants : « C’est davantage la conception idéale de<br />

l’enfance qui cristallise les oppositions » (2009 : 11).<br />

28


Le modèle d’enfance moderne qui part de la réalité des pays développés — et qui est pris<br />

internationalement comme exemple à suivre, dans une perspective de progrès — a montré ses<br />

limites quant à la réalité de la majorité des pays, les pays en développement. Dans la pratique,<br />

ce modèle idéal est difficile à adopter, malgré son intérêt. Cette incompatibilité entre les<br />

idéaux et la réalité a eu des effets pervers importants, comme dans le cas des programmes de<br />

boycott du travail des enfants dans certains pays. 9 En étant confrontées à la partialité de l’idée<br />

moderne d’enfance, les oppositions ne se sont pas fait attendre. <strong>La</strong> principale raison est le<br />

manque de respect de la diversité culturelle et socioéconomique. En tant que construction<br />

sociale, une seule vision d’enfance ne peut pas répondre à toutes les manières de vivre de<br />

l’enfance qui existent dans le monde, et elle ne peut pas être présentée comme un modèle à<br />

suivre par tous. Simplement parce que la réalité socioéconomique et culturelle des populations<br />

ne peut pas s’adapter à un tel modèle (Brondi, 2001 ; Liebel, 2003 ; Rodríguez Roca, 2005 ;<br />

Ramírez Sánchez, 2007). En plus, cette vision de l’enfance moderne met l’accent sur l’avenir<br />

de l’enfant et non sur son présent : l’enfant n’est pas considéré comme un « être humain »,<br />

mais comme un « potentiel humain » (Qvortrup, 1994), ce qui annule l’importance de la<br />

participation actuelle des enfants. <strong>La</strong> nouvelle sociologie de l’enfance surgit comme<br />

perspective alternative, à l’encontre de cette vision dominante.<br />

Les paradigmes de l’idée moderne d’enfance sont limités à un cadre individualiste et à une<br />

perspective non historique, et l’enfant universel semble écarté des changements vécus dans<br />

son entourage. Or, la nouvelle sociologie de l’enfance, signale Gaitán (2006), doit être<br />

capable d’expliquer les choses communes et diverses qui arrivent aux enfants à propos de leur<br />

expérience sociale à travers le temps et l’espace. Le plus important est de considérer l’enfance<br />

comme un élément structurel intégré à la vie sociale organisée, comme un élément qui<br />

interagit avec d’autres éléments sociaux pour établir l’ensemble de l’organisation sociale.<br />

« (…) il s’agit d’assumer que les changements dans la société sont codéterminants pour la<br />

situation générale de la vie des enfants et leurs modèles généraux d’activité, et que la place<br />

de l’enfance dans la structure sociale ait un effet de “feed-back” sur les processus<br />

macrosociaux. Construire une sociographie de l’enfance signifie aussi saisir l’implication des<br />

phénomènes et des processus sociaux qui seulement indirectement semblent faire référence<br />

9 Pour des discussions dans ce sens, voir : Ramanathan, 1996 ; Gulrajani, 1996 ; White, 1996 ; Invernizzi, 2003 ;<br />

Ballet et Bhukuth, 2005 ; Dumas et <strong>La</strong>mbert, 2008 ; Leroy, 2009.<br />

29


aux enfants » 10 (Gaitán, 2006 : 247). L’enfant doit être, par conséquent, plus qu’un sujet des<br />

droits, un acteur social, ce que Liebel (2003) appelle : un protagoniste.<br />

<strong>La</strong> nouvelle sociologie propose alors d’« (…) expliquer l’enfance comme groupe social et<br />

comme un phénomène permanent dans n’importe quel système social. Observer l’enfant<br />

comme faisant partie d’un groupe, strate ou classe sociale, dont les caractéristiques et les<br />

comportements sont compréhensibles en termes de lois socioculturelles, comme offre de<br />

nouvelles perspectives telles que : la possibilité de comprendre les aspects communs des<br />

sujets qui partagent le même statut dans la société, la possibilité de faire des comparaisons de<br />

sa situation à différentes époques historiques, sociétés et cultures, ainsi que la possibilité<br />

d’examiner les relations de ce groupe-ci avec d’autres groupes qui composent la société. » 11<br />

(Gaitán, 2006 : 19). Et sous cette nouvelle idée d’enfance, le travail des enfants a pris une<br />

autre dimension, où l’importance ne réside pas dans le fait de travailler ou non, mais dans les<br />

conditions de travail. « Reconnaître que les enfants ne sont pas des objets passifs au regard<br />

des préoccupations économiques, mais qu’au contraire ils sont activement engagés dans<br />

l’économie, entendue comme la production de valeur dans une société, a conduit à un<br />

nouveau mode de réflexion économique et sociologique, qui prend comme départ la<br />

perspective des enfants. Il ressort de ce type d’analyse que les enfants sont des participants<br />

actifs en matière à la fois de consommation, de distribution et de production, et qu’ils sont<br />

engagés dans des relations complexes avec les membres de leurs familles, avec les autres<br />

enfants et avec les acteurs de la société civile. » (Nieuwenhuys, 2006 : 166). De manière que<br />

l’enfant, en tant qu’acteur social, ne peut pas être exclu du monde du travail, mais en tant<br />

qu’enfant, il doit être protégé de manière spéciale, si jamais il y rentre. On s’appuie sur<br />

l’article 3 du texte de la CIDE, où l’on établit que dans toutes les décisions qui concernent<br />

l’enfant, la considération primordiale doit être l’intérêt supérieur de l’enfant (UNICEF, 1990).<br />

10 Traduction de l’auteur. “(…) se trata de asumir que los cambios en la sociedad son codeterminantes para la<br />

situación general de vida de los niños y sus patrones generales de actividad, y que el lugar de la infancia en la<br />

estructura social tiene un efecto de feed-back sobre los procesos macrosociales. Construir una sociografía de la<br />

infancia también significa captar la implicación que tienen fenómenos y procesos sociales que sólo<br />

indirectamente parecen referirse a los niños.”<br />

11 Traduction de l’auteur. “(…) explicar a la infancia como grupo social y como fenómeno permanente en<br />

cualquier sistema social. Mirar al niño como perteneciente a un grupo, estrato o clase social, cuyas características<br />

y comportamiento son comprensibles en términos de leyes socioculturales ofrece nuevas perspectivas, como son:<br />

la posibilidad de entender los aspectos comunes a los sujetos que comparten el mismo estatus dentro de la<br />

sociedad, la de hacer comparaciones entre su situación en diferentes épocas históricas, sociedades y culturas y,<br />

asimismo, la de examinar las relaciones de éste con otros grupos componentes de la sociedad.”<br />

30


Dans ce sens, certains spécialistes ont proposé de considérer le travail scolaire comme une<br />

forme de travail des enfants, une idée proposée par le sociologue danois Qvortrup (1994). Il<br />

soutient que la scolarisation des enfants, vue comme une conséquence de l’industrialisation,<br />

est un vrai travail, avec une valeur économique, car la formation fait partie du processus de<br />

production (Gaitán, 2006). D’autres chercheurs partout dans le monde soutiendront cette idée.<br />

En France, Schlemmer a réfléchi sur l’utilité heuristique de considérer que tous les enfants<br />

travaillent, que ce soit à l’usine, aux champs, dans leur propre maison, dans la rue ou à<br />

l’école. L’idée de base est que « tous consacrent une partie de leur temps à des activités<br />

contraignantes, non loisibles, productrices d’utilité sociale, soit immédiatement, soit de façon<br />

différée, quand le travail consiste en un investissement — les études — pour un travail<br />

productif futur. » (Schlemmer, 1996 : 23-24). Alors, d’après Schlemmer, tous les enfants<br />

travaillent, mais pas dans les mêmes conditions. Et tous n’auront pas les mêmes opportunités<br />

d’entrée sur le marché du travail lors de leur vie adulte.<br />

Certes, de plus en plus, les approches du travail des enfants portent sur des visions d’enfance<br />

et de travail plus variées qui essayent de donner une place aux différentes réalités. On a ouvert<br />

un chemin vers la diversité et la modération. Même si c'est la perception proposée par l'OIT<br />

qui continue toujours de dominer sur la scène internationale. Une perception qui, avec un peu<br />

de retard, a bien évolué au rythme des changements qui se sont opérés autour du sujet dans les<br />

dernières années (les approches scientifiques, l’écoute des enfants travailleurs, l’observation<br />

sur le terrain de la réalité). Ainsi l’on est passé d’une vision abolitionniste radicale qui ne<br />

propose que l’éradication du travail des enfants, à une vision plus nuancée : « L’expression<br />

“travail des enfants” ne vise pas toutes les formes de travail des moins de 18 ans. Des<br />

millions de jeunes travaillent de façon tout à fait légitime, contre de l’argent ou non, dans des<br />

conditions adaptées à leur âge et à leur degré de maturité. Ils apprennent ainsi à être<br />

responsables, acquièrent des compétences, améliorent leur niveau de vie et celui de leurs<br />

familles et contribuent à la prospérité économique de leur pays. Après l’école, leurs devoirs<br />

une fois terminés et leurs leçons apprises, des enfants peuvent aussi très bien, pour aider<br />

leurs parents, participer aux tâches ménagères ou au jardinage, veiller sur d’autres enfants,<br />

etc., sans que l’on puisse y trouver à redire. Condamner ce type d’activité, ce serait banaliser<br />

31


ce que l’on veut abolir – ce travail qui prive d’enfance des millions d’êtres humains. » (OIT,<br />

2002 : 9). 12<br />

Cependant, l’expression « travail des enfants » reste ambiguë, et l’on continue de l’adapter<br />

aux intérêts et aux objectifs de chaque recherche, projet ou politique. De manière que les<br />

études sur le travail des enfants sont à peine comparables temporellement et spatialement,<br />

parce que l’enfance n’est pas toujours représentée par le même groupe d’âges de la<br />

population, ni le travail n’est défini selon les mêmes critères.<br />

I.1.3. Les approches du travail des enfants.<br />

<strong>La</strong> plupart des approches ont été centrées sur une vision déterministe, qui place les enfants et<br />

les familles comme victimes de la pauvreté et de l’inégalité résultant du système de<br />

production. Dans un niveau global, le travail des enfants est vu principalement comme une<br />

conséquence de problèmes économiques et politiques d’envergure internationale. Des facteurs<br />

comme la concurrence internationale, les investissements étrangers, la tutelle exercée par les<br />

institutions financières internationales, et les systèmes de crédit, sont cause de ravages<br />

sociaux, qui finissent par affaiblir les conditions de vie de nombreuses familles, surtout des<br />

pays en développement, contraintes de vivre dans des conditions très précaires, ce qui favorise<br />

l’exploitation des enfants. <strong>La</strong> pauvreté est alors à l’origine du travail des enfants, qui est<br />

aperçu comme un phénomène structurel propre au capitalisme, et plus actuellement lié au<br />

processus de la mondialisation (<strong>La</strong>bazée, 1996 ; Meillassoux, 1996 ; Sari, 1996 ; Verlet,<br />

1996 ; Hemmer et al., 1997 ; Ranjan, 1999 ; Cos-Montiel, 2000 ; Galli, 2001 ; Delgado,<br />

2004). Sous une telle optique, la plupart des études de cas traitent d’exemples les plus<br />

touchants. 13 Cependant, les approches économiques s’avèrent partielles pour expliquer une<br />

situation qui est très complexe. Certes, la pauvreté joue un rôle fondamental, mais il faut<br />

12 Il faut dire qu'actuellement l’OIT a mis l’accent sur la lutte contre ce qu’elle appelle « les pires formes du<br />

travail des enfants », en se donnant pour objectif de les abolir en 2016 (OIT, 2007).<br />

13 En prenant les cas les plus condamnables, par exemple : les enfants dans les industries dangereuses (fabriques<br />

d’allumettes, de feux d’artifices, de verre…), du tapis, de la brique, du bois et du vêtement ; les enfants<br />

travailleurs dans les rues, les enfants dans les mines, dans les carrières, les enfants mis en servitude pour dettes...<br />

Des enfants qui travaillent dans des conditions pénibles et précaires : en milieux de haut risque pour leur santé<br />

(pollution, bruit, obscurité, enfermement), en réalisant des activités fatigantes et répétitives, en recevant de<br />

faibles revenus, voire sans revenus, par de longues journées de travail. Pour la plupart, ils ne sont pas scolarisés<br />

et leur travail ne leur apporte guère un apprentissage (Abdalla, 1990 ; Gatchalian, 1990 ; Guillén-Marroquín,<br />

1990 ; Kanbargi, 1990 ; Oosterhout, 1990 ; Salazar, 1990 ; Céspedes Sastre et Zarama, 1996 ; Gulrajani, 1996 ;<br />

Morice, 1996 ; Yaro, 1996).<br />

32


valoriser le travail des enfants dans son contexte socioculturel pour mieux comprendre toute<br />

la diversité de formes de travail qui existent (Rodgers et Standing, 1981a).<br />

D’ailleurs, d’autres traitent le sujet d’un point de vue de la transmission de coutumes et de<br />

connaissances, comme un héritage entre générations, comme une pratique qui fait partie d’un<br />

type d’organisation familiale et communautaire spéciale. <strong>La</strong> socialisation, comme processus<br />

de préparation à la vie adulte ou à la formation de genre, est au centre de ces études, qui font<br />

référence surtout aux sociétés paysannes (Cain, 1977 ; Schildkrout, 1981; González Chávez,<br />

1982 ; Ngueyap, 1996 ; Nieuwenhuys, 1996 ; Boyden, Ling et Myers, 1998 ; Escalante Cantú,<br />

2000 ; Camarena Córdova, 2004 ; Domic Ruiz, 2004 ; Vargas Evaristo, 2006). En termes<br />

individuels, la capacité et la disponibilité des enfants au travail peuvent augmenter leur<br />

reconnaissance et aussi leur indépendance. On attribue au travail des enfants une valeur<br />

économique, mais aussi une valeur personnelle, émotionnelle et culturelle (Weiss, 1993 ;<br />

Meiser, 1997, cités in Liebel, 2003).<br />

Enfin, certains approchent le travail des enfants par rapport à l’inefficacité des institutions qui<br />

sont censées éloigner les enfants du monde du travail, en l’occurrence : l’école et le système<br />

juridique. D’une part, les défaillances du système éducatif peuvent favoriser l’abandon<br />

scolaire, soit parce que la scolarisation perd de la valeur et de l’intérêt aux yeux des personnes<br />

concernées, soit parce que l’offre est insuffisante, inaccessible ou inexistante. Dans ces cas, le<br />

travail est une option de vie qui éloigne les enfants de la fainéantise, du vagabondage, de la<br />

délinquance, des vices et de la sexualité précoce par exemple (Bequele et Boyden, 1990 ;<br />

Bonnet, 1993 ; Hevener et al., 2002 ; Schlemmer, 1996 et 2007). D’autre part, le manque de<br />

mécanismes qui permettent l’exécution des lois et des accords, nationaux et internationaux, en<br />

matière de travail des enfants, assure le développement du travail des enfants (Fukui, 1996 ;<br />

Hobbs et al., 1996). Dans ce sens, le travail des enfants continuera tant que les institutions ne<br />

seront pas fortes et efficaces.<br />

Les approches dans le domaine familial sont assez nombreuses, où la pauvreté est la vedette.<br />

Les travaux portent notamment sur l’importance économique du travail des enfants pour la<br />

reproduction sociale de la famille. Dans un contexte de pauvreté, les enfants peuvent être<br />

considérés comme partie du capital d’une famille, et par conséquent, une descendance<br />

nombreuse est bien valorisée : cela est la garantie d’avoir une main-d’œuvre disponible dans<br />

tous les cycles de vie familiale. Les couples choisissent parmi un ensemble d’actions, celles<br />

33


qui maximisent leur « bien-être » (well being) ou leurs « bénéfices » (utility) soumis à<br />

diverses restrictions, selon le household production function approach de Gary<br />

Becker 14 (Tienda, 1979 ; Grootaert et Kanbur, 1995 ; Hemmer et al., 1997 ). C’est une idée de<br />

plus en plus contestée, à cause de la baisse de la fécondité des populations pauvres des pays<br />

en développement, comme le Mexique, observée depuis quelques années (Cosio-Zavala,<br />

1998) ; et aussi parce que les évidences montrent que tous les enfants pauvres ne travaillent<br />

pas, de même que tous les enfants travailleurs ne sont pas des enfants pauvres (Benería,<br />

1992). En outre, nombreuses études abordent le sujet avec la théorie des stratégies familiales<br />

de survie. Divers aspects en rapport à la famille se sont avérés d’intérêt pour expliquer les<br />

variations de la mise au travail précoce, comme : la composition sociodémographique du<br />

ménage, le type de ménage (monoparental ou biparental ; nucléaire ou élargi), les<br />

caractéristiques du chef de ménage (sexe, scolarité, activité) et la position socioéconomique<br />

du ménage (Bossio, 1992 ; Marcoux, 1995 ; Mier y Terán et Rabell, 2001, 2001a et 2004 ;<br />

Estrada Quiroz, 2005). 15<br />

Enfin, encore à propos des approches du niveau familial, pour mesurer le degré de<br />

participation des enfants dans le travail, on a utilisé l’approche « budget-temps » (Cain, 1977 ;<br />

Schildkrout ; 1981 ; Molina Barrios et Rojas Lizarazu, 1995 ; Cos-Montiel, 2000).<br />

Par ailleurs, une partie importante de recherches se concentrent sur l’étude de la relation entre<br />

le travail des enfants et le capital humain, soit d’un point de vue économique, encore une fois<br />

selon les modèles de Becker. Le travail des enfants est en général approché comme un facteur<br />

de désinvestissement en termes de capital humain, voire opposé à la scolarisation. Et ainsi, les<br />

coûts du travail des enfants sont mesurés sur le plan de la productivité future. Le travail des<br />

enfants est souvent vu comme reproducteur de la pauvreté. 16 Même si le centre d’attention est<br />

l’enfant et son propre avenir, divers facteurs associés au milieu familial sont souvent proposés<br />

14 Selon Becker, les individus sont des acteurs rationnels qui font des choix selon un rapport de coût/bénéfice des<br />

options. De manière que les divers comportements tendent à maximiser le bien-être ou l’utilité. Par conséquent,<br />

par exemple, le niveau de fécondité d’un couple dépend de ce rapport de coût/bénéfice de la valeur des enfants.<br />

15 Ce type de travaux s’inscrit dans la même ligne de recherche de ceux sur l’étude des formes d’organisation<br />

familiale dans les pays d’Amérique latine qui ont eu un apogée surtout à partir des années 1980. Dans ces études,<br />

le travail des enfants est traité comme partie des résultats, et non comme un sujet en lui-même (García et al.,<br />

1979 et 1982 ; Bossio, 1992 ; García et Oliveira, 1994 et 2001 ; Rendón, 2004).<br />

16 C’est à partir d’une telle perception que des programmes internationaux et nationaux de lutte contre la<br />

pauvreté concentrent leurs efforts sur la promotion de la scolarisation des enfants pauvres, en essayant ainsi de<br />

les éloigner du travail. Comme le Programme du Millénaire de l’UNICEF et les programmes élaborés à leur tour<br />

par les divers gouvernements mexicains depuis les années 1990 : PRONASOL, PROGRESA et actuellement<br />

OPORTUNIDADES.<br />

34


comme déterminants du travail ou comme cause de la déscolarisation des enfants. <strong>La</strong><br />

composition démographique du ménage, les caractéristiques sociodémographiques du chef de<br />

ménage et la position socioéconomique du ménage ont montré leur intérêt comme facteurs en<br />

relation avec le travail des enfants (Llomovatte, 1991 ; Psacharopoulos, 1997 ; Levison et<br />

Moe, 1998 ; Heady, 2000 ; Knaul, 2000 et 2001 ; Levison, Moe et Knaul, 2001). Les études<br />

mettant l’accent sur les relations de genre qui dominent le monde des enfants travailleurs sont<br />

de plus en plus nombreuses, mais encore limitées (Nieuwenhuys, 1996 ; Levision et Moe,<br />

1998 ; Knaul, 2001 ; Levison, 2007).<br />

A partir de cet état de connaissances, nous avons élaboré notre problématique et nos<br />

hypothèses.<br />

I.2. Le travail des enfants comme pratique : problématique et hypothèses.<br />

Notre problématique repose sur le fait que le travail des enfants est une pratique qui dépend<br />

des conditions structurelles, familiales et individuelles. On considère que les familles et les<br />

enfants ont une certaine marge de liberté, pour faire face aux contraintes imposées par les<br />

structures. Et aussi dans une perspective de genre, car le travail des enfants, comme celui des<br />

adultes, fonctionne selon les modèles et les relations de genre qui dominent dans le ménage,<br />

mais aussi dans la société tout entière. Il est important de considérer tous les aspects qui<br />

façonnent les conditions de vie de la population : économiques, sociaux, culturels. Mais aussi,<br />

les idées qui donnent du sens aux pratiques, soit les représentations sociales.<br />

Au Mexique, il existe une grande diversité de conditions de vie qui dépendent du milieu de<br />

résidence, de l’appartenance à un secteur socioéconomique ou à un groupe ethnique en<br />

particulier. De manière que les pratiques et les idées peuvent être totalement opposées aux<br />

extrêmes entre les divers groupes de la population : ruraux/urbains, pauvres/riches,<br />

indiens/non indiens, par exemple. Bien que nous puissions avancer qu'en général les<br />

conditions socioéconomiques dans le pays sont propices au travail des enfants, et nous<br />

voudrions l’approfondir du point de vue des idées : quelle est la situation actuelle par rapport<br />

à la perception sur le travail des enfants ?<br />

35


A ce propos, malgré l’existence d’un discours officiel qui condamne le travail des enfants, et<br />

qui sert de soutien aux mesures légales et sociales afin de l’empêcher, nous pensons que les<br />

personnes centrent leur attention plutôt sur les conditions de travail des enfants que sur le<br />

travail des enfants en lui-même. De manière qu’il n’existe pas un consensus contre le travail<br />

des enfants. Tout dépend des conditions dans lesquelles le travail est réalisé. Or nous pensons<br />

aussi qu’il existe divers regards sur le sujet, selon le vécu des individus, quant à leur<br />

expérience propre et proche. Ainsi, une population où le travail des enfants est fréquent, et<br />

apparemment sans conséquences négatives sur le développement de l’enfant, sera propice à<br />

accepter et à transmettre cette pratique.<br />

Evidemment, il est difficile de penser aux enfants, et tout ce qui les concerne, sans faire<br />

référence à la famille. Cet espace social est par excellence le lieu de formation de valeurs et<br />

des aspects affectifs pour l’enfant. C’est là où s’organise la participation de chaque personne<br />

afin de garantir la reproduction quotidienne commune et personnelle. Le degré de<br />

participation des enfants dans les diverses activités, tant domestiques qu’économiques, est lié<br />

aux besoins et aux ressources familiales à un moment donné du cycle de vie familiale. <strong>La</strong><br />

famille est alors considérée comme l’institution médiatrice entre les actions individuelles et la<br />

société. Ainsi, le travail des enfants est considéré comme une stratégie familiale de vie. Une<br />

stratégie visant à l’accomplissement de projets et des besoins familiaux, mais aussi<br />

personnels. Face à un contexte macrosocioéconomique qui semble favorable au travail<br />

précoce, les familles réagissent de différentes manières, en mettant en marche diverses<br />

stratégies pour y vivre, selon leurs propres ressources et besoins. Mais aussi en prenant en<br />

compte les limites imposées par le contexte : cadre légal, système scolaire, marché du travail.<br />

Et les enfants, en tant que membres de la famille, peuvent participer, plus ou moins<br />

activement, dans les diverses activités domestiques et économiques du ménage.<br />

A ce propos, même si des évidences recueillies à travers le monde permettent d’affirmer<br />

aujourd’hui que le travail des enfants est en relation étroite avec le milieu familial. <strong>La</strong><br />

composition familiale permet d’avoir une vision globale sur le milieu familial de l’enfant, où<br />

la figure du chef de ménage, en général le père, sert d’unique repère. Mais, de plus en plus, le<br />

rôle des mères, voire des femmes, a fait preuve de son importance sur la vie et le devenir des<br />

enfants. C’est pourquoi nous considérons que, si le milieu familial est fondamental pour<br />

comprendre la mise au travail précoce, ce milieu familial doit être approché de manière plus<br />

ample, en prenant en compte aussi les caractéristiques du conjoint du chef (de la mère des<br />

36


enfants). Notre hypothèse est que père et mère (chef de ménage et conjoint du chef), en tant<br />

que principaux responsables de la famille, contribuent ensemble à la conformation de<br />

l’environnement familial, où la participation des enfants prend du sens. Et la participation de<br />

chacun (chef de ménage et conjoint du chef) a des effets différentiels sur la vie des enfants,<br />

concrètement sur la mise au travail.<br />

Or, l’argument amplement répandu et accepté selon que les familles pauvres ont besoin d’un<br />

revenu supplémentaire pour survivre n’explique pas pourquoi l’incidence du travail des<br />

enfants varie d’une famille pauvre à une autre au sein d’une communauté, d’une communauté<br />

pauvre à une autre dans un même pays, et d’un pays pauvre à un autre dans le monde (Anker,<br />

2000). Il faudrait peut-être analyser la pauvreté selon ses causes, car, comme dit Bonnet<br />

(1993), la pauvreté ne touche pas toutes les familles de la même façon. Et elle n’arrive pas<br />

dans chaque famille de la même façon non plus. Elle entre parfois sous la forme d’une crise<br />

économique, le décès d’un membre de la famille, le chômage, une guerre… En plus, la<br />

pauvreté n’est pas toujours la principale cause du travail des enfants, même si l’on considère<br />

le travail des enfants dans un sens économique. Certes, les revenus des enfants peuvent servir<br />

à satisfaire les besoins familiaux de base, voire personnels, mais aussi à acheter simplement<br />

des produits de loisir. Le travail des enfants est loin d’être seulement une source de revenus,<br />

comme le signalent les diverses études sur le rôle du travail des enfants en tant que pratique<br />

de socialisation et de formation. Et même au-delà de ces causes évoquées traditionnellement,<br />

les enfants trouvent parfois dans le travail une source d’épanouissement et de loisir, voire de<br />

solidarité envers les membres de leur communauté, une activité pour utiliser leur temps<br />

périscolaire au quotidien ou de manière temporaire (en vacances). Un sujet qui a été plutôt<br />

traité chez les enfants des pays développés (Wihstutz, 2007).<br />

Ainsi, la mise au travail précoce n’est pas seulement en relation avec des aspects externes aux<br />

enfants, bien qu’ils fassent partie d’un contexte familial et social bien déterminé, dont les<br />

conditions peuvent favoriser ou non leur participation, ils ont aussi des caractéristiques<br />

individuelles, qui contribuent à la détermination de leurs actions, de gré ou de force. A la<br />

lumière des études récentes et de la réalité mexicaine, pour aborder le sujet, il nous semble<br />

pertinent de rejoindre les précurseurs de l’approche du travail des enfants centrée sur l’enfant,<br />

qui est basée principalement sur les idées de la nouvelle sociologie de l’enfance. Et, de cette<br />

manière, aborder le sujet en considérant les enfants travailleurs comme des protagonistes de la<br />

construction de leur propre vie et comme participants dynamiques en ce qui concerne la vie<br />

37


familiale, et ainsi, comme des sujets actifs dans la société. En tant que protagonistes de leur<br />

propre vie, les enfants ont alors une certaine marge de liberté pour mettre en marche des<br />

stratégies pour accomplir des projets personnels, visant leur propre intérêt ou celui de la<br />

famille.<br />

A ce propos, il y a un consensus sur l’importance du sexe et de l’âge de l’enfant comme<br />

déterminants de sa participation dans les diverses activités. Au fur et à mesure que l’âge des<br />

enfants augmente, leur participation dans le travail est de plus en plus fréquente. De plus, les<br />

activités que réalisent les enfants sont fortement liées au genre. A l’image des adultes, les<br />

filles réalisent davantage d’activités domestiques, tandis que celles des garçons sont surtout<br />

économiques. Etant donné l’évidence que le genre et la génération sont fondamentaux pour<br />

expliquer le travail précoce, nous nous demandons comment ces conditions individuelles<br />

entrent en relation avec le contexte familial et social, lorsque nous classons les enfants selon<br />

le type de travail réalisé : domestique ou extradomestique.<br />

Or, il existe une idée, plutôt implicite, qui suggère que les enfants qui travaillent dans un<br />

milieu familial forment un groupe à part, voire qu’ils ne sont pas de « vrais » travailleurs.<br />

Ainsi, au Mexique, le cadre juridique en matière d’emploi exclut de son application le travail<br />

dit familial. C’est-à-dire que l’Etat n’a aucune influence dans la sphère privée des unités de<br />

production familiale. Quant à l’avenir et la protection des enfants, l’intérêt privé des familles<br />

domine sur l’intérêt public. L’autorité paternelle et la liberté de travail dans ce contexte sont<br />

sans restriction. Ainsi, les enfants travaillent dans des conditions qui dépendent seulement de<br />

la bonne volonté et des besoins des parents qui deviennent leurs employeurs. Etant donné que<br />

la famille est censée être l’un des espaces sociaux privilégiés pour l’enfance, un lieu de<br />

protection, d’affection et de formation, a priori les enfants qui travaillent dans un tel contexte<br />

devraient être l’objet d’une attention spéciale, être à l’abri. Cependant, il existe des exemples<br />

qui permettent de contester cette supposée protection familiale : des enfants qui préfèrent<br />

quitter la famille pour aller travailler ailleurs, là où les conditions de travail sont moins dures<br />

et plus avantageuses en termes économiques et d’indépendance. Mais, il s’agit de cas très<br />

particuliers, notamment à la campagne (Nieuwenhuys, 1996).<br />

Nous nous demandons alors si le lien de parenté entre l’enfant et l’employeur représente un<br />

facteur différentiel, en ce qui concerne : les causes, le processus d’entrée, les conditions de<br />

travail et les conséquences sur la vie des enfants. Nous considérons que, malgré les cas d’abus<br />

38


envers les enfants qui peuvent exister au sein de la famille (violence, maltraitance,<br />

exploitation), dans la plupart des familles, il existe un intérêt de veiller au bon développement<br />

des enfants. De sorte que les enfants qui travaillent pour l’un des parents représentent un cas<br />

particulier parmi les enfants travailleurs.<br />

Enfin, en respectant le rôle des enfants comme protagonistes de tout ce qui les concerne, dès<br />

que possible, nous privilégions leur parole pour connaître l’importance du travail dans leur<br />

propre vie : ce qu’il représente dans leur imaginaire et dans la pratique.<br />

I.3. Notre cadre théorique de référence.<br />

I.3.1. Les enfants travailleurs comme protagonistes.<br />

A l’opposé de l’idée moderne d'enfance qui domine, certains proposent une vision alternative,<br />

que nous partageons dans son ensemble. Une vision qui part d’une lecture sociopolitique de la<br />

situation des enfants travailleurs, avec une approche par les droits, selon ce qui est établi dans<br />

la CIDE (UNICEF, 1990). L’approche est basée sur la notion d’enfance que propose la<br />

nouvelle sociologie de l’enfance, soit l’enfant en tant qu’acteur social. Le concept de sujet<br />

social n’est pas uniquement une idée sinon une interprétation de la réalité. Tous les enfants<br />

sont nés avec les qualités de « sujets » : créatifs, observateurs, curieux. Ils recherchent,<br />

interprètent et donnent une forme à leur réalité immédiate (Liebel, 1994).<br />

Cette perspective surgit comme réponse à la réalité que vivent de nombreux enfants partout<br />

dans le monde, à l’écoute des enfants concernés. Des enfants qui, de gré ou de force,<br />

travaillent et qui, en tant qu’enfants, sont « protégés », mais « déprotégés », en tant que<br />

travailleurs, ce qui les a rendus vulnérables et la cible de multiples abus. L’enfant, en tant que<br />

protagoniste de la construction de sa vie, doit être en mesure de décider de travailler ou non,<br />

et par conséquent, d’avoir le droit de le faire de manière digne et adéquate à ses particularités.<br />

Sans être l’objet de préjugés, de harcèlements, de sanctions, et d’abus à cause uniquement de<br />

leur statut d’enfants. Il s’agit d’une approche du travail des enfants « centrée sur l’enfant », et<br />

pas seulement sur la vision adulte (Liebel, 2003).<br />

Certes, le travail est principalement une source de revenus, mais ses qualités ne se limitent pas<br />

strictement au domaine économique. Le travail est aussi source de créativité, de formation, de<br />

39


distraction, de socialisation, de solidarité, de fierté pour celui qui l’exerce dignement, soit un<br />

adulte, soit un enfant. Dans cette perspective, le travail des enfants est le produit d’une<br />

décision individuelle ou familiale qui ne répond pas toujours aux mêmes besoins ou<br />

motivations. Dans les extrêmes, nous trouvons, d’un côté, l’enfant qui est parfois contraint de<br />

travailler pour arriver à couvrir ses besoins essentiels ou secondaires, ainsi que ceux de sa<br />

famille. Ils se reconnaissent comme membres actifs dans le processus de reproduction sociale<br />

de leur famille. D’un autre côté, il existe des enfants qui travaillent à leur initiative, juste pour<br />

acquérir des objets superflus, voire pour se distraire, leurs besoins essentiels étant satisfaits<br />

par les parents. Dans les deux cas, les enfants conçoivent alors leur participation économique<br />

dans le ménage plutôt avec fierté et dignité.<br />

En se servant des expériences directes avec des enfants qui travaillent dans les pays en<br />

développement, les précurseurs de cette approche ont conclu que la majorité des enfants ne<br />

veulent pas arrêter le travail — à moins que leurs familles sortent de la pauvreté, le cas<br />

échéant — (Schibotto et Cussianovich, 1994 ; Liebel, 2003). Ce qu’ils souhaitent, c’est la<br />

sécurité d’avoir des conditions adéquates pour réaliser leurs activités et aussi pour avoir la<br />

possibilité d’aller à l’école. Ces auteurs soutiennent que les enfants à travers leur travail aident<br />

énormément leurs familles et la société. Mais cela n’est pas bien reconnu de nous jours. De<br />

plus, les enfants sont fréquemment impliqués de façon considérable dans les affaires<br />

publiques. Ils développent leurs propres points de vue sur une vie meilleure et un travail<br />

bénéfique. Dans les pays en développement, les mouvements et les organisations des enfants<br />

et des adolescents travailleurs (qui sont nés à partir des années 80) ont mis en évidence que les<br />

enfants travailleurs sont capables de s’organiser de façon compétente et de convaincre<br />

certains adultes (notamment des experts sur le travail des enfants) de l'importance de leur<br />

opinion en tant que protagonistes (Schlemmer, 1996 ; Bonnet, 1998 ; Liebel, 1994, 2000 et<br />

2003 ; Wintersberger, 2003).<br />

<strong>La</strong> valeur de l’enfant est plus que sociale. Etant donné le contexte local dans lequel<br />

grandissent les enfants des pays en développement, certes, la production marchande et le<br />

travail rémunéré sont des sources de revenus non négligeables, mais les enfants donnent la<br />

priorité aux moyens de subsistance et aux tâches domestiques. « Prendre en considération le<br />

rôle des enfants dans ces activités met en lumière la contribution économique considérable<br />

des enfants à la prospérité d’une société tout entière. » (Nieuwenhuys, 2006 : 168). Et bien<br />

évidemment, une contribution inestimable à leurs propres familles. Nous pensons que les<br />

40


enfants travailleurs ne sont pas que de simples victimes, ils sont avant tout des sujets qui<br />

participent activement à la reproduction sociale du ménage de diverses manières et selon leurs<br />

capacités. Une perception qui montre une enfance solidaire, responsable, entrepreneuse et<br />

engagée, avec soi-même et avec son entourage, des qualités fréquemment négligées par<br />

rapport à cette jeune population. Cela implique alors, de passer d’une vision étroite du travail<br />

des enfants, comme un bloc homogène avec une connotation nettement négative, à une vision<br />

plus élargie : un phénomène hétérogène, multidimensionnel et multicausal qui a différentes<br />

qualités (Leroy, 2009).<br />

Ainsi, au-delà des évidences qui mettent en doute l’idée très répandue du travail des enfants<br />

comme facteur perturbateur du développement des enfants, il est nécessaire de repenser cette<br />

idée dominante de l’enfance moderne, qui de plus en plus ne répond guère aux conditions de<br />

vie des enfants, notamment des pays en développement. L’enfant vu en tant que sujet actif<br />

dans la société, en tant que protagoniste et coresponsable de sa vie, a le droit de participer<br />

dans tous les domaines de la vie publique ; sa place ne se limitant plus aux<br />

sphères domestique et scolaire (Liebel, 1994 et 2003).<br />

Une vision que nous garderons en approchant le travail des enfants comme une stratégie<br />

familiale de « vie », en mettant l’accent sur le fait qu’il ne s’agit pas des stratégies limitées à<br />

la « survie » (dans son sens littéral). 17 Car nous considérons que les enfants ne travaillent pas<br />

seulement pour des raisons de survie personnelle ou familiale, voire des raisons économiques,<br />

même si ces cas restent assez fréquents. Et la décision sur les activités que les enfants<br />

réaliseront et leur degré de participation à chacune sont déterminés au sein du ménage. Nous<br />

discuterons par la suite de cette approche.<br />

I.3.2. Le travail des enfants comme une stratégie familiale de vie.<br />

L’approche du travail des enfants comme une stratégie familiale de vie nous semble tout à fait<br />

pertinente dans notre cas, étant donné que la théorie a été élaborée à partir des conditions de<br />

vie et familiales qui prédominent en l’Amérique latine. <strong>La</strong> perception contenue dans cette<br />

approche permet de garder une vision des enfants comme protagonistes, comme sujets actifs<br />

17 Duque et Pastrana (1973) et Cornia (1987) ont développé le thème des stratégies familiales de « survie ».<br />

41


dans la vie familiale, et comme acteurs dans la réalisation de projets personnels, dont le travail<br />

fait partie.<br />

On part de l’idée que tout individu exposé à des normes sociales similaires, à travers les<br />

mêmes agents de socialisation, a un comportement semblable. C’est-à-dire des stratégies<br />

semblables pour des familles de la même classe. Une autre hypothèse est que les relations<br />

sociales forment une structure d’options qui se présentent aux individus ou aux groupes dans<br />

l’espace social. Il existe alors des structures d’options limitées en fonction de la classe<br />

d’appartenance. Néanmoins, il y a des comportements hétérogènes à l’intérieur d’une même<br />

classe dus à la présence d’un éventail d’options ouvertes aux individus et aux groupes<br />

(Przeworski, 1982).<br />

Les stratégies familiales de vie concernent toutes les strates socioéconomiques de la<br />

population. On suppose que les comportements familiaux sont orientés, de manière délibérée<br />

ou non, à assurer la reproduction matérielle, mais aussi biologique de l’unité domestique, dans<br />

un cadre de conditions de vie spécifiques à la strate d’appartenance ; ainsi les pressions<br />

externes de type socioéconomique qui suivent les familles dépendent des conditions de vie<br />

« imposées » par la classe sociale d’appartenance. Or, l’on considère que le comportement des<br />

individus et des familles n’est pas totalement déterminé par les structures, ils ont une marge<br />

d’action pour faire face aux conditions adverses (Torrado, 1981 ; García et Oliveira, 1994).<br />

<strong>La</strong> famille a une dynamique et des effets propres qui redéfinissent les exigences en matière de<br />

main-d’œuvre sur le marché du travail (García et al., 1982). Et c'est justement au sein des<br />

familles que naissent les processus de production et de reproduction quotidiens et<br />

intergénérationnels, et là où se détermine la participation économique familiale comme<br />

élément essentiel des stratégies de vie. <strong>La</strong> famille, en tant qu’acteur collectif, est une<br />

institution médiatrice entre les structures et les individus. Les familles rendent possible la<br />

reproduction de la population. Ce qui permet l’étude des différentes réponses aux conditions<br />

structurelles et l’analyse des changements spécifiques de sous-groupes de la population<br />

(Schmink, 1984).<br />

Dans le cadre des stratégies familiales de vie, Torrado (1982) identifie les multiples<br />

dimensions comportementales : 1) Constitution de l’unité familiale, 2) procréation, 3)<br />

préservation de la vie, 4) socialisation et apprentissage, 5) cycle de vie familiale, 6) obtention<br />

42


et assignation des ressources pour la reproduction quotidienne (division familiale du travail et<br />

organisation de la consommation familiale), 7) migrations de travail, 8) placement résidentiel,<br />

9) familiarité entre les membres du ménage, et 10) coopération extrafamiliale.<br />

En tant qu’unité médiatrice entre les déterminations structurelles et les actions individuelles,<br />

afin de faire face aux besoins de la reproduction quotidienne du ménage, la famille organise<br />

donc ses ressources humaines, sa main-d’œuvre, prenant en compte les limites et les<br />

possibilités imposées au niveau macrosocioéconomique : le marché du travail, le système<br />

scolaire, le cadre juridique... Mais bien évidemment, une telle organisation interne dépend de<br />

deux conditions inhérentes au ménage : ses ressources (ensemble de capacités) et ses besoins<br />

(ensemble de nécessités). Lesquelles dépendent de deux dimensions fondamentales : la<br />

sociodémographique et la socioéconomique (García et al., 1982).<br />

Il s’impose maintenant de passer du concept de « famille » à celui de « ménage » parce que ce<br />

sont des ménages et non des familles que nous trouvons dans nos sources de données. Le<br />

ménage est un concept opérationnel associant les individus, qui donne un rôle central à la<br />

résidence et à la consommation, sans se limiter aux liens de sang, comme le fait celui de la<br />

famille. Nous discuterons plus en détail sur les définitions plus tard.<br />

D’un point de vue statique, la dimension sociodémographique permet de différencier les<br />

ménages selon le type de combinaisons des caractéristiques démographiques de leurs<br />

membres (nombre de personnes, sexe, âge et lien de parenté), à chaque étape de leur<br />

développement (cycle de vie familiale). Mais cette composition est dynamique et évolue selon<br />

l’arrivée d’événements démographiques tels que : la mortalité, la fécondité, la nuptialité et les<br />

patrons de résidence ; lesquels modifient constamment les capacités et les nécessités du<br />

ménage en général, mais aussi de chaque membre en particulier. Et la dimension<br />

socioéconomique permet de mesurer le niveau des nécessités et des capacités des membres du<br />

ménage selon la position structurelle de la famille, par rapport aux propres caractéristiques<br />

sociodémographiques. Il s’agit aussi d’une dimension dynamique, car la position structurelle<br />

du ménage peut évoluer de manière volontaire ou involontaire, soudaine ou progressive, à la<br />

suite d’événements démographiques ou d’autres faits externes, notamment de type<br />

économique. En général, la position socioéconomique du ménage est approchée à travers la<br />

situation du chef de ménage sur le marché du travail (notamment l’activité et le salaire).<br />

43


Au sein du ménage, il existe une interrelation entre les aspects démographiques et les aspects<br />

économiques, mais chaque aspect a une certaine autonomie par rapport à l’autre. Ces deux<br />

dimensions constituent l’environnement familial, où les membres partagent une expérience de<br />

vie en commun, où chacun trouve des motivations et des obstacles à son action individuelle.<br />

De même, ils partagent, par définition, une dépense et une infrastructure communes (dont le<br />

travail domestique) pour satisfaire à leurs besoins. C’est-à-dire que l’appartenance à un<br />

ménage signifie partager les bénéfices et les désavantages dérivés des conditions économiques<br />

des autres membres. Une telle infrastructure peut faciliter ou entraver le travail domestique ou<br />

extradomestique de chacun de ses membres, selon leurs caractéristiques<br />

sociodémographiques. <strong>La</strong> participation familiale est alors le résultat de l’ensemble des<br />

interactions qui opèrent à travers l’environnement familial, et qui répondent aussi au propre<br />

contexte socioculturel (García et al., 1982).<br />

C’est ainsi qu’à partir des caractéristiques sociodémographiques, économiques, culturelles et<br />

historiques, qui résultent de la position structurelle du ménage, se réalisent l’ensemble des<br />

capacités et l’ensemble des nécessités du ménage.<br />

<strong>La</strong> composition de la famille selon les liens de parenté, le cycle de vie familiale et la taille du<br />

ménage déterminent la structure par sexe et par âges du ménage, et par conséquent l’ensemble<br />

des capacités du ménage. Cet ensemble provient des capacités de chaque membre par rapport<br />

aux conditions extérieures. <strong>La</strong> possibilité de participation de chaque personne aux diverses<br />

activités de reproduction quotidienne du ménage est plus ou moins importante selon les<br />

caractéristiques sociodémographiques individuelles (âge, sexe, scolarité, savoir-faire). Ainsi,<br />

la participation économique potentielle de chaque individu dépendra des contraintes imposées<br />

par le marché du travail. Tandis que la participation domestique, qui dépend aussi de ces<br />

aspects individuels, est d’habitude soumise à la participation économique. Car la reproduction<br />

sociale du ménage dépend tout d’abord de sa survie. Or cet ensemble de capacités a un<br />

caractère potentiel, en plus de dynamique. Il devient réel au fur et à mesure que l’ensemble<br />

des besoins du ménage le demande.<br />

D’ailleurs, l’ensemble des besoins est façonné à partir de ceux de chaque membre de la<br />

famille, et des actions nécessaires pour les satisfaire. Ces besoins répondent au statut de vie<br />

familiale dans un sens socioéconomique. Des mécanismes culturels de priorisation peuvent se<br />

mettre en marche afin de répondre seulement aux plus légitimes. Pour faire face à l’ensemble<br />

44


des besoins, les familles organisent la participation de chacun de leurs membres dans les<br />

diverses activités de reproduction quotidienne, selon les capacités individuelles (sexe, âge,<br />

scolarité, savoir-faire) vis-à-vis des demandes au niveau structurel, notamment sur le marché<br />

du travail. Bien évidemment, la distribution de tâches à l’intérieur du ménage n’a rien<br />

d’anodin, elle peut se réaliser de manière explicite ou implicite, autoritaire ou démocratique,<br />

dans un climat de conflit ou de coopération (Jelin, 1983). 18<br />

Il faut signaler que la reproduction quotidienne du ménage est centrée sur la conservation<br />

(voire l’amélioration) d’un niveau et d’un style de vie socialement et culturellement définis et<br />

pas seulement sur la survie. Dans ce sens, les actions nécessaires pour répondre aux besoins<br />

de reproduction quotidienne (l’ensemble des besoins) d’une famille peuvent se classer selon<br />

le type de ressources mobilisées en deux types : professionnelles et non professionnelles. Les<br />

deux types d’action ont des restrictions imposées au niveau macrosocial, cependant les<br />

ménages ont une certaine marge de liberté de décision, ce qui donne du sens au terme de<br />

stratégies (Cuéllar, 1987). D’ailleurs, malgré l’existence de limites macrosociales, les<br />

ménages ont aussi souvent la possibilité de surpasser ces limites et de générer de nouvelles<br />

possibilités d’action dans le domaine microsocial, soit dans le ménage soit dans d’autres<br />

espaces sociaux de plus grande envergure (Saenz et Di Paula, 1981)<br />

Les stratégies sont les actions développées par les membres d’un ménage afin d’équilibrer les<br />

ressources familiales. <strong>La</strong> notion d’équilibre (balance), selon Cuéllar (1987), fait référence à<br />

l’équilibre que les ménages cherchent à obtenir entre un niveau de consommation désiré et le<br />

niveau de ressources obtenues à travers la réalisation d’activités économiques et non<br />

économiques (dont les domestiques) par les membres du ménage.<br />

Les stratégies non professionnelles ont la particularité d’éviter d’altérer la distribution des<br />

tâches de ses membres. 19 Par contre, les stratégies professionnelles altèrent qualitativement et<br />

quantitativement la participation des membres du ménage. 20 Ces dernières actions impliquent<br />

18 Cette idée va à l’encontre de la vision harmonique de la division sociale du travail au sein du ménage proposée<br />

par la New Home Economics, principalement à travers les travaux de Becker.<br />

19 Soit : réduction de la consommation familiale ; utilisation des économies ou réduction du patrimoine ;<br />

procuration de ressources à travers d’autres institutions sociales (ménages, l’Etat, des ONG…), grâce aux<br />

réseaux sociaux extrafamiliaux de caractère solidaire ou clientéliste ; utilisation commerciale du patrimoine ; la<br />

mendicité ; et appropriation collective « violente » (voler, escroquer, cambrioler, squatter…).<br />

20 Les stratégies professionnelles sont de deux types : domestiques et extradomestiques. Les domestiques<br />

comprennent l’utilisation ou l’augmentation de la force du travail à la marge du marché (production familiale<br />

45


la réorganisation des tâches domestiques, ainsi que la réorganisation des relations entre les<br />

membres du ménage et la structure économique. Elles peuvent aussi requérir une mobilité<br />

spatiale (temporaire ou non) de certains membres du ménage, voire de l’ensemble. C’est-à-<br />

dire que les stratégies professionnelles peuvent être accompagnées par des stratégies<br />

migratoires (Cuéllar, 1987).<br />

Dans ce sens, deux hypothèses sont nécessaires. D’une part, que la principale ressource d’un<br />

ménage est sa force de travail. Par conséquent, la reproduction quotidienne de ses membres<br />

dépend de l’assignation de tâches que l’on fait de cette force de travail, orientée par un<br />

système normatif d’assignation de rôles propres de la division du travail au sein du ménage,<br />

lequel a comme principaux critères : l’âge, le sexe et le lien de parenté. D’autre part, le<br />

ménage utilise surtout deux circuits d’obtention de biens de consommation : le travail<br />

domestique et le marché du travail. <strong>La</strong> décision de faire appel à chacun de ces circuits est<br />

prise au sein du ménage et dépend du temps disponible pour le travail. Ainsi, certains<br />

membres de la famille seront censés participer aux activités domestiques spécifiques et<br />

d'autres au travail économique.<br />

Cette assignation différentielle de rôles selon le sexe, l’âge et le lien de parenté permet de<br />

supposer que le degré de compulsion à développer un travail extradomestique ou un travail<br />

domestique est différent pour chacun des membres du ménage. Par conséquent, la<br />

participation de chaque membre dans les diverses activités de reproduction quotidienne<br />

(extradomestiques ou domestiques) dépend de ce système d’assignation de rôles. Mais aussi<br />

de l’ensemble des capacités du ménage et de l’ensemble des besoins générés à partir du statut<br />

socioéconomique d’appartenance du ménage.<br />

En résumé, nous considérons que la participation des enfants dans les diverses activités<br />

résulte d’une décision prise dans la famille, comme partie de l’ensemble d’actions destinées à<br />

faire face aux besoins de reproduction quotidienne de la famille. Dans ce sens, nous parlons<br />

de la conservation, voire de l’augmentation, d’un niveau et d’un style de vie sociale et<br />

culturelle déterminés, et pas seulement des besoins qui concernent la survie des familles<br />

pauvres. Comme les ressources ou les capacités de la famille pour répondre à ses besoins sont<br />

limitées par les caractéristiques sociodémographiques des membres du ménage, l’utilisation,<br />

pour l’autoconsommation, travail domestique et autoservice). Les extradomestiques : entrée sur le marché du<br />

travail d’autres membres ou augmentation du temps de travail des membres actifs.<br />

46


en termes qualitatifs et quantitatifs, de ces ressources potentielles et disponibles, dépendra de<br />

deux aspects principalement. D’un côté, du système de normes d’assignation de rôles, ou de<br />

tâches, prévalant au sein du ménage. De l’autre côté, des limites ou des possibilités d’action<br />

qu’imposent les structures à chaque membre du ménage, selon ses particularités.<br />

Du point de vue des stratégies de vie, les ménages prennent leurs décisions d’action selon leur<br />

structure familiale, dont la composition sociodémographique, le type d’arrangement familial,<br />

les ressources humaines et économiques. Dans le cadre de relations de genre et des<br />

générations qui dominent au sein du ménage, elles peuvent favoriser certains membres de la<br />

famille selon le sexe ou l’âge (CLADEHLT, 1995 ; Grootaert et Kanbur, 1995 ; Camacho,<br />

1999 ; Mier y Terán et Rabell, 2001 ; Estrada Quiroz, 2005). Plusieurs études ont montré<br />

l’importance des caractéristiques du chef du ménage sur la participation des enfants dans les<br />

activités domestiques et extradomestiques, mais la place de la mère reste un peu dans l’oubli<br />

des études. Seulement Levison, Moe et Knaul (2001) ont analysé l’importance du niveau<br />

scolaire de la mère, en tant qu’indicateur de la valorisation de l’éducation des enfants vis-à-vis<br />

du travail. Or, dans l’étude d’autres sujets, l’importance de la mère sur le devenir des enfants<br />

a été prouvée (Bertaux-Wiame et Muxuel, 1996 ; Clément, 2009). C’est pourquoi nous tenons<br />

à considérer dans cette recherche certaines caractéristiques de la mère, en tant que<br />

coresponsable de la vie familiale.<br />

Pour finir, une autre approche du sujet qui nous intéresse est celle qui part de l’utilisation de<br />

la théorie des représentations sociales. <strong>La</strong> connaissance du sujet est appréhendée à partir des<br />

idées des enfants travailleurs eux-mêmes.<br />

I.3.3. <strong>La</strong> théorie des représentations sociales consacrée au sujet du travail des enfants.<br />

Cette approche nous intéresse spécialement parce que nous soutenons l’idée que les<br />

représentations amènent à se poser des questions sur les pratiques et que la compréhension<br />

des pratiques n’est pas possible sans considérer les représentations. <strong>La</strong> représentation sociale<br />

nous semble un moyen privilégié pour que les personnes décrivent leur manière de voir le<br />

monde, et tout ce qui le compose, dans un contexte précis. Et ainsi, une base pour donner du<br />

sens aux pratiques. Une approche que nous allons utiliser dans cette étude.<br />

47


Nous considérons une représentation, tout court, comme une manière de donner sens aux<br />

choses et aux êtres de notre entourage. Il s’agit d’une construction mentale de l’objet,<br />

inséparable de l’activité symbolique d’une personne. Comme le souligne Herzlich (1972), à<br />

travers le langage l’on construit des concepts et des notions qui permettent de concrétiser et de<br />

communiquer les sensations, les émotions et les réponses produites en nous par tout ce qui<br />

nous entoure.<br />

Néanmoins, il existe des liens entre l’individuel et le collectif. Etant donné que les personnes<br />

vivent dans des contextes socialement et culturellement déterminés, les représentations<br />

« mentales » de la « réalité » tendent à être semblables à celles d’autres personnes de leur<br />

entourage, d’un groupe. Mais, il faut aussi considérer qu’il existe des variations individuelles<br />

et des variations spatiales et temporelles qui font des représentations, des éléments malléables<br />

et en transformation continuelle (Flament, 1989 ; Moscovici, 1991).<br />

Les représentations circulent grâce à des processus de communication et sont, en partie,<br />

partagées, distribuées socialement. On peut les considérer comme des idées, des<br />

connaissances et des croyances, des façons de penser, d’agir ou de parler, ou encore, des<br />

systèmes de valeurs, d’idées et de pratiques. Les représentations mentales qui sont<br />

socialement élaborées et partagées sont connues comme « représentations sociales ». Certains<br />

idées et arguments tendent à être exprimés de façon récurrente par différents groupes, ce qui<br />

permet de parler de présupposés socialement ou culturellement partagés (en partie seulement).<br />

C'est-à-dire que les représentations sociales circulent en dehors de l’ensemble restreint des<br />

individus qui les ont produites (Wibeck et al., 2004).<br />

Les représentations sociales nous guident sur : la façon de nommer et de définir ensemble les<br />

différents aspects de la réalité quotidienne ; la façon de les interpréter, statuer sur eux et le cas<br />

échéant, prendre une position à leur égard et la défendre (Jodelet, 1989). Selon Moscovici<br />

(1976), les représentations sociales ne sont pas le produit d’élaborations théoriques<br />

complexes, mais des formes de connaissance pratique, dirigées vers l’action et l'interaction<br />

avec le monde social et naturel.<br />

Néanmoins, les éléments d’une représentation sociale ne sont pas tous sujets à une même<br />

variabilité. Il existe des éléments hautement individualisés qui se transforment facilement,<br />

tandis que d’autres, plus résistants au changement, apparaissent dans toutes et chacune des<br />

48


eprésentations du groupe en question. Dans un groupe déterminé, les constants échanges<br />

d’information et les interactions entre les individus font que les représentations sociales<br />

s’associent entre elles. Certaines d'entre elles servent de base à la construction de nouvelles<br />

représentations sociales, fonctionnant ainsi comme des principes logiques qui donnent une<br />

cohérence à l’ensemble. Cet ensemble organisé agit comme une série de normes qui<br />

déterminent les diverses façons par lesquelles les individus du groupe conçoivent et<br />

interagissent avec leur entourage, en constituant ainsi ce qu’on appelle des systèmes de<br />

représentation sociale (Flament, 1989 ; Abric, 1994).<br />

Il faut signaler que la structure de base du groupe consiste en un lien social entre trois<br />

personnes : soi, autrui et un observateur. Ces trois personnes s’engagent dans un processus<br />

dont le produit est une représentation de leur être-ensemble, avec ses contradictions, conflits,<br />

solidarités, désaccords et conciliations. Ces représentations sont partagées par les membres<br />

d’un groupe. Chaque fois que nous faisons une recherche sur les représentations sociales,<br />

nous faisons aussi une recherche sur la culture. Dans ces représentations, se retrouvent des<br />

éléments qui renvoient à chacun des membres et à la totalité qu’ils constituent, et chaque<br />

membre possède une représentation qui est toujours une synthèse entre le soi, l'autrui et<br />

l’observateur. On vise à les identifier, à comprendre leur origine et la manière dont elles<br />

fonctionnent dans la vie sociale. Les trois éléments caractérisant l’ensemble du groupe (soi,<br />

autrui, observateur), la négociation de signification et les affirmations au travers du dialogue,<br />

ainsi que la pluralité du groupe, sont tous indicatifs de la manière dont les formes<br />

symboliques sont générées dans la vie sociale (Jovchelovitch, 2004).<br />

<strong>La</strong> théorie des représentations sociales offre un point de départ théorique et analytique fécond<br />

pour étudier les communications à propos de phénomènes nouveaux et complexes, renvoyant<br />

à des phénomènes spécifiques qui sont prégnants, et parfois contestés dans la société (Wibeck<br />

et al., 2004). Vu que notre sujet d’étude est un sujet sensible, nous avons trouvé que la théorie<br />

des représentations sociales du travail des enfants, ainsi que d’autres activités propres à<br />

l’enfance, comme la scolarisation et le travail domestique, nous donnent des outils pertinents<br />

pour approfondir la connaissance du sujet, notamment à partir du récit des propres enfants.<br />

L’on considère que les représentations sociales ne sont pas fortuites. Dans les formes<br />

individuelles, les représentations sociales reflètent la nécessité inhérente à l’être humain de<br />

s’orienter et de se défendre dans la vie. Et, dans les formes collectives, les représentations<br />

49


sociales reflètent les intérêts de certains groupes sociaux, soit de classes sociales, de genres,<br />

d’ethnies, de générations, des élites de pouvoir ou de groupes sociaux exclus ou opprimés par<br />

le pouvoir ou socialement marginalisés. Le concept de représentation sociale est utilisé avec<br />

l’objectif de signaler et de comprendre des aspects parfois cachés ou niés de la réalité et des<br />

points de vue des enfants travailleurs. Nous allons évoquer plus bas quelques exemples<br />

d’études faites sous cette approche.<br />

Certaines de ces études montrent, selon Liebel, que « (…) dans les sociétés occidentales<br />

bourgeoises surgissent et s’institutionnalisent certains “discours” normatifs, lesquels<br />

pratiquement imprègnent un cachet idéologique à ce phénomène. (…) Implicitement, l’on<br />

attribue à l’enfant, aux enfants, à l’enfance quelque chose, qui apparemment leur<br />

correspond ; par exemple des caractéristiques ou des capacités et des habiletés ou le manque<br />

de capacités ou d’habiletés, qui légitiment une position sociale déterminée, ou même la<br />

marginalisation sociale. » (2003 : 70). 21 A partir de ces « discours normatifs », on mesure et<br />

l'on juge la réalité, et plus encore, on désigne la perception et la représentation de ce que l’on<br />

considère comme la réalité. A ce propos, Domic Ruiz (1999) signale que la représentation<br />

n’est pas le monopole des élites de pouvoir et des groupes sociaux dominants, elle est aussi<br />

l’interprétation d’expériences quotidiennes.<br />

L’une des premières études sur la représentation sociale du travail des enfants est celui de Da<br />

Silva Telles et Abramo. Les auteurs jugent, dans leur étude sur les enfants travailleurs à São<br />

Paulo, que les enfants travailleurs « n’apparaissent jamais comme des sujets d’expériences<br />

importantes, quoi qu’ils puissent éventuellement éclaircir et aider à déchiffrer les multiples et<br />

diverses pratiques à travers lesquelles les travailleurs confrontent leurs conditions de vie. »<br />

(1987 : 198). Ces auteurs proposent depuis de traiter le sujet de manière différente à ce qui est<br />

usuel. Selon ces auteurs, les données « objectives » doivent être considérées comme des<br />

situations vécues « (…) pensées et élaborées à l’intérieur d’un univers symbolique croisé par<br />

des valeurs et des représentations avec lesquelles les hommes, les femmes et les enfants<br />

interprètent les conditions imposées, en traduisant, dans leurs expériences quotidiennes, les<br />

déterminations dans lesquelles ils sont submergés, dans un effort toujours novateur pour<br />

21 Ces processus sont aussi analysés sous d’autres perspectives, par exemple dans l’étude argentine sur les<br />

enfants de la rue que font Grima et Le Fur (1999). Ils affirment que « Lorsque les gens croisent ces enfants, ils<br />

les assignent uniquement des attributs “de la rue”, ce qui nie les caractéristiques propres de leur enfance (…) »<br />

(1999 : 52).<br />

50


conférer du sens à leurs vies et au monde auquel ils appartiennent. » (Silva Telles et Abramo,<br />

1987 : 198). Da Silva Telles et Abramo interprètent les discours des enfants comme une<br />

« double valorisation du travail ». D’un côté, le travail est perçu comme une conquête<br />

d’autonomie dans un espace de sociabilité propre (connaître d’autres personnes ou d’autres<br />

endroits) et les possibilités, restreintes et partielles, d’administrer leur vie, grâce à l’argent<br />

qu’ils obtiennent. D’un autre côté, le travail est considéré comme une façon d’obtenir une<br />

plus grande légitimité au sein de la vie domestique, en tant que pourvoyeurs de la famille.<br />

Cependant, malgré l’idée de « plus grand espace de reconnaissance, de liberté et<br />

d’autonomie » qu’expriment les enfants à propos de leur travail, les auteurs signalent que,<br />

dans la pratique, la reconnaissance, la liberté et l’autonomie sont assez restreintes, tant au sein<br />

de la famille comme sur le lieu de travail.<br />

Ramanathan (1996) a fait une étude sur la façon de percevoir les lois sur le travail des enfants<br />

en Inde. Le discours témoigne de certaines perceptions qui conditionnent les attitudes prises.<br />

Pour certains, le travail des enfants est vu comme un capital, un « actif ». Par conséquent, « la<br />

limitation légale due à la minorité met cet actif à la disposition de personnes autres que<br />

l’enfant lui-même ». Pour d’autres, le travail est ce qui maintient l’équilibre entre la survie et<br />

la ruine de leurs familles. En permettant aux enfants de travailler, « l’Etat se décharge ainsi<br />

d’une partie de sa responsabilité : s’occuper du problème des salaires du travailleur adulte,<br />

qui sont aujourd’hui de “sous-survie”. » Enfin, on établit aussi des liens entre la pauvreté et<br />

la croissance de la population. D’une part, la croissance de la population est perçue comme<br />

« (…) synonyme de problème de population, et les pauvres comme y contribuant directement<br />

(…) c’est la responsabilité totale et entière des pauvres qui ont beaucoup d’enfants et qui<br />

éprouvent des difficultés à gagner leur vie (…) » (1996 : 225). Le travail des enfants est alors<br />

le prix de la pauvreté auto-infligée, car les enfants travailleurs sont des enfants pauvres, dont<br />

les familles ont, elles-mêmes, la responsabilité d’être pauvres. D’autre part, l’éradication du<br />

travail des enfants serait la solution pour décourager les parents pauvres d’avoir une<br />

nombreuse progéniture. Par ailleurs, puisque la pauvreté persiste, certains proposent de<br />

trouver des schémas d’éducation plus imaginatifs et adaptés pour rendre, aux yeux des parents<br />

pauvres, la scolarisation plus intéressante que le travail.<br />

Un autre exemple est l’étude de Domic Ruiz (1999) qui a interviewé des enfants travailleurs<br />

et leurs parents avec l’objectif d’approfondir la représentation sociale de l’enfant, de l’enfance<br />

51


et du travail des enfants en Bolivie. 22 Il a cherché à connaître aussi les conséquences de ces<br />

représentations sociales sur les pratiques des enfants. Selon les résultats de son étude, les<br />

enfants travailleurs, ainsi que leurs parents, considèrent le travail important, notamment parce<br />

qu’il est source de revenus économiques, un soutien pour la famille et une possibilité pour les<br />

enfants de vivre seuls. Avoir de l’argent est synonyme de pouvoir (notamment en matière<br />

d’achat et de décision). Un pouvoir qui donne de la confiance et de l’assurance aux enfants,<br />

lesquels d’habitude sont censés être dépendants et protégés. Domic Ruiz signale que les<br />

enfants travailleurs ont un niveau de compétence sociale très développé, car ils connaissent<br />

bien leur entourage social. Ils ont structuré des stratégies de comportement pour répondre de<br />

façon efficace et créative à n’importe quelle situation. Le fait d’apporter de l’argent à la<br />

famille contribue à faire des enfants travailleurs des sujets capables d’assumer des<br />

responsabilités, ils ne sont plus des « enfants invisibles ». Mais le travail a aussi une « grande<br />

valeur sociale » parce qu’il est un synonyme de responsabilité, de dévouement et d’une<br />

attitude positive envers la vie. Il trouve dans les discours des enfants travailleurs beaucoup<br />

d’éléments qui vont au-delà de l’argent, des éléments qui récupèrent l’essentiel du travail en<br />

tant qu’activité productive, transformatrice et porteuse de valeurs sociales.<br />

Concernant l’école, les enfants trouvent de plus grandes bénéfices dans le travail que dans la<br />

scolarisation à cause de résultats immédiats. Les revenus du travail permettent parfois d’être<br />

scolarisés. Cependant, la scolarisation est perçue comme un moyen d’avoir plus des<br />

possibilités de travail et de mieux se défendre dans la vie. Mais évidemment, les enfants<br />

travailleurs ne voient pas que les côtés positifs de leur activité, ils critiquent aussi la<br />

maltraitance, la discrimination et leur exploitation. Selon Domic Ruiz, le discours des enfants<br />

travailleurs sur leur origine socioculturelle, leur position sociale et leur interprétation de la<br />

réalité, révèle un degré de conscience et de connaissance surprenant, qui répond à un long<br />

processus d’expériences vécues à cause de leur position sociale et de leur entrée dans le<br />

monde de travail.<br />

22 L’étude de Domic Ruiz s’appuie sur des garçons indigènes (Aymaras) âgés de 10 à 14 ans qui travaillaient<br />

dans les rues de <strong>La</strong> Paz et El Alto, Bolivie. L’étude a eu une durée de recueil des données de onze mois, avec la<br />

participation de 360 enfants et adultes au total. L’auteur a utilisé diverses méthodologies pour le recueil des<br />

données : entretiens collectifs, entretiens individuels, enquêtes.<br />

52


Pour sa part, Lucchini (1998) montre aussi, dans une étude qui porte sur les formes de travail<br />

et les significations de celles-ci pour les enfants travailleurs dans les rues de Montevideo, 23<br />

qu’ils ont des idées et des images de l’« enfance » et du « travail des enfants » qui sont loin de<br />

l’idéal ou du mythe occidental de l’enfance et qui influent sur leur propre image et sur leur<br />

comportement. L’auteur affirme que, dans la plupart des cas, les conditions de travail des<br />

enfants sont précaires et instables. En général, les périodes d’inactivité alternent avec les<br />

périodes de travail. Les obligations scolaires sont souvent la cause de cette alternance. Et ce<br />

sont les enfants eux-mêmes qui prennent la décision d’arrêter ou de continuer. <strong>La</strong> plupart des<br />

interviewés travaillent délibérément de façon indépendante. Par ailleurs, les enfants préfèrent<br />

travailler plutôt que de mendier parce que le travail donne aux enfants le sentiment d’être<br />

utiles et d’avoir une certaine capacité. Etant donné que le sujet de l’acceptation sociale de leur<br />

activité est important pour les enfants travailleurs dans les rues, les deux aspects les plus<br />

positifs de leur travail, selon eux, sont : « se sentir utiles » et « le fait de pouvoir agir eux-<br />

mêmes et de ne pas dépendre de la bonne volonté d’autrui », en plus de constituer une source<br />

de revenus. L’auteur décrit une série de caractéristiques du travail exercé par les enfants dans<br />

les rues, ainsi que le processus d’entrée/évolution de leur activité. <strong>La</strong> recherche de Lucchini<br />

insiste sur les conditions de travail et l’autonomie dans le travail.<br />

Une autre étude intéressante sur la représentation du travail des enfants est celle d’Invernizzi<br />

(2003), à propos de la diversité des discours et des positions actuelles des acteurs concernés<br />

par le travail des enfants. Quant à la question : sommes-nous contre ou pour le travail des<br />

enfants ? les réponses se concentrent surtout dans deux champs opposés, même si au milieu se<br />

situent des discours de plusieurs ONG : « L’un décrit l’enfant comme victime de son travail et<br />

préconise des mesures d’élimination du travail des enfants ou éventuellement de protection.<br />

L’autre présente en revanche les enfants travailleurs comme des acteurs compétents qui<br />

revendiquent leur droit à travailler tout en luttant contre l’exploitation. » (Invernizzi, 2003 :<br />

459-460). Des oppositions qui naissent des différentes représentations sociales sur le travail et<br />

l’enfance. A propos du travail, on sait que sa représentation sociale « varie selon les époques,<br />

les régions géographiques et les groupes sociaux. (…) Dans les faits, la définition de ce qui<br />

est admis pour les enfants varie fortement d’un contexte et d’une catégorie sociale à l’autre,<br />

de la situation de la famille et surtout, des conditions économiques. » (Invernizzi, 2003 : 469).<br />

23 Lucchini a observé et interviewé, pendant six mois, 40 garçons âgés de 12 à 15 ans qui travaillent dans les rues<br />

de Montevideo, Uruguay. L’étude est basée principalement sur de l’observation participante dans les rues où<br />

travaillaient les enfants, et dès que possible, de façon spontanée, il discutait avec eux.<br />

53


« Le travail peut représenter simultanément une forme d’exploitation, un moyen pour<br />

acquérir des revenus indispensables, une forme de socialisation et un moyen de participation<br />

sociale valorisée. » (Invernizzi, 2003 : 471). Concernant l’enfance, dans les sociétés<br />

industrialisées en Occident, les enfants ont progressivement perdu toute valeur économique,<br />

en gagnant en revanche une valeur essentiellement affective (Zelizer, 1992, cité in Invernizzi,<br />

2003). <strong>La</strong> vie quotidienne des enfants est de plus en plus structurée par les adultes, l’école<br />

étant reconnue comme le travail légitime (Qvortrup, 2000, cité in Invernizzi, 2003). Et bien<br />

évidemment, le travail des enfants est inacceptable, une idée qui a été exportée aux pays en<br />

développement. Il s’agit de ce que Boyden appelle la globalisation de l’enfance (1990, cité in<br />

Invernizzi, 2003). Tandis que dans d’autres contextes sociaux et culturels, la représentation de<br />

l’enfance admet l’entrée de l’enfant dans la sphère productive et, à certaines conditions, on<br />

considère cette expérience positive. Plusieurs recherches récentes montrent que plus que<br />

l’âge, l’expérience, la socialisation et l’identité de l’enfant sont essentielles pour comprendre<br />

ses besoins. L’idée qu’il soit ou qu’il ne soit pas compétent pour une tâche donnée en raison<br />

de son âge devrait ainsi être systématiquement remise en question. C’est justement une telle<br />

vision des choses que les discours des mouvements d’enfants travailleurs mettent à l’épreuve,<br />

en refusant d’être exclus à la fois de la sphère du travail et de la sphère politique (Invernizzi,<br />

2003).<br />

Une étude originale est celle de Wihstutz (2007) qui étudie la signification du travail<br />

domestique et du travail de surveillance domestique (care work) auprès des enfants<br />

germaniques. 24 A partir d’entretiens semi-directifs, elle a discuté avec les enfants sur des<br />

thèmes comme : la participation, l’appartenance sociale, et les implications de leur travail sur<br />

les relations de genre et de génération. D’une approche centrée sur l’enfant, c’est-à-dire avec<br />

l’enfant comme expert de ses propres droits, elle conclut que le ménage est le lieu où la<br />

plupart des enfants travaillent. Les enfants considèrent leur travail (sans revenu) comme une<br />

contribution importante à l’organisation familiale et au bien-être de la communauté (car ils<br />

font souvent du bénévolat chez des personnes âgées). Elle trouve que l’importance que les<br />

enfants donnent au travail domestique ou au travail de surveillance domestique (care work),<br />

dépend des intérêts et des nécessités de chaque enfant, lesquels sont influencés par leur<br />

origine culturelle et socioéconomique, ainsi que par la qualité des relations (de genre et de<br />

génération) existantes dans la famille. Les enfants qui travaillent dans un contexte familial ou<br />

24 L’auteur a interviewé des filles et des garçons âgés de 9 à 15 ans à Berlin.<br />

54


communautaire participent et font partie d’une relation complexe entre structure et institution,<br />

choix et contrainte, autonomie et appartenance. Un premier pas pour admettre que la<br />

participation des enfants est fondamentale dans la société serait de développer un concept de<br />

travail capable d'admettre la valeur de la contribution sociale, ainsi que de la contribution<br />

économique du travail domestique des enfants.<br />

Au Mexique, les études sur la représentation sociale du travail des enfants ont débuté tôt, mais<br />

elles restent peu nombreuses. Taracena et Tavera (1996) ont réalisé diverses recherches sur<br />

les représentations du travail des enfants chez les enfants travailleurs dans les rues. Au cours<br />

d’une première étude en 1992, l’objectif était de « (…) connaître la représentation suscitée<br />

par le phénomène de travail des enfants dans la rue et pour savoir quelle image, socialement,<br />

on a de lui. » (Taracena et Tavera, 1996 : 203). Elles ont alors comparé les représentations<br />

obtenues par leurs entretiens auprès des enfants travailleurs et leurs propres constats, avec ce<br />

que disaient la presse écrite et la population adulte. 25 Dans une deuxième étude en 1993, les<br />

auteurs ont voulu connaître la représentation que les enfants travailleurs se faisaient de leur<br />

situation de travail. Mais étant donné l’importance de la situation familiale sur la situation de<br />

travail chez les enfants interviewés dans la première étude, elles ont décidé d’approfondir le<br />

thème de la relation entre l’enfant et sa famille. En plus, elles ont ajouté un nouveau groupe<br />

d’enfants travailleurs, les cerillos. Il s’agit d’enfants « (…) qui aident à mettre les courses des<br />

clients du supermarché dans les sacs en plastique et à les transporter jusqu'à leur voiture en<br />

échange d’un pourboire. » (Taracena et Tavera, 1996 : 207). 26 Ils n’ont ni salaire, ni<br />

prestations sociales, ni assurance en cas d’accident. Ils ont juste le droit de recevoir des<br />

pourboires, qui dépassent aisément la valeur du salaire minimum (peut être doublé ou triplé).<br />

Les journées de travail sont de 4 à 6 heures. Cela concerne des enfants de 14 à 16 ans, même<br />

si l’on trouve parfois des enfants de moins de 14 ans. Pour être accepté, il faut fréquenter<br />

l’école et avoir de bonnes notes, ainsi qu’un accord écrit des parents. 27<br />

Les principaux résultats de l’analyse de contenu des entretiens des deux études, suggèrent que<br />

les perceptions et les représentations sur les enfants qui travaillent dans les rues sont parfois<br />

25<br />

Elles ont interviewé (des entretiens semi-directifs) 45 enfants, filles et garçons travailleurs dans les rues de<br />

Mexico, ainsi que 67 habitants adultes. Et elles ont aussi analysé 37 articles de journaux et magazines.<br />

26<br />

Ce métier est très répandu dans le milieu urbain du Mexique. Selon l’INEGI, autour de 75 000 enfants seraient<br />

concernés en 1999 (INEGI, 2008).<br />

27<br />

Elles ont interviewé 36 enfants en utilisant des entretiens semi-directifs, dont 12 cerillos (dont 3 filles) et 24<br />

travailleurs dans les rues (dont 3 filles).<br />

55


incertaines (la scolarité des enfants dépend de leur activité, mais la plupart sont scolarisés ; les<br />

enfants ne se sentent pas mal acceptés quand les personnes ont besoin de leurs services, même<br />

si la presse les considère tous comme des individus inutiles pour la société, des mendiants.).<br />

Mais toutes les choses écrites dans la presse ou dites à travers l’opinion publique ne sont pas<br />

fausses, il y a des faits réels (en général, les enfants sont âgés de 7 à 16 ans ; notamment des<br />

garçons ; une majorité des vendeurs…). <strong>La</strong> situation, les conditions et les caractéristiques des<br />

enfants qui travaillent dans la rue dépendent du type d’emploi, de même que du type de lien<br />

avec la famille. Les auteurs montrent les différences entre trois groupes d’enfants : vendeurs,<br />

travailleurs des services et travailleurs des spectacles. Les vendeurs sont les plus nombreux, et<br />

avec ceux des services, la plupart ont un lien avec leur famille. Et ceux des spectacles sont les<br />

plus risqués, ils vivent souvent dans la rue 28 et n’ont pas de relation avec leur famille<br />

(Taracena et Tavera, 1996).<br />

Enfin, une autre étude plus récente est celle réalisée dans le cadre d’un mémoire de DEA.<br />

Araiza Díaz (2004) a interviewé des adolescents travailleurs dans un quartier populaire de la<br />

zone métropolitaine de la ville de Mexico. 29 L’auteur a trouvé que « l’argent » est le sujet le<br />

plus récurrent parmi les adolescents lorsque l’on parle travail. Le travail est un moyen pour<br />

satisfaire leurs besoins matériels et provoque chez les adolescents un sentiment d’autonomie.<br />

Selon les participants, un adolescent travailleur est quelqu’un de responsable, vaillant et<br />

indépendant, qui travaille pour aider sa famille ou payer ses études ; il sait valoriser les choses<br />

et, à la différence des non travailleurs, n’est plus en train de faire des bêtises, car il se trouve<br />

bien placé dans la réalité. Les adolescents travailleurs soulignent comme des aspects négatifs<br />

du travail, l’exploitation et l’abandon scolaire motivé par l’envie de gagner plus d’argent.<br />

L’auteur a analysé trois aspects en relation directe avec le travail des enfants : scolarisation,<br />

famille et genre. Il semblerait que le travail est envisagé comme un avenir possible après<br />

l’échec scolaire. Chez la majorité des garçons interviewés, l’échec scolaire semble plus lié<br />

aux circonstances spécifiques de leur situation familiale qu’au travail. En général, l’école est<br />

vue comme un chemin trop long pour arriver aux mêmes buts. A propos des relations de<br />

28 Les enfants qui habitent dans la rue sont connus comme « enfants des rues » (niños de la calle), un terme<br />

popularisé par l’UNICEF dans les années 80. Il faut souligner que tous les enfants qui travaillent dans la rue ne<br />

sont pas des « enfants des rues ».<br />

29 L’auteur a interviewé 9 adolescents travailleurs d’Ecatepec et 2 autres d’un autre quartier. Elle a de même<br />

séjourné plus d’un mois chez une famille du quartier dont les enfants travaillaient et en a profité pour réaliser<br />

divers entretiens plus spontanés avec la famille, des voisins et des amis. Elle a aussi appliqué 34 questionnaires à<br />

collégiens non travailleurs du quartier. Elle a réalisé une analyse de contenu et une analyse de texte, en se servant<br />

du système d’exploitation de données qualitatives, ALCESTE.<br />

56


genre, étant donné que, traditionnellement, la femme appartient à l’espace domestique, les<br />

filles sont considérablement moins encouragées à travailler. Pour elles, le travail est plus une<br />

circonstance qu’un avenir. L’image des rôles de genre des adolescents est très proche de celle<br />

établie par la société traditionnelle mexicaine.<br />

Conclusions<br />

Faire le point sur la place du sujet du « travail des enfants » dans le monde académique<br />

international permet de mieux comprendre les vides et les problèmes théoriques et<br />

méthodologiques, ainsi que les défis et les besoins de recherche, mais aussi de valoriser<br />

l’évolution notable, dans les dernières années, dans la manière de traiter le sujet. En effet, la<br />

transition du XXe au XXIe siècle a représenté un tournant important, grâce à l’apparition de<br />

nouvelles façons d’appréhender l’enfance, d’être à l’écoute des enfants concernés, et<br />

d’observer « objectivement » la réalité qui les entoure. L’on accepte maintenant la complexité<br />

et l’hétérogénéité que caractérisent les enfants travailleurs, et ainsi, les approches se<br />

multiplient en essayant de saisir leur diversité, en respectant à la fois leurs particularités.<br />

Avec notre cadre théorique de référence, nous proposons une manière intégrale d’approcher<br />

les enfants travailleurs, dont les trois dimensions sociales — individuelle, familiale et<br />

contextuelle — sont prises en compte, directement ou indirectement. En effet, les enfants<br />

travailleurs font partie d’une famille et d’une société spécifiques où leur travail prend du sens.<br />

C’est-à-dire que pour comprendre l’importance du travail dans la vie des enfants, il faut les<br />

replacer dans leur contexte.<br />

Nous cherchons aussi une approche plus étendue que celle suggérée par la vision moderne de<br />

l’enfance. En partant de l’idée que les enfants ne sont pas indifférents à la réalité qui les<br />

entoure, dès leur jeune âge, ils peuvent réagir, selon leurs possibilités, à des besoins et des<br />

projets personnels et familiaux. Ils sont des acteurs coresponsables de leur vie avec les<br />

parents, même s’ils sont limités par leur contexte social et familial, par leur âge. Les enfants<br />

travailleurs deviennent alors des sujets actifs à l’intérieur et à l’extérieur du sein familial ; des<br />

sujets qui trouvent ou qui cherchent un espace de participation quotidienne, au-delà des<br />

milieux familial et scolaire, environnements privilégiés de l’enfance moderne.<br />

57


D’ailleurs, le travail dans la vie des enfants ne peut pas être réduit à sa pratique ; connaître sa<br />

signification, son sens, sa symbolique, ses non-dits, toutes les idées qu’il porte sont aussi<br />

importantes pour comprendre la préservation de cette pratique. Une pratique historiquement et<br />

culturellement encouragée dans des groupes étendus de la société mexicaine, mais qui va<br />

actuellement à l’encontre des discours officiels nationaux et internationaux. Dans ce sens, la<br />

représentation sociale du travail des enfants constitue un moyen complémentaire pour<br />

approfondir notre sujet d’intérêt, car nous partageons ce qui dit Schwartz à ce propos : « Les<br />

représentations informent en profondeur les pratiques elles-mêmes, elles participent à leur<br />

genèse sans pour autant échapper au décalage qui s’insinue nécessairement entre pensée et<br />

actes. » (1990 : 205).<br />

58


CHAPITRE II<br />

Les enfants travailleurs sous deux approches : méthodologie et sources de données<br />

Dans ce chapitre, nous discutons sur la manière que nous avons choisie de traiter notre<br />

recherche, nos motivations et nos justifications, ainsi que les limites. Tout d’abord, étant<br />

donné que le travail des enfants n’est pas un sujet avec un cadre conceptuel bien défini, il<br />

s’impose d’en construire un qui guide sans ambiguïté nos analyses. Ensuite, nous présentons<br />

les méthodes que nous utilisons pour chacune des approches exploitées : qualitative et<br />

quantitative, ainsi que la description et l’évaluation des sources de données qui fournissent<br />

l’information de cette étude.<br />

II.1. Les enfants travailleurs : notre cadre conceptuel de référence.<br />

Selon le sociologue allemand Fürstenberg (1997 : 21) : « Le premier pas vers la connaissance<br />

du monde consiste en la transformation des perceptions en des concepts. Seulement avec cet<br />

effort d’abstraction, la communication interpersonnelle, c’est-à-dire l’expression de ce qui est<br />

réel, devient possible. Etant donné la multiplicité de significations qu’ont les mots du langage<br />

quotidien, les concepts scientifiques doivent être nets et exacts. (…) Un concept scientifique<br />

naît au moment de déterminer un phénomène de manière généralisable par le chemin d’une<br />

définition de ses caractéristiques distinctives. » 30 Pour sa part, l’économiste américaine<br />

Levison (2007), spécialiste du travail des enfants, soutient que les définitions ne semblent pas<br />

être fondamentales dans le domaine qualitatif, par contre, dans le domaine quantitatif, elles<br />

sont essentielles, parce que les définitions ainsi que les méthodologies utilisées affectent les<br />

résultats quant à la magnitude du phénomène.<br />

Or, dans notre étude, le premier problème qui s’est posé est justement l’absence d’une<br />

définition propre du « travail des enfants ». Un tel flou conceptuel oblige, plus que jamais, à<br />

30 Traduction de l’auteur. “El primer paso hacia el conocimiento del mundo consiste en la transformación de<br />

percepciones en conceptos. Sólo con este esfuerzo de abstracción la comunicación interpersonal, es decir, la<br />

expresión de aquello que es real, se vuelve posible. Ante la multitud de significados que tienen las palabras del<br />

lenguaje cotidiano, los conceptos científicos deben ser claros y exactos. (...) Un concepto científico nace al<br />

determinar un fenómeno de una manera generalizante por el camino de una definición de sus características<br />

distintivas.”<br />

59


l’éclaircissement de notre propre cadre conceptuel. Un cadre qui a été élaboré à partir de<br />

critères opérationnels et selon les limites imposées par nos sources de données. Mais aussi en<br />

prenant en considération les réflexions, les propositions et les résultats d’autres études sur le<br />

sujet, ainsi que nos propres intérêts.<br />

II.1.1. Notre population objet d’études.<br />

<strong>La</strong> complexité du sujet a demandé une délimitation claire de notre population d’analyse, pour<br />

mieux connaître une partie de cette réalité si hétérogène. Dans ce processus de sélection, nous<br />

considérons fondamentalement deux aspects : le lieu de résidence (urbain ou rural) et l’âge<br />

des enfants, car le travail a des spécificités, des motivations, des conséquences et des<br />

problèmes différents selon ces deux critères. Cependant, la détermination de notre population<br />

d’étude répond aussi aux limites imposées par l’information statistique disponible dans les<br />

enquêtes et aux restrictions du travail de terrain. Etant donné l’importance du milieu familial<br />

dans notre approche du travail des enfants, nous limitons encore notre population objet<br />

d’étude à un groupe plus homogène par rapport au lien de parenté avec le chef de ménage,<br />

l’état civil et la fécondité d’Ego. Nous en parlerons par la suite.<br />

Le milieu de résidence<br />

Tout d’abord, en ce qui concerne le lieu de résidence des enfants, il faut dire que les enfants<br />

travailleurs urbains et ceux qui sont ruraux représentent deux mondes différents, dont les<br />

différences commencent par les conditions de vie et de développement de ces deux contextes<br />

(Tienda, 1979 ; Grootaert et Kanbur, 1995 ; Cos-Montiel, 2000 ; Levison, Moe, Knaul, 2001 ;<br />

Mier y Terán et Rabell, 2001 ; Estrada Quiroz, 2005 ; Oliveira, 2006 ; Vargas Evaristo, 2006).<br />

C’est pourquoi nous tenons à approfondir un seul de ces mondes. En l’occurrence, le cas des<br />

enfants travailleurs du milieu urbain, c’est-à-dire de ceux qui habitent en localités de 100 000<br />

habitants ou plus : les grandes villes (selon le classement de l’INEGI, Instituto Nacional de<br />

Estadística, Geografía e Informática 31 ). Car il s’agit d’un milieu en pleine expansion, où la<br />

population d’enfants est nombreuse. Et malgré l’important développement des villes du pays,<br />

31 L’Institut National de Statistique, Géographie et Informatique. Il est chargé de réaliser les enquêtes officielles<br />

au Mexique.<br />

60


il n’est pas rare d’y trouver des enfants travailleurs dans diverses conditions, et dans divers<br />

secteurs.<br />

Les études concernant le travail des enfants urbains au Mexique se sont concentrées<br />

notamment sur ceux qui travaillent dans les rues, soit les cas les plus visibles, les plus<br />

médiatisés et stigmatisés (Robles Berlanga, 2000 ; UNICEF-DIF, 2000 ; UNICEF-DIF-DF,<br />

2000). Mais les enfants travailleurs qui réalisent leurs activités de manière « plus cachée » ont<br />

été peu traités. Comme les enfants travailleurs domestiques (soit chez eux, soit chez un tiers),<br />

ainsi que tous ceux qui travaillent dans un milieu familial. Le manque de connaissance à ce<br />

propos répond surtout à deux causes. D’une part, la difficulté de repérer et d’approcher ces<br />

enfants : il s’agit d’une situation qui appartient à la vie privée des familles. D’autre part, le fait<br />

que le travail réalisé dans le propre ménage ou dans l’entreprise familiale est, en général,<br />

approuvé socialement et légalement : il est dispensé des lois interdisant le travail des enfants.<br />

En tout cas, il n’est même pas souvent considéré comme une forme de travail des enfants. Il<br />

nous a alors paru intéressant de plonger dans une telle problématique, où la modernité des<br />

grandes villes ne semble pas cohérente avec le développement d’une pratique qui semble<br />

plutôt traditionnelle.<br />

Pour faciliter la lecture, nous utiliserons par la suite le terme « urbain », tout court, pour faire<br />

référence aux grandes villes.<br />

Les enfants<br />

Nous avons déjà évoqué la subjectivité qui entoure le concept d’enfance, un concept<br />

socialement construit qui n’a pas un seul sens. Malgré toutes les possibles divergences quant à<br />

la perception d’enfance, un fait est incontestable, la préoccupation croissante pour les enfants<br />

dans pratiquement tous les domaines. Ce qui a demandé l’élaboration continue d’outils de<br />

collecte des données, afin d’approfondir cette étape de la vie et ce groupe de la population.<br />

Habituellement, l’on utilise dans les domaines de la recherche et des lois, le critère de l’âge<br />

chronologique pour définir les limites de l’enfance. Ce choix répond au fait qu’une définition<br />

basée sur l’âge chronologique des personnes est précise quantitativement et rend possible<br />

l’élaboration des indicateurs qui permettent la comparaison spatiale et temporelle. Elle s’avère<br />

l’unique façon de regrouper les enfants d’une manière objective et de rendre le concept<br />

61


applicable. En plus, la codification de la vie par rapport à l’âge chronologique représente l’un<br />

des aspects les plus visibles de notre époque. Selon Tuirán (1999), l’âge chronologique est<br />

une dimension éminente pour l’organisation sociale et pour la construction de la biographie.<br />

D’un point de vue individuel, l’âge chronologique est un trait central qui sert aux individus<br />

pour organiser, interpréter et donner une signification à leurs expériences. Et d’un point de<br />

vue social, l’âge chronologique est devenu l’un des principes les plus importants de<br />

l’organisation sociale.<br />

Toutefois, tout ce qui appartient à une tranche d’âges n’est pas forcément identique, et tous les<br />

enfants ne sont pas égaux dans tous les milieux (Gaitán, 2006). En plus, le passage du statut<br />

d’enfant à celui d’adulte n’est pas envisagé comme progressif, mais comme soudain, ce qui<br />

renforce l’opposition existante entre enfant et adulte (Leroy, 2009).<br />

Dans un article sur le concept de jeunesse, qui montre bien les limites d’une définition basée<br />

sur l’âge chronologique, Esteinou (2005) affirme que le concept de jeunesse a été conçu et<br />

opérationnalisé de diverses formes, selon les différentes disciplines. Les caractéristiques des<br />

jeunes et les transformations qu’ils vivent varient selon les sociétés, les cultures, les ethnies,<br />

les classes sociales et le genre. Mais quand il s’agit d’opérationnaliser le concept, on a<br />

tendance à privilégier le critère de l’âge chronologique comme indicateur de base, au-delà des<br />

paramètres socioculturels. Ce qui répond à une convention qui obéit à la nécessité pratique<br />

d’établir un critère capable de repérer les jeunes de façon simple et opérationnelle, ainsi qu’à<br />

la quête d’un paramètre général applicable à différents contextes et pays avec l’objectif de la<br />

comparabilité. D’après l’auteur, l’un des problèmes le plus importants en ce qui concerne<br />

l’utilisation du critère de l’âge chronologique est la tendance à donner une vision homogène<br />

de la jeunesse. Il existe implicitement l’idée que les individus d'une certaine tranche d'âges<br />

partagent une série d’intérêts et d’espoirs communs qu’ils expriment de la même façon. Mais<br />

la jeunesse n’est pas une unité homogène ni universelle.<br />

Ces observations sur la jeunesse sont tout à fait applicables à l’enfance. Des remarques qu’il<br />

faut avoir à l’esprit lors des analyses, car, le critère de l’âge chronologique reste le plus<br />

objectif. Or, il reste encore un problème d’ambiguïté à résoudre : la détermination de l’âge où<br />

l’enfance s’arrête. Les divergences qui existent actuellement sur la perception de l’enfance au<br />

niveau international, ainsi que les énormes différences entre les conditions de vie des enfants<br />

dans divers contextes socioculturels, rendent plus difficile la définition d'un âge précis pour la<br />

62


fin de l’enfance, ainsi que pour ses diverses étapes : nourrisson, bébé, petit enfant, enfant,<br />

préadolescent, adolescent.<br />

Une définition basée sur la perception de l’enfance moderne s’est imposée sur la scène<br />

internationale, celle de l’UNICEF, proposée dans le premier Article de la CIDE de 1989 :<br />

« L’enfant est défini comme tout être humain de moins de dix-huit ans, sauf si la loi nationale<br />

accorde la majorité plus tôt. » (UNICEF, 1990 : 6). 32 C’est-à-dire que l’enfance est définie<br />

selon un critère légal ; elle est devenue un synonyme de non-majorité civile 33 liée au cadre<br />

juridique de chaque pays. Même si cette définition reste incertaine, elle établit une limite qui<br />

ne serait jamais dépassée : 17 ans. <strong>La</strong> plupart des gouvernements, dont le Mexique et d’autres<br />

instances officielles, ont adopté cette définition, car leur législation s’y accorde. Cependant,<br />

dans le domaine scientifique, les spécialistes sur l’enfance ne coïncident pas toujours avec<br />

cette limite d’âge ni avec cette perception de l’enfance. De manière que les recherches sur<br />

l’enfance continuent d’inclure différents groupes d’âge, définis selon les intérêts, les données<br />

et les objectifs propres à chaque étude, et adaptés au contexte de référence, en configurant des<br />

groupes d’enfants âgés toujours en dessous de 18 ans.<br />

A la lumière des remarques évoquées plus haut, dans cette étude les « enfants » sont<br />

constitués de personnes âgées de 6 à 17 ans. L’âge limite inférieur répond surtout à deux<br />

contraintes. D’une part, la disponibilité de données statistiques sur la condition d’activité des<br />

personnes dans les sources de données officielles. 34 D’autre part, l’âge d’entrée au système<br />

scolaire qui est obligatoire et gratuit au pays à partir de 6 ans. A partir de cet âge tous les<br />

enfants sont censés assister à l’école. D’ailleurs, l’âge maximum de 17 ans s’accorde avec la<br />

définition de l’UNICEF sur la fin de l’enfance. Cette délimitation permet de faire de nos<br />

résultats matière de possibles comparaisons avec d’autres études, surtout des études élaborées<br />

dans le cadre des organisations internationales intergouvernementales et des institutions<br />

gouvernementales des divers pays. Mais dans un pays comme le Mexique, les conditions sont<br />

32<br />

Auparavant, certaines institutions intergouvernementales, comme l’OIT, considéraient comme enfants les<br />

moins de 16 ans.<br />

33<br />

Selon Le Petit Robert, la majorité est définie comme « L’âge légal à partir duquel une personne est capable<br />

de tous les actes de la vie civile. » « Majorité civile. » Pour sa part, le Diccionario de la Lengua Española définit<br />

« la mayoría de edad » comme « Edad que la ley fija para tener alguien pleno derecho de sí y de sus bienes. »<br />

(L’âge fixé par la loi, à partir duquel quelqu’un a le plein droit de soi-même et de ses biens).<br />

34<br />

Il faut souligner qu’au Mexique, les sources officielles de données sur le travail des enfants correspondent à<br />

des enquêtes pratiquées en 1997, 1999 et 2007. Les deux premières considèrent les enfants de 6 à 17 ans, tandis<br />

que la dernière, de 5 à 17 ans (l’inclusion des enfants âgés de 5 ans dans la dernière enquête répond seulement au<br />

fait que d’autres enquêtes internationales sur le sujet le font). Les autres enquêtes et les recensements ne<br />

recueillent d’information concernant l’activité des enfants qu’à partir de l’âge de 12 ans.<br />

63


propices pour qu’une grande partie des jeunes, après l’âge de 14 ans, mènent une vie qui<br />

ressemble plus à la vie des adultes qu’à celle des enfants.<br />

En considérant la situation des enfants mexicains des grandes villes ou urbains, nous avons<br />

décidé d’analyser cette population selon trois groupes d’âge : enfants (de 6 à 11 ans),<br />

adolescents (de 12 à 14 ans) et jeunes (15 à 17 ans). Par la suite, pour des raisons pratiques,<br />

nous nommons l’ensemble de notre population d’étude (enfants, adolescents et jeunes) les<br />

EAJ. Nous les classons, dans ces trois catégories, selon des critères institutionnels. <strong>La</strong><br />

détermination des âges pour la division de ces trois groupes est faite à partir de critères qui<br />

concernent principalement la participation dans les domaines de l’éducation, le marché du<br />

travail et la législation civile. En général, chaque groupe d’âges réunit des individus avec des<br />

possibilités de participation sociale semblables à l’intérieur du groupe, mais différentes avec<br />

les autres groupes d’âge (Tableau 1). Cependant, le critère fondamental pour le classement<br />

correspond au système scolaire national : primaria-enfants, secundaria-adolescents, medio<br />

superior-jeunes, parce qu’aujourd’hui, la vie et les activités des EAJ urbains s’organisent<br />

souvent en fonction des horaires scolaires, à cause de leur place importante dans leur vie,<br />

notamment lors des cycles obligatoires (primaria et secundaria), soit de 6 à 15 ans d'âge.<br />

Outre que les critères institutionnels, l’expérience, la qualification et les capacités des EAJ<br />

évoluent avec leur âge, la participation potentielle des enfants dans le monde du travail<br />

augmente au fur et à mesure qu’ils grandissent (Tienda, 1979 ; Mier y Téran et Rabell, 2001 ;<br />

Estrada Quiroz, 2005). D’abord parce que les EAJ se trouvent dans une étape de<br />

développement physique et mental, et acquièrent progressivement des aptitudes qui leur<br />

permettent de réaliser davantage d’activités. Puis, parce que dans la famille, on utilise souvent<br />

la main-d’œuvre disponible selon le rang de naissance, en premier les aînés. Enfin, certains<br />

facteurs externes à la famille, comme la législation en matière de travail et le système<br />

éducatif, facilitent l’entrée sur le marché du travail au fur et à mesure de l’élévation de l’âge :<br />

les lois sont de moins en moins strictes et le caractère obligatoire de la scolarité s’arrête vers<br />

15 ans. 35 Ces arguments constituent les principales raisons de notre classement en trois<br />

groupes d’âge.<br />

35 Des études menées au Mexique montrent que dans certaines classes de la population, l’abandon de l’école et la<br />

mise au travail sont fréquents à partir de 12 ans (Mier y Terán et Rabell, 2001a). Il est alors possible que les<br />

familles fassent un effort pour que leurs enfants fréquentent l’école primaria, qui est le cycle censé leur<br />

apprendre à lire et à compter. Mais au-delà de ce niveau, la scolarité n’a pas la même valeur, malgré la qualité<br />

d’obligation de la secundaria (collège).<br />

64


Tableau 1. Participation des enfants par domaines institutionnels selon l’âge<br />

Domaines de<br />

participation<br />

Scolarisation 1<br />

Marché du<br />

travail 2<br />

Mariage civil<br />

(sous l’accord<br />

des mariés) 3<br />

Ages<br />

6 à 11 12 13 14 15 16 et 17<br />

Enfants Adolescents Jeunes<br />

Primaria<br />

(Ecole<br />

élémentaire)<br />

Secundaria<br />

(Collège)<br />

Medio Superior<br />

(Lycée)<br />

Obligatoire et gratuite Non obligatoire<br />

Interdiction d’embauche<br />

Filles : Interdit<br />

Garçons : Interdit<br />

Embauche<br />

restreinte à<br />

moins de 6h<br />

par jour et à<br />

certains<br />

emplois<br />

Unique<br />

restriction :<br />

le travail<br />

industriel<br />

nocturne<br />

Possible avec l’accord des<br />

parents ou tuteurs<br />

Possible avec<br />

l’accord des<br />

parents ou<br />

tuteurs<br />

Source : Elaboration propre à partir des documents officiels :<br />

1_/ Article 3 de la Constitución Política de los Estados Unidos Mexicanos.<br />

2_/ Articles 173 à 180 de la Ley Federal del Trabajo. Texte intégral en Annexe I.1.<br />

3_/ Articles 139 à 145 du Código Civil Federal. <strong>La</strong> Loi civile concernant le mariage est différente par<br />

Etat, mais la plupart des Etats du pays ont cette restriction.<br />

Il faut souligner qu’en matière juridique, même si l’âge de la majorité civile est acquis à 18<br />

ans, les Mexicains à partir de 16 ans pourraient avoir une vie comme celle des « majeurs ».<br />

C’est-à-dire sans restrictions de participation dans les domaines du marché du travail et civil :<br />

travailler et se marier, par exemple. <strong>La</strong> scolarité est aussi optionnelle à partir de cet âge-là.<br />

Notre population d’étude est alors constituée de trois groupes d’âges qui ont des<br />

caractéristiques bien particulières concernant leurs droits et leurs obligations, en matière<br />

juridique :<br />

• Les « enfants » de 6 à 11 ans : ils sont censés fréquenter l’école primaria, 36 soit 4,5 heures<br />

par jour, du lundi au vendredi. Ils n’ont pas le droit légal d’être embauchés ni au mariage<br />

civil.<br />

• Les « adolescents » de 12 à 14 ans : ils sont censés fréquenter l’école secundaria, 37 soit 6<br />

heures par jour, du lundi au vendredi. Ils n’ont pas le droit de travailler, ni de se marier,<br />

36 <strong>La</strong> fréquentation de l’école des enfants âgés de 6 à 11 ans est de 95% (source : Recensement de la<br />

population 2000).<br />

65


66<br />

sauf ceux de 14 ans. Ceux-ci peuvent travailler sous des conditions restreintes, et les filles<br />

peuvent se marier à condition d’avoir l’accord explicite des parents.<br />

• Les « jeunes » de 15 à 17 ans : leur scolarité est facultative, 38 et ceux qui sont scolarisés<br />

fréquentent l’école en moyenne 6 heures par jour, du lundi au vendredi. Ils peuvent être<br />

embauchés dans le secteur formel, sous certaines conditions pour ceux de 15 ans et<br />

pratiquement sans restriction à 16 et 17 ans (sauf le travail industriel nocturne). Ils<br />

peuvent se marier à condition d’avoir l’accord explicite des parents, sauf les garçons de 15<br />

ans.<br />

Le temps consacré à leur scolarisation est l’une des différences les plus importantes entre ces<br />

trois groupes et par conséquent, la disponibilité de temps périscolaire pour réaliser d’autres<br />

activités, en l’occurrence travailler. 39 A ce propos, il faut considérer que le temps périscolaire<br />

est un facteur qui peut favoriser le travail (Grootaert et Kanbur, 1995). Au Mexique, en<br />

général, les enfants scolarisés, peu importe leur niveau, ont une grande partie de la journée<br />

« libre ».<br />

Selon notre base de données, le MTI de l’ENOE 2007 (nous présentons les détails de cette<br />

source plus bas), les EAJ urbains représentent à peu près 12 millions (soit 53 934 cas dans la<br />

base de données), la distribution par âges et sexe étant plutôt équilibrée (Tableau 2).<br />

Tableau 2. Répartition (%) de la population urbaine de 6 à 17 ans<br />

par groupes d’âges et sexe, 2007<br />

Groupes d’âges Ensemble<br />

Sexe<br />

Garçons Filles<br />

(%) (%) (%)<br />

6 à 11 ans (enfants) 47,8 24,3 23,5<br />

12 à 14 ans (adolescents) 25,7 12,8 12,9<br />

15 à 17 ans (jeunes) 26,5 13,2 13,3<br />

Total<br />

N (Population)<br />

n (Echantillon)<br />

100,0%<br />

12 020 031<br />

53 934<br />

50,3%<br />

6 048 748<br />

27 366<br />

Source : MTI-ENOE, quatrième trimestre de 2007.<br />

49,7%<br />

5 971 283<br />

26 568<br />

37<br />

<strong>La</strong> fréquentation de l’école des adolescents âgés de 12 à 14 ans est de 85% (source : Recensement de la<br />

population 2000).<br />

38<br />

Seulement 55% des jeunes âgés de 15 à 17 ans fréquentent l’école (source : Recensement de la<br />

population 2000).<br />

39<br />

Dans l’enseignement public, les enfants scolarisés en primaria doivent rester à l’école 4,5 heures, tandis que<br />

ceux de secundaria 5,5 heures. Soit le matin, soit l’après-midi, car il y a les deux options. Les écoles privées<br />

proposent en général des emplois du temps plus larges, mais variables de l’une à l’autre.


Etant donné notre intérêt pour étudier les EAJ travailleurs dans leur milieu familial, nous<br />

avons décidé de raffiner encore plus notre population d’étude, lors des analyses bivariées et<br />

multivariées, en prenant en compte le lien de parenté de l’EAJ avec le chef de ménage, ainsi<br />

que son état matrimonial et sa fécondité (pour les filles).<br />

Tout d’abord, nous sélectionnons seulement les EAJ qui sont fils ou filles du chef de ménage.<br />

Cette précision répond au fait que nous sommes intéressés par l’étude de la relation entre le<br />

travail des enfants et certaines caractéristiques des parents (père et mère) des EAJ, en tant que<br />

responsables directs des enfants, mais aussi comme personnes déterminantes dans la<br />

construction de l’environnement familial. Ainsi, pour les EAJ, dont le chef est le grand-père<br />

(désigné parfois comme chef de ménage pour des raisons simplement de hiérarchie<br />

générationnelle), nous ne pouvons pas identifier avec certitude les informations sur les<br />

parents, qui sont très probablement en réalité les responsables directs d'Ego et qui déterminent<br />

les conditions de vie de la famille et celles d’Ego. Par contre, toutes nos approches sur le<br />

milieu familial concerneraient dans ce cas, les caractéristiques des grands-parents, soit des<br />

informations qui pourraient être biaisées.<br />

Par conséquent, les enfants qui appartiennent à un ménage où le chef a avec eux un autre lien<br />

de parenté que celui de père ou de mère sont écartés de notre étude. De même que les enfants<br />

qui habitent dans les rues (« enfants des rues »), car ils ne sont pas pris en compte par la<br />

source statistique de données que nous utilisons, s’agissant d’une enquête auprès des<br />

ménages. Et ces enfants ont souvent rompu leurs liens avec leur famille d’origine (Mortier,<br />

2006). Mais il faut signaler que la plupart des EAJ urbains occupants habituels d’un ménage<br />

sont les filles ou les fils du chef de ménage : 85%. 40 Notre décision de choisir seulement les<br />

fils ou les filles du chef suppose alors de laisser en dehors de l’analyse 15% de tous les EAJ.<br />

Ce qui signifie que nous restons avec une population estimée de 10 159 383 EAJ, dont le<br />

nombre d’individus dans la base de données correspond à 45 479 cas.<br />

Ensuite, nous sélectionnons uniquement les enfants célibataires et sans progéniture. Dans<br />

l’hypothèse où les enfants mariés ou avec des enfants, malgré leur jeune âge, sont contraints à<br />

avoir d’autres responsabilités et des perspectives différentes de travail et de vie, par rapport à<br />

leurs pairs qui sont célibataires et sans enfants. Nous supposons que les EAJ célibataires et<br />

40 Il s’agit des fils ou des filles légitimes, adoptifs ou adoptives, beau-fils ou belles-filles.<br />

67


sans enfants dont le lien de dépendance envers leurs parents ou leur famille est différent. Et<br />

même si certains EAJ mariés, unis ou célibataires avec des enfants pourraient avoir un lien de<br />

dépendance semblable, ils sont censés avoir acquis d’autres responsabilités. En effet, nous<br />

constatons par exemple qu’en milieu urbain, seulement un quart des filles de 12 à 17 ans qui<br />

sont mères fréquente l’école, tandis que la majorité des non-mères sont élèves (87%). En<br />

outre, les enfants célibataires ont aussi une fréquentation plus élevée de l’école,<br />

respectivement 91 contre 43%. Cependant, malgré l’information disponible, nous ne sommes<br />

pas en mesure de savoir si l’abandon scolaire est une conséquence ou une cause de la<br />

fécondité ou de la mise en couple précoce. Mais à l’évidence, il existe une relation entre ces<br />

deux conditions et la scolarisation. Et tous ces EAJ non scolarisés sont censés réaliser d’autres<br />

activités en lien avec les responsabilités propres d’une mère ou d’une personne qui a<br />

commencé une vie en couple, et qui difficilement peut consacrer tout son temps aux études.<br />

L’information sur l’état matrimonial n’est pas disponible pour les moins de 12 ans, et donc,<br />

nous supposons que tous les enfants du groupe d’âges de 6 à 11 ans sont célibataires, ce qui<br />

semble plausible. Une telle décision signifie donc d’éliminer encore de notre analyse 0,7%<br />

des EAJ, lesquels sont : unis, mariés, divorcés, séparés, veufs ou sans état matrimonial connu.<br />

Nous restons donc avec une population d’étude de 10 087 509 EAJ (45 479 cas). Or,<br />

concernant la descendance des EAJ, l’enquête repère seulement celle de filles à partir de 12<br />

ans d’âge. Nous avons alors filtré seulement cette population, et gardé tous les garçons ainsi<br />

que toutes les filles âgées de moins de 12 ans, car nous ne connaissons pas leur situation par<br />

rapport à la fécondité. Et il est très probable qu’ils soient sans progéniture étant donné leur<br />

jeune âge. En effet, les filles de 12 à 17 ans avec enfant(s) représentent 0,2% du total des filles<br />

urbaines célibataires et filles du chef de ménage.<br />

En résumé, notre population d’étude, les EAJ, est constituée de : garçons et filles âgés de 6 à<br />

17 ans, urbains (résidents des localités de 100 000 habitants et plus), célibataires et sans<br />

progéniture, appartenant à un ménage, dont le lien de parenté avec le chef est de fils ou de<br />

fille. C’est-à-dire 10 133 835 EAJ (soit 45 371 cas effectifs dans la base de données), dont la<br />

répartition par sexe et groupes d’âges est représentée dans le Tableau 3.<br />

Il faut signaler que dans le processus d’exploitation de la base de données, nous avons<br />

rencontré des problèmes d’information à propos du ménage, des informations manquantes ou<br />

incohérentes ; ainsi, lorsqu’il a été impossible de résoudre le problème, nous avons éliminé<br />

68


ces cas de notre étude (294 cas). Nous restons donc avec une population de 10 079 536, soit<br />

45 077 cas.<br />

Tableau 3. Répartition de la population d’étude (%, N, n) 1 ,<br />

par groupes d’âges et sexe, 2007<br />

Groupes d’âges<br />

6 à 11 ans (enfants)<br />

N =<br />

n =<br />

12 à 14 ans (adolescents)<br />

N =<br />

n =<br />

15 à 17 ans (jeunes)<br />

N =<br />

n =<br />

Total<br />

Sexe<br />

Ensemble Garçons Filles<br />

46,6%<br />

4 720 205<br />

21 039<br />

26,6%<br />

2 690 933<br />

12 079<br />

26,9%<br />

2 722 697<br />

12 253<br />

100,0%<br />

23,5%<br />

2 377 869<br />

10 734<br />

13,2%<br />

1 339 716<br />

6 099<br />

13,7%<br />

1 387 044<br />

6 290<br />

50,4%<br />

23,1%<br />

2 342 336<br />

10 305<br />

13,3%<br />

1 351 217<br />

5 980<br />

13,2%<br />

1 335 653<br />

5 963<br />

49,6%<br />

N =<br />

10 133 835 5 104 629 5 029 206<br />

n =<br />

45 371 23 123 22 248<br />

Source : ENOE et MTI, quatrième trimestre de 2007.<br />

1_/ N : Population (estimée avec le facteur d’expansion de l’échantillon),<br />

n : effectifs dans l’échantillon,<br />

% : pourcentage par rapport à la population (N) de l’ensemble.<br />

Nous traitons les EAJ de manière différenciée par sexe, dans une perspective de genre, car<br />

dans l’analyse d’un sujet comme celui qui nous occupe, c’est indispensable, le travail des<br />

enfants présentant des différences de genre marquées (Tienda, 1979 ; García et Oliveira,<br />

2001 ; Knaul, 2001 ; Mier y Terán et Rabell, 2001 ; Levison, Moe, Knaul, 2001 ; Estrada<br />

Quiroz, 2005 ; Oliveira, 2006 ; Levison, 2007). A l’image des adultes, les garçons font le plus<br />

souvent des activités économiques, presque toujours en dehors du noyau familial. Tandis que<br />

les filles réalisent davantage d’activités domestiques, ou bien des activités qui peuvent être<br />

considérées comme une extension des activités domestiques. Mais, chez les EAJ, à un<br />

moment donné, la réalisation de ces activités domestiques peut devenir une forme de travail<br />

proprement dit, car elle réunit les mêmes « inconvénients » qu’un travail extradomestique.<br />

Pour cette raison, il faut prendre en compte les activités domestiques au sein du ménage (sous<br />

certaines conditions) comme une forme de travail, et ainsi reconnaître la participation active<br />

des filles, qui sont les plus concernées par ce type de travail.<br />

69


II.1.2. Le travail des enfants : nos points de repère.<br />

Au-delà des discussions qui entourent le sujet du travail des enfants dans divers domaines, les<br />

institutions gouvernementales ont besoin d’opérationnaliser les concepts, en l’occurrence<br />

l’expression « travail des enfants ». L’OIT suggère des directives à suivre pour arriver à des<br />

résultats comparatifs internationalement. Des propositions qui généralement sont prises en<br />

compte par les institutions nationales qui fournissent les informations officielles sur le sujet.<br />

Au Mexique, les critères officiels pour classer les personnes selon leurs activités sont définis<br />

par l’INEGI. Ainsi, dans le cadre de l’étude du travail des enfants, un travailleur est celui qui<br />

réalise une activité économique, laquelle est définie comme : « l’ensemble des actions d'une<br />

unité économique réalisées avec l’objectif de produire ou de fournir des biens et des services<br />

pour le marché ou la production pour l’autoconsommation. » 41 Par contre, n’est pas un<br />

travailleur celui qui réalise des activités non économiques : « les actions réalisées pour<br />

satisfaire les besoins essentiels personnels, du ménage ou de la communauté, ainsi que celles<br />

destinées à obtenir un revenu, mais qui n’impliquent pas la production de biens ni la<br />

génération de services. Sont incluses aussi les activités marginales et la mendicité<br />

déguisée. » 42 (INEGI-STPS, 2008 : 239).<br />

Il faut souligner l’exclusion des activités nommées « marginales » et de la « mendicité<br />

déguisée » dans les activités économiques : mendier, chanter dans les transports en commun,<br />

nettoyer des parebrises, cracher du feu, danser, laver ou surveiller des voitures… dans les<br />

lieux publics o dans la rue. Il s’agit d’activités réalisées souvent par des enfants ; des enfants<br />

qui d’habitude sont considérés comme des travailleurs dans le sens le plus commun du terme.<br />

Il s’agit des enfants travailleurs les plus médiatisés, parce qu'ils sont les plus visibles.<br />

L’INEGI considère donc que les personnes qui réalisent des activités dirigées à obtenir des<br />

revenus ou de biens par le biais d’un « transfert » à travers divers mécanismes (mendier,<br />

nettoyer des parebrises…) ne réalisent pas une activité économique. L’idée centrale est qu’un<br />

service qui n’est pas demandé par la société ne fait pas partie d’une vraie transaction, par<br />

conséquent ce prestataire de services n’est pas occupé, malgré sa perception d’être un<br />

41 Traduction de l’auteur. « Conjunto de acciones realizadas por una unidad económica con el propósito de<br />

producir o proporcionar bienes y servicios para el mercado o la producción para el autoconsumo. »<br />

42 Traduction de l’auteur. « Acciones realizadas para satisfacer las necesidades básicas personales, del hogar o la<br />

comunidad, así como aquellas actividades para obtener ingresos, pero que no implican la producción de bienes ni<br />

la generación de servicios. Incluye también actividades marginales y de mendicidad disfrazada. »<br />

70


travailleur. Cette personne participe juste à un transfert unilatéral à son bénéfice par le biais<br />

d’un acte symbolique ou d’un protocole de communication avec la personne donnante, ce qui<br />

le distingue d’un vol ou d’une attaque. <strong>La</strong> détermination du statut « occupé » d’une personne<br />

qui rend un service dépend alors de la demande explicite ou non du service rendu (INEGI,<br />

2007 ; INEGI-STPS, 2008b).<br />

En ce sens, l’INEGI propose dans l’ENOE, à la différence des anciennes enquêtes emploi, une<br />

différenciation entre les concepts empleo (emploi) et ocupación (activité économique). D’une<br />

part, le concept d’empleo est un terme applicable fondamentalement au travail subordonné.<br />

D’autre part, le concept d’ocupación est un terme plus général qui regroupe les travailleurs<br />

subordonnés, les patrons et les travailleurs indépendants (INEGI, 2007 : 25). 43 Ainsi, les<br />

enfants qui réalisent des activités marginales peuvent être considérés comme actifs dans un<br />

sens élargi, mais pas en termes économiques. Le cadre conceptuel de l’INEGI définit donc le<br />

travail des enfants comme : « Les garçons et les filles âgés de 5 à 17 ans qui, pendant la<br />

période de référence, ont réalisé une activité économique. Un concept équivalent à celui de la<br />

population active occupée. » 44 (INEGI-STPS, 2008a : 44).<br />

D’ailleurs, il a été indispensable de repenser et de bien réfléchir sur l’expression « travail des<br />

enfants », en considérant ses différentes formes, mais surtout en considérant sérieusement le<br />

travail dans le sein familial (<strong>La</strong>nge, 1996 ; Nieuwenhuys, 1996 ; Levison, 2000 ; Knaul,<br />

2001). L’importante proportion d’enfants qui s’occupent des tâches ménagères ou d’autres<br />

personnes de leur propre ménage, de manière quotidienne et comme une activité formelle et<br />

non rémunérée, a conduit à la reconnaissance de ces enfants comme des travailleurs, sous<br />

certaines conditions, même s’ils ne rentrent pas dans la catégorie officielle de travailleurs<br />

économiques. Ainsi, il existe deux approches des enfants travailleurs, une restreinte, qui fait<br />

allusion seulement au travail économique, et une autre élargie, qui prend en compte le travail<br />

non économique réalisé sous certaines conditions (Anker, 2000 ; OIT, 2002). Il faut dire à<br />

propos du travail domestique qu’il est difficile à déceler le moment où la réalisation des<br />

diverses tâches domestiques ou la garde d’autres personnes du ménage deviennent un travail<br />

proprement dit, avec seulement l’information statistique disponible.<br />

43 Il ne faut pas confondre le terme « ocupación » avec celui d’« ocupado » qui sert pour différencier les actifs<br />

ayant un emploi (actifs occupés) des chômeurs « desocupados ».<br />

44 Traduction de l’auteur. « Niños y niñas de 5 a 17 años que durante el periodo de referencia realizaron alguna<br />

actividad económica. Concepto equivalente al de la población ocupada. »<br />

71


Divers critères peuvent être considérés, dont le temps est un facteur déterminant, et le moyen<br />

le plus objectif pour le faire. Or, il n’existe pas une définition officielle sur le moment à partir<br />

duquel la participation dans les tâches domestiques devient un travail proprement dit. L’OIT<br />

évoque seulement la nécessité d’établir un minimum d’heures consacrées à ce type de travail,<br />

en prenant en considération la performance scolaire et le développement de l’enfant. Ainsi, la<br />

définition est ambiguë par rapport au seuil de temps, de manière que les critères peuvent<br />

varier. En l’occurrence, par exemple, les Costaricains ont établi un seuil de 10 heures<br />

hebdomadaires, car ils ont observé que la fréquentation à l’école, parmi les enfants qui<br />

consacrent plus de ce temps au travail domestique, chutait de manière évidente. En Colombie,<br />

il a été établi un minimum de 15 heures par semaine, avec l’idée qu’au dessous de ce seuil, les<br />

tâches domestiques pourraient être bénéfiques d’un point de vue social, et contribuer au<br />

processus d’apprentissage des enfants, ainsi qu’à leur sens de satisfaction et d’apport au<br />

ménage. Mais au dessus, leur participation pourrait être un préjudice pour leur scolarisation et<br />

le développement des enfants (OIT-IPEC, 2005). <strong>La</strong> plupart des études au Mexique, dont<br />

celles réalisées par le gouvernement, marquent le seuil de temps à 15 heures par semaine<br />

(Levison, Moe et Knaul, 2001 ; INEGI, 2004 ; INEGI-STPS, 2008). 45<br />

Pour notre recherche, nous considérons la définition de travail élargie. Le travail est considéré<br />

comme toute activité destinée à la production de biens et de services pour le marché ou pour<br />

l’autoconsommation, au-delà des conditions de travail (rémunéré ou sans rémunération,<br />

formel ou informel, temporaire ou permanent, à temps partiel ou à plein temps…). De même,<br />

nous incluons, dans notre définition de travailleur, les enfants qui consacrent un certain temps<br />

au travail domestique chez eux, en général de manière non rémunérée. Tout d’abord, afin de<br />

classer les EAJ en travailleurs ou non travailleurs, nous prenons en compte le temps<br />

hebdomadaire consacré à chacun des deux types d’activités : extradomestiques ou<br />

domestiques. <strong>La</strong> division en ces deux types de travail s’impose, car il s’agit de deux domaines<br />

de travail très différents (Nieuwenhuys, 1996 ; Invernizzi, 2003 ; Bourdillon, 2007 ; Wihstutz,<br />

2007 ; Ramírez Sánchez, 2007 ; Levison, 2007). Nous repérons alors les heures dédiées à ces<br />

deux types d’activités pendant la semaine de référence de notre source de données.<br />

45 Seulement Camarena Córdova (2004) propose un critère de plus de 10 heures par semaine, en considérant<br />

comme repère le temps modal consacré aux tâches domestiques estimé par l’Enquête Nationale sur l’Emploi en<br />

1997.<br />

72


Ainsi, les EAJ travailleurs extradomestiques sont ceux qui dédient au moins une heure par<br />

semaine (comme convenu officiellement) aux activités économiques, selon la définition de<br />

l’INEGI. Mais nous ajoutons aux activités économiques, celles qualifiées par l’INEGI de<br />

« marginales » (Tableau 4). Car leur exclusion nous semble draconienne, alors que l’EAJ<br />

concerné y consacre du temps et de l’énergie, et parfois investit pour acheter son matériel<br />

(même si celui-ci est très simple) 46 . L’objectif est de gagner de l’argent en réalisant cette<br />

activité, car il n’a pas le droit d’exercer un emploi formellement s’il est âgé de moins de 14<br />

ans.<br />

Tableau 4. Classification des EAJ travailleurs selon le type de travail<br />

Type de<br />

travail<br />

Extradomestique Domestique<br />

Temps<br />

hebdomadaire<br />

Types<br />

d’activité<br />

Source : Elaboration propre.<br />

Au moins 1 heure<br />

Des activités économiques : les activités<br />

rémunérées ou non, destinées à la<br />

production de biens et de services<br />

commercialisables sur le marché.<br />

Des activités économiques domestiques :<br />

les activités propres au service<br />

domestique, rémunérées ou non, réalisées<br />

pour un tiers étranger au ménage.<br />

Des activités marginales (sauf la mendicité<br />

ouverte) : chanter dans les transports en<br />

commun, nettoyer des parebrises, cracher du<br />

feu, danser déguisés, laver ou surveiller des<br />

voitures… dans les lieux publics ou dans la rue.<br />

Plus de 7 heures ou<br />

15 heures et plus<br />

Des activités non économiques<br />

domestiques, soit des actions<br />

réalisées gratuitement pour satisfaire<br />

les besoins essentiels personnels ou<br />

du ménage :<br />

S’occuper des enfants, des malades,<br />

des personnes âgées ou handicapées<br />

du ménage, sans rémunération.<br />

Les tâches ménagères (sans<br />

revenus) au bénéfice des membres du<br />

ménage, voire personnel : laver le<br />

linge, faire la vaisselle, repasser,<br />

préparer de repas, balayer, faire des<br />

courses...<br />

D’ailleurs, nous utilisons deux critères relatifs au temps de travail pour trouver les EAJ<br />

travailleurs domestiques, dont le travail domestique est l’ensemble des tâches orientées à la<br />

production de biens et de services pour la consommation des membres du ménage, ainsi que<br />

la garde d’autres personnes du ménage (malades, enfants, personnes âgées) : ceux qui<br />

consacrent plus de 7 heures par semaine au travail domestique, et ceux qui dédient 15 heures<br />

et plus hebdomadaires. Car, même si presque toutes les études nationales proposent le seuil de<br />

15 heures et plus par semaine, si l’on centre l’intérêt du travail des enfants dans l’impact qu’il<br />

peut avoir sur leur vie quotidienne, et pas seulement sur leur performance scolaire, la limite<br />

46 Du savon, un seau, un déguisement…<br />

73


peut se trouver avant les 15 heures. Ainsi, nous considérons que si la participation aux tâches<br />

domestiques pendant l’enfance a comme objectif la formation de « bonnes » habitudes (par<br />

exemple : ranger leurs affaires, ranger leur chambre, participer aux activités<br />

collectives comme la préparation des repas), lorsqu’elle dépasse une heure journalière, cet<br />

objectif peut déjà être mis en cause. Au-delà de 7 heures hebdomadaires, nous pourrions<br />

considérer que les enfants concernés ont une responsabilité plus formelle, notamment en<br />

sachant que les enfants de 6 à 17 ans urbains consacrent en moyenne 6 heures hebdomadaires<br />

aux tâches domestiques. Et donc, qu’à partir de 8 heures par semaine, ils peuvent être<br />

considérés comme des travailleurs.<br />

En tout cas, en quête d’une revalorisation de la participation quotidienne de ces enfants, mais<br />

aussi de comparabilité avec d’autres sources, nous allons analyser deux groupes d’enfants<br />

travailleurs domestiques familiaux : ceux qui consacrent plus de 7 heures par semaine aux<br />

tâches domestiques, et ceux qui en font 15 et plus. Bien évidemment, une réflexion plus<br />

approfondie sur ce sujet serait nécessaire pour mieux s’approcher de ces enfants travailleurs,<br />

en considérant les différences par âges, et par milieu de résidence par exemple, car la<br />

participation des enfants dans les diverses activités domestiques est variable (Cos-Montiel,<br />

2000 ; Vargas Evaristo, 2006). Mais c’est une discussion qui dépasse les objectifs de cette<br />

recherche.<br />

En ayant identifié ces deux groupes de travailleurs : domestiques et extradomestiques ; nous<br />

divisons après les travailleurs extradomestiques en deux groupes : familiaux et non familiaux,<br />

selon le lien de parenté qui existe entre Ego et son « employeur », et leur appartenance au<br />

même ménage. Dans le premier cas, l’enfant a un lien de parenté avec l’employeur et celui-ci<br />

fait partie du même ménage ; dans le deuxième cas, l’enfant n’a aucun lien de parenté avec<br />

l’employeur ou celui-ci appartient à un autre ménage. Ainsi, nous avons trois groupes<br />

d’analyse : les travailleurs extradomestiques non familiaux, les travailleurs extradomestiques<br />

familiaux, et les travailleurs domestiques qui par définition sont familiaux. Il faut souligner<br />

que les enfants qui travaillent en tant que domestique pour un étranger du ménage<br />

appartiennent au groupe d'enfants travailleurs extradomestiques non familiaux. Il s’agit d’un<br />

groupe tout à fait spécial, car certains de ces enfants n’habitent pas avec leur famille, mais<br />

chez leur employeur, une grande partie de la semaine (au moins du lundi au vendredi), voire<br />

définitivement. Par conséquent, officiellement, ils font partie d’un ménage complexe, où ils<br />

74


n’ont fréquemment aucun lien de parenté avec le chef de ménage, qui est leur patron-<br />

employeur.<br />

Bien que la proposition d’une sous-division des enfants travailleurs, selon le lien de parenté<br />

avec l’employeur, reste encore générale, nous considérons que ce nouveau classement ouvre<br />

le champ d’analyse vers un approfondissement du sujet, comme le propose O’Connell<br />

Davison : « <strong>La</strong> catégorisation est essentielle à la connaissance, mais elle doit être un pas vers<br />

la compréhension et non un fin en-soi. (…) Les catégories doivent découler d’expériences et<br />

être affinées par les nouvelles données. Les systèmes binaires suffisent rarement, bien qu’ils<br />

soient simples à construire et qu’ils évitent la complexité. » (2005, cité in Bourdillon, 2009 :<br />

41).<br />

II.1.3. Sur les notions de famille et ménage.<br />

Il est difficile de faire référence aux enfants sans penser à la famille. Même si l’on parle des<br />

enfants seuls, vivant dans les rues par exemple, on voit un enfant éloigné de sa famille. Parce<br />

que, indépendamment de la perception d’enfance, un élément important dans toute société est<br />

le fort lien de l’enfant avec sa famille. Or, l’importance du milieu familial sur le travail des<br />

enfants a été prouvée. D’où notre intérêt à considérer l’enfant dans une dimension familiale,<br />

et non seulement dans sa dimension individuelle.<br />

Cependant, nous ne disposons pas de données concernant la famille proprement dite mais sur<br />

les ménages où résident les enfants. A ce propos, nous considérons pertinent d’éclaircir<br />

brièvement les deux concepts et comment nous les emploierons pour notre recherche.<br />

Dans le langage courant, on utilise les mots : famille et ménage de manière presque<br />

indistincte. Certes, ces mots sont bien des synonymes, mais ils ont des différences théoriques<br />

et méthodologiques dans un sens strict. Selon Le Petit Robert, le mot « famille » a deux sens<br />

principaux. Un sens restreint : « Les personnes apparentées vivant sous le même toit, et<br />

spécialement le père, la mère et les enfants. » Et un sens large : « L’ensemble des personnes<br />

liées entre elles par le mariage et par la filiation ou, exceptionnellement par l’adoption. »<br />

D’autre part, le mot « ménage » signifie « Famille » ou bien dans son sens économique<br />

« Unité de population définie par une consommation globale (famille ou personne vivant<br />

75


seule). » De son côté, le Diccionario de la Lengua Española a plusieurs définitions pour le<br />

mot familia (famille), dont seulement trois nous intéressent : « Groupe de personnes<br />

apparentées qui vivent ensemble. », « Ensemble des ascendants, descendants et collatéraux et<br />

semblables d’un lignage. » et « Enfants ou descendants. » 47 . Concernant le mot « hogar »<br />

(ménage), il propose deux sens : « Maison ou adresse. » et « Groupe de personnes<br />

apparentées qui vivent ensemble. » 48 .<br />

Dans le domaine de la sociodémographie, les deux concepts sont utilisés pour appréhender les<br />

configurations familiales. Le concept de famille lie les idées de co-résidence et de parenté<br />

proche. « Ainsi, une famille, telle qu’elle est le plus usuellement repérée par les statistiques<br />

démographiques, se limite aux personnes apparentées co-résidentes. » (Bonvalet et Lelièvre,<br />

1995 : 178). Le terme famille ne désigne pas uniquement les liens parents-enfants ; il désigne<br />

plus généralement les liens de sang et d’alliance entre les individus. Le concept ménage,<br />

quant à lui, est l’élément-clé pour relier les domaines de la famille à ceux de la<br />

consommation, du logement ou de l’équipement, dans la plupart des analyses<br />

sociodémographiques ou économiques. « Le ménage est une unité statistique repérée à un<br />

moment donné selon un critère de résidence (...) Le ménage constitue la plus complexe des<br />

unités primaires associant les individus et permet de prendre en compte l’ensemble des cas de<br />

figure (…) » (Bonvalet et Lelièvre, 1995 : 179). Mais, comme résultat du rôle central donné à<br />

la résidence, le concept de ménage nie le centre de la famille, à savoir, les liens de sang. Bien<br />

que le concept ménage soit très opérationnel, c’est une unité statistique complexe de caractère<br />

économico-social, dont la définition varie d’un pays à l’autre.<br />

En France, le ménage est défini comme : « le groupe d’individus habitant sous le même toit. »<br />

(Bonvalet et Lelièvre, 1995 :179). <strong>La</strong> définition du ménage coïncide avec celle du logement,<br />

et dans un logement, il n’y a qu’un ménage. Tandis qu’au Mexique, le ménage est défini par<br />

l’INEGI comme « L’ensemble des personnes unies ou non par des liens de parenté, qui<br />

résident habituellement dans le même logement et qui partagent une seule dépense,<br />

principalement pour l’alimentation. » 49 (INEGI-STPS, 2008 : 240). C’est-à-dire qu’un<br />

logement peut être occupé par un ménage, si tous les individus partagent la même dépense, ou<br />

47 « Grupo de personas emparentadas entre sí que viven juntas. », « Conjunto de ascendientes, descendientes,<br />

colaterales y afines de un linaje. » et « Hijos o descendencia. »<br />

48 « Casa o domicilio. » et « Grupo de personas emparentadas que viven juntas. »<br />

49 Traduction de l’auteur. « El conjunto de personas unidas o no por lazos de parentesco, que residen<br />

habitualmente en la misma vivienda y se sostienen de un gasto común, principalmente para comer. »<br />

76


par plusieurs ménages à partir du moment où les individus ont des dépenses distinctes. Une<br />

personne seule peut constituer un ménage.<br />

<strong>La</strong> nature des données utilisées pour cette étude nous amène alors à travailler, dans un sens<br />

strict, avec des ménages (selon la définition de l’INEGI) et non avec des familles. Mais,<br />

malgré les différences méthodologiques et théoriques entre ces notions, dans ce document<br />

nous allons utiliser le mot famille en se référant au ménage.<br />

II.2. Les approches qualitative et quantitative : une quête de complémentarité entre<br />

deux points de vue.<br />

Notre étude est constituée d’une approche qualitative et d’une approche quantitative, parce<br />

que nous considérons que la réalité sociale est complexe et multivariée, et par conséquent, elle<br />

demande un pluralisme méthodologique qui diversifie les manières de l’approcher. C’est<br />

pourquoi, en utilisant ces deux approches, nous tenons à analyser des données<br />

complémentaires qui réduisent les limites propres à chacune d’elles, en apportant à la<br />

connaissance du sujet d’intérêt deux visions différentes, également importantes.<br />

Concernant l’approche qualitative, nous utilisons des données collectées expressément pour<br />

notre recherche, à Mexico, lors de notre travail de terrain. Nous nous sommes inspirés ainsi de<br />

la nouvelle sociologie de l’enfance qui suggère aux chercheurs de compter sur les enfants<br />

eux-mêmes en tant qu’informateurs, en reconnaissant leur statut de personne à part entière, de<br />

protagonistes de leur propre vie (Gaitán, 2006). Une proposition qui semble banale, et qui est<br />

pourtant souvent oubliée à propos du travail des enfants. Cette approche est essentielle pour<br />

l’analyse de la représentation sociale du travail, et d’autres aspects qui entourent la vie des<br />

enfants. Elle sert aussi, dès que possible, à compléter les analyses quantitatives concernant les<br />

causes, les déterminants, les conditions et les conséquences du travail des enfants. Car<br />

l’information disponible à travers les sources des données statistiques est limitée.<br />

Quant à l’approche quantitative, nous disposons d’une base de données spécialisée sur le sujet<br />

du travail des enfants, et pour la première fois au Mexique, représentative du milieu urbain.<br />

Ce qui permet de réaliser une analyse secondaire tout à fait appropriée à notre recherche.<br />

L’enquête a été réalisée la même année du travail de terrain, en 2007. Il s’agit de la première<br />

et unique enquête officielle, disponible au moment de la réalisation de cette recherche,<br />

77


eprésentative à divers niveaux d’analyse. Et à nos yeux, l’unique source de données formelle.<br />

Cette enquête est notre principale source pour les analyses quantitatives.<br />

II.2.1. L’analyse qualitative.<br />

Nous avions programmé un travail de terrain assez simple. Nous voulions approfondir la<br />

représentation sociale du travail des enfants à travers des entretiens collectifs, méthode<br />

nommée aussi focus groups, entretiens de groupe ou groupes de discussion. Cette méthode<br />

s’est avérée la plus pertinente pour notre recherche, principalement grâce à quatre raisons.<br />

En premier lieu, l’entretien collectif est reconnu comme l’une des techniques les plus<br />

appropriées pour l’étude des représentations sociales, qui sont produites, soutenues et<br />

transformées par les pratiques quotidiennes de communication (Jovchelovitch, 2004).<br />

L’entretien collectif peut « (…) nous donner accès à la formation et aux transformations des<br />

représentations sociales, des croyances, des connaissances et des idéologies circulant dans<br />

les sociétés. » (Marková, 2004 : 235-236). Il est particulièrement adapté aux recherches qui<br />

essayent de démontrer comment et combien le rôle de certains facteurs (tels que le genre,<br />

l’appartenance sociale, politique, nationale ou ethnique) influence la perception et la<br />

représentation d’un objet culturel ou d’une situation sociale donnée. Il permet le recueil d’un<br />

large éventail de discours (points de vue, opinions, informations, souvenirs) autour d’objets<br />

d’étude consensuels ou conflictuels. Il donne à voir comment les interprétations des sujets<br />

sont liées aux valeurs et normes culturelles partagées au sein du groupe de discussion<br />

(Kalampalikis, 2004).<br />

En deuxième lieu, la méthode est d’un spécial intérêt dans le cas des sujets sensibles. Même si<br />

elle n’encourage pas la discussion libre et ouverte concernant certains sujets difficiles, la<br />

situation de groupe peut faciliter une discussion sur des sujets tabous, en réduisant les<br />

inhibitions individuelles par un effet d’entraînement. Par exemple, les participants les moins<br />

inhibés entraînent les autres dans une dynamique qui surmonte la timidité. <strong>La</strong> participation<br />

commune peut aussi fournir un soutien mutuel, parce qu'elle permet l’expression de<br />

sentiments s’écartant parfois de la norme culturelle (Duchesne et Haegel, 2005). Ceci est<br />

particulièrement important dans le cas de sujets de recherche relatifs à des expériences<br />

78


taboues ou stigmatisantes (Kitzinger et al., 2004), et les enfants travailleurs en font partie, car<br />

ils font plus l’objet de discussions éthiques que de discussions scientifiques.<br />

En troisième lieu, la méthode offre un moyen aisé de collecte de données qualitatives. Grâce<br />

au fait d’interviewer simultanément plusieurs personnes, l’on a un gain de temps et des<br />

réductions des coûts (Duchesne, Haegel, 2005).<br />

Enfin, elle est l’une des méthodes conseillées par les spécialistes pour la recherche auprès des<br />

enfants. Selon Boyden et Ennew (1997), les groupes de discussion avec des enfants favorise<br />

l’équilibre des relations inégales de pouvoir qui existent entre les enfants et les adultes dans le<br />

processus de recherche, et offrent la possibilité aux enfants de s’exprimer spontanément. Il<br />

faut juste faire attention : aux sujets traités (intéressants et abordables pour les enfants) ; à la<br />

présence des adultes (qui doivent s’abstenir d’interrompre en dénigrant les enfants) ; au degré<br />

de concentration (les enfants peuvent se distraire facilement) ; à l’ambiance (confortable et<br />

adaptée aux enfants) ; et à une communication claire (les enfants doivent comprendre ce qui<br />

se discute).<br />

Outre la pertinence de cette méthode, par rapport à notre recherche, elle est un outil novateur<br />

à propos du travail des enfants au Mexique, car la plupart des études qualitatives, peu<br />

nombreuses, portent sur des entretiens individuels, ou bien sur un groupe spécifique d’enfants<br />

travailleurs, mais différents des nôtres (les enfants des rues, les cerillos, les journaliers dans<br />

les champs de culture extensive).<br />

Malgré notre objectif principal de travailler sur la représentation sociale du travail des enfants,<br />

nous avons aussi envisagé de faire des entretiens individuels, mais cela dépendrait plutôt des<br />

conditions sur le terrain. L’objectif des entretiens individuels serait de compléter<br />

l’information recueillie à travers les entretiens collectifs, ainsi que d’approfondir l’expérience<br />

personnelle des enfants par rapport aux diverses activités qui les concernent, de même que de<br />

trouver des liens entre les activités réalisées par les enfants et les conditions et caractéristiques<br />

familiales.<br />

Il faut dire que, de même que les entretiens collectifs, les entretiens individuels sont aussi<br />

considérés, par les spécialistes de l’enfance, comme un outil bien adapté aux recherches sur<br />

les enfants, à condition de faire attention aux différences de statuts (enfant/adulte),<br />

79


d’intérêts et à la confidentialité. D’après Boyden et Ennew (1997), les enfants, peu habitués à<br />

s’exprimer de cette façon, acceptent ce type d’échanges lorsqu’un entretien est réalisé de<br />

manière respectueuse. Selon Gaitán (2006), la recherche auprès d’enfants ne demande pas<br />

d’élaborer des procédures extravagantes, il s’agit simplement de trouver la méthode la plus<br />

appropriée pour répondre aux objectifs de l’étude et, adapter les outils pour mieux<br />

s’approcher des enfants. Cependant, il y a des techniques (orales, visuelles et écrites, ainsi<br />

qu’individuelles et collectives) qui semblent plus appropriées aux recherches auprès<br />

d’enfants, comme les jeux de rôles, les représentations, les groupes de discussion et les<br />

entretiens (Boyden et Ennew, 1997). Certains chercheurs suggèrent que les questionnaires<br />

sont inappropriés chez les jeunes enfants. Dans ces cas, il vaut mieux utiliser des techniques<br />

moins structurées qui permettent de surmonter les possibles barrières de la compréhension du<br />

langage adulte. Mais à partir de l’âge de 7 ans, il est tout à fait possible de réussir des<br />

entretiens semi-structurés, individuels ou collectifs (Gaitán, 2006).<br />

Nous sommes donc partis au Mexique avec l’objectif de faire des entretiens collectifs et, si<br />

possible, des entretiens individuels. Pour en arriver là, nous élaborions une grille de lecture<br />

pour les entretiens collectifs susceptible d’être utilisée aussi pour les entretiens individuels,<br />

avec les adaptations nécessaires. Les questions visaient la représentation sociale du travail et<br />

d’autres aspects qui entourent le sujet, mais aussi des questions qui pourraient compléter les<br />

analyses quantitatives concernant les déterminants familiaux du travail des enfants et les<br />

conditions de travail des enfants, selon le type de travail et le lien de parenté avec<br />

l’employeur.<br />

Il faut souligner que deux conditions ont rendu possible la réalisation du travail de terrain, en<br />

tenant compte de nos contraintes. <strong>La</strong> première est le soutien logistique, technique et matériel,<br />

sur place, de deux professionnels en matière de sondages et d’enquêtes d’opinion à Mexico.<br />

Nous avions eu l’occasion de leur présenter notre recherche lors d’une réunion informelle en<br />

France. Avec eux, nous avons formé le groupe d’organisation et de réalisation du travail de<br />

terrain pour les entretiens collectifs sur place. 50 <strong>La</strong> deuxième condition est notre relation avec<br />

des personnes d’un quartier populaire à Mexico, quartier qui semblait tout à fait approprié<br />

pour mener notre recherche. Nous avions alors décidé de mener notre recherche dans le<br />

50 Madame Blanca Elena Del Pozo et Monsieur <strong>La</strong>uro Mercado Gasca, du groupe MERCAIE, Inteligencia de<br />

Mercados (www.merca.com.mx)<br />

80


quartier de Pueblo Quieto, au centre du Distrito Federal, dans l’arrondissement de Tlalpan, 51<br />

au sud de la ville de Mexico 52 (Figure 1).<br />

Figure 1. Carte : Localisation du quartier de Pueblo Quieto<br />

Le Mexique<br />

Tlalpan<br />

Mexico, D.F.<br />

Pueblo<br />

Quieto<br />

Il s’agit d’un quartier où le travail des enfants, notamment familial, n’est pas rare à cause des<br />

caractéristiques de sa population et du contexte. L’origine du quartier est assez récente ; les<br />

fondateurs, des adultes y résidant encore, sont des immigrants d’autres Etats, notamment du<br />

centre du pays. En général, deux ou trois générations de familles habitent dans la même<br />

propriété. <strong>La</strong> mise en couple précoce, avant 20 ans, semble la règle, à cause notamment des<br />

grossesses d’adolescentes qui aboutissent presque toujours au mariage. Les fratries<br />

nombreuses sont fréquentes parmi les générations d’adultes, mais les plus jeunes, bien que se<br />

mettant en couple assez tôt, ont une fécondité plutôt modérée, souvent 2 enfants. <strong>La</strong><br />

population est peu scolarisée, même chez les générations les plus jeunes. <strong>La</strong> plupart des<br />

emplois se trouvent dans le secteur du commerce et des services, dont une partie importante<br />

comme travailleurs indépendants. Les femmes sont majoritairement femmes au foyer ou<br />

commerçantes. Les familles ont, en général, des revenus restreints, mais quelques-unes ont<br />

51<br />

Tlalpan est l’un des 16 arrondissements, appelés « delegaciones », qui forment le Distrito Federal, ou ville de<br />

Mexico.<br />

52<br />

Selon le dernier recensement de la population, la ville de Mexico, capitale du pays, compte 8 873 017<br />

habitants. Elle et 60 autres communes (municipios) qui l’entourent composent la Zona Metropolitana de la<br />

Ciudad de México, qui accueille un cinquième de la population nationale (à peu près 20 millions d’habitants en<br />

2010), ainsi qu’une partie très importante de l’infrastructure sociale, économique, politique et culturelle du pays.<br />

Elle a un rôle prépondérant dans le pays.<br />

81


vécu une ascension sociale, surtout à partir de la deuxième génération de résidents<br />

(actuellement la génération des grands-parents). Il existe de nombreux problèmes sociaux et<br />

de santé publique dans le quartier. Nous allons décrire les conditions de vie de la population<br />

ainsi que leurs caractéristiques dans le troisième chapitre de la thèse.<br />

A l’époque, nous connaissions bien le quartier et certains résidents depuis plus de dix ans, car<br />

nous y avions travaillé comme bénévole dans des projets sociaux. 53 Même si nous avions<br />

arrêté notre bénévolat depuis quelques années, nous avions toujours gardé le contact avec<br />

certaines personnes du lieu, et nous y avions encore des amis et des connaissances. Pueblo<br />

Quieto s’avérait donc comme un grand avantage pour l’organisation et le déroulement du<br />

travail, de terrain. D’une part, nous réduirions au maximum les frais de déplacement, de<br />

logement et de repas, grâce à nos parents qui habitent près de la commune et à nos amis<br />

résidant dans la commune. Ensuite, nous serions près du groupe d’organisation du travail de<br />

terrain pour avoir des contacts facilement avec eux. D’autre part, nous pourrions mieux<br />

profiter du temps disponible, car Pueblo Quieto est un quartier assez petit où nous sommes<br />

connus ; et nous connaissons des personnes-clés, qui ont des responsabilités publiques, et qui<br />

en général sont bien respectées par les autres habitants.<br />

Sur place, les circonstances nous ont permis de faire les deux types d’entretiens : collectifs et<br />

individuels. Ce fut une grande opportunité, car l’information obtenue à travers les deux types<br />

d’entretiens a fortement enrichi notre connaissance sur le sujet et nos données pour l’analyse.<br />

Nous en avons profité pour élargir les objectifs initiaux de l’analyse qualitative. Finalement, à<br />

la quête des représentations sociales du travail des enfants, nous avons ajouté un<br />

approfondissement sur le processus d’entrée précoce sur le marché du travail, le rôle de<br />

l’environnement familial, ainsi que l’autoperception et le vécu des enfants concernés par le<br />

travail.<br />

Nous avons alors obtenu deux dimensions d’analyse : une collective et une individuelle. A<br />

partir de l’analyse de ces deux dimensions qualitatives, nous voulons mieux connaître, mais<br />

surtout mieux comprendre, une partie de la réalité des enfants travailleurs urbains en relation<br />

avec leur vie familiale. Mais aussi ce que les enfants pensent du travail des enfants, du travail<br />

53 L’organisation de « missions » chez la population indigène d’Oaxaca avec les jeunes de la commune, une<br />

chorale, divers ateliers de formation et sportifs…<br />

82


ménager, de la scolarisation et de l’enfance, soit la représentation sociale des thèmes autour<br />

de notre sujet d’intérêt.<br />

Pour faire l’analyse des entretiens, nous avons réalisé une analyse de contenu à partir d’une<br />

analyse thématique. Et pour mettre en contexte les discussions pendant les entretiens<br />

collectifs, nous présentons des illustrations sur les conditions du déroulement de la discussion<br />

entre les participants, comme le suggère Kitzinger et al. (2004).<br />

II.2.1.1. Déroulement du travail de terrain a Mexico.<br />

Avant le travail de terrain, nous avions contacté nos connaissances de Pueblo Quieto pour les<br />

informer de nos propos et connaître leurs disponibilités. De même, nous avions envoyé notre<br />

proposition de travail à l’équipe d’organisation de l’enquête. Nous assurant que les personnes-<br />

clés nous attendaient, nous sommes arrivés à Mexico fin mai 2007.<br />

<strong>La</strong> première visite à Pueblo Quieto a été le 28 mai. Lors de notre parcours du quartier, nous<br />

avons rencontré dans les rues d'anciennes connaissances. Nous en avons profité pour<br />

expliquer un peu le motif de notre visite, sans donner beaucoup de détails. Les personnes se<br />

sont montrées assez intéressées à l’égard de notre travail de terrain. Cette première visite nous<br />

a permis aussi de reconnaître le lieu, lequel avait subi certains changements en matière<br />

d’infrastructure publique, notamment la construction d’un centre social et sportif qui offre aux<br />

habitants divers services gratuits ou pas chers. Ce jour-là et le lendemain, nous avons rendu<br />

visite à quatre personnes-clés pour le travail de terrain. Des habitants du quartier que nous<br />

connaissions auparavant et que nous avions contactés avant notre arrivée à Mexico. Cette<br />

première approche nous a servi pour leur expliquer notre travail de terrain et ce que nous<br />

attendions de leur part. Ils ont accepté volontiers de nous soutenir selon leurs possibilités.<br />

Tout d’abord, nous avons rendu visite à Guadalupe et Aldo, un jeune couple d’amis installé au<br />

quartier. Guadalupe y est née, et son compagnon avait été bénévole étranger au même<br />

moment que nous. Ils y sont bien connus et appréciés des habitants. Les deux sont parmi les<br />

rares jeunes adultes du quartier avec un diplôme universitaire. Ils sont professeurs. Ils nous<br />

ont parlé de la situation actuelle du quartier, des problèmes les plus importants à leurs yeux,<br />

des mœurs et des habitudes des habitants en général, ainsi que des enfants et des jeunes.<br />

83


Guadalupe nous a aussi partagé ses souvenirs de la vie au quartier et comme celui-ci a évolué<br />

depuis son enfance, pendant les deux dernières décennies. Ils nous ont accueillis chez eux,<br />

leur appartement nous a servi de base de travail et de repos pendant notre recherche, parfois<br />

même de demeure.<br />

Ensuite, nous retrouvons Miguel, un jeune homme qui habite Pueblo Quieto depuis son<br />

enfance, à peu près 25 ans. Depuis deux ans, il avait abandonné ses études d’ethnographie à<br />

l’université, au premier semestre, pour vivre d’autres expériences. Il travaille à mi-temps<br />

comme baby-sitter des enfants d’une amie à lui, ainsi que comme bénévole au centre social et<br />

sportif auprès des enfants et des jeunes du quartier. Il y est instructeur de basket-ball et chargé<br />

d’un atelier d’artisanat, entre autres. C’est pourquoi il est bien connu et apprécié des familles<br />

locales, et particulièrement des enfants. Il a été une personne essentielle pour la réussite du<br />

travail de terrain. C’est lui qui nous a présenté les responsables administratifs du quartier,<br />

ainsi que les personnes qui géraient le centre social. Il nous a aussi aidés à remarquer et à<br />

contacter les participants potentiels aux entretiens collectifs et individuels, et nous a donné un<br />

coup de main pour la préparation des entretiens collectifs.<br />

Enfin, pour mieux comprendre la situation du quartier, nous avons aussi contacté Guille, une<br />

cinquantenaire qui y habite depuis sa création. Elle est arrivée au quartier à l’âge de 13 ans et<br />

elle a épousé l’un de ses voisins. Elle a vécu tout le processus d’aménagement de Pueblo<br />

Quieto : depuis sa formation, en tant que petite communauté temporaire de locataires, jusqu’à<br />

sa constitution en quartier reconnu par le gouvernement, en passant par une période de squat.<br />

En effet, sa famille est passée de locataire à squatter, et ensuite de squatter à propriétaire. Au<br />

moment de notre travail de terrain, elle était chargée de l’entretien du temple catholique local<br />

(salariée). Certains jours, elle travaillait comme commerçante dans un petit local itinérant<br />

qu’elle installait face à l’église, dans la rue. Elle vendait des tacos (galettes de maïs garnies).<br />

Et certains week-ends, elle vendait de petits poissons frits ou des elotes (épis de maïs cuits)<br />

devant le portail de sa maison. Elle travaillait aussi comme femme de ménage et se chargeait<br />

d’une dame âgée quelques heures par semaine (salariée). Nous l’avons retrouvée à plusieurs<br />

occasions afin de connaître l’histoire du quartier et de discuter à propos de la situation actuelle<br />

et de son évolution. Manquant de renseignements officiels sur Pueblo Quieto, c’est surtout<br />

avec les récits de Guille que nous l’avons découvert et pu connaître son histoire et sa situation<br />

actuelle. Cependant, nous nous sommes aussi servis d’autres récits plus informels auprès<br />

d’autres habitants, ainsi que d’observations directes.<br />

84


Le bon déroulement du travail de terrain a été facilité par ces quatre personnes du quartier,<br />

mais aussi grâce à nos parents. Un couple étranger au lieu, mais bien connu et apprécié par les<br />

habitants. Ils y travaillaient en tant que bénévoles depuis plus de dix ans. Ils sont devenus les<br />

amis de certaines familles qu’ils fréquentaient à titre personnel. Ils connaissent les problèmes<br />

généraux, les coutumes et les habitudes des familles du quartier. Ils nous ont donné, en<br />

quelques entretiens, leur expérience sur place et avec les familles, ainsi que leur point de vue<br />

par rapport à la situation du quartier. Ils nous ont aussi personnellement présenté leurs amis de<br />

Pueblo Quieto, dont certains sont des parents d’enfants travailleurs.<br />

Toutes ces personnes nous ont aidés à plusieurs reprises et de différentes façons tout au long<br />

de notre travail de terrain, mais sans participer à l’organisation proprement dite.<br />

Le 30 mai, nous avons eu rendez-vous avec l’équipe d’organisation du travail de terrain. Ce<br />

jour-là, nous avons rediscuté les objectifs du travail de terrain, et concrètement les entretiens<br />

collectifs. Nous avons mis au point la batterie de questions, ainsi que les démarches pour le<br />

travail. Nous avons alors déterminé les conditions nécessaires du lieu où se tiendraient les<br />

entretiens collectifs, le nombre de personnes par groupe, les caractéristiques des participants<br />

de chaque groupe, les dates possibles, le matériel à utiliser, et les consignes de recrutement<br />

des participants. A ce moment-là, nous n’étions concentrés que sur les entretiens collectifs.<br />

L’idée étant d’abord de finir cette étape du travail, et d’évaluer après la possibilité de réaliser<br />

des entretiens individuels. Notre programme de travail envisageait de faire six groupes de<br />

discussion ou d’entretiens collectifs : mères d’enfants travailleurs, mères d’enfants non<br />

travailleurs, pères d’enfants travailleurs, pères d’enfants non travailleurs, enfants travailleurs<br />

et enfants non travailleurs. Nous avons décidé de travailler avec des enfants âgés de 6 à 14<br />

ans 54 , des filles et des garçons, et des parents avec au moins un enfant dans cette tranche<br />

d’âges. Il faut signaler que nous cherchions des enfants travailleurs de différents types, c’est-<br />

à-dire ceux qui font du travail domestique familial, du travail extradomestique familial ou du<br />

travail extradomestique non familial. Après la réunion, nous sommes allés au quartier pour<br />

commencer le recrutement pour les entretiens collectifs, ainsi que la quête de l’endroit le plus<br />

propice pour les réunions.<br />

54 Pour éviter de mettre dans un même groupe de discussion des enfants avec des différences d’âges notables.<br />

Comme des enfants de 6 et de 17 ans, par exemple.<br />

85


Comme le sujet du travail des enfants est un sujet sensible, nous n’avons pas voulu l’exposer<br />

d’emblée aux personnes du quartier. Il fallait éviter la méfiance de la part des habitants,<br />

surtout ceux concernés par le travail des enfants. Nous avons décidé de présenter alors notre<br />

recherche à nos participants potentiels comme une quête d’information concernant les<br />

différentes activités que réalisent les membres des familles, et notamment les enfants. Et ainsi,<br />

arriver au sujet du travail des enfants de façon discrète. Cela nous permettait par la même<br />

occasion d’obtenir des informations relatives aux autres membres de la famille. Vu cette<br />

situation, nous étions obligés de repérer les enfants travailleurs et non travailleurs, ainsi que<br />

leurs parents, à partir de l’observation sur place, mais aussi en considérant ce que savaient nos<br />

amis du quartier. Pour trouver les travailleurs domestiques familiaux, nous avons eu besoin<br />

d’informations plutôt « privées », parce que ce travail se réalise au sein du ménage, à l’abri du<br />

regard des autres. Mais comme il s’agit d’un quartier peu peuplé où tout le monde se connaît,<br />

il n’était pas difficile d’avoir ce type d’information. <strong>La</strong> vie privée des familles est facilement<br />

connue par les autres : « C’est Pueblo Quieto ! » nous a rétorqué l’une de nos connaissances.<br />

A partir du 30 mai, avec l’aide de nos connaissances, nous avons progressivement, et selon les<br />

nécessités, repéré les enfants et les adultes susceptibles de participer aux entretiens collectifs.<br />

Après, toujours accompagnés de l’un d’entre eux, nous sommes allés contacter certains des<br />

participants potentiels en leur proposant les dates possibles pour le rendez-vous. Nous nous<br />

sommes rapidement aperçus que les entretiens collectifs avec les adultes s’avéraient difficiles,<br />

parce qu’ils se connaissent assez bien, et il existe de graves problèmes de voisinage parmi<br />

eux : mécontentement, méfiance, envie, jalousie, disputes familiales. Une dame que nous<br />

avions contactée nous avait avertis qu’il y avait des personnes qui ne seraient pas disposées à<br />

partager une telle expérience avec certains de leurs voisins, même si tous acceptaient de se<br />

présenter au rendez-vous. Nous risquions alors fortement de rater les séances d’entretiens<br />

collectifs des adultes. De plus, leurs emplois du temps n’ont pas beaucoup aidé : même les<br />

femmes au foyer avaient des difficultés à trouver un moment de libre. Elles sont censées faire<br />

les tâches domestiques et s’occuper de leurs enfants, voire leurs petits-enfants, et surtout de<br />

leur mari lorsqu’il est à la maison. De leur côté, la plupart des hommes n’ont pas un emploi<br />

du temps précis, car ils sont généralement travailleurs indépendants et travaillent dès que<br />

l’occasion se présente, même du jour au lendemain. Il s’est avéré presque tout de suite<br />

difficile de réussir les entretiens collectifs avec les parents, et nous avons alors reconsidéré<br />

cette idée.<br />

86


Lors de la réunion suivante avec l’équipe d’organisation, nous avons décidé de limiter les<br />

entretiens collectifs aux enfants, qui n’ont pas les mêmes problèmes de relation avec les<br />

voisins que les adultes. C’est à ce moment-là que nous avons cru pertinent de faire des<br />

entretiens individuels semi-directifs chez les enfants. L’objectif était de valider les acquis de<br />

la discussion collective, d’explorer en profondeur le vécu des enfants et de faire émerger les<br />

expériences personnelles, lesquelles étaient difficiles à aborder pendant la discussion en<br />

groupe.<br />

Cela représentait l’opportunité d’avoir deux approches méthodologiques qui apporteraient des<br />

éléments différents à l’analyse. Par contre, cela représentait aussi un petit échec parce que<br />

nous n’avions pas eu la possibilité de diriger des entretiens collectifs avec les parents, comme<br />

prévu, perdant le point de vue des adultes concernés par la problématique du travail des<br />

enfants.<br />

Nous avons alors fixé les conditions des entretiens collectifs avec les enfants : la date, l’heure,<br />

le lieu, le matériel nécessaire, le rôle de chaque membre de l’équipe d’organisation. Les<br />

caractéristiques des participants des deux groupes d’enfants sont restées celles qui étaient<br />

initialement prévues.<br />

Avec les nouvelles consignes, nous sommes retournés sur le terrain auprès des parents déjà<br />

contactés, pour leur expliquer qu’à cause des difficultés avec l’emploi du temps des adultes,<br />

nous avions décidé de faire des entretiens collectifs seulement avec les enfants. Et que nous<br />

tenions aussi à des entretiens individuels avec les enfants. Ils ont accepté de bon gré. Nous<br />

avons eu l’impression que cela les soulageait. Nous avons alors continué parallèlement le<br />

recrutement des enfants pour les entretiens collectifs, ainsi que la prise des rendez-vous pour<br />

les entretiens individuels.<br />

Nous avons suivi un protocole d’invitation aux entretiens. Tout d’abord, nous repérions les<br />

enfants à contacter pour les entretiens collectifs, pour les entretiens individuels ou bien pour<br />

les deux. Ensuite, accompagnés par l’une de nos connaissances, nous rendions visite aux<br />

familles repérées. Elle nous présentait les parents en justifiant brièvement le motif de notre<br />

présence, ensuite nous leur parlions de notre recherche et invitions leur enfant à participer aux<br />

entretiens. Nous demandions d'abord l’accord des parents, et ensuite celui de l’enfant. Tous<br />

les parents ont accepté l’invitation aux entretiens collectifs, sauf dans le cas où leurs enfants<br />

87


avaient déjà un impératif à la date prévue. En général, les enfants acceptaient d’y participer<br />

aussi, cependant, certains ont refusé l’invitation à l’entretien collectif. Dans ce cas, si nous le<br />

considérions pertinent, nous leur demandions la possibilité de les interviewer de façon<br />

individuelle. Ils ont tous accepté cette proposition. Il faut souligner la grande réactivité des<br />

parents à nous aider. Ils nous ont même parfois exprimé leur sentiment de reconnaissance, car<br />

ils considéraient comme quelque chose d'important le choix de leurs enfants, parmi tous ceux<br />

du quartier, pour participer aux entretiens.<br />

Miguel nous a aussi présenté les élus locaux et les responsables du centre social qui se sont<br />

montrés assez disponibles pour nous aider et pour nous donner des renseignements sur le<br />

quartier.<br />

Pour remercier les enfants dans leur participation aux entretiens collectifs, nous avons<br />

organisé un buffet pour le déjeuner après les réunions. Et à la fin du travail de terrain, nous<br />

avons rendu visite aux enfants participants des entretiens, soit collectifs, soit individuels, pour<br />

les remercier de leur aide en leur offrant des tee-shirts spécialement élaborés pour l’occasion.<br />

Les entretiens collectifs<br />

<strong>La</strong> méthode simule une discussion de groupe centrée, mais assez libre, ouverte, dans laquelle<br />

les participants sont mutuellement incités à la production d’associations et d’arguments de<br />

groupe qui sont difficiles à réaliser dans des entretiens individuels, dans lesquels il n’y a<br />

qu’une interaction entre deux personnes (Wibeck et al., 2004 ; Duchesne et Haegel, 2005).<br />

L’objectif est de cerner un sujet ou une série de questions pertinentes pour une recherche,<br />

sous la coordination d’un modérateur ou animateur. Et c’est justement le fait de pouvoir saisir<br />

ce qui est dit dans le cadre d’une discussion, c’est-à-dire le produit des interactions sociales,<br />

qui est l’un des avantages de la méthode (Duchesne, Haegel, 2005). Car aucun individu n’a<br />

une relation directe au monde, celui-ci a déjà été mis en mots, et catégorisé par d’autres. Son<br />

discours, comme son appréhension du monde, est traversé et constitué par le discours des<br />

autres, qu’il reprend, modifie et prend comme repère pour se situer (Salazar et Grossen,<br />

2004). Ces discussions dévoilent la pensée de groupes plutôt que d’individus (Kitzinger et al.,<br />

2004). Les discussions au sein des entretiens collectifs ont plus à voir avec l’argumentation<br />

informelle, quotidienne, qu’avec des argumentations caractérisées par un travail de réflexion<br />

formelle (Salazar et Grossen, 2004 ; Wibeck et al., 2004).<br />

88


En recrutant seulement des enfants habitant Pueblo Quieto, nous avons réuni des groupes dits<br />

naturels, c’est-à-dire des participants qui appartiennent à une culture relativement homogène.<br />

Selon Wibeck et al. (2004), la discussion des groupes d’interconnaissances est plus proche de<br />

la discussion de la vie quotidienne, de la réalité. Pourtant, d’autres chercheurs reconnaissent<br />

l’intérêt à rassembler des individus divers, afin d’obtenir l’éventail le plus large possible de<br />

perspectives au sein du groupe, et d’éviter le risque de l’implicite, d’autocensure, de ce qui est<br />

évident pour le groupe (Duchesne et Haegel, 2005). Nous pensions que l’interconnaissance<br />

des participants, dans une discussion avec des enfants, était un facteur qui favoriserait la prise<br />

de la parole de chacun, condition importante pour la qualité des résultats. 55<br />

Il était alors nécessaire de trouver un minimum d’homogénéité sociale entre les participants,<br />

en restant dans une logique d’échantillonnage tendant vers la diversification. Notre objectif<br />

était de construire des groupes permettant de saisir des situations diverses et contrastées au<br />

regard du thème de la discussion. C’est pourquoi s’est imposée une logique de segmentation<br />

comme proposent les spécialistes (Duchesne et Haegel, 2005).<br />

Par conséquent, nous avons décidé de segmenter notre échantillon selon un<br />

critère fondamental concernant la condition de travail des enfants, soit deux groupes<br />

d’entretien collectif : l’un avec des enfants travailleurs (de trois types) et l’autre avec des<br />

enfants non travailleurs. Deux groupes homogènes à propos de la situation de travail, mais<br />

hétérogènes concernant les caractéristiques sociales des enfants : des groupes mixtes (sans<br />

quotas) en ce qui concerne l’âge et le sexe (unique restriction : des enfants âgés de 6 à 14<br />

ans). Et nous comptions faire une seule réunion par groupe.<br />

Nous pensions réunir un minimum de six enfants et un maximum de douze par groupe<br />

(Kitzinger et al., 2004 ; Duchesne et Haegel, 2005). Ainsi, nous aurions deux groupes de<br />

tailles gérables, mais suffisamment riches et variés pour la discussion. Nous avons alors invité<br />

douze enfants, filles et garçons, pour chaque groupe, en sachant que l’oubli ou l’empêchement<br />

55 Le travail de terrain ne permet pas de répondre de façon stricte à cette hypothèse, car pendant les entretiens<br />

collectifs, il y a eu des moments de complicité entre les participants, mais aussi des moments de censure et de<br />

jugement sur les opinions des uns et des autres à cause de la familiarité existante. D’une part, les enfants<br />

soutenaient ou confirmaient la réponse des copains, ce qui demandait de l’honnêteté de la part des participants,<br />

au moins de ceux qui se connaissaient bien. Mais, d’autre part, ils pouvaient se taquiner entre copains ou mettre<br />

en doute leurs réponses, ce qui ne favorisait pas toujours les réponses hors norme.<br />

89


de dernière minute existe, malgré la promesse formelle de chacun d’y participer. Comme<br />

prévu, le jour des entretiens collectifs, certains enfants invités ont manqué au rendez-vous.<br />

Pourtant, nous avons eu plus de six enfants par groupe avec une répartition plus au moins<br />

semblable par sexe (nous en parlerons plus bas). En général, tous les participants de chaque<br />

groupe se connaissaient, car tout le monde se connaît dans le quartier. Des amis et des parents<br />

se sont même retrouvés dans les groupes.<br />

Nous avons prévu de faire d’abord la discussion avec les enfants travailleurs et après avec les<br />

non travailleurs. C’était une stratégie pour préserver la totale méconnaissance des enfants<br />

travailleurs à propos des questions discutées au cours de la réunion. Car nous voulions éviter<br />

que les participants du premier groupe aient l’occasion d’en discuter avec ceux du deuxième,<br />

avant leur tour. Même si les deux séances étaient le même jour, nous serions là pour faire<br />

attention aux possibles échanges entre participants.<br />

Pour réaliser les séances, nous avons choisi un endroit neutre pour les participants, mais en<br />

même temps facilement accessible et familier, surtout en considérant qu’il s’agissait<br />

d’enfants. Le centre social du quartier s’est avéré être la meilleure solution. Nous avons réussi<br />

à obtenir l’accord du responsable du centre pour y faire notre activité de façon gratuite. Il<br />

nous a prêté une salle très adaptée à notre projet. Les deux entretiens collectifs ont eu lieu de<br />

façon consécutive pendant une seule journée dans la même salle. L’on avait prévu deux<br />

heures par session : de 10 h à midi et de midi à 14 h. 56 Il y avait dans chaque séance :<br />

l’animateur, la secrétaire, et nous-mêmes, en tant qu’observateurs et secrétaires.<br />

L’animateur et la secrétaire étaient les professionnels en matière d’entretiens qui formaient<br />

notre équipe d’organisation. Ils ont fourni le matériel de papeterie (crayons, feuilles,<br />

tablettes), les appareils d’enregistrement et les copies d’un questionnaire sociodémographique<br />

pour les participants (voir Annexe II.1). Quelques jours après les entretiens collectifs, ils nous<br />

ont rendu une base de données avec les informations collectées des questionnaires, ainsi que<br />

les notes prises au moment des entretiens et les enregistrements.<br />

Nous avons utilisé la même batterie de questions pour les entretiens collectifs et pour les<br />

entretiens individuels, mais bien évidemment avec des adaptations. Il s’agit d’une série de<br />

56 Juste avant l’heure du déjeuner, lequel commence à partir de 14 h au Mexique.<br />

90


questions classées en quatre domaines : enfance et scolarisation, activités familiales,<br />

distribution du travail dans la famille, et perception sur le travail des enfants (Annexe II.1).<br />

Le protocole de chaque session était le même. L’unique différence a concerné le moment de<br />

l’application du questionnaire sociodémographique. Les circonstances nous ont poussés à<br />

passer le questionnaire à la fin de la première séance et au début de la deuxième. Chaque<br />

séance a démarré avec la présentation de l’animateur, ensuite, les objectifs de la réunion, puis<br />

les règles à suivre pour le bon déroulement de la discussion, et pour finir avec la présentation<br />

de chacun des participants. Pour la courte présentation des participants, l’animateur demandait<br />

à chacun de dire son prénom, son âge et ce qu’il aimait faire le plus dans la vie. Ensuite,<br />

l’animateur posait les questions aux enfants pour démarrer la discussion. Après la dernière<br />

question, il demandait aux participants s’ils avaient des doutes ou des commentaires. Et pour<br />

finir la séance, nous les remercions et leur rappelions de revenir au déjeuner après la<br />

deuxième séance (nous les y avions conviés au préalable). 57<br />

Dans la partie concernant la discussion proprement dite, l’animateur posait chacune des<br />

questions prévues et ajoutait des questions pertinentes, le cas échéant, afin d’éclaircir un point<br />

de désaccord ou d’intérêt. Au début, il a fallu demander une réponse à chaque participant,<br />

mais peu à peu la discussion partait spontanément, et il ne restait plus qu’à encourager les plus<br />

timides. A la fin de la séance, nous avions la possibilité de poser des questions visant aussi à<br />

éclaircir un point spécifique, à notre avis manquant d'approfondissement ou d’éclaircissement.<br />

Avec le groupe d’organisation des entretiens collectifs, nous nous sommes réunis l’après-midi<br />

pour discuter sur le déroulement et la participation des enfants aux entretiens collectifs.<br />

Ensemble, nous avons partagé nos points de vue et nos premières impressions. Par la suite,<br />

nous décrirons le déroulement de chacun des entretiens collectifs.<br />

57 Ils ont presque tous participé au repas, sauf un, qui devait justement commencer son travail à ce moment-là (il<br />

livrait des déjeuners préparés par sa mère). Les enfants sont partis contents et certains nous ont même demandé<br />

si le lendemain il y aurait encore une autre séance. Les parents ont aussi exprimé leur satisfaction de la<br />

participation de leurs enfants.<br />

91


L’entretien collectif avec des enfants travailleurs<br />

L’entretien avec les enfants travailleurs a concerné dix enfants, dont six filles (âgées de : 9, 9,<br />

10, 12, 14 et 14 ans) et quatre garçons (trois âgés de 12 ans et l’autre de 14 ans). Tous sont<br />

scolarisés.<br />

Les enfants participants font partie des différents groupes de travailleurs : extradomestiques<br />

ou non, familiaux ou non. Ils travaillent fréquemment pendant toute l’année. Cependant, tous<br />

ont comme activité principale leurs études. Ils ne travaillent que pendant leur temps<br />

périscolaire.<br />

Nous avons commencé tard à cause du retard de certains participants. Au début, les<br />

participants paraissaient un peu timides et nerveux, certains étaient indifférents, mais, peu à<br />

peu ils ont commencé à se montrer plus à l’aise et à s’intéresser à la discussion. Les quatre<br />

garçons se sont assis côte à côte, en face de l’animateur, et après quelques minutes se sont mis<br />

à se taquiner et à s'amuser. Cela empêchait le bon déroulement de la discussion. L’animateur<br />

a dû leur rappeler les règles à tenir, comme le respect pour celui qui parle. Cependant, l’un<br />

des garçons, dont la participation dans la discussion était assez vive et révélatrice, continuait à<br />

plaisanter et à déranger les autres. Alors, l’animateur lui a demandé de changer de place, tout<br />

près de lui, et finalement tout s’est bien passé par la suite. Il y a encore eu de petites blagues,<br />

mais cela ne dérangeait nullement la discussion, ni l’enregistrement, au contraire cela<br />

décontractait la séance. <strong>La</strong> session a duré une heure et quart.<br />

Les filles étaient plus sérieuses et tranquilles que les garçons. Elles participaient activement,<br />

mais en général de façon bien concrète et sans plaisanter. Pour leur part, les garçons<br />

s’exprimaient vivement, mais ils faisaient souvent plus de commentaires et de blagues, et ils<br />

s’interrompaient plus que les filles.<br />

L’entretien collectif avec des enfants non travailleurs<br />

Etant donné le retard subi et l’absence de certains invités dans le premier groupe de<br />

discussion, un peu avant l’heure de la deuxième séance, Miguel et Guadalupe, qui nous<br />

aidaient à ce moment-là, sont allés personnellement chez nos invités pour leur rappeler la<br />

92


éunion. <strong>La</strong> plupart des participants sont arrivés ponctuellement, nonobstant quelques absents<br />

et retardataires.<br />

L’entretien collectif avec les enfants non travailleurs a impliqué la participation de huit<br />

enfants, dont trois filles et cinq garçons. Ce groupe était plus jeune que celui des enfants<br />

travailleurs, et les garçons étaient les cadets. Les filles avaient 10 ans (deux filles) et 12 ans,<br />

tandis que les garçons avaient : 7, 8, 9 ans (deux garçons) et 10 ans, tous scolarisés.<br />

Dans ce groupe, nous avons eu la participation de deux frères et d’une fille et son petit frère.<br />

<strong>La</strong> mère des deux frères nous a expliqué, au moment de la contacter pour inviter l’aîné, que<br />

les deux restaient seuls à la maison pendant qu’elle travaillait, c’est-à-dire au moment du<br />

rendez-vous, alors elle ne voulait pas laisser le benjamin seul. Elle a accepté la participation<br />

de leurs enfants, âgés de 7 et 9 ans, à condition d’aller les chercher personnellement chez eux<br />

et de les y déposer après la séance, ainsi que de les surveiller lorsqu’ils seraient avec nous.<br />

Dans l’autre cas de fratrie, la mère nous a aussi demandé de laisser participer son fils (9 ans),<br />

en plus de sa fille (12 ans), pour des raisons similaires. Dans les deux situations, nous avons<br />

accepté, car les enfants ciblés avaient les caractéristiques souhaitées pour les participants à ce<br />

groupe et nous ne voulions pas les perdre. En plus, l'enfant « accompagnant » rentrait aussi<br />

dans les critères du groupe.<br />

Nous avons commencé la session par le remplissage du questionnaire avec les enfants qui<br />

étaient arrivés à l’heure, en attendant le reste des participants. Etant donné leur âge, certains<br />

ont demandé de l’aide pour le remplissage, nous et les enfants les plus âgés les avons aidés.<br />

En général, ils se sont montrés assez intéressés par la réunion dès le début. <strong>La</strong> séance a duré<br />

une heure.<br />

Pendant toute la séance, ce groupe a été bien sage, les participants ne plaisantaient guère. Ils<br />

s’exprimaient ouvertement, mais de manière assez concrète, sauf deux garçons (les frères) qui<br />

aimaient bien discuter, s’exprimer et raconter des expériences personnelles dès qu’ils en<br />

trouvaient l’occasion. Leur participation a bien enrichi la discussion, pourtant ils étaient les<br />

plus jeunes du groupe. Cependant, l’animateur a parfois été contraint de leur couper<br />

discrètement la parole, lorsqu’ils s’éloignaient trop du sujet traité, en plus de motiver la<br />

participation des plus timides.<br />

93


Les entretiens individuels semi-directifs<br />

Nous avons réalisé les entretiens individuels avant et après les séances d’entretiens collectifs,<br />

selon la disponibilité des interviewés.<br />

Les connaissances que nous avons dans le quartier, et le fait d’être connue de certaines<br />

personnes, ont favorisé le contact avec les habitants. En général, les personnes se sont<br />

montrées prêtes à nous aider pour notre recherche. Les enfants respectaient les rendez-vous<br />

comme prévu. Ils montraient même de l’impatience et de la curiosité pour l’entretien.<br />

Nous avons réalisé douze entretiens individuels chez les enfants : sept travailleurs (cinq<br />

filles âgées de : 9, 9, 11, 12 et 14 ans, et deux garçons de 14 ans) et cinq enfants non<br />

travailleurs (deux filles âgées de : 7 et 10 ans, et trois garçons de : 8, 12 et 14 ans). Sept<br />

enfants interviewés ont participé aussi aux entretiens collectifs. Il faut signaler que parmi les<br />

enfants travailleurs nous trouvons : quatre filles extradomestiques familiales, deux garçons<br />

extradomestiques non familiaux et une fille domestique familiale. Le nombre d’enfants de<br />

chaque type de travail est arbitraire, nous n’avions pas de quotas à remplir à ce sujet. Nous<br />

avons interviewé plutôt ceux que nous avons eu la possibilité d’approcher. Il y avait en effet<br />

d’autres enfants travailleurs, mais nos connaissances nous ont conseillé de ne pas les aborder,<br />

car les familles étaient méfiantes envers les étrangers à cause principalement d’une situation<br />

familiale « sensible » (comme la vente de drogue, des problèmes de violence intrafamiliale,<br />

des problèmes d’alcool…) : dans ce cas, un entretien sur la vie privée aurait pu être mal<br />

interprété. D’autres personnes avaient déjà eu des problèmes avec les parents de ces enfants.<br />

Donc, nous nous sommes abstenus de les approcher. D’ailleurs, bien évidemment, il y avait<br />

d’autres enfants travailleurs que nous n’avons pas pu contacter à cause du manque de temps et<br />

de leur indisponibilité.<br />

Tous les enfants ont été interviewés une seule fois. <strong>La</strong> plupart des entretiens ont eu lieu chez<br />

l’interviewé, à l’initiative des propres parents, sauf deux entretiens. Le premier est celui d’une<br />

fille travailleuse extradomestique familiale (Claudia). Comme la mère ne nous avait pas<br />

proposé d’entretien dans sa maison, nous avons retrouvé la fille à l’épicerie familiale. A cause<br />

du bruit, du passage et de la pluie, nous nous sommes entretenues à l’intérieur de notre<br />

voiture. Nous n’avions pas la possibilité de remettre à plus tard la réunion, car nous étions aux<br />

derniers jours de notre séjour, et avions eu du mal à trouver un moment libre dans l’emploi du<br />

94


temps de la fille, qui avait déjà annulé deux fois le rendez-vous. Le deuxième enfant était un<br />

garçon travailleur extradomestique non familial (Alejandro), qui n’a pas non plus proposé sa<br />

maison pour l’entretien ; alors nous sommes allés dans la cour du centre social du quartier,<br />

laquelle était peu fréquentée et calme à ce moment-là.<br />

Il faut souligner que nous avons eu quelques problèmes de bruit aux enregistrements, car<br />

parfois pendant le déroulement des entretiens individuels, les voisins, ou même les autres<br />

personnes du ménage, mettaient de la musique à haut volume ; une habitude bien tolérée dans<br />

le quartier. Dans la majorité de cas, l’interviewé était seul avec nous dans la pièce où se<br />

déroulait l’entretien (le salon, ou parfois la salle à manger ou encore la cuisine). En général,<br />

les autres personnes passaient parfois dans le lieu où nous étions, en évitant de déranger.<br />

Seulement dans deux cas, l’enfant le plus jeune venait de temps en temps à côté de<br />

l’interviewé, dont la fratrie se trouvait seule à la maison. Or, dans certains cas, l’enfant était<br />

seul dans toute la maison, ce qui arrivait fréquemment lorsque les parents étaient sortis<br />

travailler. Les interviewés, ainsi que la description des conditions des entretiens individuels,<br />

sont présentés dans l’Annexe III.<br />

Lors du rendez-vous, tout d’abord, nous rappelions aux enfants, brièvement et de façon<br />

simple, l’objectif de l’entretien et la manière dont il se déroulerait, ainsi que la nécessité<br />

d’enregistrer la conversation. 58 Nous les rassurions par rapport aux réponses, en leur<br />

expliquant que nous cherchions à apprendre certaines choses et non pas à les évaluer : il fallait<br />

juste dire ce qu’ils pensaient ou savaient. Avant de commencer l’entretien proprement dit, à<br />

l’aide d’un questionnaire, nous demandions aux interviewés certaines<br />

informations personnelles et familiales, afin de mieux connaître la composition du ménage,<br />

ainsi que les caractéristiques sociodémographiques et les activités de chaque personne de la<br />

famille, et bien évidemment du propre interviewé (voir fiche de renseignements généraux en<br />

Annexe II.1). L’information recueillie est résumée dans un tableau dans l’Annexe III. Nous<br />

commencions alors l’entretien à l’aide d’une grille de lecture qui nous servait de repère (voir<br />

Annexe II.1). Comme pour les entretiens collectifs, il s’agit d’une série de questions classées<br />

en quatre domaines : enfance et scolarisation, activités familiales, organisation du travail dans<br />

la famille, et perception sur le travail des enfants.<br />

58 Nous avions un très petit enregistreur discret.<br />

95


Il faut dire que tous les enfants interviewés sont nés à Pueblo Quieto. Ils avaient comme<br />

activité principale leurs études et participaient habituellement aux tâches ménagères (ils<br />

s’occupaient de leurs affaires personnelles : ranger sa chambre et faire son lit, entre autres).<br />

II.2.1.2. Les limites du travail de terrain.<br />

Le travail de terrain à Mexico a produit des informations importantes pour notre étude. Mais,<br />

même si ces résultats ont permis d’enrichir notre recherche et de trouver d’autres lignes<br />

possibles de recherche futures, il faut en souligner les limitations.<br />

De manière générale, le fait d’avoir des participants d’un seul et même quartier pour les<br />

entretiens collectifs et individuels a constitué une limite. Même si une certaine homogénéité a<br />

ses avantages, nous sommes dans l’impossibilité de comparer nos résultats à d’autres<br />

contextes pour savoir à quel point le contexte influence les comportements et les idées des<br />

enfants. Une analyse qui s’avère intéressante pour de prochaines recherches.<br />

Par ailleurs, le fait d’avoir masqué notre vrai sujet d’intérêt est un point discutable en termes<br />

éthiques, méthodologiques et pratiques. L’explicitation de notre sujet auprès des interviewés<br />

nous aurait peut-être donné une liberté majeure pour poser plus de questions concernant le<br />

thème et pour approfondir plus le sujet. Pourtant, nous considérons que notre choix a été<br />

pertinent en considérant la méfiance des personnes du quartier envers les étrangers,<br />

notamment celle des adultes. Nous avons de forts doutes quant à la réaction des personnes<br />

concernées, car elles savent bien que le travail des enfants est interdit aux moins de 14 ans.<br />

Nous avons constaté la difficulté de repérer les enfants travailleurs domestiques familiaux.<br />

Bien évidemment, les enfants concernés ne se reconnaissent pas en tant que travailleurs. Et le<br />

fait que ce type de travail soit réalisé dans la sphère privée de la famille le rend encore plus<br />

difficile à déceler de l’extérieur comme travail, malgré nos informateurs et leur connaissance<br />

sur la vie privée des familles du quartier. Nous avons seulement réussi à trouver une fille<br />

travailleuse domestique familiale. Ce qui représente une limite de notre travail de terrain, tout<br />

autant qu’un exploit. Car nous avons au moins un cas qui servira à donner de pistes à propos<br />

d’un sujet dépourvu d’informations, même s’il nous empêchera de conclure sérieusement sur<br />

son seul appui.<br />

96


Enfin, l’une des limites à notre travail de terrain, qui est plutôt un regret, est le fait d’avoir<br />

manqué les entretiens collectifs avec les parents. Ils auraient donné des informations<br />

complémentaires à ce que nous avons réussi à recueillir. De même que des entretiens, tantôt<br />

collectifs, tantôt individuels, avec des jeunes ou adultes ayant été des travailleurs pendant leur<br />

enfance auraient pu être aussi très enrichissants pour connaître les conséquences et les vécus<br />

avec du recul.<br />

Les limites des entretiens collectifs<br />

Une des limitations méthodologiques de l’entretien collectif est le fait que cette méthode ait<br />

tendance à recueillir des discours conformes à « la norme » et non précisément aux pratiques.<br />

C’est-à-dire qu’il nous informe sur ce qui est socialement acceptable et non nécessairement<br />

sur ce qui est réellement fait au quotidien. En effet, nous avons constaté, par exemple, que<br />

même si l’on a essayé de masquer notre intérêt au sujet du travail des enfants, dans le groupe<br />

des enfants travailleurs, au moment où nous avions touché ce thème, l’un des participants a<br />

demandé directement en forme de plaisanterie si nous allions les dénoncer. Evidemment, nous<br />

avons démenti ce propos et rassuré les enfants. Mais il est évident que l’enfant en cause a mis<br />

en alerte les autres enfants. Et peut-être qu’après la remarque, les autres enfants ont fait plus<br />

attention à ce qu’ils disaient, malgré notre réponse. Cependant, leur participation a continué à<br />

être assez animée et apparemment sincère.<br />

Nous considérons que ce qui est dit par les enfants est l’expression, directe ou indirecte, de ce<br />

qu’ils connaissent et comprennent sur les normes et sur les pratiques du contexte<br />

d’appartenance, ainsi que le reflet de ce qu’ils ont appris au sein de leur famille et aussi dans<br />

leur propre communauté. En effet, ils évoquaient parfois un discours « normatif ».<br />

Néanmoins, on considère que les enfants ont la propension à s’exprimer de façon spontanée,<br />

voire sincère. Ce qui impliquerait que le discours des enfants, recueilli à travers un entretien<br />

collectif, soit plus proche de la réalité que celui des adultes. Mais c’est juste une hypothèse,<br />

car la bibliographie spécialisée sur la méthode ne traite pas ce sujet. 59 Et nous n’avons pas<br />

59 Nous avons trouvé un auteur qui parle de la recherche sociologique concernant l’enfance ; elle ne développe<br />

pas vraiment le sujet des méthodologies qualitatives. Elle essaie plutôt de sensibiliser les chercheurs sur<br />

l’importance de prendre en compte les caractéristiques des enfants pour adapter les outils et les méthodologies<br />

déjà existantes (Gaitán, 2006).<br />

97


d’éléments pour prouver cette hypothèse de façon nette. Nous avons juste nos résultats,<br />

lesquels, bien qu’ils ne puissent pas être considérés comme une règle à ce sujet, peuvent être<br />

un exemple. D’après nos expériences du travail de terrain, les enfants expriment leurs pensées<br />

apparemment sans trop réfléchir et sans préjugés. De manière libre, voire naïve et innocente.<br />

Et nous avons remarqué que ces dernières caractéristiques semblent s’amenuiser au fur et à<br />

mesure que l’âge des enfants augmente.<br />

Concernant les réunions, bien que l’interconnaissance des participants ait profité aux<br />

échanges, car les enfants se sentaient en confiance les uns avec les autres, peut-être a-t-elle<br />

par contre limité les discours « hors norme », justement pour éviter les jugements des voisins,<br />

en dehors de la réunion. Mais cela dépendait plutôt du caractère de chaque enfant, voire de<br />

leur maturité, parce que les plus jeunes parlaient de façon assez naturelle, spontanée, on aurait<br />

dit qu’ils ne réfléchissaient pas beaucoup avant de parler. Ils nous ont souvent surpris à cause<br />

de leurs réponses inattendues. Par contre, chez les garçons travailleurs, qui étaient des amis,<br />

les commentaires des plus timides étaient exprimés de façon discrète, tandis que les plus<br />

ouverts parlaient beaucoup et mettaient fréquemment en doute les réponses des autres (amis),<br />

en les taquinant.<br />

Par ailleurs, une nouvelle discussion avec les groupes d’enfants aurait permis d’approfondir<br />

des thèmes intéressants ou faiblement abordés lors de la première réunion. Mais nous avons<br />

limité notre analyse aux résultats d’une seule discussion, dont parfois les données sont<br />

restreintes.<br />

Enfin, nous avons aussi constaté que les enfants se distraient et s’ennuient rapidement, les<br />

discussions se font plutôt rapides et concrètes, ils n’approfondissent pas beaucoup leurs<br />

réponses. Or, lors des entretiens individuels, plus intimes, certains de ces mêmes participants<br />

se sont montrés plus ouverts et bavards qu’en collectivité ; pour d’autres ce fut tout le<br />

contraire, comme si le fait d’être entourés de leurs amis leur donnait de l’assurance.<br />

Les limites des entretiens individuels<br />

L’une des limitations des entretiens individuels est le nombre restreint d’interviewés, surtout<br />

par type de travail, notamment en ce qui concerne le travail domestique familial, car nous<br />

avons réussi seulement un entretien de ce genre. Dans ce cas, nous n’avons pas trouvé<br />

98


d’autres enfants concernés. Il aurait fallu peut-être chercher des moyens plus effectifs pour en<br />

trouver, ainsi qu’élargir le contexte de recherche. Ce qui constitue un défi pour de prochaines<br />

études sur ce type de travailleurs si cachés et peu étudiés.<br />

Par ailleurs, le manque d’approfondissement sur le thème spécifique du travail chez les<br />

enfants travailleurs, lors de nos rencontres auprès des interviewés, est aussi une limite. Nous<br />

nous sommes rendu compte, après les interviews et même après les transcriptions, des<br />

éléments ou des questions ratés lors des entretiens. Le temps restreint, ainsi que notre<br />

inquiétude sur les questions « sensibles » a été à l’origine de lacunes. Nous n’avons pas eu<br />

l’occasion d'interviewer à nouveau les enfants concernés, malgré leur disponibilité.<br />

II.2.2. L’analyse quantitative<br />

Afin de saisir la variabilité des situations du travail des enfants ainsi que de chercher des<br />

facteurs (de type plutôt familial) impliqués dans ce phénomène, nous utilisons des données<br />

quantitatives que nous analysons avec l’aide des méthodes statistiques. Nous réalisons une<br />

analyse secondaire — car nous ne sommes pas les producteurs de ces données — à travers<br />

deux types d’analyse : bivariée et multivariée. Pour le faire, nous utilisons le programme<br />

Statistical Package for the Social Sciences, SPSS.<br />

D’une part, pour analyser et comparer les conditions de travail des enfants, nous utilisons une<br />

analyse bivariée afin d’étudier les relations, les dépendances ou les corrélations entre deux<br />

variables à chaque fois. Pour cela, nous élaborons principalement des tableaux croisés, en<br />

l’occurrence des tableaux de contingence, lesquels offrent la possibilité de connaître la<br />

distribution des individus selon deux variables simultanément. De cette façon, nous mettons<br />

en évidence d’éventuelles différences de pratiques ou d’attitudes selon diverses modalités<br />

d’intérêt pour notre recherche (sexe, âge, type de travail). Ainsi, l’on peut voir l’influence ou<br />

la dépendance d’une variable sur une autre. Il faut signaler qu’il s’agit d’une notion de<br />

dépendance que ne renvoie pas nécessairement à une idée déterministe ou causale, sinon à une<br />

idée de lien entre les variables. Il s’agit d’une analyse simple et plutôt descriptive,<br />

indispensable statistiquement pour entamer des analyses plus complexes, comme les analyses<br />

multivariées. Etant donné le fait que nous utilisons des échantillons, nous sommes obligés de<br />

faire attention à la « fiabilité » ou le niveau de confiance de l’inférence des résultats, soit par<br />

99


apport aux différences soit par rapport à la relation de dépendance entre deux variables. Nous<br />

allons alors faire appel aux tests statistiques comme le test du khi-deux, le test des corrélations<br />

de Pearson ou le coefficient de contingence, selon le cas. Tous les résultats montrés par la<br />

suite sont statistiquement significatifs.<br />

D’autre part, étant donné que le travail des enfants est un phénomène où divers facteurs sont<br />

importants, individuels et familiaux par exemple, nous tenons à faire une analyse multivariée.<br />

Nous proposons alors l’utilisation d’une des méthodes statistiques de ce type d’analyse : les<br />

modèles de régression. Cette méthode sert à trouver des liens dans un sens large de relation, et<br />

non strictement de causalité. Ce type de modèles permet de mettre en relation la variable<br />

d’intérêt (variable dépendante à expliquer) avec chacune des variables explicatives<br />

(indépendantes), en prenant en compte la présence d’autres variables incluses dans le modèle,<br />

qui sont susceptibles de modifier la relation. Ainsi, il est possible d’évaluer l’effet des<br />

variables explicatives dans son ensemble sur la variable à expliquer, mais aussi d’estimer de<br />

manière individuelle, pour chaque variable explicative : le type de relation (directe ou<br />

inverse), le degré d’importance statistique (significative ou non), et la variabilité de cette<br />

relation avec la variable à expliquer, toujours en contrôlant l’effet du reste des variables<br />

explicatives, soit « toutes choses égales par ailleurs ». En l’occurrence, nous élaborons des<br />

modèles qui permettent d’estimer de manière séparée le risque d’être un travailleur<br />

domestique familial, un travailleur extradomestique non familial ou un travailleur<br />

extradomestique familial (la variable dépendante), par rapport à ne pas l’être. Les variables<br />

explicatives, qui dépendent du type de travail — domestique ou extradomestique —<br />

permettent de considérer des aspects individuels et familiaux associés. Les estimations de<br />

chaque modèle ne sont pas strictement comparables entre elles, mais elles offrent une idée de<br />

l’importance de chaque variable explicative selon le type de travail analysé.<br />

Les caractéristiques de nos variables dépendantes d’intérêt (travailler ou ne pas travailler),<br />

ainsi que le type de données disponibles, nous ont menés à choisir les modèles de régression<br />

logistique binomiale. 60 Car il s’agit d’une variable dépendante catégorique avec deux options<br />

60 Equation de régression logistique binomiale :<br />

e<br />

α + β1X1<br />

+ β 2X2<br />

+ β 3X3<br />

+ .... + βiXi<br />

P(<br />

Y == 1)<br />

=<br />

X X X<br />

iXi<br />

1+<br />

e<br />

α + β1<br />

1 + β 2 2 + β 3 3 + ... + β<br />

100


possibles. Afin de rendre plus facile la lecture des résultats des modèles, nous calculons aussi<br />

les probabilités ajustées (%), associées à chaque coefficient, soit à chaque catégorie de<br />

différentes variables explicatives. 61<br />

II.2.2.1. Les bases de données pour l’analyse quantitative.<br />

En considérant notre impossibilité réelle de produire nos propres données quantitatives, c’est-<br />

à-dire de réaliser une enquête spéciale pour cette recherche, nous avons cherché parmi les<br />

bases de données existantes la plus appropriée et la plus actuelle pour réussir nos objectifs<br />

initiaux.<br />

Nous sélectionnons comme source de données, le Módulo sobre Trabajo Infantil, MTI 62 , du<br />

quatrième trimestre 2007, de l’Encuesta Nacional de Ocupación y Empleo, ENOE 63 . Nous<br />

présentons par la suite une brève description de ces enquêtes, ainsi qu’une évaluation de la<br />

qualité de l’information disponible. Nous parlerons aussi de ses qualités et ses limites.<br />

L’Enquête nationale sur l’occupation et l’emploi 2007 (ENOE) et son Module sur le<br />

travail des enfants (MTI).<br />

Au Mexique, les enquêtes emploi auprès des ménages datent de 1973. Depuis, la Direction<br />

Générale de Statistique a mis en place différents projets à ce sujet. Au fur et à mesure, les<br />

projets ont changé, visant à l’amélioration de la qualité de l’information, ainsi qu’à une<br />

meilleure approche de l’évolution du marché du travail ; toujours en accord avec les nouvelles<br />

dispositions des spécialistes des institutions internationales. 64 Ce processus de développement<br />

des projets a abouti actuellement à l’ENOE.<br />

Dont :<br />

Y : Variable dépendante (binomiale : travailler=1/ne pas travailler=0).<br />

α : Terme constante du modèle.<br />

βi : Coefficients du modèle (rapports de risque).<br />

Xi : Variables indépendantes (construites dans une logique dummy : 0,1, soit des variables dites « muettes »).<br />

61 Pour une explication détaillée sur ces modèles, ainsi que sur l’estimation des probabilités ajustées, consulter :<br />

Retherford et Choe, 1993 ; Hosmer et Lemeshow, 1989.<br />

62 Module sur le Travail des Enfants.<br />

63 Enquête Nationale sur l’Occupation et l’Emploi.<br />

64 L’ENOE suit les directives proposées par : l’OIT, l’Organisation de Coopération et de Développement<br />

Economiques (OCDE), le Groupe de <strong>Paris</strong> sur les statistiques d’emploi et de rémunération, le Groupe de Delhi,<br />

le Bureau de Statistique de l’ONU, le Groupe Interministériel de Travail de Révision des Systèmes de<br />

101


L’ENOE est le plus récent projet national en matière d’emploi ; elle a été mise en marche à<br />

partir de 2005. Cette enquête a été élaborée en continuité avec les deux principales enquêtes<br />

d’emploi qui l’ont précédée : l’Encuesta Nacional de Empleo Urbano, ENEU, 65 et l’Encuesta<br />

Nacional de Empleo, 66 ENE. 67 Ces deux projets ont été arrêtés fin 2004 et ont été remplacés<br />

par l’ENOE qui a une représentativité à cinq niveaux : localités de moins de 2 500 habitants,<br />

localités de 2 500 à 14 999 habitants, localités de 15 000 à 99 999 habitants, localités de<br />

100 000 habitants et plus, et national. Il s’agit d’une enquête trimestrielle. <strong>La</strong> méthode de<br />

sondage est aléatoire en deux étapes : stratifié et par conglomérats ; et le type de collecte est<br />

en face à face. <strong>La</strong> population concernée est toute personne âgée de 12 ans et plus. En 2007, le<br />

nombre de logements dans l’échantillon est de 120 105.<br />

L’ENOE est constituée de deux bulletins : le questionnaire sociodémographique et le<br />

questionnaire d’activité et d’emploi (voir Annexe II.2). Le premier permet, tout d’abord,<br />

d’identifier le nombre de ménages par logement ainsi que le nombre de personnes par<br />

ménage 68 . Ensuite, il renseigne sur les caractéristiques sociodémographiques de chaque<br />

membre du ménage : le lien de parenté avec le chef, l’âge, le sexe, l'année et le lieu de<br />

naissance ; pour les 5 ans et plus : la condition d’alphabétisation et la situation scolaire ; et<br />

pour les 12 ans et plus : la fécondité (seulement pour les femmes) et l’état civil. Enfin, comme<br />

chaque logement sélectionné dans l’échantillon est visité cinq fois tous les trois mois, il<br />

permet de repérer l’évolution de la composition des ménages : les nouveaux et les anciens<br />

résidents, leurs motifs d’arrivée et de départ, ainsi que leur origine et leur destination<br />

géographique. Le deuxième questionnaire traite des sujets propres au travail et ne concerne<br />

que les personnes âgées de 12 ans et plus : la situation d’activité ; le chômage ; la population<br />

active selon sa situation de travail ; l’activité principale ; le secteur d’activité ; le nombre<br />

d’heures travaillées par semaine ; les revenus ; les formes de paiement ; les droits sociaux ; le<br />

travail secondaire et d’autres activités.<br />

Comptabilité Nationale (ISWGNA) et l’Accord Nord-Américain de Coopération dans le Domaine de Travail<br />

(ANACT).<br />

65<br />

L’Enquête Nationale sur l’Emploi Urbain.<br />

66<br />

L’Enquête Nationale sur l’Emploi.<br />

67<br />

L’ENEU a eu une validité de vingt ans, à partir de 1983. Elle avait une représentativité au niveau national et<br />

au niveau des principales villes. L’ENE a commencé en 1988, en réponse à la nécessité d’avoir des informations<br />

sur l’activité économique dans les milieux ruraux.<br />

68<br />

Il faut rappeler que selon la définition de « ménage » de l’INEGI, un logement peut accueillir plus d’un<br />

ménage.<br />

102


C’est justement parce qu’elle renseigne sur les caractéristiques sociodémographiques des<br />

membres du ménage avec beaucoup de détails sur les caractéristiques de leurs activités, que<br />

cette enquête est la plus appropriée pour notre recherche. Cependant, elle restreint le travail<br />

des enfants à 12 ans et plus, ce qui empêche de connaître la situation des plus jeunes.<br />

Même si, depuis des années, un outil pour recueillir des données spéciales au sujet du travail<br />

des enfants était nécessaire, l’on peut dire que c’est en 2007 que l’INEGI mène, pour la<br />

première fois, une enquête bien planifiée à ce propos. Auparavant, il y a eu deux autres projets<br />

expérimentaux pour connaître le travail des enfants, mais la représentativité de l’information<br />

est restreinte et la qualité de l’information reste à réviser, faute de document méthodologique<br />

à propos de ces deux enquêtes. <strong>La</strong> première expérience date de 1997, l’INEGI avec d’autres<br />

institutions 69 ayant réalisé une enquête sur les activités des enfants dans la population<br />

indienne du pays. Elle fait partie de l’Encuesta Nacional de Empleo en Zonas Indígenas,<br />

ENEZI. 70 Plus tard, au deuxième trimestre de 1999, un deuxième projet a, cette fois, une<br />

représentativité nationale, elle fait partie de l’ENE. Le troisième et le projet le plus récent est<br />

le MTI, qui fait partie de l’ENOE pendant le quatrième trimestre de 2007. L’objectif général<br />

du MTI est de recueillir des informations actuelles sur l’étendue et les caractéristiques des<br />

activités (économiques, domestiques et scolaires) que réalisent les personnes âgées de 5 à 17<br />

ans (INEGI, 2004 ; INEGI-STPS, 2008). 71<br />

<strong>La</strong> taille de l’échantillon du MTI est de 57 127 logements, ce qui correspond au nombre de<br />

logements de l'échantillon ayant au moins un enfant de 5 à 17 ans (soit 55% des logements<br />

qui font partie de l’échantillon de l’ENOE du même trimestre 72 , d'après l’information<br />

recueillie par l’ENOE le trimestre précédent). Et le nombre d’interviewés est finalement de<br />

107 041 enfants âgés de 5 à 17 ans. Cet échantillon permet de faire des estimations<br />

représentatives à divers niveaux : national, des localités les plus urbanisées (100 000 habitants<br />

et plus) et les capitales de chaque Etat, des localités les moins urbanisées (moins de 100 000<br />

habitants), et par Etat.<br />

69 A savoir : l’INEGI, le Secrétariat du Travail et de la Prévision Sociale (STPS), l’Institut National Indigéniste<br />

(INI), le Secrétariat du Développement Social (SEDESOL), le Programme des Nations Unies pour le<br />

Développement (PNUD) et l’OIT.<br />

70 L’Enquête Nationale sur l’Emploi en Zones Indigènes.<br />

71 Il existe d’autres enquêtes, dans le cadre d’études spécifiques, notamment à propos des enfants travailleurs<br />

dans les rues ou des travailleurs marginaux (surtout de la part des ONG, des institutions intergouvernementales<br />

internationales ou des gouvernements locaux), mais à courte portée (INEGI, 2004).<br />

72 Près de 14% des logements de l’échantillon de l’ENOE sont restés sans information, donc l’échantillon final<br />

compte : 103 262 logements au lieu des 120 105 prévus.<br />

103


Afin d’éviter la méfiance que provoque souvent le sujet du travail des enfants parmi la<br />

population, le MTI est nommé sur les bulletins de l’enquête : « Módulo de Actividades de<br />

niños, niñas y adolescentes, MANNA » 73 . Il s’agit de deux bulletins : un questionnaire pour<br />

les 5 à 11 ans, et un autre pour ceux âgés de 12 à 17 ans. Ce dernier sert seulement à<br />

compléter l’information recueillie par le questionnaire de l’ENOE pour cette tranche d’âge, de<br />

manière à collecter la même information que pour les enfants de 5 à 11 ans (voir Annexe II).<br />

Les thématiques incluses dans le MTI sont :<br />

Les activités non économiques 74 , domestiques 75 et marginales 76 .<br />

Les activités économiques. 77<br />

L’expérience de travail.<br />

<strong>La</strong> nécessité de travailler et la quête de travail (chômeurs) 78 .<br />

Des aspects professionnels.<br />

Les caractéristiques de l’unité économique.<br />

Les conditions de travail (revenus, heures, jours et mois travaillés).<br />

L’importance du travail des enfants.<br />

Les conséquences de l’abandon du travail.<br />

Les accidents, les blessures et les maladies associés au travail.<br />

<strong>La</strong> fréquentation, l’interruption et l’abandon de la scolarisation.<br />

Les aides économiques.<br />

Les limites de la base de données<br />

Pendant notre recherche, nous avons trouvé certaines limites importantes dans le MTI, à<br />

propos de l’information recueillie. Evidemment, les contraintes économiques imposées pour<br />

73<br />

Module sur les activités des garçons, des filles et des adolescents.<br />

74<br />

Soit les actions réalisées pour satisfaire les besoins essentiels personnels, du ménage ou de la communauté,<br />

ainsi que des actions pour obtenir un revenu, mais, qui n’impliquent pas la production de biens ni la génération<br />

de services. Il inclut aussi les activités marginales et la mendicité déguisée.<br />

75<br />

Soit les activités réalisées pour la production des biens et des services pour la consommation des membres du<br />

ménage.<br />

76<br />

Soit des activités pour obtenir des revenus dans la rue, mais il n’existe pas une demande de la part des<br />

« clients » et ceux qui les réalisent attendent un pourboire.<br />

77<br />

Soit l’ensemble des actions réalisées par une unité économique avec l’objectif de produire ou de fournir des<br />

biens et des services pour le marché ou la production pour l’autoconsommation.<br />

78<br />

Selon le MTI, étant donné que l’embauche des moins de 14 ans est interdite, les enfants de 5 à 13 ans qui<br />

cherchent un travail ne peuvent pas être considérés proprement dits comme chômeurs.<br />

104


l’élaboration des enquêtes, surtout d’enquêtes si spécifiques, exigent la parcimonie des<br />

questions, laissant des vides sur certains sujets. Par exemple, le travail domestique familial est<br />

à peine accessible dans cette source. Le manque de reconnaissance du travail domestique<br />

familial comme une forme de travail laisse un grand vide dans l’enquête sur les conditions de<br />

travail de ces enfants. Nous n’arrivons qu’à les identifier (grâce au nombre d’heures<br />

consacrées), mais nous ne pouvons pas savoir, par exemple, ce qu’ils font au juste et depuis<br />

quand, de même que les causes et les conséquences de cette mise au travail, sauf en ce qui<br />

concerne la scolarité.<br />

D’ailleurs, les caractéristiques de l’employeur des enfants travailleurs extradomestiques non<br />

familiaux, qui nous semblent importantes pour étudier les processus d’entrée précoce sur le<br />

marché du travail et de sa continuation, sont encore peu connues. Tous les adultes ne sont pas<br />

prêts à embaucher un enfant, car c'est illégal, alors, qui sont susceptibles de le faire ? Une<br />

réponse qui pourrait aider à identifier des facteurs favorisant le travail des enfants, du point de<br />

vue de l’offre sur le marché du travail.<br />

Une autre limite du MTI, qui existe dans toutes les enquêtes sur l’emploi en général, est le fait<br />

d’avoir un seul moment de référence pour identifier les EAJ travailleurs : la semaine<br />

précédant l’enquête. Un problème important dans le cas du travail des enfants, car il présente<br />

une grande discontinuité. Par conséquent, l’enquête identifie surtout les enfants qui travaillent<br />

avec une certaine régularité. Or, au Brésil, par exemple, une étude a montré que si l’on<br />

arrivait à identifier le travail intermittent, le taux de participation des enfants âgés de 10 à 12<br />

ans pourrait doubler (Levison, 2007).<br />

Par ailleurs, quant au processus de recueil de l’information, nous trouvons une contrainte très<br />

importante : le fait que les informateurs ne soient pas directement les enfants. Nous rejoignons<br />

alors une critique de la nouvelle sociologie de l’enfance, à propos des sources d’information<br />

sur tout ce qui concerne les enfants. Il s’agit du manque de renseignements provenant<br />

directement des enfants. Car la plupart des données disponibles sur les enfants sont recueillies<br />

auprès des adultes (Gaitán, 2006). Dans le cas du MTI, la plupart des informateurs sont le<br />

chef de ménage ou son conjoint : 99% chez les 5 à 11 ans et 91% chez les 12 à 17 ans. Ce qui<br />

a un impact direct sur la fiabilité des données du MTI. Au mieux, les parents peuvent avoir<br />

une idée assez proche de ce que fait leur enfant, mais seulement l’enfant lui-même connaît<br />

vraiment sa propre situation. Cependant, cette remarque n’est pas exclusive au MTI, c’est un<br />

105


problème général de recueil d’information en ce qui concerne les enfants dans pratiquement<br />

toutes les enquêtes. Une situation qui répond surtout à une question pragmatique dans le<br />

processus de recueil de l’information, mais aussi à un déni des enfants, en tant<br />

qu’informateurs fiables. L’information disponible peut alors contenir plus de réponses dans la<br />

catégorie « non spécifié », ou plutôt des réponses faussées. Car, en plus de la possible<br />

méconnaissance des vraies réponses, il est aussi plausible que les adultes soient plus méfiants<br />

que les enfants à l’égard d’un tel sujet, et donc, qu’ils répondent plus sur la norme que sur la<br />

réalité. Des idées qui restent des hypothèses, mais qu’il faut prendre en compte, même si nous<br />

ne connaissons pas la magnitude du problème, s’il existe vraiment.<br />

Enfin, à propos de l’organisation de l’information, il faut dire que l’ENOE est composée d’un<br />

bulletin sociodémographique, où l’on note l’information sur le ménage. Les renseignements<br />

sur l’activité des personnes âgées de 12 ans et plus sont recueillis à l’aide d’un autre<br />

formulaire. Et concernant le MTI, deux questionnaires différents ont été utilisés. L’un pour les<br />

enfants âgés de 5 à 11 ans et l’autre pour ceux de 12 à 17 ans (voir Annexe II.2). On a donc<br />

quatre fichiers des données complémentaires qu’il faut rassembler pour avoir toute<br />

l’information dans un même fichier. Etant donné que certaines questions sur l’activité des<br />

enfants de 12 à 17 ans ont été posées avec le questionnaire de l’ENOE, une partie de<br />

l’information pour ce groupe d’âges est prise de la base de données du MTI respectif, et une<br />

autre de celle de l’ENOE. Mais le questionnaire du MTI pour les 12 à 17 ans est plus complet<br />

que celui pour les 5 à 11 ans. Il comprend six questions sur l’histoire scolaire de ceux qui ne<br />

fréquentent pas l’école ou ceux qui ont interrompu leurs études à un moment donné (les<br />

questions 10 à 11c) 79 . Des questions qui n’ont pas été posées aux 5 à 11 ans qui,<br />

effectivement, abandonnent ou interrompent rarement l’école. En plus, il faut dire que<br />

certaines questions ont des catégories de réponse différentes pour les enfants de 5 à 11 ans et<br />

pour ceux de 12 à 17 ans. De même que certaines questions « filtres » ne sont pas pareilles.<br />

Ce qui a exigé un minutieux travail de recodage de ces variables pour les rendre comparables<br />

et cohérentes pour tous les enfants de 6 à 17 ans.<br />

79 Des questions pour ceux qui ne fréquentent pas l’école au moment de l’enquête :<br />

10a. Avez-vous fréquenté l’école à un moment donné ?<br />

10b. A quel âge avez-vous quitté l’école ?<br />

Des questions pour ceux qui fréquentent l’école au moment de l’enquête :<br />

11. Avez-vous interrompu votre scolarisation pendant plus de six mois ?<br />

11a. Combien de fois avez-vous interrompu votre scolarisation plus de six mois ?<br />

11b. <strong>La</strong> dernière fois, après combien de temps avez-vous repris votre scolarisation ?<br />

11c. <strong>La</strong> dernière fois, quel niveau de scolarisation suivez-vous au moment de l’interruption ?<br />

106


<strong>La</strong> qualité de l’information de l’ENOE et du MTI<br />

Comme il se doit, avant de commencer l’exploitation des bases de données, une évaluation de<br />

la qualité et de la cohérence de l’information s’est imposée. Et ensuite un « nettoyage » des<br />

données pour réduire les problèmes liés à l’information. Dans cette première phase, nous<br />

trouvons que les bases de données de l’ENOE et du MTI sont correctes, car les incohérences<br />

internes et les non-réponses sont en général peu fréquentes.<br />

Il faut dire que pendant l’exploitation des bases de données, le plus grand problème rencontré,<br />

par rapport à l’incohérence des données, a été l’inconsistance de l’information relative à la<br />

scolarité des enfants. Après évaluation des variables concernées, nous avons trouvé 579 cas<br />

avec des informations contradictoires chez les 6 à 11 ans, à propos des réponses sur la<br />

fréquentation à l’école, l’activité principale, les heures consacrées aux études, les raisons de<br />

non-scolarisation. Ce que signifie 1% du total d’individus dans la base de données qui<br />

correspond aux enfants âgés de 6 à 17 ans (sans restrictions d’état civil, fécondité et lien de<br />

parenté avec le chef de ménage). Comme il était impossible de savoir où était le problème,<br />

quelle réponse était juste ? nous considérons alors l’information sur la scolarité de ces cas<br />

comme non spécifiée. Et par conséquent, ces enfants n’ont pas le statut d’élèves, car nous ne<br />

pouvons pas être sûrs qu’ils le sont. D’ailleurs, nous avons détecté aussi cinq enfants pour qui<br />

la scolarisation aurait duré 14 ou 15 ans, une réponse peu plausible chez les moins de 18 ans :<br />

nous leur avons assigné des années de scolarité non spécifiées, en gardant l’information sur le<br />

cycle scolaire signalé.<br />

D’ailleurs, comme il est fréquent dans les sources des données des enquêtes, les variables<br />

numériques, comme les revenus et les heures dédiés aux diverses activités, sont des variables<br />

à traiter avec précaution. D’abord parce que l’informateur ne connaît pas toujours avec<br />

précision une telle information pour tous les membres du ménage. Ensuite par méfiance de<br />

l’informateur vis-à-vis de l’enquêteur. A ce propos, nous avons trouvé un certain nombre de<br />

réponses peu crédibles, des revenus exorbitants. Mais la majorité de l’information reste à un<br />

niveau correct, même si cela semble très élevé par rapport au revenu moyen au Mexique. Or,<br />

nous ne pouvons pas savoir jusqu’à quel degré l’information disponible est réelle, car certains<br />

emplois des enfants sont effectivement mieux rémunérés que ceux des adultes. En<br />

l’occurrence, les cerrillos, qui représentent une partie importante des enfants travailleurs<br />

107


urbains marginaux, 80 peuvent avoir des revenus plus importants que certains travailleurs<br />

adultes (INEGI-STPS, 2008a ; INEGI, 2010). Concernant le nombre d’heures, nous avons<br />

rencontré aussi quelques cas (53) avec des problèmes d’incohérence, car en comptabilisant les<br />

heures que les enfants consacrent aux diverses activités, leurs journées pouvaient dépasser 24<br />

heures.<br />

Malgré quelques problèmes plutôt rares, les bases de données du MTI et de l'ENOE, sont les<br />

meilleures et uniques sources d’information disponibles. Nous avons essayé de corriger les<br />

inconsistances, dès que possible, et éliminer les éléments perturbateurs, selon le cas, avec<br />

précaution, en gardant toujours le plus d’information originale. En conclusion, le MTI, malgré<br />

ses défauts, comme toutes les enquêtes, s’est avéré une source intéressante et riche en<br />

possibilités pour l’analyse.<br />

Conclusions<br />

Notre objectif étant d’analyser tous les aspects du travail des enfants, l’utilisation des données<br />

qualitatives et quantitatives s’est imposée. Car certains éléments sont saisissables seulement à<br />

travers les données quantitatives, et d’autres uniquement par le biais des données qualitatives ;<br />

tandis que quelques-uns demandent l’usage des deux types. En effet, pour avoir une vision<br />

intégrale du phénomène, il nous a fallu réunir des informations provenant de sources<br />

différentes et complémentaires. Cette recherche s’appuie donc sur deux sources permettant<br />

d’allier deux approches : l’une quantitative, à partir de l’exploitation de l’Encuesta Nacional<br />

de Ocupación y Empleo et de son Módulo de Trabajo Infantil, 2007 ; l’autre qualitative, à<br />

travers l’analyse d’entretiens semi-directifs et d’entretiens collectifs auprès des enfants d’un<br />

quartier sensible de la ville de Mexico, interviewés lors de notre travail de terrain en 2007. De<br />

sorte que nos deux sources d’informations ont la particularité d’être contemporaines.<br />

Les données quantitatives constitueront la source principale de notre étude, car il s’agit<br />

d’informations représentatives de toute la population urbaine, ce qui permettra de produire des<br />

résultats généralisables. Elles permettront de connaître, dans un premier temps, l’importance<br />

des diverses activités dans la vie quotidienne des enfants : l’école, les tâches domestiques et le<br />

80 Les travailleurs urbains marginaux sont ceux qui travaillent dans les rues et dans d’autres espaces publics. On<br />

estime le nombre à 95 000 en 2002, dans les grandes villes (INEGI-STPS, 2008a).<br />

108


travail économique ; ainsi que tout ce qui concerne les conditions de travail. Dans un second<br />

temps, elles serviront pour les analyses relationnelles d’un point de vue statistique. Lesquelles<br />

concernent, d’une part, les liens entre divers aspects de l’environnement familial avec le<br />

travail des enfants, et d’autre part, les liens entre le travail et la déscolarisation.<br />

D’autre part, les résultats du travail de terrain permettront, tout d’abord, de réaliser l’analyse<br />

des représentations sociales de l’enfance, la scolarité et le travail (selon diverses dimensions)<br />

afin de connaître l’importance du travail dans la vie des enfants. Des informations qui feront<br />

partie aussi de la mise en contexte nécessaire pour mieux comprendre le développement du<br />

travail des enfants en milieu urbain au Mexique. Ensuite, elles serviront pour illustrer,<br />

compléter ou éclaircir certains résultats statistiques obtenus avec nos sources des données<br />

quantitatives. Enfin, elles apporteront des éléments inestimables pour aborder des sujets<br />

relatifs aux processus et mécanismes de la mise au travail précoce, les liens de causalité, les<br />

perceptions et le vécu des enfants concernés. Des informations impossibles à connaître sans<br />

accorder la parole aux protagonistes : les enfants travailleurs eux-mêmes. Évidemment, ces<br />

derniers résultats ne sont pas généralisables, mais ils offrent des pistes pour mieux<br />

comprendre cette pratique.<br />

109


110


CHAPITRE III<br />

Le Mexique : une mise en contexte<br />

« Ce pays est une terre de contrastes,<br />

surprenants toujours, enchanteurs<br />

parfois, cruels souvent. »<br />

Mortier (2006 : 14)<br />

Avant de parler de la situation socioéconomique du Mexique, nous présentons brièvement des<br />

données officielles à propos de l’ampleur et des tendances du travail des enfants dans le pays,<br />

pendant les dernières années.<br />

D’après les données officielles disponibles, lesquelles sont assez limitées et récentes, 81 en<br />

considérant le travail domestique et le travail économique ensemble, la tendance à la baisse du<br />

travail des enfants est récente (INEGI, 2004). Selon les estimations de l’INEGI, le nombre<br />

d’enfants âgés de 6 à 14 ans travailleurs a augmenté entre 1995 et 1996, passant de 3,6<br />

millions à 3,9 millions, 82 une hausse liée très probablement à la grave crise économique dont a<br />

souffert le pays à la fin de 1994. Mais, à partir de 1997, le travail des enfants a commencé sa<br />

descente pour arriver en 2002 au chiffre de 3,3 millions, les travailleurs domestiques<br />

familiaux (15 heures et plus dans la semaine de référence) étant de plus en plus représentatifs<br />

(Tableau 5).<br />

Pendant la période 1995-2002, les taux de travail économique des enfants sont passés de 10,5<br />

à 7,1%, tandis que les taux de travail économique et domestique sont passés de 18,4 à 15,7%.<br />

Mais ces chiffres sont assez différents par sexe et, selon le type de travail. Le travail<br />

domestique a augmenté chez les garçons ; tandis que chez les filles il a faiblement diminué,<br />

même si elles sont les plus concernées. Par contre, le travail économique, qui touche<br />

davantage les garçons, a baissé plus nettement, surtout chez les garçons (Graphique 1).<br />

81 <strong>La</strong> première enquête nationale sur le travail des enfants date de 1999.<br />

82 Des enfants qui ont déclaré avoir réalisé une activité économique au moins une heure pendant la semaine de<br />

référence, et au moins 15 heures de travail domestique chez eux.<br />

111


112<br />

Taux (%)<br />

Tableau 5. Répartition (%) des enfants travailleurs de 6 à 14 ans<br />

selon le type de travail, 1995-2002<br />

Enfants travailleurs<br />

Année<br />

Total (Milles) Economiques (%) Domestiques (%)<br />

1995 3 632 57,0 43,0<br />

1996 3 892 50,0 50,0<br />

1997 3 683 52,3 47,7<br />

1998 3 693 54,0 46,0<br />

1999 3 695 53,5 46,5<br />

2000 3 607 48,0 52,0<br />

2001 3 472 46,0 54,0<br />

2002 3 308 45,3 54,7<br />

Source : INEGI, 2004.<br />

Graphique 1. Taux de travail économique et taux de travail domestique<br />

des enfants de 6 à 14 ans par sexe, 1995-2002<br />

16<br />

14<br />

12<br />

10<br />

8<br />

6<br />

4<br />

2<br />

0<br />

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002<br />

Années<br />

Travail économique Travail domestique<br />

Garçons Filles Garçons Filles<br />

Source : INEGI, 2004.<br />

Cependant, malgré la flagrante distribution traditionnelle du travail par sexe, les filles dans le<br />

domaine domestique et les garçons dans le domaine économique, les estimations de l’INEGI<br />

suggéraient une participation chaque fois plus importante des garçons dans le travail<br />

domestique. En l’occurrence, sur le total de travailleurs domestiques, en 1995 les garçons<br />

représentaient 20,5% et en 2002 la proportion atteint 32,1%. Tandis que chez les travailleurs<br />

économiques, pendant les dernières années, la situation n’a guère évolué en ce qui concerne la


distribution par sexe. De 1995 à 2002, la proportion de filles concernées est passée de 29,3% à<br />

28,4%. Concernant la répartition par sexe des enfants travailleurs (domestiques et<br />

économiques), elle a toujours fluctué autour de 50% entre 1995 et 2000, parfois en faveur des<br />

filles, parfois en faveur des garçons. Par exemple, en 1996 les garçons représentaient 47,4%,<br />

tandis qu’en 1999 ils étaient 50,4%, et 50% en 2002.<br />

Il faut juste dire qu’avec un taux de travail économique de 15,7% chez les enfants âgés de 6 à<br />

14 ans en 2002, soit 1,5 million, le Mexique ne se trouve pas parmi les pays les plus touchés<br />

dans le monde, voire d’Amérique latine. Selon les estimations mondiales de l’OIT (2002) sur<br />

l’incidence du travail des enfants, en 2001 un peu plus de 17 millions d’enfants de 5 à 14 ans<br />

travaillaient dans la région, soit 16% de cette tranche d’âges. Un taux nettement inférieur à<br />

celui de l’Afrique Subsaharienne (29%), et aussi de l’Asie (19%), mais plutôt semblable à<br />

celui de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (15%). Il s’agit d’un total d’environ 211<br />

millions d’enfants travailleurs (économiques) âgés de 5 à 14 ans dans le monde en 2000, et<br />

191 millions en 2004 (OIT, 2002 et 2006).<br />

Les informations officielles les plus récentes au Mexique, pour un groupe d’âges plus large,<br />

soit de 5 à 17 ans, datant de 2007, estiment que 12,5% d’enfants de cette tranche d’âges<br />

réalisent un travail économique 83 : 16,6% chez les garçons et 8,3% chez les filles, soit 3,6<br />

millions d’enfants. Un chiffre qui sous-estime la réalité des enfants travailleurs<br />

extradomestiques, car on ne considère ni les travailleurs marginaux 84 , ni les « enfants des<br />

rues ». En plus, cette pratique étant illégale avant l’âge de 14 ans, il est plausible que les<br />

personnes aient du mal à la déclarer ouvertement lors des enquêtes, et moins encore quand il<br />

s’agit d’activités à risque, comme la prostitution par exemple. Or, dans une vision plus ample<br />

du sujet, la réalisation d’activités domestiques chez soi, sous certaines conditions, est aussi<br />

une forme de travail des enfants. A ce propos, en 2007, 9,3% des enfants de 5 à 17 ans (2,7<br />

millions) sont des travailleurs domestiques, dédiant 15 heures ou plus par semaine aux tâches<br />

ménagères ou à la garde d’autres personnes 85 : 3,4% chez les garçons et 15,2% chez les filles.<br />

83 Des enfants qui ont dédié au moins une heure pendant la semaine de référence à une activité économique.<br />

L’INEGI les qualifie d’actifs occupés (ocupados).<br />

84 Ceux qui gardent des voitures garées dans les rues, lavent les parebrises aux croisements, chantent dans les<br />

transports en commun... en échange d’un pourboire.<br />

85 Incluant : les tâches ménagères, la garde d’autres personnes du ménage et la réparation et l’entretien du<br />

logement et du mobilier.<br />

113


Même si le travail des enfants âgés de 5 à 17 ans en milieu rural et semi-urbain (localités de<br />

moins de 100 000 habitants) est plus important qu'en milieu urbain, les processus accélérés<br />

d’urbanisation des dernières décennies ont accentué l’ampleur du travail dans les grandes<br />

villes. Ainsi, actuellement au Mexique, selon les données du MTI, le taux de travail<br />

économique en zones rurales est de 15,6% (2,5 millions d’enfants), et le taux de travail<br />

domestique de 10,7% (1,7 million). Tandis que le taux de travail économique des enfants qui<br />

résident en localités de 100 000 habitants et plus est de 8,6%, soit 1,1 million d’enfants, et les<br />

taux par sexe sont : 10,5% chez les garçons et 6,7% chez les filles. D’autre part, le taux de<br />

travail domestique représente 7,5%, soit 971 000 : 3,5% chez les garçons et 11,5% chez les<br />

filles.<br />

Au-delà des chiffres, afin d’essayer de mieux comprendre l’importance du travail dans la vie<br />

des enfants, nous réviserons dans ce chapitre les aspects qui nous semblent importants pour<br />

replacer notre population d’études dans son contexte, sans prétendre être exhaustifs ni<br />

détaillés. Tout d’abord, nous parlerons du pays dans son ensemble, car les conditions<br />

structurelles limitent ou motivent les stratégies familiales de vie, et bien évidemment, les<br />

actions individuelles, dont celles des enfants. Nous en profiterons pour discuter aussi sur<br />

l’entourage direct des enfants, c’est-à-dire la famille, étant donné qu’elle est le milieu dans<br />

lequel s’organise la vie des enfants, et l’institution centrale dans la société mexicaine. Après,<br />

nous dirigerons notre attention sur le contexte local dans lequel nous avons réalisé notre<br />

travail de terrain. Un contexte assez particulier qui demande un éclaircissement pour mieux<br />

placer le vécu, les propos et les idées des enfants interviewés.<br />

III.1. Le Mexique : le contexte national.<br />

Le pays et sa population ont historiquement été caractérisés par son hétérogénéité culturelle,<br />

raciale et sociale. <strong>La</strong> société mexicaine est actuellement touchée par les changements des<br />

modèles socioéconomiques qui prédominent dans le monde contemporain, lesquels répondent<br />

aux besoins des formes nouvelles de production et d’organisation nationales et<br />

internationales. Face au processus de mondialisation, le pays est exposé à beaucoup<br />

d’influences d’origine étrangère. Ce processus affecte le contexte quotidien dans lequel les<br />

enfants grandissent et interagissent avec le reste de la société. Les néolibéraux affirment que<br />

le principal but des changements du processus de mondialisation est d’accroître le commerce<br />

114


et la production pour que chaque personne en profite. Certes, de nos jours, le commerce et<br />

l’activité financière sont immenses, mais les impacts de ces changements sur la population<br />

sont encore assez discutables, car seuls certains ont pu profiter des bénéfices de la modernité<br />

tandis que les autres ont juste été témoins ou victimes des inconvénients. Les inégalités<br />

socioéconomiques ont énormément augmenté parmi la population, où les enfants se trouvent<br />

parmi les plus vulnérables vis-à-vis des effets positifs et négatifs du processus de<br />

mondialisation (Hevener et al, 2002).<br />

En effet, le développement et les influences externes ont suivi un chemin inégal partout au<br />

Mexique. Ils sont plus évidents dans les grandes villes, parmi la population des classes les<br />

plus aisées, que dans le grand ensemble des petites communes rurales et parmi la population<br />

la plus pauvre. De fortes inégalités surgissent entre communautés, et pis encore entre les<br />

différents groupes sociaux d’une même commune. Les conditions de vie et de développement<br />

dans le pays étant tellement hétérogènes, nous pourrions bien parler de l’existence de<br />

plusieurs Mexiques.<br />

Parallèlement aux changements qui s’opèrent dans la sphère macrosocioéconomique, la<br />

population continue de changer ses comportements reproductifs, de mobilité, de<br />

consommation… ainsi que les relations de genre et de génération, grâce notamment au<br />

développement des systèmes éducatif et sanitaire, et à l’évolution des moyens de<br />

communication qui offrent une énorme transmission de valeurs, d’idées, de modèles. Mais,<br />

encore une fois, ces changements sont polarisés, ils ont commencé plutôt parmi les secteurs<br />

les plus aisés et scolarisés, notamment dans les villes, pour atteindre peu à peu le reste de la<br />

population.<br />

III.1.1. <strong>La</strong> population.<br />

<strong>La</strong> situation socioéconomique actuelle du pays est caractérisée surtout par l’inégalité sociale,<br />

malgré le développement de plusieurs domaines, comme la santé, l’éducation et les<br />

communications. Une telle situation est le résultat de changements notables de la société<br />

mexicaine, surtout pendant les dernières décennies, lesquels ont contribué à l’état actuel du<br />

pays et aux conditions de ses habitants. D’abord, le processus de concentration de la<br />

population dans les villes : l’urbanisation. Ensuite, la transformation du marché du travail,<br />

115


avec la dévaluation de l’agriculture et des manufactures en faveur du commerce et des<br />

services dans l’économie nationale ; la croissance du secteur informel, l’entrée des femmes<br />

sur le marché du travail, ainsi que l’émigration mexicaine vers les Etats-Unis depuis<br />

pratiquement toutes les régions du pays. Puis, le développement de l’offre éducative publique,<br />

obligatoire et gratuite. Enfin, le processus de la transition démographique, avec la réduction<br />

de la mortalité, le contrôle de la fécondité, et des taux de croissance démographique en<br />

diminution (Coubès et al., 2005).<br />

Actuellement, le pays se trouve au onzième rang des pays les plus peuplés du monde. Dans un<br />

territoire de 1,96 million de km 2 , le pays héberge 112 millions en 2010, selon le dernier<br />

recensement de la population (INEGI, 2011). Comme résultat de l’approfondissement de la<br />

transition démographique pendant la dernière décennie du XXe siècle, le taux<br />

d’accroissement a été de 1,8% annuel (Cortés et al., 2002), et de 1,4% annuel entre 2000 et<br />

2010. Selon le dernier recensement, le nombre moyen d’enfants nés vivants par femme au<br />

Mexique continue de descendre : il est passé de 2,4 en 1990 à 1,7 enfants par femme en 2010.<br />

Malgré les changements, la population mexicaine a une structure d’âges encore jeune. L’âge<br />

médian est passé de 22 en 2000 à 26 ans en 2010. En 2000, la génération la plus jeune, de 0 à<br />

14 ans, représente 34% ; la population dite en âges économiquement productifs, de 15 à 64<br />

ans, compte pour 61% ; et pour finir, les plus de 65 ans représentent 5%. En 2010, les trois<br />

groupes représentent respectivement : 29, 65 et 6%. Nous pouvons souligner le fait que la<br />

population est fortement représentée par les moins de 18 ans, qui, depuis le début de ce siècle,<br />

sont à peu près 40 millions, soit 35% de la population totale en 2010.<br />

A partir de la structure par âges, on obtient un rapport de dépendance de 64,3% en 2000 et de<br />

55,2% en 2010, 86 c'est-à-dire qu'il y a approximativement six personnes en âge « non<br />

productif » (de 0 à 14 ans et de 65 ans et plus, dépendantes économiques) pour dix personnes<br />

en âge « productif » (de 15 à 64 ans), ce qui peut donner une idée de la charge sur la<br />

population adulte. Selon les estimations du Consejo Nacional de Población, CONAPO, 87 dans<br />

les trois premières décennies du siècle, il y aura une moindre proportion de population en âge<br />

« non productif » (les moins de 15 ans et les 65 ans et plus), tandis que la population en âge<br />

« productif » atteindra son maximum historique. Cette combinaison des conditions<br />

86 Rapport de dépendance = (population de 0 à 14 ans + population de 65 ans et plus)/population de 15 à 64<br />

ans*100.<br />

87 Conseil National de la Population.<br />

116


démographiques constitue le « dividende démographique », ce qui signifie qu'en matière de<br />

population, il existe un grand potentiel productif. Durant cette période, la population du<br />

Mexique entamera la dernière phase de sa transition démographique, se dirigeant rapidement<br />

vers une croissance de plus en plus réduite et vers un vieillissement de sa population<br />

(CONAPO, 2003). Néanmoins, pour arriver à bien profiter du dividende démographique, il<br />

faudrait compter avec un marché du travail (surtout formel) capable d’accueillir dans les<br />

meilleures conditions la main-d’œuvre nombreuse. Ainsi, le potentiel productif peut devenir<br />

un vrai problème de chômage et de sous-emploi, avec toutes ses conséquences sociales.<br />

En ce qui concerne la répartition par sexes de la population, en 2000 ainsi qu’en 2010, les<br />

femmes représentent 51,2% de la population totale. Cependant, cette légère supériorité de la<br />

représentation féminine varie selon l'âge. Le rapport de masculinité 88 chez les enfants de<br />

moins de 15 ans montre une population masculine légèrement plus nombreuse que la<br />

population féminine, mais à partir de 15 ans les femmes sont majoritaires, avec de petits<br />

changements quant à la valeur de l'indice, principalement dus à une plus grande émigration et<br />

une mortalité masculine supérieure à celle des femmes de mêmes âges. Pour l’ensemble de la<br />

population, l'indice de masculinité est de 95,4%.<br />

<strong>La</strong> densité de la population est actuellement de 57,3 habitants par km 2 . Cependant, la<br />

distribution de la population dans le territoire a suivi un modèle de concentration-dispersion<br />

qui a laissé de vastes surfaces presque inhabitées, de multiples petites localités dispersées et<br />

isolées, tandis qu’il y a un surpeuplement dans quelques villes.<br />

Le Mexique est divisé administrativement en 31 Etats et un Etat Fédéral (Distrito Federal,<br />

DF) (Figure 2). <strong>La</strong> capitale (DF ou ville de Mexico) est géographiquement placée au centre du<br />

pays. Elle concentre la plupart des principaux centres administratifs du gouvernement, ainsi<br />

que la majorité des plus grands centres de santé, d’éducation, financiers et de services en<br />

général. Une situation similaire est observée pour les deux autres grandes zones<br />

métropolitaines (Guadalajara et Monterrey), mais à une échelle plus modeste, et avec un<br />

impact plutôt régional que national. <strong>La</strong> centralisation des pouvoirs et des services dans les<br />

villes les plus importantes du pays a été parallèle à la concentration du développement ou du<br />

88 Rapport de masculinité : (population masculine/population féminine)*100.<br />

117


ythme de la modernisation dans tous les domaines (communication, transport, construction,<br />

éducation, santé et tous les services publics et privés).<br />

118<br />

Figure 2. Carte : Le Mexique et ses principales villes<br />

Source : http://www.paises.com.mx/mexico/mapa.html<br />

Selon le dernier recensement de la population en 2010, parmi les 192 244 localités 89<br />

existantes dans le pays, 83% ont moins de 250 habitants. <strong>La</strong> plupart de ces petites localités se<br />

trouvent éloignées des chefs-lieux, et isolées les unes des autres. En revanche, il y a seulement<br />

onze localités qui comptent 1 million d’habitants ou plus dans le pays. <strong>La</strong> majorité des<br />

localités, 98,1%, a moins de 2 500 habitants, ce sont les localités rurales selon le classement<br />

proposé par l’INEGI, et seulement un quart de la population y habite (23,2%). Par contre,<br />

presque la moitié de la population (47,8%) habite l’une des 131 grandes villes du pays<br />

(Tableau 6).<br />

Deux Mexicains sur dix habitent la Zone métropolitaine de la ville de Mexico, qui héberge la<br />

capitale du pays, et qui est l’une des zones urbaines les plus peuplées du monde. C'est-à-dire<br />

que dans à peu près 0,4% du territoire mexicain (8 000 Km 2 ) habite 19% de sa population,<br />

soit à peu près 20 millions de personnes (SEDESOL- CONAPO-INEGI, 2004).<br />

89 Selon la définition de l’INEGI, une localité est un lieu occupé par un ou plusieurs logements habités. Ce lieu<br />

est reconnu par un certain nom légal, ou bien par coutume (INEGI, 2003a).


Ce modèle de concentration-dispersion de la population a contribué à une répartition et un<br />

développement inégaux de l’infrastructure et des services publics dans chaque localité, en ce<br />

qui concerne les niveaux de qualité, de quantité et de modernité. C’est ainsi qu’en général, les<br />

localités les plus petites ne sont pas munies de tous les services publics : eau potable, égout,<br />

électricité. Et même les services de santé et d’éducation y sont très précaires, voire<br />

inexistants. Par contre, les localités les plus peuplées (les grandes villes) comptent grosso<br />

modo avec tous les services publics et sociaux, même parfois parmi les plus modernes du<br />

monde. Par conséquent, les Mexicains ont des opportunités différentes de développement<br />

selon leur lieu de résidence. Mais bien sûr, aussi selon leurs capacités familiales et<br />

individuelles. Parce que la seule existence d’options ne suppose pas qu'on a la capacité d’en<br />

profiter.<br />

Tableau 6. Nombre de localités et population par taille de la localité,<br />

selon le classement de l’INEGI<br />

Taille de la localité<br />

(par nombre d’habitants)<br />

Nombre de<br />

localités<br />

% Population %<br />

Localités rurales :<br />

Moins de 2 500<br />

De 1 à 249 159 820 83,1 5 743 745 5,1<br />

De 250 à 499 13 587 7,1 4 820 906 4,3<br />

De 500 à 999 9 265 4,8 6 507 589 5,8<br />

De 1 000 à 2 499 5 921 3,1 8 976 888 8,0<br />

Localités mixtes :<br />

De 2 500 à 14 999<br />

De 2 500 à 4 999 1 839 1,0 6 360 949 5,7<br />

De 5 000 à 9 999 882 0,5 6 081 738 5,4<br />

De 10 000 à 14 999 300 0,2 3 664 946 3,3<br />

Petites villes :<br />

De 15 000 à 99 999<br />

De 15 000 à 29 999 304 0,2 6 407 065 5,7<br />

De 30 000 à 49 999 110 0,1 4 182 386 3,7<br />

De 50 000 à 99 999 85 0,0 5 891 954 5,2<br />

Grandes villes :<br />

De 100 000 et plus<br />

De 100 000 à 249 999 56 0,0 8 632 712 7,7<br />

De 250 000 à 499 999 39 0,0 13 873 211 12,3<br />

De 500 000 à 999 999 25 0,0 16 363 103 14,6<br />

1 million et plus 11 0,0 14 829 346 13,2<br />

Total<br />

192 244 100,0 112 336 538 100,0<br />

Source : INEGI, XIII Censo General de Población y Vivienda, 2010.<br />

119


III.1.2. Les conditions de vie : une image inégale d’opportunités.<br />

Le pays a subi à partir de 1982 diverses crises économiques et de restructuration de<br />

l’économie nationale. D’un point de vue économique, la dernière décennie du XXe siècle peut<br />

se diviser en trois sous-périodes : lente croissance économique de 1991 à 1994 ; grave crise de<br />

1995 à 1996 ; et dynamisme majeur de la croissance économique pendant les quatre dernières<br />

années. Cependant, selon Cortés et al. (2002), la dernière décennie du XXe siècle a été une<br />

période de « stagnation » en matière de progrès social.<br />

<strong>La</strong> Secretaría de Desarrollo Social, SEDESOL, 90 estime qu’au Mexique il y avait 52,3<br />

millions de pauvres en 2000 (53,7% de la population) 91 , dont 23,6 millions dans des<br />

conditions de pauvreté extrême (24,2%) 92 . Il faut souligner que l’évolution de la pauvreté<br />

dans les années 90 a suivi la même tendance que le cycle économique mentionné plus haut :<br />

une augmentation pendant les années proches de la crise de 1994, une légère diminution à<br />

partir de 1996, et une diminution majeure après l’an 1998. Néanmoins, à la fin du XXe siècle,<br />

El Banco de México indique que pendant les quinze dernières années, la proportion de<br />

personnes vivant dans des conditions de pauvreté extrême avait presque doublé (Boltvinik et<br />

Hernández, 1999). <strong>La</strong> pauvreté dans les localités rurales, notamment des localités de<br />

population d’origine indienne, est plus importante que celle des localités urbaines. Même si<br />

les tendances dans les deux cas ont suivi les cycles économiques du pays, l’ampleur des<br />

changements est fort différente. De sorte que les zones rurales sont plus touchées par les<br />

crises que les zones urbaines. Les zones indiennes sont celles qui montrent les taux de<br />

marginalisation les plus élevés, avec 82% de la population en situation d'exclusion.<br />

Néanmoins, même dans les grandes villes comme Mexico, Guadalajara et Monterrey, une<br />

partie non négligeable (43%) vit dans des conditions de grande ou de très grande marginalité<br />

(Garza, 2000).<br />

90 Ministère du Développement Social.<br />

91 Les personnes en pauvreté sont celles dont les revenus du ménage sont insuffisants pour couvrir les besoins en<br />

alimentation, en santé, en éducation, en habillement, en logement et en transport. C’est-à-dire des revenus<br />

inférieurs à environ 3 dollars (en localités rurales) et 4,5 dollars (en localités urbaines) par jour et par personne,<br />

en août 2000 (Cortés et al., 2002).<br />

92 Les personnes en situation de pauvreté extrême sont celles qui habitent dans un ménage dont les revenus sont<br />

insuffisants pour couvrir les besoins minimums en alimentation. C’est-à-dire, en août 2000, un revenu inférieur à<br />

1,7 dollar (en localités rurales) et 2,2 dollars (en localités urbaines) par jour et par personne (Cortés et al., 2002).<br />

120


En plus de l’augmentation du nombre de pauvres pendant la décennie 1990, la pauvreté s’est<br />

aussi intensifiée : les pauvres sont devenus progressivement plus pauvres qu’au début de la<br />

décennie (Cortés et al., 2002). En ce qui concerne les revenus, 69% des ménages ont un<br />

revenu total inférieur à 20 dollars par jour, tandis que la moitié d'entre eux a un revenu<br />

inférieur à 12 dollars. On estime que pendant la dernière décennie du XXe siècle, le Salaire<br />

minimum 93 (SM) a perdu 45,2% de son pouvoir d’achat (Boltvinik et Hernández, 1999).<br />

Depuis quelques années, le gouvernement a créé le Consejo Nacional de Evaluación de la<br />

Política de Desarrollo Social, CONEVAL (Conseil National d’Evaluation de la Politique de<br />

Développement Social) qui est l’institution chargée de mesurer officiellement la pauvreté du<br />

pays. Avec une vision multidimensionnelle de la pauvreté, il prend en compte des<br />

indicateurs sur le revenu, l’éducation, l’accès aux services de santé, la qualité du logement,<br />

l’accès aux services de base dans le logement (électricité, de l’eau potable…), l’alimentation<br />

et la cohésion sociale. Le CONEVAL (2011) estime qu’en 2008, 42,8% de la population du<br />

pays vivait dans des conditions de pauvreté, soit 47,2 millions de personnes : 36 millions de<br />

« pauvres modérés » et 11,2 millions de « pauvres extrêmes » 94 .<br />

Cette approche est semblable à celle de l'Indice de Développement Humain (IDH), élaboré<br />

par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), lequel prend en<br />

compte trois dimensions de base : la santé, l’éducation et les revenus, afin d'avoir une idée<br />

globale de la situation dans laquelle se trouve la population au pays. Même s'il reste un<br />

indicateur général et flou, car il est difficile de représenter avec un seul chiffre une série de<br />

facteurs de développement, il permet de comparer la situation entre pays et de les situer dans<br />

un cadre de référence international. Dans le tableau 7, nous montrons l’IDH et ses composants<br />

pour certains pays sélectionnés pour 2007, année de l’enquête que nous utilisons pour notre<br />

recherche et du travail de terrain. Selon le rapport de l’IDH de 2009, le Mexique se trouvait en<br />

2007 parmi les pays qui ont un IDH « élevé », à la 53e place parmi les 182 pays étudiés, place<br />

qu’il occupe depuis le début des années 2000. Mieux placés que le Mexique dans ce<br />

classement, nous trouvons tous les pays dits développés, ainsi que d’autres<br />

comme l’Argentine, le Chili, l’Uruguay et Cuba, pour n’en mentionner que quelques-uns de<br />

93 A la fin des années 1990, le SM était approximativement de 4 dollars US par jour (la parité entre le dollar et le<br />

peso mexicain est très dynamique, mais de décembre 1998 au début 2002, elle a stagné à près de 10 pesos<br />

mexicains pour 1 dollar US).<br />

94 <strong>La</strong> population présente plusieurs carences sociales et son revenu est insuffisant pour couvrir ses nécessités<br />

alimentaires, même si tout son revenu n’était utilisé que pour cela.<br />

121


l’Amérique latine (PNUD, 2009). En 2010, selon le dernier rapport, le Mexique est placé en<br />

56e place (PNUD, 2011).<br />

122<br />

Tableau 7. L’Indice de Développement Humain 2007 pour des pays sélectionnés<br />

Composants de l’IDH<br />

Pays et rang<br />

IDH en 2007<br />

Espérance<br />

de vie à la<br />

naissance<br />

(années)<br />

Taux<br />

d’alphabétisatio<br />

n des adultes<br />

(% entre 15 ans<br />

et plus)<br />

Taux brut<br />

combiné de<br />

scolarité<br />

(%)<br />

PIB par<br />

habitant<br />

(PPA 1 en<br />

USD)<br />

IDH<br />

1. Norvège 80,5 100,0 98,6 53 433 0,971<br />

8. France 81,0 100,0 95,4 33 674 0,961<br />

13. Etats-Unis 79,1 100,0 92,4 45 592 0,956<br />

44. Chili 78,5 96,5 82,5 13 880 0,878<br />

49. Argentine 75,2 97,6 88,6 13 238 0,866<br />

53. Mexique 76,0 92,8 80,2 14 104 0,854<br />

Niveau<br />

DH<br />

Très<br />

élevé<br />

Elevé<br />

100. Jamaïque 71,7 86,0 78,1 6 079 0,766 Moyen<br />

182. Niger 50,8 28,7 27,2 627 0,340 Faible<br />

Source : PNUD (2009).<br />

1_/ PPA : Parité de pouvoir d’achat (en assurant le même pouvoir d’achat dans tous les pays).<br />

Par ailleurs, l'Indice de Gini 95 montre que le niveau d'inégalité des revenus économiques au<br />

Mexique a légèrement diminué dans les dernières années : il est passé de 51,9 en 1999 à 48,1<br />

en 2007. Néanmoins, les différences entre les revenus, ainsi qu’entre les conditions de vie de<br />

la population nationale continuent d’être assez importantes. Afin d’avoir un repère, l’Indice<br />

de Gini en France, en 2007, était de 32,7 ; tandis qu’aux extrêmes on trouve Haïti parmi les<br />

pays les plus inégalitaires avec 59,5, et le Danemark dans les moins inégalitaires avec 24,7<br />

(PNUD, 2009).<br />

L'une des réussites sociales les plus importantes du Mexique contemporain est la baisse de la<br />

mortalité, grâce à l’amélioration générale de l’infrastructure publique et à l’innovation en<br />

matière de santé. <strong>La</strong> vie moyenne de la population a plus que doublé de 1930 à aujourd’hui,<br />

l’espérance de vie à la naissance étant passée de 36,1 ans pour les hommes et 37,5 ans pour<br />

les femmes à respectivement 71,3 et 76,5 ans en 2000, et 73,1 et 77,8 ans en 2010 (Mendoza<br />

García et Tapia Colocia, 2010). <strong>La</strong> diminution du risque de mort infantile a contribué de<br />

manière significative à favoriser ces changements, et les améliorations de l'espérance de vie<br />

95 L’Indice de Gini est un indicateur statistique pour mesurer l’inégalité de la répartition des revenus ou de la<br />

consommation. Le chiffre zéro correspond à l’égalité parfaite et le chiffre cent à l’inégalité totale.


ont, en particulier, concerné les enfants de moins d'un an. D’après le CONAPO, la mortalité<br />

infantile a diminué d'environ 20% par rapport au taux enregistré en 1994, c'est-à-dire de 31,4<br />

à 24,9 décès d'enfants de moins d'un an sur mille enfants nés vivants, ce qui signifie qu'avec<br />

cette baisse, environ 20 000 décès d’enfants ont été évités seulement pour l'an 2000<br />

(González, 2004). Une autre sphère où le pays a suivi une évolution notable est celle de la<br />

scolarisation. Nonobstant, malgré les efforts faits dans ce domaine, le système éducatif est<br />

aussi témoin de l’iniquité d’opportunités et d’options qui prédomine dans le pays.<br />

III.1.3. Le système éducatif : en franche croissance, mais encore insuffisant.<br />

A l’origine, la Constitución Política de los Estados Unidos Mexicanos (Constitution Politique<br />

des Etats Unis Mexicains), datée de 1917, a établi dans son Article 3, six ans d'éducation<br />

obligatoire et gratuite pour tous les Mexicains (l’école primaria). Mais cet article a été changé<br />

à partir de 1993, le gouvernement ayant alors établi neuf ans de scolarité obligatoire : six<br />

années de primaria (école élémentaire) plus trois années de secundaria (collège). Ce qui<br />

concerne en théorie les enfants âgés de 6 à 11 ans et de 12 à 14 ans respectivement. De 3 à 5<br />

ans d’âge, les enfants peuvent fréquenter l’école preescolar (école maternelle) qui n’est pas<br />

obligatoire (Tableau 8). Pour les personnes qui n'ont pas pu suivre l’enseignement élémentaire<br />

à l’âge prévu, il existe un programme scolaire spécial qui leur permet de passer ces diplômes.<br />

Tableau 8. L’organisation du système scolaire mexicain<br />

Age Niveau Durée Qualité<br />

3 à 5 ans<br />

6 à 11 ans<br />

12 à 14 ans<br />

15 à 17 ans<br />

18 ans et plus<br />

Preescolar<br />

(Ecole maternelle)<br />

Primaria<br />

(Ecole élémentaire)<br />

Secundaria<br />

(Collège)<br />

Medio Superior<br />

(Lycée)<br />

Superior<br />

(Etudes supérieures)<br />

2 ou 3 ans Non<br />

obligatoire<br />

6 ans<br />

(De la 1 e à la 6 e année)<br />

3 ans<br />

(De la 1 e à la 3 e Obligatoire<br />

année)<br />

3 ans<br />

(De la 1 e à la 3 e année)<br />

Source : Secretaría de Educación Pública.<br />

Non<br />

obligatoire<br />

Cependant, malgré le droit qu’ont tous les Mexicains à neuf ans de scolarisation à partir de<br />

1993, il faut reconnaître que satisfaire la demande éducative, étant donné l’ampleur de la<br />

population en âge scolaire, la diversité ethnique, culturelle et linguistique du pays, est un des<br />

défis majeurs pour le gouvernement national. A cela s'ajoute la difficulté d’accès pour un<br />

123


grand nombre de petites localités rurales, isolées et assez éloignées des chefs-lieux, mal<br />

desservies et souvent sans l’infrastructure nécessaire pour garantir l’enseignement de base à<br />

leurs habitants. De telle façon que le droit à la scolarisation reste encore un idéal pour la<br />

population de beaucoup de petites localités.<br />

Il est important de préciser que le système scolaire au Mexique est organisé en deux tours, au<br />

moins dans les écoles publiques : matinal et après-midi. Par exemple, les horaires de l’école<br />

primaria sont de 8 h à 12 h 30 ou de 13 h à 17 h 30 ; et ceux de l’école secundaria sont de<br />

7 h 20 à 13 h ou de 13 h 30 à 19 h 50, du lundi au vendredi. Les horaires peuvent varier<br />

légèrement d’un Etat à l’autre du pays, mais en moyenne, les 6 à 11 ans sont censés passer<br />

22,5 heures hebdomadaires à l’école, soit 4,5 heures par jour, tandis que ceux âgés de 12 ans<br />

et plus y passent au moins 30 heures, soit 5,5 heures par jour. Les écoles ne proposent pas de<br />

réfectoire.<br />

Il faut aussi signaler que même si l’offre scolaire est principalement publique, une partie non<br />

négligeable d’écoles dans le pays sont privées, surtout dans les villes. Le secteur privé<br />

dispense notamment les cours à partir de l’enseignement medio superior (lycée). Et les<br />

tendances montrent que le secteur privé gagne du terrain (Graphique 2). Selon les statistiques<br />

de la Secretaría de Educación Pública, SEP, 96 globalement, de 1990 à 2007, la proportion<br />

d’écoles ainsi que d’élèves dans le secteur public a baissé progressivement ; mais cette baisse<br />

s’observe principalement au niveau supérieur. A l’évidence, le gouvernement a concentré ses<br />

efforts sur la scolarisation obligatoire qui concerne les enfants de 6 à 14 ans. Pour celle-ci, le<br />

système scolaire public accueille la majorité des élèves dans ses établissements. Son caractère<br />

obligatoire force de toute évidence l’Etat à mettre en marche tous les moyens pour faire face à<br />

l’énorme demande nationale (à peu près 20 millions d’enfants). Certaines familles aisées<br />

préfèrent toutefois payer une scolarisation privée à leurs enfants, censée être de meilleure<br />

qualité. Mais à partir du deuxième cycle, pour les 15 à 17 ans, même si la proportion d’écoles<br />

et d’élèves augmente, le gouvernement a négligé son offre, qui est insuffisante pour répondre<br />

à la demande croissante d’adolescents et jeunes qui veulent de plus en plus accéder à des<br />

études plus avancées.<br />

96 Ministère de l’Education Publique.<br />

124


Graphique 2. Evolution des pourcentages d’élèves inscrits en école publique,<br />

selon le cycle scolaire, 1990-2007<br />

% (Elèves en école publique)<br />

100<br />

90<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

1990 2000 2007<br />

Primaria Secundaria Medio Superior Superior<br />

Source : SEP (2002) et SEP (2010).<br />

En effet, l’offre publique, quant au nombre d’écoles et d’élèves inscrits, diminue à mesure que<br />

le cycle scolaire augmente. De sorte qu’à partir du medio superior (lycée) les places en école<br />

publique sont assez limitées, et le prix de l’offre privée n’est pas à la portée de toutes les<br />

familles. Surtout lorsque les allocations familiales ou les bourses pour les études sont<br />

vraiment rares. Par conséquent, le nombre d’élèves inscrits en medio superior, soit dans le<br />

public, soit dans le privé, est assez mince par rapport à la population du groupe d’âges<br />

correspondant : 3,7 millions d’élèves sur 6 millions de jeunes pendant l’année scolaire 2006-<br />

2007.<br />

Pour mentionner quelques indicateurs actuels de scolarité au Mexique, selon les données du<br />

recensement de la population 2010, parmi toutes les personnes âgées de 15 ans et plus, 93%<br />

savent lire et écrire, 7% n’ont jamais été scolarisées, et seulement 33% ont terminé le niveau<br />

scolaire medio superior ou superior (lycée ou troisième cycle). D’ailleurs, 94,7% d’enfants de<br />

6 à 14 ans fréquentent l’école, mais de cette fréquentation ne découle pas systématiquement<br />

une réussite ni une poursuite scolaire. D’autant plus que les élèves de tout niveau ne cessent<br />

de remettre en cause la qualité de l’enseignement, les énormes déficiences du système<br />

éducatif national.<br />

De manière générale, la scolarité moyenne des personnes âgées de 15 ans ou plus s’est<br />

beaucoup élevée pendant les dernières décennies : elle est passée de 3,4 ans en 1970 à 8,6 ans<br />

125


en 2010. Le niveau scolaire moyen actuel est de 2 années de secundaria (soit la classe de<br />

quatrième en France), ce qui reste assez proche du niveau obligatoire, qui est de 9 ans.<br />

Malgré une tendance à l’égalité des sexes en matière de scolarité, il existe encore de petites<br />

différences, les hommes ayant une scolarité moyenne supérieure à celle des femmes :<br />

respectivement 8,8 et 8,5 ans. De plus, la proportion de femmes sans instruction, ou bien avec<br />

seulement une scolarité élémentaire, est supérieure à celle des hommes. Tandis que la<br />

proportion d’hommes avec une scolarité de secundaria ou plus est plus élevée que celle de<br />

femmes. En 1970, la fréquentation de l’école était déjà semblable parmi les filles et les<br />

garçons âgés de 6 à 12 ans, mais à partir l’âge de 13 ans, il y avait une différence notable par<br />

sexe (INEGI, 2006). A partir de l’an 2000, il n’existe plus de différence par sexe dans tous les<br />

niveaux. Et la proportion d’enfants qui fréquentent l’école a augmenté à tous âges, même si<br />

elle reste encore assez faible après 15 ans (pour les niveaux légalement non obligatoires).<br />

Cependant, le grand abandon scolaire à partir de 13 ans est inquiétant, tout de suite après la<br />

primaria (l’école élémentaire), malgré l’obligation et la gratuité de la scolarisation jusqu’à 14<br />

ou 15 ans (Graphique 3). Enfin, la scolarisation des plus âgés (20 à 24 ans) n’a pas beaucoup<br />

évolué depuis 1970.<br />

126<br />

Graphique 3. Proportion (%) de personnes qui fréquentent l’école<br />

par groupes d’âges, selon le sexe, 1970 et 2000<br />

%<br />

100<br />

90<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

6 à 12 ans 13 à 15 ans 16 à 19 ans 20 à 24 ans<br />

Groupes d'âges<br />

Hommes-1970 Femmes-1970<br />

Hommes-2000 Femmes-2000<br />

Source : INEGI (2006).


Les causes de l’abandon scolaire sont multiples, soit en rapport direct avec la demande (des<br />

problèmes familiaux ou individuels), soit un manque d’offre scolaire dans la localité de<br />

résidence. En effet, en 1997, à 12 ans presque neuf enfants sur dix fréquentent l’école, mais à<br />

14 ans la proportion descend à huit sur dix, et cela s’accélère dans les trois années suivantes,<br />

période où plus d’un quart des enfants abandonnent l’école. Ainsi, seulement la moitié des<br />

enfants de 17 ans sont scolarisés. Et à partir de 18 ans, les garçons sont moins fréquemment<br />

scolarisés que les filles. Par exemple, à l’âge de 19 ans, 31% des garçons et 43% des filles<br />

sont étudiants, tandis qu’à 20 ans ils ne sont plus que 25 et 31% respectivement (Camarena<br />

Córdova, 2004).<br />

Nous voudrions également signaler qu’en 2000, parmi les personnes âgées de 24 ans et plus, à<br />

peine 15% des hommes et 10% des femmes ont réussi au moins une année de scolarité<br />

supérieure. Cette population est une génération qui a vécu la scolarité obligatoire de 6 ans et<br />

de grandes iniquités d’accès à la scolarité par sexe. Mais, il est évident que malgré les<br />

déficiences persistantes en matière d’éducation, le pays a connu pendant les dernières années<br />

des avancées dans ce domaine : on observe une élévation du niveau éducatif à chaque<br />

nouvelle génération.<br />

Cependant, une telle réussite du système éducatif ne s’accorde pas avec la détérioration<br />

progressive du marché du travail. Les diplômes ne sont plus une garantie de réussite<br />

professionnelle et d’intégration sociale. Ainsi, le Mexique est devenu un pays de main-<br />

d’œuvre qualifiée et bon marché.<br />

III.1.4. Le marché du travail : un portrait de flexibilisation, précarité et hétérogénéité.<br />

<strong>La</strong> Constitution mexicaine établit dans son Article 123 les termes du droit au travail. <strong>La</strong> durée<br />

légale de travail journalière est de huit heures, avec un minimum d’un jour de repos pour six<br />

jours de travail (la durée légale du travail est fixée à 40 heures par semaine). Les travailleurs<br />

ont aussi droit à un revenu minimum « digne », dont la valeur est établie annuellement<br />

(Salario mínimo, SM), 97 une rémunération majorée de 100% sur les heures supplémentaires,<br />

97 En 2011, il correspond en moyenne (car il existe trois zones géographiques du SM) à 58,22 pesos (3,5 euros)<br />

par journée de travail de 8 heures. A Mexico le SM est de 59,82 pesos (SAT, 2011). A savoir, le coût d’un ticket<br />

de métro est de 3,00 pesos (voyage simple) ; et en moyenne : 10,00 pesos le kilo de tortilla ; le kilo de viande de<br />

127


l’intéressement aux bénéfices de l’entreprise (dans le secteur privé), à des vacances 98 , et à la<br />

sécurité sociale (santé, maternité, retraite, incapacité de travail, décès et vieillesse).<br />

Néanmoins, dans la pratique, les droits des travailleurs sont parfois transgressés même dans le<br />

secteur formel du marché du travail. D'une part, car la mauvaise situation économique des<br />

familles, en plus de la faible offre de travail formel, pousse les personnes à accepter des<br />

postes aux conditions de travail précaires (parfois illégales), et à taire les irrégularités<br />

existantes. Le gouvernement et les syndicats ne remplissent plus leurs fonctions de veiller au<br />

bon respect des droits des travailleurs, ils ferment souvent les yeux face aux injustices,<br />

récompensés par l’énorme corruption qui domine toutes les sphères de la vie du pays. D’autre<br />

part, les patrons profitent de la flexibilité du marché, de la faible application de la loi, de la<br />

corruption, de la demande débordante de travailleurs et de leurs nécessités économiques. Si<br />

quelqu’un n’est pas d’accord avec une injustice professionnelle, l’option est claire : la<br />

démission immédiate. <strong>La</strong> porte de sortie est grande ouverte en permanence, et tout le monde<br />

est remplaçable, au vu de la convoitise des places. Les phrases « Il vaut mieux avoir un travail<br />

quelconque que rien ! » ou « Je cherche n’importe quoi, je ne suis pas exigeant ! » sont assez<br />

courantes dans la population en général, et notamment dans les classes populaires. En effet, le<br />

chômage n’est pas une situation dans laquelle on peut durer, dans un pays qui ne dispose pas<br />

d’un programme de soutien des chômeurs (allocations au chômage). Les taux de chômage<br />

(Tasa de desempleo abierto, TDA) sont alors toujours restés à un niveau assez bas, même en<br />

1995 pendant la grave crise économique qui a touché le pays (Graphique 4). En 2000, le taux<br />

de chômage a été de 1,6%, très en dessous de certains pays développés : l’Espagne 14,1%,<br />

l’Italie 10.5%, la France 10% et les Etats-Unis 4% (INEGI, 2003). 99 Or, en 2009, le taux de<br />

chômage a augmenté notablement en arrivant à 5,2% (INEGI, 2010). Mais, même si ce niveau<br />

de chômage reste encore faible, il ne signifie pas que le marché du travail au Mexique est plus<br />

bœuf 37,00 pesos ; le kilo de tomate 5,00 pesos ; le litre de lait 13,00 pesos ; un kilo de pomme de terre 9,50<br />

pesos (SNIIM, 2011).<br />

98 Au bout de la première année de service consécutif, les travailleurs ont le droit à au moins 6 jours de congés<br />

payés, après, à chaque année travaillée s’ajoutent 2 jours de plus, jusqu’à atteindre 12 jours de congés payés,<br />

puis 2 jours supplémentaires tous les cinq ans.<br />

99 Les chiffres font référence aux taux de chômage : (nombre de chômeurs/PEA)*100. Dont :<br />

Chômeurs : Personnes qui n’ont pas travaillé une heure pendant la semaine de référence, mais qui ont cherché un<br />

travail.<br />

PEA : Population économiquement active.<br />

Ce taux est recommandé par l’OIT en cas de comparaisons internationales. Cependant, les chiffres pour le<br />

Mexique prennent en compte les personnes de 12 ans et plus, lorsque d’autres pays considèrent les 15 ans et<br />

plus.<br />

128


efficace, sinon qu’il est simplement beaucoup plus flexible. Le chômage est un luxe pour la<br />

majorité de la population, et même pour certains EAJ.<br />

Selon les données officielles, même si les conditions de travail se sont améliorées au cours<br />

des dernières années, il reste encore des traits de précarité et de flexibilité sur le marché du<br />

travail : bas revenus, longues journées de travail, contrats temporaires et droits violés. En<br />

2000, six travailleurs sur dix (de 12 ans et plus) gagnent moins de 2 fois la valeur du SM 100<br />

mensuel et une proportion similaire travaille plus de 40 heures par semaine (INEGI, 2001).<br />

Tandis qu’en 2009, un travailleur sur trois gagne moins de 2 fois la valeur correspondante au<br />

SM et 52% travaille plus de 40 heures hebdomadaires (INEGI, 2010).<br />

%<br />

35<br />

30<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

Graphique 4. Taux de chômage (TDA) et taux de<br />

conditions critiques d’emploi (TCCO) par sexe, 1991-2009<br />

1991 1993 1995 1997 1999 2009<br />

Années<br />

TDA Hommes TDA Femmes<br />

TCCO Hommes TCCO Femmes<br />

Sources : INEGI, Encuesta Nacional de Empleo, deuxième trimestre, 1991 à 1999.<br />

INEGI, Encuesta Nacional de Ocupación y Empleo 2009.<br />

Selon le recensement de la population de 2000, seulement un travailleur sur trois a droit aux<br />

vacances ainsi qu’au service médical, deux sur cinq aux étrennes et trois sur dix au service<br />

d’épargne pour la retraite. Il faut signaler que deux retraités sur trois perçoivent moins de 2<br />

fois la valeur du SM (8 dollars par jour), et seulement 46% des ménages sont affiliés à la<br />

sécurité sociale (INEGI, 2005). Or, en 2009 selon les données officielles, 64% des travailleurs<br />

100 Le SM varie selon trois régions du pays : A, B et C. Le SM de la région A (où se trouve la ville de Mexico)<br />

en 2000 correspond à 37,90 pesos par jour (4 dollars). Pour la région B il est de 35,10 et pour la région C de<br />

32,70 pesos (SAT, 2011). Il faut rappeler qu’en 2000, les ménages avec un revenu inférieur à 4,5 dollars US par<br />

jour et par personne étaient considérés comme pauvres (Cortés et al., 2002).<br />

129


n’ont pas directement le droit d’accès aux institutions de santé publique (INEGI, 2010), mais<br />

il est possible que certains y accèdent à travers leurs parents. Enfin, selon le dernier<br />

recensement, en 2010, 35% de la population n’a pas encore le droit à la sécurité sociale.<br />

L’un des indicateurs de la détérioration de la qualité du travail, qui montre la fragilité de<br />

l’application de la loi, est le taux de conditions critiques d’emploi (Tasa de condiciones<br />

críticas de ocupación, TCCO). D’après l’INEGI, il est probablement l’indicateur le plus<br />

important pour illustrer la situation. 101 Pendant les années 90, au moins un travailleur sur cinq<br />

travaillait dans des conditions critiques d’emploi, c’est-à-dire qu’il travaillait à mi-temps faute<br />

d’avoir trouvé un travail à plein temps, ou bien qu’il recevait un faible revenu par son travail.<br />

Cet indicateur a touché jusqu’à un actif occupé sur trois en 1997, à cause des réajustements du<br />

marché du travail après la crise économique de 1995. Et selon les données officielles, de<br />

moins en moins de travailleurs se trouvent dans ce cas, puisqu’en 2009 seulement un<br />

travailleur sur dix travaillait dans des conditions critiques d’emploi (Graphique 4). A l’égard<br />

de l’indicateur, le phénomène était plus masculin que féminin, mais cet écart par sexe a<br />

presque disparu depuis la fin de la décennie 1990.<br />

L’augmentation de la population économiquement active (PEA) — qui est passée de 24<br />

millions de personnes en 1990 à 34 millions en 2000, pour arriver à 45,7 millions en 2009 —<br />

est principalement due à la croissante participation économique des femmes depuis les années<br />

90, mais aussi à la présence d’une population plus nombreuse en âge de travailler. En ce qui<br />

concerne le taux de participation économique, pour les hommes, il est resté à 78% entre 1990<br />

et 2000, tandis que celui des femmes est passé dans la même période de 31,5% à 36,4%. Il<br />

s’agit pour la plupart de femmes mariées (INEGI, 2006a). Il faut également souligner que les<br />

taux de participation des femmes ont presque doublé de 1970 à 1996 (17,6 et 35,2%<br />

respectivement) (Parrado et Zenteno, 2005). En 2010, le recensement donne un taux de<br />

participation économique de 73,4% chez les hommes et de 33,3% chez les femmes, c’est-à-<br />

101<br />

TCCO : ((OH35RM + OH35SM + OH48SM)/les travailleurs ayant un emploi) *100. Pour la population de 12<br />

ans et plus.<br />

Dont :<br />

OH35RM : Les actifs occupés qui ont travaillé moins de 35 heures la semaine de référence pour des raisons<br />

propres au marché (c’est-à-dire des raisons involontaires ou non personnelles).<br />

OH35SM : Les actifs occupés qui ont travaillé plus de 35 heures avec un revenu inférieur au SM.<br />

OH48SM : Les actifs occupés qui ont perçu pour leur travail entre 1 et 2 SM avec une journée de travail de plus<br />

de 48 heures par semaine.<br />

130


dire une légère diminution pour les deux sexes, qui est en relation avec l’augmentation du<br />

taux de chômage de cette période.<br />

En présence d’un marché du travail national incapable d’offrir le nombre de postes<br />

nécessaires dans le secteur formel pour répondre à la demande grandissante de travail, et vis-<br />

à-vis des nouvelles réformes économiques impulsées par les gouvernements, il y a eu une<br />

augmentation des emplois principalement dans les entreprises manufacturières d’exportation,<br />

ainsi que dans le secteur informel, au détriment de la qualité de l’emploi (Parrado et Zenteno,<br />

2005). L’INEGI a estimé que 30% de la population active occupée en 2000 travaillait dans le<br />

secteur informel (petit commerce de rue, services domestiques, travaux des champs, etc.). 102<br />

Et c’est justement l’ouverture de l’économie mexicaine au commerce et à l’investissement<br />

internationaux pendant les années 80 qui a contribué à la plus grande participation des<br />

femmes aux activités manufacturières (notamment dans l’industrie « maquiladora » 103 ) et aux<br />

activités économiques informelles (INEGI, 2006).<br />

En 2000, d’après le recensement, 68% des travailleurs étaient des salariés. <strong>La</strong> plupart (53%)<br />

travaillaient dans le secteur tertiaire ; le secteur secondaire étant aussi notable (28%), et le<br />

moins important était le secteur primaire avec à peine 16%. Mais l’on peut trouver d'énormes<br />

différences entre Etats. 104 D’ailleurs, les travailleurs dans l’industrie (28%), les travailleurs en<br />

services (17%), les travailleurs dans le secteur primaire (16%) et les commerçants et les<br />

vendeurs dans les rues (15%) sont les plus importants (INEGI, 2001). Plus récemment, en<br />

2009, parmi les travailleurs, 66% sont salariés ; les travailleurs dans le secteur tertiaire<br />

continuent de prendre de l’importance, atteignant 63%, tandis que les travailleurs dans les<br />

secteurs secondaire et primaire diminuent : 24 et 13% respectivement (INEGI, 2010)<br />

Malgré les tendances cycliques, l’emploi non agricole a augmenté de 8,5 millions de<br />

personnes entre 1991 et 2000, dont 30% dans le secteur manufacturier et 70% dans les<br />

secteurs non manufacturiers, notamment dans le commerce et les services. D’ailleurs, les<br />

102 Mais les chiffres concernant le secteur informel sont toujours contestables, voire sous-estimés, à cause de la<br />

difficulté théorico-méthodologique pour les repérer.<br />

103 Des usines d’assemblage ou d’élaboration d’une partie ou de tout un produit qui se réalise pour d’autres<br />

établissements, où les derniers sont les propriétaires de la matière première utilisée (« Servicio de ensamblado<br />

y/o elaboración de partes o todo el producto de un establecimiento para otros, donde estos últimos son los<br />

dueños de la materia prima a procesar y/o ensamblar. ») (INEGI, 2011a).<br />

104 Il faut dire que dans les Etats de Chiapas et Oaxaca, le secteur primaire est le plus important (plus de 40%),<br />

par contre à Quintana Roo et DF le secteur tertiaire représente un peu plus de 70%.<br />

131


evenus ont été fortement affectés (négativement) pendant toute la décennie, surtout à cause<br />

du comportement des taux d’inflation, 105 et la baisse du pouvoir d’achat a été plus sévère chez<br />

les ruraux (Cortés et al., 2002). C’est qui a contribué à polariser les conditions de vie entre la<br />

population urbaine et rurale, en général.<br />

Par ailleurs, concernant l’âge minimum des travailleurs, la Ley Federal del Trabajo (Loi<br />

Fédérale du Travail) de 1970, qui a été réformée pour la dernière fois en 2006, établit les<br />

restrictions d’embauche : avant 14 ans, le travail est interdit ; de 14 à 15 ans, le travail est<br />

permis, restreint à des conditions précises et à certains emplois ; et de 16 à 17 ans, tout est<br />

autorisé, sauf le travail industriel nocturne. Les consignes d’embauche pour les moins de 16<br />

ans sont strictes : 106<br />

Obligation de demander un certificat médical attestant la bonne santé, et d’effectuer des<br />

examens de contrôle quotidiennement.<br />

Une journée de travail de six heures maximum, dont une période de repos d’une heure après<br />

les trois premières heures.<br />

Interdiction de travailler après 22 h, de faire des heures supplémentaires, et de travailler les<br />

dimanches ou les jours fériés.<br />

Flexibilisation de l’emploi de temps pour une scolarité en parallèle.<br />

Interdiction de travailler dans des endroits où la vente de boissons alcoolisées de<br />

consommation immédiate est autorisée ; de métiers qui pourraient affecter leur moralité ou<br />

leurs bonnes coutumes ; les rues, en tant qu’itinérants ; les souterrains ; des métiers reconnus<br />

dangereux ; des postes qui demandent une force supérieure à celle d’un enfant.<br />

Mais la loi indique aussi clairement qu’elle ne concerne pas les ateliers dits familiaux, à<br />

savoir, ceux où travaillent exclusivement les deux conjoints, leurs ascendants, leurs<br />

descendants et leurs disciples (voir Annexe I.1). C’est-à-dire que les ateliers familiaux n’ont à<br />

respecter que les restrictions législatives en matière de sécurité et de santé. Et bien<br />

évidemment, les lois ne peuvent pas s’appliquer au secteur informel.<br />

Cette mise en contexte permet de montrer tout d’abord, l’énorme importance des enfants dans<br />

la vie du pays. Ils représentent une population très nombreuse, et continuera de l’être encore<br />

dans les prochaines années. Faire face aux demandes particulières de cette population<br />

105 Lesquels sont passés de 8,4% annuel, entre 1992 et 1994, à presque 35% annuel, entre 1994 et 1996, pour<br />

diminuer à 15,7%, entre 1996 et 2000.<br />

106 Le texte intégral est en Annexe I.1.<br />

132


eprésente alors un grand défi pour l’Etat qui est censé offrir les meilleures conditions pour<br />

son bon développement. D’autre part, ces observations servent aussi à comprendre la vie<br />

quotidienne des enfants, leurs activités et leurs idées. Il est essentiel d’avoir un aperçu de la<br />

situation du système éducatif national pour bien connaître son organisation, ainsi que ses<br />

défaillances et son efficacité, car il représente un domaine de participation fondamental<br />

pendant l’enfance. De même que l’information à propos du marché du travail permet d’avoir<br />

une vision générale sur les conditions d’emploi et sur les possibilités de travail pour les<br />

enfants, dans la pratique et dans la théorie. Enfin, d’autres aspects, comme les conditions de<br />

vie de la population, donnent une idée des besoins et des opportunités des familles et des<br />

enfants.<br />

III.2. Le monde des familles mexicaines.<br />

<strong>La</strong> famille n’a pas pu échapper aux transformations socioéconomiques et démographiques de<br />

la deuxième moitié du XXe siècle, que nous avons montrées précédemment. En général, la<br />

taille moyenne des familles a diminué. Et même si la famille nucléaire prédomine, les autres<br />

types de famille, naguère peu fréquents, commencent à gagner du terrain. D’ailleurs, le<br />

modèle de famille traditionnel, avec une unique personne prenant en charge la famille<br />

(l’homme principalement), perd de la force, comme conséquence des facteurs de types<br />

économique, social, culturel et démographique ; tout ce qui impose de nouvelles formes<br />

d’organisation familiale, car les moyens de l’Etat sont assez restreints en la matière. En effet,<br />

la plupart des problèmes sont censés se résoudre en famille, pour couvrir les énormes carences<br />

de l’Etat en matière de protection sociale.<br />

<strong>La</strong> famille est l’institution sociale par excellence, avec une forte composante communautaire.<br />

Elle adopte différentes formes d’organisation et se trouve insérée dans diverses traditions<br />

culturelles et relations sociales. Mais, elle est encore un espace pour l’autorité et l’exercice du<br />

pouvoir (qu’exerce le père, le chef de ménage ou la personne la plus âgée). Elle se caractérise<br />

par la solidarité et le soutien sous des règles d’obéissance et d’autorité selon les liens<br />

hiérarchiques d’appartenance. Les conflits sont subordonnés afin de maintenir l’unité à tout<br />

prix. Néanmoins, d’après certaines études, nous savons que les familles et les ménages ont<br />

commencé à changer depuis quelques décennies (Ariza et Oliveira, 2001 ; Esteinou, 2004 ;<br />

Rendón, 2004 ; Echarri Cánovas, 2009). Maintenant, il existe une grande variété<br />

133


d’institutions, de rôles, de styles de vie qui entrent sur le marché. Ainsi, la famille a perdu son<br />

rôle fondamental en divers domaines, sauf dans le domaine affectif. Elle est le milieu des<br />

solidarités affectives et de formation de nouveaux types des solidarités (Flores, 1998). Or,<br />

comme signale Esteinou (2004), les changements n’ont pas été homogènes, toutes les familles<br />

mexicaines n’ont pas suivi les mêmes évolutions, les changements varient dans les formes et<br />

l’intensité, ainsi que parmi les groupes sociaux.<br />

Certains événements démographiques et socioéconomiques ont aussi contribué à l'évolution<br />

vers de nouvelles formes d’arrangements familiaux afin de chercher à mieux s’adapter aux<br />

nouvelles demandes et nécessités socioéconomiques. <strong>La</strong> diminution de la proportion de<br />

familles nucléaires et l’augmentation de familles monoparentales, recomposées, sans enfants<br />

et de personnes seules ont été la conséquence de diverses situations, par exemple : la<br />

participation de plus en plus élevée des femmes sur le marché du travail, l’élévation de leur<br />

niveau de scolarité, la diminution de la fécondité, la simplification de tâches domestiques, les<br />

nouvelles formes de division sexuelle du travail, la meilleure acceptation sociale du divorce et<br />

de la séparation des couples, l’augmentation de l’espérance de vie, la migration et les crises<br />

économiques (García Castro, 1998). Néanmoins, les nouvelles stratégies familiales dépendent<br />

de l’appartenance socioéconomique, ethnique et des traditions culturelles de chaque groupe<br />

(Valenzuela et Salles, 1998).<br />

Parallèlement aux changements démographiques et socioéconomiques que le Mexique a<br />

vécus, on assiste aussi à un ensemble de transformations culturelles fort importantes pour le<br />

monde familial. L’urbanisation croissante, la constante exposition d’autres cultures par les<br />

médias par exemple, l’élévation du niveau de scolarité des femmes et leur plus grande<br />

participation sur le marché du travail, ainsi que le contrôle de la fécondité et la séparation<br />

entre sexualité et reproduction ont abouti à une certaine redéfinition des images sociales sur<br />

les femmes et les hommes. Ces transformations ont commencé par influencer les secteurs<br />

urbains et de majeure scolarisation, qui restent encore et surtout les plus concernés (Ariza et<br />

Oliveira, 2004).<br />

Mais, en dépit des tendances de plus grande tolérance des unions consensuelles et de<br />

l’exercice de la libre sexualité, du travail des femmes ou de l’égalité de la distribution des<br />

tâches dans le ménage, de nos jours les hiérarchies prédominent sur l’égalité, la solidarité sur<br />

l’efficacité, et les liens parentaux sur l’ambition personnelle. Malgré l’existence de conflits<br />

134


intrafamiliaux, ceux-ci ne suffisent pas pour remettre en cause la hiérarchie des valeurs<br />

(Flores, 1998). Malgré les importants processus de sécularisation, il existe encore beaucoup<br />

de familles mexicaines contemporaines qui sont régies par la morale, les règles de sexualité et<br />

de procréation, ainsi que des contrôles sur la séparation émanant de la pensée catholique<br />

(Valenzuela et Salles, 1998).<br />

D’ailleurs, étant donné la grande importance de la vie familiale au Mexique, le fait de vivre<br />

seul est peu courant, mais peu à peu plus fréquent. Le degré d’union et de solidarité familiale<br />

(au moins en apparence et malgré les conflits internes) est presque la mesure de l’honorabilité<br />

de la famille, alors il faut le préserver coûte que coûte. Un jeune vit avec sa famille jusqu’à<br />

son mariage, et parfois même après son mariage avec son partenaire, voire avec leurs enfants.<br />

D’habitude, la famille accueille et soutient ses proches en cas de « problèmes » (séparation,<br />

divorce, veuvage, chômage, licenciement…) ou pendant la vieillesse. Les personnes âgées<br />

restent chez elles (normalement près de leurs enfants), ou bien vont vivre avec leurs enfants.<br />

Mais la rareté des ménages « individuels », soit des personnes seules, répond aussi à des<br />

problèmes économiques, parce que les personnes n’ont pas les moyens de vivre de façon<br />

autonome, même si elles le souhaitent. Il faut payer au moins un loyer, la nourriture et les<br />

services, c’est-à-dire avoir un revenu stable. De plus, le fait de vivre seul n’est pas toujours<br />

bien vu et accepté par la famille et par l’entourage, surtout pendant la jeunesse, sauf dans des<br />

cas particuliers. Par exemple, si l’un des enfants doit partir en ville pour travailler ou étudier<br />

loin de sa famille, mais dans ce cas, on cherchera une ville où un parent ou un proche pourra<br />

l’accueillir ; sinon, le départ sera organisé avec au moins une autre personne de la<br />

communauté, et ils s’installeront ensemble dans un nouveau logement. Car les allocations<br />

pour la scolarisation des enfants n’existent pas, et tous les frais de déplacement des enfants<br />

doivent être assumés par les familles.<br />

Alors, face aux transformations économiques et sociales ainsi que celles de l’organisation<br />

familiale, on assiste à une augmentation du déséquilibre entre l’offre et la demande de travail,<br />

de sorte qu’on observe certaines modifications des rôles des membres de la famille. D’après<br />

Rendón (2004), la plus grande flexibilisation du marché du travail a abouti à la flexibilisation<br />

de la division intrafamiliale du travail. En ce qui concerne les rôles des membres dans la<br />

famille, de 1950 à 1970 le modèle de famille prédominant était celui qui plaçait le chef de<br />

famille (un homme) comme unique pourvoyeur de revenus. Ce modèle était possible grâce<br />

aux conditions favorables de travail à l’époque, et à la condition soumise des femmes. Mais<br />

135


entre 1970 et 2000, ce modèle de famille perd de l’importance, car les conditions de travail se<br />

précarisent et se diversifient, la scolarisation augmente et la fécondité diminue, entre autres.<br />

Comme les revenus familiaux diminuent, les enfants passent plus d’années à l’école, les<br />

femmes, sans trop d’enfants et une bonne scolarité, peuvent trouver des opportunités pour<br />

travailler. En général, la mère doit aussi travailler pour permettre aux enfants d’étudier le plus<br />

longtemps possible. Néanmoins, de nos jours, le modèle de couple, où l’homme est le<br />

pourvoyeur de revenus et la femme est au foyer, prédomine encore. Mais parfois, l’homme<br />

n’est plus l’unique pourvoyeur, les enfants aussi, à partir de 15 ans, travaillent fréquemment.<br />

Cependant, parmi les plus jeunes l’on continue à voir la division traditionnelle du travail selon<br />

le sexe : il est plus fréquent que les garçons travaillent hors de la maison, tandis que les filles<br />

font le travail ménager. Pourtant, certaines études montrent que les nouvelles générations de<br />

garçons participent de plus en plus aux tâches ménagères (García et Oliveira, 2001). Ainsi, la<br />

plus grande participation des enfants et des conjointes dans les revenus familiaux commence à<br />

affaiblir les privilèges du père-mari (Rendón, 2004).<br />

Les ménages au Mexique se classent en deux types : familiaux et non familiaux. Pour le<br />

premier au moins, l’un des membres du ménage a un lien de parenté avec le chef de ménage,<br />

ils se classent en : nucléaire, élargi et complexe ; et pour le second, aucun des membres n’a<br />

une relation de parenté avec le chef de ménage, dont il y a les ménages d’une personne et les<br />

ménage avec des corésidents (Tableau 9).<br />

136<br />

Tableau 9. Le classement des ménages selon l’INEGI<br />

Type de ménage Familial Non familial<br />

Classe de<br />

ménage<br />

Caractéristiques<br />

Nuclear<br />

(nucléaire)<br />

Le chef de<br />

ménage et/ou<br />

le conjoint<br />

et/ou les<br />

enfants.<br />

Ampliado<br />

(Elargi)<br />

Un ménage nucléaire<br />

(ou un chef de<br />

ménage seul), avec<br />

d’autre(s) parent(s).<br />

Source : INEGI (2011a).<br />

Compuesto<br />

(Complexe)<br />

Un ménage nucléaire<br />

ou élargi, avec<br />

d’autre(s) personne(s)<br />

sans lien de parenté.<br />

Unipersonal<br />

(Une<br />

personne)<br />

Une seule<br />

personne.<br />

De<br />

corresidentes<br />

(Avec des<br />

corésidents)<br />

Des<br />

personnes<br />

sans lien de<br />

parenté.<br />

En termes statistiques, les données les plus récentes montrent que l’importance relative des<br />

ménages nucléaires a commencé à diminuer depuis les années 80. En 1980, ils représentaient<br />

72,8%, tandis qu’en 2005 65,7%. Même tendance à la baisse observée pour les ménages


complexes et ceux avec des corésidents, qui sont assez rares, au profit des ménages élargis et<br />

d’une personne seule qui sont passés de : 25,5 à 27,8%, et de 4,3 à 5,9%, respectivement. Il<br />

faut souligner aussi que, de 1980 à 2005, pour l’ensemble des ménages, les chefs femmes sont<br />

de plus en plus nombreuses, leur proportion est passée de 14 à 23%.<br />

<strong>La</strong> configuration des types de ménage est différente selon le type de localité. Dans les<br />

localités rurales (de moins de 2 500 habitants), 67% des ménages sont nucléaires, 25,7%<br />

élargis et 6,6% d’une personne seule ; tandis que dans les villes d’un million et plus<br />

d’habitants, les proportions sont : 63,6, 30,5 et 5,1%, respectivement. C’est donc plutôt dans<br />

les localités urbaines que les ménages nucléaires perdent de l’importance. Des différences<br />

s’observent aussi par rapport à la strate socioéconomique : parmi les familles qui<br />

appartiennent au premier quintile, les ménages nucléaires sont moins fréquents que parmi<br />

celles qui appartiennent au cinquième quintile (respectivement 62,8 et 70%) ; par contre, les<br />

personnes seules, ainsi que les ménages élargis sont plus fréquents chez les premiers (Echarri<br />

Cánovas, 2009).<br />

Il est tout à fait possible que dans le futur les familles élargies, avec trois générations vivant<br />

ensemble, continuent d’augmenter, et que les formes d’arrangements résidentiels et familiaux<br />

se diversifient et se complexifient comme une stratégie pour faire face aux faibles revenus<br />

individuels, au vieillissement de la population et à l’accès insuffisant à la sécurité sociale<br />

(Rendón, 2004).<br />

III.3. Le quartier de Pueblo Quieto : un contexte particulier.<br />

Toutes les informations présentées par la suite sont le résultat d’entretiens formels et<br />

informels auprès des habitants du quartier, ainsi que de l’observation directe, où nous avons<br />

réalisé notre travail de terrain. Parce que jusqu’à nos jours, il n’existe pas des registres<br />

officiels spécifiques au quartier.<br />

III.3.1. <strong>La</strong> brève histoire du quartier.<br />

L’origine de ce quartier remonte à une quarantaine d’années. Il a été fondé sur une ancienne<br />

carrière à ciel ouvert qui est arrivée à la fin de son exploitation au moment de la construction<br />

137


du boulevard périphérique dans cette partie de la ville de Mexico. <strong>La</strong> plupart des hommes qui<br />

travaillaient dans cette carrière étaient des immigrants de l’Etat de Guanajuato, venus à<br />

Mexico expressément pour y travailler, grâce à un réseau des connaissances qui s’y était<br />

établi. Au début, ils sont arrivés tous seuls, mais graduellement, leurs familles les ont rejoints.<br />

A la demande de l’un de ces travailleurs, le propriétaire a loué une partie de la carrière, déjà<br />

exploitée, aux familles des travailleurs immigrés. Ils y ont construit de petites maisons<br />

improvisées par-ci, par-là, en désordre. Et afin d’avoir le minimum de dépenses pour vivre, ils<br />

volaient l’électricité des poteaux électriques publics. Ils s’approvisionnaient d’eau potable en<br />

transportant dans des seaux l’eau recueillie d’un robinet public placé à proximité du quartier.<br />

Quelques années plus tard, le propriétaire de la carrière étant décédé, les habitants y restèrent.<br />

Ils commencèrent à s’organiser pour essayer de s’approprier du terrain, qui apparemment était<br />

resté sans héritiers. Finalement, aux alentours des années 80, après des années de demandes,<br />

ils obtiennent des titres de propriété. En effet, à cette époque-là, cela faisait des années déjà<br />

qu’ils avaient commencé, peu à peu, à verser de l’argent aux leaders pour acheter les terrains,<br />

chaque famille selon ses propres moyens financiers. En général, le payement total du prix des<br />

terrains finira quelques années après l’obtention des titres de propriété. Il faut signaler qu’en<br />

plus des paiements, une condition incontournable pour acquérir les terrains était de s’affilier<br />

au PRI 107 , et d’assister assidûment aux diverses manifestations politiques organisées par ce<br />

parti politique (aller soutenir un politicien ou un nouveau programme social par exemple).<br />

Cette manipulation politique des habitants a fini, bien évidemment, peu après l’obtention des<br />

titres de propriété.<br />

Une fois les titres de propriété obtenus, les leaders en profitèrent pour vendre certains terrains<br />

à d’autres personnes étrangères au groupe d’origine (les travailleurs de la carrière, émigrés de<br />

Guanajuato). C’est comme cela que des immigrés d’autres Etats du pays s’y sont installés.<br />

Avec des propriétés bien délimitées et des rues établies, le gouvernement a apporté sa<br />

contribution en approvisionnant le quartier en eau potable, électricité, en égouts, ainsi qu’en<br />

asphaltant les routes. Des maisons en béton commencèrent donc progressivement à remplacer<br />

celles improvisées en bois, voire en carton.<br />

107 PRI : Partido Revolucionario Institucional. Le PRI est le parti politique qui a gouverné le Mexique soixante-<br />

dix ans durant, jusqu’en 2000.<br />

138


Pueblo Quieto est un quartier assez particulier, car il est physiquement presque enfermé.<br />

D’une part, par un grand hôpital privé et des écoles privées. Et d’autre part, par une falaise qui<br />

s’est formée à cause de l’exploitation de la carrière. Il n’y a que deux entrées pour les<br />

voitures, et une troisième juste pour les piétons (Figure 3).<br />

Figure 3. Plan: Quartier de Pueblo Quieto à Mexico<br />

Source : Elaboration propre d’après l’observation in situ.<br />

Mais le plus frappant est le fait de trouver aussi un genre d’enfermement des relations et des<br />

activités des habitants dans le quartier, surtout chez les adultes. Une partie importante des<br />

couples d’adultes, et même de jeunes couples, est constituée de deux personnes originaires du<br />

quartier. Et d’habitude, ceux qui ont un partenaire étranger y demeurent avec leur nouvelle<br />

famille. Les amis et les connaissances sont surtout les voisins et les parents du quartier, ou des<br />

personnes qui y viennent dans un but précis, notamment d’aide sociale aux habitants.<br />

III.3.2. <strong>La</strong> situation socioéconomique.<br />

Actuellement, Pueblo Quieto est qualifié comme un quartier « sensible » à cause de ses<br />

conditions de vie générales et des caractéristiques socioéconomiques de sa population. Il se<br />

139


trouve donc sur la liste des quartiers candidats aux aides des programmes de financement<br />

locaux pour le développement (Figure 4).<br />

140<br />

Figure 4. Photos : Le quartier de Pueblo Quieto<br />

Néanmoins, certaines familles ont connu une ascension sociale évidente, notamment grâce<br />

aux vieilles personnes, qui n’arrêtent pas de travailler malgré leur âge avancé, et qui<br />

investissent tout dans leur propriété, voire dans leurs enfants. Il s’agit de personnes d’origine<br />

modeste qui sont restées simples, se contentant de combler leurs besoins les plus basiques, en<br />

économisant la plupart de leurs gains. Ce n’est pas le cas chez les plus jeunes de ces familles.<br />

Ils ont du mal à s’abstenir des nouvelles technologies, vêtements de marque et jouets à la<br />

mode par exemple. Mais, malgré leur réussite, ces familles habitent toujours le quartier, parce<br />

qu’il est très bien placé dans la ville de Mexico, mais surtout parce qu’ils lui montrent un fort<br />

attachement. Il faut rappeler qu’ils se sont battus pour devenir propriétaires. Les habitants qui<br />

ont les moyens n’expriment pas le souhait de le quitter, mais plutôt d’améliorer leur logement<br />

et leurs conditions de vie.


En effet, on peut dire que le processus d’appropriation des terrains par les habitants a été le<br />

facteur facilitant une certaine ascension sociale à toutes les familles qui ont créé le quartier.<br />

Car ils sont devenus propriétaires de façon relativement facile, en termes économiques ; c’est-<br />

à-dire, en achetant leurs terrains en petites mensualités adaptées aux ressources de chaque<br />

personne. Une opportunité difficile à trouver lorsque l’on est d’une famille modeste. En plus,<br />

l’emplacement du quartier valorise les propriétés à un degré assez intéressant.<br />

Quant à l’activité commerciale, elle y est assez intense, si l’on considère que la clientèle est<br />

seulement locale (les habitants du quartier). Il faut signaler qu’à cause de l’enfermement<br />

physique du quartier ainsi que de sa mauvaise réputation, les personnes que l’on trouve dans<br />

les rues de Pueblo Quieto sont seulement les habitants, les connaissances ou les parents des<br />

occupants qui viennent leur rendre visite, ou les fournisseurs de services ou de produits. Il n’y<br />

a guère des personnes qui sont là par hasard ou de passage. Le commerce est une activité<br />

assez développée : sept tiendas, 108 deux tortillerías, 109 deux boulangeries, trois boucheries,<br />

deux papeteries, deux salons de coiffure, deux magasins de vêtements, deux merceries, une<br />

serrurerie et un petit restaurant. On y trouve aussi une forge, un établissement de location de<br />

matériel des fêtes (chaises, tables, nappes, vaisselles…) et un autre de location de matériel de<br />

musique pour les fêtes. Il y a aussi treize établissements informels placés sur les trottoirs,<br />

parfois à même les routes, qui offrent, tous les jours ou juste les week-ends, des aliments<br />

(tacos, garnachas, 110 jus d’orange pressée, salades de fruits, petits-déjeuners, fruits de mer…),<br />

des DVD et des CD de contrefaçon, et des fils à broder et à tricoter (Figure 5).<br />

Ces commerçants informels de temps en temps sont importunés par les policiers ou les<br />

inspecteurs municipaux qui leur demandent de l’argent pour continuer. Les enfants sont<br />

avertis de ne pas tout dire lorsqu’un étranger, suspecté d’être agent de mairie, les questionne à<br />

propos de leur situation. En l’occurrence, une jeune fille nous a raconté : « (…) mon oncle<br />

m’a dit de dire que je ne suis pas en train de travailler, je suis en train d’aider. » 111 (Alicia,<br />

11 ans, travailleuse extradomestique non familiale).<br />

108<br />

Au Mexique, il est courant de trouver dans les rues des établissements semblables aux « épiceries » (tiendas)<br />

où l’on peut acheter toutes sortes de produits de consommation et des produits pour l’hygiène personnelle.<br />

109<br />

Des établissements où l’on achète les tortillas (de minces galettes à base de farine de maïs) qui accompagnent<br />

les repas mexicains (comme le pain en France). C’est un des aliments basiques de la population.<br />

110<br />

Différents hors-d'œuvre mexicains faits à base de farine de maïs et farcis de fromage, viande de bœuf, poulet,<br />

champignons…<br />

111<br />

« (...) mi tío me dijo que yo debo decir que yo no estoy trabajando, estoy ayudando. »<br />

141


Il n’est pas rare de trouver des habitants qui vendent sporadiquement des aliments devant la<br />

porte de leur maison, sur le trottoir. Car il suffit d’installer une table avec la marchandise<br />

devant la maison pour vendre quoi que ce soit. Il n’y a aucun problème, c’est une pratique<br />

tolérée par les voisins et par le gouvernement (un travail informel). En effet, de temps en<br />

temps, certains enfants en profitent pour vendre leurs jouets, vêtements ou articles divers<br />

qu’ils n’utilisent plus pour avoir un peu d’argent de poche.<br />

142<br />

Figure 5. Photos : Le commerce informel dans les rues de Pueblo Quieto<br />

Tous les établissements commerciaux, formels et informels, sont la propriété des habitants. Le<br />

propriétaire ou un membre de sa famille s’en occupe, notamment une femme ou les plus<br />

jeunes, voire les enfants. Et la plupart des employés, le cas échéant, sont aussi du quartier.<br />

Une autre activité économique, caractéristique du lieu, concerne le transport de matériaux.<br />

Une partie importante d’hommes, adultes et jeunes, sont des chauffeurs de camions-bennes ou<br />

bien de macheteros (pelleteurs ou chargeurs à benne). Certains sont les propriétaires des


camions, notamment les plus âgés, propriétaires qui sont généralement les fils des anciens<br />

travailleurs de la carrière. L’on peut voir les camions garés partout dans le quartier (Figure 6).<br />

Quand la carrière eut fermé, la plupart des ouvriers de la carrière ont cherché du travail<br />

comme chauffeurs ou livreurs dans diverses entreprises, car l’exercice de leur métier n’était<br />

plus possible dans la ville de Mexico. D’après une informatrice, le développement du travail<br />

autour du transport et la charge et de la décharge de matériaux est le résultat du fait qu’un de<br />

ces ouvriers de la carrière, devenu livreur, s’est fait licencier, après des années de travail.<br />

Avec l’argent de son licenciement, il décida d’acheter un camion-benne d’occasion pour<br />

reprendre une activité, au moment où la situation était critique pour lui, du fait de son âge et<br />

de la crise de l’emploi. Bientôt, il devint évident qu’avoir un camion-benne était une bonne<br />

affaire, et certains, en possibilité de le faire, décidèrent à leur tour d’en acheter un, avec le<br />

soutien technique et logistique du premier acheteur qui était devenu un expert dans ce<br />

domaine. Voilà comment cette profession s’est développée dans le quartier, et notamment à<br />

travers les membres d’une seule et même famille nombreuse qui accapare le marché.<br />

Figure 6. Photos : Les camions-bennes partout dans le quartier de Pueblo Quieto<br />

143


Ces macheteros ou chauffeurs ont le statut d’indépendant ou de patron, par conséquent, ils<br />

n’ont pas toujours de travail. Ils n’ont pas des prestations de travail (sécurité sociale et<br />

médicale, retraite…), pas d’horaires de travail, et bien évidemment pas de revenus fixes. Ils<br />

occupent leur temps libre à réparer leur camion ou à faire de petits travaux dans le quartier, en<br />

attendant une offre d’emploi. Cela peut arriver à n’importe quel moment ou jour de la<br />

semaine (même un dimanche). Il est fréquent que les fils des propriétaires des camions-<br />

bennes rejoignent leurs parents au travail dès leur très jeune âge, soit comme chauffeurs soit<br />

comme macheteros. En général, ces garçons se consacrent à ce métier, et ils n'étudient pas au-<br />

delà du collège. Pour eux, il s’agit d’un monde de travail qu’ils connaissent, et malgré la<br />

dureté du métier, il représente une source d’emploi facile, sûr et correctement rentable, en<br />

sachant que plus tard ils pourraient hériter du camion-benne. Le développement de ce métier a<br />

aussi été possible grâce à la disponibilité de main-d’œuvre masculine, jeune et peu qualifiée<br />

dans le quartier.<br />

Concernant les espaces publics disponibles, il y a un centre social et une église. Le centre<br />

social offre divers services : dispensaire, cabinet médical, groupe d’aide aux personnes<br />

alcooliques souhaitant guérir (AA), salle informatique, salle qui sert comme crèche (un lieu<br />

petit et improvisé, la crèche est gérée pour des filles bénévoles du quartier sans aucune<br />

formation spéciale en la matière, mais avec beaucoup de volonté d'aider), salles pour des<br />

cours de danse, des activités manuelles et de taekwondo, ainsi que pour des groupes de<br />

soutien scolaire aux enfants. Et un terrain de basket-ball ou de football couvert, où des<br />

bénévoles du quartier et d’ailleurs entraînent les jeunes et les enfants, à bas coûts ou<br />

gratuitement. Mais, les services ne sont pas toujours disponibles, sérieux ou de bonne qualité.<br />

Sauf le travail et l’instruction scolaire, les activités des habitants se développent à l’intérieur<br />

du quartier même : les loisirs, les petits achats, les fêtes, la messe, le sport, les soins médicaux<br />

de base. Et même certains, notamment des femmes, exercent aux alentours, dans les écoles ou<br />

à l’hôpital, qui sont contigus. Elles y travaillent en tant que femmes de ménage ou assistantes<br />

administratives.<br />

144


III.3.3. <strong>La</strong> situation sociodémographique.<br />

Le nombre d’habitants de Pueblo Quieto ne dépasse pas le millier, dont beaucoup de jeunes.<br />

<strong>La</strong> plupart des adultes sont des immigrés de Guanajuato, Michoacán, Hidalgo. 112 Cependant,<br />

la majorité des jeunes, des adolescents et des enfants sont nés dans le quartier.<br />

<strong>La</strong> plupart des propriétés comptent plus d’un logement et plus d’un ménage dans la même<br />

enceinte. Habituellement, après le mariage, les enfants demeurent chez leurs parents avec leur<br />

partenaire. Si possible, ils construisent au fil du temps un appartement, au-dessus ou à côté du<br />

logement des parents, toujours dans le même lot. Et seulement s’il n’y a pas la possibilité de<br />

construire un logement dans la propriété familiale, ils louent une chambre ou un petit<br />

appartement dans le quartier. Il est fréquent de trouver trois générations réunies dans le même<br />

lot, voire les familles entières de tous les enfants du propriétaire ; mais, généralement,<br />

chacune a sa propre habitation. Même les filles ou les fils issus des familles les plus aisées du<br />

quartier vivent souvent dans la même propriété, voire sous le même toit.<br />

Tout le monde s’y connaît ; la plupart des habitants appartiennent à l’un des dix groupes<br />

familiaux qui constituent le quartier. C’est pour cela qu’il est facile de repérer les étrangers.<br />

Apparemment, les relations y sont faciles, mais complexes. Il y a des groupes de voisins,<br />

plutôt des familles, qui sont en dispute avec d’autres. Ces disputes finissent parfois en<br />

bagarres, surtout chez les jeunes, filles ou garçons, indistinctement. Outre ces rixes dans les<br />

rues, les résidents sont témoins ou protagonistes de divers problèmes sociaux : vices, abandon<br />

scolaire, grossesses précoces, et par conséquent, des mariages « involontaires » à un très jeune<br />

âge, violence familiale, etc.<br />

L’alcoolisme et la dépendance aux drogues sont des vices assez répandus. Certains résidents<br />

sont des petits distributeurs de drogue depuis la création du quartier. A tout moment de la<br />

journée, traînent dans les rues des jeunes alcoolisés ou drogués qui mendient, ou bien des<br />

groupes de jeunes dans un coin en train de consommer leurs produits. Cette situation dérange<br />

de plus en plus les habitants, et surtout ceux qui ont de jeunes enfants, parce qu’ils savent bien<br />

que ces actes sont un mauvais exemple pour eux, mais aussi parce que la vie communautaire<br />

se dégrade et devient de plus en plus dangereuse, même si les résidents sont plutôt respectés et<br />

112 Des Etats du centre du pays.<br />

145


ien traités par les voleurs, les alcooliques et les drogués locaux. En effet, une dame âgée qui<br />

vivait seulement avec l’un de ses petits-fils (écolier), nous a raconté qu’elle avait été obligée<br />

de l’envoyer vivre chez sa sœur, dans une autre ville, car il avait été convié à boire de l’alcool<br />

par des adultes du lieu, et elle l’avait plusieurs fois retrouvé ivre à la maison.<br />

Un autre problème sérieux est la forte fréquence de grossesses des adolescentes. <strong>La</strong> grossesse<br />

précoce semblerait être le « pervers destin » de la plupart des filles du quartier, car l’éducation<br />

sexuelle ainsi que les moyens de contraception modernes y sont peu connus et acceptés. <strong>La</strong><br />

population en général est assez proche de la morale catholique. En effet, la pratique de la<br />

contraception et le sujet de la sexualité sont un tabou. Les parents demandent la chasteté à<br />

leurs filles, ce qui n’est évidemment pas toujours appliqué. De plus, la communauté est aussi<br />

prise par des mœurs bien traditionnelles, où le machisme est d’actualité, davantage chez les<br />

aînés.<br />

<strong>La</strong> violence familiale est aussi bien répandue. Comme souvent, les femmes et les enfants sont<br />

la cible privilégiée de mauvais traitements de la part des hommes. Les causes sont diverses :<br />

machisme, jalousie, alcoolisme, drogues... Parfois aussi le résultat d’une mise en couple<br />

obligée par une grossesse involontaire, qui loin de finir avec une séparation après constatation<br />

d’un mauvais choix, montre ses inconvénients à travers la violence. Parfois, c’est juste une<br />

question de mœurs ou d’éducation, quand il y a une sorte de reproduction du mode de<br />

formation des enfants selon d'anciennes méthodes, à savoir à base de coups.<br />

Enfin, l’abandon scolaire est aussi courant après les neuf années obligatoires, voire avant. Les<br />

filles plutôt à cause des grossesses précoces et du manque de motivation, et les garçons à<br />

cause des mauvaises performances et de mauvaise conduite à l’école, ainsi que du manque de<br />

motivation. On voit aussi souvent les jeunes arrêter leurs études après le collège parce qu’ils<br />

n’ont pas été acceptés dans un des établissements scolaires publics qui leur convenaient,<br />

notamment à cause de leurs mauvais résultats. Ainsi, ils sont parfois obligés de suivre une<br />

formation contraire à leurs intérêts, jusqu’au moment où ils en ont assez. 113 Poursuivent<br />

113 Pour accéder au système scolaire public de medio superior (lycée), tous les enfants doivent passer un examen,<br />

et donner une liste des choix d’écoles où ils aimeraient poursuivre leurs études. <strong>La</strong> détermination de l’école où<br />

l’enfant sera accepté se fait à partir du résultat de l’examen et de la note finale obtenue en secundaria. Ainsi,<br />

pour les moins performants, l’école assignée est loin d’être parmi les premières de leur choix. Le problème<br />

majeur est qu’à ce niveau de l’enseignement, l’option disponible peut être une école de préparation au travail,<br />

146


uniquement leurs études ceux qui ont les moyens de se payer une école privée, ou ceux qui<br />

arrivent à avoir une place dans une école publique qui propose une formation appropriée à<br />

leurs intérêts et à leur budget. Il faut dire que la plupart des parents des jeunes et des enfants<br />

du quartier ont un niveau de scolarité assez faible ou sont sans scolarité. Une partie<br />

importante des jeunes hommes ont juste continué le métier du père ou du grand-père, par<br />

exemple comme chauffeurs, maçons ou macheteros. Les mères et les grands-mères sont<br />

généralement des femmes au foyer ou commerçantes ; les filles, étant donné qu’elles se<br />

marient fréquemment assez jeunes, deviennent à leur tour femmes au foyer, commerçantes ou<br />

employées en divers services. Cela fait un peu moins de dix ans que le quartier a eu ses<br />

premiers diplômés universitaires, et ils sont vraiment peu nombreux. Mais, même s’ils restent<br />

rares, progressivement, plus de jeunes, filles et garçons, suivent une formation<br />

professionnelle, universitaire ou technique.<br />

Malgré la conviction des parents sur la grande valeur de la scolarisation, ils sont peu qualifiés<br />

pour aider leurs enfants dans les devoirs, par exemple, et les problèmes d’apprentissage<br />

restent souvent sans solution, en se cumulant avec le temps. Les enfants qui veulent réussir<br />

doivent presque tout faire seuls. Ce qui peut les décourager à suivre une scolarité après le<br />

premier cycle, qui est obligatoire. C’est pourquoi dans le centre communautaire du quartier,<br />

depuis quelque temps s’est mis en marche un programme de soutien aux écoliers, où des<br />

bénévoles, venus de l’extérieur, aident les enfants à faire les devoirs une à deux fois par<br />

semaine.<br />

En général, les jeunes et les enfants qui étudient fréquentent les écoles publiques. Mais, les<br />

rares enfants des familles qui ont connu une ascension sociale sont inscrits dans des écoles<br />

privées peu onéreuses. Ces enfants appartiennent à la deuxième génération née à Pueblo<br />

Quieto. Ce sont leurs grands-parents qui ont commencé l’ascension sociale, et pourtant leurs<br />

parents fréquentaient encore les écoles publiques.<br />

Une grande partie des jeunes filles ne sont pas vraiment intéressées par les études au-delà du<br />

collège, ni par la vie professionnelle en général. Il semblerait que la vie de femmes au foyer<br />

les attire. En cas de grossesse involontaire, ce qui arrive souvent, le jeune couple doit se<br />

marier le plus tôt possible, peu importe l’âge des concernés, leur volonté et leurs ressources.<br />

dans une carrière professionnelle qui peut ne pas convenir aux intérêts de l’enfant, qui finira par abandonner les<br />

études au bout d’un moment.<br />

147


L’union consensuelle des couples est mal vue, même si cela existe de plus en plus, et les<br />

mères célibataires sont rarissimes. Le mariage est pratiquement l’unique forme de lien bien<br />

reconnue chez eux, et celle qui donne de l’honorabilité aux familles. Et l’interruption<br />

volontaire de grossesse y est inconcevable 114 , même s’il s’agit d’une très jeune fille. C'est<br />

pourquoi les familles respectives soutiendront le jeune couple pris dans une telle situation,<br />

malgré lui, et l’une d’entre elles l’hébergera. Il doit commencer à travailler et en général il<br />

abandonnera l’école. Comme les adolescents ont l’habitude d’avoir des liaisons avec des<br />

voisins du même quartier, ils y resteront même après leur mariage.<br />

Par ailleurs, les étrangers n’y sont pas toujours bien accueillis, sauf ceux qui ont l’habitude de<br />

fréquenter le quartier. Ils sont vus avec méfiance, surtout par les drogués et les ivrognes<br />

parfois installés à l’entrée principale. Mais aussi par certains délinquants qui y habitent et qui<br />

ont l’habitude de voler les personnes à la sortie du quartier. Les habitants peuvent aussi<br />

discrètement saccager les voitures étrangères… Par conséquent, le lieu a mauvaise réputation<br />

aux alentours. Par contre, les habitants ainsi que leurs biens (maisons et voitures, par<br />

exemple) sont respectés.<br />

En général, les adultes et les personnes âgées ne sortent pas beaucoup du quartier, mais les<br />

jeunes commencent à montrer un autre type d’attitude à cet égard, surtout ceux qui ont la<br />

possibilité de suivre une formation au-delà du collège.<br />

C’est dans ce contexte national et local que se déroule le quotidien des enfants qui ont<br />

participé aux entretiens organisés dans le cadre de notre travail de terrain, qui avait pour<br />

objectif de donner la parole aux enfants, les protagonistes de notre sujet d’étude. Tout<br />

d’abord, nous nous intéressons à leur perception sur des sujets qui les concernent ou qui les<br />

entourent, pour après rentrer dans leur vécu et leur expérience de travail, lorsqu’ils en ont une.<br />

Conclusions<br />

Malgré les progrès réalisés au cours des dernières années dans tous les domaines au Mexique,<br />

notamment à l’égard de l’enfance, nous considérons que les conditions socioéconomiques et<br />

culturelles représentent encore aujourd’hui un scénario qui se prête tout particulièrement au<br />

114 Il est interdit au Mexique, sauf dans le DF depuis 2007.<br />

148


dynamisme de certaines formes de travail des enfants. Et même si les conditions structurelles<br />

ne suffisent pas à expliquer la mise au travail précoce, les enfants seront plus impliqués si le<br />

contexte est favorable à leur participation. Nous parlons des conditions en termes pratiques et<br />

des représentations, deux conditions en étroite relation.<br />

Dans le domaine de la pratique, qui correspond à ce chapitre qui s’achève, nous voulons<br />

souligner trois aspects fondamentaux qui touchent les sphères éducative, légale et<br />

économique. Tout d’abord, même si les enfants accomplissent pleinement leur rôle d’élèves,<br />

l’organisation du système éducatif national en deux tours leur permet de réaliser facilement<br />

d’autres activités parallèles, où le travail est l’une des options d’utilisation de leur long temps<br />

périscolaire, souvent ennuyeux et difficile à gérer sans une offre d’activités culturelles,<br />

sportives, ludiques adaptées à leurs besoins. Une option théoriquement restreinte par la loi,<br />

voire interdite, pourtant praticable, à cause de l’ampleur du travail familial et de l’importance<br />

qu’a pris le secteur informel en milieu urbain (deux secteurs de travail qui échappent souvent<br />

officiellement aux contraintes juridiques). En plus, les lois limitant le travail des enfants ne<br />

sont pas toujours respectées là où elles le devraient. Enfin, en matière économique, la<br />

flexibilité et la précarité, qui caractérisent le marché du travail, demandent souvent une<br />

participation intensive de tous les individus, y compris les enfants, dans les diverses activités<br />

de production et de reproduction familiales. Ce qui ouvre le chemin aux divers types de<br />

travail des enfants. Ainsi, les enfants voulant ou nécessitant un travail, pour de multiples<br />

raisons, trouvent en général un terrain plutôt propice à ce propos.<br />

<strong>La</strong> situation concrète du quartier de Pueblo Quieto pourrait illustrer le contexte de vie d’une<br />

partie non négligeable de la population mexicaine, la classe populaire, même si l’exemple<br />

reste particulier et non généralisable. Mais plus qu’une référence du quotidien de certaines<br />

familles mexicaines, voire de certains enfants, cette petite communauté a servi surtout comme<br />

source principale pour approcher le monde des idées, un monde que nous explorerons dans<br />

notre prochain chapitre, afin d’avoir une vision plus intégrale du contexte mexicain qui<br />

permettrait une meilleure tentative pour expliquer l'entrée précoce au travail.<br />

149


150


CHAPITRE IV<br />

A propos des représentations sociales : les enfants prennent la parole<br />

Ce chapitre est basé sur la collecte de notre travail de terrain à Mexico, qui permet d’explorer<br />

les représentations sociales du travail des enfants, une approche qualitative basée directement<br />

sur le vécu des enfants d’un quartier populaire, dont certains sont des enfants travailleurs.<br />

L’objectif est de nature plutôt exploratoire, car nous cherchons de nouveaux éléments pour<br />

mieux comprendre le sujet, pour mettre en contexte cette pratique, ainsi que pour enrichir<br />

l’analyse quantitative qui servira à répondre à notre question de départ : quelle est<br />

l’importance du travail dans la vie des enfants ?<br />

Le travail de terrain a constitué une belle occasion de s’approcher des protagonistes du travail<br />

des enfants et de leur donner la parole. Mais aussi une occasion de savoir ce que les enfants en<br />

général perçoivent et pensent sur des sujets qui les concernent. En plus, des enfants<br />

travailleurs ont volontiers partagé avec nous leurs expériences de travail, voire de vie. Ce qui<br />

constitue une grande contribution à la connaissance du sujet quant au processus précoce<br />

d’entrée au monde du travail.<br />

A présent, nous parlerons des résultats obtenus à travers l’analyse des entretiens collectifs et<br />

individuels, qui ont été réalisés auprès des enfants du quartier de Pueblo Quieto. Nous nous<br />

intéressons spécialement à trois sujets : l’enfance, la scolarité et le travail (domestique et<br />

extradomestique), des sujets qui font, plus ou moins, partie de la vie quotidienne de ces<br />

enfants.<br />

Notre hypothèse centrale est que la perception de tout ce qui entoure la vie des enfants varie<br />

selon les caractéristiques de chaque enfant : l’âge, le sexe et la condition d’activité (travailleur<br />

ou non). Car la manière dont chaque personne aborde des sujets variés dépend largement<br />

de ses propres expériences, sa propre histoire et ses conditions de vie sociale et familiale à<br />

chaque moment déterminé, soit en termes dynamiques. En plus, les idées sur l’enfance, la<br />

scolarisation et le travail ont une charge de subjectivité qui évolue à mesure que changent le<br />

contexte et les normes culturellement déterminées par divers domaines, comme le juridique<br />

151


(les droits des enfants, l’interdiction légale du travail des enfants…), le scolaire et le<br />

socioéconomique.<br />

Avant de commencer notre analyse, précisons que les participants aux entretiens collectifs et<br />

individuels sont âgés de 6 à 14 ans, filles et garçons, travailleurs et non travailleurs, tous<br />

originaires du quartier de Pueblo Quieto et tous scolarisés. En général, il s’agit d’enfants de<br />

familles modestes, qui arrivent plus ou moins bien à faire face à leurs besoins essentiels ; les<br />

parents ont une faible scolarisation, et occupent des emplois plutôt manuels et peu qualifiés.<br />

Dans le tableau 10, nous présentons les principales caractéristiques de nos interviewés, dans<br />

l’ordre des entretiens. Un tableau avec des informations personnelles et familiales plus<br />

détaillées ainsi que des informations sur le déroulement de chaque entretien est disponible<br />

dans l’Annexe III.<br />

152<br />

Tableau 10. Caractéristiques des enfants interviewés individuellement<br />

Nom Sexe<br />

Age<br />

(ans)<br />

1. Juan Garçon 12 6 e année de primaria<br />

Scolarité Condition d’activité<br />

Non travailleur, mais avec<br />

expérience de travail<br />

2. Gloria Fille 10 5 e année de primaria Non travailleuse<br />

3. Mariana Fille<br />

4. María Fille 9 3 e année de primaria<br />

5. Pedro Garçon 8 2 e année de primaria<br />

7<br />

2 e année de primaria Non travailleuse<br />

6. Felipe Garçon 14 1 ère année de secundaria<br />

7. Karen Fille 14 2 e année de secundaria<br />

8. Carlos Garçon 14 3 e année de secundaria<br />

9. Sandra Fille 12 6 e année de primaria<br />

10. Alejandro Garçon 14 1 ère année de secundaria<br />

11. Alicia Fille 11 6 e année de primaria<br />

12. Claudia Fille 9 3 e année de primaria<br />

IV.1. L’enfance : l’étape qui correspond à l’école primaria.<br />

Travailleuse<br />

familiale<br />

extradomestique<br />

Non travailleur, mais avec<br />

expérience de travail<br />

Travailleur<br />

non familial<br />

extradomestique<br />

Travailleuse<br />

familiale<br />

domestique<br />

Non travailleur, mais avec<br />

expérience de travail<br />

Travailleuse extradomestique<br />

familiale et non familiale<br />

Travailleur<br />

non familial<br />

extradomestique<br />

Travailleuse<br />

non familiale<br />

extradomestique<br />

Travailleuse<br />

familiale<br />

extradomestique<br />

D’après les entretiens collectifs et individuels, nous nous sommes aperçus que les participants<br />

ont recours à divers aspects pour définir ce qu’est l’enfance : leurs intérêts, leurs devoirs


(obligations), leur façon de penser et le type de rapport avec les autres, ainsi que leurs<br />

caractéristiques sociodémographiques et physiologiques. Mais, ce sont surtout l’âge, lié aux<br />

divers cycles de système éducatif, et leurs intérêts particuliers, qui, à leur avis, déterminent<br />

mieux ce qu’est un enfant.<br />

Les entretiens collectifs, de deux groupes, permettent de dire que tous les participants âgés de<br />

12 ans et plus ne se considèrent plus comme des enfants, en revanche, tous ceux âgés de<br />

moins de 12 ans s’autodésignaient comme des enfants. Il est évident pour tous, que le passage<br />

de l’école primaria à la secundaria est l’un des moments-clés pour déterminer si l’on est ou<br />

pas un enfant, car c’est justement vers l’âge de 12 ans que l’on passe d’un cycle à l’autre :<br />

« Les enfants assistent à l’école ‘primaria’. » 115 (Groupe de non travailleurs).<br />

« Les adolescents vont en dernière année de l’école ‘primaria’. » 116 (Groupe de travailleurs).<br />

Mais, ils pensent aussi que l’enfance est déterminée par des intérêts, notamment des activités<br />

bien spécifiques, dont le jeu est fondamental :<br />

« Les enfants jouent beaucoup, avec des jouets, de petites voitures et des poupées. » 117 […]<br />

« Par la manière de penser, nous aimons des choses différentes des adultes, par exemple, les<br />

enfants aiment les mangas et les adultes non. » 118 (Groupe de non travailleurs).<br />

« Les enfants jouent, regardent la télé, un adolescent sort avec les amis et sort à des<br />

soirées. » 119 […] « Tu (en tant qu’adolescent) ne joues pas pareil avec les petites voitures, tu<br />

penses différemment. » 120 (Groupe de travailleurs).<br />

Seul le groupe de travailleurs, qui est aussi le plus âgé, souligne le fait que les adolescents,<br />

contrairement aux enfants, font des activités en dehors et loin de leur maison. Ce qui reflète<br />

un degré de liberté, d’autonomie ou d’indépendance plus élevé que celui des enfants.<br />

D’ailleurs, le groupe des non travailleurs, qui sont plus jeunes que les travailleurs, pense aussi<br />

que ce sont les autres qui décident dans le quotidien qui est ou pas un enfant :<br />

« Nous sommes des enfants parce qu’on nous traite comme ça. » 121 […] « On nous<br />

chouchoute beaucoup, et pas les adultes. » 122<br />

115<br />

« Los niños van a la primaria. »<br />

116<br />

« Los adolescentes ya van en sexto de primaria. »<br />

117<br />

« Los niños juegan mucho. Les gusta jugar con juguetes, carritos y muñecas. »<br />

118<br />

« Por la forma de pensar, nos gustan cosas diferentes a los adultos, por ejemplo a los niños les gustan las<br />

caricaturas y a los adultos no. »<br />

119<br />

« Los niños juegan, ven la tele, un adolescente sale con los amigos y sale a fiestas. »<br />

120<br />

« Ya no juegas igual con los cochecitos, piensas diferente. »<br />

121<br />

« Somos niños porque nos tratan como niños. »<br />

122<br />

« Nos consienten mucho y a los adultos no. »<br />

153


Des critères physiques ont aussi été évoqués par les deux groupes, mais, de manière plus<br />

claire parmi les plus âgés :<br />

« Ta moustache pousse. » 123 (Groupe de travailleurs).<br />

« Ils sont plus “grands” ou plus “âgés” que nous. » 124 (Groupe de non travailleurs).<br />

Or, l’unanimité sur l’âge de 12 ans, comme terme de l’enfance, n’est pas aussi évidente dans<br />

les entretiens individuels que dans les entretiens collectifs. Au cours des entretiens, quelques<br />

participants âgés de 12 ans ou plus, se considèrent encore comme des enfants, en évoquant le<br />

côté « éternel » de l’enfance, et en mettant en évidence la subjectivité du concept :<br />

« Je me considère comme une petite fille… Je considère qu’on est toujours un enfant, non ?<br />

Mais les personnes changent. » 125 (Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

« Non, je ne suis plus un enfant, je suis un jeune ou un truc du genre. Pourquoi ? Je ne sais<br />

pas. Je ne sais pas, mais moi, je sens que je suis maintenant un jeune, ou un truc du genre... je<br />

ne sais pas à quel moment on n’est plus un enfant, je pourrais encore être un enfant. » 126<br />

(Felipe, 14 ans, travailleur).<br />

Cette vision intemporelle de l’enfance n’est pas mentionnée par les enfants les plus jeunes.<br />

Mais, nous avons entendu des commentaires dans ce sens dans des discussions auprès des<br />

adultes du même quartier. Peut-être, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’enfance, l’on<br />

commence à s’accrocher aux vertus dites propres à l’enfance : l’innocence, la naïveté, la<br />

tranquillité, la joie... Comme une fille non travailleuse l’a signalé au moment des entretiens<br />

collectifs : « Les adultes ont déjà fini leur enfance, ils deviennent aigris. » 127 Même si ces<br />

vertus de l’enfance restent sur le plan subjectif, elles sont bien ancrées dans l’imaginaire<br />

collectif.<br />

Nonobstant, ces vertus et d’autres caractéristiques associées à l’enfance, contribuent aussi à<br />

« sous-estimer » cette étape de la vie, d’un point de vue évolutionniste, en la considérant<br />

comme la période de préparation, évidemment, pour quelque chose de plus sérieux, voire plus<br />

important, qui est la vie adulte. C’est pour cela qu’à partir d’un certain âge, on se sent souvent<br />

123<br />

« Ya te sale bigote. »<br />

124<br />

« Son más grandes que nosotros. » Le mot grande en espagnol a deux significations en français : plus âgé et<br />

plus grand.<br />

125<br />

« Yo me considero niña… Yo considero que siempre eres un niño ¿no? pero las personas van cambiando. »<br />

126<br />

« No, yo ya no soy un niño, yo soy un joven o algo así. ¿Por qué? No sé. No sé, pero yo ya siento que ya soy<br />

un joven, algo así... no sé en que momento se deja de ser niño, yo todavía podría ser un niño. »<br />

127<br />

« Los adultos ya acabaron su infancia, ya se vuelven amargados. »<br />

154


offensé, voire insulté, d’être considéré comme un enfant. Parce que l’enfance est aussi<br />

synonyme de faiblesse, irresponsabilité, inconscience, et dépendance :<br />

Être un enfant c’est « Que sa maman l’habille encore et tout ça, qu’on le surveille encore<br />

beaucoup parce qu’il se conduit d’une façon différente : fait des espiègleries... et, je ne sais<br />

pas. (...) Nous, les jeunes, pensons plus les choses et tout. » 128 (Felipe, 14 ans, travailleur).<br />

L’on n’est plus un enfant « Lorsque... je ne sais pas... on est plus responsable, et on sort et on<br />

n’est pas beaucoup à la maison. » 129 (Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

« Un enfant ne peut pas sortir dans la rue, il doit demander la permission, nous (les<br />

adolescents) demandons la permission, mais nous allons à plusieurs endroits. » 130 (Alejandro,<br />

14 ans, travailleur).<br />

« Les enfants ne pensent pas en grand, au futur. (…) Les adolescents doivent étudier parce<br />

que c’est leur futur qui est en jeu. » 131 (Carlos, 14 ans, non travailleur).<br />

Nous avons constaté, comme dans les entretiens collectifs, que ce sont seulement les<br />

participants les plus âgés qui relient l’enfance à une façon de penser et d’agir moins<br />

« responsable » et moins « indépendante ». Et il faut même signaler que l’importance de<br />

l’autonomie, comme facteur de différence entre les enfants et les autres, est seulement<br />

évoquée par des enfants travailleurs. Il est aussi évident que l’indépendance n’est pas encore<br />

acquise, comme souligne l’enfant qui témoigne qu’il demande encore la permission, même<br />

s’il a plus de liberté. En effet, nous considérons que c’est justement cette vision de<br />

dépendance, voire de mépris de l’enfance, qui a poussé certains participants des deux types<br />

d’entretien, à ne plus se considérer comme des enfants face à leurs pairs, lors des entretiens<br />

collectifs, malgré leur autoreconnaissance comme des enfants au moment de l’entretien<br />

individuel.<br />

Par contre, pendant les entretiens individuels, comme lors des entretiens collectifs, la plupart<br />

des participants font aussi appel au rapport direct entre l’enfance et le niveau scolaire. Ils<br />

considèrent que l’enfance s’arrête au moment de passer à la secundaria :<br />

« Je suis un enfant parce que j’assiste à la ‘primaria’, non ? Pour ça. » 132 (Juan, 12 ans, non<br />

travailleur).<br />

128<br />

« Que su mamá todavía lo vista y todo eso, que todavía lo ande cuidando mucho porque se comporta de una<br />

manera diferente: hace travesuras... y pus, no sé (...) Ya los jóvenes pensamos más las cosas y todo. »<br />

129<br />

« Cuando ya... no sé... es más responsable, y ya sale y ya no está tanto en su casa, podríamos decir. »<br />

130<br />

« Un niño no puede salir a la calle, tiene que pedir permiso, nosotros (los adolescentes) pedimos permiso pero<br />

ya salimos a más lados. »<br />

131<br />

« Los niños no piensan a lo grande, en el futuro. (…) Los adolescentes ya tienen que estudiar porque es su<br />

futuro lo que se está jugando. »<br />

132<br />

« Soy niño porque voy a la primaria ¿no? por eso. »<br />

155


Je ne serai plus un enfant « Lorsque j’aurai… lorsque j’assisterai, ainsi, à la<br />

‘secundaria’. » 133 (Claudia, 9 ans, travailleuse).<br />

En général, il n’y a pas d’allusion à un âge précis, même si celui-ci est implicite, étant donné<br />

la manière dont est organisé le système éducatif, mais aussi au fait que l’entrée en primaria se<br />

fait maintenant systématiquement au bon âge, vers six ans. Or, l’un des participants a précisé<br />

la fin de l’enfance par rapport à un autre critère, le droit civil :<br />

« Un enfant n’est plus un enfant à 18 ans, parce qu’il a alors sa carte d’identité pour aller<br />

voter, il est déjà dans la jeunesse (...) Ils savent plus que nous, ils assistent à la ‘secundaria’,<br />

et voilà. » 134 (Pedro, 8 ans, non travailleur).<br />

Mais son récit montre encore la difficulté de définir l’enfance, car il entre en contradiction en<br />

abordant deux conditions qui dans la réalité s’accordent très rarement : la fréquentation à la<br />

secundaria et l’âge de la majorité civile.<br />

A l’évidence, les participants considèrent que la société est organisée selon les diverses étapes<br />

de la vie. Et à chaque étape, à chaque âge, correspond un rôle plus ou moins bien déterminé.<br />

Mais ce sont des situations contextuelles qui déterminent le mieux le passage d’une étape à<br />

l’autre ; les caractéristiques individuelles restant un peu à l’écart, même si présentes.<br />

D’ailleurs, ainsi comme lors des entretiens collectifs, tous les participants aux entretiens<br />

individuels évoquent aussi une détermination de l’enfance selon des intérêts ou des goûts bien<br />

spécifiques, disons des activités enfantines, par exemple : « jouer », « regarder les mangas »,<br />

« faire des espiègleries ». Des choses qui sont limitées à cause d’un important niveau de<br />

dépendance des enfants :<br />

« Je suis un enfant parce qu’on me coupe les cheveux, parce que j’ai des tee-shirts de<br />

Superman et toutes ces choses, et j’ai des jouets et des voitures. (…) Un jeune est plus grand<br />

que moi, il a déjà une petite amie ou un truc du genre. » 135 (Pedro, 8 ans, non travailleur).<br />

« Je me considère enfant parce que j’étudie, joue avec mon frère et ma sœur et j’aide ma<br />

mamie. (...) Les enfants jouent encore avec leurs frères et leurs sœurs et ils ne passent pas<br />

133 « Cuando ya tenga… cuando ya vaya, así, en la secundaria. »<br />

134 « Un niño deja de ser niño a los 18 años porque ya tiene su credencial de elector, ya está en la juventud (...)<br />

Ya saben más que nosotros, ya van como en la secundaria o así. »<br />

135 « Soy un niño porque me corto el pelo, porque tengo playeras de Superman y todas esas cosas, y tengo<br />

juguetes y carros. (…) Un joven es más grande que yo, ya tiene novia o algo así. »<br />

156


tout le temps, je ne sais pas, dans la rue. Je ne sais pas, avec leurs amis ou un truc du<br />

genre. » 136 (Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

« Je suis un enfant parce que je joue et je m’amuse. Rien de plus. » 137 (Claudia, 9 ans,<br />

travailleuse).<br />

Ce qui caractérise les enfants se trouve dans le type d’activités qu’ils réalisent, les vêtements<br />

qu’ils portent, le type de jeux, de programmes télévisés et de loisirs qu’ils aiment. Et tout cela<br />

les différencie d’autres groupes de personnes, comme les jeunes ou les adultes. Mais, au-delà<br />

de la description de qui est ou pas un enfant, nous avons discuté aussi sur les devoirs des<br />

enfants.<br />

En accord avec le fait que l’enfance est souvent définie par rapport aux cycles scolaires, les<br />

enfants sont censés être des élèves. Mais, pas seulement. Nous avons interpellé les<br />

participants à propos des devoirs des enfants :<br />

« En tant qu’enfant je dis que l’on doit s’amuser, jouer et tout ça, mais aussi étudier et faire<br />

ce que l’on est censé faire à la maison. On doit aider sa maman et tout ça. » 138 (Felipe, 14<br />

ans, travailleur).<br />

« Un enfant doit aider ses parents à faire les tâches de la maison, et aussi faire ses devoirs<br />

scolaires, arroser les plantes (…) » 139 (Pedro, 8 ans, non travailleur).<br />

« Mon papa m’a dit que je ne dois jamais arrêter d’étudier. Que les études sont l’unique<br />

chose que j’ai à faire, étudier et étudier. (...) Lorsque les enfants ont un âge raisonnable, il<br />

faut leur apprendre à faire le ménage. » 140 (Carlos, 14 ans, non travailleur).<br />

Les enfants doivent « aider leur maman, les études. » 141 (Claudia, 9 ans, travailleuse).<br />

Alors qu’il existe des intérêts et des goûts propres à l’enfance, ses devoirs ne sont pas<br />

exclusifs à cette étape, comme étudier et aider aux tâches domestiques. Mais ces devoirs se<br />

limitent aux domaines de l’école et de la famille. C'est-à-dire que la vie des enfants se passe<br />

essentiellement dans ces deux milieux. En général, l’on considère que ces devoirs sont<br />

nécessaires pour la préparation des enfants à la vie adulte. Ils sont demandés, voire imposés,<br />

136<br />

« Yo me considero niña porque estudio, juego con mis hermanos y le ayudo a mi abuelita. (...) Los niños<br />

todavía juegan con sus hermanos y no se la pasan todo el tiempo, no sé, en la calle. No sé, con sus amigos o algo<br />

así. »<br />

137<br />

« Soy niña porque juego y me divierto. Nada más. »<br />

138<br />

« Como niño yo digo que divertirse, jugar y todo eso, pero también estudiar y hacer lo que tiene que hacer en<br />

la casa. Ayudarle a su mamá y todo eso. »<br />

139<br />

« Un niño debe ayudarle a sus papás a hacer la tarea de la casa, y también a hacer su tarea, regar las plantas. »<br />

140<br />

« Mi papá me ha dicho que nunca deje el estudio. Que nada más el estudio es lo que tengo que hacer, estudiar<br />

y estudiar. (...) Los niños cuando ya tengan una edad razonable hay que enseñarles a hacer quehacer. »<br />

141<br />

« ayudarle a su mamá, los estudios. »<br />

157


par les parents à leurs enfants. Plus tard, les enfants pourront décider eux-mêmes, par<br />

exemple, s’ils continuent leurs études, mais pas maintenant, ce qui montre leur niveau de<br />

dépendance par rapport aux jeunes.<br />

L’aspect du développement physique, qui est souvent pris comme un critère pour déterminer<br />

le passage d’une étape à l’autre, n’est guère observé au moment des entretiens individuels ni<br />

dans les entretiens collectifs. Nous pensons que les participants n’en ont pas parlé par honte<br />

ou par pudeur, parce que dans le quartier, comme dans les familles, prédominent des idées<br />

traditionnelles régies par une morale catholique, où les sujets sexuels sont des tabous.<br />

Uniquement Alicia (11 ans, travailleuse) a commenté directement et avec timidité :<br />

« Ma maman m’a dit, ben, qu’après une étape de la menstruation, l’on devient<br />

adolescente. » 142<br />

Et María (9 ans, travailleuse) a fait allusion à un sujet proche, la vie sexuelle active, en<br />

évoquant des problèmes sociaux qui sont assez fréquents dans le quartier, voire dans sa propre<br />

famille :<br />

« Les adolescentes disent des gros mots et se disputent beaucoup. Ou parfois elles ont des<br />

petits amis et ils les mettent enceintes, et après ils les quittent. Ben, cela arrive aussi parfois<br />

aux petites filles. » 143<br />

Elle a un regard assez sombre de l’adolescence. Les grossesses précoces, vers 15 ans, et la<br />

violence sont tellement répandues dans son entourage, qu’elle les considère même comme une<br />

partie des caractéristiques de l’adolescence. Même si toutes n’auront pas le même chemin, le<br />

risque semble très élevé. En effet, sa mère et sa tante sont passées par une telle situation, et le<br />

cas de sa mère a très mal fini, avec l’abandon de María, qui vit maintenant avec ses grands-<br />

parents, à cause de problèmes d’addiction aux drogues. Son récit montre bien les effets du<br />

contexte sur les idées, voire sur la vie des enfants.<br />

IV.2. <strong>La</strong> scolarité : la condition pour être quelqu’un.<br />

Tous les participants aux entretiens collectifs ou individuels assistent à l’école et considèrent<br />

sans hésitation que la scolarisation est une chose très importante. <strong>La</strong> plupart souhaitent avoir<br />

142 « Me ha dicho mi mamá, bueno, que pasando una etapa de la menstruación ya parece ser adolescente. »<br />

143 « <strong>La</strong>s adolescentes dicen groserías y se pelean mucho. O luego tienen novios y ya las dejan embarazadas y<br />

luego ya las dejan. Bueno, también luego les pasa a las niñas. »<br />

158


une formation universitaire, notamment dans les domaines les plus traditionnels (médecine,<br />

droit, enseignement, architecture, ingénierie). Seuls les garçons les plus jeunes souhaitent<br />

suivre plutôt les pas des célébrités sportives, ou bien d’autres métiers traditionnels.<br />

En toute cohérence avec ces idées, le fait de quitter l’école pendant l’enfance est un vrai<br />

handicap pour le futur, comme le signalent les enfants lors des entretiens collectifs. En dehors<br />

de l’école, l’on n’apprend rien d'important :<br />

« Ceux qui quittent l’école deviennent des ânes, parce qu’ils n’apprennent rien. » 144 (Groupe<br />

de travailleurs).<br />

Cependant, les inconvénients de la déscolarisation ne se réduisent pas qu’à l’apprentissage,<br />

mais aussi aux pratiques, selon le groupe d’enfants travailleurs. Le fait de quitter l’école est<br />

propice au développement de comportements considérés comme indésirables : « vicieux » et<br />

« fainéants ». En effet, la déscolarisation est perçue comme l’origine des problèmes sociaux.<br />

Des problèmes qu’ils côtoient quotidiennement dans le quartier :<br />

« Les enfants qui ne fréquentent pas l’école vont se droguer. Ils seront dans les rues. Ils<br />

feront des graffitis. » 145<br />

Au fur et à mesure que l’âge des enfants augmente, il y a une prise de conscience plus<br />

développée sur les problèmes sociaux. Mais, il semble aussi que les enfants travailleurs ont<br />

plus cette ouverture d’esprit, car une telle vision n’est pas apparue lors de l’entretien collectif<br />

avec des enfants non travailleurs, également les plus jeunes.<br />

Les deux groupes ont évoqué, de manière implicite, l’opposition entre scolarisation et travail.<br />

Pour traiter le sujet, ils ont fait appel à des cas concrets qu’ils connaissent, car l’abandon<br />

scolaire est fréquent parmi leurs voisins ou leurs parents :<br />

« Certains se mettent à travailler au lieu d’étudier parce qu’ils n’ont pas d’argent. » 146 […]<br />

« Il y a des filles qui sont en lycée et qui tombent enceintes et abandonnent l’université. Et<br />

c’est mal, parce qu’elles ne doivent pas laisser tant d’années d’efforts (années d’études déjà<br />

faites). » 147 (Groupe de travailleurs).<br />

« Mon cousin a quitté l’école parce qu’il n’a plus voulu, et maintenant il fait le ménage. » 148<br />

(Groupe de non travailleurs).<br />

144<br />

« Los que dejan la escuela se vuelven muy burros porque no aprenden. »<br />

145<br />

« Los niños que no van a la escuela se van a mariguanear. Andan en las calles. Andan grafiteando. »<br />

146<br />

« Algunos se ponen a trabajar en lugar de estudiar porque no tienen dinero. »<br />

147<br />

« Hay unas muchachas que están en la prepa y que se embarazan y dejan su carrera. Y está mal, porque no<br />

deben dejar tantos años de esfuerzo. »<br />

148<br />

« Mi primo dejó de estudiar porque ya no quiso y ahora hace el quehacer. »<br />

159


Néanmoins, ils montrent les deux sens de la relation entre travail et déscolarisation : parfois,<br />

le travail est une cause, et parfois il est une conséquence de la déscolarisation. A l’évidence,<br />

les causes de l’abandon scolaire sont diverses : précarité, désintérêt, grosses précoce. Tout<br />

comme les conséquences : errance, petite délinquance, drogues.<br />

Les entretiens individuels confirment que tous les enfants considèrent la scolarisation comme<br />

quelque chose de fondamental et propre à l’enfance, la clé pour réussir sa vie : « Réussir sa<br />

vie est, disons, étudier au-delà de la ‘secundaria’, et avoir un bon travail. » 149 (Karen, 14 ans,<br />

travailleuse). Et l’abandon scolaire est un handicap, qui s’exprime dans les domaines du<br />

savoir et de l’apprentissage, et aussi en matière de conduite ou pratiques indésirables, comme<br />

nous l’avons évoqué plus haut lors des entretiens collectifs :<br />

« Les enfants qui ne fréquentent pas l’école vont se consacrer aux métiers... à balayer, à laver<br />

le linge des autres, à être un chauffeur, comme mon papa... Ou être comme ceux qui soudent,<br />

et des trucs du genre. Parce qu’ils n’ont aucune connaissance. » 150 (Pedro, 8 ans, non<br />

travailleur).<br />

Les enfants déscolarisés deviennent des « vicieux », des « fainéants », des « flemmards », des<br />

« voleurs », des «irrespectueux », des « bruyants ». Et ce sont encore les enfants travailleurs,<br />

les plus âgés, qui mentionnent ces problèmes. Mais cette fois-là, ils explicitent que l’abandon<br />

scolaire est une cause de ces pratiques indésirables :<br />

« Un enfant qui ne fréquente pas l’école devient un fainéant, il ne fait rien, il devient un<br />

vicieux. » 151 (Alejandro, 14 ans, travailleur).<br />

« Ils deviennent des voleurs ou des alcooliques, ils fument ou se droguent. Je connais une fille<br />

(déscolarisée) que je vois là. Je la vois toujours dans la rue avec son petit ami, là, en train de<br />

boire et de fumer. » 152 (Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

Outre le handicap, l’abandon scolaire constitue aussi une privation des enfants de leurs droits.<br />

Les enfants apprennent à l’école les droits de la CIDE, mais seulement cette fille les a<br />

revendiqués :<br />

« Ben, à mon avis, je n’aimerais pas (quitter l’école), parce que, je dis que c’est mal parce<br />

que nous tous, les enfants, avons le droit d’étudier. » 153 (Gloria, 10 ans, non travailleuse).<br />

149 « Salir adelante es no quedarte, hasta por decir, la secundaria, y tener un buen trabajo. »<br />

150 « Los niños que no van a la escuela van a hacer oficios... a barrer, a lavar ropa de otra gente, a ser camionero,<br />

como mi papá... O ser como uno de esos de los que soldan, todo eso. Porque no tienen ningún conocimiento. »<br />

151 « Un niño que no va a la escuela se vuelve vago, no hace nada, se vuelve vicioso. »<br />

152 « Se vuelven rateros o toman, fuman o se drogan. Conozco una niña (que no va a la escuela) que veo ahí.<br />

Pues siempre la veo en la calle con su novio, ahí tomando y fumando. »<br />

160


D’ailleurs, l’opposition du travail à la scolarisation est encore une fois mentionnée.<br />

L’abandon scolaire, soit par nécessité, soit juste par manque d’intérêt ou de plaisir pour<br />

l’école, ouvre la porte au travail des enfants :<br />

« Les enfants quittent l’école parce qu’ils n’aiment plus étudier et ils se mettent plutôt à<br />

travailler. Comme un enfant de ma classe qui habite par là, il a décidé de faire la fête et de<br />

travailler. Et il a arrêté ses études. Il a abandonné l’école en CM2. Mais je crois que ses<br />

parents étaient des alcooliques. (…) Ils deviennent des feignants ou un truc du genre. Ou cela<br />

dépend, parce que si jamais ils arrêtent les études par nécessité, et ils se mettent à travailler,<br />

alors ils peuvent subvenir seuls à leurs besoins. » 154 (Sandra, 12 ans, travailleuse).<br />

Ainsi, le travail est une option face à la déscolarisation volontaire, mais aussi une contrainte,<br />

lorsque la situation socioéconomique familiale est précaire. <strong>La</strong> perception sur les enfants<br />

travailleurs en dépend. Ceux qui abandonnent l’école de manière volontaire sont des<br />

fainéants, et leur mise au travail est peu appréciée, mais ceux qui sont obligés de quitter<br />

l’école pour travailler sont justifiés et leur travail est reconnu.<br />

Mais la déscolarisation est aussi en relation avec une attitude « irresponsable » des parents<br />

envers leurs enfants :<br />

« Parce que leurs parents ne les soutiennent pas ou ne leur demandent pas d’étudier... Mon<br />

papa me gronderait (si jamais elle abandonnait l’école). » 155 (Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

Les enfants qui ne fréquentent pas l’école « C’est parce que leurs parents les laissent là en<br />

train de vendre des chewing-gums. » 156 (María, 9 ans, travailleuse).<br />

Ce sont seulement des enfants travailleurs, pas forcément âgés, qui évoquent la relation entre<br />

la responsabilité parentale et l’abandon scolaire, ainsi que la déscolarisation comme<br />

conséquence d’une contrainte économique, comme dans les entretiens collectifs. Par contre, le<br />

désintérêt pour l’école comme cause de la déscolarisation est mentionné individuellement par<br />

les enfants travailleurs, tandis que dans les entretiens collectifs, ce sont les jeunes enfants non<br />

travailleurs qui l’ont abordé.<br />

153<br />

« Bueno, en mi opinión, a mí no me gustaría (dejar la escuela), porque, por lo mismo, yo digo que está mal<br />

porque todos los niños tenemos derecho a estudiar. »<br />

154<br />

« Los niños dejan la escuela porque ya no les gusta estudiar y ya mejor se ponen a trabajar. Como un niño de<br />

mi salón que vive por aquí, decidió mejor andar en el despapaye y seguir trabajando. Y ya no estudió. Se quedó<br />

en quinto. Pero creo que sus papás eran alcohólicos. (…) Se vuelven unos vagos o así. O depende, que tal si<br />

dejan de estudiar por necesidad, y se ponen a trabajar y ya se pueden mantener ellos mismos. »<br />

155<br />

« O porque no quieren y son flojos. O porque sus papás no los apoyan o no les dicen que estudien... Mi papá<br />

me regañaría (si dejara la escuela). »<br />

156<br />

« Es porque sus papás los dejan botados vendiendo chicles. »<br />

161


Il y a seulement deux enfants qui ont parlé du besoin d’une aide spéciale à la scolarisation des<br />

enfants pauvres, ce qui pourrait être une mesure pour éviter que ces enfants abandonnent<br />

l’école et pour les éloigner du travail, qu’ils considèrent inapproprié :<br />

« Il faut les aider, on doit leur donner des bourses ou des choses comme ça pour suivre leurs<br />

études, mais qu’ils ne travaillent pas. » 157 (Alejandro, 14 ans, travailleur).<br />

« Les enfants ne doivent pas travailler. Il devrait y avoir plus d’écoles pour tous, et là, si tu as<br />

des bons résultats, tu devrais avoir des bourses. » 158 (María, 9 ans, travailleuse).<br />

Par ailleurs, en relation directe avec la déscolarisation, nous avons interpellé les enfants sur le<br />

moment où ils devraient alors arrêter les études, et sur leur projet personnel à ce sujet. En<br />

général, les enfants du groupe de travailleurs considèrent qu’ils doivent tous entreprendre une<br />

formation universitaire. 159 Et en toute cohérence, ils ont l’idée de réussir des études de droit,<br />

médecine ou ingénierie (tous dans ces trois domaines) ; seulement une fille veut suivre une<br />

formation d’infirmière. De leur côté, les enfants du groupe de non travailleurs, qui sont jeunes<br />

et connaissent moins le système scolaire, ont juste évoqué l’importance de finir la secundaria<br />

(collège) et si possible d’aller au-delà. Certains, les plus âgés, aimeraient réussir une<br />

formation universitaire (un architecte, deux médecins et un chef cuisinier) ; les plus jeunes des<br />

carrières sportives (footballeur ou catcheur 160 ), ou des métiers traditionnels : soldat ou<br />

chauffeur de cars (comme son grand-père).<br />

A partir des entretiens individuels, nous avons trouvé que les participants pensent que l’on<br />

doit finir au minimum le collège, pour avoir au moins les connaissances basiques. Il faut<br />

rappeler qu’au Mexique, seulement la scolarisation nommée « de base » (primaria et<br />

secundaria) est obligatoire et gratuite :<br />

« Ben, pas jusqu’à l’université, sinon à la ‘secundaria’, parce que maintenant on peut dire<br />

que cela est le basique… on dirait qu’à la ‘secundaria’ on te donne les connaissances. » 161<br />

(Gloria, 10 ans, non travailleuse).<br />

« Ben, je ne sais pas, selon ce qu’ils peuvent ou ils veulent, mais principalement, il faut<br />

étudier jusqu’à la ‘secundaria’. Parce que je crois que dès qu’on finit la ‘secundaria’, ils sont<br />

157<br />

« Pus que les ayuden, que les den una beca o algo para seguir sus estudios, pero que trabajen pus no. »<br />

158<br />

« Los niños no deben trabajar. Deberían haber más escuelas para todos, y ahí en la escuela si vas bien que te<br />

den becas.»<br />

159<br />

Au Mexique, il n’existe pas de grandes écoles, comme en France, la formation professionnelle la plus<br />

prestigieuse est dispensée dans les universités (licence, master, doctorat, postdoctorat).<br />

160<br />

Un sport populaire au pays.<br />

161<br />

« Bueno, no hasta la universidad, sino la secundaria, porque ahorita se puede decir que es lo básico… como<br />

que ahí te dan los conocimientos. »<br />

162


maintenant des adolescents, et ils pourraient décider ce qui les convient, mais aussi en ayant<br />

l’accord des parents. » 162 (Carlos, 14 ans, non travailleur).<br />

Mais, bien sûr, il vaut mieux poursuivre au-delà du collège, préférablement finir une carrière<br />

universitaire, voire technique. Néanmoins, certains enfants, les plus âgés et travailleurs,<br />

évoquent la nécessité d’une certaine liberté de choix à ce sujet :<br />

« Ils doivent finir toute une carrière. Ben, chacun selon son choix de carrière. <strong>La</strong> ‘primaria’,<br />

la ‘secundaria’ et au-delà... mais aussi cela dépend de ce qu’on choisit comme formation<br />

professionnelle. Mais les enfants devraient continuer leurs études après la ‘secundaria’. » 163<br />

(Felipe, 14 ans, travailleur).<br />

« Je pense qu’ils doivent arrêter quand ils le décideront, parce que si un enfant ne veut pas<br />

étudier, alors on ne peut pas l’obliger à fréquenter l’école. » 164 (Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

D’après les enfants, les bénéfices de la scolarisation sont l’accumulation de connaissances,<br />

mais surtout l’obtention d’un diplôme. Un diplôme qui à long terme sera fondamental pour<br />

avoir un travail :<br />

« Parce qu’il y a plus de possibilités quand tu te prépares que quand tu n’étudies que jusqu’à<br />

la ‘primaria’ ou un truc du genre. (...) Parce que presque tous ceux qui vendent des chewinggums<br />

(dans les rues) n’ont pas fini, ils ne savent même pas écrire, et pour cette raison on ne<br />

leur donne pas de travail. » 165 (Sandra, 12 ans, travailleuse).<br />

Mais, l'intérêt n'est pas d'avoir un travail tout simplement, mais d'avoir un bon travail, c’est-à-<br />

dire un travail bien rémunéré, qui permettra de « réussir » la vie familiale qui les attend. C'est<br />

à propos de cette discussion que nous trouvons l’idée, un peu cachée, que le travail des<br />

femmes est perçu comme secondaire, un travail d’appui à celui des hommes, une « aide », ou<br />

bien une activité à réaliser seulement en cas d’absence d’un chef homme de ménage, en cas<br />

d'urgence familiale :<br />

162<br />

« Pues, no sé, según lo que ellos puedan o quieran, pero principalmente es hasta la secundaria. Porque yo creo<br />

que ya saliendo de la secundaria ya son unos adolescentes, y ya podrían ver ellos lo que les conviene, pero<br />

también mientras los padres estén de acuerdo. »<br />

163<br />

« Tienen que terminar toda su carrera. Bueno, cada quien como elija su carrera. <strong>La</strong> primaria, la secundaria y<br />

la prepa... pero también depende de cómo elija su carrera. Pero deberían seguir estudiando después de la<br />

secundaria. »<br />

164<br />

« Supongo que hasta que ellos quieran, porque si un niño no quiere estudiar, pues no puedes obligar a un niño<br />

a ir a la escuela. »<br />

165<br />

« Porque hay más posibilidades cuando te preparas que cuando nada más estudias hasta primaria o así. (...)<br />

Porque casi todos los que venden chicles no han terminado, ni siquiera saben escribir, y por esa razón no les dan<br />

trabajo. »<br />

163


Etudier sert « Disons, si plus tard tu as besoin d’avoir un bon travail, un bon poste, et que tu<br />

aies besoin d’argent, je ne sais pas, par exemple, si tu es mère célibataire ou si ton mari est<br />

sans argent alors tu peux l’aider. » 166 (Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

« Pour apprendre des choses, pour avoir un futur, parce que si tu n’étudies pas, tu seras en<br />

train d’aider les personnes, et si tu as des enfants comment vas-tu les entretenir ? Il faut avoir<br />

un futur pour assurer les choses. » 167 (Alejandro, 14 ans, travailleur).<br />

<strong>La</strong> scolarisation est pour les enfants le début de la construction de ce que l’on voudrait<br />

devenir, une fois adulte : « Pour savoir plus, pour être quelqu’un dans la vie. » 168 (Gloria, 10<br />

ans, non travailleuse). En effet, grâce aux études l’on peut « Etre quelqu’un », une phrase<br />

célèbre bien répandue dans notre société et qui parfois justifie le caractère incontournable de<br />

la scolarisation des enfants. Comme si une personne ne valait rien sans études. Une approche<br />

simpliste et superficielle sur la vie, mais fréquemment utilisée et acceptée. Mais, au-delà de<br />

cette idée, les enfants rêvent d’avoir une ascension sociale, car ils appartiennent à des familles<br />

modestes. Une ascension sociale qu’ils pensent possible seulement à travers une scolarisation<br />

longue, qui leur permettra d’avoir des emplois mieux rémunérés et moins pénibles que ceux<br />

de leurs parents, leurs proches, leurs voisins :<br />

« Mon papa m’a dit que je ne dois jamais arrêter d’étudier. Que les études sont l’unique<br />

chose que j’ai à faire, étudier et étudier, parce qu’il ne veut pas que je reste comme lui, juste<br />

au lycée. Il veut que je le surpasse. » 169 (Carlos, 14 ans, non travailleur).<br />

« Actuellement, pour avoir un bon travail et avoir beaucoup d’argent pour t’entretenir toimême,<br />

alors tu as besoin d’étudier, parce qu'autrement, tu seras recruté comme balayeur ou<br />

un truc du genre, et tu n’auras plus les mêmes possibilités de gagner ce que tu pourrais<br />

gagner avec les études. (…) En étudiant, nous avons la possibilité d’avoir quelque chose de<br />

mieux que ce que mon papa est en train de nous offrir. » 170 (Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

Malgré l'idée généralisée que l’obtention d’un diplôme est une « garantie » de meilleures<br />

conditions de travail et de vie à l'avenir, l'un des participants réfléchit sur une situation qui<br />

commence à mettre en doute la pertinence des études universitaires ou longues :<br />

166 « Por si decir que más adelante necesites un buen trabajo, un buen empleo, y necesites el dinero para, no sé,<br />

por decir algo, si eres madre soltera o si tu marido se quedó sin dinero pues para ayudarle. »<br />

167 « Para aprender cosas, para tener un futuro, porque si no estudias ahí vas a andar ayudando a personas, y si<br />

tienes hijos ¿con qué los vas a mantener? Hay que tener un futuro para asegurar las cosas. »<br />

168 « Para saber más, para ser alguien en la vida. »<br />

169 « Mi papá, él me ha dicho que nunca deje el estudio, que nada más el estudio es lo único que tengo que hacer,<br />

estudiar y estudiar. Porque no quiere que me quede como él, nada más en la prepa. Quiere que lo supere. »<br />

170 « En la actualidad para que te den un trabajo bien y tengas un buen dinero para que puedas mantenerte tú,<br />

pues necesitas el estudio, porque sino, te contratan de barrendero o algo así, y ya no vas a tener las mismas<br />

posibilidades de ganar lo que con el estudio podrías ganar. (...) Al estudiar pues podemos tener algo mejor a lo<br />

que mi papá nos está ofreciendo. »<br />

164


« Je connais des gars qui ont fini une carrière et qui ont tous ces diplômes et ils n’ont pas de<br />

travail, ça c’est mal parce qu’on nous dit que… ben, le gouvernement et tout ça, on nous dit<br />

de devenir quelqu’un d’important, et après personne ne leur donne de travail. Je pense<br />

maintenant, ben, étudier et travailler (en tant qu’apprenti d’un métier). Et si jamais je n’ai<br />

pas de travail à partir de mes études, alors j’aurai un métier. » 171 (Felipe, 14 ans, travailleur).<br />

Le témoignage de Felipe illustre l’inconséquence dans laquelle est plongée actuellement la<br />

scolarisation. Car d’une part, elle est présentée comme le principal moyen pour « réussir dans<br />

la vie », mais d’autre part, de plus en plus, elle a du mal à accomplir son rôle de socialisation<br />

et d’intégration, de réussite professionnelle ou économique. En effet, ce garçon, qui en plus<br />

d’étudier a travaillé plusieurs fois chez des artisans (forgeur, électricien et serrurier), a fini par<br />

se rendre à l’évidence qu’une certaine « réussite économique » est aussi possible à travers<br />

l'exercice d'un métier, d'un savoir-faire, et non seulement grâce à l’obtention d’un diplôme<br />

universitaire, ou des études formelles simplement. Un diplôme n'est plus une garantie pour<br />

décrocher un bon travail, car des exemples de personnes diplômées au chômage ou sous-<br />

employées ne manquent pas au Mexique, une réalité qui pourrait décourager les jeunes. Mais<br />

qui apparemment n’a pas trop affaibli la valeur que les enfants, ainsi que leurs parents,<br />

donnent aux études. Et ils continuent de croire en la scolarisation et ses bénéfices.<br />

IV.3. Le travail : des regards tendancieux.<br />

Face à la subjectivité du concept de « travail », nous avons décidé de traiter le thème de façon<br />

ouverte, c’est-à-dire sans le limiter à une définition concrète. Nous avons alors posé aux<br />

participants des questions sur le travail sans donner des précisions. Ce qui nous a permis de<br />

voir qu’ils utilisaient parfois le terme de « travail » tout simplement comme synonyme<br />

d’« activité », ou bien d’« aide » à autrui. Par contre, certaines activités, que nous considérons<br />

comme une forme de travail, ne sont pas perçues comme telles.<br />

Les participants des deux groupes de discussion collective ont coïncidé sur les réponses à la<br />

question : à quoi sert le fait de travailler ? En général, le travail n’a que des attributs en termes<br />

économiques, concrètement, la possibilité d’avoir un revenu, qui, évidemment, aura des effets<br />

171 « Conozco a chavos que tienen toda su carrera y tienen todos sus papeles y no tienen trabajo. Eso está mal<br />

porque según nos ponen a que… bueno el gobierno y todo eso, nos ponen a que ser alguien en la vida, y nadie<br />

les da trabajo. Yo pues ahorita pienso, pus estudiar y trabajar (en un oficio). Y ya si no tengo un trabajo de mi<br />

carrera pues ya un oficio. »<br />

165


sur les conditions de vie. Ils associent principalement le travail à quatre sujets : le pouvoir<br />

d’achat, l’entretien d’une famille, le maintien de la santé et l’aisance :<br />

« Travailler sert à gagner de l’argent. A subvenir à ses besoins et à ceux de leurs enfants. A<br />

avoir une maison. A avoir une bonne vie. Le travail sert pour que les autres ne parlent pas<br />

mal de toi. Ils disent que pour cela ils ne vont pas me payer. » 172 (Groupe d’enfants non<br />

travailleurs).<br />

« Travailler sert à t’acheter des choses, des vêtements. A vivre. Si tu as des enfants. A acheter<br />

ce que tu veux, et pour, en cas de maladies, pouvoir aider. A subvenir aux besoins d’une<br />

famille. A acheter une Xbox (console de jeux vidéo). » 173 (Groupe d’enfants travailleurs).<br />

Il y a aussi une référence à la reconnaissance et à l’acceptation sociale à travers la réalisation<br />

d’une activité qui est valorisée. Il n’est pas clair à travers les récits si cette perception<br />

valorisante du travail fait référence seulement au travail exercé par les adultes, ou aussi à celui<br />

des enfants. D’ailleurs, implicitement, le travail est une activité qui devient indispensable dans<br />

la vie adulte lorsque l’on a des enfants, une famille. Mais, pour les enfants travailleurs, il est<br />

aussi perçu comme un moyen pour gagner de l’argent et ainsi pouvoir se faire plaisir<br />

personnellement.<br />

Le travail des pères est vu comme une obligation, cela va de soi ; mais le travail des mères est<br />

plutôt facultatif, et même parfois il n’est pas bien accepté. En général les participants pensent<br />

que le travail de leur mère est une bonne chose, mais certains ne sont pas d’accord. Voici<br />

quelques exemples :<br />

« Ce n’est pas juste, parce que les pères doivent travailler. » 174 […] « Ce n’est pas bien,<br />

parce qu’elle rentre tard le soir, et elle arrive très fatiguée et parfois elle s’endort. » 175 […]<br />

« C’est bien pour qu’elle change d’air et ne reste pas enfermée à la maison. » 176 […] « C’est<br />

bien, comme ça elle nous aide tous. » 177 (Groupe d’enfants non travailleurs).<br />

« Elle se fatigue beaucoup (prépare des déjeuners chez eux). (…) Moi aussi, je me fatigue<br />

parce qu’elle me demande d’aller apporter les déjeuners (il livre sur sa bicyclette aux<br />

clients). » 178 (Groupe d’enfants travailleurs).<br />

172<br />

« Trabajar sirve para ganar dinero. Mantenerte. Mantener a los hijos. Tener una casa. Tener una buena<br />

vida. El trabajo sirve para que los demás no hablen mal de ti, dicen que por eso no me van a pagar. »<br />

173<br />

« Trabajar sirve para comprarte cosas, ropa. Para vivir. Si tienes un hijo. Para comprarte lo que quieras, y para<br />

en caso de enfermedades poder ayudar. Para mantener una familia. Para comprar una XBox. »<br />

174<br />

« No está justo, porque los padres (varones) tienen que trabajar. » (Réponse à la question sur le travail des<br />

mères).<br />

175<br />

« No está bien, porque llega a las horas de la noche y llega bien cansada y a veces se queda dormida. »<br />

176<br />

« Está bien para que se distraiga y no esté encerrada en la casa. »<br />

177<br />

« Está bien, así nos ayuda a todos. »<br />

178<br />

« Se cansa mucho. (…) También yo me canso porque me deja ir a entregar las comidas. »<br />

166


Concernant le travail de la mère, il peut relever des avantages particuliers, car, en plus du côté<br />

économique, qui n’est jamais mentionné explicitement par les participants, il peut servir aussi<br />

à l’épanouissement. Une fonction souvent négligée. Or, presque toutes les mères travailleuses<br />

concernées ont des travaux peu qualifiés : femme de ménage, vendeuse ou commerçante<br />

informelle. Des emplois qui sont parfois physiquement prenants, ce qui expliquerait la<br />

compassion exprimée par certains.<br />

<strong>La</strong> perception du travail, qui relève surtout de ses avantages économiques est aussi unanime<br />

dans les entretiens individuels. Les enfants interviewés n’évoquent jamais l’accès à la santé<br />

comme un bénéfice du travail, par exemple. Et le fait de pouvoir entretenir une famille, ainsi<br />

que de subvenir à ses propres besoins, est mentionné plutôt par des filles travailleuses, et non<br />

par tous les enfants comme dans le cas des entretiens collectifs. Le travail sert :<br />

« A subvenir aux besoins de ta famille si tu veux, ou sinon, à tes propres besoins ou des trucs<br />

du genre, que tu puisses acheter tout ce que tu voudras. » 179 (Sandra, 12 ans, travailleuse).<br />

« Lorsque tu es célibataire, tu dois travailler pour subvenir à tes besoins, pour t’acheter tes<br />

petites affaires. Mais, lorsque tu as une famille, tu dois travailler parce que tu as une famille,<br />

tu as une fille, une femme à entretenir, tu dois donner de l’argent pour les achats et pour<br />

préparer les repas, et voilà. » 180 (Alicia, 11 ans, travailleuse).<br />

Il est évident qu’Alicia fait allusion à son propre cas : elle parle du travail en général en se<br />

concentrant sur celui de son père en particulier. Elle utilise l’exemple de sa propre famille, car<br />

elle est une fille unique et sa mère est femme au foyer. Elle n’est pas contre la participation<br />

des femmes au travail, car elle-même travaille, et elle aimerait bien que sa mère<br />

travaille. Mais, le travail de sa mère est perçu comme une « aide » directe au père, qui est<br />

censé travailler pour apporter les revenus nécessaires au ménage :<br />

« J’ai dit à ma maman de travailler, pour aider mon papa dans les dépenses de la maison.<br />

(…) Parfois, il nous manque de l’argent. (…) Ils ne payent pas mon papa, ils ne le payent pas<br />

quand il le faut, et nous n’avons pas d’argent. Et, ben, parfois ma maman semble vouloir<br />

travailler, pour aider mon papa. Je lui dis : ne t’inquiète pas pour moi, parce que je suis déjà<br />

assez grande pour m’occuper de moi-même. » 181 (Alicia, 11 ans, travailleuse).<br />

179 « Para mantener a tu familia si quieres, o sino para mantenerte a ti, y que te compres todo lo que tu quieras. »<br />

180 « Cuando estás soltero tienes que trabajar para mantenerte, para comprarte tus cositas. Pero ya cuando estás<br />

con tu familia, tienes que trabajar porque ya tienes una familia, tienes una hija, una esposa que mantener, que dar<br />

gasto para ir al mercado y hacerte de comer, y así. »<br />

181 « Yo le he dicho que sí, para que ayude a mi papá a los gastos de la casa (…) Que a veces sí nos hace falta<br />

(…) A mi papá no le pagan cuando debe ser, y no tenemos dinero. Y pues mi mamá, a veces como que quiere<br />

trabajar, pues sí para ayudarle a mi papá. Yo le digo: pues por mí no te preocupes, porque yo ya estoy grandecita<br />

para cuidarme sola. »<br />

167


Encore une fois, nous observons que l’obligation de travailler est associée aux hommes, et<br />

que le travail des femmes est plutôt facultatif. Ainsi, les femmes doivent travailler s’il manque<br />

un homme pour le faire, ou lorsque celui-ci se trouve en difficulté, dans une situation qui est<br />

censée être temporaire, mais le travail des femmes reste secondaire :<br />

« Si (en tant que femme) tu as besoin d’argent pour, je ne sais pas, par exemple, si tu es<br />

maman célibataire ou si ton mari est sans argent, alors tu peux l’aider. » 182 (Karen, 14 ans,<br />

travailleuse).<br />

Dans les idées des enfants, le travail, comme pouvoir d’achat et source de revenus, reste<br />

encore une activité propre aux pères. Cependant, le travail peut aussi être perçu comme une<br />

source de « bien-être », simplement comme une activité pour se distraire, mais ce droit ne<br />

semble appartenir qu’aux femmes. Le travail des mères est bien accepté, car il représente un<br />

bénéfice individuel aux propres femmes, au-delà du bénéfice économique, qui est seulement<br />

évoqué par une fille, et qui semble ne pas être important :<br />

« Qu’elle travaille pour nous donner de l’argent pour l’école et aussi pour acheter des choses<br />

au moment de la récréation à l’école et pour acheter nos vêtements. » 183 (María, 9 ans,<br />

travailleuse).<br />

« Je dis que cela est bien parce que si elle ne travaillait pas, elle serait seulement enfermée<br />

là. Et en plus, ma maman aime travailler. » 184 (Gloria, 10 ans, non travailleuse).<br />

« C’est bien parce qu’elle a commencé à travailler parce que... je ne sais pas, il y a eu un<br />

problème et elle a alors décidé de monter son affaire pour ne plus stresser, pour penser à<br />

d’autres choses. Il me semble que c’est bien. » 185 (Sandra, 12 ans, travailleuse).<br />

« C’est bien parce que parfois, il y a des mamans que ne travaillent pas, et, donc, elles<br />

passent toute la journée dans la maison à s’ennuyer, à regarder la télé. Je pense que c’est<br />

bien pour se distraire un peu. » 186 (Claudia, 9 ans, travailleuse).<br />

En tout cas, les filles sont d’accord avec le travail de leur mère. Ce sont les garçons les plus<br />

âgés qui questionnent la valeur ou la nécessité du travail économique des mères, ou des<br />

femmes, sauf s'il s'agit d’une vraie nécessité économique familiale :<br />

« Non (ma maman ne devrait pas travailler), mais si elle doit travailler parce qu’il nous<br />

manque l’argent, alors c’est bien. » 187 (Felipe, 14 ans, travailleur).<br />

182<br />

« Cuando necesites el dinero para, no sé, por decir algo, si eres madre soltera o si tu marido se quedó sin<br />

dinero pues para ayudar. »<br />

183<br />

« Que trabaje para que nos dé dinero para la escuela y también para que compre en el recreo y para comprar<br />

nuestra ropa. »<br />

184<br />

« Yo digo que está bien porque si no trabajara sólo estaría aquí encerrada. Y a parte a mi mamá le gusta. »<br />

185<br />

« Está bien porque ella lo hizo porque... no sé, pasó un problema y ella mejor decidió salir a vender para<br />

desestresarse, para estar pensando en otras cosas. Me parece que está bien. »<br />

186<br />

« Que está bien porque luego hay unas mamás que no trabajan, y están todo el día en la casa aburridas, viendo<br />

la tele. Yo pienso que está bien para que se distraiga un poquito. »<br />

168


« Non (il n’y a pas besoin que ma mère travaille). (…) Je n’aimerais pas, parce qu’elle<br />

négligerait la maison. C’est bien si elle se consacre seulement au ménage. En plus, nous aussi<br />

ne lui laissons pas beaucoup de travail : nous faisons la vaisselle, rangeons les affaires à la<br />

maison. (...) <strong>La</strong> maman ne va pas tout faire, les filles et les garçons doivent aussi apprendre à<br />

cuisiner. Mais c’est plutôt pour les filles, non ? Parce que, peut-être, la fille tombera sur un<br />

mari qui doit travailler et pas elle. Un mari que lui donne tout, et si jamais elle ne sait pas<br />

cuisiner, alors qu’est-ce qu’elle va faire ? (...) Si les deux travaillent (homme et femme) alors<br />

je ne sais pas, ils vont peut-être s’organiser pour préparer les repas tous les deux. » 188<br />

(Carlos, 14 ans, non travailleur).<br />

« Si ma maman travaillait, elle serait comme mon papa, elle n’aurait pas de temps, ma<br />

maman devrait aller travailler et mon papa aussi, et comme ça. (...) Je n’aimerais pas que ma<br />

maman travaille, mon papa lui dit aussi de ne pas travailler. Ce n’est pas nécessaire. » 189<br />

(Alejandro, 14 ans, travailleur).<br />

Dans le discours général des enfants, tant en entretiens collectifs qu’individuels, les filles et<br />

les garçons doivent avoir les mêmes droits et les mêmes obligations. C’est comme si les<br />

différences de genres s’accroissaient au fur et à mesure que l’on vieillissait. Car ils assignent<br />

des valeurs différentes au travail des mères et des pères, mais pas à la scolarisation des filles<br />

et des garçons, par exemple.<br />

Etant donné que le travail est perçu plutôt comme source de revenus pour entretenir une<br />

famille, il n’est pas rare de trouver que les enfants parlent du travail comme quelque chose qui<br />

arrivera dans le futur, en ignorant que certains parmi eux sont déjà de facto travailleurs. Peut-<br />

être que le fait d’être élèves et d’avoir un travail comme activité secondaire les amène à faire<br />

référence plus au travail futur, au travail comme activité principale : « Les adultes pensent au<br />

travail, nous pensons à l’école. » 190 (Juan, 12 ans, non travailleur). L’on peut dire alors que<br />

les participants ont une vision du travail comme quelque chose qui se fait à plein temps, en<br />

dehors du ménage, pour un tiers, et qui est rémunéré. Mais aussi une activité qui a par objectif<br />

principal l’entretien de soi-même ou d’autres. Et même qu’il est un devoir, une responsabilité,<br />

187 « (Mi mamá) no (debería trabajar), pero si tiene que trabajar porque no nos alcanza el dinero, pues está bien. »<br />

188 « No (hay necesidad de que mi mamá trabaje) (...) Y no me gustaría, porque descuidaría la casa. Está bien que<br />

se dedique sólo a la casa. Luego también no le dejamos mucho trabajo a ella: lavamos los trastes, recogemos la<br />

casa (...) No todo lo va a hacer la mamá (…) niños y niñas deben aprender a cocinar. Aunque es más bien de las<br />

niñas ¿no? Porque tal vez le toque un marido que tenga que trabajar y ella no. Un marido que le ponga todo, y si<br />

ella no sabe cocinar, pues ¿qué va a hacer? (...) Si los dos trabajan pues no sé, a lo mejor se turnarían los dos para<br />

hacer de comer. »<br />

189 « Si mi mamá trabajara, va a ser igual que mi papá, no va a tener tiempo, mi mamá va a tener que ir y mi papá<br />

está trabajando, y así. (...) No me gustaría que trabajara, también mi papá le dice que no trabaje. No es<br />

necesario. »<br />

190 « Los adultos piensan en su trabajo, nosotros en la escuela. »<br />

169


une nécessité, voire une obligation, même si dans les cas des femmes ces caractéristiques<br />

peuvent être nuancées.<br />

Or, lorsque l’on parle de travail des enfants, ou même de leur propre expérience en tant<br />

qu’enfants travailleurs, le sujet devient un peu flou, ce qui contribue à beaucoup de<br />

contradictions dans leurs discours. Mais nous avons observé que, de la même manière qu’ils<br />

donnent une valeur différente au travail des femmes et des hommes, ils ne donnent pas la<br />

même valeur à un travail fait par un enfant qu’à celui réalisé par un adulte. C’est-à-dire que la<br />

perception sur le travail est une question de genre et de génération, même si d’autres aspects<br />

sont aussi évoqués. Nous en discuterons par la suite.<br />

IV.3.1. Le discours des enfants sur le travail des enfants.<br />

Pour rentrer dans le sujet, nous avons commencé par interroger les enfants sur le travail des<br />

enfants en général, sans donner d’autres spécifications. Et après, nous avons concrètement<br />

posé des questions sur certains types de travail, dont le travail des enfants dans les petites<br />

entreprises familiales et le travail des enfants dans les rues.<br />

Concernant la perception sur le travail des enfants en général, tous les discours vont dans le<br />

même sens : le travail n’est pas une activité propre à l’enfance :<br />

« Ils ne peuvent pas travailler parce qu’ils sont des jeunes enfants. (…) Je sais que nous ne<br />

devons pas travailler aussi jeunes. » 191 (Gloria, 10 ans, non travailleuse).<br />

Comme nous l’avons déjà discuté plus haut, l’idée implicite que l’enfance est synonyme,<br />

entre autres, de fragilité et d’inexpérience, fait des enfants des êtres vulnérables dans ce<br />

monde du travail, un monde des adultes, où domine la loi du plus fort :<br />

« Parce que parfois il y a des voleurs qui arrivent et ils prennent tout l’argent aux enfants.<br />

(...) Les enfants ne doivent pas travailler. » 192 (María, 9 ans, travailleuse extradomestique<br />

familiale).<br />

« Si un jeune enfant va travailler, alors j’imagine qu’on va lui dire qu’il a mal fait les choses,<br />

parce qu’il n’a pas l’âge suffisant pour dire ce qui est bien. Et il y a des enfants qui ne disent<br />

191<br />

« No pueden trabajar por lo mismo que son menores de edad. (…) Yo sé que no debemos trabajar tan<br />

pequeños. »<br />

192<br />

« Porque luego llegan unos rateros y les quitan todo el dinero (...) Los niños no deben trabajar. »<br />

170


ien parce que, peut-être, ils ne savent pas ce qui est bien et ce qui est mal. » 193 (Karen, 14<br />

ans, travailleuse domestique familiale).<br />

« Parfois, il y a des personnes qui te regardent comme un enfant et on dirait qu’elles veulent<br />

t’utiliser, c’est-à-dire qu’elles veulent que tu fasses tout. C’est mal. » 194 (Carlos, 14 ans, non<br />

travailleur).<br />

Mais, le travail est aussi inapproprié aux enfants parce qu’il s’agit d’une étape pour profiter de<br />

la vie sans contraintes, une période d’épanouissement. Les enfants doivent avoir du temps<br />

libre pour s’amuser pleinement, en tant qu’enfants, tout comme les adolescents :<br />

« Commencer à travailler ? Dès que je finirai l’université, pour finir de profiter de toute ta<br />

vie… A la ‘secundaria’ tu commences à faire la fête, à être avec tes amis, à aller en boîte et<br />

tout ça. Et après tout ça, alors tu peux travailler. » 195 (Alicia, 11 ans, travailleuse<br />

extradomestique non familiale).<br />

« Les enfants qui travaillent n’ont pas d’enfance, ils ne jouent pas autant qu’un enfant qui ne<br />

travaille pas. » 196 (Juan, 12 ans, non travailleur).<br />

Enfin, les participants perçoivent le travail des enfants comme franchement opposé aux<br />

études, ce que nous avons déjà évoqué à propos de la scolarisation :<br />

« Je ne travaille pas parce que j’étudie. » 197 (Juan, 12 ans, non travailleur au moment de<br />

l’entretien, mais qui a travaillé sporadiquement auparavant. Il a quitté son travail juste pour<br />

avoir un peu plus du temps pour jouer.).<br />

« Je ne travaille pas parce que je veux me consacrer à mes études. Je te l’ai déjà dit, je veux<br />

finir ma carrière. Je ne veux pas abandonner mes études. » 198 […] « Les enfants qui<br />

seulement travaillent ne vont avoir aucune connaissance scolaire, rien de plus, rien dans la<br />

vie, seulement travailler et travailler… S’ils veulent travailler dans quelque chose de<br />

supérieur, ils ne pourront pas parce qu’ils ne seront pas scolarisés. » 199 (Carlos, 14 ans, non<br />

travailleur).<br />

193 « Que si un niño menor va a trabajar pues me imagino que le van a decir que las cosas están mal hechas,<br />

porque no tiene la suficiente edad para decir que están bien. Y hay niños que se quedan callados porque tal vez<br />

no saben lo que está bien y lo que está mal. »<br />

194 « Luego hay algunas personas que te ven como un niño y te quieren como que usar, o sea quieren que hagas<br />

todo. Está mal. »<br />

195 « ¿Empezar a trabajar? cuando termine mi carrera, para acabar de disfrutar toda tu vida… En la secundaria ya<br />

empiezas a echar relajo, a estar con tus amigos, ya te empiezas a ir a discos, y todo eso. Y ya terminando eso,<br />

pus puedes trabajar. »<br />

196 « Los niños que trabajan no tienen infancia, no juegan tanto como uno que no trabaja. »<br />

197 « No trabajo porque estudio. »<br />

198 « No trabajo porque me quiero dedicar a mi escuela. Como ya te dije, quiero terminar mi carrera. No quiero<br />

dejar el estudio. »<br />

199 « Los niños que sólo trabajan no van a tener ningún conocimiento escolar, nada más, en la vida nada más<br />

trabajar y trabajar... Pues si quieren trabajar en algo más superior no van a poder porque no tuvieron escuela. »<br />

171


« Si tu travailles à 12 ans, tu ne vas plus étudier et tu vas continuer à faire cela (le même<br />

travail qu’au cours de l’enfance) toute ta vie… sauf si on le fait que pendant les vacances. » 200<br />

(Groupe d’enfants travailleurs).<br />

« Parce qu’ils n’aiment plus étudier et ils préfèrent travailler. » 201 (Sandra, 12 ans,<br />

travailleuse extradomestique familiale et non familiale).<br />

Ils considèrent que le fait de travailler pendant l’enfance va les empêcher de continuer leurs<br />

études et de se développer de manière adéquate, d’avoir une carrière. Car ils sont convaincus<br />

que la scolarisation est fondamentale pour avoir un bon avenir et l’enfance est le moment<br />

privilégié pour apprendre et se préparer dans ce sens. Or, il est aussi reconnu que le travail est<br />

une option lorsque l’école n’intéresse plus les enfants.<br />

<strong>La</strong> possibilité de travailler et d’étudier parallèlement est vue comme un risque, non seulement<br />

quant à la scolarisation, mais aussi du bien-être de l’enfant :<br />

« Je crois que cela doit être assez dur, non ? Peut-être, aller à l’école les matinées, rentrer et<br />

faire les devoirs scolaires vite fait et après aller travailler. Cela doit mettre assez de pression.<br />

Je crois que ce n’est pas bien, parce qu’on dirait qu’on est K.-O. Il arrivera un moment où les<br />

enfants ne sauront plus quoi faire, si travailler ou étudier. » 202 (Carlos, 14 ans, non<br />

travailleur).<br />

Etant donné tous les inconvénients du travail au cours de l’enfance, les participants des deux<br />

groupes de discussion collective et des entretiens individuels coïncident aussi avec l’idée que<br />

le meilleur moment pour commencer à travailler est à la fin des études professionnelles, voire<br />

à 18 ans (l’âge de la majorité effective au Mexique). Parce que, d’après eux, les enfants<br />

d’avant cet âge ne savent pas encore quoi faire (au niveau professionnel). N’oublions pas que<br />

l’enfance est une étape de préparation pour la vie adulte : il vaut mieux alors attendre le<br />

moment de savoir qui l’on veut être (Groupes de discussion collective), soit de choisir un<br />

métier ou d’avoir un diplôme professionnel. Mais, concrètement, ils n’ont pas une idée<br />

précise du meilleur moment pour commencer à travailler parce que, malgré tout, et avec un<br />

certain regret, ils reconnaissent que l’université implique beaucoup d’années d’études.<br />

200<br />

« Si trabajas a los 12 años, ya no vas a estudiar y vas a seguir haciendo eso toda tu vida... menos si lo haces en<br />

vacaciones. »<br />

201<br />

« Porque ya no les gusta estudiar y ya mejor se ponen a trabajar. »<br />

202<br />

« Yo creo que ha de ser muy pesado ¿no? A lo mejor ir a la escuela en las mañanas, llegar y hacer tareas de<br />

volada y luego irse a trabajar. Debe ser mucha presión. Yo creo que no está bien, porque como que se noquean.<br />

Como que se llega a un tiempo en que ya no saben qué hacer, si trabajar o estudiar. »<br />

172


Cependant, en plus des motifs scolaires, il est mieux de commencer à travailler à partir de 18<br />

ans parce que l’on est déjà un citoyen majeur, une personne avec plus de droits dans tous les<br />

domaines, une idée plutôt évoquée par les participants les plus jeunes :<br />

« A 19 ans on peut conduire et acheter une voiture. » […] « Tu as une formation<br />

professionnelle et tu sais maintenant te mettre au travail. » […] « Tu as plus de chances de<br />

trouver un bon travail. » (Groupe d’enfants non travailleurs).<br />

« On peut avoir un travail plus facilement. » 203 (Juan, 12 ans, non travailleur).<br />

A l’évidence, jusqu’à maintenant, les enfants font référence à un travail à plein-temps, ou en<br />

tant qu’activité principale. Un travail auquel consacrer la plupart du temps, rémunéré, par un<br />

tiers externe au ménage, avec un compromis formel (explicitement ou implicitement), et qui a<br />

pour but principal l’obtention de revenus pour la survie ou l’entretien. En résumé, un travail<br />

qui remplace la scolarisation. Vu de cette façon, le travail des enfants est en général<br />

désapprouvé. Cependant, lorsque l’on parle du travail comme une aide des enfants aux<br />

parents, la perception des enfants change à tel point qu’il est même bien apprécié, mais à<br />

condition d’être une activité secondaire dans la vie de l’enfant :<br />

« C’est bien pour aider tes parents, pour manger, pour t’acheter des vêtements et des<br />

chaussures. » 204 (María, 9 ans, travailleuse extradomestique familiale non rémunérée).<br />

De même, lorsque le travail sert aux enfants à continuer leurs études, la mise au travail est<br />

justifiée :<br />

« Les enfants qui vendent des chewing-gums dans les rues peuvent acheter plus de chewinggums<br />

et acheter à manger, et après ils s’inscrivent à l’école, s’achètent des vêtements, des<br />

baskets ou des chaussures. » 205 (María, 9 ans, travailleuse extradomestique familiale).<br />

« S’ils quittent l’école par nécessité, et ils se mettent à travailler, alors ils peuvent s’entretenir<br />

eux-mêmes, c’est bien. » 206 (Sandra, 12 ans, travailleuse extradomestique familiale et non<br />

familiale).<br />

« J’avais une cousine qui travaillait comme “cerillo”, parce que mon oncle et ma tante ne lui<br />

donnaient pas (d’argent) et elle voulait poursuivre ses études. C’est pourquoi elle travaillait<br />

là. » 207 (Karen, 14 ans, travailleuse domestique familiale).<br />

203<br />

« Puede tener trabajo más fácil. »<br />

204<br />

« Está bien para que les ayudes a tus papás, para que tu comas, para que te compres ropa y zapatos. »<br />

205<br />

« Los niños que venden chicles en la calle pueden comprar más chicles y comprar comida, y ya después ellos<br />

se meten a la escuela, se compran ropa, tenis o zapatos. »<br />

206<br />

« (...) si dejan de estudiar por necesidad, y se ponen a trabajar y ya se pueden mantener ellos mismos, está<br />

bien. »<br />

207<br />

« Yo tenía una prima que trabajaba de ‘cerillo’, y era porque mis tíos no le daban y ella quería seguir<br />

estudiando. Por eso trabajaba ahí. »<br />

173


Ainsi, malgré le désaccord supposé à propos du travail des enfants, que les participants ont<br />

exprimé au début, et qui le posait comme ennemi de la scolarisation, nous observons qu’à<br />

mesure que nous faisions appel à des cas concrets, ou qu’ils prenaient des exemples dans leur<br />

entourage, d’enfants travailleurs continuant leurs études, le travail des enfants était accepté<br />

sous certaines conditions :<br />

« Ben, cela dépend, je ne sais pas, cela dépend de la nécessité. Les enfants ne doivent pas<br />

travailler. Ou, qui sait ? Parce que parfois ils ne travaillent pas par nécessité, parfois ils<br />

travaillent juste pour avoir quelque chose à faire... C’est bien, s’ils n’ont rien à faire, alors<br />

j’en suis d’accord. (...) Ils peuvent faire... ben, un travail pas très difficile. Comme, laver la<br />

vaisselle, charger des cartons, et voilà. » 208 (Sandra, 12 ans, travailleuse).<br />

Des conditions relatives aux causes de la mise au travail, au type de travail réalisé, au temps<br />

consacré au travail, mais toujours en respectant le temps de scolarisation. Pour certains, leur<br />

propre expérience est la preuve qu’un travail, comme activité secondaire, n’empêche pas<br />

d’assumer d’autres responsabilités, comme les études et les tâches ménagères, ainsi que<br />

d’autres activités pour se distraire. Et surtout, le travail ne leur pose pas de problèmes de<br />

santé. Par contre, ils trouvent dans leur travail un moyen, complémentaire à l’école,<br />

d’apprendre, en utilisant leur temps libre d’une façon plus « productive ».<br />

Dans ce sens, un point qui nous intéresse est l’auto perception des enfants concernant leurs<br />

activités, concrètement le travail. Pour ce faire, nous utiliserons comme support l’information<br />

des entretiens collectifs. Car les mêmes résultats se confirment avec les entretiens individuels,<br />

et nous préférons utiliser leurs récits individuels pour illustrer la prochaine partie de notre<br />

recherche.<br />

En général, les enfants parlent du travail comme d’une activité qui appartient au futur, même<br />

certains enfants travailleurs. Car le travail est censé servir principalement à entretenir une<br />

famille, alors qu’ils réduisent ce qu’ils font à une simple « aide ». C’est pourquoi à présent,<br />

nous allons nous centrer sur la façon dont les enfants identifient, définissent, repèrent et<br />

classent leurs propres activités, notamment leur expérience de travail.<br />

208 « Pues depende, no sé, depende de la necesidad. Los niños no deben trabajar. O ¿quién sabe? es que luego no<br />

trabajan por necesidad, luego nada más trabajan para tener algo que hacer... Está bien, si no tienen nada que<br />

hacer, pues sí estoy de acuerdo. (...) Pueden hacer... pues (un trabajo) uno no muy difícil. Como pues así, lavar<br />

los trastes, cargar cajas, así. »<br />

174


Lors des entretiens collectifs, parmi les enfants du groupe que nous considérons comme<br />

travailleurs, à la question : « Est-ce que quelqu’un travaille ? » presque tous ont répondu<br />

affirmativement en ajoutant ce qu’ils font. Voici quelques exemples :<br />

« Dans l’épicerie avec mes parents. » 209<br />

« Je livre des repas que ma maman prépare. Je travaille, je suis une personne<br />

travailleuse. » 210<br />

« J’aide un monsieur à déposer les petites machines de jeux vidéo qu’il loue, ou je<br />

l’accompagne. » 211<br />

« Je lave le ‘comal’ (poêle très plate, épaisse et grande) de ma mamie et elle me paie. » 212<br />

« J’aide mes oncles dans leur atelier de dessin. » 213<br />

« On vient de me renvoyer, car j’arrivais toujours à 10 h » 214<br />

Certes, ces enfants rentrent globalement dans notre propre définition de travail, notamment,<br />

dans le type de travail extradomestique, familial ou non. Cependant, d’autres enfants, qui<br />

rentrent pourtant eux aussi dans notre définition de travail, ont estimé que ce qu’ils faisaient<br />

n’était pas un travail. Ils ne se sont pas reconnus comme des travailleurs. C’est le cas de trois<br />

participants :<br />

• Un enfant qui travaillait sans rémunération tous les samedis avec sa maman, commerçante<br />

dans un local commercial informel du quartier.<br />

• Une fille que nous tenons pour travailleuse domestique familiale, parce qu’elle était<br />

responsable de ses deux cadets, et du travail domestique chez eux, leur mère n’y vivant<br />

plus avec eux. Néanmoins, à la question « Qui aimerait travailler maintenant ? » elle a<br />

reconnu que sa responsabilité domestique avait bien la valeur d’un travail :<br />

« Je n’aimerais pas travailler maintenant, ma maman n’est pas avec moi, alors mon<br />

travail est d’aider ma mamie et de m’occuper des cadets. Je suppose que c’est mon<br />

travail, je n’aurais pas le temps d’aider mon frère et ma sœur si je travaillais. » 215<br />

• Une autre fille aussi travailleuse domestique familiale selon nos critères, parce qu’elle<br />

était responsable des tâches ménagères et de la préparation des repas chez elle, à cause<br />

d’un père handicapé qui ne pouvait rien faire, et d’une mère qui travaillait toute la journée.<br />

Elle accompagnait aussi parfois sa mère au travail, dans la vente de bonbons et de jouets à<br />

209 « En la tienda con mis papás. »<br />

210 « Voy a dejar la comida que prepara mi mamá. Yo trabajo, soy una persona trabajadora. »<br />

211 « Ayudo a un señor a dejar las maquinitas que renta o lo acompaño. »<br />

212 « Le lavo el comal a mi abuelita y me paga. »<br />

213 « Ayudo a mis tíos en su taller de diseño. »<br />

214 « Me acaban de correr porque siempre llegaba a las 10. »<br />

215 « No me gustaría trabajar ahora, mi mamá no está conmigo, entonces mi trabajo es ayudar a mi abuelita y<br />

cuidar a mis hermanos. Supongo que ése es mi trabajo, no tendría tiempo para cuidar a mis hermanos si<br />

trabajara. »<br />

175


176<br />

la sortie d’une école et dans un marché itinérant. Elle nous a dit qu’elle ne travaillait pas,<br />

mais : « J’aimerais travailler les soirs comme serveuse. » 216<br />

Nous observons que le travail domestique familial est spécialement difficile à repérer, pas<br />

seulement de l’extérieur, mais aussi de la part des propres protagonistes. Ils n’ont pas une<br />

position franche à cet égard, de même qu’avec les adultes : certains enfants le prennent<br />

comme un travail, d’autres non. L’on ne sait pas avec certitude à quel moment une activité<br />

ménagère devient un travail. Ce type de travail semblerait surtout être une aide nécessaire au<br />

ménage pour faire face à une contrainte familiale : séparation, irresponsabilité ou maladie des<br />

parents. C’est pourquoi, peut-être, les filles ne le prennent pas comme un travail. En plus, il<br />

faut rappeler l’idée prédominante des enfants sur ce qu’est le « travail ». C’est une activité qui<br />

répond à la nécessité de survivre, normalement rémunérée, avec des horaires précis, pour un<br />

tiers, mais surtout externe au ménage, et opposée à la scolarisation. Et les tâches ménagères<br />

ne s’accordent pas avec cette définition, ce qui est conforme avec la vision prédominante sur<br />

le travail dans la société, qui ne considère pas les femmes au foyer comme travailleuses.<br />

Cependant, cette vision est mise en cause par l’une de ces enfants qui « suppose » que son<br />

« travail » est de s’occuper de son frère et sa sœur cadets.<br />

Mais, ce qui nous a le plus frappés, en ce qui concerne l’autoperception et l’identification du<br />

travail des enfants, est la discussion qui s’est produite lors de la réunion avec le groupe<br />

d’enfants non travailleurs. Car, à la question : « Avez-vous travaillé quelquefois ? » Ils se sont<br />

presque tous autoidentifiés comme des travailleurs. Ainsi, ils ont démontré la subjectivité qui<br />

existe par rapport à ce qu’est le travail. Même si selon notre définition tous n’étaient pas des<br />

travailleurs, presque tous ont estimé l’être. Mais, l’on peut dire que c’est à la suite de la<br />

participation des deux premiers enfants, qui ont répondu affirmativement à la question et qui<br />

ont décrit leur « travail », que le reste du groupe a aussi voulu témoigner d’un hypothétique<br />

travail, comme une façon de ne pas rester à l’écart, de ne pas se sentir mal jugé. Il faut<br />

rappeler que l’idée que d’être une personne travailleuse ennoblit, est bien ancrée parmi eux :<br />

« Je vais parfois avec mon tonton, je l’aide, il vend du poisson. Je l’aide à mettre le poisson<br />

dans les sacs en plastique et après je les donne aux clients. Il me paie parfois. » 217<br />

« J’aide ma maman à faire la chambre et à balayer. » 218<br />

216 « Me gustaría trabajar como mesera en las noches. »<br />

217 « A veces voy con mi tío, le ayudo, vende pescado. Le ayudo a meter el pescado en las bolsas de plástico y<br />

después se los doy a los clientes. A veces me paga. »<br />

218 « Sí, ayudo a mi mamá a hacer mi cuarto y a barrer. »


« Parfois, lorsque mes parents me demandent d’aller à l’épicerie acheter des choses pour<br />

préparer le repas, ils me laissent la monnaie. » 219<br />

« De temps en temps, j’aide mon papi à balayer les rues du centre-ville, il est balayeur. Je ne<br />

veux pas qu’il me paye, je veux juste l’aider. » 220<br />

« Quand mon papa va vendre une voiture (c’est son travail), je l’accompagne, s’il la vend, il<br />

me donne de l’argent, sinon non. » 221<br />

« J’aide ma tante à laver et monter leur local commercial, parfois elle me donne de l’argent.<br />

(…) Quand je suis en vacances, elle (la tante) ne veut pas que nous flemmardions (lui et son<br />

frère), que nous regardions la télé toute la journée, et elle nous emmène avec eux. » 222<br />

« Parfois, quand mon papa m’invite j’y vais (au travail). Il m’amène pour enlever les gravats,<br />

je l’aide avec la pelle à bouger les gravats du camion-benne, il me paie toujours. » 223<br />

Il est clair que l’idée qu’ont les enfants sur ce qu’est le travail ne correspond pas forcément à<br />

celle que nous avions en tête. De même qu’il n’y a pas un consensus entre eux : une même<br />

activité est considérée comme travail par un enfant et non par un autre. Le terme « travail »<br />

est utilisé par les enfants plutôt comme un synonyme d’« activité » en général.<br />

C'est pourquoi ils parlent de leur travail en tant qu’« aide », comme nous le constatons d’après<br />

les derniers exemples. A ce sujet, une fille qui travaille tous les jours comme serveuse dans un<br />

petit restaurant de sa tante, nous a expliqué la différence entre ce qu’elle considère être « le<br />

travail » et ce qu’elle considère être « une aide » :<br />

« Ben, travailler, on te paie, on t’exige. Et si tu ne vas pas travailler, on te déduit de l’argent<br />

et tout ça. Eh ben, avec ma tante, non. Je le prends comme une aide. Et mes pourboires sont<br />

mes pourboires, parce que j’ai bien fait les choses. Et là (si je ne peux pas y aller), je dois<br />

juste aller prévenir ma tante, et voilà. Mais dans un travail non. Si tu as des devoirs scolaires,<br />

peu importe, tu dois y aller forcément, sinon on te déduit de l’argent, et voilà. Tu aides tes<br />

oncles ou tes tantes, tu aides ta mère. Ou pourquoi forcément : travailler, travailler et<br />

travailler ? Et parce que j’aime bien le faire. Parce que sinon, ma mère me dirait : allez, vasy<br />

! Et comme ça, je le prendrais alors comme un travail, et pas comme une aide. » 224 […]<br />

219 « A veces, cuando mis papás me piden que vaya a comprar cosas a la tienda para preparar la comida, me dan<br />

el cambio. »<br />

220 « Luego, ayudo a mi abuelito a barrer las calles del zócalo, es barrendero. No quiero que me pague, yo sólo<br />

quiero ayudarle. »<br />

221 « Cuando mi papá va a vender un carro (es su trabajo), lo acompaño, si lo vende, me da algo, sino no. »<br />

222 « Ayudo a mi tía a lavar y a poner su puesto, a veces me da algo. (…) Cuando estoy de vacaciones, no quiere<br />

que estemos de flojos (él y su hermano), que estemos viendo la tele todo el día y nos llevan con ellos. »<br />

223 « Luego, cuando mi papá me invita voy (al trabajo). Me lleva a machetear, le ayudo con la pala a mover el<br />

cascajo. Siempre me paga. »<br />

224 « Pues que trabajar, te pagan, te mandan. Y si faltas te descuentan y todo eso. Y pues aquí no. Yo lo estoy<br />

tomando como una ayuda. Y mis propinas son mis propinas, porque yo lo hice. Y ahí les debo de ir a avisar a mi<br />

tía y todo eso ¿no? Pero en el trabajo, no. Si tienes tarea, no importa, tú tienes que ir a fuercitas, sino te<br />

177


« Quand je suis malade ou si j’ai assez de devoirs scolaires je reste à la maison, il n’y a pas<br />

de problème. » 225 (Alicia, 11 ans).<br />

Selon elle, la différence est donc relative au degré de compromis avec l’employeur, en plus<br />

d’avoir un salaire fixe. <strong>La</strong> marge de liberté des enfants à l’égard de la réalisation d’une<br />

certaine activité est censée déterminer la nature de l’activité. L’on peut constater cette idée<br />

avec le récit des enfants travailleurs lors des entretiens individuels.<br />

Les réponses des enfants nous révèlent aussi la diversité des activités qu’ils réalisent,<br />

lesquelles peuvent ou non être considérées comme travail, selon les critères utilisés pour le<br />

définir. Au cours des entretiens, les enfants nous amènent souvent à réfléchir sur la très fine<br />

ligne qui sépare, parfois, un enfant travailleur d’un enfant non travailleur. Le problème surgit<br />

plutôt avec les activités que réalisent les enfants dans leur milieu familial, et notamment celles<br />

non rémunérées. Et bien évidemment, surtout avec le travail domestique qui, en général, n’est<br />

pas considéré comme un travail. Mais, dans le cas des enfants, cette situation prend un visage<br />

spécial, car a priori un enfant ne doit pas être responsable de l’entretien d’un ménage, ni en<br />

termes économiques ni en termes de reproduction sociale. Certes, un enfant peut participer<br />

aux tâches ménagères, comme les autres membres du ménage, et selon ses propres<br />

possibilités, mais il est difficile de savoir le moment où leurs tâches deviennent un travail.<br />

Cette situation est justement une des difficultés méthodologiques du sujet. <strong>La</strong> question n’a pas<br />

une seule réponse possible. Les réponses peuvent se donner en relation au temps consacré aux<br />

tâches, au type de tâches et au degré de responsabilité, par exemple. C’est aux principaux<br />

intéressés dans le sujet, de définir les critères selon leurs besoins et leurs intérêts. L’on est loin<br />

encore de faire l’unanimité. D’ailleurs, en ce qui concerne le travail extradomestique familial,<br />

c’est-à-dire les tâches réalisées par les enfants dans une petite entreprise familiale, le<br />

problème n’est pas non plus facile à résoudre, car il est aussi difficile de déterminer dans<br />

quelle situation un enfant peut être considéré comme travailleur. Et nous revenons encore aux<br />

questions sur le temps consacré, le type de tâches, le degré de responsabilité et les conditions<br />

de travail (informel/formel, fixe/itinérant, par exemple). Nous pensons que les enfants ne sont<br />

pas ignorants de cette variété de situations et des conditions pour définir le travail, ce qui peut<br />

descuentan dinero, y así. Ayudas a tus tíos, ayudas a tu mamá. O por qué a fuercitas: ¿trabajar, trabajar, trabajar?<br />

Y porque a mí me gusta hacerlo. Porque si no, mi mamá me dijera: ¡Ándale, córrele ve! Y eso sí lo tomaría como<br />

trabajo, no como una ayuda. »<br />

225 « Cuando estoy enferma o si tengo mucha tarea, me quedo en mi casa, no importa. »<br />

178


être à l’origine de confusions et de contradictions dans leurs discours. Des discours qui<br />

deviennent de plus en plus divergents lorsque l’on commence à les interroger sur les types de<br />

travail spécifiques, comme on le verra par la suite.<br />

IV.3.2. Le travail des enfants extradomestique familial.<br />

En général, le travail des enfants dans un milieu familial est bien vu par les enfants. D’après<br />

eux, incontestablement, ce type de travail n’a que des avantages. Mais, lors des entretiens<br />

collectifs, ces avantages font l’objet de points de vue différents entre les enfants travailleurs et<br />

les non travailleurs. Ainsi, les enfants travailleurs focalisent le sujet sur le plan de<br />

l’apprentissage en général. Mais ils évoquent aussi le travail comme une pratique qui ennoblit<br />

celui qui la réalise : « On devient des personnes travailleuses. » 226 Une image qui persiste<br />

dans les classes populaires du Mexique depuis le XIXe siècle (Sosenski, 2010). Tandis que<br />

chez le groupe d’enfants non travailleurs, les avantages sont beaucoup plus variés : un apport<br />

économique, une bonne utilisation du temps et une solidarité familiale, ainsi qu’un<br />

apprentissage des valeurs comme la responsabilité, et un sentiment d’indépendance. Mais<br />

l’apprentissage d’un métier ou d’un savoir-faire n’est jamais mentionné. Or, comme déjà<br />

évoqué, la plupart des enfants du groupe de non travailleurs ont vécu une expérience de<br />

travail, ou bien travaillent pendant les vacances, ils font alors souvent référence à leur propre<br />

expérience, qui est celle d’un travail extradomestique familial justement (des travaux toujours<br />

peu qualifiés) :<br />

« C’est bien, parce que c’est comme si l’on était majeur. » 227 […] « J’aime parce que j’aide<br />

mon père et je ne m’ennuie pas beaucoup. » 228 […] « C’est bien parce qu’on me paie. » 229<br />

[…] « J’aime parce que je les aide, et pour commencer à nous rendre responsables de notre<br />

argent. » 230 […] « C’est bien parce qu’ils peuvent décider quoi faire. » 231 […] « Ils ne<br />

s’ennuient pas. » 232 (Groupe d’enfants non travailleurs).<br />

Les discours à travers les entretiens individuels montrent aussi une tendance générale à<br />

l’acceptation du travail des enfants auprès des parents. Et comme pour les entretiens<br />

collectifs, ce sont les enfants les plus âgés et travailleurs qui considèrent ce type de travail<br />

226 « Se vuelven personas trabajadoras. »<br />

227 « Está bien porque es como si ya fuera grande. »<br />

228 « Me gusta porque le ayudo a mi papá y no me aburro tanto. »<br />

229 « Está bien porque me pagan. »<br />

230 « Me gusta porque les ayudo, y para que nos vayamos haciendo responsables de nuestro dinero. »<br />

231 « Está bien porque pueden decidir qué hacer. »<br />

232 « No se aburren. »<br />

179


comme un moyen pour apprendre et devenir une personne « travailleuse », et donc comme un<br />

atout. En effet, c’est une sorte d’initiation à la vie future :<br />

« C’est bien, parce qu’ils apprennent à s’occuper des clients et à faire d’autres choses, et<br />

parfois ils accompagnent leurs parents au marché. Ils sont en train d’apprendre et lorsqu’ils<br />

seront plus âgés ils vont savoir les choses, ils pourront alors tous seuls s’occuper de<br />

l’épicerie. » 233 (Alejandro, 14 ans, travailleur).<br />

Or, ce type de travail est souvent accepté parce qu’il est sporadique, parce que c’est une façon<br />

de rendre service aux parents qui travaillent, et parce qu’ils font une « bonne » utilisation de<br />

leur temps :<br />

« Parce que parfois les mamans leur disent juste : reste là un petit moment pendant que je<br />

rentre pour préparer les repas ou pour préparer tes vêtements pour demain. » 234 (María, 9<br />

ans, travailleuse extradomestique familiale).<br />

« J’ai vu que les enfants sont là, et seulement quand leur papa va aux toilettes, alors ils<br />

surveillent. » 235 (Alejandro, 14 ans, travailleur extradomestique non familial).<br />

« Pour ne pas être des fainéants tout le temps. Parce que s’ils ne travaillaient pas, ils<br />

seraient en train de rien faire. » 236 (Felipe, 14 ans, travailleur extradomestique non familial).<br />

« C’est bien, parce qu’ils aident leur maman au travail, et pour ne pas être tout le temps chez<br />

eux. » 237 (Claudia, 9 ans, travailleuse extradomestique familiale).<br />

Mais, les activités à réaliser dans leur travail sont censées être appropriées aux<br />

caractéristiques des enfants, et respecter le temps de scolarisation, qui doit rester l’activité<br />

principale :<br />

« Ben, si le travail n’est pas trop dur c’est bien. (…) Ils pourraient aider à transporter des<br />

choses. Ce n’est pas mal de faire des efforts, mais… » 238 (Gloria, 10 ans, non travailleuse).<br />

« Parfois, juste s’ils ont du temps. Parce que parfois leur travail finit assez tard et après ils<br />

n’ont plus de temps. » 239 (Pedro, 8 ans, non travailleur).<br />

« C’est bien, parce qu’ils sont en train d’aider leurs parents, mais si les parents les<br />

empêchent de fréquenter l’école pour travailler avec eux, alors c’est mal. Parce que le plus<br />

important est l’éducation des enfants, et après les parents. C’est ainsi que mes parents m’ont<br />

233 « Está bien, porque ya se enseñan a despachar y hacer otras cosas, y a veces acompañan a sus papás a la<br />

central. Se van enseñando y ya cuando estén grandes ya saben las cosas, ya pueden atender la tienda. »<br />

234 « Porque luego las mamás nada más les dicen: quédate aquí un ratito en lo que yo voy a hacer de comer o en<br />

lo que te preparo tu ropa para mañana. »<br />

235 « Yo he visto que los niños sólo están ahí, y sólo cuando su papá va al baño pues ellos se quedan cuidando. »<br />

236 « Para no estar de huevones todo el tiempo. Porque si no trabajaran no estarían haciendo nada. »<br />

237 « Bien porque ayudan a sus mamás a trabajar, para no estar ahí nada más en la casa. »<br />

238 « Bueno, si no son muy forzados está bien. (...) Podrían ayudarles en llevar las cosas. No es malo que nos<br />

forcemos, pero también… »<br />

239 « Luego, nada más si tienen tiempo. Porque luego su trabajo termina muy tarde y luego ya no tienen tiempo. »<br />

180


dit : d’abord toi et après nous. » 240 (Alicia, 11 ans, travailleuse extradomestique non<br />

familiale).<br />

Dans ce sens, lorsque le travail ne respecte pas le temps libre et l’avis des enfants concernés,<br />

voire qu’il est imposé, il peut être désapprouvé, les intérêts de l’enfant étant négligés par les<br />

parents :<br />

« Parce que j’ai une amie qui travaille comme ça. Et il y a beaucoup d’enfants qui disent :<br />

j’ai juste le temps pour étudier et parfois je fais mes devoirs scolaires et parfois non. Mais je<br />

dois passer le temps avec ma maman, si ma maman me le demande, parce que ma maman me<br />

demande de le faire. C’est-à-dire, vraiment ce n’est pas parce qu’ils veulent, sinon parce que<br />

leur maman ou leur papa le leur dit. (…) Leurs parents le leur ordonnent. J’ai une amie qui<br />

dit qu’à cause d’être toute la journée là, comme ma maman adore cancaner et mon papa<br />

adore ça aussi, je ne peux pas faire mes devoirs scolaires, ou je dois m’occuper des clients,<br />

ou s’il y a beaucoup de monde alors oui, et sinon, alors je perds mon temps et j’y suis juste en<br />

train de manger. (...) Je suppose que si ton papa est en train de t’aider alors il doit te<br />

soutenir. Et je suppose qu’ils sont censés donner priorité à leur enfant, et aux choses qu’il<br />

veut, si les choses sont bonnes, bien évidemment. » 241 (Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

Enfin, en tout cas, il faudrait alors prendre en compte ce que pensent les enfants, et respecter<br />

aussi leurs intérêts, leurs désirs : « Si les enfants aiment aller travailler avec leurs parents,<br />

pourquoi pas ? » 242 (Pedro, 8 ans, non travailleur). Etant donné qu’il s’agit de travailler<br />

auprès des parents, certains enfants, notamment les plus jeunes, pourraient voir dans ce type<br />

de travail une façon d’être en compagnie des parents, au-delà de l’aide qu’ils peuvent leur<br />

offrir : « Même si leur père ne les paie pas, ils aiment travailler. » 243 (Mariana, 7 ans, non<br />

travailleuse). Car le travail familial des enfants n’est pas souvent un moyen pour avoir un<br />

revenu, il fait partie des activités propres à la famille, il n’existe guère une division entre les<br />

activités de production et de reproduction sociale de la famille.<br />

Certes, l’on peut trouver une grande diversité de situations dans ce type de travail : des<br />

enfants qui remplacent leurs parents quelques minutes par jour et des enfants qui doivent<br />

240 « Están haciendo bien porque le están ayudando a sus papás, pero si los sacan de estudiar para trabajar con<br />

ellos, pues están mal. Porque primero es la educación de los niños y después sus papás. Así me han dicho mis<br />

papás: primero tú y después nosotros. »<br />

241 « Porque tengo una amiga que trabaja así. Y hay muchos niños que dicen: es que nada más estudio y a veces<br />

hago mi tarea y a veces no la hago. Pero el tiempo pues lo tengo que pasar con mi mamá, si mi mamá me dice,<br />

porque mi mamá me dice que lo tengo que hacer. O sea, realmente no es porque ellos quieren, sino porque su<br />

mamá o su papá les dice. (...) Sus papás los están mandando. Tengo una amiga que dice que por estar todo el día<br />

ahí, y luego mi mamá que le encanta el chisme, y a mi papá le encanta el argüende también, no puedo hacer la<br />

tarea, o tengo que estar atendiendo aquí o si hay mucha gente pues sí, y sino pues pierdo el tiempo y nada más<br />

estoy ahí comiendo. (...) Supongo que si tu papá te está ayudando pues te tiene que apoyar. Y supongo tienen que<br />

darle prioridad a su hijo, y darle prioridad a las cosas que su hijo quiere y si está bien, por supuesto. »<br />

242 « Si a los niños les gusta ir a trabajar con sus papás ¿por qué no? »<br />

243 « Aunque no les pague su papá, a ellos les gusta trabajar. »<br />

181


passer une grande partie de la journée à leur poste ; ceux qui font un peu de tout et ceux qui<br />

seulement surveillent ; ceux qui sont rémunérés ; ceux qui perçoivent quelques récompenses<br />

(pourboires) et ceux qui ne gagnent rien ; ceux qui aiment le faire et ceux qui ne l’aiment pas<br />

du tout ; ceux qui prennent l’initiative et ceux qui sont obligés ; ceux qui travaillent dans un<br />

lieu improvisé et ceux qui travaillent dans un local ; et la combinaison de toutes ces situations<br />

et d’autres situations entre ces extrêmes. Ce qui pose un problème méthodologique pour<br />

l’étude de ce type de travail qui est très hétérogène. Mais qui a comme particularité le<br />

prolongement du lien de parenté vers un lien professionnel, où la relation familiale, parent-<br />

enfant, devient aussi, implicitement, une relation de travail, employeur-employé. Et là, le lien<br />

hiérarchique chef-subordonné est tenu.<br />

Face à cette multiplicité de cas, les opinions des enfants sont aussi très variées. Ainsi, voir un<br />

enfant en train de travailler dans une petite entreprise familiale est si habituel dans le quartier,<br />

voire dans le pays, que cela n’étonne personne, ni n’est un motif de révolte. Par contre,<br />

lorsque les enfants sont considérés en danger, là, le sujet devient inacceptable. Nous en<br />

parlerons par la suite.<br />

IV.3.3. Le travail extradomestique des enfants dans les rues.<br />

Contrairement à l’opinion des enfants sur le travail extradomestique familial, qui fait appel à<br />

une notion de protection, le travail des enfants dans les rues est assez mal vu, « moche ». Il<br />

existe un sentiment général de « tristesse » et de « peine » envers ces enfants qui travaillent<br />

dans les rues. En effet, dans ce cas précis, ce n’est pas le travail des enfants à proprement<br />

parler qui dérange, mais ce sont les conditions du travail qui peuvent être à l’origine de<br />

l’indignation, du désaccord. Un travail dans un milieu qui représente l’extension du ménage<br />

(un espace fermé, voire simplement à l’abri) n’est pas en général un motif de révolte. Par<br />

contre, même si l’enfant travaille auprès des parents, le fait de le faire dans les rues, sans abri,<br />

change totalement la perspective :<br />

« Je ne ressens rien de les voir travailler dans l’épicerie, mais si je les voyais en train de<br />

vendre des chewing-gums (dans les rues), je sentirais de la tristesse. » 244 (Gloria, 10 ans, non<br />

travailleuse).<br />

244 « No siento nada, sólo si los viera vendiendo chicles (en la calle) siento tristeza. »<br />

182


D’après les entretiens collectifs, le groupe d’enfants non travailleurs se sont centrés sur l’idée<br />

que ces enfants sont « obligés » à travailler par des parents « irresponsables » :<br />

« C’est pas bien, les parents doivent donner à leurs enfants. » 245 […] « Il semblerait que ces<br />

enfants sont leurs propres parents. » 246 […] « Ils (les parents) n’ont pas de responsabilité<br />

envers leurs enfants. » 247 (Groupe d’enfants non travailleurs).<br />

Tandis que le groupe de travailleurs a fait allusion à la pauvreté comme cause, et non aux<br />

parents explicitement : « Très jeunes, ils ont commencé à travailler pour manger. » 248 , il s’est<br />

concentré plutôt sur les conséquences négatives de ce type de travail. En effet, ils considèrent<br />

que les enfants travailleurs dans les rues ne fréquentent pas l’école, et par conséquent, ce<br />

travail est un handicap pour leur avenir :<br />

« C’est mal, ils me font pitié, ils devraient étudier pour avoir une carrière. » 249 […] « Ce n’est<br />

pas bien à leur âge, ils devraient étudier pour devenir quelqu’un dans la vie. » 250<br />

Or, les problèmes de ce type de travail ne se limitent pas à ses origines ou à ses conséquences,<br />

qui sont déjà mal vues, mais aux risques propres aux rues, parce que les enfants concernés ne<br />

sont pas à l’abri d’accidents : « On peut les écraser. » 251 , une idée qui a été évoquée dans les<br />

deux groupes.<br />

Les entretiens individuels confirment la désapprobation face à ce type de travail. Tous les<br />

interviewés sont contre le travail des enfants dans les rues, sauf un garçon qui considère que :<br />

« C’est bien, parce qu’ils sont en train de travailler parce qu’ils en ont besoin pour manger,<br />

ou des trucs du genre. Ils sont en train de gagner de l’argent honnêtement. » 252 (Felipe, 14<br />

ans, travailleur extradomestique non familial).<br />

Ce qui est dans la pratique vrai : certains enfants subissent cette réalité, et le travail représente<br />

le moyen le plus « correct » pour y pallier. Car les autres méthodes pour récolter de l’argent<br />

sont peu dignes : voler ou mendier, méthodes qui sont aussi de temps en temps pratiquées.<br />

C’est pourquoi probablement ce garçon met l’accent sur l’honnêteté dans une telle situation.<br />

245<br />

« No está bien, sus padres tienen que darle a él. »<br />

246<br />

« Es como si fueran sus propios padres. »<br />

247<br />

« No tienen responsabilidad para sus hijos. »<br />

248<br />

« De chiquitos ya empezaron a trabajar para alimentarse. »<br />

249<br />

« Está mal, me da tristeza, deberían estudiar para tener una carrera. »<br />

250<br />

« No es bueno a su edad, deberían estudiar para ser alguien. »<br />

251<br />

« Los pueden atropellar. »<br />

252<br />

« Está bien, porque están trabajando porque no les alcanza para comer o así. Están ganando el dinero<br />

honradamente. »<br />

183


D’ailleurs, les enfants interviewés individuellement ont apporté plus d’idées sur l’origine des<br />

enfants travailleurs dans les rues. Selon eux, il s’agirait aussi d’enfants « abandonnés »,<br />

« orphelins », « rebelles » ou « victimes de violence », qui habitent maintenant dans les rues, à<br />

l’écart de leurs familles, si elles existent :<br />

« Je crois que presque tous sont des enfants des rues. Je dis que cela arrive parce qu’ils sont<br />

des rebelles ou parce que leurs parents les frappent. » 253 (Sandra, 12 ans, travailleuse<br />

extradomestique familiale et non familiale).<br />

« Quelques-uns sont des orphelins et ils vivent avec d’autres enfants qu’ils ont connus dans<br />

l’autre rue. » 254 (Karen, 14 ans, travailleuse extradomestique non familiale).<br />

Néanmoins, l’idée généralisée est que ces enfants ont une famille. Or, la perception des<br />

participants sur le rôle des parents dans la mise au travail des enfants est partagée. Certains<br />

considèrent que les parents n’ont pas le choix, ils sont contraints de faire travailler leurs<br />

enfants, notamment parce qu’ils ont un bas niveau scolaire et ont des travaux marginaux qui<br />

soumettent la famille à la précarité :<br />

« Parce que parfois leurs parents, à cause de leur manque de scolarité, n’ont pas un travail<br />

fixe et ils les mettent au travail. » 255 (Gloria, 10 ans, non travailleuse).<br />

Et d’autres, par contre, pensent qu’il s’agit d’une situation préméditée de la part des parents,<br />

qui par irresponsabilité abusent de l’image fragile des enfants :<br />

« Leurs parents sont si fainéants qu’ils ne veulent pas travailler et alors ils n’ont plus<br />

d’argent, alors les enfants sortent dans les rues pour vendre des chewing-gums, ou pour cirer<br />

des chaussures. » 256 (Pedro, 8 ans, non travailleur).<br />

« Ils abusent, les parents. Je crois qu’ils les obligent. Parce qu’au lieu de travailler, les<br />

parents, ils nettoient des parebrises dans les rues. Et ils disent : vas-y parce que tu es petit et<br />

par pitié on ne lui achète pas des choses, mais on lui donne de l’argent. » 257 (Alicia, 11 ans,<br />

travailleuse extradomestique non familiale).<br />

Or, même si la précarité familiale est l’une des causes du travail des enfants dans les rues, les<br />

enfants ne sont pas toujours forcés de travailler, il est possible que certains prennent<br />

l’initiative d’aider leur famille lors qu’ils se rendent compte de leurs carences :<br />

253 « Creo yo que casi todos son niños de la calle. Yo digo que se dan esos casos por rebeldía o porque sus papas<br />

los golpean. »<br />

254 « Algunos son huérfanos y viven nada más con los niños que conocieron en la otra calle. »<br />

255 « Porque a veces sus papás por lo mismo que no tienen estudios, no tienen un trabajo fijo y los ponen a<br />

trabajar. »<br />

256 « Sus papás son tan flojos que no quieren trabajar y ya no tienen dinero, y ellos salen a la calle a vender<br />

chicles, a bolear zapatos. »<br />

257 « Se pasan los papás. Yo creo que ellos los mandan. Porque en vez de que trabajen, nada más están limpiando<br />

parabrisas. Y dicen: tú vas porque te ves chiquita y por lástima no le compran, pero le dan dinero. »<br />

184


« Ils travaillent pour gagner de l’argent et ainsi aider leurs parents pour avoir de quoi<br />

manger ou de trucs du genre. » 258 (Gloria, 10 ans, non travailleuse).<br />

« Ils travaillent parce que leurs parents ne peuvent pas payer ce dont ils ont besoin. Ils ne<br />

peuvent pas le leur payer. » 259 (Claudia, 9 ans, travailleuse extradomestique familiale).<br />

Outre les contraintes économiques familiales, le travail des enfants dans les rues a aussi<br />

comme origine des problèmes intrafamiliaux, car les enfants sont parfois victimes de<br />

désamour de la part des parents, et aussi les victimes des parents avec de graves problèmes<br />

d’addiction. Le travail est vu alors comme une expression du délaissement des enfants :<br />

« Ce sont des enfants qui n’y sont pour rien. Et disons qu’ils sont nés juste par hasard. Ou<br />

qu’ils ne sont pas coupables du fait que leurs parents ne les laissent pas étudier. » 260 (Carlos,<br />

14 ans, non travailleur).<br />

« Parce que leur papa parfois ne veulent pas avoir d’enfants, ou parfois les mamans non plus,<br />

et alors ils les laissent tomber, les abandonnent, et parfois ils se vont avec un autre, ou<br />

parfois ils les mettent en pension. » 261 (María, 9 ans, travailleuse extradomestique familiale).<br />

« Et je crois que les parents sont des drogués, et qu’ils les utilisent seulement pour leurs<br />

drogues. Ou les utilisent pour boire, ou des trucs du genre. » 262 (Alicia, 11 ans, travailleuse<br />

extradomestique familiale).<br />

Par ailleurs, certains participants trouvent que le travail des enfants dans les rues est quelque<br />

chose de grave à cause des diverses situations dangereuses qui existent, comme l’insécurité<br />

publique. Mais aussi parce que la vie dans les rues engendre des comportements indésirables :<br />

« Je dirais qu’on ne les oblige pas à travailler dans la rue, non ? Comme ça, en train de<br />

vendre des chewing-gums ou comme ça, qu’ils restent dans un seul endroit, non ? Parce<br />

qu’ils risquent d’être renversés, ou d’être séquestrés. » 263 (Juan, 12 ans, non travailleur). Il<br />

considère que si l’enfant vend des chewing-gums dans un endroit fixe, alors, c’est bien, mais<br />

pas s’il travaille en pleine route parmi les voitures.<br />

« Une amie de mon papa fait partie d’une organisation pour aider les enfants. Elle dit qu’il<br />

s’agit d’enfants qui passent tout leur temps à se droguer. » 264 (Karen, 14 ans, travailleuse<br />

domestique familiale).<br />

258 « Trabajan para ganar dinero y ayudarles a sus papás para poder comer, y todo eso. »<br />

259 « Trabajan porque sus papás no pueden pagar lo que ellos necesitan. No pueden pagarlo. »<br />

260 « Son niños que no tienen nada que ver. Y ahora sí que los hicieron nada más porque sí. O sea de que ellos no<br />

tienen la culpa de que no les den estudios. »<br />

261 « Porque sus papás luego no quieren tener hijos, o luego las esposas tampoco, y los dejan botados, o luego se<br />

van con otros, o luego los internan. »<br />

262 « Y yo creo que los papás son drogadictos y que nada más los usan para sus drogas. O los usan para tomar o<br />

algo así. »<br />

263 « Yo diría que no los mandaran a trabajar en la calle ¿no? Así, vendiendo chicles o así, que se queden en un<br />

mismo lugar ¿no? Porque corren peligro de que los atropellen, que se los roben. »<br />

264 « Una amiga de mi papá está en eso de organizaciones para niños. Dice ella que son niños que nada más se la<br />

pasan drogándose. »<br />

185


« Parce que dans la rue ils sont seulement en train de se droguer. » 265 (Sandra, 12 ans,<br />

travailleuse extradomestique familiale et non familiale).<br />

Les commentaires des enfants, aussi bien travailleurs que non travailleurs, filles ou garçons,<br />

jeunes ou plus âgés, montrent que le travail des enfants n’est pas toujours désapprouvé. En<br />

effet, comme on l’avait évoqué plus haut, les enfants réprouvent le travail des enfants dans les<br />

rues parce que là, ils ne sont pas à l’abri, ils sont exposés à divers périls. C’est le contexte, la<br />

rue, qui pose le plus gros problème, pas le travail en lui-même. Car la rue signifie aussi<br />

l’éloignement de la famille et de l’école, les deux institutions privilégiées, voire exclusives, de<br />

l’enfance. Alors, ce qui dérange le plus est de trouver des enfants dans une ambiance que l’on<br />

ne considère pas adéquate pour eux, en reconnaissant qu’un contexte familial est ce qui est<br />

convenable. <strong>La</strong> plupart des enfants ont un sentiment de peine et de rejet envers ces enfants<br />

qu’ils pensent abandonnés, délaissés. Ils n’ont personne pour les soutenir, pour les aider et<br />

pour les garder et subvenir à leurs besoins, ce qui va à l’encontre de l’enfance idéale.<br />

L’indépendance totale ne rentre pas dans cet idéal. Et les enfants qui travaillent dans la rue,<br />

fréquemment confondus avec les enfants qui y vivent aussi, ce qui n’est pas toujours le cas,<br />

sont la meilleure illustration de ce qui est le contraire de l’idéal d’enfance. Des enfants qui<br />

vivent en dehors du monde de la famille et de l’école, sans tous les bénéfices et les attentions<br />

que ces deux institutions pourraient leur offrir. C’est dans ce sens que le travail des enfants<br />

auprès des parents dans une entreprise familiale est plutôt bien accepté. Ce sont des enfants<br />

qui, malgré leur travail, restent protégés, dans les milieux propres à l’enfance : la famille et<br />

l’école. Nous finirons avec un extrait qui illustre la perception générale des participants à<br />

propos du travail des enfants :<br />

« On peut commencer à travailler à n’importe quel âge, je dis que l’âge n’a pas<br />

d’importance. Dès que possible... Cela dépend du type de travail et avec qui. » 266 (Felipe, 14<br />

ans, travailleur).<br />

IV.3.4. Le travail ménager.<br />

Nous considérons comme travail ménager l’ensemble des activités propres à la reproduction<br />

sociale du ménage : la préparation des repas et les tâches ménagères : balayer, nettoyer le sol,<br />

ranger les affaires, faire le lit, la vaisselle, le repassage, laver le linge…<br />

265 « Porque en la calle nada más se están drogando. »<br />

266 « Uno puede empezar a trabajar a cualquier edad, yo digo que no importa la edad. Desde que se pueda...<br />

También depende de qué trabajo y con quién. »<br />

186


Comme attendu, dans les familles des enfants participants, la mère est responsable de la<br />

préparation des repas. Et si jamais la mère ne peut pas le faire, une des grand-mères, une autre<br />

proche parente ou une voisine s’en charge ; le cas échéant, l’une des filles, la plus âgée en<br />

priorité. De même, ce sont les mères les principales responsables des tâches ménagères, même<br />

si les autres membres y participent un peu, notamment les enfants, et surtout les aînées. Selon<br />

les enfants participants aux entretiens collectifs, les pères ne participent guère aux tâches<br />

ménagères parce qu'ils « travaillent », et alors ils « rentrent assez tard », ou même, comme l’a<br />

signalé une fille âgée de 12 ans du groupe d’enfants non travailleurs, simplement « Parce<br />

qu’ils sont très fainéants. » 267 , car certaines mères qui « travaillent » s’occupent de ce type<br />

d'activités, même si elles aussi sont fatiguées ou rentrent tard : la double journée des femmes.<br />

Par contre, d’après les entretiens individuels, tous les pères participent au travail domestique,<br />

mais à différents degrés. Il semble qu’il y ait une hiérarchie implicite par génération, en plus<br />

de celle de genre, pour réaliser ce type de travail. C’est-à-dire que la mère est la première<br />

responsable, suivent les enfants, en ordre d’âges, et finalement le père. Ainsi, quelques pères<br />

ont une participation sporadique, notamment les week-ends ou les jours de congé :<br />

« Parfois il balaie ou parfois il fait la vaisselle, mais il ne repasse pas. Parfois il aide ma<br />

maman à laver le linge, mais non. » 268 (Mariana, 7 ans, non travailleuse, mère travailleuse).<br />

« Ben, parfois il fait le lit, et parfois il range les affaires qui sont par terre, pour que<br />

quelqu’un d’autre balaye. » 269 (Claudia, 9 ans, travailleuse, mère travailleuse).<br />

« Lorsqu’il ne travaille pas, les samedis et les dimanches et en vacances. Il est censé faire la<br />

vaisselle ou des trucs du genre, cela dépend de ce qu’il y a à faire... Parfois il prépare les<br />

repas, tandis que ma maman lave le linge, ou des trucs du genre. » 270 (Sandra, 12 ans,<br />

travailleuse, mère travailleuse).<br />

« Non... oui parfois, presque les samedis il nous aide à faire le lit ou à balayer là. (…) Il doit<br />

surveiller là-bas son affaire et il n’a pas de temps. » 271 (Carlos, 14 ans, non travailleur, mère<br />

femme au foyer).<br />

267<br />

« Porque son muy huevones. »<br />

268<br />

« A veces barre o a veces lava los trastes, pero no plancha. A veces le ayuda a mi mamá a lavar la ropa, pero<br />

no. »<br />

269<br />

« Pues luego tiende la cama, y luego recoge todas las cosas del piso para que otro barra. »<br />

270<br />

« Cuando descansa, sábados, domingos y en vacaciones. Le tocan los trastes o así, depende lo que haya que<br />

hacer. A veces hace la comida, y mi mamá mientras se sube a lavar o así. »<br />

271<br />

« No... sí luego, casi los sábados nos ayuda a tender la cama o aquí a barrer. El tiene que estar viendo allá<br />

abajo su negocio y no tiene tiempo. »<br />

187


« Oui, les samedis et les dimanches lorsqu’il ne travaille pas il balaie (...) Il fait parfois à<br />

manger, et moi, je l’aide. Et ma maman reste là, parce que la pauvre, elle fait tout tous les<br />

jours, et nous ne faisons rien. » 272 (Alicia, 11 ans, travailleuse, mère femme au foyer).<br />

D’autres pères s’y attellent seulement dans une situation spéciale qui empêche la mère de le<br />

faire, lors qu’il n’y a pas d’autres solutions. Mais, même dans ces situations d’urgence, il<br />

arrive que les pères se débrouillent pour échapper à ces responsabilités, en cherchant une<br />

femme ou un enfant dans leur entourage pour s’en occuper :<br />

« Lorsque ma maman n’a pas de temps pour préparer les repas, il nous aide à les préparer et<br />

à ranger là. » 273 (Gloria, 10 ans, non travailleuse, mère travailleuse).<br />

« Oui, parfois lorsque ma maman n’est pas là. Parce que parfois elle tombe malade et elle<br />

reste à l’hôpital. Il range les chambres, il lave le linge, ou il demande à ma tante de le laver,<br />

et alors elle le fait. Ou bien, il lui demande de faire le ménage. Mon papa parfois nettoie le<br />

sol, balaye, fait les lits ou lave les toilettes. (...) Ma maman fait en bas, mais lorsqu’elle vend,<br />

mon papa fait en bas. » 274 […] « Parfois lorsque ma tante n’est pas là, mon oncle me<br />

demande de faire son lit, et je le fais. Ou je balaie sa chambre, ou parfois ma tante demande à<br />

leurs sœurs de venir l’aider faire son ménage (car elle est enceinte). » 275 (María, 9 ans,<br />

travailleuse, mère travailleuse. Cette fille vivait avec ses grands-parents depuis quelques<br />

années, qu’elle appelait « maman » et « papa ». Sa mère avait des problèmes d’addiction à la<br />

drogue et c’est pour cela qu’elle n’habitait plus avec elle).<br />

Seulement deux pères, parmi tous nos interviewés, participent de manière quotidienne, dès<br />

que possible, même s’ils ne sont les responsables. Il s’agit d’un monsieur qui, travaillant la<br />

nuit comme vigile, arrive à dormir pendant son travail, et passe alors la journée chez lui,<br />

éveillé :<br />

« Il aide ma maman à préparer les repas et l’accompagne où elle va. Il l’aide à faire le<br />

ménage. » 276 (Alejandro, 14 ans, travailleur, mère femme au foyer).<br />

L’autre était un père seul, séparé de la mère, qui travaillait du lundi au samedi, toute la<br />

journée, comme mécanicien :<br />

« Mon papa m’aide, parce que ma maman n’est pas avec nous. Alors, les matins il se lève et<br />

douche mon frère et je douche ma sœur. Après, il fait son lit, et moi, je fais le mien et ceux de<br />

272 « Sí, los sábados y los domingos que no trabaja se pone a barrer. (...) El a veces hace de comer, y yo le ayudo.<br />

Y mi mamá se queda ahí, porque pobrecita que todos los días hace, y nosotros no. »<br />

273 « Cuando a mi mamá no le da tiempo de hacer la comida, él nos ayuda a hacer y a recoger aquí. »<br />

274 « Sí, luego cuando no está mi mamá, es que luego se enferma y que está en el hospital. El hace los cuartos,<br />

lava su ropa, o le dice a mi tía que si se la puede lavar, y ya viene y se la lava. O que si le puede hacer su<br />

quehacer. Mi papá luego trapea, barre, tiende las camas y hace el baño. (...) Mi mamá hace allá abajo, pero<br />

cuando vende, mi papá hace abajo. »<br />

275 « Luego cuando no está mi tía, mi tío me dice que si le tiendo su cama, y se la tiendo. O le barro, o luego mi<br />

tía le habla a sus hermanas para que le ayuden en su quehacer (ya que ella está embarazada). »<br />

276 « Le ayuda a mi mamá que a hacer la comida, acompañarla a donde va. Le ayuda a hacer el quehacer. »<br />

188


mon frère et de ma sœur. Il range ses affaires et celles de mon frère et je range mes affaires et<br />

celles de ma sœur. » 277 (Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

Et, uniquement un père était entièrement impliqué dans les tâches ménagères, en plus de<br />

travailler. <strong>La</strong> mère a été obligée de quitter son travail de bonne dans une famille aisée, car elle<br />

avait été opérée et sa récupération serait assez longue :<br />

« Mon frère est toujours en train d’aider ma maman au ménage. Comme ma maman ne peut<br />

pas monter les escaliers (parce qu’elle vient d’être opérée), il sort le linge à sécher et tout ça.<br />

(...) Mon papa fait de tout aussi. (...) Parfois, il nous laisse ainsi juste, et il ne nous demande<br />

rien. Et il se met à faire tout le ménage. Il lave le linge et la vaisselle, range les affaires,<br />

balaie, nettoie le sol. Tout. (...) Ma maman est couchée. Elle prépare les repas. » 278 (Felipe,<br />

14 ans, travailleur).<br />

Mais peu importe le niveau de participation des pères, dans tous les cas, cette participation est<br />

vue comme une « aide » directe à la mère, voire à la femme qui joue le rôle de maîtresse de<br />

maison. Car, même si la mère a une activité extérieure, un travail extradomestique ou des<br />

études, elle continue d’être la responsable de ces tâches à la maison (sauf dans les cas de<br />

maladie grave ou de handicap). Il faut rappeler qu’il y a des enfants, notamment les garçons<br />

les plus âgés, qui pensent que la responsabilité propre aux mères est le travail domestique, et<br />

qu’elles ne doivent travailler qu’en cas de vraie nécessité économique.<br />

Cependant, bien que le travail domestique soit une attribution nette de la mère, les enfants y<br />

participent souvent. Selon les interviewés, tous réalisent des tâches ménagères chez eux. Peu<br />

importe l’âge ou le sexe, même leur condition d’activité (travailleur ou non travailleur), les<br />

enfants sont censés ranger leurs affaires et faire leur lit, au minimum. <strong>La</strong> plupart font aussi<br />

parfois des activités comme : balayer, faire la vaisselle, laver le sol, et certains, même laver le<br />

linge, repasser ou nettoyer la salle de bain. Ils y consacrent en moyenne une heure et demie<br />

par jour, dont les plus âgés à peu près deux heures et les plus jeunes une heure. Quelques-uns<br />

cuisinent aussi parfois. En effet, le travail domestique fait plus ou moins partie des activités<br />

quotidiennes des enfants :<br />

277 « Mi papá si me ayuda, porque mi mamá no está con nosotros. Entonces en la mañana se para y baña a mi<br />

hermano y yo baño a mi hermana. Ya después él tiende su cama y yo tiendo la mía y la de mis hermanos. El<br />

recoge lo que es suyo y lo que es de mi hermano y yo lo que es mío y lo que es de mi hermana. »<br />

278 « Mi hermano siempre anda ayudando a mi mamá aquí en el quehacer. Como mi mamá no puede subir las<br />

escaleras, él tiende la ropa y todo eso. (...) Mi papá sí hace todo también. (...) Cuando luego nada más nos deja<br />

así a nosotros, y no nos manda a nada. Y se pone a hacer todo el quehacer. <strong>La</strong>va, lava los trastes, recoge, barre,<br />

trapea. Todo. (...) Mi mamá está acostada. Ella hace la comida. »<br />

189


« Je fais juste ma chambre. Balayer et nettoyer le sol. (…) Ma maman lave mon linge. Dès<br />

que je finis mon ménage, je repasse mon linge et cire mes chaussures, me douche et descends<br />

pour manger, et quand il est 13 h 30 je pars à l’école. » 279 (María, 9 ans, travailleuse).<br />

« Tous les jours, je me lève, prends mon petit-déjeuner et pars à l’école. (...) En rentrant, je<br />

fais mes devoirs scolaires, et lorsque je finis mes devoirs, si jamais on n’a pas rangé là-haut,<br />

je dois monter pour y faire le ménage. (...) Et je mange dès que ma maman arrive, cela<br />

dépend à quelle heure elle arrive. (...) Parfois je fais la vaisselle ou je nettoie le frigo, je sors<br />

l’eau. Après je monte pour laver le linge, laver mon linge et celui de mon papa et celui de<br />

tous. Après s’il y a une flaque d’eau là-haut, je l’essuie, je descends deux seaux d’eau et<br />

commence à jeter de l’eau sur les couloirs, et je ramasse la poubelle et la mets dans un sac et<br />

c’est tout. (...) Les samedis, celui qui ne fait pas de ménage (parmi les cinq enfants les plus<br />

âgés) s’occupe de Sulem (la benjamine, âgée de 2 ans). » 280 (Mariana, 7 ans, non travailleuse).<br />

« Moi, par exemple, j’ai 12 ans et je fais déjà la cuisine. Mes frères cuisinent aussi, ben, José<br />

(8 ans) presque jamais, il ne l’a jamais aimé. Mais Sergio (10 ans), parfois, lorsque je ne suis<br />

pas là, et ma maman est allée laver le linge et mon papa n’est pas là, il prépare des<br />

spaghettis. (...) Ma maman va travailler, alors nous nous répartissons le ménage, entre mes<br />

frères et moi... ben, presque toujours ma maman fait la vaisselle. Là, elle fait quelque chose<br />

parfois. (...) Je lave les toilettes parfois, nettoie le sol et fais mon lit. (…) Si jamais il y a un<br />

peu de linge, je le lave, mais s’il y en a beaucoup, ma maman le fait. » 281 (Sandra, 12 ans,<br />

travailleuse).<br />

« Ma maman prépare les repas et parfois mon papa. Si jamais ils ne sont pas là, je prépare<br />

parfois ou mon frère ou ma sœur (respectivement 12 et 10 ans), tous. (...) Ma maman m’a<br />

appris, dès assez jeune, à faire les œufs, la soupe, les saucisses, tout ça, mais pas le poulet, le<br />

riz. (...) Parfois je lave le linge, mon frère aussi. » 282 (Alejandro, 14 ans, travailleur).<br />

« De lundi à vendredi, je fais des tâches ménagères : faire le lit, sortir la poubelle,<br />

débarrasser la table. Et parfois je lave mon linge. » 283 (Alicia, 11 ans, travailleuse).<br />

279 « Yo hago mi cuarto y nada más. Barrer y trapear. (…) Mi mamá me lava mi ropa y me la deja ahí. Y ya<br />

cuando acabo de hacer mi quehacer, plancho mi ropa y boleo mis zapatos, me baño y me bajo a comer, y ya<br />

cuando son la una y media me voy a la escuela. »<br />

280 « Todos los días me levanto, desayuno, me voy a la escuela (...) venimos aquí a la casa. Hago la tarea<br />

llegando de la escuela, y cuando acabo la tarea, cuando no recogen allá arriba yo tengo que subir allá arriba a<br />

hacer el quehacer. Y como cuando llega mi mamá, depende a qué hora llegue. (...) A veces lavo los trastes o<br />

limpio el refri, saco a veces la agua. Luego me subo a lavar, a lavar mi ropa y la de mi papá, la de mis hermanos<br />

y toda la ropa. Luego si hay un charco allá arriba lo barro, me bajo dos cubetas de agua y empiezo a echar agua<br />

en los pasillos, y recojo toda la basura, y la echo en una bolsa y ya. (...) Los sábados el que no hace quehacer<br />

(entre los cinco hermanos mayores) cuida a Sulem (la hermana menor). »<br />

281 « Pues yo, por decir, tengo 12 y ya cocino. Mis hermanos también ya cocinan, bueno, José (8 años) casi no,<br />

nunca le ha gustado. Pero Sergio (10 años), luego de repente, cuando no estoy, y mi mamá se fue a lavar y mi<br />

papá no está, él hace espagueti. (...) Mi mamá pone su puesto y ya nos distribuimos el quehacer entre mis<br />

hermanos y yo... bueno, casi siempre a ella le toca lavar los trastes. Pero acá abajo si hace, de vez en cuando. (...)<br />

Yo a veces lavo el baño, lavo el piso y tiendo mi cama. (...) Si hay poquita ropa me toca a mí, pero si es mucha le<br />

toca a mi mamá. »<br />

282 « Mi mamá hace de comer y a veces mi papá (...) Si no están ellos, les hago yo a veces, o mis hermanos (12 y<br />

10 años), todos. (...) Mi mamá me enseñó desde chiquito a hacer los huevos, la sopa, las salchichas, todo eso,<br />

pero menos el pollo, el arroz. (...) A veces yo lavo la ropa, también mi hermano. »<br />

283 « Entre semana yo sí hago quehacer: tiendo la cama, saco la basura, limpio la mesa. Y a veces lavo mi ropa.»<br />

190


Selon les participants, le travail domestique constitue une responsabilité, principalement de la<br />

mère, et après des enfants. Car, comme nous l’avons évoqué plus haut, pour les enfants, le<br />

travail domestique est l’une des responsabilités propres à l’enfance. Par contre, le père a<br />

comme responsabilité primordiale de travailler et d’apporter de l’argent au ménage, ce qui<br />

justifie que sa faible ou nulle participation dans le travail ménager soit vue comme naturelle.<br />

D’habitude, c’est plutôt la mère qui incite les enfants au travail domestique. C’est pourquoi<br />

lorsque les enfants parlent de leur participation au travail ménager, ils font référence à une<br />

aide directe à leur mère.<br />

Il est évident pour tous que les enfants doivent faire du travail domestique à la maison.<br />

Cependant, contrairement à la vision des enfants sur le travail domestique des pères, qui est<br />

toujours considéré comme une « aide » non indispensable, car la mère est la responsable, la<br />

participation des enfants dans le travail ménager est interprétée plus que comme une aide,<br />

comme une forme de « solidarité », voire d’« obligation » familiale :<br />

« J’aide ma maman à faire la chambre et à balayer. » 284 (Claudia, 9 ans, travailleuse).<br />

« Mais, lorsqu’ils auront un âge raisonnable (les enfants), il faut leur apprendre. <strong>La</strong> maman<br />

seule ne va pas tout faire ! » 285 (Carlos, 14 ans, non travailleur).<br />

« Elle (sa maman) me demandait juste de l’aider, et je lui disais oui. Et si nous ne voulons<br />

pas, alors non… Je le fais parfois. C’est aussi mon obligation. Elle seule ne va pas tout faire !<br />

(…) Mon papa nous demande aussi d’aider. » 286 (Alejandro, 14 ans, travailleur).<br />

« Si sa maman (d’un enfant) lui permet d’aller à une soirée, après s’il rentre et il y a la<br />

vaisselle à faire, même deux ou trois assiettes, alors il doit aider sa maman avec cette<br />

responsabilité. Il sait qu’il a la responsabilité de l’école, mais s’il sait que sa maman part<br />

toute la journée au travail et elle est en train de lui donner la permission et tout ce que<br />

l’enfant veut, alors l’enfant doit aussi comprendre qu’il doit aussi aider là, à la maison. » 287<br />

(Karen, 14 ans, travailleuse).<br />

284<br />

« Ayudo a mi mamá a hacer el cuarto y a barrer. »<br />

285<br />

« Pero cuando ya tengan una edad razonable (los hijos) ya hay que enseñarles. ¡No todo lo va a hacer la<br />

mamá! »<br />

286<br />

« Nada más me decía (mi mamá) que si le ayudaba, y yo le decía que sí. Y si no queremos, pues no… Yo a<br />

veces lo hago. Es también mi obligación. ¡Ella no nomás va a hacer todo! (…) También a veces mi papá nos dice<br />

de ayudar. »<br />

287<br />

« Y con la responsabilidad de que su mamá lo dejó ir a una fiesta, ya después si él llega a su casa y hay trastes<br />

sucios, así sean dos o tres, pues que le ayude a su mamá con esa responsabilidad. Sabe que tiene la<br />

responsabilidad de la escuela, pero si sabe que su mamá se va todo el día a trabajar y le está dando permiso y le<br />

está dando todo lo que quiera al niño, pues el niño también debe comprender que él también tiene que ayudar allí<br />

en su casa. »<br />

191


« J’ai commencé à aider depuis 9 ans, je l’aidais à ranger les chaussures, c’était simple.<br />

J’aime le faire parce que j’aime coopérer. » 288 (Gloria, 10 ans, non travailleuse).<br />

Mais, au-delà de la valeur qu’ils donnent à leur participation dans le travail domestique, tous<br />

s’accordent sur le fait qu’ils doivent tous le faire, peu importe le sexe. D’après les enfants, il<br />

s’agit d’activités indispensables au bon fonctionnement du ménage. Néanmoins, quelques<br />

garçons, notamment les plus âgés, ont du mal à éviter les pensées sexistes :<br />

« Les filles peuvent commencer à cuisiner vers 11 ans, étant donné qu’elles le feront dès<br />

qu’elles seront plus âgées, elles doivent préparer à manger pour leur mari et tout ça, alors<br />

elles doivent déjà savoir le faire. (…) Les garçons… ben, aussi, au fur et à mesure qu’ils<br />

apprennent. Je dis que tous doivent faire les mêmes choses, peu importe s’il s’agit de filles ou<br />

de garçons. » 289 (Felipe, 14 ans, travailleur).<br />

« Les garçons et les filles doivent apprendre à cuisiner. Mais, c’est plutôt pour les filles,<br />

non ? Parce que peut-être la fille tombera sur un mari qui travaille et elle non. Un mari qui<br />

lui donnera tout, et si elle ne sait pas cuisiner, alors, qu’est-ce qu’elle va faire ? (...) Si les<br />

deux travaillent alors je ne sais pas, peut-être ils vont s’organiser pour préparer les<br />

repas. » 290 (Carlos, 14 ans, non travailleur).<br />

Il s’avère que ces mêmes garçons estiment que les mères ne doivent pas travailler sauf en cas<br />

d’une forte nécessité économique de la famille. Néanmoins, ils disent participer chez eux aux<br />

tâches ménagères, même à la préparation des repas. Et ils soulignent l’importance de<br />

décharger un peu leur mère de ces tâches, elle seule ne doit pas tout faire.<br />

Le travail ménager est une activité propre à l’enfance, mais le degré de participation des<br />

enfants varie selon leur âge. Selon nos interviewés, les diverses activités à accomplir ont des<br />

niveaux différents de « risques » et demandent plus ou moins de capacités ou de force. Ainsi,<br />

les plus jeunes enfants peuvent balayer et ranger les affaires, faire leur lit, ce que tous les<br />

enfants interviewés ont commencé à accomplir à différents âges, mais la plupart vers 7 ans. Et<br />

ils pensent que c’est bien de commencer à cet âge-là, car il s’agit de choses simples : « Je dis<br />

que ce n’est pas si compliqué que ça. » 291 (Gloria, 10 ans, non travailleuse).<br />

288<br />

« Empecé a ayudar desde los 9, le ayudaba a recoger los zapatos, que era simple. Me gusta porque me gusta<br />

cooperar. »<br />

289<br />

« <strong>La</strong>s niñas pueden empezar a cocinar como a los 11, como ellas de grandes van a hacer (de comer), tienen<br />

que hacer de comer a su esposo y todo eso, pues ya tienen que saber. (…) Los niños... pus igual, conforme vayan<br />

aprendiendo. Yo digo que todos tienen que hacer lo mismo, no importa si son niños o niñas. »<br />

290<br />

« Niños y niñas deben aprender a cocinar. Aunque es más bien de las niñas ¿no? Porque tal vez le toque un<br />

marido que tenga que trabajar y ella no. Un marido que le ponga todo, y si ella no sabe cocinar, pues ¿qué va a<br />

hacer? (...) Si los dos trabajan pues no sé, a lo mejor se turnarían los dos para hacer de comer. »<br />

291<br />

« Yo digo que no es tan complicado. »<br />

192


Par contre, ce qui a trait au linge (le laver et le repasser), ainsi qu’à la préparation des repas<br />

sont des activités que tous ne réalisent pas, surtout les plus jeunes et les garçons. Ces activités<br />

sont vues comme « dangereuses », « pénibles », ou simplement « inappropriées » pour les<br />

enfants. Concernant la cuisine, trois filles, âgées de 7, 9 et 10 ans, aiment aider leurs mères<br />

dans la cuisine, éplucher les légumes ou préparer les ustensiles, parfois elles réchauffent les<br />

repas, mais ne cuisinent pas, car c’est dangereux :<br />

« Je suis encore trop jeune pour cuisiner, j’aide seulement ma maman. (...) Tu peux te brûler<br />

ou tu peux laisser tomber quelque chose et après glisser et te faire mal. » 292 (Gloria, 10 ans,<br />

non travailleuse).<br />

Par contre, quatre enfants, dont trois filles de 11, 12 et 14 ans, et un garçon de 14 ans, savent<br />

cuisiner, plutôt des choses simples et rapides (des œufs, quesadillas, sincronizadas…), mais<br />

en utilisant la cuisinière à gaz. Tous cuisinent seulement s’il le faut, en l’absence d’un adulte<br />

ou un aîné. Ils ont commencé vers 8 ans, et ils ne trouvent pas de problème à cet égard. Mais,<br />

ils reconnaissent qu’ils doivent faire très attention lorsqu’ils font à manger. Cependant, les<br />

autres enfants trouvent qu’il est assez « dangereux » de cuisiner avant 14 ans, car avant cet<br />

âge-là les enfants peuvent être maladroits, inattentifs ou inconscients.<br />

Au sujet du repassage, nous constatons que deux filles le font habituellement. L’une, la plus<br />

jeune, de 9 ans, repasse tous les jours son uniforme scolaire 293 . L’autre, de 14 ans, parfois<br />

repasse le linge de son père, sa sœur et son frère cadets et le sien, car sa mère ne vivant pas<br />

avec eux, elle a pris la place de ménagère. A propos du linge à laver, il s’avère que ce sont<br />

plutôt les filles qui le font : cinq filles (7, 9, 11, 12 et 14 ans) et un garçon (14 ans). Cette<br />

activité est plus pénible que « dangereuse ». En l’occurrence, une fille raconte :<br />

« Parfois on me punissait en me demandant de laver le linge. On me punissait, car je ne<br />

répondais pas aux appels de mes parents, et voilà. » 294 (Sandra, 12 ans, travailleuse).<br />

Les enfants qui s’occupent du linge n’éprouvent aucun problème. Au contraire, ceux qui<br />

n’occupent pas encore ce poste trouvent qu’il est préférable du débuter vers 14 ans, pour les<br />

292<br />

« Yo todavía estoy muy chica para cocinar, y sólo ayudo a mi mamá. (...) Puedes quemarte o que se te caiga<br />

algo y te puedes resbalar y pegar. »<br />

293<br />

Au Mexique, tous les enfants scolarisés dans le secteur public, et la plupart de ceux scolarisés dans le secteur<br />

privé doivent porter l’uniforme officiel de l’école pour être admis dans les cycles obligatoires (primaria et<br />

secundaria).<br />

294<br />

« O a veces me castigaban y me ponían a lavar la ropa. Me castigaban porque me hablaban y yo no hacía<br />

caso, y así. »<br />

193


mêmes raisons que de cuisiner. Mais bien évidemment, la tâche est imposée pour quelques<br />

enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge adéquat.<br />

En général, nous observons que même si tous les enfants participent au travail ménager, les<br />

filles font davantage des activités moins simples que les garçons, peu importe leur âge, en<br />

reproduisant le modèle des adultes, car les pères qui participent du travail domestique font<br />

plutôt des tâches « élémentaires ». Rarement, ils repassent, lavent le linge ou cuisinent :<br />

« Mon papa balaie parfois, ou parfois lave la vaisselle, mais il ne repasse pas. » 295 (Mariana,<br />

7 ans, non travailleuse).<br />

« Mon papa ne lave jamais le linge, il lave toujours la vaisselle. » 296 (Sandra, 12 ans,<br />

travailleuse).<br />

L’on dirait que ces activités sont perçues davantage comme féminines, et donc elles sont<br />

surtout réalisées par les femmes, depuis leur jeune âge.<br />

En général, même si dans leur discours les enfants évoquent la parité hommes-femmes par<br />

rapport au travail ménager, la réalité montre que l’organisation familiale ne suit pas forcément<br />

un modèle d’égalité, ni de genres ni de générations. Les tâches à accomplir à la maison sont<br />

distribuées selon le sexe dès un jeune âge. Malgré l’intention d’entretenir des relations<br />

égalitaires, l’idée qui prédomine chez les enfants est que les femmes sont les principales<br />

responsables du travail domestique. Les filles sont alors prédestinées à le faire lorsqu’elles<br />

seront plus âgées, les garçons pas forcément. Ils pensent que les hommes doivent plutôt se<br />

préoccuper d’entretenir la famille, de gagner de l’argent. Mais, en attendant, en tant<br />

qu’enfants, tous doivent participer au travail domestique : les filles pour apprendre le savoir-<br />

faire, les garçons, simplement, parce qu’ils sont jeunes. Mais, tous ont l’idée préconçue que<br />

les différences au niveau des responsabilités familiales naîtront plus tard. Même si tous<br />

souhaitent réussir une formation professionnelle pour avoir un bon travail, l’inégalité dans la<br />

participation par sexe aux activités de reproduction sociale du ménage n’est pas mise en<br />

cause, au moins dans les discours des enfants.<br />

295 « Mi papá a veces barre, o a veces lava los trastes, pero no plancha. »<br />

296 « Mi papá nunca lava la ropa, siempre lava los trastes. »<br />

194


Conclusions<br />

Les deux manières d’approcher les enfants, collective et individuelle, pour connaître leurs<br />

perceptions, se sont avérées complémentaires et cohérentes. Cependant, il existe une plus<br />

grande tendance à suivre la norme lors des discussions en groupe, car les entretiens<br />

individuels ont ouvert aux enfants un espace de liberté plus large pour s’exprimer de manière<br />

plus ouverte, même si certains se sont montrés discrets dans les deux situations. En effet, il<br />

nous a semblé que les enfants sont peu habitués au protagonisme, au fait que leur vécu et leur<br />

point de vue puissent intéresser un adulte étranger. Quelques-uns se sont montrés intimidés,<br />

tandis que d’autres ont bien profité de l’occasion.<br />

A propos de l’enfance, nos interviewés la définissent plus à partir d’aspects<br />

pratiques (activités, intérêts, devoirs, attitudes), que de caractéristiques personnelles, même<br />

s’il y a une relation entre les deux. L’idée qui domine est celle de l’enfance moderne, laquelle<br />

a émergé partiellement pour la première fois dans l’histoire du Mexique indépendant à<br />

l’époque d’El Porfiriato, entre 1876 et 1911, 297 soit avant la Révolution mexicaine (Castillo<br />

Troncoso, 2006). Cette idée s’inscrit dans une vision évolutionniste, dans laquelle les enfants<br />

sont des personnes naïves, irresponsables et vulnérables ; une étape caractérisée par la<br />

dépendance, l’insouciance et l’apprentissage. Ces conditions placent les enfants au-dessous<br />

des adultes, des jeunes et des adolescents. En effet, l’enfance est vue comme une étape de<br />

formation vers la vie adulte, comme un essai pour rentrer dans la « vraie » vie. Une étape qui<br />

s’arrête à la fin de l’école primaria. <strong>La</strong> sortie de l’enfance est en relation directe avec<br />

l’autonomie, voire l’indépendance (économique, de déplacement, de prise de décisions). Les<br />

enfants de moins de 12 ans sont censés rester dans les espaces sociaux de la famille et de<br />

l’école, leurs activités se limitant à l’apprentissage et aux loisirs. Une contrainte qui s’estompe<br />

progressivement avec l’âge, et selon les cycles scolaires.<br />

En toute cohérence avec le fait que l’enfance soit une période de formation, les enfants sont<br />

censés accomplir certains devoirs, en tant que « mineurs » et en tant que membres d’une<br />

famille. Ils doivent en priorité étudier, et sur leur temps périscolaire, en général, ils doivent<br />

aussi participer aux tâches ménagères et aider leurs parents. Mais des représentations<br />

différentes s’observent à l’égard de ce qu’est l’enfance, où l’âge des interviewés et leurs<br />

297 Période de l’histoire du Mexique, qui est marquée par le régime autoritaire du président Porfirio Díaz.<br />

195


conditions de travail (travailleur ou non travailleur) sont essentiels, tandis que le sexe n’est<br />

guère une variable discriminante. Le concept s’avère flou et subjectif : il n’y a pas une seule<br />

enfance. Mais ce sont les enfants les plus âgés et les travailleurs, soit ceux qui ne se<br />

considèrent plus comme des enfants, qui ont les idées les plus concrètes et les plus élaborées<br />

par rapport au sujet. D’ailleurs, les participants éprouvent bien de la difficulté à conceptualiser<br />

l’enfance, à trouver les limites entre les étapes de la vie : des aspects divers sont nécessaires<br />

pour définir toute la richesse de l’enfance.<br />

Au sujet de la scolarisation, il est évident qu’elle est fondamentale dans la vie des enfants<br />

interviewés. Non seulement au niveau pratique (car parmi nos interviewés, travailleurs ou non<br />

travailleurs, tous fréquentent l’école, et la scolarité est leur principale activité), mais aussi<br />

dans le domaine des représentations, car tous considèrent qu’elle représente la meilleure et<br />

même l’unique manière d’être « quelqu’un », soit de réussir dans le futur, et d’avoir une<br />

ascension sociale, à travers un travail bien rémunéré. Un objectif de vie pour ces enfants de<br />

familles modestes, car ils trouvent dans le vécu de leurs parents et de leurs proches, en général<br />

tous peu scolarisés, l’exemple de la vulnérabilité des personnes sans diplômes face à la<br />

société. Ils rêvent alors tous de faire mieux que leurs ascendants, encouragés par leurs propres<br />

parents. Les bénéfices de la scolarisation sont mesurés surtout en termes professionnels et<br />

économiques. Ainsi, la scolarisation a pris une telle importance dans l’actualité, qu’elle sert<br />

même de point de repère pour déterminer les diverses étapes de la vie, de manière que<br />

l’enfance corresponde à la période scolaire primaria, tout simplement. De façon apparente,<br />

pour les enfants interviewés presque tout tourne autour du système scolaire.<br />

Or, il faut souligner que l’omnipotence de la scolarité s’estompe à mesure de l’âge et des<br />

expériences périscolaires en dehors des milieux familial et éducatif. En effet, ce sont les<br />

enfants les plus âgés (qui sont aussi pour la plupart ceux qui travaillent), qui trouvent dans<br />

d’autres domaines, comme le physique, le psychologique et le comportemental, les repères<br />

pour se positionner par rapport aux autres groupes de la population (adolescents, jeunes,<br />

adultes). En plus, ils peuvent aussi être plus méfiants à propos des bénéfices de la<br />

scolarisation. L’on dirait que les plus jeunes se contentent d’accepter et de répéter le discours<br />

social normatif à propos des qualités d’une longue scolarisation, mais en grandissant, surtout<br />

lorsqu’eux-mêmes subissent la réalité du marché du travail, ce discours est à peine soutenable.<br />

Encore que l’obtention d’un diplôme reste importante à leurs yeux, il peut perdre sa qualité<br />

d’indispensable. Selon nos interviewés, la décision de continuer ou non les études au-delà des<br />

196


niveaux obligatoires appartient seulement aux enfants. Ce qui suppose une certaine liberté de<br />

décision à partir de 14 ans. Mais la déscolarisation avant de finir la secundaria (le collège),<br />

qui est le dernier niveau obligatoire (vers 14 ans justement), est toujours mal vue ; elle<br />

représente un handicap perpétuel. Et en ce sens, les enfants travailleurs dans les rues sont<br />

souvent pris comme exemples de cet échec, dans l’idée qu’il y a une opposition systématique<br />

entre travail et scolarité.<br />

L’opposition entre travail et scolarisation est relative au fait que lorsque l’on parle de travail,<br />

le terme est associé de manière systématique à une activité économique, rémunérée sur le<br />

marché du travail, qui demande un engagement à plein temps. Nos interviewés ont pris<br />

comme repère le travail des adultes, notamment le travail de leur père, parce qu’en réalité, les<br />

enfants donnent une valeur différente au travail des adultes selon le sexe : les hommes sont<br />

« obligés » de travailler, car ils sont censés être les pourvoyeurs économiques de la famille,<br />

tandis que les femmes ont le « choix », leur travail n’étant souvent pas essentiel pour la<br />

famille, et donc surtout légitimé en cas d’urgence familiale. Certains garçons pensent même<br />

que les mères ont leur place dans le ménage comme femmes au foyer. En ce sens, nos<br />

interviewés ne considèrent pas comme un vrai travail celui qu’exercent les enfants, sauf s’ils<br />

sont des travailleurs économiques à temps complet ou déscolarisés.<br />

A ce propos, la perception sur le travail est hétérogène. Si le « travail » représente l’activité<br />

principale d’une personne, il est alors vu comme inapproprié à l’enfance, parce que dans le<br />

monde du travail les enfants sont exposés davantage que les adultes à divers risques qui<br />

peuvent nuire à leur bon développement. Les enfants travailleurs sont juridiquement démunis.<br />

C'est pourquoi il vaut mieux attendre l’âge de la majorité pour intégrer le marché du travail<br />

avec tous les avantages légaux. Mais le principal problème que pose le travail, de ce point de<br />

vue, résulte du fait qu’il est considéré comme opposé à la scolarisation, sous l'idée que les<br />

enfants qui travaillent sont déscolarisés, et donc que ces enfants sont en désavantage pour<br />

faire face à la vie, par rapport à leurs pairs scolarisés et non travailleurs.<br />

Lorsque l’on parle du travail des enfants dans un cadre familial, la perception des enfants<br />

change. Ce type de travail est considéré en général comme une « aide », et il est plutôt bien<br />

accepté, voire apprécié. Dans l’idée des interviewés non concernés par ce type de travail, ces<br />

enfants travaillent juste de temps en temps, continuent leurs études, et sont à l’abri de tous les<br />

risques. C’est-à-dire qu’ils restent en accord avec le modèle de l’enfance moderne, bien<br />

197


apprécié. En l’occurrence, le travail perd de sa valeur économique pour gagner d’autres<br />

avantages : socialisation, solidarité, formation, meilleure utilisation du temps périscolaire, etc.<br />

Par contre, quand on parle des enfants travailleurs dans les rues, la désapprobation est presque<br />

unanime, étant donné que ces enfants sont totalement écartés du modèle idéal. Ils vivent en<br />

dehors des deux domaines sociaux qui hébergent l’enfance : la famille et l’école. Et ce n’est<br />

pas l’action de travailler qui dérange les interviewés, ce sont les conditions de travail qui sont<br />

mises en cause, surtout l’exposition des enfants aux périls de la rue, un espace inapproprié aux<br />

jeunes personnes.<br />

Enfin, au sujet du travail ménager, la perception des interviewés révèle de flagrantes iniquités<br />

de genre et de génération au sein familial. Il s’agit d’activités peu valorisées et peu<br />

valorisantes qui sont censées être accomplies selon une hiérarchie « sociale » par sexe et par<br />

âges, où les femmes-adultes se trouvent à l’avant, tandis que les hommes-adultes à l’arrière,<br />

les filles et les garçons occupant les places centrales. Une activité nécessaire à la vie familiale<br />

qui fait partie des devoirs propres à l’enfance ; et dans ce sens, il s’agit d’un moyen de<br />

rétribuer les parents de toutes leurs attentions, une manière d’apprendre aussi la solidarité et la<br />

coopération ; en plus, c’est une activité formatrice de bonnes habitudes personnelles.<br />

Nous pouvons alors supposer qu’une partie de la société mexicaine tolère grosso modo le<br />

travail des enfants, malgré les oppositions officielles. Car notre étude sur la représentation<br />

sociale du travail des enfants confirme que, dans les classes populaires, le travail des enfants<br />

n’a pas toujours une mauvaise image. Une position qui n’est pas étonnante à la lumière de<br />

l’histoire moderne du Mexique. En effet, après la Révolution mexicaine de 1910, l’Etat a<br />

favorisé le travail des enfants pauvres à travers ses programmes politiques et sociaux. Le<br />

projet de reconstruction du pays visait à la transformation des Mexicains, pour qu’ils<br />

s’adaptent à l’ère de la modernisation (l’industrialisation, l’urbanisation et la croissance<br />

économique). Ainsi, le Mexicain « était censé être scolarisé, travailleur, économe, sain et un<br />

bon consommateur ; sous ces idées se sont configurées les nouvelles politiques envers<br />

l’enfance. Les enfants des classes moyennes et aisées ont été orientés à devenir les futurs<br />

professionnels, et les enfants des secteurs populaires on les a dirigés vers le chemin du travail<br />

manuel. Les projets pour les enfants pauvres ont cherché à développer en eux le plaisir et les<br />

compétences du travail, mais aussi les formes d’expression orale, les manières, les normes,<br />

les patrons de consommation et les stéréotypes propres aux classes moyennes. Les institutions<br />

scolaires et de contrôle social ont été loin de remettre en question le travail des enfants, elles<br />

198


l’ont utilisé au contraire comme une ressource qui servirait pour arriver à un objectif : faire<br />

de l’enfance de classes populaires une enfance disciplinée, saine, vigoureuse, travailleuse,<br />

défenseur de l’éthique du travail et productive. » 298 (Sosenski, 2010 : 16). Pendant la première<br />

moitié du XXe siècle, les débats nationaux sur le travail des enfants se sont consacrés plus à la<br />

régularisation et à l’amélioration des conditions de travail qu’à sa pertinence, voire à son<br />

éradication (Sosenski, 2010). Des débats qui restent encore tout à fait d’actualité dans les<br />

propos des précurseurs du droit international au travail pour les enfants (Liebel, 2003 ; Leroy,<br />

2009).<br />

Selon les résultats de ces deux derniers chapitres, dans la vie quotidienne actuelle les<br />

conditions socioéconomiques et culturelles, ainsi qu’idéologiques permettent aux enfants de<br />

trouver une place comme travailleurs, même si leur participation active peut ne pas être<br />

appréciée comme un travail. Mais au-delà des conditions structurelles, les enfants comme<br />

membres d’une famille et comme individus à part entière, ont une marge de liberté pour<br />

travailler ou non, selon leurs conditions familiales et leurs caractéristiques individuelles, ce<br />

que nous essayerons de montrer par la suite.<br />

298 Traduction de l’auteur. « (…) debía ser escolarizado, trabajador, ahorrativo, saludable y un buen consumidor;<br />

bajo estas premisas se configuraron las nuevas políticas hacia la infancia. Los niños de las clases medias y altas<br />

fueron orientados a convertirse en los futuros profesionistas y a los niños de los sectores populares se los<br />

encauzó hacia la senda del trabajo manual. Los proyectos para los niños pobres buscaron desarrollar en ellos el<br />

gusto y las habilidades del trabajo, pero también las formas de expresión oral, los modales, las normas, los<br />

patrones de consumo y los estereotipos propios de las clases medias. <strong>La</strong>s instituciones escolares y de control<br />

social estuvieron lejos de cuestionar el trabajo infantil y por el contrario, apelaron a éste como un recurso que<br />

servía para lograr un fin: hacer de la infancia de los sectores populares una infancia disciplinada, sana, vigorosa,<br />

trabajadora, defensora de la ética del trabajo y productiva. »<br />

199


200


PARTIE II<br />

<strong>La</strong> place du travail dans la vie quotidienne des enfants<br />

201


202


CHAPITRE V<br />

Activités des enfants mexicains dans les grandes villes<br />

Tout d’abord, il est nécessaire de souligner qu’en 2007, moment de référence de nos sources<br />

de données, l’ENOE estime la population du Mexique à 106 millions de personnes, 299 dont<br />

49,5% (52 millions) habitent en milieu urbain. Par ailleurs, 37% de la population nationale est<br />

âgée de moins de 18 ans (39 millions), de telle sorte qu'un Mexicain sur deux appartient à un<br />

ménage urbain avec au moins une personne âgée de moins de 18 ans. Or, concernant notre<br />

population d’intérêt (les 6 à 17 ans), ils représentent à peu près un quart de la population<br />

totale du pays, dont 44,4% résident en milieu urbain. C’est-à-dire que les EAJ urbains<br />

constituent 11% de la population totale du pays, soit à peu près 12 millions. 300<br />

Il est donc évident que tout ce qui concerne les moins de 18 ans prend une importance<br />

majeure. Et l’attention aux besoins sociaux essentiels des enfants, tels que la santé et la<br />

scolarisation, implique un vrai défi pour le gouvernement, mais aussi pour une grande partie<br />

des familles concernées qui ont des moyens restreints pour y répondre.<br />

Cependant, dans les grandes villes, l’offre scolaire publique, en termes quantitatifs, semble<br />

correcte pour faire face à la demande scolaire qui correspond à l’enseignement obligatoire<br />

constitutionnellement : primaria et secundaria (respectivement l’enseignement élémentaire et<br />

du premier cycle en France). 301 Ce qui représente neuf années de scolarisation qui<br />

correspondent aux âges de 6 à 14 ans. Or, la qualité de l’enseignement a été souvent mise en<br />

question, et le système éducatif national a montré d'énormes défaillances, la préoccupation de<br />

l’Etat se concentrant sur les chiffres plus que sur le contenu et la qualité de l’enseignement.<br />

C’est une situation qu’il faut avoir à l’esprit lorsque l’on parle de la scolarisation des enfants.<br />

299 Une estimation élaborée avec les données des divers recensements de population, dont le dernier utilisable<br />

pour 2007 était le comptage de population 2005.<br />

300 Selon les données les plus récentes, celles du recensement de population 2010, parmi les 112 millions de<br />

Mexicains, 48% habitent en milieu urbain. Les moins de 18 ans représentent 35% de la population totale, et les 6<br />

à 17 ans représentent 24%.<br />

301 Une situation qui est différente dans les localités rurales, où certaines communes ne comptent même pas avec<br />

l’accès au collège.<br />

203


Dans les discours officiels, le Mexique suit la vision moderne d’enfance. Etudier est censé<br />

être l’activité privilégiée chez les enfants, et le travail est légalement limité. Mais dans la<br />

pratique, un tel modèle a du mal à s’instituer dans un pays où les conditions<br />

socioéconomiques et culturelles ne sont pas adéquates pour y répondre de manière générale.<br />

Dans les faits, de nombreux enfants mexicains accomplissent leur rôle principal d’écoliers,<br />

mais leur temps périscolaire, qui est assez long, est utilisé de manière très diverse, selon les<br />

nécessités et les possibilités personnelles, familiales et sociales. Le travail, domestique ou<br />

extradomestique, familial ou non, trouve parfois une place importante dans le quotidien des<br />

enfants. Les raisons sont aussi variées que les activités qu’ils développent. <strong>La</strong> réalisation de<br />

chaque activité peut répondre à un besoin personnel ou familial, mais toujours lié au contexte<br />

socioculturel et économique. Quelques-uns consacrent une partie de leur temps périscolaire à<br />

des activités de formation formelle, à bénéfice personnel, proposées par des institutions<br />

d’accueil aux enfants, comme préconisé par l’idée moderne d’enfance. Mais ces cas restent<br />

rares, car l’offre est assez limitée dans le secteur public, et plutôt inaccessible<br />

(économiquement) dans le secteur privé pour la plupart des enfants. Par conséquent, la vie des<br />

enfants des secteurs aisés peut bien répondre à la perception moderne d’enfance, mais au fur<br />

et à mesure que les conditions socioéconomiques des familles se détériorent, la pertinence de<br />

cette perception s’estompe, elle reste comme un modèle idéal, en termes d’utopie. De sorte<br />

qu’au Mexique l’enfance n’a pas un sens unique, l'on peut surtout parler d'enfances, qui<br />

illustrent bien l’hétérogénéité et la diversité culturelles qui caractérisent la population, ainsi<br />

que les iniquités socioéconomiques qui persistent. Et parmi une partie de la population, les<br />

enfants ont une marge de participation plus vaste, même si la scolarisation reste à une place<br />

prioritaire.<br />

V.1. <strong>La</strong> scolarisation de la population urbaine de 6 à 17 ans.<br />

Selon le MTI, effectivement, la plupart des EAJ urbains au Mexique sont scolarisés : neuf sur<br />

dix. Mais cette activité n’est pas la seule dans la vie quotidienne des EAJ. Ils réalisent aussi<br />

d’autres activités, au moins une heure par semaine, comme faire des tâches ménagères (laver<br />

le linge, repasser, préparer et servir les repas, balayer, faire les courses…), 68% ; s’occuper<br />

des malades, des jeunes enfants ou des personnes âgées du même ménage sans rémunération,<br />

6,3% ; ou à travailler dans une activité économique 9,3%. Mais le temps consacré à chacune<br />

204


de ces activités n’est pas le même. 302 Ainsi, étudier n’est pas seulement l’activité la plus<br />

réalisée par les EAJ, mais aussi celle qui occupe le plus de temps : en moyenne 34 heures par<br />

semaine. C’est pourquoi elle est considérée comme leur activité principale. Pour leur part, les<br />

tâches domestiques occupent un temps plutôt « modeste » pour ceux qui les réalisent : 9<br />

heures en moyenne par semaine. Enfin, le travail extradomestique, qui est l’activité la moins<br />

fréquente parmi les 6 à 17 ans, est une activité qui occupe un temps considérable dans la vie<br />

de ceux qui sont concernés : 30 heures en moyenne par semaine.<br />

Le degré de participation et le temps dédié à chaque activité varient selon l’âge et le sexe des<br />

EAJ. En général, le temps consacré aux diverses activités augmente avec l’âge. Ainsi, les EAJ<br />

ont de moins en moins de temps pour les loisirs et le repos, notamment les garçons. Et l’on<br />

constate une division traditionnelle des rôles par sexe, notamment à partir de 12 ans.<br />

Etudier est l’activité la plus importante chez les enfants de 6 à 17 ans urbains. L’histogramme<br />

du graphique 5, illustre la proportion (%) d’EAJ scolarisés selon les âges et le sexe.<br />

Néanmoins, un processus de déscolarisation commence surtout à partir de 12 ans, ce qui<br />

coïncide avec la fin de l’instruction élémentaire (primaria), qui est incontestablement<br />

indispensable dans la vie, car l’on y apprend à lire, à écrire et les bases des mathématiques.<br />

L’on constate sur le graphique 5 que la fréquentation à l’école avant 12 ans est pratiquement<br />

universelle. Mais au moment de passer au niveau scolaire suivant (secundaria), la<br />

fréquentation de l’école diminue progressivement avec l’âge. Ainsi, chez les enfants âgés de<br />

12 à 14 ans, presque 10% abandonnent l’école, alors que la scolarisation à ces âges-là a<br />

encore le statut obligatoire et gratuit. Bien évidemment, lorsque la scolarisation n’est plus<br />

obligatoire et surtout gratuite, la déscolarisation s’intensifie. A 17 ans, seulement six jeunes<br />

sur dix sont scolarisés, un résultat à souligner du fait que les écarts par sexe sont faibles, mais<br />

toujours favorables aux filles. L’on peut alors dire que, parmi les nouvelles générations,<br />

l’égalité de genre face à la scolarisation s’est installée en milieu urbain au Mexique.<br />

Les défaillances du système scolaire, le népotisme abusif qui domine le marché du travail<br />

formel, ainsi que l’étendue du secteur informel, en plus de la précarité familiale, sont<br />

sûrement à l’origine de l’abandon scolaire précoce. Depuis quelques années, l’école a du mal<br />

à accomplir son objectif d’intégration et d’ascension sociale, ainsi que de réussite<br />

302 Pour des raisons pratiques, nous groupons dans une seule catégorie, nommée « tâches domestiques », les<br />

tâches ménagères et la garde d’autres personnes du ménage.<br />

205


économique. Les bénéfices de la scolarisation, notamment économiques, sont donc en<br />

concurrence directe avec ceux du travail et de l’apprentissage non officiel dès un très jeune<br />

âge, notamment chez les enfants issus des familles non aisées qui ont des ressources<br />

économiques et des réseaux sociaux assez limités pour se permettre de réaliser de longues<br />

études sans une garantie de décrocher un poste à la hauteur.<br />

206<br />

Graphique 5. Pourcentage d’EAJ scolarisés et nombre moyen d'heures par semaine<br />

dédié aux études, par âges et sexe<br />

Etudiants (%)<br />

100,0<br />

90,0<br />

80,0<br />

70,0<br />

60,0<br />

50,0<br />

40,0<br />

30,0<br />

20,0<br />

10,0<br />

0,0<br />

6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

Age<br />

Histogramme (%) Lignes (h)<br />

Temps (h)<br />

Garçon Fille Garçon Fille<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Concernant le temps dédié à étudier, les différences par sexe sont pratiquement inexistantes.<br />

Sur le graphique 5, le temps consacré aux études, par sexe et âges, est représenté par des<br />

lignes. L’augmentation du temps d’études observée au fur et à mesure que l’âge augmente est<br />

sûrement liée aux différents horaires scolaires en fonction de l’âge. Il faut rappeler que les 6 à<br />

11 ans sont censés passer 22,5 heures hebdomadaires à l’école, tandis que ceux âgés de 12 à<br />

17 ans passent autour de 30 heures.<br />

45<br />

40<br />

35<br />

30<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0


Selon le MTI, l’abandon scolaire répond à des problèmes liés surtout à la demande 303 plus<br />

qu’à l’offre (Tableau 11). Sur les 935 476 EAJ qui ont déclaré ne pas fréquenter l’école,<br />

seulement 1,8% évoque une raison liée directement à l’offre : l’école est loin, l’école n’est pas<br />

un lieu sûr, l’enfant y a souffert de violence ou de discrimination, l’école n’est pas utile. Le<br />

reste a des raisons liées soit à la famille (23,9%), soit directement à l’enfant (63%).<br />

Tableau 11. Répartition (%) de la population urbaine de 6 à 17 ans<br />

qui ne fréquente pas l’école, selon les raisons de déscolarisation<br />

Raisons de déscolarisation Domaine %<br />

L’école est loin 0,6<br />

L’école n’est pas un lieu sûr pour lui ou elle<br />

L’enfant a souffert de violence ou de discrimination à l’école<br />

L’offre<br />

0,4<br />

0,6<br />

L’école n’est pas utile pour le futur<br />

0,2<br />

Il (elle) a redoublé l’année ou a été expulsé(e) ou suspendu(e) 6,8<br />

Il ou elle n’aime pas étudier 45,5<br />

Maladie ou accident<br />

Grossesse<br />

Individuelle<br />

1,7<br />

2,3<br />

Mariage ou union 3,5<br />

Handicap physique ou mental<br />

3,2<br />

Il n’y avait pas d’argent pour payer l’école 18,8<br />

Il était nécessaire d’apporter de l’argent à la maison 2,9<br />

Il n’y avait personne d'autre pour faire les tâches ménagères 0,1<br />

Il n’y avait personne d'autre pour s’occuper des enfants, personnes<br />

âgées ou malades<br />

Familiale 0,8<br />

Le père ou le tuteur ne le permet pas 0,4<br />

Migration familiale de travail<br />

0,9<br />

Autres Autres 11,0<br />

Total<br />

N<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

100,0<br />

935 476<br />

L’une des causes apparemment familiales est aussi liée à un problème d’offre : « Il n’y avait<br />

pas d’argent pour payer l’école ». Parce que pour les niveaux scolaires non obligatoires<br />

constitutionnellement (soit à peu près à partir de l’âge de 15 ans), l’offre du secteur public est<br />

assez restreinte et pas toujours de bonne qualité, les options de scolarisation pour les jeunes se<br />

limitant plutôt au secteur privé. Une alternative qui dans beaucoup de cas signifierait une<br />

lourde charge économique pour la famille, qui n’est pas en mesure d’assumer de tels frais,<br />

malgré l’envie des enfants de continuer leurs études. A ce moment-là, une option pour ces<br />

enfants est de travailler pour assumer leurs propres frais de scolarisation. Ce qui n’est pas<br />

toujours évident vu la différence entre le prix d’inscription aux écoles privées et le niveau des<br />

303 <strong>La</strong> demande dans un sens de l’origine du problème (qui sollicite ?), et non la demande scolaire en termes de la<br />

dimension familiale à partir de ses caractéristiques, comme terme utilisé par : Pilon et al., 2001 ; Kobiané, 2001 ;<br />

Buchmann et Hannum, 2001.<br />

207


salaires sur le marché du travail. Ou bien, une autre option est d’attendre le cycle scolaire<br />

suivant pour essayer, une fois de plus, de trouver une place en école publique, ce qui peut<br />

prendre des années. Et pendant cette attente, les enfants sont alors censés chercher une<br />

occupation apparemment temporaire. Avec tous les inconvénients qu’une telle démarche peut<br />

avoir dans la formation de ces enfants, qui en général s’investissent dans des activités peu<br />

qualifiées (vendeurs, serveurs, aides…), une occupation qui parfois finit par devenir<br />

permanente. Ou bien ils ne font rien de spécial ou de concret. Enfin, parfois ils terminent pour<br />

faire une formation courte ou semi-qualifiée, où c’est possible.<br />

Par ailleurs, il est aussi pertinent de souligner l’importance des enfants qui ont d’« autres »<br />

raisons inconnues de déscolarisation (11%), une catégorie qui fréquemment cache des enfants<br />

travailleurs. Car, vu que le travail des enfants a une mauvaise réputation lorsqu’il est<br />

accompagné d’une déscolarisation, et qu’il est illégal avant 14 ans, les personnes ont du mal à<br />

reconnaître ouvertement cette activité comme une cause de la déscolarisation. A ce propos,<br />

une précision s’impose sur l’information disponible dans le MTI. Seulement 5,3% des enfants<br />

qui font partie de l’enquête ont répondu directement aux enquêteurs. <strong>La</strong> plupart des<br />

informateurs sont le chef du ménage ou son conjoint (85%). Alors, d’une part, il est plausible<br />

que les parents justifient la déscolarisation des enfants en responsabilisant les propres enfants,<br />

même si ce n’est pas le cas. D’autre part, si l’on croit à ces réponses, certains enfants ont une<br />

grande liberté d’action et de décision sur leur vie dès un très jeune âge. En tout cas, avec les<br />

données disponibles, il est difficile de déterminer le type de relation entre la déscolarisation et<br />

le travail : quelle a été la cause et quelle est la conséquence ? De même, s'il existe une<br />

complémentarité entre le travail et la scolarisation, lorsque l’une sert à continuer l’autre.<br />

Enfin, les informateurs peuvent donner des réponses qui appartiennent plus à la norme qu’à la<br />

pratique vu qu'il s’agit d’un sujet sensible. Cependant, le sujet restera toujours délicat à traiter<br />

et donc vulnérable à ces problèmes de déclaration, ce qui demande de continuer à chercher<br />

des outils méthodologiques plus appropriés pour approcher ces enfants directement et ainsi<br />

diminuer les biais. Mais cela n’empêche pas de continuer à travailler avec les données<br />

disponibles en faisant attention aux résultats. En plus, évidemment, tout n’est pas faux, et les<br />

résultats peuvent servir de pistes, à défaut d’évidences, ce qui représente déjà un progrès<br />

important à propos d’un sujet dépourvu d’éléments d’analyse.<br />

208


V.2. Les tâches domestiques.<br />

En plus de la scolarisation, les tâches domestiques font aussi partie des activités courantes<br />

dans la vie des enfants, mais le degré de participation est fort différent selon le sexe et l’âge<br />

(Graphique 6). Comme attendu, les filles participent toujours plus que les garçons. Et leur<br />

participation est plus fréquente en grandissant, surtout à partir de 12 ans. Les garçons trouvent<br />

leur participation la plus importante de 12 à 14 ans (75%), et par la suite, ils sont de moins en<br />

moins concernés, de sorte que, de 15 à 17 ans, la différence dans la participation par sexe est<br />

importante (70% chez les garçons et 91% chez les filles).<br />

Graphique 6. Pourcentage d'EAJ qui réalise des tâches domestiques et<br />

nombre moyen d’heures par semaine dédié à ces activités, par âges et sexe<br />

EAJ qui réalisent des tâches<br />

domestiques (%)<br />

100,0<br />

90,0<br />

80,0<br />

70,0<br />

60,0<br />

50,0<br />

40,0<br />

30,0<br />

20,0<br />

10,0<br />

0,0<br />

6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

Age<br />

Histogramme (%) Lignes (h)<br />

Temps (h)<br />

Garçon Fille Garçon Fille<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Pour ce qui est du temps, même si la participation des EAJ aux tâches domestiques est assez<br />

fréquente, en général, cette activité ne leur prend pas beaucoup de temps (Graphique 6), ce<br />

qui permet aussi de la combiner « aisément » avec la scolarisation. Les filles dédient toujours<br />

plus de temps que les garçons à cette activité, mais les écarts par sexe s’accentuent à partir de<br />

11 ans. Ainsi, les filles de 17 ans consacrent le double de temps que les garçons<br />

(respectivement 17 et 8 heures en moyenne) aux tâches domestiques, tandis qu’à 10 ans, par<br />

45<br />

40<br />

35<br />

30<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

209


exemple, la différence est seulement d’une heure hebdomadaire : respectivement 7 et 6<br />

heures.<br />

V.3. Le travail extradomestique.<br />

Enfin, moins fréquent que la participation aux tâches ménagères ou à étudier, le travail<br />

extradomestique est une activité non négligeable chez les EAJ, elle concerne un EAJ sur dix.<br />

Mais pour la plupart, ce sont les 12 ans et plus, et notamment les garçons, qui s’investissent<br />

(histogramme du graphique 7). En effet, 40% des garçons de 17 ans réalisent un travail<br />

extradomestique, tandis que chez les filles du même âge la proportion est de 20%. Chez les<br />

plus jeunes, le travail extradomestique est peu fréquent, mais il existe déjà à 6 ans. Après la<br />

scolarisation, c’est le travail extradomestique qui demande le plus de temps à ceux qui sont<br />

concernés.<br />

210<br />

Graphique 7. Pourcentage d’EAJ qui réalise un travail extradomestique<br />

et heures moyennes par semaine dédiées au travail extradomestique, par âge et sexe<br />

EAJ travailleurs extradomestiques<br />

(%)<br />

100,0<br />

90,0<br />

80,0<br />

70,0<br />

60,0<br />

50,0<br />

40,0<br />

30,0<br />

20,0<br />

10,0<br />

0,0<br />

6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

Age<br />

Histogramme (%) Lignes (h)<br />

Temps (h)<br />

Garçon Fille Garçon Fille<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

En général, les garçons investissent plus de temps que les filles, notamment à partir de 12 ans<br />

(Graphique 7, lignes). Et le temps augmente notablement avec leur âge, ainsi que l’écart entre<br />

les sexes, de manière que les garçons de 15 à 17 ans qui travaillent consacrent un peu plus de<br />

45<br />

40<br />

35<br />

30<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0


temps à cette activité que celui que les garçons élèves exclusifs dédient à leur scolarisation.<br />

Les jeunes travailleurs de 15 à 17 ans ont souvent des travaux à plein temps, ce qui est tout à<br />

fait cohérent avec l’importante déscolarisation observée à partir de 14 ans, et aussi au fait que<br />

l’âge légal pour travailler commence à 14 ans. A ce propos, il n’est pas clair si le travail est à<br />

l’origine de la déscolarisation, s’il est une limitation ; ou au contraire, si le travail est une<br />

option à l’impossibilité de continuer la scolarisation pour des raisons personnelles ou<br />

familiales que nous avons déjà évoquées (et qui est aussi en relation au nombre limité de<br />

places en école publique). Pour leur part, les enfants de 12 à 14 ans travaillent plutôt à mi-<br />

temps (entre 15 et 20 heures en moyenne par semaine), et ceux de 6 à 11 ans travaillent<br />

relativement peu, mais de manière quotidienne (à peu près une heure par jour). Une situation<br />

qui tient au fait que la plupart des enfants travailleurs âgés de moins de 15 ans continuent leur<br />

scolarisation.<br />

Mais, les EAJ dédient souvent au moins une heure hebdomadaire à deux ou trois de ces<br />

activités au quotidien (Tableau 12) et seulement 27% des EAJ a une activité exclusive,<br />

principalement étudier. 304 Ceux qui s'investissent de manière exclusive aux tâches<br />

domestiques ou au travail extradomestique, soit ceux qui sont déscolarisés, sont peu fréquents<br />

(respectivement 5% et 1,4%). Cependant, la situation varie selon le groupe d’âges et le sexe.<br />

En grandissant, les EAJ se consacrent de moins en moins à étudier exclusivement, surtout les<br />

filles.<br />

V.4. <strong>La</strong> combinaison des activités.<br />

<strong>La</strong> combinaison d'activités la plus fréquente est « Etudier et tâches domestiques » (57%) ; elle<br />

suit un comportement en forme de courbe en cloche, avec son maximum de 12 à 14 ans pour<br />

les deux sexes, mais toujours avec une présence relative plus élevée des filles. <strong>La</strong> perte<br />

d’importance de cette catégorie parmi les 15 à 17 est encore sûrement liée à la déscolarisation<br />

considérable à partir de 14 ans. Par contre, toutes les autres situations tendent à augmenter au<br />

fur et à mesure de leur âge, et la concentration sur une seule activité s’intensifie, chez les<br />

garçons, spécialement ce qui concerne le travail extradomestique, et chez les filles les tâches<br />

domestiques. Par conséquent, chez les jeunes de 15 à 17 ans, la participation des filles et des<br />

304 Les enfants qui ne dédient même pas une heure hebdomadaire aux tâches domestiques ou au travail<br />

économique.<br />

211


garçons aux diverses activités est assez dissemblable. Par exemple, 9% des jeunes garçons se<br />

consacrent au travail extradomestique, et 14% à l’école, tandis que, chez les jeunes filles à<br />

peine 1 et 5% respectivement. En revanche, les filles participent davantage que les garçons<br />

aux tâches domestiques, soit de manière exclusive (respectivement 17 et 7%), soit en<br />

combinaison avec l’école (respectivement 60 et 47%). Il est évident que depuis un jeune âge<br />

se profilent déjà les rôles traditionnellement masculins et féminins.<br />

212<br />

Tableau 12. Répartition (%) des enfants selon le type d’activité qu’ils réalisent au moins une<br />

heure par semaine, selon les groupes d’âges et le sexe<br />

Activités<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans 6 à 17 ans<br />

Garçon Fille Garçon Fille Garçon Fille Total<br />

% % N<br />

Etudier 45,8 41,5 19,5 10,1 13,9 5,3 27,2 3 273 194<br />

Tâches domestiques 1,1 1,5 4,5 4,6 6,6 16,7 4,9 585 513<br />

Travail extradomestique 0,0 0,0 1,2 0,1 8,6 0,8 1,4 169 135<br />

Etudier<br />

domestiques<br />

et tâches<br />

Etudier et travail<br />

extradomestique<br />

Tâches domestiques et<br />

travail extradomestique<br />

Tâches domestiques,<br />

travail extradomestique et<br />

étudier<br />

Autres activités<br />

(Réparation ou construction<br />

domestique, et bénévolat)<br />

49,4 53,9 65,8 77,4 46,9 60,2 57,3 6 886 450<br />

0,8 0,3 2,3 0,8 4,0 1,3 1,4 163 215<br />

0,1 0,1 1,1 0,8 9,6 8,0 2,6 313 551<br />

1,6 1,7 4,3 4,9 7,9 6,8 3,9 473 085<br />

0,0 0,0 0,0 0,2 0,2 0,1 0,1 10 114<br />

Aucune 0,4 0,3 0,9 0,4 1,6 0,4 0,6 70 646<br />

Non spécifié 0,7 0,8 0,4 0,6 0,7 0,4 0,6 75 128<br />

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 12 020 031<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Enfin, à propos des EAJ qui ne réalisent aucune des activités analysées et qui apparemment ne<br />

font « rien » (la catégorie « Aucune » : ni études, ni travail, ni tâches domestiques), il faut<br />

donner certains éclaircissements. En analysant plus en détail ce groupe de population, qui<br />

concerne 70 646 EAJ, nous trouvons que cette condition peut être conjoncturelle, car elle<br />

correspond à un moment bien spécifique : l’année scolaire de la semaine de référence de<br />

l’enquête. Des facteurs divers peuvent en être à l’origine, dont quelques-uns sont temporaires<br />

(Tableau 12). En l’occurrence, l’on trouve qu’ils ne fréquentaient pas l’école à ce moment à<br />

cause d’une maladie ou d’une grossesse (8%). Des raisons intemporelles, comme un


handicap, sont aussi présentes (28%). Des explications qui pourraient justifier la non-<br />

réalisation d’autres activités à ce moment-là. Le reste des EAJ ont reconnu une<br />

déscolarisation pour des raisons personnelles ou familiales, principalement parce qu’ils<br />

n’aiment pas l’école (27%), ou à cause d’une mauvaise performance scolaire (2%), et d’un<br />

manque d’argent pour payer l’école 305 (15%). Des situations qui visiblement n’empêcheraient<br />

pas de participer à d’autres activités. Et pourtant, ils déclarent ne rien faire. Enfin, en écartant<br />

les enfants dans une situation « légitime » d’inactivité, le chiffre des EAJ qui ne font « rien »<br />

peut être autour de 44 000. Ce qui est quand même inquiétant, à un stade de la vie où l’on<br />

peut normalement participer aux diverses activités et à une période de formation. En analysant<br />

ces EAJ, l’on trouve que 54% sont des garçons âgés de 14 à 17 ans. Mais en général, il s’agit<br />

de garçons de tous âges (80%). A l’évidence, les filles « trouvent » davantage que les garçons<br />

une façon de s’occuper.<br />

Ces éclaircissements sont importants parce que depuis quelques années, au Mexique, a surgi<br />

une discussion politique. Il s’agit d’un problème qui touche surtout le groupe de jeunes âgés<br />

de 15 à 29 ans qui n’étudient pas et ne travaillent pas, et que l’on a nommé les « ninis ». 306<br />

Les données à ce propos différent selon les sources. Ainsi le recteur de l’<strong>Université</strong> Nationale<br />

Autonome du Mexique, UNAM, estime que dans le pays il y a 7,5 millions de ninis, tandis<br />

que le gouvernement fédéral affirme qu’il s’agit de 285 000 (Norandi, 2010). Des chiffres qui<br />

expliquent la préoccupation portée à ce groupe, censé être en période de pleine activité<br />

scolaire ou de travail. Mais, la discussion reste plutôt dans le domaine politique et médiatique,<br />

se concentrant sur des problèmes sociaux attachés aux jeunes comme le manque d’offre<br />

scolaire publique dans les niveaux medio superior et superior, le chômage et les iniquités de<br />

genre (Olivares Alonso, 2011). Or, tout récemment, la préoccupation sur ce groupe de la<br />

population s’est aussi faite présente au sein de l’Organisation des Etats Américains, OEA. Le<br />

secrétaire général, José Miguel Insulza, a signalé que près de 38 millions de jeunes en<br />

Amérique latine ne travaillent pas et n'étudient pas, en mettant l’accent sur le risque couru par<br />

ces jeunes, face à la criminalité croissante dans la région (Insulza, 2011). Une telle<br />

problématique a attiré des chercheurs qui ont commencé à s’exprimer sur le sujet (Norandi,<br />

305 Dans ce dernier cas, il s’agit notamment des jeunes de 15 à 17 ans (80%), alors qu’ils sont censés être inscrits<br />

au lycée, qui est un cycle non obligatoire, et dont l’offre publique est assez limitée. Comme évoqué plus haut,<br />

une grande partie de jeunes qui veulent continuer leurs études n’ont que l’option d’étudier dans une école privée.<br />

Ce qui devient cher pour certaines familles, qui préfèrent tenter leur chance l’année suivante. Et en attendant, le<br />

jeune reste déscolarisé.<br />

306 Le terme « ninis » provient du fait qu’il s’agit des enfants qui « ni estudian ni trabajan » (n’étudient pas et ne<br />

travaillent pas).<br />

213


2010 ; Camacho Servín, 2011), qui demande à être approfondit d’un point de vue scientifique<br />

plus que politique, mais qui dépasse les objectifs de notre thèse. En plus, il s’agit d’un groupe<br />

de la population différent à celui de notre étude, même si une partie est concernée.<br />

Conclusion<br />

Encore une fois, nous constatons que la vie des EAJ est fortement régie par l’organisation<br />

scolaire. En effet, pendant la période qui correspond à la primaria (l’école élémentaire), de 6<br />

à 11 ans, la plupart des enfants mènent une vie, qui s'accorde à l'idée moderne d’enfance,<br />

consacrée davantage à l’école et éloignée du travail économique, avec une participation active<br />

mais discrète dans les tâches domestiques, sans différence importante par sexe. Mais, malgré<br />

le caractère obligatoire de la scolarisation jusqu’à 14 ans, à partir du moment où les enfants<br />

passent à secundaria (collège), soit vers l’âge de 12 ans, les enfants s’éloignent<br />

progressivement de ce modèle idéal. Dans la pratique, le travail se fait de plus en plus<br />

fréquent, la déscolarisation commence à augmenter pour diverses raisons, et les rôles de genre<br />

commencent à marquer le quotidien des enfants. Les filles participent plus que les garçons<br />

aux tâches domestiques et y investissent plus de temps qu’eux, tandis que les garçons sont<br />

concernés davantage par le travail économique. Ainsi, après l’âge de 14 ans, lorsque les<br />

enfants ont légalement le droit de travailler et que la scolarisation n’est plus obligatoire, une<br />

proportion importante d’enfants travaille. De manière qu’à 17 ans, 40% de garçons et 20% de<br />

filles réalisent une activité économique, qui en moyenne prend respectivement 40 et 35 heures<br />

hebdomadaires ; soit un travail à plein temps. Les tâches domestiques représentent aussi une<br />

activité importante à cet âge-là, notamment chez les filles qui en moyenne consacrent plus de<br />

15 heures par semaine à ces activités. A mesure que l’âge augmente, la participation des EAJ<br />

est plus fréquente et intensive dans diverses activités, soit à l’intérieur du ménage, soit en<br />

dehors ; et l’importance de la scolarisation s’estompe nettement à partir de l’âge de 12 ans.<br />

Or, l'on peut dire que les filles participent, de plus en plus, aux activités d’intérêt commun au<br />

détriment de celles d'intérêt individuel, soit dans le travail domestique familial, tandis que les<br />

garçons, même s’ils passent des études au travail économique, restent plutôt dans une logique<br />

d’investissement pour un bénéfice individuel, même si cela peut bénéficier aussi à toute la<br />

famille.<br />

214


Pour finir avec ce chapitre, nous pouvons conclure à propos des activités des EAJ qu’étudier<br />

est l’activité généralisée chez les enfants. Une situation qui est totalement cohérente avec la<br />

perception d’enfance qui domine notre société, et qui demande aux enfants de se consacrer<br />

principalement à l’école, comme moyen de formation privilégié pour la vie adulte. Cependant,<br />

l’on a vu que de nombreux enfants participent quotidiennement aux activités de production et<br />

de reproduction sociale du ménage, en apportant ainsi une aide assez importante à la vie<br />

familiale et communautaire. Or, la participation des EAJ dans ces activités varie selon le sexe<br />

et l’âge, signe des iniquités de genre et de génération qui se façonnent depuis un très jeune<br />

âge. Nous en discuterons par la suite, en analysant la situation des enfants travailleurs dans les<br />

domaines domestique et extradomestique, en prenant comme exemple le cas des EAJ fils ou<br />

filles du chef de ménage, célibataires et sans progéniture.<br />

215


216


CHAPITRE VI<br />

Les enfants travailleurs domestiques familiaux<br />

« Loin de la curiosité de<br />

médias, la grosse majorité<br />

des enfants sont invisibles et<br />

leur travail inaperçu car<br />

dilué dans l’ensemble des<br />

activités familiales. »<br />

Leroy (2009 : 9).<br />

Par-delà du caractère éducatif que l’on peut attribuer à la réalisation des diverses tâches<br />

domestiques au sein du ménage, la vive participation des enfants à ces activités contribue plus<br />

ou moins de manière directe à la reproduction quotidienne du ménage. Le temps que les EAJ<br />

y consacrent libère les autres membres de la famille pour réaliser des activités alternatives :<br />

économiques, de loisir, de reproduction, etc. (Knaul, 2001 ; Mier y Terán et Rabell, 2001 ;<br />

Levison, Moe et Knaul, 2001) ; en permettant ainsi d’élargir l’éventail d’options d’action et<br />

de participation de tous les membres à l’intérieur et à l’extérieur du sein familial, les enfants<br />

sont donc des acteurs actifs dans la construction de la vie familiale. Mais évidemment, chez<br />

les enfants, la participation dans les tâches domestiques ne représente pas toujours une forme<br />

de travail proprement dit. C’est-à-dire que tous les enfants qui réalisent des tâches<br />

domestiques ne peuvent pas être considérés comme des travailleurs domestiques familiaux.<br />

Cela dépend du temps dédié, ainsi que d’autres conditions subjectives difficiles à mesurer et à<br />

repérer, comme le niveau de responsabilité qu’ils assument. Mais, quelles sont les conditions<br />

familiales qui augmentent la participation des EAJ aux tâches domestiques chez eux ?<br />

VI.1. Les tâches domestiques : de l’apprentissage au travail.<br />

Comme nous l'avons déjà montré plus haut, les caractéristiques individuelles des EAJ (âge et<br />

sexe) sont fondamentales pour expliquer leur participation aux diverses activités. Mais les<br />

particularités individuelles ne suffisent pas pour expliquer leur niveau d’investissement, parce<br />

que tout ce qui touche les enfants est fortement lié à la vie familiale, et ainsi, le degré de<br />

participation des EAJ en dépend. En l’occurrence, nous pouvons citer : la composition<br />

familiale en termes sociodémographiques (comme une approche du cycle de vie familiale) ;<br />

les caractéristiques du couple parental ; la position socioéconomique du ménage ; ainsi que le<br />

217


type de relations de genre et de génération qui prédominent. <strong>La</strong> participation des EAJ aux<br />

tâches domestiques ne semble pas échapper à cette importante relation entre l’enfant et la vie<br />

familiale. Cependant, comme activité très fréquente chez les enfants, le niveau de<br />

participation est influencé par des aspects bien spécifiques du milieu familial.<br />

VI.1.1. Le rôle de la famille sur la participation des enfants aux tâches domestiques.<br />

Nous considérons que la famille est le milieu où se structurent les premières relations<br />

intergénérationnelles et de genre, se développent les règles morales et sociales de conduite, et<br />

où se vivent la gratuité, la solidarité et la coopération, ainsi que les conflits. C’est pourquoi il<br />

est très important de prendre en compte le milieu familial des enfants, afin de comprendre la<br />

spécificité de la participation de chaque EAJ.<br />

Afin d’avoir une première idée sur la relation entre des aspects concrets du contexte familial<br />

et le niveau d’investissement des EAJ dans les tâches domestiques, nous commençons par<br />

faire une comparaison du nombre moyen d'heures par semaine que les enfants consacrent à<br />

cette activité, selon certaines caractéristiques bien spécifiques du ménage. L’ensemble des<br />

EAJ consacre 6 heures hebdomadaires en moyenne aux tâches domestiques.<br />

<strong>La</strong> composition du ménage<br />

Certains aspects de la composition du ménage semblent importants pour expliquer les<br />

variations dans le niveau de participation des EAJ. Même si en général ces variations sont<br />

parfois assez faibles. Tout d’abord, la taille du ménage est fondamentale. Il s’agit d’une<br />

question mathématique : un nombre réduit de personnes implique une majeure charge de<br />

travail pour chacun, dans l’hypothèse d’une distribution équitable des tâches, et si celles-ci<br />

sont accomplies seulement par les membres du ménage (Kono, 1977). Ainsi, les EAJ qui<br />

appartiennent à un ménage peu nombreux, de 2 personnes, en moyenne s’investissent<br />

beaucoup plus aux tâches ménagères que leurs pairs (Tableau 12). Cependant, ce type de<br />

ménage est assez rare. Ensuite, l’augmentation du nombre de personnes dans le ménage fait<br />

diminuer progressivement le nombre moyen d’heures que les EAJ consacrent aux tâches<br />

domestiques. Néanmoins, à partir de 6 personnes les ménages demandent, encore une fois, un<br />

peu plus d’investissement de la part des EAJ, pour arriver à un temps moyen de 7 heures<br />

218


hebdomadaires dans les ménages de 7 personnes et plus. Un niveau qui reste encore très<br />

inférieur à celui des EAJ qui vivent juste avec une autre personne (16 heures). Ainsi, les<br />

tailles extrêmes constituent un plus grand risque de travail pour les EAJ. En effet, la plupart<br />

des ménages nombreux ont un nombre considérable de jeunes enfants (de 0 à 5 ans). Et ces<br />

jeunes enfants ne participent guère aux tâches domestiques, par contre ils demandent une<br />

attention soutenue de la part des autres, et ils augmentent la charge de tâches domestiques au<br />

sein du ménage (OIT, 1990 ; Mier y Terán et Rabell, 2001). Or, la plupart des EAJ<br />

appartiennent à un ménage de 4 ou 5 personnes (61%), soit les ménages où le temps moyen<br />

consacré aux tâches domestiques est le plus court (5,5 heures).<br />

A l’évidence, en plus de la taille du ménage, il faut prendre en compte sa composition, quant à<br />

l'âge et au sexe de ses membres (Tableau 13). Car l’ensemble des besoins et des capacités du<br />

ménage en dépendent, et par conséquent, l’assignation de tâches à chaque membre de la<br />

famille, soit les stratégies familiales à suivre. Ainsi, nous trouvons que la présence d’enfants<br />

âgés de 0 à 5 ans ou de personnes âgées dans le ménage augmente le temps de participation<br />

des EAJ. De même qu’un plus grand nombre d’autres enfants de 6 à 17 ans. Il y a aussi une<br />

relation entre le nombre d’adultes et les heures moyennes que les EAJ consacrent aux tâches<br />

domestiques. Le type de ménage où les EAJ participent le moins à ces activités est celui où il<br />

y a 2 adultes (5,4 heures en moyenne), les ménages les plus communs. Et comme évoqué plus<br />

haut, un EAJ seul avec un autre adulte implique un majeur investissement du temps de<br />

l’enfant aux tâches domestiques que dans les autres types de familles.<br />

<strong>La</strong> distribution de tâches au sein du ménage ne dépend pas seulement de l’âge des personnes,<br />

où les relations de génération sont perceptibles. Il existe aussi des relations de genre qui se<br />

traduisent par une participation plus ou moins active des EAJ. Ainsi, en l’absence d’une<br />

femme adulte dans le ménage, les EAJ dédient plus de temps aux tâches domestiques : 9<br />

heures (Tableau 14). Là, l’enfant prend souvent cette responsabilité, en remplaçant la mère<br />

absente, qui est d’habitude la principale responsable de ces activités. Le père ou les autres<br />

hommes adultes du ménage peuvent participer ou non, mais, sans en prendre la responsabilité,<br />

en réponse à des raisons d’emploi du temps ou simplement de genre, cela dépend des familles.<br />

En revanche, l’absence d’un homme adulte n’est pas aussi décisive. Par contre, une présence<br />

nombreuse d’hommes adultes, à partir de 3, est plus contraignante (8 heures).<br />

219


220<br />

Tableau 13. Répartition (%) des EAJ et nombre moyen d'heures dédié<br />

aux tâches domestiques selon la composition du ménage par âges<br />

Composition du ménage<br />

EAJ dans ce type<br />

de ménage<br />

(%)<br />

Heures<br />

Moyennes<br />

Deux personnes<br />

Taille du ménage (Ego inclus) :<br />

1,7 16,0<br />

Trois personnes 9,9 7,2<br />

Quatre personnes 30,5 5,6<br />

Cinq personnes 30,7 5,5<br />

Six personnes 15,3 6,0<br />

Sept personnes et plus 11,9 6,8<br />

Aucun<br />

Nombre d’enfants de 0 à 5 ans :<br />

69,3 5,7<br />

Un ou deux 29,6 6,0<br />

Trois et plus 1,1<br />

Nombre d’EAJ de 6 à 17 ans (sans Ego) :<br />

6,7<br />

Aucun 27,7 5,7<br />

Un 40,8 5,7<br />

Deux 21,8 5,9<br />

Trois 7,4 6,1<br />

Quatre et plus 2,3<br />

Nombre d’adultes (18 ans et plus) :<br />

6,2<br />

Un 10,6 6,8<br />

Deux 64,3 5,4<br />

Trois ou plus 25,1 6,3<br />

Aucune<br />

Nombre de personnes âgées (80 ans et plus) :<br />

99,0 5,8<br />

Une ou Deux<br />

1,0 6,7<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0<br />

(10 070 536)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Tableau 14. Répartition (%) des EAJ et nombre moyen d'heures dédié aux tâches<br />

domestiques selon la composition du ménage par sexe des adultes<br />

EAJ dans ce type de<br />

Heures<br />

Composition du ménage ménage<br />

Moyennes<br />

(%)<br />

Nombre de femmes adultes :<br />

Aucune 1,1 9,1<br />

Une 80,1 5,7<br />

Deux 15,6 6,0<br />

Trois et plus 3,2 6,0<br />

Nombre d’hommes adultes :<br />

Aucun 12,5 6,6<br />

Un 72,8 5,4<br />

Deux 12,0 6,6<br />

Trois et plus 2,7 7,7<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0<br />

(10 070 536)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

5,8<br />

5,8


L’on peut supposer qu’à l’origine de cette plus grande participation des EAJ aux tâches<br />

domestiques, les raisons sont plutôt justifiées par des relations inégales de genre et de<br />

génération. <strong>La</strong> mère et les autres femmes adultes d’une famille partagent plus cette<br />

responsabilité avec les EAJ que les hommes adultes. Ainsi, les ménages où il y a une seule<br />

femme adulte et un seul homme adulte sont ceux où les EAJ dédient le moins de temps aux<br />

tâches domestiques. D’où l’importance d’analyser aussi la situation du couple parental (chef<br />

de ménage et son conjoint), qui dans notre cas correspond aux parents de l’enfant, dont le chef<br />

est souvent le père et le conjoint du chef, la mère.<br />

Le couple parental<br />

Les derniers résultats se confirment en analysant les caractéristiques du couple parental, quant<br />

à la composition par sexe et la présence physique de chacun des membres qui composent le<br />

couple, mais aussi en relation avec l’activité principale du couple (Tableau 15). Les ménages<br />

les plus habituels (80%), qui sont les plus conventionnels, avec un chef homme et sa<br />

conjointe, sont ceux où les EAJ consacrent le temps moyen le plus court aux tâches<br />

domestiques (5,5 heures). Dans ces cas, une partie non négligeable de ménages ont une<br />

distribution de rôles par sexe traditionnelle, où l’homme réalise le travail extradomestique et<br />

la conjointe se consacre au travail domestique. Là, la participation des EAJ n’est pas<br />

essentielle (5,2 heures), mais semble plutôt une activité formatrice, qui fait partie des<br />

« obligations » de l’enfance. Or, lorsque la conjointe travaille aussi, le temps consacré par les<br />

EAJ aux tâches domestiques augmente à peu près d’une heure par rapport aux familles dont le<br />

chef de ménage est l'unique pourvoyeur économique.<br />

Par ailleurs, la monoparentalité familiale, qui a été longuement qualifiée comme vulnérable<br />

surtout par rapport au bien-être des enfants, montre sa fragilité. Dans ce cas, certes, elle<br />

augmente le temps des EAJ aux tâches ménagères, par rapport à ceux qui appartiennent à une<br />

famille biparentale. Mais, il y a encore des différences selon le sexe du chef (Tableau 15).<br />

Dans les ménages monoparentaux masculins, qui sont assez rares (1,5%), les EAJ participent<br />

davantage aux tâches domestiques que dans les ménages monoparentaux féminins, des<br />

ménages beaucoup plus fréquents (14%), respectivement 9 et 7 heures (Tableau 15). Il faut<br />

dire que le soutien du conjoint absent du ménage (homme ou femme), si jamais il est encore<br />

vivant, n’est pas toujours certain. Dans les deux cas, l’on peut supposer que le chef travaille<br />

221


intensivement pour s’occuper seul de la famille, en termes économiques. Pourtant, en plus de<br />

l’entrée des chefs femmes au marché du travail, elles gardent leur rôle de femmes au foyer,<br />

tandis que les chefs hommes délèguent plutôt cette responsabilité sur les EAJ, dès que<br />

possible. En revanche, il faut signaler le cas des familles où le chef est absent du ménage, et<br />

pourtant garde leur statut de chef, des cas rares aussi (1,4%), où le chef est un homme. Nous<br />

supposons qu’il s’agit d’un chef migrant qui continue d’être un pourvoyeur économique de la<br />

famille, voire le pourvoyeur, et donc, le conjoint peut, soit continuer à s’occuper<br />

exclusivement de la maison, soit travailler parallèlement, sans trop demander aux EAJ. Parce<br />

que dans les deux cas, les EAJ participent peu aux tâches domestiques (respectivement 5 et 6<br />

heures).<br />

222<br />

Tableau 15. Répartition (%) des EAJ selon la composition et la participation au travail<br />

économique du couple parental, et nombre moyen d'heures dédié aux tâches ménagères<br />

Condition du couple parental<br />

EAJ dans ce<br />

type de ménage<br />

(%)<br />

Heures<br />

Moyennes<br />

Composition :<br />

Chef homme sans conjointe 1,5 8,7<br />

Chef femme sans conjoint 14,2 6,9<br />

Chef homme avec conjointe 79,5 5,5<br />

Chef femme avec conjoint 3,3 6,3<br />

Conjointe seule, chef absent 1,4 5,5<br />

Autres 0,1 7,7<br />

Participation au travail économique :<br />

Couple : seulement le chef travaille 41,5 5,2<br />

Couple : le deux travaillent 36,8 5,9<br />

Couple : seulement le conjoint travaille 2,8 6,3<br />

Couple : Aucun ne travaille 1,6 5,8<br />

Chef seul : travaille 12,4 7,3<br />

Chef seul : ne travaille pas 3,3 6,4<br />

Conjoint seul : travaille 0,9 5,8<br />

Conjoint seul : ne travaille pas 0,5 4,9<br />

Autres cas 0,1 8,1<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0<br />

(10 070 536)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Or, l’intensité de la participation du couple parental aux diverses activités de production ou de<br />

reproduction sociale nécessaires à la vie familiale est aussi à considérer (Tableau 16). Car de<br />

cela dépend la nécessité de faire participer les EAJ plus ou moins aux tâches domestiques, par<br />

exemple. A propos de la participation du couple aux tâches domestiques, il faut d’abord<br />

signaler qu’un chef sur trois ne participe pas du tout à ces activités. Par contre, quatre chefs<br />

sur dix le font quotidiennement (plus de 7 heures en moyenne par semaine). A ce sujet, plus le<br />

chef investit du temps aux tâches ménagères, plus les EAJ y participent aussi. Alors, si un<br />

5,8


chef ne participe pas à ces activités, c’est sûrement parce qu’une autre personne le fait, soit le<br />

conjoint, soit un employé, car les EAJ sont dans ce cas peu concernés (5 heures). Mais, il<br />

existe des cas où le chef ne participe pas grâce à la collaboration des EAJ.<br />

Par ailleurs, concernant la situation du conjoint du chef, il est frappant de constater qu’ils sont<br />

presque tous (95%) concernés par les activités domestiques de manière intensive (plus de 7<br />

heures par semaine), en plus d’autres responsabilités qu’ils peuvent avoir éventuellement. Et<br />

dans ce cas, les EAJ participent un peu moins que lorsque le conjoint réalise plus<br />

sporadiquement ces activités ou même ne participe pas (Tableau 16). Ce qui suggère<br />

l’existence d’un « remplacement » plutôt partiel des conjoints par les EAJ aux tâches<br />

domestiques, mais aussi par des employés, le cas échéant, dans l’hypothèse où les conjoints<br />

sont les principaux responsables d’accomplir ces activités.<br />

En ce qui concerne le travail extradomestique, il est remarquable que trois chefs sur quatre<br />

travaillent plus de 40 heures par semaine (Tableau 16). Une situation qui montre bien la<br />

flexibilité et la précarité du marché du travail, qui a poussé la population à intensifier son<br />

temps de travail. Car officiellement au Mexique, un travail à plein temps est de 40 heures<br />

hebdomadaires. A ce sujet, l’unique différence dans la participation des EAJ aux tâches<br />

domestiques se présente lorsque le chef a un emploi à mi-temps, soit moins de 20 heures par<br />

semaine. Dans ce cas, il est probable que le conjoint travaille de manière plus intensive,<br />

demandant ainsi une participation plus active des EAJ aux tâches domestiques, dans un<br />

contexte de relations traditionnelles de genre et de génération, où le chef, notamment un<br />

homme, ne s’investit guère dans le travail domestique, malgré l’apparente disponibilité de son<br />

temps. D’autre part, le travail extradomestique des conjoints est moins fréquent et aussi moins<br />

intense que celui des chefs. Il faut dire que 92% des chefs travaillent, contre 48% des<br />

conjoints. Et quatre conjoints sur dix travaillent de 20 à 40 heures par semaine, mais encore<br />

une fois, une partie non négligeable travaille plus de 40 heures hebdomadaires (43%). <strong>La</strong><br />

relation entre le temps de travail extradomestique des conjoints et le temps dédié aux tâches<br />

domestiques des EAJ est directe. De manière que les EAJ, dans les familles où le conjoint du<br />

chef travaille plus de 40 heures, consacrent une heure de plus par semaine aux tâches<br />

domestiques que les EAJ où le conjoint du chef travaille jusqu’à 20 heures hebdomadaires, ce<br />

qui est encore supérieur à ceux où le conjoint ne travaille pas.<br />

223


224<br />

Tableau 16. Répartition (%) des EAJ selon les activités du couple familial<br />

et nombre moyen d'heures dédié aux tâches ménagères<br />

Activités du couple familial<br />

EAJ dans ce type<br />

de ménage<br />

(%)<br />

Heures<br />

Moyennes<br />

Heures hebdomadaires dédiées par le chef aux tâches domestiques :<br />

Aucune 35,6 4,9<br />

De 1 à 7 heures 22,2 5,9<br />

Plus de 7 heures 42,2 6,5<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0<br />

(9 909 299) 1<br />

Heures hebdomadaires dédiées par le conjoint aux tâches domestiques :<br />

Aucune 2,8 5,8<br />

De 1 à 7 heures 2,0 6,3<br />

Plus de 7 heures 95,2 5,5<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0<br />

(8 471 959) 2<br />

Heures hebdomadaires dédiées par le chef au travail extradomestique :<br />

1 à 20 heures 2,3 6,8<br />

20 à 40 heures 22,5 5,7<br />

Plus de 40 heures 75,2 5,7<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0<br />

(8 350 164) 3<br />

Heures hebdomadaires dédiées par le conjoint au travail extradomestique :<br />

1 à 20 heures 15,7 5,4<br />

20 à 40 heures 41,0 5,7<br />

Plus de 40 heures 43,3 6,3<br />

Total<br />

100,0<br />

(N)<br />

(3 744 167) 4<br />

5,7<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

1_/ Sont éliminés les EAJ sans information sur le travail domestique du chef ou lorsque le<br />

chef ne cohabite pas avec eux, soit 161 237 enfants (695 cas).<br />

2_/ Sont éliminés les EAJ dont le travail domestique du conjoint n’est pas spécifié ou le<br />

conjoint ne cohabite pas avec eux, soit 1 598 577 enfants (7 339 cas).<br />

3_/ Sont éliminés les EAJ dont le chef ne travaille pas, ne cohabite pas avec eux, ou le<br />

temps de travail n’est pas spécifié, soit 1 720 372 enfants (7 560 cas).<br />

4_/ Sont éliminés les EAJ le conjoint ne travaille pas, ne cohabite pas avec eux, ou le<br />

temps de travail n’est pas spécifié, soit 6 326 369 enfants (27 201 cas).<br />

Un autre aspect d’importance en relation au couple parental est leur niveau de scolarité. Car<br />

celui-ci peut être à l’origine tantôt des relations de genre et de génération plus ou moins<br />

équitables au sein du ménage ; tantôt des conditions socioéconomiques plus ou moins<br />

précaires de la famille. « L’idée que les adultes se font des avantages immédiats et lointains<br />

de l’instruction est l’un des principaux éléments qui déterminent la fréquentation de l’école<br />

par les enfants ou leur entrée dans la vie active. » (Bequele et Boyden, 1988a : 184).<br />

L’hypothèse centrale est alors qu’un niveau de scolarité plus élevé des parents implique de<br />

meilleures conditions familiales, en termes économiques, mais aussi d’équité entre ses<br />

membres, et une plus grande valorisation de la scolarité.<br />

5,8<br />

5,5<br />

5,7


Selon nos résultats à propos de la relation entre la scolarité des parents et le niveau de travail<br />

des enfants, le niveau de scolarité du chef a un impact plus important que celui du conjoint,<br />

sur le niveau de participation des EAJ aux tâches domestiques (Tableau 17). Mais dans les<br />

deux cas, la différence du temps consacré aux activités domestiques chez les EAJ est assez<br />

notable d’un extrême à l’autre. De manière qu’un EAJ dédie à peu près trois heures de plus<br />

par semaine aux tâches ménagères lorsque le chef ou le conjoint du chef n'ont pas été<br />

scolarisés, qu’un EAJ dont le chef ou le conjoint compte au moins 16 ans de scolarité.<br />

Tableau 17. Répartition (%) des EAJ selon la condition du couple familial<br />

et nombre moyen d'heures dédié aux tâches ménagères<br />

Années de scolarité<br />

EAJ dans ce type<br />

de ménage<br />

(%)<br />

Chef de ménage :<br />

Heures<br />

Moyennes<br />

Sans scolarité 2,2 7,4<br />

De 1 à 5 ans 8,3 7,0<br />

De 6 à 8 ans 21,8 6,4<br />

De 9 à 11 ans 32,8 5,8<br />

De 12 à 15 ans 18,4 5,6<br />

16 ans et plus 16,5 4,3<br />

Total<br />

100,0<br />

(N)<br />

(9 918 640) 1<br />

5,8<br />

Sans scolarité<br />

Conjoint du chef de ménage :<br />

2,9 6,8<br />

De 1 à 5 ans 7,7 6,5<br />

De 6 à 8 ans 23,9 6,3<br />

De 9 à 11 ans 34,0 5,5<br />

De 12 à 15 ans 20,2 5,0<br />

16 ans et plus 11,3 4,1<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0<br />

(8 470 879) 2<br />

Différence entre les années de scolarité du couple parental :<br />

Aucune 33,7 5,5<br />

De 1 à 3 ans 39,7 5,6<br />

De 4 et plus 26,6 5,6<br />

100,0<br />

Total<br />

(8 331 122) 3<br />

5,5<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

1/ Sont éliminés les EAJ dont la scolarité du chef n’est pas spécifiée, soit<br />

151 896 enfants (655 cas).<br />

2/ Sont éliminés les EAJ dont la scolarité du conjoint du chef n’est pas<br />

spécifiée, soit 1 599 657 enfants (7 346 cas).<br />

3/ Sont éliminés les EAJ dont la scolarité du conjoint ou du chef n’est pas<br />

spécifiée, soit 1 739 414 enfants (7 954 cas).<br />

Or, concernant le niveau éducatif du couple parental, nous calculons la différence absolue des<br />

années de scolarité entre le chef et le conjoint, comme un indicateur des relations de genre au<br />

5,5<br />

225


sein du ménage (Tableau 17). 307 Mais il s’avère que cette différence n’est pas importante pour<br />

expliquer des variations dans la participation des EAJ aux tâches domestiques. Car un couple<br />

sans scolarité est placé dans la même catégorie qu’un couple de lycéens ou d’universitaires.<br />

Ce qui dans la pratique n’a pas les mêmes implications pour la vie des enfants, et même pour<br />

la vie familiale, sous l’hypothèse qu’au fur et à mesure qu’augmente la scolarité du couple, les<br />

relations de genre et de génération sont plus équitables au sein du ménage. En effet, il ne<br />

suffit pas d’avoir une même scolarité dans le couple, pour avoir des relations plus équitables,<br />

le niveau scolaire est aussi important.<br />

Effectivement, en considérant la différence de scolarité entre le couple et le niveau scolaire du<br />

chef, le graphique 8 montre que les deux aspects ensemble créent des conditions différentes<br />

pour les EAJ. A un extrême se trouvent les EAJ dont les parents sont sans scolarité, et à l'autre<br />

extrême, ceux dont les parents ont plus de 15 ans de scolarité. Dans ces cas, les EAJ<br />

consacrent aux tâches domestiques respectivement 8 et 3,5 heures par semaine. Là, il est<br />

évident que, même si la scolarité du chef est fondamentale, la scolarité du conjoint est aussi<br />

importante. Lorsque le conjoint est plus scolarisé que le chef, les EAJ consacrent moins de<br />

temps aux tâches domestiques. Pourtant, il semble que la différence de scolarité entre le<br />

couple quand le chef est peu scolarisé (jusqu’à 8 ans, soit la scolarisation obligatoire) n’a pas<br />

d’influence régulière sur la vie des EAJ. C’est vraiment le fait d’avoir un chef plus scolarisé<br />

(des études après les niveaux obligatoires, soit 9 ans et plus) qui est crucial, et ensuite, le fait<br />

d’avoir un conjoint qui a aussi un bon niveau de scolarisation. C’est clair qu’une scolarité plus<br />

élevée du couple peut se traduire par de meilleures conditions familiales pour les EAJ. D’où<br />

l’importance de chercher les moyens pour que les filles et les garçons réussissent des niveaux<br />

de scolarisation plus élevés, car le fait de réussir seulement la scolarité obligatoire, qui<br />

correspond à 9 années d’études, dans la pratique ne change pas grand-chose dans le contexte<br />

familial, donc dans les conditions de vie des enfants.<br />

Même si le niveau scolaire du chef ou du couple parental donne une idée de la condition<br />

socioéconomique du ménage, cela ne suffit pas, car, aujourd’hui au Mexique, le plus haut<br />

diplôme n’est pas une garantie de réussite professionnelle ou simplement d’ascension sociale.<br />

Le marché du travail est tellement flexible et informel, que les postes de travail, voire les<br />

revenus, ne correspondent pas toujours au niveau des diplômes obtenus. D’autres éléments<br />

307 Un indicateur en termes de la valeur absolue, c’est-à-dire qu’il est indifférent qui a le niveau le plus élevé de<br />

scolarité : le chef de ménage ou son conjoint.<br />

226


sont alors à prendre en compte pour mieux s’approcher des conditions familiales de vie des<br />

EAJ.<br />

Graphique 8. Heures moyennes que les EAJ consacrent aux tâches domestiques,<br />

selon la scolarité du chef et la différence de scolarité dans le couple parental<br />

EAJ: Heures moyennes dédiées<br />

aux tâches domestiques<br />

9,0<br />

8,0<br />

7,0<br />

6,0<br />

5,0<br />

4,0<br />

3,0<br />

2,0<br />

1,0<br />

0,0<br />

Sans<br />

scolarité<br />

1 à 5 ans 6 à 8 ans 9 à 11 ans 12 à 15 ans 16 ans et<br />

plus<br />

Scolarité du chef<br />

Chef plus scolarisé Sans différence Chef moins scolarisé<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre). Sont éliminés les EAJ dont la scolarité du<br />

conjoint ou du chef n’est pas spécifiée, soit 1 739 414 enfants (7 954 cas).<br />

<strong>La</strong> position socioéconomique du ménage<br />

<strong>La</strong> prise en compte d’indicateurs du niveau socioéconomique familial est fondamentale pour<br />

étudier la participation des EAJ dans les diverses activités (Mier y Terán et Rabell, 2004). A<br />

ce propos, outre le niveau de revenus, des indicateurs directement liés aux conditions<br />

familiales de vie ont souvent été considérés avec succès, selon le contexte analysé : matériel<br />

du logement (du sol, du toit, des murs), la possession de biens (téléphone fixe) ou de services<br />

(toilettes privées), la relation entre le nombre de personnes et le nombre de pièces de<br />

couchage (surpeuplement) 308 (Tienda, 1979 ; Grootaert et Kanbur, 1995 ; Levison, Moe et<br />

Knaul, 2001 ; Mier y Terán et Rabell, 2004 ; Estrada Quiroz, 2005). Des indicateurs qui<br />

reflètent le capital économique que dispose la famille en termes nettement matériels. Avec<br />

nos données, nous ne disposons pas de ce type d’information, et le seul revenu de la famille<br />

nous semble peu pertinent pour classer les ménages selon leur position socioéconomique, à<br />

308 Hacinamiento en espagnol.<br />

227


cause principalement de la mauvaise qualité des déclarations, mais aussi de la restriction de<br />

cette variable au domaine purement économique.<br />

A ce propos, un indicateur du niveau socioéconomique du ménage qui a montré ses qualités<br />

est la condition socioprofessionnelle du chef de ménage. Malgré les critiques qu’il mérite,<br />

c’est l’unique moyen d’approcher cette condition à partir de notre source de données. Car<br />

nous ne comptons pas avec d’autres informations susceptibles d’illustrer la condition<br />

socioéconomique du ménage, telles que les caractéristiques du logement ou les biens<br />

familiaux par exemple ; ainsi que de données qui pourraient servir à l’élaboration d’un<br />

indicateur spécial. C’est pourquoi, afin d’approcher la position socioéconomique du ménage,<br />

nous utilisons un classement proposé par Solís et Cortés (2009), lequel a montré ses vertus<br />

pour différencier les ménages selon les niveaux socioéconomiques. Dans une étude récente<br />

sur la mobilité professionnelle au Mexique, ces auteurs ont élaboré un indicateur basé sur<br />

l’activité professionnelle du chef de ménage. Il rassemble dans chacun des six groupes<br />

d’activité professionnelle des familles semblables quant au niveau éducatif du chef de<br />

ménage, au niveau de revenus et à l’actif du ménage ; et il rend compte d’une hiérarchie<br />

sociale, qui montre les disparités présentes dans le pays actuellement. 309<br />

Or, étant donné que d’habitude au Mexique le chef est le principal pourvoyeur économique, et<br />

aussi, en général, le plus scolarisé du couple parental, nous considérons cet indicateur, qui<br />

concerne seulement le chef de ménage, tout à fait pertinent pour appréhender la situation<br />

socioéconomique familiale des EAJ, sans pour autant nier l’importance de la participation du<br />

conjoint dans la constitution de l’environnement familial.<br />

Selon cet indicateur, effectivement, la participation des EAJ varie selon le groupe<br />

d’occupation du chef de ménage. Le temps consacré au travail domestique augmente au fur et<br />

à mesure que le niveau socioéconomique diminue. <strong>La</strong> classe de services, qui accueille un<br />

enfant sur dix, correspond au plus haut niveau dans l’échelle sociale. Là, les EAJ participent<br />

le moins aux tâches domestiques (4 heures). Par contre, le groupe où les EAJ participent plus<br />

de temps (6,5 heures) est celui des enfants des travailleurs non spécialisés, qui se trouvent en<br />

bas de l’échelle sociale, avec les travailleurs agricoles. Mais les enfants des travailleurs<br />

309 Les six groupes : travailleurs dans la classe de services, travailleurs non manuels en activités routinières,<br />

travailleurs spécialisés, travailleurs du commerce, travailleurs non spécialisés et travailleurs agricoles, dans cet<br />

ordre d’importance (voir Annexe I.2).<br />

228


agricoles sont assez rares dans les villes (0,8%). Et dans ce cas, ils dédient moins de temps au<br />

travail domestique que les autres enfants (5 heures), sauf ceux dont le chef appartient à la<br />

classe de services. Peut-être qu’ils participent peu au travail domestique parce qu’ils<br />

s’investissent davantage au travail proprement agricole, soit au travail extradomestique. Nous<br />

ajoutons au classement la catégorie « non travailleur », juste pour prendre en compte tous les<br />

cas possibles, mais ce groupe-là ne fait pas partie du classement original, ni a de rang dans<br />

cette échelle (Tableau 18).<br />

Tableau 18. Répartition (%) des EAJ et nombre moyen d'heures dédié aux tâches<br />

ménagères selon le groupe d’activité professionnelle du chef de ménage<br />

Groupe d’activité professionnelle du<br />

chef de ménage<br />

EAJ dans ce type<br />

de ménage<br />

(%)<br />

Heures<br />

Moyennes<br />

Classe de services 8,1 3,9<br />

Travailleurs non manuels en<br />

activités routinières<br />

17,6 5,4<br />

Travailleurs du commerce 10,1 5,4<br />

Travailleurs spécialisés 35,9 6,1<br />

Travailleurs non spécialisés 19,7 6,5<br />

Travailleurs agricoles 0,8 5,1<br />

Ne travaille pas 7,9 6,2<br />

Total<br />

100,0<br />

5,8<br />

(N)<br />

(9 919 689)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre). Sont éliminés tous les enfants dont l’information à<br />

propos de l’activité du chef de ménage est indisponible, soit 150 847 enfants (643 individus).<br />

En résumé, les résultats sur la comparaison des heures moyennes suggèrent des relations<br />

importantes entre l’intensité des tâches domestiques et quelques aspects du contexte familial.<br />

Et d’autres conditions familiales, où les différences parmi les heures moyennes sont souvent<br />

faibles. Ce qui confirme l’influence du contexte familial sur la vie des enfants en général.<br />

Cependant, l’on peut dire que dans la plupart des cas, le temps que les EAJ consacrent à ces<br />

tâches rentre plutôt dans une logique d’éducation familiale, soit à peu près une heure par jour.<br />

C’est-à-dire que comme partie d’une famille, les enfants ont des « obligations » à accomplir<br />

au sein du groupe, selon leurs possibilités, afin de participer au bien-être collectif. D’où leur<br />

participation quotidienne, mais plutôt discrète aux tâches ménagères.<br />

Néanmoins, pour certains EAJ, la participation aux activités domestiques se transforme d’une<br />

simple « activité éducative » en une forme de travail proprement dit, soit ce que nous<br />

appelons le travail domestique familial.<br />

229


VI.2. Les travailleurs domestiques familiaux.<br />

Etant donné la faible et récente reconnaissance des activités domestiques comme une forme<br />

de travail chez les enfants dans la pratique et dans la représentation sociale, les enquêtes<br />

officielles ne recueillent pas d’information détaillée sur les enfants concernés. Par conséquent,<br />

par le biais des données statistiques, un approfondissement de la situation de ces enfants est<br />

peu plausible, les données se limitant aux caractéristiques sociodémographiques et au temps<br />

consacré au travail ménager et la garde d’autres personnes. Un manque que nous tâcherons de<br />

combler, dès que possible, avec nos données qualitatives.<br />

Selon nos estimations, presque un EAJ sur quatre consacre plus de 7 heures par semaine au<br />

travail domestique (23,6%), soit 2,4 millions. Et, presque un EAJ sur treize dédie 15 heures et<br />

plus (7,7%), soit autour de 774 000. Une différence assez notable quant au nombre d’enfants<br />

concernés dans chaque cas. Mais le travail domestique est encore une responsabilité des<br />

adultes, principalement des femmes, et les enfants y participent surtout de manière<br />

complémentaire, et non en tant que responsables, même si certains enfants sont à la tête de ces<br />

tâches pour des raisons diverses. Mais en tout cas, il y a un apport important des enfants aux<br />

conditions de vie familiale quotidiennement. Cependant, la participation des enfants est fort<br />

différente selon l’âge et le sexe. Car le manque de valeur économique qui est attribuée<br />

fréquemment à ce type de travail l’a converti en un terrain réservé aux femmes et aux enfants,<br />

soit ceux qui se trouvent en bas de la hiérarchie sociale, où les filles ont une place doublement<br />

défavorable (Cabanes, 1996).<br />

Parmi les travailleurs domestiques familiaux, la plupart sont des filles : 67% chez celles qui<br />

travaillent plus de 7 heures, et 75% pour 15 heures et plus. A l’évidence, lorsqu’il s’agit d’un<br />

plus grand investissement dans le travail domestique familial, ce sont principalement les<br />

filles, surtout les plus âgées, qui le font. Mais évidemment, en l’absence d'une fille, les<br />

garçons sont contraints de le faire. En l’occurrence, parmi les garçons qui sont travailleurs<br />

domestiques familiaux (15 heures et plus), il s’avère que 27% habitent un ménage où il n’y a<br />

pas d’autres enfants âgés de 6 à 17 ans, et 31% habitent un ménage où il n’y a que des garçons<br />

de cette même tranche d’âges. C’est-à-dire que ce sont des garçons qui n’ont pas le choix de<br />

réaliser ou pas le travail domestique. Cependant, pour le reste, qui n’est pas négligeable<br />

(42%), des filles sont présentes au ménage. Il reste à savoir s’il s’agit des filles plus jeunes, et<br />

dans ce cas, en tant qu’aîné, le garçon a été contraint de participer de manière intense au<br />

230


travail domestique. Nonobstant, il faut accepter aussi que dans certains cas, la participation<br />

masculine résulte de relations de genre plus équitables au sein du ménage.<br />

Graphique 9. Répartition (%) des enfants travailleurs domestiques familiaux<br />

par âge et sexe, pour les deux critères de temps de travail<br />

%<br />

%<br />

20,0<br />

18,0<br />

16,0<br />

14,0<br />

12,0<br />

10,0<br />

8,0<br />

6,0<br />

4,0<br />

2,0<br />

0,0<br />

20,0<br />

18,0<br />

16,0<br />

14,0<br />

12,0<br />

10,0<br />

8,0<br />

6,0<br />

4,0<br />

2,0<br />

0,0<br />

Plus de 7 heures hebdomadaires<br />

6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

Ages<br />

15 heures hebdomadaires et plus<br />

6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

Ages<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Garçons<br />

Filles<br />

Garçons<br />

En prenant en compte aussi l’âge des enfants, parmi les travailleurs domestiques familiaux, la<br />

plupart sont des filles âgées de 12 ans et plus (Graphique 9). Cependant, ce sont les enfants de<br />

15 ans les plus concernés par cette activité, et ensuite la participation diminue<br />

progressivement pour les deux sexes. Cette tendance est sûrement liée à deux situations.<br />

D’abord, l’importante déscolarisation observée dès la fin des cycles obligatoires, vers 14 ans ;<br />

et ensuite, le fait qu’à partir de cet âge-là, le travail des enfants est légal sur le marché du<br />

Filles<br />

231


travail formel, même sous conditions. Par conséquent, il est possible que le travail<br />

extradomestique soit préférable au travail domestique dès que possible, car il est plus<br />

avantageux, au moins économiquement. Et apparemment, ce sont les garçons qui profitent<br />

davantage que les filles de cette possibilité, même avant cet âge (dans le secteur informel ou<br />

« familial »), vers 11 ou 12 ans, car juste à partir de ce moment-là, les filles sont nettement<br />

plus concernées que les garçons pour le travail domestique. Enfin, les tendances signalées<br />

sont semblables pour les deux groupes de travailleurs (plus de 7 heures et 15 heures et plus),<br />

mais les écarts par sexe s’accentuent parmi les enfants qui travaillent davantage. De manière<br />

que parmi ceux qui travaillent plus de 7 heures par semaine, un enfant sur trois est un garçon.<br />

Tandis que parmi ceux qui travaillent 15 heures et plus, il s’agit d’un enfant sur quatre.<br />

Une autre manière d’apprécier les différences du travail domestique familial par âge est à<br />

travers la proportion (%) d’enfants touchés par ce type de travail, selon chacun des trois<br />

groupes d’âges et de sexe (Graphique 10). D’abord, les différences par sexe sont évidentes.<br />

Des différences qui s’accentuent au fur et à mesure que l’âge augmente. Chez les moins de 14<br />

ans, le pourcentage de filles travailleuses domestiques familiales double, à peu près, celui de<br />

garçons, et chez les 15 à 17 ans, il dépasse cette différence : 2,4 fois pour ceux qui travaillent<br />

plus de 7 heures, et 4 fois pour ceux qui travaillent 15 heures et plus. Or, en regardant chaque<br />

sexe séparément, l’âge joue aussi un rôle fondamental. Chez les filles, il y a toujours une<br />

augmentation progressive avec l’âge. Ainsi, le pourcentage de filles de 15 à 17 ans est presque<br />

10 fois celui des filles de 6 à 11 ans. Les garçons, par contre, présentent une augmentation<br />

importante entre 6 à 11 et 12 à 14 ans, mais après leur participation augmente très légèrement<br />

chez les 15 à 17 ans, sûrement pour les raisons déjà évoquées à propos de la déscolarisation et<br />

la légalité du travail des enfants. Comme attendu, ces tendances se vérifient pour les deux<br />

types de travailleurs domestiques familiaux, mais les écarts sont plus notables lorsque le<br />

travail est plus intensif, soit 15 heures et plus par semaine.<br />

En plus de l’âge et du sexe des EAJ, la condition de scolarisation est l’unique information<br />

disponible à propos des caractéristiques sociodémographiques de ces travailleurs. A ce sujet,<br />

il s’agit d’enfants pour la plupart scolarisés. Parmi ceux qui travaillent plus de 7 heures<br />

hebdomadaires, 86% fréquentent l’école ; et 74% parmi ceux qui travaillent 15 heures et plus.<br />

Avec nos données, il est difficile de savoir si le travail domestique est à l’origine de la<br />

déscolarisation des enfants, ou au contraire, si une éventuelle déscolarisation a précédé cette<br />

232


mise au travail. Plus tard, dans un autre chapitre, nous discuterons spécialement sur la relation<br />

entre la déscolarisation et le travail des enfants.<br />

Graphique 10. Répartition (%) des EAJ par groupes d’âges et sexe,<br />

selon le nombre d’heures hebdomadaires dédiées au travail domestique<br />

%<br />

70,0<br />

60,0<br />

50,0<br />

40,0<br />

30,0<br />

20,0<br />

10,0<br />

0,0<br />

6 à 11<br />

ans<br />

12 à 14<br />

ans<br />

Garçons<br />

15 à 17<br />

ans<br />

6 à 11<br />

ans<br />

Groupes d'âges et sexe<br />

12 à 14<br />

ans<br />

Filles<br />

Plus de 7 heures 15 heures et plus<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

15 à 17<br />

ans<br />

VI.3. Les enfants face au travail domestique familial : une question de genre et de<br />

génération.<br />

Selon les résultats montrés jusqu’à maintenant, deux caractéristiques individuelles des<br />

enfants, l’âge et le sexe, ont des effets importants sur le degré de participation aux diverses<br />

activités. Certes, ces deux conditions individuelles ne suffisent pas pour expliquer leur<br />

participation, mais elles sont quand même des facteurs de risque à regarder d’un peu plus<br />

près. Car ces deux conditions « imposées naturellement » sont les éléments de base qui<br />

placent les enfants dans une position plus ou moins avantageuse face aux autres personnes,<br />

selon les relations de genre et de génération qui les entourent. Mais quel est l’impact de<br />

chacune de ces conditions sur le travail domestique familial ?<br />

Pour estimer les effets nets du sexe et les effets nets de l’âge, nous proposons un modèle de<br />

régression logistique bivariée pour les deux « types » de travail domestique : plus de 7 heures<br />

par semaine et 15 heures et plus. Avec ces résultats, il est possible d’estimer la probabilité<br />

ajustée (en pourcentage) de participer au travail domestique familial pour les trois groupes<br />

d’âges et par sexe. Un indicateur plus facile à comprendre que les rapports de risque (les<br />

233


coefficients ß). De ces résultats, présentés sur le tableau 19, soulignons que la probabilité de<br />

travailler plus de 7 heures hebdomadaires parmi les 6 à 17 ans urbains, célibataires, sans<br />

progéniture, filles ou fils du chef de ménage, est de 19,7% (« toutes choses égales par<br />

ailleurs », soit en contrôlant l’effet du sexe). Une probabilité qui diminue notablement à partir<br />

de 15 heures par semaine, 4,5%, un fait qui montre que les EAJ sont beaucoup plus<br />

susceptibles de travailler entre 8 et 14 heures hebdomadaires que 15 heures et plus.<br />

Or, en observant les effets nets, selon nos résultats, en ce qui concerne l’âge, soit en<br />

contrôlant l’effet du sexe (« toutes choses égales par ailleurs »), nous trouvons que le risque<br />

de travailler augmente de manière importante à partir de 12 ans. Et ce sont surtout les enfants<br />

les plus âgés qui ont les probabilités estimées (%) les plus élevées de travailler, les enfants<br />

âgés de 6 à 11 ans étant peu concernés par ce type de travail. En effet, la probabilité de<br />

travailler chez les 15 à 17 ans est cinq fois celle des 6 à 11 ans par une période de plus de 7<br />

heures hebdomadaires (respectivement 41,6 et 8,4%), et de 9 fois, par une période de 15<br />

heures et plus (respectivement 14,9 et 1,6%) (Tableau 19).<br />

Tableau 19. Dédier plus de 7 heures ou 15 heures et plus par semaine aux tâches domestiques.<br />

Rapport de risque et probabilité ajustée d’une régression logistique<br />

234<br />

Variables indépendantes (Xi)<br />

Rapports de risque<br />

(ß)<br />

Probabilité ajustée<br />

(%)<br />

Plus de 7h 15h et plus Plus de 7h 15h et plus<br />

Constante du modèle (α)<br />

Age d’Ego :<br />

-2,96*** -4,81***<br />

6 à 11 ans --- --- 8,4 1,6<br />

12 à 14 ans 1,66*** 1,71*** 32,3 8,1<br />

15 à 17 ans<br />

Sexe d’Ego :<br />

2,06*** 2,40*** 41,6 14,9<br />

Garçon --- --- 12,3 2,4<br />

Fille 1,15*** 1,36*** 30,6 8,7<br />

TOTAL 1 19,7 4,5<br />

Nombre d’observations 45 084 45 084<br />

Khi-deux du modèle<br />

7788,586 3781,362<br />

(ddl)<br />

(3)<br />

(3)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Sont considérés tous les enfants de 6 à 17 ans, fils ou filles du chef de ménage, célibataires et sans<br />

progéniture. (Données non pondérées).<br />

*** Significative au seuil de 1‰. --- Catégorie de référence.<br />

1/ Probabilité ajustée lorsque toutes les variables prennent la valeur moyenne.<br />

Lecture :<br />

Rapports de risque : les enfants âgés de 15 à 17 ans travaillent plus fréquemment plus de 7h<br />

hebdomadaires (l’odds ratio est de 2.06) que ceux âgés de 6 à 11 ans, cette dernière catégorie prise ici<br />

comme modalité de référence.<br />

Quant à l’effet net du sexe d’Ego sur le travail domestique familial, en contrôlant l’âge, nous<br />

trouvons qu’effectivement, le fait d’être une fille augmente notablement le risque de


travailler, surtout lorsqu’il s’agit d’un travail de 15 heures et plus par semaine. Ainsi, la<br />

probabilité estimée (%) de travailler chez les filles est 2,5 fois celle des garçons pour la<br />

période de plus de 7 heures hebdomadaires (respectivement 30,6 et 12,3%), tandis qu’elle est<br />

de 3,6 fois pour la période de 15 heures et plus (respectivement 8,7 et 2,4%) (Tableau 19).<br />

En plus des caractéristiques individuelles des enfants, le degré de participation de chacun dans<br />

les diverses activités propres à la reproduction sociale du ménage dépend aussi de<br />

l’environnement familial, de manière que chaque enfant peut avoir des conditions familiales<br />

favorables ou non pour réduire ou augmenter les risques liés à son âge et à son sexe.<br />

VI.4. Le travail domestique familial : une question de composition et d’organisation<br />

familiales.<br />

Par la suite, nous discuterons de l’importance de certaines conditions familiales que, d’après<br />

les résultats de l’analyse bivariée, peuvent modifier le niveau de participation des EAJ dans le<br />

travail domestique familial. Mais aussi des facteurs qui sont en étroite relation avec cette<br />

pratique. Or, sous l’hypothèse que les questions de genre jouent un rôle fondamental dans<br />

l’assignation de rôles au sein du ménage, nous estimons des modèles de régression logistique<br />

pour filles et garçons de manière indépendante. 310 Nous proposons deux modèles différents, le<br />

premier pour estimer le risque de consacrer plus de 7 heures hebdomadaires au travail<br />

domestique et le deuxième pour estimer le risque de travailler 15 heures et plus par semaine.<br />

En considérant pour les deux modèles les mêmes variables individuelles et familiales, à<br />

propos de la composition du ménage, les caractéristiques du couple parental et la position<br />

socioéconomique du ménage (Tableau 20) : 311<br />

• l’âge d’Ego (selon les trois groupes de référence) ;<br />

• le rang d’Ego dans la fratrie âgée de moins de 18 ans présente dans le ménage (aîné ou<br />

non aîné) ;<br />

• le nombre de jeunes enfants de moins de 6 ans (aucun, un ou deux, trois et plus) ;<br />

• la présence d’autres garçons âgés de 6 à 17 ans en plus d’Ego (oui ou non) ;<br />

• la présence d’autres filles âgées de 6 à 17 ans en plus d’Ego (oui ou non) ;<br />

310 Il faut dire qu’avant d’arriver au modèle que nous proposons, nous avons élaboré d’autres modèles pour tester<br />

les divers indicateurs et classements afin d’arriver à obtenir les différences les plus significatives statistiquement,<br />

mais aussi les variables et les catégories les plus pertinentes.<br />

311 L’exigence de parcimonie dans les modèles de régression logistique limite toujours le nombre des variables<br />

incluses dans les modèles.<br />

235


• le nombre de femmes adultes, de 18 ans et plus ;<br />

• la composition du couple parental (couple, chef homme seul, chef femme seule) ;<br />

• la condition d’activité du conjoint du chef de ménage (travailleur extradomestique ou non<br />

236<br />

travailleur extradomestique) ;<br />

et comme indicateur de la position socioéconomique familiale, le groupe d’activité<br />

professionnelle du chef de ménage (travailleurs dans la classe de services, travailleurs non<br />

manuels en activités routinières, travailleurs spécialisés, travailleurs du commerce,<br />

travailleurs non spécialisés et travailleurs agricoles), selon le classement proposé par Solís et<br />

Cortés (2009).<br />

A la lumière des résultats des modèles, il faut souligner que les caractéristiques individuelles<br />

des EAJ sont fondamentales pour expliquer le travail domestique familial. D’une part, les<br />

filles ont toujours des probabilités beaucoup plus élevées de travailler que les garçons.<br />

D’autre part, parmi les variables indépendantes du modèle, l’âge est la plus importante,<br />

« toutes choses égales par ailleurs ». <strong>La</strong> probabilité de travailler augmente à mesure de l’âge,<br />

mais surtout après l’âge de 11 ans, et avec une plus forte intensité chez les filles (Tableau 20).<br />

Quant aux variables concernant le milieu familial, l’on a constaté que celles associées à la<br />

composition du ménage ont une relation différente avec le travail domestique familial.<br />

Certaines sont essentielles, comme le nombre de jeunes enfants dans le ménage, la<br />

composition du couple parental et l’absence des femmes adultes, tandis que d’autres ne sont<br />

même pas significatives, (par exemple, le nombre d’autres EAJ dans le ménage). Le rang<br />

d’Ego est significatif mais son effet est faible, de même que la condition d’activité du conjoint<br />

du chef de ménage et la position socioéconomique de la famille. Mais la probabilité de<br />

travailler, ainsi que l’importance de chaque variable dépendent du sexe d’Ego et du temps<br />

consacré au travail (plus de 7 heures par semaine ou 15 heures et plus) (Tableau 20).


Tableau 20. Dédier plus de 7 heures ou 15 heures et plus aux tâches domestiques par semaine.<br />

Rapport de risque et probabilité ajustée d’une régression logistique binomiale par sexe<br />

Variables indépendantes<br />

Rapport de risque (β)<br />

Plus de 7 heures 15 heures et plus<br />

Probabilité<br />

ajustée (%)<br />

Rapport de risque (β)<br />

Probabilité<br />

ajustée (%)<br />

Garçon Fille Garçon Fille Garçon Fille Garçon Fille<br />

Constante du modèle (α) -2,979*** -2,997*** -5,111*** -5,174***<br />

INDIVIDUELLES<br />

Age d’Ego :<br />

6 à 11 ans --- --- 6,9 11,1 --- --- 1,3 2,0<br />

12 à 14 ans 1,332*** 1,900*** 21,9 45,4 1,251*** 1,998*** 4,5 13,2<br />

15 à 17 ans 1,437*** 2,529*** 23,7 61,0 1,545*** 2,816*** 5,9 25,7<br />

COMPOSITION DU MENAGE<br />

Rang d’Ego :<br />

Non aîné --- --- 12,1 26,7 --- --- 2,2 5,8<br />

Aîné 0,178** 0,171*** 14,1 30,2 0,331** 0,328*** 3,1 7,8<br />

Nombre de jeunes enfants :<br />

Aucun --- --- 12,1 26,1 --- --- 2,2 5,6<br />

Un ou deux 0,339*** 0,396*** 16,2 34,4 0,748*** 0,724*** 4,4 10,8<br />

Trois et plus 0,563** 1,081*** 19,4 51,0 1,112*** 1,548*** 6,3 21,7<br />

D’autres garçons de 6 à 17 ans :<br />

Non --- --- 13,1 27,3 --- --- 2,5 6,3<br />

Oui 0,026 0,149*** 13,4 30,4 0,140 0,216*** 2,9 7,7<br />

D’autres filles de 6 à 17 ans :<br />

Non --- --- 13,1 27,9 --- --- 2,6 6,7<br />

Oui 0,024 0,086* 13,4 29,6 0,107 0,063 2,9 7,1<br />

Nombre de femmes adultes :<br />

Nombre moyen (1,2 femme) -0,194*** -0,123*** 13,2 28,7 -0,222** -0,265*** 2,7 6,9<br />

EXEMPLES : Aucune femme 16,2 31,8 3,5 9,3<br />

Deux femmes 11,6 26,7 2,3 5,7<br />

Trois femmes 9,8 24,4 1,8 4,4<br />

Composition du couple :<br />

Couple --- --- 12,4 27,3 --- --- 2,4 6,3<br />

Chef homme seul 0,537*** 0,965*** 19,4 49,6 0,732** 0,874*** 4,9 14,0<br />

Chef femme seule 0,564*** 0,445*** 19,9 36,9 0,845*** 0,599*** 5,4 11,0<br />

CONJOINT DU CHEF DE MENAGE<br />

Condition d’activité :<br />

Non travailleur extradomestique --- --- 11,9 27,2 --- --- 2,2 6,2<br />

Travailleur extradomestique 0,275*** 0,169*** 15,1 30,6 0,439*** 0,242*** 3,4 7,8<br />

POSITION SOCIOECONOMIQUE FAMILIALE<br />

Groupe d’activité professionnelle du<br />

chef de ménage :<br />

Classe de services --- --- 11,3 18,3 --- --- 2,2 3,0<br />

Non manuels en activités<br />

0,114 0,415*** 12,5 25,3 0,123 0,698*** 2,5 5,8<br />

routinières<br />

Travailleurs du commerce 0,021 0,481*** 11,5 26,6 0,113 0,694*** 2,4 5,8<br />

Travailleurs spécialisés 0,267*** 0,755*** 14,3 32,2 0,345* 1,094*** 3,0 8,4<br />

Travailleurs non spécialisés 0,257** 0,779*** 14,1 32,8 0,271 1,183*** 2,8 9,1<br />

Travailleurs agricoles 0,152 0,611** 12,9 29,2 -0,206 0,704** 1,8 5,9<br />

TOTAL 1 13,2 28,7 2,7 6,9<br />

Nombre d’observations 20 730 20 172 20 730 20 172<br />

Khi-deux du modèle<br />

(ddl)<br />

1314,208<br />

(16)<br />

4896,031<br />

(16)<br />

471,313<br />

(16)<br />

2707,972<br />

(16)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre). Sont considérés tous les enfants de 6 à 17 ans, fils ou filles du chef de ménage,<br />

célibataires et sans progéniture. Des enfants dont l’information sur l’activité du chef de ménage est connue. (Données non<br />

pondérées).<br />

*** Significative au seuil de 1‰ ; ** Significative au seuil de 1% et * Significative au seuil de 5%.<br />

--- Catégorie de référence.<br />

1/ Probabilité ajustée lorsque toutes les variables prennent la valeur moyenne.<br />

Lecture : « toutes choses égales par ailleurs » les garçons âgés de 15 à 17 ans travaillent plus fréquemment plus de 7h<br />

hebdomadaires (l’odds ratio est de 1,437) que ceux âgés de 6 à 11 ans, pris ici comme modalité de référence.<br />

237


Par la suite, nous allons procéder à l’analyse détaillée de chaque variable dans le modèle, en<br />

illustrant, dès que possible, les résultats quantitatifs avec les récits des enfants interviewés.<br />

VI.4.1. Le travail domestique, une affaire de femmes et d’enfants.<br />

Pour tester la relation entre le travail domestique familial et la présence des jeunes enfants ou<br />

d’autres enfants âgés de 6 à 17 ans (en plus d’Ego) dans le ménage, ainsi que l’importance du<br />

rang de « naissance », nous nous appuyons sur les résultats des modèles de régression<br />

logistique binomiale élaborés à cet effet.<br />

Même si le rang de naissance d’Ego peut être considéré comme une caractéristique<br />

individuelle, nous préférons l’inclure dans les caractéristiques du ménage, car c’est dans le<br />

contexte familial que ce rang prend du sens et de l’importance. En contrôlant l’effet de l’âge<br />

d’Ego et d’autres aspects inclus dans le modèle, soit « toutes choses égales par ailleurs », il<br />

s’est avéré que le rang de naissance d’Ego parmi tous les fils ou filles du chef de ménage qui<br />

cohabitent n’a pas de relation avec le travail domestique familial. Par contre, ce qui a de<br />

l’importance (en termes statistiques) c’est le rang occupé par Ego parmi la fratrie âgée de<br />

moins de 18 ans dans le ménage. Un résultat qui confirme une assignation de rôles par<br />

génération à l’intérieur du ménage. De manière que les jeunes sont plus propices à faire ce<br />

type de travail, tandis que les plus âgés sûrement se consacrent à la réalisation d’une activité<br />

extradomestique, ou à d’autres activités à titre personnel, déléguant aux plus jeunes les tâches<br />

domestiques, qui manquent de valeur sociale et économique. C’est-à-dire que la participation<br />

d’Ego dans le travail domestique familial ne dépend pas seulement du rang de naissance, mais<br />

plutôt de son rang parmi les moins de 18 ans dans le ménage (une situation aussi associée au<br />

cycle de vie du ménage). C’est justement pour cela que nous incluons le dernier indicateur<br />

dans le modèle final.<br />

Selon les résultats de la régression, malgré la relation prouvée entre le rang de naissance et le<br />

travail domestique familial, cette condition n’est pas l’un des facteurs les plus importants pour<br />

expliquer la participation des enfants, même si les aînés ont une probabilité légèrement plus<br />

élevée de travailler que les autres. Par exemple, dans le cas des filles, leur probabilité estimée<br />

de travailler 15 heures et plus est de 5,8%, lorsqu’elles ne sont pas les aînées, et de 7,8%<br />

lorsqu’elles sont les aînées, tandis que leur probabilité de travailler plus de 7 heures<br />

238


hebdomadaires est de 26,7 et 30,2%, respectivement (Tableau 20). Il faut alors réunir d’autres<br />

conditions pour que les aînés s’investissent davantage que les autres. Il est ainsi plausible que<br />

les aînés dont l’écart d’âge avec le reste de la fratrie est important soient plus susceptibles de<br />

devenir les seuls travailleurs domestiques parmi la fratrie. Car les différences générationnelles<br />

sont plus évidentes. Par contre, lorsque les âges de chaque membre de la fratrie sont proches<br />

les uns des autres, les tâches domestiques seraient mieux distribuées parmi tous, sans un seul<br />

responsable, sinon des coresponsables. Il s’agit d’une situation que nous avons rencontrée lors<br />

des entretiens auprès des enfants.<br />

Dans ce sens, la seule présence de jeunes enfants (moins de 6 ans) augmente notablement la<br />

probabilité de travailler pour les EAJ, filles ou garçons. Mais de manière beaucoup plus<br />

importante chez les filles. Et c’est justement, parmi toutes les variables familiales incluses<br />

dans le modèle, le fait de cohabiter au moins avec trois jeunes enfants qui augmente le plus le<br />

risque de travailler, sauf pour les garçons concernant le travail de plus de 7 heures. Pour ces<br />

derniers, plus que la présence nombreuse de jeunes enfants dans le ménage, c’est le fait<br />

d’avoir une femme chef de ménage seule qui favorise le plus le travail domestique familial.<br />

Nous y reviendrons plus tard. Ainsi, lorsqu’Ego habite un ménage où il y a au moins trois<br />

jeunes enfants, la probabilité de travailler plus de 7 heures est de 51% et de travailler 15<br />

heures et plus est de 21,7% chez les filles ; tandis que chez les garçons, les probabilités<br />

sont respectivement : 19,4 et 6,3%. Par contre, l’absence de jeunes enfants implique une<br />

probabilité estimée chez les filles respectivement de 26,1 et 5,6% ; et chez les garçons de 12,1<br />

et 2,2% respectivement (Tableau 20).<br />

<strong>La</strong> relation entre le travail des enfants et la présence de jeunes enfants (de moins de 6 ans) ou<br />

d’une fratrie nombreuse dans le ménage a été prouvée pour certains chercheurs. Les raisons<br />

s’expliquent de deux points de vue. D’une part, l’on soutient que dans un contexte de<br />

pauvreté, les enfants peuvent être considérés comme partie des capitaux qui possède la<br />

famille. D’où l’intérêt des familles pauvres d’avoir une fécondité élevée, car cela garantit la<br />

disponibilité de main-d'œuvre pendant les divers cycles de la vie familiale, une idée qui<br />

s’appuie principalement sur la théorie utilitariste de Gary Becker sur la famille. Ainsi, le<br />

nombre d’enfants est un indicateur de pauvreté, et donc un facteur qui favorise le travail des<br />

enfants (Grootaert et Kanbur, 1995). D’autre part, dans un sens plus large, les jeunes enfants<br />

ont besoin d’une attention assez proche qui demande un investissement de temps de la part<br />

des autres membres plus âgés du ménage (OIT, 1990). Et même s’il s’agit d’une obligation<br />

239


parentale, diverses circonstances comme la précarité familiale ou l’irresponsabilité de l’un ou<br />

des deux parents (l'abandon de la famille de la part de l’un des parents par exemple), poussent<br />

parfois les parents à déléguer la garde des plus jeunes, totalement ou partiellement, au reste<br />

des membres du ménage. Et dans certains cycles de la vie familiale, ce sont d’autres enfants<br />

qui doivent s’en charger. Car, il est assez fréquent au Mexique que la fratrie reste seule à la<br />

maison toute la journée pendant que les parents travaillent. Comme illustrent les récits de<br />

certains des nos interviewés.<br />

240<br />

« Mon frère aîné s’occupait de nous parce que mes parents travaillaient. Il nous douchait, il nous<br />

préparait à manger, ben, parfois il nous faisait des œufs et des choses comme ça, il nous amenait à<br />

l’école. Il allait aussi à l’école, mais il avait le temps de tout faire. Il nous faisait aussi faire le ménage<br />

et lui, il faisait aussi. (…) Il avait comme 11 ou 12 ans. » 312 (Felipe, 14 ans, travailleur<br />

extradomestique non familial. Sa famille est composée par son père qui est maçon, sa mère qui est<br />

femme de ménage, et ses deux frères aînés, 20 et 16 ans).<br />

« J’ai dû faire à manger pour mes sœurs cadettes [pour des raisons inconnues, l’aînée, plus âgée<br />

qu’Ego, n’a pas pris cette responsabilité], j’ai dû aller les chercher à l’école. Je révisais leurs devoirs.<br />

C’est-à-dire que j’ai pris le rôle de la mère depuis très jeune. Je crois que j’avais plus ou moins huit<br />

ou neuf ans lorsque j’ai commencé à cuisiner. Je disais : il nous faut manger ! » 313 (Coco, ancienne<br />

fille travailleuse domestique familiale. Sa famille était composée par sa mère, femme de ménage, et<br />

trois sœurs, une aînée et deux cadettes. Le père n’avait aucun contact avec elles). 314<br />

« C’est moi qui ai dit : ben, je dois m’occuper d’eux, étant donné que mon père et ma mère ne le font<br />

pas. Je leur donnais à manger, et parfois nous jouions ou je les aidais avec leurs devoirs. Même<br />

maintenant... je me sens responsable de ce qu’ils soient bien, parce que je suis l’aînée. Et parce que<br />

je les aime. (...) <strong>La</strong> responsabilité n’est pas à moi, ben non, parce que c’est de mon père ou de ma<br />

mère. Mais ils sont ma sœur et mon frère, et, comme leur sœur, j’ai aussi la responsabilité de<br />

m’occuper d’eux, comme je suis la plus âgée. » 315 (Karen, 14 ans, travailleuse domestique familiale.<br />

Sa famille était composée par son père qui est mécanicien non diplômé, un frère de 10 ans et une<br />

sœur de 8 ans. Sa mère n’avait plus contact avec eux depuis la séparation de ses parents, depuis à<br />

peu près un an. Ils vivaient dans un studio situé à l’étage de la maison propriété de sa grand-mère).<br />

312 « Mi hermano el grande nos cuidaba, porque mis papás trabajaban. El nos bañaba, nos hacía de comer, bueno<br />

luego nos hacía huevos y así, nos llevaba a la escuela. El iba a la escuela, pero le daba tiempo de todo. También<br />

nos ponía a hacer el quehacer a nosotros y él también hacía. (…) Tenía como 11 o 12 años. »<br />

313 « Yo tuve que hacer de comer para mis hermanas, yo tuve que recogerlas de la escuela. Les revisaba la tarea.<br />

O sea, yo tomé el rol de la mamá desde chica. Yo creo que tenía como ocho o nueve años cuando empecé a<br />

cocinar. Yo decía: ¡tenemos que comer! »<br />

314 Après l’entretien avec l’un des enfants à Pueblo Quieto, nous sommes allés chez Coco (29 ans, femme au<br />

foyer, mère de deux filles âgées de 11 et 5 ans, écolières), une ancienne connaissance, qui après son mariage<br />

avec un voisin est restée vivre au quartier. Lors d’une conversation informelle, elle s’est mise à nous raconter<br />

son histoire personnelle, qu’elle a accepté que nous enregistrions, en sachant que nous étions en train de faire des<br />

entretiens auprès des enfants du quartier pour nos études.<br />

315 « Fui yo la que dije: pues yo los tengo que cuidar, ya que mi papá y mi mamá no lo hacen. Les daba de<br />

comer, y a veces nos poníamos a jugar o les ayudaba en sus tareas. Hasta ahora también... me siento responsable<br />

de que estén bien, porque soy la mayor. Y porque los quiero. (...) Responsabilidad así que digamos<br />

responsabilidad que es mía, pues no, porque es la de mi papá o la de mi mamá. Pero pues son mis hermanos, y<br />

también como son mis hermanos tengo la responsabilidad, como soy la más grande, de cuidarlos en lo que les<br />

haga falta. »


Ces récits montrent l’importance que peut prendre le travail dans la vie des enfants qui, à un<br />

moment donné, assument un rôle qui ne leur correspond pas, mais qui est indispensable à la<br />

reproduction quotidienne du ménage. Or, ces extraits suggèrent aussi que la présence de<br />

jeunes enfants (de moins de 6 ans) ou de personnes âgées n’est pas la seule à demander un tel<br />

investissement de la part de l’un des enfants, la présence d’autres enfants est aussi une raison<br />

pour que l’un parmi eux finisse par prendre la responsabilité. Cependant, même les enfants<br />

sans frères ou sœurs, âgés de moins de 18 ans dans le ménage, qui représentent 17% des EAJ,<br />

peuvent devenir des travailleurs domestiques lorsqu’ils s’occupent d’eux-mêmes ou du travail<br />

ménager. Une autre évidence, d’après les récits, est le fait que lorsque la fratrie doit rester<br />

seule chez elle, ce sont plutôt, mais pas toujours, les aînés qui prennent cette responsabilité à<br />

leur initiative, sans une demande explicite de la part des parents. Une attitude qui semble<br />

évidente aux yeux des enfants. Il s’agit d’une question de solidarité familiale, d’amour<br />

fraternel, mais aussi de hiérarchie : cela va de soi ! Car l’aîné sent qui c’est lui qui a le plus de<br />

capacités pour s’en charger, comme l’exprime cette fille qui s’occupe de ses cadets âgés de 10<br />

et 8 ans :<br />

« Mon frère et ma sœur sont jeunes et ils sont des écoliers. (...) Et ils étudient et veulent jouer ou<br />

regarder la télé. Et ils ne peuvent pas le faire les matins (le travail domestique, car ils sont à l’école à<br />

ce moment-là). Et ce que je fais, je peux le faire. » 316 (Karen, 14 ans).<br />

Par rapport à la présence d’autres EAJ, chez les garçons, partager le ménage ou non avec<br />

d’autres filles ou d’autres garçons âgés de 6 à 17 ans ne représente pas un facteur de risque<br />

statistiquement significatif, pour le travail domestique familial (« toutes choses égales par<br />

ailleurs »). Or, chez les filles, c’est surtout la présence d’autres garçons de cette tranche<br />

d’âges qui favorise leur participation. <strong>La</strong> présence d’autres filles est aussi en relation, mais<br />

d'une manière moins évidente (Tableau 20). Si l’on considère qu’il n’y a pas une demande<br />

expresse de la part des parents adressée aux aînés afin de s’occuper du travail domestique,<br />

voire des plus jeunes, il semble que ce sont davantage les filles de la fratrie qui prennent<br />

l’initiative. Une attitude qui répond à la connotation féminine qui garde encore cette activité<br />

dans les idées des plus jeunes, filles et garçons au même titre, qui malgré leur discours qui<br />

tend à l’équité de genre continuent de garder dans leur esprit, une assignation de rôles<br />

316 « Mis hermanos están chiquitos y están estudiando (...) Ellos estudian y quieren jugar y quieren ver la tele. Y<br />

en las mañanas ellos no pueden hacerlo (el quehacer). Y yo lo que hago sí lo puedo realizar. »<br />

241


déterminée par le sexe. En l’occurrence, une fille parle des bénéfices de cette expérience<br />

domestique :<br />

242<br />

C’est bien « (…) pour plus tard lorsque je me marierai. Car je sais déjà ce que je vais faire. Je sais<br />

aussi que les enfants sont une responsabilité, ainsi que le mari, le linge et tout ça. Que sais-je ? Pas<br />

comme beaucoup de filles qui s’installent avec leur partenaire à 25 ans et elles ne savent ni cuisiner ni<br />

bien laver le sol. Je dis, ben, je ne sais pas le faire excellemment, mais je sais le faire bien. Cela va me<br />

servir pour plus tard. Et ça ne me nuit pas du faire. » 317 (Karen, 14 ans).<br />

Certes, il existe un apprentissage domestique, et il n’est pas négligeable, mais bien<br />

évidemment, il n’est pas non plus indispensable pour l’avenir, même si l’on compte devenir<br />

une femme au foyer à l’âge adulte, ce qui n’est pas le cas pour cette fille qui veut réussir une<br />

formation universitaire en médecine. Une situation semblable pour les autres filles<br />

interviewées qui veulent réussir une formation universitaire. Il semble plutôt que c’est une<br />

manière de justifier une importante charge, une responsabilité impropre, qui leur a été<br />

imposée par les circonstances.<br />

Comme nous l’avons constaté dans le chapitre sur les représentations sociales, les garçons<br />

sont censés devenir les principaux pourvoyeurs de revenus de leur famille, tandis que les<br />

filles, même si elles garderont la responsabilité du travail ménager, travailleront à l’image de<br />

leurs parents. Une idée qui semble dissociée avec leur récit sur l’égalité de chances de<br />

scolarité pour les filles et les garçons : tous sont censés faire des études universitaires. Et tous<br />

voudraient y arriver.<br />

Enfin, en général, la relation entre les variables analysées et le travail domestique familial a<br />

les mêmes tendances pour les travailleurs domestiques qui consacrent plus de 7 heures<br />

hebdomadaires que pour ceux qui dédient 15 heures et plus. Même si bien évidemment, les<br />

risques sont beaucoup plus élevés chez les premiers, une situation qui concerne une<br />

population plus nombreuse.<br />

317 « (…) para más adelante cuando me case. Pues ya sé lo que voy a hacer o ya sé que es una responsabilidad los<br />

hijos, el marido, la ropa y todo eso. No sé, no como muchas muchachas que se juntan a los 25 y no saben ni<br />

cocinar o no saben trapear bien. Digo, pues yo no sé hacerlo excelente, pero sé hacerlo bien. Me va a servir más<br />

adelante. Y tampoco me perjudica hacerlo. »


VI.4.2. Des enfants qui remplissent l’absence de femmes.<br />

Etant donné que le travail domestique est dans la pratique une affaire plutôt de femmes, la<br />

présence ou l’absence de celles-ci dans le ménage représente un facteur qui peut favoriser la<br />

participation plus ou moins active des enfants dans ce type de travail. Ainsi l’on trouve qu’au<br />

fur et à mesure que le nombre de femmes adultes dans le ménage augmente, le risque des<br />

enfants d’être des travailleurs domestiques familiaux diminue. Notamment lorsqu’il s’agit<br />

d’un travail de 15 heures et plus par semaine, et principalement chez les filles, dans ce cas par<br />

exemple, la probabilité (%) de travailler quand il n’y a pas une femme dans le ménage double<br />

celle des ménages où il y a trois femmes adultes (respectivement 9,3 et 4,4%) (Tableau 20).<br />

Cependant, l’absence de femmes adultes dans le ménage peut résulter de causes et de<br />

conditions différentes. Leur absence peut être provisoire ou permanente, et donc avoir des<br />

conséquences différentes sur la vie familiale et sur chaque membre de la famille.<br />

A ce sujet, deux situations qui ont pris de l’importance au Mexique pendant les dernières<br />

décennies marquent la vie des familles, et donc des enfants, quant à la participation dans les<br />

activités de reproduction familiale. D’une part, la croissance des séparations et des divorces<br />

des couples, qui souvent se traduisent par l’abandon total de l’un des parents. D’autre part,<br />

l’entrée de plus en plus fréquente des femmes sur le marché du travail, pour des raisons<br />

économiques ou culturelles. Dans les deux cas, les femmes ont moins du temps pour<br />

s’occuper des tâches domestiques et des enfants que les femmes au foyer.<br />

Or, pour évaluer l’importance des séparations, un indicateur que nous créons à cet effet est la<br />

composition du couple parental dans le ménage. Selon les résultats des modèles de régression,<br />

c’est principalement l’absence de l’un des parents au foyer qui favorise le travail domestique<br />

familial, soit la monoparentalité. Mais l’impact de la composition du couple parental est plus<br />

important chez les filles que chez les garçons. En effet, face au travail domestique familial, les<br />

garçons ont presque les mêmes risques qu’ils appartiennent à une famille monoparentale<br />

féminine ou masculine. Tandis que chez les filles, c’est le sexe du chef qui est important.<br />

Ainsi, c’est notamment l’absence de la mère (une femme) qui favorise la participation de<br />

filles.<br />

A la lumière de ces résultats, il est fort probable que la mère qui reste seule comme chef de<br />

ménage continue d’assumer la responsabilité du travail domestique, ou une partie, même en<br />

243


combinaison d’un travail extradomestique, et surtout dans les cas où les enfants sont des<br />

garçons, ou assez jeunes. Tandis que dans le cas des pères seuls, ce sont plutôt les filles, si<br />

elles existent, qui prennent la responsabilité du travail domestique, et le père continue<br />

d’exercer principalement son rôle de pourvoyeur, même si éventuellement il « aide » aux<br />

tâches domestiques. Le vécu de Karen résume bien, encore une fois, ce qui peut se passer au<br />

sein d’une famille, lors d’une séparation :<br />

244<br />

« Mon papa m’aide, parce que ma maman n’est pas avec nous. Alors, les matins il se lève et<br />

douche mon frère et je douche ma sœur. Après, il fait son lit, et moi, je fais le mien et ceux de mon<br />

frère et de ma sœur. Il range ses affaires et celles de mon frère et je range mes affaires et celles<br />

de ma sœur. » 318 [...] « Je balaie, lave le sol, et lave les toilettes. Je fais la vaisselle du dîner. » 319<br />

[…] « Parfois, je repasse et je lave mon linge, celui de mes cadets et celui de mon père. » 320 […]<br />

« Auparavant, il cuisinait et je réchauffais seulement et servais les repas. Maintenant, ma mamie<br />

fait la cuisine (qui habite un logement à côté, mais qui n’appartient pas au même ménage). » 321<br />

(Karen, 14 ans).<br />

Une évidence qui suggère que, lorsqu’il s’agit d’une famille monoparentale, tout court, ce<br />

sont les filles qui s’investissent plus dans le travail domestique. <strong>La</strong> charge d’un chef de<br />

ménage qui reste seul avec ses enfants peut être assez lourde, plus encore si le soutien du<br />

conjoint absent est nul. Et dans certaines conditions (comme la précarité économique), les<br />

responsabilités censées être parentales peuvent dépasser les possibilités réelles du chef de<br />

ménage qui se trouve débordé pour accomplir seul cette double charge de pourvoyeur<br />

économique et de femme au foyer :<br />

« Ma mère a travaillé tout le temps (le père a abandonné la famille) (...) Et ta mère ne peut plus se<br />

diviser davantage, elle fait déjà assez avec son travail. Et tant pis, en tant qu’enfant tu es censée le<br />

faire, tu es censé te faire responsable des autres. Je ne crois pas que cela soit le mieux parce que tu<br />

prends le rôle de mère. Parce que tu es un enfant, mais tu es responsable des autres. Mais, tant pis,<br />

tu dois apprendre, et c’est comme ça les circonstances que j’ai vécues. » 322 (Coco, ancienne fille<br />

travailleuse domestique familiale).<br />

318 « Mi papá si me ayuda, porque mi mamá no está con nosotros. Entonces en la mañana se para y baña a mi<br />

hermano y yo baño a mi hermana. Ya después él tiende su cama y yo tiendo la mía y la de mis hermanos. El<br />

recoge lo que es suyo y lo que es de mi hermano y yo lo que es mío y lo que es de mi hermana. »<br />

319 « Barro, trapeo y lavo el baño. <strong>La</strong>vo los trastes de la cena. »<br />

320 « A veces plancho y lavo la ropa. Yo lavo mi ropa, la de mis hermanos y la de mi papá. »<br />

321 « Antes él cocinaba y yo lo único que hacía era calentar y darles. Ahora cocina mi abuelita. »<br />

322 « Mi mamá todo el tiempo trabajó (...) Y tu mamá no se puede dividir en más, ya bastante hace con irse a<br />

trabajar. Y ni modo, como niña te va a tener que tocar, te toca hacerte responsable de las demás. No creo que sea<br />

lo mejor porque tomas el rol de mamá. Porque eres un niño, pero eres la responsable de los demás. Entonces, ni<br />

modo te toca aprender, y así fueron las circunstancias que yo viví. »


Ainsi pour certaines familles, l’expérience d’une séparation parentale entraîne parfois la mise<br />

en marche du travail domestique familial de la part de la fratrie, voire de l’un des enfants en<br />

particulier. Cependant, la participation active des enfants au travail domestique familial<br />

survient également lorsqu’en plus du chef de ménage, le conjoint exerce aussi un travail<br />

extradomestique. Comme illustre le récit de cette fille :<br />

« Je m’occupe de mon frère et de ma sœur depuis que mes parents se sont séparés. Mais, je m’en<br />

occupais depuis toujours, c’est-à-dire depuis assez jeunes, et j’ai toujours joué avec eux. (...) Depuis<br />

que j’étais assez jeune, mes parents ont toujours eu des problèmes. Ma maman travaillait et mon papa<br />

travaillait. Et auparavant, mon papa n’était pas de ceux qui font des tâches domestiques, et ma maman<br />

se consacrait seulement à travailler. Alors, ils rentraient un peu tard. Et les trois (enfants) faisions<br />

semblant de faire le ménage, car nous étions assez jeunes. Les trois aidions. » 323 (Karen, 14 ans).<br />

En effet, le temps disponible des parents pour accomplir les tâches domestiques, voire pour<br />

s’occuper des enfants, est limité. Surtout si l’on prend en compte que le marché du travail est<br />

si précaire qu’il demande souvent un important investissement de temps de la part des<br />

travailleurs qui travaillent souvent plus que les 40 heures hebdomadaires marquées par la loi,<br />

pour avoir un revenu suffisant pour faire face aux besoins de la famille. En plus, le temps de<br />

déplacement de la maison au travail est souvent très important dans les villes. Alors, la<br />

probabilité (%) pour un EAJ d’être un travailleur domestique familial est plus élevée lorsque<br />

le conjoint est un travailleur extradomestique, par rapport à toutes les autres situations. Il est<br />

clair que si l’un des parents reste à la maison, il peut s’occuper des enfants et des tâches<br />

domestiques aisément, et donc les enfants participent plus sporadiquement. Par contre, si les<br />

parents travaillent, soit ils laissent leurs enfants pendant la journée avec quelqu’un d’autre,<br />

notamment un parent ou un proche, soit les enfants restent seuls à la maison. Or, les familles<br />

vivent souvent proches les unes des autres, de sorte qu’implicitement il y a une certaine<br />

notion d’accompagnement entre elles, surtout lorsque les parents sont absents. Comme le<br />

démontre le récit de cette fille qui habite un appartement construit dans une copropriété<br />

familiale, où habitent les grands-parents et aussi d’autres parents avec leur famille :<br />

323 « Cuido a mis hermanos desde que se separaron mis papás. Pero de por sí, siempre los he cuidado, o sea<br />

desde chiquitos, y siempre he jugado con ellos. (...) Desde chiquita siempre han tenido problemas. Mi mamá<br />

trabajaba y mi papá trabajaba. Y antes mi papá no era de esos que hacía labores domésticas y mi mamá nada más<br />

se dedicaba a trabajar. Entonces, ya llegaban los dos algo tarde. Y los tres según hacíamos el quehacer porque<br />

éramos pequeños, los tres los ayudábamos. »<br />

245


246<br />

« Nous restons seuls depuis que j’avais comme 8 ans (ses frères : 6 et 4 ans). J’étais une petite fille,<br />

mais étant donné qu’il y a toutes mes tantes là, parfois elles passaient et nous jetaient un coup<br />

d’œil. » 324 (Sandra, 12 ans).<br />

Ainsi, l’entrée des femmes sur le marché du travail, par besoin ou par conviction personnelle,<br />

a eu principalement deux conséquences importantes au niveau de l’organisation familiale et<br />

de la vie des femmes et des enfants notamment. D’une part, certaines femmes ont doublé leur<br />

journée de travail en conservant la responsabilité du travail ménager en plus de leur travail<br />

extradomestique. D’autre part, les enfants ont souvent intensifié leur participation aux tâches<br />

ménagères. Et même parfois, ils ont pris cette responsabilité, en remplaçant surtout leur mère<br />

(qui d’habitude est la responsable principale du travail domestique), et même en s’occupant<br />

d’eux-mêmes dès un jeune âge.<br />

En tout cas, dans ce processus de changement des activités des femmes, les hommes adultes<br />

sont restés plutôt à l’écart, en gardant principalement leur rôle de pourvoyeurs de revenus.<br />

Signe de « l’injustice ménagère » qui persiste partout dans le monde (Singly, 2007).<br />

Cependant, il faut reconnaître que, de plus en plus, ils s’investissent davantage dans le travail<br />

domestique, notamment dans les secteurs les plus scolarisés et chez les générations les plus<br />

jeunes, cela marque le début de relations de genre plus équitables qui s’esquisse dans la<br />

société mexicaine.<br />

Dans ce sens, il faut souligner que la plupart des chefs de ménage sont des hommes (82%)<br />

(Tableau 21). Parmi eux, quatre sur dix ne participent pas au travail ménager, et un sur quatre<br />

le fait seulement en moyenne une heure par jour. De manière que seulement un chef homme<br />

sur trois dédie plus de 7 heures hebdomadaires au travail ménager, tandis que chez les chefs<br />

femmes, c’est la majorité (96%). Une situation qui évidemment a des effets sur la<br />

participation des EAJ.<br />

324 « Nos quedábamos solos como desde que yo tenía como los 8 (hermanos: 6 y 4 años). Estaba chiquita, pero<br />

como están aquí todas mis tías, a veces pasaban y nos echaban un ojo. »


Tableau 21. Répartition (%) des chefs par sexe,<br />

selon le nombre d'heures moyen dédié au travail domestique<br />

Heures moyennes<br />

dédiées au travail<br />

Sexe du chef<br />

domestique Homme Femmes Ensemble<br />

Aucune 43,0 2,5<br />

Une à sept heures 26,1 2,0<br />

Plus de sept heures 31,0 95,5<br />

Total<br />

%<br />

(N)<br />

100,0<br />

82,3<br />

(4 085 459)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

100,0<br />

17,7<br />

(883 126)<br />

VI.4.3. Garçons et filles : différents face a la précarité familiale.<br />

35,8<br />

(1 778 241)<br />

21,8<br />

(1 082 045)<br />

42,4<br />

(2 108 299)<br />

100,0<br />

100,0<br />

(4 968 585)<br />

Pour finir avec l’analyse des conditions du contexte familial incluses dans le modèle de<br />

régression logistique, nous nous attardons maintenant sur l’importance de la situation<br />

socioéconomique du ménage, en utilisant l’indicateur basé sur l’activité professionnelle du<br />

chef de ménage, proposé par Solís et Cortés (2009), dont les travailleurs de la « classe de<br />

services » se trouvent en haut de l’échelle sociale, et les « travailleurs non spécialisés » et les<br />

« travailleurs agricoles » tout en bas.<br />

Selon nos résultats, chez les filles, la condition socioéconomique du ménage est en étroite<br />

relation avec le fait d’être une travailleuse domestique familiale (tous les coefficients du<br />

rapport de risque sont statistiquement significatifs). Ainsi, en général, plus le ménage<br />

d’appartenance des filles est mal placé dans l’échelle socioéconomique, plus la probabilité de<br />

travailler augmente (Tableau 20). Cependant certains groupes d’activité ont entre eux le<br />

même niveau de risque, quant au travail domestique familial : les travailleurs non manuels en<br />

activités routinières et les travailleurs du commerce ; et les travailleurs spécialisés et non<br />

spécialisés. Les travailleurs agricoles présentent une situation particulière, car les filles y sont<br />

moins concernées par le travail domestique que les deux groupes juste en dessus de cette<br />

échelle. Un résultat étonnant, car le travail des enfants dans un milieu agricole est supposé<br />

assez fréquent, et bien déterminé par une participation active des filles aux tâches<br />

domestiques. Or, peut-être, la participation de tous les enfants de la famille est plus active,<br />

alors moins concentrée sur une seule personne, de sorte que même les filles consacreraient<br />

247


moins de temps à ces activités, grâce à la coresponsabilité du travail domestique dans la<br />

fratrie, ou chez les femmes. Or, sans tenir compte des travailleurs agricoles, le contraste entre<br />

appartenir à une famille bien placée ou une famille mal placée dans cette échelle<br />

socioéconomique est à souligner. Ainsi, les filles appartenant à une famille de la classe de<br />

services participent beaucoup moins que les filles appartenant à une famille de travailleurs<br />

spécialisés ou non spécialisés, notamment lorsqu’il s’agit d’un investissement de 15 heures et<br />

plus par semaine. Ce qui montre que le travail domestique familial est en relation directe avec<br />

un problème socioéconomique. Car, par exemple, dans une situation socioéconomique<br />

familiale favorable, l’absence d’une femme adulte ou la présence d’un nombre considérable<br />

de jeunes enfants dans le ménage, ne serait pas nécessairement un motif d’investissement des<br />

filles dans ce type de travail, car l’on peut embaucher une personne étrangère, qui peut être<br />

prise en charge par la propre famille. Une situation qui n’est pas donnée aux familles plus<br />

démunies, qui n’ont pas la possibilité de résoudre leurs contraintes domestiques en dépensant<br />

de l’argent.<br />

Chez les garçons, la position socioéconomique du ménage n’a pas une relation nette avec le<br />

travail domestique familial. En effet, par rapport aux fils des familles les plus favorisées, la<br />

probabilité (%) de travailler plus de 7 heures hebdomadaires augmente significativement<br />

seulement si le chef est un travailleur spécialisé ou non spécialisé, soit dans deux groupes<br />

d’activité placés en bas de l’échelle (Tableau 20). Néanmoins, le dernier, les travailleurs<br />

agricoles, offre un risque moindre à leurs fils. Et la relation est encore moins évidente<br />

lorsqu’il s’agit du travail pendant 15 heures et plus, car seuls les fils des travailleurs<br />

spécialisés ont un risque plus élevé de travailler (statistiquement significatif). Un résultat<br />

difficile à comprendre d’un point de vue simplement socioéconomique. Il faudrait chercher<br />

les réponses plutôt sur les particularités dans la composition de ce groupe de travailleurs par<br />

rapport aux autres.<br />

Conclusions<br />

Concernant les activités domestiques, la plupart des enfants, dès un jeune âge, participent de<br />

manière systématique, même si le temps qu'ils consacrent à ces activités n'est pas excessif<br />

(moins d'une heure par jour en moyenne, soit six heures en moyenne par semaine). Or, cette<br />

participation peut se transformer subtilement dans une forme de travail (travail domestique<br />

248


familial), surtout lorsque le nombre d’heures à accomplir dépasse un certain seuil, et que la<br />

réalisation de ces tâches devient une responsabilité quotidienne de l’enfant : s’occuper de plus<br />

jeunes, préparer les repas, faire le ménage... Et c’est justement ces cas qui sortent de la norme<br />

qui nous intéressent, soit les enfants travailleurs domestiques familiaux.<br />

Nous trouvons que le travail domestique familial est fréquent, notamment lorsque l’on prend<br />

le critère de plus de 7 heures hebdomadaires (24%), soit 2,4 millions d’EAJ. Une pratique qui<br />

diminue notablement lorsque l’on passe au critère de 15 heures et plus par semaine (8%), soit<br />

à peu près 774 000 EAJ. C’est-à-dire que la plupart de ces travailleurs consacrent moins de 15<br />

heures hebdomadaires. Il s’agit alors d’une activité qui permet, plus ou moins aisément, la<br />

scolarisation, mais en détriment d’une partie du temps libre ou du temps de repos de ces<br />

enfants. Cependant, ce type de travail peut s’avérer très prenant pour certains EAJ qui, en<br />

général pour des raisons de désintégration familiale, mais aussi économiques et culturelles,<br />

sont poussés à assumer cette responsabilité à plein temps. Une obligation qui, en combinaison<br />

avec les études, devient une lourde charge pour les EAJ concernés, dont les problèmes ne sont<br />

pas seulement physiques, mais aussi émotionnels. Or, il faut souligner la forte présence de<br />

rôles de genre qui domine cette sphère de travail. De manière notable, ce sont les filles qui<br />

sont les plus concernées. Et même si en général il s’agit de filles de plus de 14 ans, il existe<br />

une participation déjà importante depuis l’âge de 12 ans, lorsque la scolarisation est encore<br />

obligatoire. Il faut souligner que l’âge d’Ego est le facteur le plus déterminante du travail<br />

domestique familial : à mesure que les enfants (garçons et filles) grandissent augmente le<br />

risque de travailler. De manière que les filles de 15 à 17 ans, le groupe le plus concerné, ont<br />

une probabilité de 61% de travailler plus de 7 heures par semaine et de 26% de travailler 15<br />

heures et plus hebdomadaires.<br />

D’après l’ensemble de résultats, l’on est face à une situation d’injustice ménagère en matière<br />

de genre (Singly, 2007), mais aussi une injustice ménagère de génération, car ce sont souvent<br />

les enfants, et notamment les filles, qui assument les devoirs de la maison, sans pour autant<br />

renoncer à leur scolarisation. Ce qui signifie pour certains, une double journée de travail, à<br />

l’image des femmes, même s’il y a des différences qualitatives et quantitatives entre ces deux<br />

types de double journée. En effet, cette idée suit les propos de certains qui, à l’initiative de<br />

Qvortrup, réfléchissent à la pertinence de considérer la scolarisation comme une forme de<br />

travail.<br />

249


Néanmoins, l’on sait qu’en général, la moindre participation des garçons dans le travail<br />

domestique ne signifie pas une moindre participation dans la vie familiale (activités<br />

productives et de reproduction sociale). Il s’agit plutôt du résultat d’une assignation de rôles<br />

traditionnels par sexe, qui pousse les garçons à s’occuper davantage des activités<br />

économiques, et laisse les filles s’occuper des tâches à l’intérieur du ménage. C’est-à-dire que<br />

le niveau de participation des filles et des garçons est semblable, mais dans des domaines<br />

différents. Or, en général, les bénéfices réels (économiques, sociaux, culturels, formateurs…)<br />

à l’extérieur de la sphère familiale sont plus importants qu’à l’intérieur. De manière que les<br />

garçons travailleurs ont plus d’avantages que les filles travailleuses (un revenu, l’acquisition<br />

d’un savoir-faire, l’élargissement d’un réseau social), des avantages à court et à long terme.<br />

Par ailleurs, les risques pour les enfants sont plus nombreux et plus importants en dehors de la<br />

sphère familiale. Une situation qui joue sûrement un rôle important dans l’assignation des<br />

tâches parmi les membres d’une famille. Les filles, en tant que femmes, seraient considérées<br />

comme plus vulnérables, fragiles et naïves que les garçons, par conséquent, elles seraient<br />

poussées à passer le plus de temps possible près de la famille, tandis que les garçons sortent<br />

du noyau familial plus tôt.<br />

Comme on l’a observé lors des récits montrés dans ce chapitre, les enfants qui ont pris la<br />

responsabilité de la maison ou de la fratrie reconnaissent qu’il s’agit d’un travail non<br />

approprié aux enfants, mais parfois indispensable à la vie familiale. C’est plutôt une<br />

responsabilité imposée par les circonstances familiales, une solidarité « obligée ». A l’origine<br />

se trouvent diverses causes, comme l’absence de l’un des parents et la précarité familiale<br />

notamment, mais, en tout cas, il ne s’agit pas forcément d’une situation préméditée de la part<br />

des parents. Or, il faut dire aussi que, d’après nos observations sur le terrain, laisser les<br />

enfants seuls à la maison fait partie d’une coutume, au-delà des restrictions économiques.<br />

Surtout lorsqu’il n’y a plus de jeunes enfants, l’on considère que les enfants n’ont pas besoin<br />

d’une surveillance continuelle. Et la proximité d’autres proches ou parents renforce ou<br />

favorise cette habitude.<br />

Dans ce sens, nous avons constaté qu’effectivement, la participation des EAJ dans le travail<br />

domestique est favorisée par certaines conditions familiales. Nous trouvons que la<br />

participation des EAJ dans le travail domestique suit un ordre générationnel : les plus âgés<br />

sont davantage concernés que les cadets. Mais, il faut dire que cet ordre générationnel est<br />

250


limité aux enfants de moins de 18 ans. Les enfants de la fratrie âgés de 18 ans et plus ne sont<br />

pas concernés, ils se consacrent sûrement à d’autres activités plus valorisées socialement, ou à<br />

des activités d’intérêt personnel, laissant le travail domestique familial aux mains des plus<br />

« petits ». D’autre part, la présence de jeunes enfants (moins de 6 ans) dans le ménage s’est<br />

avérée très importante.<br />

Parmi tous les facteurs familiaux que nous avons analysés, c’est le fait d’avoir plus de trois<br />

jeunes enfants dans le ménage qui favorise le plus la participation des EAJ (sauf pour les<br />

garçons, dans le critère de plus de 7 heures hebdomadaires de travail). Plus il y a de jeunes<br />

enfants dans le ménage, plus les EAJ sont concernés par le travail domestique familial,<br />

notamment chez les filles. D’ailleurs, la présence d’autres EAJ dans le ménage, filles ou<br />

garçons, n’a pas d’effet sur la participation de garçons au travail domestique familial ; par<br />

contre, chez les filles, la présence d’autres garçons favorise leur participation.<br />

<strong>La</strong> présence de femmes adultes (18 ans et plus) dans le ménage est en relation directe avec la<br />

participation des EAJ, de manière que l’absence d’une femme adulte pousse les enfants à<br />

s’investir davantage, mais à mesure que le nombre de femmes augmente, les EAJ participent<br />

moins. 325 Mais l’absence des femmes adultes peut être aussi temporaire, lorsque la mère doit<br />

travailler à l’extérieur du ménage, par exemple. Nous trouvons qu’il existe une relation directe<br />

entre la condition d’activité économique des mères et la participation domestique des enfants,<br />

mais la relation est plutôt faible. De manière que le travail extradomestique de femmes ne<br />

peut pas être considéré systématiquement comme un facteur de risque au travail domestique<br />

familial des enfants. Mais il faut souligner que la plupart de mères ne travaillent pas à plein<br />

temps, ainsi, il faudrait différencier les cas des femmes selon leur temps de travail, pour voir<br />

si l’activité extradomestique des femmes a des conséquences importantes sur les activités des<br />

enfants, car le temps qu’elles pourraient consacrer au travail domestique est nettement<br />

différent. Mais l’absence de femmes adultes dans le ménage n’est pas plus importante que<br />

l’absence de l’un des parents. Les familles monoparentales sont celles où la participation des<br />

EAJ est la plus probable. Chez les filles, le risque de travailler augmente surtout lorsque le<br />

chef seul est un homme, et chez les garçons, lorsque le chef seul est une femme. Enfin, nous<br />

avons trouvé que les filles sont très sensibles à la position socioéconomique du ménage. Face<br />

aux diverses contraintes familiales, les filles qui appartiennent à des familles défavorisées sont<br />

325 Le nombre d’hommes adultes dans le ménage ne montre pas de relation claire au cours des analyses bivariées.<br />

251


plus vulnérables que les autres, tandis que les garçons sont peu concernés dans ce sens.<br />

Sûrement parce qu’ils s’investissent davantage dans le travail extradomestique.<br />

Il s’avère que le travail domestique familial, soit les tâches ménagères et la garde d’autres<br />

personnes, reste dans un domaine d’abord féminin, et après, puéril. C’est-à-dire que la sphère<br />

du travail domestique est façonnée par l’inégalité des relations de genre et de génération.<br />

Il faut reconnaître que les récits des enfants, malgré leurs limites, ont été essentiels pour avoir<br />

une idée plus complète de la situation des enfants travailleurs domestiques familiaux. Soit ils<br />

ont enrichi les résultats quantitatifs, soit ils nous ont permis d’aborder des aspects dépourvus<br />

d’information dans les bases de données, notamment les raisons qui poussent les enfants à<br />

s’investir dans ce type de travail, l’organisation des tâches à l’intérieur du ménage, les<br />

activités qu’ils réalisent et leur perception.<br />

Enfin, vu qu’au Mexique les difficultés familiales ou personnelles sont censées être résolues<br />

par la famille elle-même ou par d’autres proches, car le rôle social de l’Etat est très restreint,<br />

et qu’il existe une culture historique de travail des enfants dans la société, l’on peut se<br />

demander jusqu’à quel degré les parents ont vraiment le choix et l’envie d’empêcher la<br />

participation active de leurs enfants dans les diverses activités qui concernent la vie familiale.<br />

Dans ce sens, la participation des enfants ne se limite pas au travail domestique familial, aux<br />

activités de reproduction sociale, parfois ils participent aussi aux activités productives, comme<br />

nous le verrons par la suite.<br />

252


CHAPITRE VII<br />

Les enfants travailleurs extradomestiques<br />

« En tant qu’enfants, ils ne<br />

sont pas de véritables<br />

travailleurs, et en tant que<br />

travailleurs, ils ne sont pas de<br />

véritables enfants. »<br />

Schibotto et Cussianovich<br />

Le travail extradomestique touche 9,2% des EAJ urbains de 6 à 17 ans, soit à peu près<br />

932 000. 326 Un chiffre pas très éloigné de celui qui concerne les travailleurs domestiques<br />

familiaux, lorsque l’on considère le critère de 15 heures hebdomadaires et plus (774 000).<br />

Pourtant, l’inquiétude bien médiatisée que soulèvent les enfants travailleurs extradomestiques<br />

a gommé l’intérêt sur les travailleurs domestiques familiaux cachés dans la sphère privée du<br />

ménage. Mais, le travail extradomestique précoce attire l’attention surtout parce qu’il est plus<br />

visible, et parce qu’il est reconnu davantage comme une forme de travail des enfants.<br />

Pour avoir un portrait général du groupe de travailleurs extradomestiques, il y a quelques<br />

caractéristiques à signaler. Il est composé principalement par des garçons (62%) – situation<br />

contraire à celle des travailleurs domestiques familiaux. Et la répartition par âges est la<br />

suivante : 12% de 6 à 11 ans ; 23% de 12 à 14 ans ; et 65% de 15 à 17 ans. Parmi eux, 63%<br />

sont scolarisés. Cette forte déscolarisation correspond à la structure par âges de ce groupe, car<br />

une proportion importante est constituée par des jeunes âgés de 15 à 17 ans, qui en général<br />

présentent un taux notable d’abandon scolaire. Enfin, les EAJ travailleurs extradomestiques<br />

appartiennent, plus fréquemment que leurs pairs, à des ménages de cinq personnes et plus<br />

(Ego inclus) : 66% 327 ; ainsi qu’à des ménages sans jeunes enfants (moins de 6 ans) : 71%. 328<br />

326 Sur notre population d’études.<br />

327 Parmi tous les EAJ, 58% habitent un ménage de cinq membres ou plus, tandis que parmi les travailleurs<br />

domestiques familiaux (de 15 heures et plus) il s’agit de 62%.<br />

328 Parmi tous les EAJ, 69% habitent un ménage sans jeunes enfants, tandis que parmi les travailleurs<br />

domestiques familiaux (de 15 heures et plus) il s’agit de 62%.<br />

253


Mais, pour l’analyse de la situation des EAJ travailleurs extradomestiques, un aspect qui nous<br />

intéresse spécialement est le lien de parenté de l’enfant avec son employeur. Car, lorsqu’un<br />

enfant travaille directement pour l’un de ses parents, cette pratique est plutôt légale,<br />

indépendamment de l’âge de l’enfant. <strong>La</strong> loi en matière d’emploi signale clairement qu’elle<br />

ne concerne pas les ateliers dits familiaux, soit ceux où travaillent exclusivement les deux<br />

conjoints, leurs ascendants, leurs descendants et leurs disciples. En effet, l’on peut dire même<br />

que ce type de travail n’est pas considéré socialement comme un travail, mais plutôt comme<br />

une aide. C'est sûrement pour cette raison que la majorité des moins de 14 ans (lesquels n'ont<br />

pas le droit de travailler) ont souvent un lien de parenté avec leur employeur. Mais à partir de<br />

14 ans, quand la loi permet une certaine liberté d’embauche aux enfants, ceux-ci quittent le<br />

noyau familial pour aller travailler ailleurs (Graphique 11). Ainsi, au fur et à mesure que l’âge<br />

des EAJ augmente, le lien de parenté avec l’employeur est de moins en moins proche,<br />

notamment chez les garçons. Parce que les filles restent davantage dans une relation familiale,<br />

soit comme des travailleuses extradomestiques, soit comme des travailleuses domestiques. Il<br />

est alors clair que les rôles par sexe se recréent depuis un jeune âge, privilégiant la place des<br />

filles dans la sphère familiale. Tandis que les garçons s’incorporent plus précocement au<br />

monde public. Il faut souligner que la plupart des enfants qui ont un lien de parenté avec<br />

l'employeur travaillent pour leur père ou leur mère directement, les filles avec une plus grande<br />

intensité.<br />

254<br />

Graphique 11. Répartition (%) des EAJ travailleurs extradomestiques<br />

selon le lien de parenté avec l’employeur par groupes d’âges et sexe, 2007<br />

15 à 17 ans-filles<br />

15 à 17 ans- garçons<br />

12 à 14 ans-filles<br />

12 à 14 ans-garçons<br />

6 à 11 ans-filles<br />

6 à 11 ans-garçons<br />

0% 20% 40% 60% 80% 100%<br />

Père ou mère Autre lien de parenté<br />

Sans lien de parenté Indépendant<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).


Par ailleurs, il faut aussi noter que les travailleurs « indépendants » (sans employeur), même<br />

s’ils sont peu nombreux, sont plus représentatifs avant l'âge de 12 ans. Un tel résultat pourrait<br />

s'expliquer par le fait qu’un enfant de cette tranche d’âges, qui veut ou qui doit travailler, est<br />

dans l’impossibilité réelle de le faire pour quelqu’un d’autre, sauf pour l’un de ses parents,<br />

son âge étant un vrai handicap, même pour une embauche informelle. Alors, il peut se mettre<br />

à faire de petits travaux « à son compte ». Comme en témoigne Pedro, l’un de nos<br />

interviewés, âgé de 8 ans, et scolarisé :<br />

« Je cirais des chaussures, mais pas dans les rues. Je les amenais chez moi, là, les chaussures de<br />

mes oncles, de mes tantes, ou de mes parents. Mais un jour, je suis allé chez un monsieur et lui, il m’a<br />

donné des chaussures. (...) Et je les cirais là, chez moi. Après, j’allais les leur rendre et ils me<br />

donnaient de l’argent. » […] « J’ai arrêté lorsque je n’avais plus de cires. Maintenant, je ne travaille<br />

plus. Mais je voudrais travailler en tant que cireur. (…) Mais je n’ai plus de cires. Parfois, j’en demande<br />

à mon papi, mais il ne veut plus m’en acheter. » 329 Il travaillait juste pour avoir une peu d’argent de<br />

poche et pour éviter l’ennui du temps périscolaire. Il n’a pas d’employeur, et son revenu est pour luimême.<br />

Cet exemple constitue juste une piste pour expliquer cette situation des travailleurs<br />

indépendants, mais d’autres possibilités existent. Des situations plus contraignantes pour<br />

l’enfant en question, comme celles où l’on exploite l’image de fragilité d’un jeune enfant seul,<br />

afin de provoquer la pitié de gens et ainsi obtenir plus facilement ce que l’on veut : un<br />

pourboire, un achat. Dans ce cas, l’enfant ne serait pas toujours formellement un travailleur<br />

indépendant, car il pourrait avoir éventuellement un employeur. Mais, comme souvent c’est<br />

l’un des parents qui répond à l’enquête, alors, si jamais c’est lui l’employeur, il peut dire que<br />

l’enfant travaille seul, juste pour ne pas être mal jugé. Car toutes les formes de travail des<br />

enfants ne sont pas acceptées socialement, et moins encore s’agissant des plus jeunes. Et<br />

même si dans certains groupes de la population le travail des enfants n’est pas l’objet de<br />

scandale, l’on sait grosso modo qu’officiellement la loi l’interdit, il vaut mieux alors rester<br />

prudent à ce sujet.<br />

Par la suite, afin d’approfondir le monde des EAJ travailleurs extradomestiques, nous<br />

analysons de manière séparée les travailleurs familiaux et les non familiaux (où les<br />

travailleurs indépendants sont inclus), en supposant que ces deux sous-groupes ont des<br />

329 « Yo boleaba zapatos, pero no en la calle. Los estaba trayendo aquí de mis tíos, o de mis tías, o de mis papás.<br />

Pero luego, un día fui con un señor y me dio unos zapatos. (...) Y los boleaba aquí en la casa, luego se los<br />

entregaba y luego me daban el dinero. » […] « Lo dejé cuando se me acabó la cera. Ahorita no he trabajado.<br />

Pero quiero trabajar en la boleada. (...) Pero ya no tengo pintura. Luego le pido a mi abuelito, pero ya no quiere<br />

comprarme. »<br />

255


caractéristiques bien particulières. Les causes, les conditions de travail et les conséquences<br />

sont différentes. Il faut rappeler que pour classer les enfants travailleurs extradomestiques,<br />

familiaux ou non familiaux, nous faisons référence au lien de parenté entre l’enfant et son<br />

employeur, mais aussi à l’appartenance des deux au même ménage. De manière qu’un EAJ<br />

qui a un lien de parenté avec son employeur, mais celui-ci ne fait pas partie du même ménage,<br />

est un travailleur non familial.<br />

VII.1. Qui sont ces enfants travailleurs extradomestiques ?<br />

Les différences entre les deux groupes sont évidentes en termes quantitatifs : les travailleurs<br />

extradomestiques non familiaux sont plus nombreux que les familiaux (respectivement 62 et<br />

38% du total des EAJ). Mais il existe des différences aussi en termes qualitatifs. Concernant<br />

la structure par sexe, les travailleurs extradomestiques non familiaux sont surtout des<br />

garçons : 67% ; tandis que chez les travailleurs extradomestiques familiaux la distribution par<br />

sexe est plus équitable : les garçons représentent 54% (Graphique 12), ce qui suggère qu’en<br />

général, dans un milieu familial, le travail extradomestique des EAJ n’est pas soumis à des<br />

préférences par sexe. En revanche, l’emploi en dehors du milieu familial semble être<br />

spécialement attractif pour les garçons (dont la détermination de ce choix peut venir, soit de la<br />

part des parents, soit de la part des enfants eux-mêmes). Peut-être que cette préférence est<br />

soutenue par l’idée qu’une fille a besoin d’une protection plus proche de la part de la famille,<br />

et pendant plus longtemps, en tant que femme, et donc, qu’elles seraient plus vulnérables que<br />

les garçons aux dangers de la vie publique et de la vie adulte, représentées justement par le<br />

travail extradomestique non familial. Par conséquent, les parents ou les enfants eux-mêmes<br />

agissent en cohérence avec cette idée, en confinant les filles au noyau familial plus longtemps,<br />

même si elles travaillent, une situation qui est aussi vraie chez les travailleurs domestiques<br />

familiaux, qui sont pour la plupart des filles.<br />

D'ailleurs, les différences quant à la vulnérabilité et la dépendance des personnes sont<br />

évidentes parmi les divers groupes d’âges. D'où, par exemple, la détermination de l’âge de la<br />

majorité civile en 18 ans au Mexique. Il est censé être l’âge auquel les enfants deviennent des<br />

citoyens avec une pleine capacité juridique et le droit au vote. Cependant, diverses étapes<br />

existent aussi avant 18 ans, qui sont déterminées par des limites d’âge, selon la maturité et le<br />

discernement de l’enfant, qui peuvent différer d’une société à l’autre, et d’un moment<br />

256


historique à l’autre, et qui supposent toujours différents niveaux de participation de l’enfant<br />

dans la vie familiale et dans la vie publique, surtout en ce qui concerne la prise de décisions<br />

sur les questions qui les touchent directement. De manière qu’au fur et à mesure qu’ils<br />

grandissent, les EAJ sont de plus en plus autonomes et indépendants et considérés de moins<br />

en moins « fragiles ».<br />

Graphique 12. Structure par âges et sexe des enfants travailleurs extradomestiques<br />

selon le lien de parenté avec l’employeur<br />

Garçons-15 à 17 ans<br />

50%<br />

Filles-12 à 14 ans<br />

16%<br />

Travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

Filles-12 à 14 ans<br />

7%<br />

Filles-15 à 17 ans<br />

24%<br />

Garçons-6 à 11 ans<br />

4%<br />

Filles-6 à 11 ans<br />

3%<br />

Garçons-12 à 14 ans<br />

12%<br />

Travailleurs extradomestiques familiaux<br />

Garçons-15 à 17 ans<br />

28%<br />

Garçons-12 à 14 ans<br />

14%<br />

Filles-6 à 11 ans<br />

10%<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Filles-15 à 17 ans<br />

21%<br />

Garçons-6 à 11 ans<br />

11%<br />

257


Dans ces termes, il n’est pas surprenant que parmi les EAJ, le groupe de travailleurs<br />

extradomestiques non familiaux, qui a quitté le noyau familial pour aller travailler au dehors,<br />

soit surtout composé par des enfants âgés de 15 à 17 ans. Cependant, cette progressive<br />

ouverture des EAJ au monde extérieur est soumise aux idées traditionnelles de la vulnérabilité<br />

féminine. De manière que, dans la pratique, les garçons commencent à sortir de la sphère<br />

familiale souvent avant que les filles (Graphique 12). En plus, une telle situation est fortement<br />

conditionnée par les limites d’âge qu’impose la loi en matière d’emploi, qui empêche les<br />

moins de 14 ans de travailler formellement, sauf dans des cas particuliers. Cependant, la<br />

prédominance masculine, surtout à partir de l’âge de 12 ans, seulement peut être expliquée par<br />

des raisons associées à une assignation traditionnelle de rôles de genre. Des différences plus<br />

nuancées s’observent dans le groupe de travailleurs extradomestiques familiaux, qui se<br />

caractérise par une composition par âges et par sexe moins déséquilibrée. L’on y constate une<br />

participation moins marquée des plus âgés et des garçons, même si ce type de travail est<br />

réalisé aussi davantage par des garçons de 15 à 17 ans. En conclusion, l’âge et le sexe<br />

constituent des facteurs fondamentaux pour la participation des enfants dans le travail<br />

extradomestique en général.<br />

En ce qui concerne l’âge au premier travail, en moyenne, les travailleurs extradomestiques<br />

non familiaux commencent moins jeunes que les familiaux (14 et 12 ans, respectivement).<br />

Dans les deux cas, l’entrée au travail commence après 8 ans, sans différences à souligner<br />

selon le sexe (Tableau 22). <strong>La</strong> moyenne d’âge au premier travail des enfants travailleurs<br />

extradomestiques non familiaux coïncide avec l’âge auquel il est légal de travailler sous<br />

certaines conditions, ce qui montrerait une tendance au respect des lois, ou bien une<br />

déclaration plutôt bien méditée de la part des interviewés dans leur ensemble, pour rester dans<br />

la norme. Car seulement 16% des travailleurs extradomestiques non familiaux n’ont pas l’âge<br />

légal pour travailler, soit ils travaillent hors norme. Par ailleurs, l’âge au premier travail des<br />

travailleurs extradomestiques familiaux est aussi en accord avec l’âge auquel les enfants<br />

considèrent que l’on n’est plus un enfant, selon nos interviews, c’est-à-dire l’âge auquel l’on<br />

quitte l’enseignement élémentaire (primaria) pour rejoindre celui du premier cycle<br />

(secundaria) : 12 ans.<br />

Enfin, en étroite relation avec la structure par âges de deux groupes d’enfants travailleurs<br />

extradomestiques, la fréquentation à l’école est aussi dissemblable : 82% des travailleurs<br />

familiaux sont scolarisés, tandis que seulement 52% des non familiaux le sont. C’est-à-dire<br />

258


que la mise au travail précoce dans un milieu familial se fait souvent en permettant la<br />

combinaison de deux activités : travail et scolarisation. Tandis que le travail non familial<br />

implique plus souvent une exclusivité. Mais nous allons traiter le sujet de la déscolarisation<br />

dans le dernier chapitre plus en détail.<br />

Tableau 22. Age moyen au premier travail des EAJ de 6 à 17 ans<br />

par groupes d’âges et sexe, selon le type de travail<br />

Travailleurs<br />

Groupes d’âges et sexe<br />

Extradomestiques<br />

Non familiaux Familiaux<br />

6 à 11 ans – garçons 8,7 8,5<br />

6 à 11 ans – filles 8,5 8,6<br />

12 à 14 ans – garçons 12,2 11,5<br />

12 à 14 ans – filles 12,5 11,7<br />

15 à 17 ans – garçons 14,9 13,8<br />

15 à 17 ans - filles 15,4 13,5<br />

Total 14,1 12,0<br />

Garçons de 6 à 17 ans 14,1 12,1<br />

Filles de 6 à 17 ans 14,2 11,8<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Une telle différence dans la structure par âges et par sexe, ainsi que dans l’âge d’entrée au<br />

travail et le niveau de déscolarisation des EAJ de deux sous-groupes, est sûrement liée aux<br />

causes qui motivent la mise au travail précoce dans chaque cas.<br />

A ce propos, il est pertinent de souligner le fait que le travail extradomestique familial<br />

demande d’une condition bien particulière : l’appartenance à un ménage où au moins l’un des<br />

membres adultes réalise une activité professionnelle où l’enfant peut trouver une place pour<br />

travailler à leur côté. Et là encore, divers cas sont possibles : des travailleurs indépendants<br />

(commerçants, artisans, domestiques…), ou des patrons, notamment de microentreprises<br />

formelles et informelles. Un aspect qu’il faut toujours avoir à l’esprit lorsque l’on parle des<br />

travailleurs familiaux.<br />

VII.2. Le processus d’entrée précoce au marché du travail.<br />

Même si dans la pratique la scolarisation occupe une place privilégiée chez les enfants, le<br />

travail extradomestique est une activité non négligeable. Comme nous l’avons montré dans le<br />

chapitre sur les représentations sociales, malgré l’existence d’interdictions légales, ce sont<br />

259


davantage les conditions de travail des enfants et la déscolarisation qui pourraient provoquer<br />

le refus ou la désapprobation vis-à-vis de cette pratique : exploitation, danger, abus, etc., mais<br />

pas forcément le fait de voir un enfant travailler lui-même. Une situation qui favorise l'entrée<br />

précoce sur le marché du travail dans le pays, que d’autres conditions comme la flexibilité du<br />

marché du travail, l’organisation du système scolaire et l’inefficacité du système juridique<br />

sont aussi propices à sa progression.<br />

Ainsi, à travers les raisons qui poussent les enfants au travail, on peut comprendre comment<br />

se construit le processus d’entrée sur le marché du travail, dont les relations de genre jouent<br />

un rôle fondamental, comme nous le verrons par la suite.<br />

VII.2.1. Les raisons de l'entrée précoce sur le marché du travail : entre contrainte et<br />

choix.<br />

Des raisons personnelles ou familiales en sont à l’origine, et les objectifs de la mise au travail<br />

précoce sont multiples, comme observé lors des entretiens et en exploitant notre base de<br />

données. Ainsi, par rapport à la principale raison pour travailler, d’après le MTI, des<br />

différences importantes existent aussi entre travailleurs extradomestiques familiaux et non<br />

familiaux (Tableau 23).<br />

260<br />

Tableau 23. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

et familiaux, selon la raison principale pour travailler<br />

Raisons<br />

Travailleurs extradomestiques<br />

Non familiaux Familiaux<br />

Le ménage a besoin de son apport économique 12,6 1,9<br />

Le ménage a besoin de son travail 2,5 39,2<br />

Pour payer sa scolarisation 7,1 0,3<br />

Pour avoir ses propres revenus 52,8 13,4<br />

Pour apprendre un métier 7,8 22,5<br />

Parce qu’il ne veut pas aller à l’école 8,6 3,5<br />

Autres 8,6 19,2<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0<br />

(577 971)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

100,0<br />

(352 693)


Chez les travailleurs extradomestiques non familiaux, 76% travaillent pour des raisons<br />

nettement économiques. Mais, le besoin d’argent répond plus à une nécessité personnelle que<br />

familiale. Ainsi, 53% des EAJ travaillent pour avoir leurs propres revenus, et 7% pour payer<br />

leurs études. Tandis que 13% travaillent pour donner un apport économique au ménage et 3%<br />

pour aider le ménage avec son travail. Cependant, d’autres raisons poussent aussi les enfants<br />

ou les familles au travail précoce. Notamment, l’envie d’apprendre un métier (8%), ou le fait<br />

de trouver une occupation alternative à l’école, lorsque la scolarisation n’a plus d’intérêt pour<br />

l’enfant (9%).<br />

Lors de nos interviews, nous avons observé qu’effectivement, le processus d’entrée précoce<br />

au travail extradomestique non familial peut répondre à diverses raisons, et se mettre en route<br />

à travers différents moyens. Et qu’après, la permanence dans le marché du travail a aussi de<br />

multiples motivations :<br />

« Ma mamie et ma maman m’ont demandé si je voulais aider ma cousine (à laver le comal<br />

qu’occupe sa grand-mère pour travailler) et j’ai dit oui. » 330 […] « (…) Et mes parents me donnent<br />

de l’argent quand j’en ai besoin. Mais, ce que je gagne est pour moi, et pour mes dépenses<br />

personnelles. Et je n’ai plus besoin de rien… J’épargne mon argent. Et je l’utilise lorsque je veux<br />

acheter du crédit pour mon téléphone portable (que son père lui a offert à son anniversaire) ou<br />

lorsque je veux acheter quoi que ce soit. (…) J’achète des bonbons, ou plusieurs choses. Ou, si je<br />

suis invitée à une fête et je veux acheter le cadeau, alors je prends de mes économies. » 331<br />

(Sandra, 12 ans. Elle était rémunérée par cette activité. Elle et sa cousine lavaient le comal à son<br />

tour de lundi à dimanche, une semaine sur deux, dans la cour de chez elles — elles et sa grandmère<br />

vivaient dans le même lot, propriété des grands-parents, mais chaque famille dans son<br />

propre logement. Elle partageait ce travail avec un autre travail extradomestique familial non<br />

rémunéré pour sa mère, qui était commerçante informelle).<br />

« Parce que mon papi m’a proposé d’aller cirer des chaussures. Et je lui ai dit : bonne idée papi !<br />

(…) Après, lui, il m’a donné les cires, et j’ai commencé à travailler, à travailler. » […] « Parce<br />

qu’auparavant, mon papi cirait des chaussures dans la rue. Et lui, il m’a raconté. (…) Il m’a<br />

appris. » 332 (Pedro, 8 ans. Il a été un travailleur extradomestique non familial indépendant pendant<br />

un certain temps, mais, au moment de l'entretien, il ne l'était plus. Il était rémunéré à la tâche. Il<br />

travaillait chez lui les après-midi).<br />

« Un jour, j’ai eu l’idée d’aider ma tante (qui a un petit restaurant populaire, mais bien établi,<br />

formel). Et c’est comme ça que j’ai commencé, comme ça... J’ai dit à ma mère : je vais aider ma<br />

tante pour les déjeuners, parce qu’ils sont seuls (sa tante et son oncle), leur fille part au travail. Et<br />

alors ils sont seuls et lorsqu’il y a beaucoup de clients ils sont débordés ! Et ma maman a dit : c’est<br />

330 « Mi abuelita y mi mamá me dijeron que si quería ayudarle a mi prima, y yo les dije que sí. »<br />

331 « (...) Y ya mis papás me dan dinero cuando necesito. Pero todo lo que me pagan eso ya es para mí, y para<br />

mis gastos. Y ya no necesito para nada. (...) Lo ahorro. Y me lo gasto cuando le quiero meter crédito a mi<br />

celular (que su papá le regaló) o cuando me quiero comprar así cualquier cosa. (...) Compro dulces, o varias<br />

cosas. O que voy a una fiesta, y yo quiero comprar un regalo, pues ya de ahí lo agarro. »<br />

332 « Porque mi abuelito me dijo que si iba a bolear. Y le dije: ¡buena idea abuelito! Luego mi abuelito me<br />

consiguió las pinturas, y yo empecé a trabajar, a trabajar. » […] « Porque él antes boleaba en la calle. Y él me<br />

platicó. (…) El me enseñó. »<br />

261


262<br />

à toi de décider ma petite (...) Et je l’ai raconté à mon papa et il m’a répondu que c’était à moi de<br />

décider. Alors, je suis allée discuter avec ma tante et mon oncle, et ils mon dit : oui, si tu veux,<br />

merci beaucoup. » 333 […] « Avant je ne faisais rien. Si jamais je n’allais pas avec ma tante, je ne<br />

sais pas ce que je ferais… m’ennuyer. (...) Je ferais mes devoirs scolaires, et tout ce qui concerne<br />

l’école. Après, je pourrais regarder la télé, ou écouter de la musique, sortir en vélo et tout ça. Mais<br />

parfois, cela ne me plaît pas, parce qu’il y a des enfants qui me dérangent, alors je reste là ou je<br />

joue avec mes poupées toute seule. » 334 […] « J’épargne, et les samedis avec mon tonton Antonio<br />

aussi, il a organisé une caisse (d’épargne) 335 , je dois lui donner 100 pesos (7 euros). Moi, de mes<br />

pourboires, je rassemble cent pesos, et je le lui donne le samedi. Et il me note (dans un cahier) et<br />

c’est tout. Et cela va me servir pour aller à Cancún avec mes parents (pour rendre visite à l'un de<br />

ses oncles, qui y habite). » Et, avec ce qui lui reste, « Ben, comme nous allons, je ne sais pas, à<br />

San Angel, on sort pour aller manger ou pour acheter des choses pour l’école, et ainsi, j’ai mon<br />

argent, non ? Et je vois, ah, regard, ce bonnet me plaît. Et je me l’achète. Et parfois, je dis à mon<br />

papa : je n’ai pas suffisamment, tu me donnes de l’argent ? Et il m’en donne, mais je donne de<br />

mon argent. Ou je lui emprunte et après je lui paie. Mais quand je lui dis : tiens, il me dit non. Mais<br />

je lui dis : tiens, en plus tu en as besoin. Mais quand j'ai une mauvaise semaine, je ne rassemble<br />

pas les cent pesos, alors je l’emprunte à mon papa pour la caisse. » 336 (Alicia, 11 ans, travaillait<br />

comme serveuse pour une tante qui avait un petit restaurant placé à côté de chez elle. Elle n’avait<br />

pas un revenu stable, mais elle recevait toujours des pourboires.).<br />

333<br />

« Es que un día se me ocurrió ayudarle a mi tía. Y empecé así, así... Yo le dije a mi mamá: le voy a ayudar a<br />

mi tía en las comidas, porque están solos, su hija se va a trabajar. Y entonces están solitos y cuando tienen<br />

mucha gente ¡ni pueden atender! Y dice mi mamá: Tú decides nena... Y ya le platiqué a mi papá y me dijo que<br />

como quisiera. Y ya les dije a mis tíos y me dijeron: sí, si quieres, muchas gracias. »<br />

334<br />

« Antes no hacía nada. Si no tuviera que ir con mi tía no sé qué haría... aburrirme. (...) Hacer mis tareas, ver<br />

qué tengo pendiente de la escuela. Y después podría ver la tele, oír música, salir en bicicleta y todo eso. Pero<br />

como a veces no me gusta, porque hay unos niños que me molestan, me quedo aquí o juego con mis muñecas yo<br />

solita. »<br />

335<br />

Chaque semaine, pendant une année, on doit donner une quantité d’argent à l’organisateur, et en fin d’année<br />

on reçoit tout ce qu’on a épargné, comme une banque, mais sans utilités. Tout est informel, c’est la confiance qui<br />

prime. Une pratique très courante dans les secteurs populaires urbains.<br />

336<br />

« Lo junto, y los sábados con mi tío Antonio también, él hizo una caja, le tengo que dar 100 pesos. Yo de mis<br />

propinas junto cien pesos, y se las doy el sábado. Y me anota y ya. Y eso me va a servir para irme a Cancún con<br />

mis papás. » […] « Pues, como salimos, no sé, a San Ángel, salimos a comer o a comprar cosas para mi escuela,<br />

y así, ahí traigo mi dinero, ¿no? Y veo: mira, esa gorra me gusta. Y ya, pero yo me la compro. Y luego le digo a<br />

mi papá: no me alcanza ¿me das dinero? Y ya me lo da, pero yo pongo de mi dinero. O le pido prestado y ya<br />

después se lo pago. Aunque cuando le digo: ten, me dice no. Pero le digo: ten, además a ti te hace falta. Pero<br />

cuando me va mal, no junto los cien pesos, y ya le pido prestado a mi papá para lo de la caja. »<br />

337<br />

« Yo le dije a mi tío que si me iba con él a trabajar y me dijo que sí. (...) No sé, pero me gusta mucho<br />

trabajar. No me gustaba lo que hacía mi tío, pero quería trabajar. (…) Para ganar dinero para comprarme lo que<br />

yo quisiera. Mis papás me daban, pero no para todo. Luego quería un dulce o así, y había veces que mi mamá no<br />

tenía dinero, ni mi papá. »<br />

338<br />

« Es que un día vino mi padrino a arreglar mi chapa, y yo le dije a mi mamá que quería trabajar y luego mi<br />

mamá le dijo que si me aceptaba, y dijo que sí. »<br />

339<br />

« Está bien trabajar para no estar de huevones todo el tiempo. (...) Cuando no he trabajado siempre he<br />

ayudado aquí en la casa y entonces hago mi tarea y me salgo todo el día, entonces no hago nada de provecho. No<br />

hago nada. Prefiero trabajar que estar en la calle. »<br />

340<br />

« Luego venía y le compraba cosas a mi mamá, o así. Normalmente juntaba dinero. A mí me gustan los tenis,<br />

así. Lo que más me compré fue tenis; pantalones y todo eso casi no, pero tenis sí, tenis sí me compré muchos.<br />

Me compraba cosas para mí. Luego juntaba, pero no juntaba lo de la semana, luego me lo gastaba. »<br />

341<br />

« El me conoce porque yo iba a su tienda con su hijo, y veía cómo despachaba. (…) Una vez salí y él iba<br />

saliendo en su camioneta y me dijo: vamos. Y le pedí permiso a mi mamá y así me llevó... Lo anduve<br />

acompañando... Tenía como 8 años. »<br />

342<br />

« No necesito trabajar, lo hago por gusto. Me gusta, porque ¿qué hago en mi casa? así salgo a lugares. Porque<br />

vamos a lugares con su camioneta. Y pues me compro cosas con lo que gano, a veces lo guardo y ya si me<br />

gustan unas cosas pues me las compro A veces le doy a mi mamá, toda mi vida me ha mantenido, todas las<br />

cosas, y me esta manteniendo y me va a ayudar más adelante con mis estudios. »


« J’ai demandé à mon oncle (forgeur) si je pouvais aller travailler avec lui, et il a dit oui. (…) Je ne<br />

sais pas, mais j’aime beaucoup travailler. Je n’aimais pas ce que mon oncle faisait, mais je voulais<br />

travailler. (…) Pour gagner de l’argent pour m’acheter ce que je voulais. Mes parents me<br />

donnaient, mais pas toujours. (...) Des fois, je voulais un bonbon ou des trucs du genre, et parfois<br />

ma mère n’avait pas d’argent, mon père non plus. » 337 […] « Ben, un jour mon parrain est venu<br />

pour réparer ma serrure, et j’ai dit à ma mère que je voulais travailler, et alors ma mère lui a<br />

demandé s’il m’acceptait, et il a dit oui. » 338 […] « C’est bien de travailler pour ne pas être de<br />

fainéants tout le temps. (...) Lorsque je ne travaillais pas, j’aidais toujours là, à la maison, et alors je<br />

faisais mes devoirs scolaires et après je sortais toute la journée, alors je faisais rien de bon. Je<br />

faisais rien. Je préfère travailler plutôt que d’être dans la rue. » 339 « Parfois j’achetais des choses à<br />

ma maman, ou comme ça. Normalement, j’épargnais de l’argent. Moi, j’aime les baskets, voilà. Ce<br />

que j’ai acheté le plus ce sont des baskets ; des pantalons et des trucs du genre presque pas,<br />

mais des baskets oui, des baskets j’en ai acheté beaucoup. J’achetais de choses pour moi. Des<br />

fois, j’épargnais, mais je n’épargnais pas tout, je le dépensais. » 340 (Felipe, 14 ans. Il a commencé<br />

à travailler lorsqu’il avait plus ou moins 8 ans, et depuis, il a changé souvent d’employeur, à son<br />

initiative, mais toujours avec un artisan de son entourage. Il a été toujours rémunéré, mais sans<br />

contrats).<br />

« Il (le patron) me connaît parce que j’allais à son épicerie avec son fils, et je regardais comme il<br />

s’occupait des clients. (…) Un jour, je suis sorti et lui, il était en train de sortir dans son pick-up et il<br />

m’a dit : on y va ? Et j’ai demandé la permission à ma mère et c’est comme ça qu’il m’a amené…<br />

J’ai commencé à l’accompagner… J’avais environ 8 ans. » 341 […] « Je n’ai pas besoin de travailler,<br />

je le fais par plaisir. Cela me plaît, parce que sinon, qu’est-ce que je ferais à la maison ? Comme<br />

ça, je sors à divers endroits. Parce que nous allons à des endroits dans son pick-up (du patron).<br />

Et, ben, je m’achète de choses avec ce que je gagne, parfois je le garde et si jamais il y a quelque<br />

chose qui me plaît, je l’achète. Des fois, je le donne à ma maman. (Elle ne me le demande pas,<br />

mais) toute la vie, elle s’est occupée de moi, toutes les choses, et elle est en train de s’occuper de<br />

moi et elle va m’aider plus tard avec mes études. » 342 (Alejandro, 14 ans. Il continue de travailler<br />

pour cet épicier qui est un voisin, et qui a son épicerie dans la même rue que chez lui. Il est<br />

rémunéré).<br />

Les récits de ces enfants permettent d’observer divers aspects et, la variété de situations à<br />

l’origine de l’entrée précoce au travail, qui vont de la proposition directe d’une tierce<br />

personne (notamment un parent), à l’initiative du propre EAJ. Il n’y a pas une tendance claire<br />

de genre ou de génération à ce sujet, filles et garçons prennent l’initiative, de même que les<br />

plus jeunes et plus âgés. Même si les raisons d’origine peuvent différer : gagner de l’argent de<br />

poche, aider un proche, sortir, se distraire. Or, le moment peut arriver un jour par hasard, ou<br />

bien de manière tout à fait préméditée. En tout cas, les enfants ont une condition qui semble<br />

essentielle pour y accéder : du temps libre. Car, même s’ils sont tous scolarisés, le temps<br />

périscolaire est long et les activités pour le remplir sont limitées et inintéressantes. Ils essayent<br />

de trouver une activité complémentaire, pour utiliser leur temps autrement. Il faut considérer<br />

que ces enfants appartiennent à des familles à revenu modeste, dont les activités périscolaires<br />

se limitent en général, pour les plus jeunes, à regarder la télévision et à jouer chez eux, car<br />

l’environnement du quartier (avec des drogués et des alcooliques dans les rues) est peu<br />

263


agréable. Et pour les plus âgés à écouter de la musique, aller au parc ou au centre sportif. Les<br />

ordinateurs, le service d’internet, les jeux vidéo… (qui servent de distraction aux enfants qui<br />

en possèdent) représentent un luxe qui n'est pas à portée de la plupart de ces enfants. Ils y ont<br />

accès seulement dans les cafés internet qui pullulent dans la ville, à cause de la forte<br />

demande. 343 Ainsi, ils finissent pour trouver le temps périscolaire ennuyeux. Une des raisons<br />

qui les poussent à chercher une activité de distraction, dont le travail est une option, car, selon<br />

Felipe (âgé de 14 ans, qui a travaillé depuis l’âge de 8 ans pour de différents artisans) : il n’est<br />

pas apparemment difficile pour un enfant qui a pris la décision de le faire, de trouver un<br />

travail. Un jeune âge et l’interdiction légale n’empêchent pas cette pratique, au moins dans<br />

certains secteurs d’activité :<br />

264<br />

« Je ne suis jamais allé à un endroit où l’on ne m’a pas embauché ! » 344<br />

Il faut prendre en compte que tous nos interviewés sont des enfants scolarisés qui travaillent<br />

après l’école. Certes, des cas existent, où le travail est l’activité principale, mais nous n’avons<br />

pas rencontré d’enfants dans une telle situation. Tous nos interviewés ont la scolarisation<br />

comme activité principale. En effet, tous croient au fait que la scolarisation est le moyen<br />

privilégié pour avoir une ascension sociale : avoir un bon travail, gagner beaucoup d’argent,<br />

soit « être quelqu’un dans la vie ». Et les parents insistent souvent, sans hésiter à l’illustrer<br />

avec leur propre expérience de vie, sur les difficultés que l’on rencontre lorsque l’on n’étudie<br />

pas assez, le message étant de ne pas faire comme eux. Car, mères et pères ont une faible<br />

scolarité, les mieux placés ont réussi la scolarisation obligatoire, soit le collège. Cela pourrait<br />

expliquer pourquoi dans ces familles tous les enfants veulent faire de longues études, en<br />

laissant une place secondaire au travail. D’ailleurs, ils n’ont pas besoin de travailler, leurs<br />

parents arrivent modestement à s’occuper des besoins essentiels de la famille. Ainsi, lorsque<br />

le travail devient très prenant, il n’est plus intéressant, et dès que possible, ils cherchent une<br />

autre option de travail, comme raconte ce garçon qui a une longue expérience de travail :<br />

« Ce qui se passe c’est que je pense d’abord à l’école, après au travail et ensuite au jeu. Ou comme<br />

ça, je dois avoir le temps pour être un moment avec ma famille ou dans la rue avec mes amis. Lorsque<br />

je travaille, j’ai toujours du temps pour l’école, le jeu et des trucs du genre. Parce que si je n’ai pas de<br />

temps pour ça, il vaut mieux ne pas travailler. » […] « Lorsque je n’ai pas travaillé, j’ai toujours aidé là,<br />

343<br />

Selon le dernier recensement de 2010, 30% de la population nationale a un ordinateur et 20% Internet à la<br />

maison.<br />

344<br />

« !Nunca he ido así a lugares donde no me hayan contratado! »


à la maison, et puis je fais mes devoirs scolaires et je sors toute la journée, alors je ne fais rien de<br />

profitable. Je ne fais rien. Je préfère travailler plutôt que d’être dans la rue. C’est mieux de<br />

travailler. » 345 (Felipe, 14 ans, travailleur non familial rémunéré).<br />

Les enfants semblent avoir une participation active en tant qu’acteurs, comme protagonistes,<br />

dans cette mise au travail, mais surtout dans leur permanence. Même s’ils entrent sur le<br />

marché du travail un peu par hasard, voire par contrainte, après, ce sont eux qui décident d’y<br />

rester ou non. Ce qui les motive le plus à rester est généralement le côté économique. Une fois<br />

éprouvés les avantages d’une certaine indépendance économique, d’avoir de l’argent de poche<br />

pour se faire plaisir de temps en temps sans affecter le revenu familial, qui dans tous les cas<br />

est restreint, l’expérience de travail a plus du sens. En effet, c’est l’unique moyen honnête<br />

d’avoir ce qu’ils désirent, car ils ont déjà bien d’autres contraintes. <strong>La</strong> société de<br />

consommation ne cesse de séduire les EAJ avec de nouveaux produits. Ils en sont piégés. En<br />

plus, le fait de posséder certaines choses semble réduire les écarts socioéconomiques avec les<br />

pairs plus aisés. Mais en plus des raisons économiques, qui sont les plus importantes, une<br />

autre motivation assez fréquente est le plaisir d’avoir une activité à faire dans son temps<br />

périscolaire, qui est perçu comme assez long. Le travail est juste une option qui s’accorde à<br />

leur dynamique de vie, et qui leur apporte certains bénéfices, c’est aussi pourquoi ils restent<br />

dans le marché du travail. En effet, les enfants trouvent dans le travail une activité périscolaire<br />

plus avantageuse que de ne rien faire. Mais bien évidemment, il y a souvent une combinaison<br />

de raisons pour y rester.<br />

Les EAJ qui ne sont pas obligés de travailler et qui ont les études comme activité principale<br />

(ce qui est le cas de nos interviewés) conservent en partie leur rôle d’enfants, en évoquant leur<br />

plaisir pour jouer, par exemple, mais aussi leur rôle de fils ou de fille, car ils demandent la<br />

permission, l’avis ou l’accord des parents avant de travailler. Des parents qui agissent souvent<br />

comme des médiateurs ou des intermédiaires entre l’employeur et l’enfant. Un rôle qui est<br />

sûrement mieux accepté par les parents grâce au fait que les employeurs sont pour la plupart<br />

des parents collatéraux ou des proches, voire des voisins, soit des personnes connues par la<br />

famille. Alors, il semble que cette relation proche donne un sentiment de sécurité aux enfants<br />

345 « Lo que pasa es que yo me baso en que primero la escuela y luego el trabajo y luego el juego. O así, que me<br />

quede tiempo para estar aquí un rato con mi familia o en la calle jugando con mis amigos. Cuando he trabajado<br />

siempre he tenido tiempo para la escuela, jugar y eso. Porque si no tengo tiempo de eso, mejor no trabajo. » […]<br />

« Cuando no he trabajado siempre he ayudado aquí en la casa y entonces hago mi tarea y me salgo todo el día,<br />

entonces no hago nada de provecho. No hago nada. Prefiero trabajar que estar en la calle. Mejor me voy a<br />

trabajar. »<br />

265


et aux parents concernés. Il est aussi important de souligner le rôle des grands-parents (qui ne<br />

font pas partie du même ménage) qui parfois agissent eux-mêmes comme des promoteurs du<br />

travail des petits-enfants, soutenus évidemment par les parents. Or, apparemment, tous les<br />

parents concernés dans notre étude gardent aussi leur rôle de « surveillants » des enfants, en<br />

agissant en conséquence lorsque le travail devient un problème, ou une source potentielle de<br />

risque pour le bien-être des enfants, à court et long terme, comme raconte encore Felipe :<br />

266<br />

« Lorsque je ne vais pas bien à l’école et je suis en train de travailler, ils (mes parents) me font quitter<br />

le travail. Parce qu’ils disent : travaille dur à l’école, et que lorsque j'aurai de nouveau de bonnes notes,<br />

ils me remettront au travail. Ils disent que je dois réussir dans la vie. Ils ne m’ont jamais dit jusqu'à<br />

quand ? mais ils me disent de faire une formation. » 346<br />

[…]<br />

« Je ne sais pas, j’ai fini pour m’ennuyer. J’ai décidé de le quitter (un travail). De toute façon, ma<br />

maman m’a dit de ne plus travailler parce qu’il (l’employeur) me donnait très peu d’argent, et comme<br />

cette fois-là elle s’est fâchée, ma maman, très fort parce que nous rentrons très tard le soir et il me<br />

donnait très très peu d’argent. » 347<br />

Néanmoins, la perception de ce qui est apte ou non pour un enfant est subjectif, alors chaque<br />

famille agit d’après ses propres idées de bien-être, qui peuvent changer d’un cas à l’autre.<br />

Certains parents permettent des activités que d’autres n’accepteraient jamais pour leurs<br />

enfants. De même avec les résultats scolaires, certains parents se contentant de l’assiduité<br />

scolaire des enfants, et non, à proprement parler, de leurs performances. Mais au-delà de ces<br />

perceptions individuelles, il existe en général une surveillance adulte. Or, ce contrôle parental<br />

est partiel, ainsi que leur rôle de filles et de fils à charge, car ces enfants ont acquis aussi des<br />

responsabilités d’adulte, en gagnant leur propre argent et en décidant personnellement quoi<br />

faire avec lui. Ils donnent parfois une partie de leur revenu aux parents, qui ne le leur<br />

demandent pas forcément, et ainsi, involontairement, ils deviennent aussi des pourvoyeurs<br />

économiques du ménage.<br />

L’ouverture au travail des enfants de la part des divers acteurs (enfants, parents, employeurs)<br />

est liée à une bonne acceptation sociale de cette pratique, qui, a priori, n’est pas perçue<br />

comme quelque chose de négatif, au moins dans les secteurs populaires. Une acceptation qui a<br />

continué après la Révolution mexicaine de 1910, quand les politiques envers l’enfance ont<br />

346 « Cuando voy mal y estoy trabajando, me sacan del trabajo. Porque dicen que le eche ganas a la escuela y que<br />

hasta que suba de calificaciones me vuelven a meter a trabajar. Ellos dicen que tengo que salir adelante. Nunca<br />

me han dicho hasta qué, pero me dicen que estudie una carrera. »<br />

347 « No sé, ya me aburrió. Yo decidí dejarlo. De todos modos mi mamá me dijo que ya no trabajara porque me<br />

daba muy poquito dinero, y como esa vez se enojó mucho mi mamá porque llegamos muy noche y me daba muy<br />

poquito dinero. »


promu une enfance polarisée au sein de la société mexicaine. Les enfants des classes aisées et<br />

moyennes ont été orientés pour devenir les futurs professionnels, devant se consacrer aux<br />

études, tandis que les enfants des secteurs populaires deviendront les futurs travailleurs<br />

manuels, les ouvriers, des travailleurs formés au travail de leur jeune âge, motivés par l’idée<br />

que le travail ennoblit (Sosenski, 2010). Une idée qui est encore d’actualité, surtout parmi les<br />

secteurs populaires nombreux, comme l’on a observé à partir des informations collectées dans<br />

le travail de terrain. Et qui est renforcée par le fait que maintenant les enfants peuvent parfois<br />

travailler dans des conditions « acceptables », sans pour autant être déscolarisés, c’est-à-dire<br />

qu'ils restent, quand même, dans la course vers la réussite professionnelle. Cette tolérance au<br />

travail des enfants est illustrée par les récits de Felipe qui parle de sa propre expérience, mais<br />

aussi de son avis par rapport aux enfants qui travaillent dans les rues :<br />

« Je leur dis (à mes parents) : on m’a dit que si je voulais travailler? ou je suis allé demander du travail,<br />

et on m’a dit oui. Ils me disent que c’est bien. Ils m’ont toujours dit oui. Jamais ils ne nous l’ont refusé<br />

(lui et ses frères aînés), car il s’agit d’une chose bien. » 348<br />

« C’est bien, parce qu’ils sont en train de travailler parce qu’ils en ont besoin pour manger, ou des trucs<br />

du genre. Ils sont en train de gagner de l’argent honnêtement. » 349<br />

Or, il faut rappeler que malgré l’interdiction légale, l’acceptation sociale du travail des enfants<br />

est conditionnée au fait que les enfants ne soient pas déscolarisés, et qu'ils travaillent dans des<br />

conditions « adéquates ». Ainsi, toutes les formes de travail des enfants ne sont pas bien vues,<br />

certaines sont même condamnées socialement, comme le travail marginal et dans les rues, par<br />

exemple. C’est dans ce contexte que le récit de ce garçon devient intéressant. Car, au-delà des<br />

préjugés qui entourent les enfants travailleurs dans les rues (des pauvres, des délinquants, des<br />

abandonnés, des bons à rien, des victimes passives), il met l’accent sur deux vérités qui<br />

dérangent. D’une part, l’enfant comme protagoniste dans la résolution de ses problèmes les<br />

plus urgents, et comme acteur principal dans la construction de sa vie, et ainsi de la vie<br />

familiale et communautaire, dans la mesure de ses possibilités individuelles et des options<br />

disponibles. D’autre part, le travail comme un moyen légitime de résoudre les difficultés<br />

quotidiennes de la vie, même la survie, voire comme un droit humain pour tous. Une idée qui<br />

est motif de débat actuellement parmi les spécialistes du travail des enfants partout dans le<br />

348 « Les digo: me dijeron que si quería trabajar o fui a pedir trabajo, y me dijeron que sí. Me dicen que está bien.<br />

Siempre me han dicho que sí. Nunca nos lo han negado, pues es una buena cosa. »<br />

349 « Está bien, porque están trabajando porque no les alcanza para comer o así. Están ganando el dinero<br />

honradamente. »<br />

267


monde (Leroy, 2009). Parce que, si l’interdiction légale du travail des enfants est censée<br />

justement protéger l’enfance, en l’éloignant notamment des pratiques d’exploitation et d'abus,<br />

cette mesure juridique a montré son inefficacité à cet égard. Car, dans les pays en<br />

développement, il y a des enfants qui ont besoin de travailler pour des raisons de survie ou<br />

urgentes, et ils se trouvent piégés par ces lois, déprotégés dans un marché du travail interdit,<br />

qui pourtant continue de les accueillir. Et ce sont justement les enfants les plus défavorisés qui<br />

continuent de payer le prix le plus cher de cette interdiction. Dans ce sens, tant que les<br />

conditions de vie des familles démunies ne s'arrangeront pas, certains enfants ne pourront pas<br />

échapper à cette pratique, dont l’interdiction seule ne suffit pas à les protéger, lorsque leur<br />

environnement familial et social est déjà fragile et démuni d’options réelles. De plus,<br />

l’interdiction oublie le fait que le travail des enfants n’est pas synonyme d’exploitation,<br />

comme nous l’avons vu à travers les expériences des enfants interviewés, une évidence qui<br />

favorise sûrement son approbation sociale. En plus, le travail peut aussi représenter un moyen<br />

de formation alternative à l’école, une option qui n’est pas du tout négligeable dans les<br />

conditions actuelles du marché du travail, où l’obtention d’un diplôme n’est plus une garantie<br />

pour trouver un bon emploi et les meilleures conditions de travail :<br />

268<br />

« J’ai connu d’autres gars qui gagnent plus que moi. Des garçons de mon âge. Mais ils étaient, par<br />

exemple, distributeurs de jus pressés, de salades et des trucs du genre, avec un monsieur de là-bas.<br />

Ils sont des aides, et gagnent plus que moi. Ils gagnent plus que moi, c’est sûr ! Mais cela n’est pas un<br />

métier. Moi, je préfère un métier et apprendre, que gagner plus d’argent et ne rien apprendre.<br />

(…) Parce que lorsque je serai plus grand, je peux acheter une machine pour faire des clés et travailler<br />

comme serrurier, me mettre à mon compte (…) Je pense maintenant, ben, étudier et travailler (en tant<br />

qu’apprentis d’un métier). Et ainsi si jamais je n’ai pas de travail dans ma spécialité alors j’aurai un<br />

métier. » […] « Je voulais travailler dans la serrurerie parce que c’est un métier et c’est chouette. » 350<br />

(Felipe, 14 ans).<br />

« Comme ma tante était chef pour X (le nom du restaurant), alors elle sait beaucoup de recettes. Et<br />

elle me dit : regarde, c’est comme ça, on fait comme ça, et si tu veux devenir chef, tu sais déjà<br />

quelques recettes. Je dis : attendez, laissez-moi aller chercher un cahier et je les note. Parfois, je fais<br />

les recettes qu’elle me donne chez moi. » […] « Je ne sais pas que penser du travail comme “cerillo”.<br />

Ben, c’est bien, mais cela dépend des heures. Parce que si c'est trop, non, je n’irais pas. Ça n’est pas<br />

350 « Sí he conocido chavos que ganan más. Chavos de mi edad. Pero es que ellos estaban, por ejemplo, de<br />

repartidores de jugos, de ensaladas y todo eso, con un señor de acá atrás. Están ahí de ayudantes, y ganan más.<br />

De que ganan más que yo, ¡ganan más que yo! pero pues no es un oficio. Prefiero un oficio y aprender que ganar<br />

más dinero y no aprender nada (....) Porque ya de grande puedo comprar una máquina para hacer llaves y trabajar<br />

de eso, poner yo mi negocio (...) Yo pues ahorita pienso, pus estudiar y trabajar (en un oficio). Y ya si no tengo<br />

un trabajo de mi carrera pues ya un oficio. » […] « Quería trabajar en la cerrajería porque es un oficio y está<br />

padre. »<br />

351 « Como mi tía era chef de X, pues ella sabe un chorro de recetas. Y ya me dice: mira así es, así se hace, y si<br />

quieres ser chef, ya te sabes algunas recetas. Le digo: déjeme ir por un cuaderno y las apunto. A veces hago las<br />

recetas que me da en la casa. » […] « No sé qué pienso de ese trabajo. Pues está bien, pero depende de las horas.<br />

Porque si es mucho, no, no iría. No es interesante, nada mas empacas las cosas, y ya es lo único que haces. Y te<br />

dan 20 centavitos, y así. Preferiría estar con mi tía. »


intéressant, rien que garder les choses dans les sacs, et c’est tout que tu fais. Et on te donne 20<br />

centimes, ou comme ça. Je préférerais être avec ma tante. » 351 (Alicia, 11 ans, travaillait comme<br />

serveuse pour sa tante, qui a été formée comme cuisinière dans une chaîne de restaurants très connue<br />

au pays, et qui s’est mise à son compte).<br />

Au Mexique, les métiers ne s’apprennent pas toujours à l’école, ils s’apprennent plutôt dans la<br />

pratique, auprès des artisans. 352 Un diplôme ne sera pas toujours demandé pour être<br />

embauché, et jamais pour travailler de manière indépendante ou pour créer une<br />

microentreprise. Alors, pour mieux réussir dans la vie adulte, surtout lorsque l’on fait partie<br />

d’une famille modeste, il faut commencer à se préparer aux métiers dès que possible, même<br />

depuis très jeunes, pour avoir le temps de bien apprendre le métier et ainsi d’arriver à l’âge<br />

adulte avec une certaine expérience. Mais dans ces cas, disons d’« apprentissage », qui sont<br />

fréquents, il n’existe pas un cadre légal pour déterminer les conditions d’emploi, tout est fait<br />

de manière informelle, et presque tout est permis. <strong>La</strong> situation de travail de l’enfant ne dépend<br />

alors que de l’employeur. D'où les dérapages qui parfois finissent par des abus de la part de<br />

ceux-ci.<br />

Néanmoins, il faut rappeler que parmi nos interviewés aucun ne travaille par des raisons de<br />

« survie ». Le travail est une activité secondaire à la scolarité, et apparemment ces enfants ne<br />

travaillent pas par obligation, sinon plutôt par choix personnel. Mais, il faut reconnaître aussi<br />

qu’il s’agit d’un choix façonné par des circonstances bien précises. Tout d’abord, parce que<br />

ces enfants appartiennent souvent à des familles modestes, qui, si elles arrivent à satisfaire les<br />

besoins essentiels des enfants, ne peuvent pas toujours leur donner plus que l’indispensable,<br />

une condition difficile à supporter pour les enfants, surtout actuellement, où ils sont harcelés<br />

d’une offre surabondante de produits séduisants partout : à la télévision, dans les magazines,<br />

dans les magasins, à l’école, chez des amis ou des voisins, dans les rues. Ensuite, le temps<br />

périscolaire de ces enfants est assez long, et les options pour l’utiliser se limitent, pour la<br />

plupart, à des activités monotones à la maison, l’offre d’activités périscolaires étant souvent<br />

privée et assez chère, et les options publiques abordables (pas chères ou gratuites) étant peu<br />

nombreuses et parfois très éloignées. Alors, ces familles aux ressources restreintes n’ont pas<br />

les moyens de supporter une telle charge. En plus, il s’agit aussi d’une question culturelle. Car<br />

352 Il existe dans le système scolaire public mexicain deux options. D’une part, des formations professionnelles<br />

courtes « pour le travail » qui vont de 90 à 360 heures. Il suffit de savoir lire et écrire pour s’inscrire et payer le<br />

droit au diplôme (aucune restriction explicite n’est faite par rapport à l’âge ou le niveau minimum de scolarité).<br />

D’autre part, des formations « professionnelles techniques » après le collège, qui ont une durée de trois ans :<br />

électronique, électricité, informatique, administration, infirmière…<br />

269


toutes les familles n’ont pas l’intérêt d’occuper les enfants dans des activités périscolaires<br />

sportives ou culturelles, cette idée n’est même pas dans leurs mœurs. Enfin, parce que souvent<br />

les deux parents travaillent, et ils n’ont pas le temps pour amener les enfants partout, même<br />

lorsqu’ils ont la possibilité de payer une activité périscolaire. Les enfants restent souvent seuls<br />

toute la journée chez eux. Ils s’ennuient fréquemment, comme nous l’avons constaté lors des<br />

entretiens collectifs et individuels auprès des enfants. Face à ces situations, le travail devient<br />

une pratique en général bien acceptée socialement, une option pratique et avantageuse.<br />

Par ailleurs, concernant les travailleurs extradomestiques familiaux, selon le MTI, les raisons<br />

économiques sont moins importantes (55%) que chez les travailleurs extradomestiques non<br />

familiaux (Tableau 23). Notamment, l’envie d’avoir ses propres revenus (13%), le besoin de<br />

payer sa scolarisation (0,3%), et les besoins de la famille du revenu de l’enfant (2%). Par<br />

contre, le besoin familial du « travail » de l'enfant et non de son apport économique est la<br />

raison la plus fréquente (39%). Et elle est bien plus considérable que chez les travailleurs non<br />

familiaux. Mais cette valorisation du travail des enfants, en termes de temps et d’effort, plutôt<br />

qu’en termes économiques est seulement apparente. Car, d’une part, un enfant non salarié qui<br />

travaille pour un membre du ménage remplace souvent un salarié potentiel étranger à la<br />

famille, ce qui évite directement une perte des revenus familiaux. D’autre part, la productivité<br />

du parent-employeur augmente grâce à l’appui de l’enfant. Ce qui empêche encore une baisse<br />

des revenus familiaux. En effet, dans ces cas, l’on peut dire que le salaire qui correspondrait<br />

au travail de l’enfant est mis directement à disposition de toute la famille, voire du parent-<br />

employeur, mais pas à la disposition personnelle de l’enfant. C’est-à-dire que finalement la<br />

famille gagne toujours économiquement, même si parfois, de manière indirecte. Or, quant aux<br />

autres raisons non économiques, apprendre un métier est une raison assez fréquente (23%).<br />

Par contre, le travail comme activité remplaçante de l’école est rare (4%). Enfin, pour une<br />

proportion non négligeable d’enfants les raisons sont : d’autres, inconnues (19%).<br />

En général, les résultats du MTI sont compatibles avec les récits des enfants interviewés, dans<br />

la mesure où ils montrent la diversité des causes de l’entrée précoce sur le marché du travail<br />

dans le cas familial. Les raisons sont aussi bien familiales que personnelles, économiques que<br />

pragmatiques :<br />

270<br />

« C’est moi qui décide, ou parfois c’est mon père qui me demande de l’accompagner (au travail). » […]<br />

« (Mon argent) Je l’épargne pour m’acheter après une paire de baskets. » […] « J’apprends à réviser<br />

les machines. C’est comme ça que l’on apprend quelque chose. » […] « J’aimerais travailler deux


heures par jour pour changer d’air. Soit, aller à l’école, mais ne pas être tout le temps accroché aux<br />

études. Avoir d’autres distractions. » 353 (Carlos, 14 ans. Son père avait des machines distributrices de<br />

petits ours en peluche, qu’il avait comme affaire personnelle. Il s’occupait de la maintenance et la<br />

réparation. Sa mère était femme au foyer. Il travaillait avec son père pendant les vacances et les weekends).<br />

« Elle m’a demandé de l’aider (la mère-employeuse.) » 354 (María, 9 ans, Elle travaillait sans<br />

rémunération deux fois par semaine avec sa mère qui vendait des fritures dans un local improvisé dans<br />

la rue près de chez eux, une affaire informelle. Elle appelait « papa » et « maman » ses grands-parents<br />

maternels, avec lesquels elle vivait depuis quelques années. Elle avait quitté sa mère biologique, qui<br />

avait des problèmes d’addiction, et qui à l'époque ne s’occupait plus d'elle. Son grand-père était<br />

chauffeur de camion benne.).<br />

« J’ai commencé à aider (ma maman) parce que, je ne voulais pas, et que mon papa m’a dit : tu dois<br />

aider ta maman si tu veux, et sinon, alors ne l’aides pas. Et après, tout à coup j’en ai eu envie parce<br />

que je n’avais rien à faire. Et donc j’ai commencé à l’aider. » […] (Lorsque je suis malade) « Ma mère<br />

dit à mon frère (âgé de 10 ans), allons voir, on va essayer avec toi. Il dit d’accord. Et il sort, mais il ne<br />

dure rien, et tout de suite il rentre. » 355 (Sandra, 12 ans. Elle travaillait pour sa mère qui vendait des<br />

hamburgers, des frites, des hot-dogs de lundi à samedi dans un local improvisé dans la rue, tout près<br />

de chez eux, une affaire informelle. Son père était fonctionnaire, comptable.).<br />

« Nous allons à l’épicerie dès que ma mère nous appelle, lorsqu’il y a beaucoup de clients ou parfois<br />

nous y allons de notre gré. » 356 (Claudia, 9 ans. Ses parents s’occupaient sept jours sur sept de<br />

l’épicerie de son grand-père, laquelle était placée formellement à côté de chez eux. Sa famille avait un<br />

appartement dans le même lot dont ses grands-parents étaient les propriétaires).<br />

« Parfois, quand j’ai du temps et que j’ai fini mes devoirs, je lui demande, lorsqu’il dit qu’il va aller<br />

travailler : papa, peux-je aller avec toi ? Parce que parfois j’ai envie d’y aller. Et comme je n’ai rien à<br />

faire, je m’ennuie là (chez moi). (…) J’aime travailler, mais seulement chaque fois que je peux... pour<br />

gagner de l’argent » […] « Parce que j’aime gagner de l’argent et en plus je m’amuse. (…) Je n’irais<br />

pas tous les jours, mais les week-ends oui, parce que je ne fais rien. » 357 « Je fais des économies. Je<br />

veux acheter une Play Station Portable. Çà coûte à peu près quatre mille pesos (250 euros). J’en ai<br />

mille. Et je veux aussi économiser pour acheter un téléphone portable. Je veux acheter aussi des<br />

chaussures et des vêtements de marque. Parce que je n’ai plus de chaussures, et comme mon père<br />

est aussi en train d'économiser, alors il vaut mieux que je les achète par moi-même... Parce que je ne<br />

veux pas, comme on ne paie guère mon petit papa, parce que les personnes n’ont pas parfois d’argent.<br />

Je ne veux pas qu’il reste sans argent juste parce que je veux un jeu vidéo ou un téléphone<br />

portable. » 358 (Pedro, 8 ans. Son père était travailleur indépendant, comme pelleteur et chauffeur de<br />

353 « Yo decido. O luego mi papá me dice que lo acompañe. » […] « Lo estoy ahorrando para comprarme luego<br />

unos tenis. » […] « Aprendo a ver las máquinas. Así se aprende algo. » […] « Me gustaría trabajar unas dos<br />

horas diarias para también tener un poco de desconecte. O sea, estar en la escuela pero no siempre apegado ahí.<br />

También tener otras distracciones. »<br />

354 « Ella me dijo que la ayudara (la mamá). »<br />

355 « Comencé a ayudar (a mi mamá) porque yo no quería, y mi papá me dijo: debes ayudar a tu mamá si tú<br />

quieres, y si no pues no le ayudes. Y después, de repente tuve ganas porque no tenía nada que hace. Y comencé a<br />

ayudarle. […] Le dice mi mamá, a ver vamos a probar contigo. Y dice, bueno. Y ya se sale, pero no aguanta<br />

nada, luego, luego se mete. »<br />

356 « Vamos a la tienda cuando nos llama, cuando hay mucha gente o a veces vamos nosotros. »<br />

357 « Luego, cuando tengo tiempo y hago la tarea, yo le digo, cuando dice que va a ir a un ‘tiro’: ¿papá puedo ir<br />

contigo?... Porque luego me dan ganas de ir. Y como no tengo nada que hacer, es que me aburro aquí. (…) Me<br />

gusta trabajar, pero sólo cada que puedo... Para ganar dinero. » […] « Porque me gusta ganar dinero y además<br />

me divierto. (…) No iría todos los días, pero los fines de semana sí, porque no tengo nada que hacer.»<br />

358 « Lo ahorro. Quiero comprar un Play Station. Cuesta como 4 000 pesos. Y llevo mil. Y también quiero<br />

ahorrar para un celular. También quiero comprarme zapatos y ropa. Porque ya no tengo zapatos y como mi papá<br />

271


272<br />

camion benne. Sa mère était femme au foyer et aussi étudiante en lycée. Elle avait auparavant<br />

interrompu ses études parce qu'elle est tombée enceinte lorsqu'elle était adolescente).<br />

A l’évidence, lorsqu’il s’agit de travailler pour l’un des parents, le rôle de ces derniers est,<br />

évidemment, plus déterminant que chez les travailleurs extradomestiques non familiaux.<br />

Cependant, nous pouvons dire qu’il y a trois groupes bien différents : ceux qui travaillent à la<br />

demande du parent-employeur, ceux qui en ont pris l’initiative, et ceux qui sont à la fois dans<br />

les deux cas. Trois groupes qui ont des traits particuliers aussi.<br />

D’une part, il y a ceux qui travaillent à la demande expresse de leurs parents (soit, dans la<br />

catégorie « la famille a besoin du travail de l’enfant »). Ils n’ont pas forcément de choix face<br />

au travail, ils représentent la majorité des EAJ travailleurs. Il s’agit notamment des filles, mais<br />

pas seulement, qui travaillent pour leur mère qui est commerçante de détail, mais dans tous les<br />

cas, une patronne ou une travailleuse indépendante, généralement du secteur informel, soit<br />

dans des conditions qui favorisent l’accès des enfants au travail. D’habitude, le travail se<br />

réalise dans un endroit tout près de chez eux, mais dans la rue. Les parents installent et<br />

désinstallent tous les jours de travail un local improvisé. Dans ce cas, la participation de<br />

l’enfant est perçue comme une aide et non comme un travail proprement dit. Et c’est sûrement<br />

par cette raison qu’ils ne sont pas rémunérés. Même s’il y a des horaires plutôt bien établis qui<br />

se déterminent en fonction du temps scolaire. Le travail est assez flexible, mais quotidien. Or,<br />

il faut signaler qu’officiellement, ces enfants font partie de la catégorie des « aides<br />

familiales ». 359<br />

D’autre part, il y a ceux qui prennent l’initiative de travailler, notamment des garçons. Ils<br />

demandent à l’un des parents, surtout le père, de les amener avec eux. Dans ce cas, il s’agit de<br />

pères travailleurs indépendants dans le secteur informel, donc ils ont la liberté d’amener leurs<br />

enfants avec eux au travail. Or, parfois, les activités que réalisent les parents ne sont pas<br />

attractives pour les enfants, c’est le fait de sortir de chez eux, de gagner un peu d’argent de<br />

poche, voire d’être avec leur père, de l’accompagner, qui les attire. Ils cherchent une activité<br />

plutôt pour se distraire. Et vu qu’ils n’ont pas trop de choix, le travail avec leurs parents (ou<br />

también está juntando aparte, pues mejor yo los compro. Porque no quiero que, como casi no le pagan a mi papi,<br />

porque luego no tienen dinero. No quiero que se quede sin dinero porque yo quiero un videojuego o un celular.»<br />

359 En espagnol « trabajador familiar sin pago » (travailleur familial sans rémunération). L’action d’aider<br />

quelqu’un (« ayudar ») en espagnol ne prête pas à confusion avec la catégorie, comme en français « aider » et<br />

« aide familiale ».


un autre membre du ménage) est l’option la plus à portée de la main, même si, peut-être, peu<br />

intéressant. L’on comprend le manque d’attirance à ce propos, car la plupart des parents des<br />

interviewés ont des emplois manuels et peu qualifiés, parfois très durs et mal payés. Un<br />

exemple clair est celui de Pedro, âgé de 8 ans, qui à son initiative travaillait de temps en<br />

temps avec son père, qui était pelleteur et chauffeur de camion-benne. A la question, « Tu<br />

aimes faire ce travail ? » Il a répondu :<br />

« Ben, oui… mais non pour le faire quand je serais plus grand. Mais maintenant oui, il me plaît un petit<br />

peu. » 360<br />

Dans ce sens, il faut faire attention avec les résultats du MTI, concernant l’importante<br />

proportion d’enfants travailleurs familiaux qui se sont mis au travail pour apprendre un<br />

métier (23%). Il est pertinent de souligner, à ce propos, que ce sont d’habitude les parents qui<br />

répondent aux enquêteurs, donc, il est tout à fait plausible que les parents répondent selon leur<br />

propre point de vue, et non pas forcément selon celui de l’enfant concerné. Certes, quelques<br />

métiers peuvent être très attirants aux yeux des enfants, ou bien représenter une tradition<br />

familiale ou un moyen sûr pour le futur professionnel, et ainsi motiver l’intérêt des enfants.<br />

Mais, dans d’autres cas, justement la dure expérience vécue par eux-mêmes ou à travers leurs<br />

parents, les démotive pour suivre un tel chemin, en les poussant à essayer de faire mieux<br />

qu’eux. Et là, c’est la scolarisation qui est mise en valeur, par les enfants et par les parents, le<br />

travail restant secondaire et sporadique.<br />

Enfin, concernant le dernier groupe, il s’agit des EAJ dont la famille a une petite affaire<br />

familiale à la maison, même si elle est installée dans un lieu spécifique à ce propos. <strong>La</strong> vie<br />

familiale se partage entre la maison et le local commercial, tout en fait partie. Il n’y a pas une<br />

distinction claire des activités de production et de reproduction sociale, et donc, tous passent<br />

d’un domaine à l’autre, même sans s'en rendre compte. Les enfants peuvent aider dans la<br />

cuisine, comme dans l’entreprise, dans la pratique, il n’y a pas de différence. C’est sûrement<br />

pour cela que ce travail n’est pas non plus rémunéré. Et aussi, il est considéré comme une<br />

aide, une aide à la demande ou à l’initiative, mais très fréquente. Ils doivent être disponibles à<br />

tout moment, lorsqu’ils sont à la maison. En général, ce sont des affaires où l’on travaille sept<br />

jours sur sept, tous les mois de l’année, et toute la journée (de 7 h à 22 h). Le travail fait partie<br />

de la dynamique familiale quotidienne, et de la vie périscolaire des enfants. En effet, il<br />

360 « Pues, sí,… para hacer de grande no. Pero ahorita sí, me gusta tantito. »<br />

273


n’existe guère une vie familiale privée, un temps en famille à la maison. Même les rencontres<br />

avec les amis se font plutôt dans le local, sur le temps de travail. Ils y viennent pour discuter,<br />

dès que possible. Tout se fait par relais, même si les parents restent les plus engagés dans<br />

l’affaire. Par exemple : les uns mangent à la maison, tandis que les autres s’occupent des<br />

clients. Même parfois, les parents mangent dans le local. Et ainsi pour toutes les autres<br />

activités essentielles, le local est une extension de la maison. Les enfants remplacent les<br />

parents lorsqu'ils sont absents. Par exemple, cette fille s’occupe des clients de l’épicerie<br />

familiale de temps en temps, de même que son frère aîné :<br />

274<br />

« Parfois, lorsque ma maman va préparer les repas ou lorsque ma maman veut aller<br />

regarder quelque chose ou aller aux toilettes, et voilà. » 361 (Claudia, 9 ans).<br />

Par ailleurs, les particularités du processus d’entrée sur le marché du travail impliquent un<br />

certain protagonisme des enfants concernés, par rapport au premier contact avec le monde du<br />

travail. Parfois, ils sont de simples acteurs secondaires, mais des acteurs, en acceptant la<br />

demande de la part d'autre personne); et parfois, ils sont de vrais protagonistes (en prenant<br />

l’initiative). Or, dès qu’ils sont sur le marché du travail, leur participation est active, ils<br />

deviennent tous des protagonistes en façonnant ainsi, de gré ou de force, leur propre vie et<br />

celle de leur famille. En général, ceux qui ont été contraints de le faire assument cette activité<br />

avec soumission et abnégation, comme une forme de solidarité ou d’obligation familiale.<br />

Parce que l’union et le soutien dans les familles sont fondamentaux dans la société mexicaine,<br />

où pour faire face à toute difficulté, l’on ne compte qu’avec le soutien de la famille élargie ou<br />

des proches, l’appui de l’Etat étant très restreint. Alors, tout au long de la vie, les personnes<br />

passent du rôle de soutenu au rôle de soutien, dans la sphère familiale. Et c’est grâce à cette<br />

cohésion familiale que la population arrive à tenir, malgré toutes les difficultés quotidiennes,<br />

et surtout lors d’un drame. Ce soutien est plus important à mesure que la situation<br />

socioéconomique de la famille est plus précaire, soit plus vulnérable. Il s’agit d’un intérêt<br />

mutuel, où tous sont impliqués, que cela plaise ou non.<br />

C'est pourquoi le travail dans le milieu familial est souvent considéré comme une aide et non<br />

comme un travail. En effet, le concept de travail est souvent lié aux conditions d’emploi<br />

(rémunéré/non rémunéré, formel/informel, économique/non économique, etc.), et pas<br />

361 « Algunas veces, cuando mi mamá va a hacer la comida, o cuando mi mamá quiere ir a ver algo o al baño, o<br />

así. »


forcément au simple fait de réaliser ou non une activité concrète, comme nous l’avons déjà<br />

évoqué dans la partie sur les représentations sociales. Mais la proximité familiale avec<br />

l’employeur n’est pas toujours perçue comme une condition dans la détermination de ce qui<br />

est ou non un travail. Nous l’avons observé dans l’entretien avec Sandra, âgée de 12 ans. Ce<br />

cas montre la difficulté de repérer le travail des enfants, notamment lorsqu’il se réalise dans le<br />

milieu familial. En plus le fait de qualifier le travail comme aide, permet son développement<br />

plus facilement. Et ainsi, l’entrée des enfants dans le monde du travail se fait souvent d’une<br />

manière très subtile, presque inaperçue. <strong>La</strong> famille de cette fille partageait la même propriété<br />

avec d’autres familles de proches parents, dont ses grands-parents maternels. Cette fille<br />

travaille de manière rémunérée et sporadique pour sa grand-mère en lavant un comal, et<br />

parallèlement, travaille tous les soirs pour sa maman, sans rémunération. A la question,<br />

« Aimerais-tu travailler maintenant ? » Elle a répondu :<br />

« Ben, je ne sais pas, au fait, je travaille avec le ‘comal’ » 362 Elle ne considérait pas comme un travail ce<br />

qu’elle faisait pour sa mère, malgré le fait que dans la pratique c’était un travail plus prenant que le travail<br />

pour sa grand-mère.<br />

Enfin, en analysant les récits des enfants travailleurs extradomestiques, tant familiaux que non<br />

familiaux, nous trouvons que le travail est vécu plutôt comme une expérience positive, une<br />

expérience qui peut leur apporter des bénéfices, à court et à long terme. Et cette perception<br />

positive les motive à rester sur le marché du travail.<br />

D’un côté, parmi les travailleurs rémunérés, familiaux ou non, leur indépendance<br />

économique, qui est plutôt symbolique, montre le caractère persévérant de ces enfants, qui les<br />

motive à travailler pour gagner de l’argent et ainsi, peu à peu, arriver à un but précis : la<br />

réalisation d’un souhait, un achat prévu. Et en le faisant, ils « goûtent » la saveur du monde<br />

adulte, comme une forme de maturité précoce, forcé par eux-mêmes, comme évoquent ces<br />

deux enfants :<br />

« Je veux apprendre maintenant à faire mon propre argent. » 363 (Carlos, 14 ans, travailleur familial).<br />

(Travailler m’aide) « A savoir valoriser les heures de travail. » 364 (Alicia, 11 ans, travailleuse non<br />

familiale).<br />

362 « Pues no sé, es que sí trabajo con el comal. »<br />

363 « Quiero aprender ahorita a hacer mi propio dinero. »<br />

364 « En saber valorar las horas de trabajo. »<br />

275


D’autre côté, nous avons aussi observé que les enfants qui travaillent à l’extérieur du quartier,<br />

comme travailleurs familiaux ou non, peuvent trouver dans ces sorties une autre source de<br />

plaisir par rapport au travail, qui les motive à y rester. Le travail devient un moyen<br />

d’ouverture au monde extérieur du quartier :<br />

276<br />

« Je vais à des lieux lointains, que je ne connais pas, je ne sais où ils se trouvent, et j’apprends où ils<br />

sont placés. Parfois, il y a des endroits que j’aime, jolis. (…) Parce que parfois j’ai envie d’y aller. Et<br />

comme je n’ai rien à faire, je m’ennuie là. (...) Je n’irais pas tous les jours, mais les week-ends si, parce<br />

que je fais rien. » 365 (Pedro, 8 ans, travailleur familial).<br />

« Oui, j’aime (le travail), parce qu’on va à des lieux avec son pick-up. » […] « J’aime parce que sinon,<br />

qu’est-ce que je ferais chez moi ? Comme ça, je sors à des endroits. » […] « Ben, parfois il m’amène à<br />

différents endroits, comme à Veracruz, car il y va en vacances avec sa famille » […] « Ben, je connais<br />

des endroits, et quand j’y vais, donc je sais où je suis, je sais comment y arriver, je ne me perds pas<br />

facilement. » 366 (Alejandro, 14 ans, travailleur non familial).<br />

Mais cette perception est peut-être particulière aux enfants du quartier, lequel se caractérise<br />

justement pour être très enfermé (dans les idées, dans les pratiques, et aussi dans<br />

l’emplacement physique). Les habitants du quartier ont l’habitude de sortir peu du quartier<br />

pour se promener, notamment les familles les plus défavorisées. Ils ont à l’intérieur tout ce qui<br />

est essentiel à la vie quotidienne. En plus, toute la famille est là, dedans, ou dans les villages<br />

d’origine, car il faut rappeler qu’il s’agit d’un quartier formé par des immigrants de<br />

« récente » arrivée. Mais, cette qualité du travail est réservée aux garçons, car ce sont eux<br />

seuls qui ont l’opportunité de sortir, étant donné que toutes les filles travaillent dans le<br />

quartier, voire à la maison. Un effet pervers de la vulnérabilité féminine supposée, qui touche<br />

d’abord les mères, et ainsi de suite, à cause du lien sexué d’embauche, pour leurs filles.<br />

Parfois l’espace de travail devient un lieu de socialisation, une qualité que certains enfants<br />

valorisent. Mais cette qualité se présente plutôt lorsque l’enfant travaille dans un milieu<br />

familial, un environnement plutôt décontracté et convivial, qui favorise les relations entre les<br />

365 « Porque me gusta ganar dinero y además me divierto. Voy a lados lejos, que no conozco, y ni sé dónde están<br />

y aprendo donde están. Luego hay lados que me gustan, bonitos. (…) Porque luego me dan ganas de ir. Y como<br />

no tengo nada que hacer, es que me aburro aquí. (...) No iría todos los días, pero los fines de semana sí, porque<br />

no tengo nada que hacer. »<br />

366 « Sí me gusta, porque vamos a lugares con su camioneta. » […] « Me gusta, porque ¿qué hago en mi casa?<br />

Así salgo a lugares. » […] « Pus, que a veces me lleva a varios lugares, como a Veracruz, porque él va de<br />

vacaciones con su familia. » […] « Pus conozco lugares, ya cuando voy a esos lugares, pues ya sé dónde ando,<br />

ya sé cómo llegar a esos lugares, ya no me pierdo fácilmente. »


enfants et les clients, en plus d’être un lieu de rencontre entre amis. Mais évidemment, la<br />

socialisation trouve de limites selon le type de travail :<br />

« J’aimais m’occuper de l’épicerie, parce qu’en plus de prendre des choses, c’était bien parce que nos<br />

amis y venaient, parfois on allumait une machine (de jeu vidéo), et nous restions là en jouant. Mes amis<br />

arrivaient, et après lorsqu’il y avait du football, nous sortions la télé (à l’épicerie) et nous y restions. » 367<br />

(Felipe, 14 ans, qui à l’époque de l’entretien était travailleur extradomestique non familial, et avait<br />

auparavant travaillé pour sa mère pendant des années, sans rémunération. Ils vendaient des sucreries<br />

et des sodas, et avaient installé une machine à pièces (de jeux vidéo) dans leur salon).<br />

« Ben, ma tante m’a dit de m’occuper d’eux (les clients), tu ne dois pas dire cela. » […] « Au début,<br />

j’avais honte, j’arrivais et je leur demandais (aux clients leur commande), et avec la peur que j’avais,<br />

j’oubliais le menu. Et je disais : ups ! Mais j’ai déjà pris de l’expérience, de l’expérience, et ça va. Je n’ai<br />

plus honte. Et on me dit : il y a ceci et cela. Je demande à ma tante : qu’est-ce qu’il y a comme menu ?<br />

Et elle me dit et je vais et je leur dis. » […] « J’ai appris à savoir m’occuper de clients. Je discute avec<br />

eux, mais parfois on me gronde parce que je discute beaucoup avec eux, je me mets à leur table<br />

presque. Et comme ça, j’ai mes clients, et ils me disent, appelle-moi par mon prénom, tutoie-moi. Et<br />

comme ça. Mais quand j'ai commencé, je ne savais rien. Je les vouvoyais, car ma maman m’a appris à<br />

vouvoyer les personnes, et ne pas les tutoyer. Et quand on te dit tutoie-moi, je te tutoie. (…) Parfois, ils<br />

se fâchent avec moi et me grondent. Parce que parfois j’oublie de les amener les “tortillas”. Et ils me<br />

disent, et alors je vais en courant, et ça va. » 368 (Alicia, 11 ans, elle travaillait, à son initiative, pour sa<br />

tante qui avait un petit restaurant près de chez elle).<br />

A la lumière des expériences de ces enfants, le travail peut s’avérer positif lorsque certaines<br />

conditions se présentent. Les enfants interviewés sont entrés et sont restés dans le monde du<br />

travail parce qu’ils y trouvent certains bénéfices, dont l’économique très important, mais il<br />

n’est pas le seul. Certes, nos interviewés représentent des cas très particuliers de travailleurs,<br />

dans un contexte aussi singulier, mais leurs récits montrent une partie de ce monde hétérogène<br />

des enfants travailleurs. Dire que tous les enfants travailleurs sont satisfaits avec leur travail<br />

serait aussi partiel que de dire que tous sont exploités.<br />

367 « Me gustaba estar en la tienda porque aparte de que agarrábamos cosas, estaba bien porque venían nuestros<br />

amigos, luego prendíamos una maquinita, y ahí estábamos jugando. Venían mis amigos, y luego cuando había<br />

futbol, sacábamos la tele y ahí estábamos. »<br />

368 « Pues mi tía me estaba diciendo que los atienda, no tienes que decir todo eso. » […] «Al principio tenia pena,<br />

como que así llegaba, y les decía. Y con lo nerviosa que estaba se me olvidaba el guisado. Y decía: ¡híjole! Pero<br />

ya agarré experiencia, experiencia, y ya. Ya no me da pena. Y me dice: hay esto y esto. Le pregunto a mi tía:<br />

¿qué hay de guisado? Y me dice, y voy y les digo. » […] « He aprendido a saber atender a los clientes. Platico<br />

con ellos, nada más que a veces me regañan porque me quedo platicando con ellos, casi me siento en su mesa. Y<br />

así, como que ya tengo clientes. Y me dicen: llámame por mi nombre, de tú. Y así. Pero yo, cuando entré no<br />

sabia nada. Les hablaba de usted. Porque mi mama me ha enseñado a hablarles a las personas de usted, no de tú.<br />

Y cuando te digan háblame de tú, te hablo de tú. (…) A veces se enojan los clientes y me regañan a mí. Porque a<br />

veces se me olvidan llevar las tortillas. Y me dice, y ya voy corriendo, y ya. »<br />

277


VII.2.2. Les liens sexués d’embauche.<br />

Un aspect notable qui s’est révélé lors de l’analyse de nos entretiens, est l’existence d’une<br />

« relation sexuée d’embauche » : les filles travaillant plutôt pour des femmes et les garçons<br />

pour des hommes, une situation plus nette chez les travailleurs familiaux, mais présente aussi<br />

chez les travailleurs non familiaux.<br />

L'existence d'un tel lien sexué d'embauche prend une importance majeure, car il a<br />

d'importantes conséquences sur les conditions de travail des filles et des garçons. Par<br />

exemple, dans le cas des travailleurs extradomestiques familiaux, en général, les filles<br />

travaillent avec leur mère et les garçons avec leur père. Quant à leurs conditions de travail,<br />

toutes les filles interviewées sont non rémunérées, tandis que les garçons ont presque tous une<br />

rémunération par leur travail. Ils travaillent de manière sporadique, elles le font de manière<br />

quotidienne, sans un horaire fixe. Les hommes travaillent à l’extérieur du quartier, les femmes<br />

ne sortent pas du quartier, elles ne s’éloignent même pas trop de chez elles. Par ailleurs, les<br />

filles réalisent des activités qui sont une extension des tâches domestiques à la maison. Tandis<br />

que les garçons réalisent des activités qui demandent plus de force physique, ou bien qui<br />

s’inscrivent dans le cadre d’un métier, plutôt masculin. Ce qui permet aux garçons travailleurs<br />

l’apprentissage d’un métier, qui représente une option de plus, en termes de formation, pour<br />

leur entrée future sur le marché du travail. Mais, ils y apprennent aussi à « gagner de<br />

l’argent ». Ce qui sera leur responsabilité primordiale à l'avenir, comme pourvoyeurs<br />

économiques de leur propre famille.<br />

Par contre, une fille qui travaille dans la petite entreprise familiale n’est pas là afin de se<br />

préparer pour l'avenir. Elle rend juste un service à la famille en tant qu’enfant dépendant. Il<br />

faut signaler que parmi nos interviewés, les mères n’ont pas de formation, elles sont avant tout<br />

femmes au foyer, même si elles travaillent à côté. Alors, si jamais elles travaillent, elles ont<br />

des travaux peu qualifiés : petites commerçantes (surtout informelles) ou travailleuses<br />

domestiques pour un tiers. Par contre, les pères, même s’ils ont aussi de faibles niveaux de<br />

scolarisation, d’habitude ils ont un métier. Ils sont des travailleurs manuels qui ont besoin de<br />

bouger dans la réalisation de leur travail, ce qui attire plus l’attention des enfants. Il semble<br />

alors que les garçons ont des options plus intéressantes de travail auprès de leur père que les<br />

filles auprès de leur mère, et donc le manque d’initiative de leur part est tout à fait<br />

compréhensible. Alors que les emplois des pères s’inscrivent dans un milieu plutôt masculin,<br />

278


où les femmes et les filles n’ont pas de place, par contre, le travail des mères est plus asexué<br />

(comme le commerce), et même s’il reste dans un contexte plutôt féminin (services<br />

domestiques), les garçons y sont tout à fait bien acceptés.<br />

D’ailleurs, dans le cas des travailleurs extradomestiques non familiaux, il existe aussi un lien<br />

sexué d’embauche : les filles travaillent pour une femme, les garçons pour un homme. Mais<br />

en plus, les filles travaillent toujours pour un parent, même si celui-ci n’appartient pas au<br />

même ménage, et elles restent tout près de chez elles pour travailler. Tandis que les garçons<br />

travaillent de manière indépendante ou pour quelqu’un sans lien de parenté, mais, quelqu'un<br />

de connu dans leur entourage. Et ils se déplacent plus, soit pour se rendre au travail, soit<br />

comme partie de leur travail.<br />

Etant donné la particularité et le nombre restreint d’enfants interviewés, il faut encore<br />

vérifier l’importance de ce lien sexué d’embauche trouvé lors du travail de terrain, à l’aide de<br />

la base de données du MTI. Malheureusement, l’enquête ne permet pas de connaître le sexe<br />

de l’employeur dans le cas des enfants travailleurs non familiaux. A ce sujet, nous devons<br />

nous contenter d’observer seulement la situation des enfants travailleurs extradomestiques<br />

familiaux.<br />

Tout d’abord, indépendamment du rôle de l’employeur dans le ménage (chef, conjoint ou<br />

autre), 69% des garçons travaillent pour un homme, et 64% de filles pour une femme ; en<br />

général, il s’agit du père et de la mère, respectivement. Mais, à mesure que l’âge des enfants<br />

augmente, tous travaillent plus souvent pour un homme. Ainsi, parmi les filles de 6 à 11 ans,<br />

30% travaille pour un homme, tandis que la proportion s’élève à 40% chez les 15 à 17 ans.<br />

Parmi les garçons, la proportion passe de 56 à 75%, respectivement. Plus en détail, à propos<br />

du lien de parenté de l’enfant avec l’employeur, parmi les garçons travailleurs familiaux, les<br />

principaux employeurs sont : le chef de ménage homme (64%), la conjointe du chef (21%) ou<br />

la chef de ménage (10%). Et parmi les filles travailleuses familiales : la conjointe du chef de<br />

ménage (42%), le chef de ménage (35%) ou la chef de ménage (19%).<br />

Le lien sexué d’embauche répond à des relations traditionnelles de genre et de génération,<br />

mais aussi d’opportunité. Pour des questions pratiques, de nécessité ou de coutume, l’entrée<br />

précoce des enfants au travail peut être plus simple si elle se fait à côté ou dans le même<br />

réseau de travail des parents, au moins dans un premier temps. Or hommes et femmes<br />

279


travaillent selon un modèle plutôt traditionnel, parce que le marché du travail est construit de<br />

cette manière, notamment parmi les familles les plus démunies. Par conséquent, les activités<br />

s’héritent d’une génération à l’autre, au moins pendant l’enfance et l’adolescence, en<br />

contribuant ainsi à la permanence de la distribution traditionnelle d’activités économiques par<br />

sexe : les pères embauchant davantage les fils dans des activités typiquement masculines, et<br />

les mères les filles dans des activités féminines.<br />

Certes, la mise au travail précoce et la permanence dans le marché du travail répondent à des<br />

causes diverses en même temps, mais l’existence d’un environnement favorable est<br />

essentielle. Si une affaire familiale existe par exemple, le travail extradomestique familial est<br />

assez probable, même s’il n’est pas obligatoire, ni nécessaire. Mais, si ce n'est pas le cas, les<br />

enfants qui ont envie ou besoin de travailler le feront en qualité de travailleurs non familiaux,<br />

en cherchant ailleurs. Or cette simple différence du lien de parenté avec l’employeur peut se<br />

répercuter directement sur les conditions de travail des enfants, et ainsi avoir des<br />

conséquences sur la vie et le bien-être de l’enfant. C'est pourquoi maintenant nous nous<br />

intéressons au travail réalisé par les enfants, selon le lien de parenté : que font-ils ? où<br />

travaillent-ils ? dans quelles conditions ?<br />

VII.3. Le travail extradomestique non familial et familial : deux mondes différents.<br />

<strong>La</strong> connaissance de l’environnement de travail des EAJ selon le lien de parenté avec<br />

l’employeur servira à avoir des éléments susceptibles à expliquer, et à<br />

comprendre l’importance du travail dans la vie des enfants et des familles concernés. Les<br />

différences observées à propos de la composition sociodémographique de ces deux sous-<br />

groupes, en plus des évidences successives sur la participation sexuée des enfants, imposent<br />

une analyse par sexe.<br />

Nous allons par la suite présenter les principaux aspects qui servent à caractériser<br />

l’environnement de travail : les branches d’activité économique, le statut d’emploi, la taille et<br />

le type d’unité de production de biens ou de services (la possession d’un nom, comme un<br />

moyen d’approcher le secteur d’emploi : formel ou informel), lieu de travail (établissement,<br />

rue, unité domestique…), et les conditions d’emploi (horaires, périodes, rémunération et<br />

milieu).<br />

280


VII.3.1. Le monde du travail des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux.<br />

Les travailleurs extradomestiques non familiaux ont trouvé une place dans diverses branches<br />

d’activité économique. Mais, ils sont surtout présents dans le commerce de détail (28%),<br />

l’industrie manufacturière (18%), et le secteur de services en général, mais notamment<br />

dans deux branches : le service à la personne, aux automobiles et aux appareils ménagers<br />

(16%) 369 ; et le service de logement temporaire et de préparation de repas et des boissons<br />

(13%). Et plus discrètement, l’industrie du bâtiment est aussi parmi celles qui accueillent<br />

fréquemment ces enfants (9%). Cependant, il y a des différences à commenter selon le sexe et<br />

les groupes d’âges (Graphique 13).<br />

Le commerce de détail est la branche la plus importante chez tous les EAJ, les autres branches<br />

n’ont pas le même niveau d’importance dans chaque sous-groupe. Tout d’abord, à propos des<br />

différences par sexe, la plus notable est que l’industrie du bâtiment est une branche<br />

typiquement masculine, où les filles sont presque absentes. Par contre, la branche de services<br />

de logement et de préparation de repas est beaucoup plus importante chez les filles que chez<br />

les garçons, même s’ils sont aussi concernés. A l’image des pratiques adultes, il existe<br />

certaines branches bien sexuées. Par ailleurs, en relation à l’âge, en grandissant, les enfants<br />

s’incorporent progressivement à plus de branches d’activité économique. En général, les<br />

secteurs de services et du commerce perdent de l’importance au profit du secteur industriel,<br />

notamment l’industrie manufacturière, et chez les garçons de l’industrie du bâtiment. Mais,<br />

signalons qu’il n’y a pas de filles âgées de moins de 12 ans dans le secteur de l’industrie,<br />

tandis que les garçons y sont déjà présents.<br />

369 Cette branche inclut spécifiquement : la réparation et maintenance des automobiles et des camions ; la<br />

réparation et maintenance de l’équipement, des machines et des articles ménagers et personnels ; les services<br />

personnels ; les parkings ; les services de garde et de nettoyage des automobiles par des travailleurs itinérants ;<br />

service d’administration de cimetière ; des associations et des organisations ; et des ménages avec des employés<br />

domestiques.<br />

281


282<br />

Graphique 13. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

par branches d’activité économique, selon le sexe et les trois groupes d’âges<br />

Branches d'activité<br />

Services à la personne, aux automobiles et aux<br />

appareils ménagers<br />

Services de logement temporaire et de préparation<br />

de repas et des boissons<br />

Branches d'activité<br />

Commerce de détail<br />

Commerce de gros<br />

Industrie manufacturière<br />

Industrie du bâtiment<br />

Garçons<br />

Autres<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

Autres<br />

Services à la personne, aux automobiles et aux<br />

appareils ménagers<br />

Services de logement temporaire et de préparation<br />

de repas et des boissons<br />

Commerce de détail<br />

Commerce de gros<br />

Industrie manufacturière<br />

Industrie du bâtiment<br />

0 10 20 30 40 50<br />

Filles<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

%<br />

0 10 20 30 40 50<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

En accord avec leur appartenance privilégiée à certaines branches d’activité économique,<br />

leurs activités se concentrent surtout dans trois catégories, comme travailleurs en services<br />

personnels dans un établissement (24%) ; aides ou manœuvres (20%) ; et commerçants<br />

%


(19%). Cependant, ils réalisent toutes sortes d’activités, même si certaines activités sont peu<br />

fréquentes. Or, il existe des différences dans la répartition par type d’activité selon le sexe et<br />

les groupes d’âges (Graphique 14). Les aspects à souligner quant au sexe sont une plus forte<br />

présence d’aides et de manœuvres chez les garçons, par contre une plus grande participation<br />

de filles comme domestiques. Concernant l’âge, une diversification d’activités parmi les plus<br />

âgés, qui à partir de 12 ans trouvent une place dans des activités mieux qualifiées comme :<br />

assistants administratifs ; opérateurs de machine fixe ou techniciens, au détriment d’activités<br />

comme le travail domestique et la vente dans les rues pour les deux sexes ; et concrètement<br />

chez les filles, l’artisanat et le travail manuel (ouvriers) ; et chez les garçons, le travail dans<br />

des services personnels en établissement.<br />

En effet, les travailleurs extradomestiques non familiaux réalisent des activités qui demandent<br />

une qualification minimale ou bien spécifique. Par exemple, Felipe âgé de 14 ans, raconte ce<br />

qu’il a fait vers l’âge de 8 ans en tant que travailleur avec son oncle qui était forgeur :<br />

« Je lui approchais les choses, les pinces et tout ça, puis, nous ramassions et rangions les outils.» 370<br />

Mais, les activités évoluent avec l’autonomie qui gagne l’enfant avec l’âge, comme raconte<br />

Alejandro, âgé de 14 ans. Il travaillait depuis des années pour le même employeur, le<br />

propriétaire d’une petite épicerie près de chez lui, qui en plus louait des jeux gonflables et<br />

avait des machines de jeux vidéo placées dans d’autres magasins :<br />

« Ben, ça fait déjà quelques années, j’avais comme 8 ans. Je l’accompagnais de temps en temps.<br />

Après, lorsque j’avais comme 10 ans, comme j’avais un peu plus de forces, j’ai commencé à remplir<br />

les frigos avec des sodas et des bières et ces choses (dans l’épicerie de l’employeur). » 371<br />

[…] « (Maintenant) (…) je l’accompagne à sortir de l’argent de ses machines de jeux vidéo. (...) Je lui<br />

approche le sac avec les clefs, j’ouvre la machine et commence à compter l’argent et c’est tout, et il<br />

faut enlever l’argent. (...) Quand j’étais plus jeune et je l’accompagnais, je ne faisais que lui donner les<br />

clefs. » 372<br />

370 « Yo le pasaba las cosas, las pinzas y todo eso, y después recogíamos y arreglábamos le herramienta. »<br />

371 « Pues, ya tiene varios años, tenía como 8 años. Lo anduve acompañando. Después, cuando tenía como 10<br />

años, como ya tenía un poco de fuerza, ya empecé a llenar los refris de refresco y de cerveza y esas cosas. »<br />

372 « (...) lo acompaño a que saque dinero de las máquinas. (...) Yo le paso la mochila con las llaves, abro la<br />

máquina y empiezo a contar el dinero y ya, y hay que quitar el dinero. (...) Cuando estaba más chico y lo<br />

acompañaba, sólo le pasaba las llaves. »<br />

283


284<br />

Graphique 14. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

par activité principale, selon le sexe et les trois groupes d’âges<br />

Activités<br />

Autres<br />

Travailleurs domestiques<br />

Travailleurs en services personnels dans un<br />

établissement<br />

Vendeurs ambulants<br />

Commerçants<br />

Assistants administratifs<br />

Aides ou manœuvres<br />

Operateurs d'une machine fixe<br />

Artisants et ouvriers<br />

Techniciens<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

Activités<br />

Autres<br />

Travailleurs domestiques<br />

Travailleurs en services personnels dans un<br />

établissement<br />

Vendeurs ambulants<br />

Commerçants<br />

Assistants administratifs<br />

Aides ou manœuvres<br />

Operateurs d'une machine fixe<br />

Artisants et ouvriers<br />

Techniciens<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

Garçons<br />

0 10 20 30 40<br />

Filles<br />

0 10 20 30 40<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

%<br />

%


Autre exemple est celui d’Alicia, âgée de 11 ans, qui à l’époque travaillait comme serveuse<br />

dans le restaurant de sa tante. Elle avait vécu une évolution liée à son âge dans son travail :<br />

elle est passée d’aide à serveuse, où l’on demande une certaine maîtrise de l’écriture, pour<br />

prendre la commande, par exemple :<br />

Auparavant, « Au début, je l’aidais pour les petits-déjeuners, j’étais en CM1. Pendant les vacances ma<br />

tante vendait des petits-déjeuners. (...) Si elle avait besoin de sucre, alors j’allais le chercher dans<br />

l’épicerie qu’elle a à côté du restaurant. (...) Je mettais du miel aux “hot cakes”, et je les amenais à la<br />

table des clients, et des trucs du genre. Comme serveuse. (…) J’aidais ma tante juste pendant les<br />

vacances. Après, vers 14 h, je l’aidais à préparer le riz pour le déjeuner, dans le restaurant : j’ouvrais le<br />

sac de riz et voilà (...) » 373 […] (Maintenant) « Je sers les assiettes, prends les commandes et<br />

débarrasse les tables des assiettes utilisées. Parfois, je nettoie les tables, parce que parfois c’est mon<br />

oncle qui le fait. Je ne fais pas la vaisselle, je leur ai dit que si je devais faire la vaisselle il fallait me<br />

payer. » 374<br />

Cependant, malgré l’évolution des activités dans le travail de ces enfants, en général, les<br />

perspectives de formation sont limitées et peu avantageuses pour l’avenir professionnel des<br />

enfants, sauf peut-être, dans les cas des enfants « mis en apprentissage » chez un artisan. Une<br />

pratique qui n’est pas régulée. Ce sont l’enfant travailleur et l'artisan, et parfois les parents,<br />

qui arrivent à un arrangement, où tout est fait de manière informelle. Et en général, les<br />

arrangements peuvent être interrompus à n’importe quel moment, sans problème :<br />

« Je ne sais pas, ce travail m’a ennuyé. J’ai décidé de le quitter. » 375 Raconte Felipe, 14 ans, à propos<br />

de son travail avec un forgeur.<br />

Ainsi, le travail précoce n’est pas seulement une source de revenus, il peut aussi représenter<br />

un moyen d’apprentissage, comme jadis, lorsqu’il se fait dans certaines conditions. Une<br />

qualité plutôt négligée dans les sociétés contemporaines, et à l’évidence peu valorisée aussi.<br />

Et le manque d’un cadre régulateur de cette pratique empêche une vraie formation pour les<br />

enfants intéressés.<br />

373 « Primero le ayudaba en los desayunos, cuando iba en cuarto. En las vacaciones mi tía vendía desayunos. (...)<br />

Pues si faltaba azúcar, pues yo iba por ella. Como ella tiene una tienda al lado del restaurante, pues tengo que ir.<br />

(...) Pues le ponía miel a los hotcakes, y se los llevaba a su mesa y así. Como mesera. (...) Y yo le ayudaba a mi<br />

tía, sólo en las vacaciones. Después, ya eran las dos, y le ayudaba a hacer el arroz para su comida, en el<br />

restaurante, le abría la bolsa y así. »<br />

374 « Llevo los platos, pregunto de los guisados y de la sopa, y recojo los platos. A veces limpio la mesa, porque<br />

a veces la recoge mi tío. No lavo platos, yo les dije que si lavaba platos que me pagaran. »<br />

375 « No sé, ya me aburrió. Yo decidí dejarlo. »<br />

285


Par rapport aux principales caractéristiques à propos de l’entreprise où les enfants travaillent,<br />

la plupart le font en très petites entreprises constituées de moins de 20 personnes (l’enfant et<br />

le patron inclus) : 79%. Ce sont surtout des microentreprises, de 2 à 5 employés (48%) ou de<br />

6 à 10 (13%). Les travailleurs indépendants représentent 9%. L’embauche dans des petites et<br />

moyennes entreprises (PME), de 20 à 250 salariés, concerne 13% de ces travailleurs. Par<br />

contre, les entreprises de taille intermédiaire, ainsi que les grandes entreprises (ETI et GE)<br />

sont peu concernées (6%). Cependant, l’âge et le sexe de l’enfant sont en étroite relation avec<br />

la taille de l’entreprise (Tableau 24). Tout d’abord, le travail « indépendant » est beaucoup<br />

plus important chez les filles que chez les garçons de tous les groupes d’âges et la différence<br />

est plus forte chez les moins de 12 ans (43%). Ensuite, avant 15 ans, les garçons intègrent plus<br />

fréquemment les grosses entreprises que les filles, mais à partir de 15 ans la tendance<br />

s’inverse. Enfin, la proportion de filles et de garçons dans les entreprises de plus de 10<br />

employés augmente au fur et à mesure de l’âge, mais ne dépasse jamais l’importance des<br />

entreprises de 2 à 5 salariés.<br />

286<br />

Tableau 24. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux,<br />

selon la taille de l’entreprise par groupes d’âges et sexe<br />

Groupes d’âges et<br />

sexe<br />

6 à 11 ans-garçons<br />

6 à 11 ans-filles<br />

12 à 14 ans-garçons<br />

12 à 14 ans-filles<br />

15 à 17 ans-garçons<br />

15 à 17 ans-filles<br />

Total<br />

Total<br />

Taille de l’entreprise<br />

%<br />

(nombre de salariés)<br />

(N) 1 2 à 5 6 à 10 Plus de 10 NS<br />

100,0<br />

(22 818)<br />

100,0<br />

(18 260)<br />

100,0<br />

(67 975)<br />

100,0<br />

(38 896)<br />

100,0<br />

(294 955)<br />

100,0<br />

(136 803)<br />

23,3 57,5 2,5 15,0 1,7<br />

43,3 45,4 6,5 4,8 0,0<br />

6,3 57,3 12,6 21,1 2,7<br />

19,6 52,5 6,6 19,6 1,7<br />

4,9 48,2 15,4 27,7 3,8<br />

8,6 39,6 13,8 35,3 2,7<br />

100,0<br />

(563 273)<br />

8,9 48,1 13,4 22,1 2,5<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

A propos de l’entreprise, la possession d’un nom peut être associée, grosso modo, à la<br />

situation de l'entreprise : formelle ou informelle. Une entreprise sans nom peut être liée à une<br />

situation informelle. 376 En général la majorité des enfants travaillent pour une entreprise qui a<br />

un nom (60%). Cependant, le travail dans un milieu que l’on peut supposer formel ne signifie<br />

376 Au sujet du secteur informel voir Roubaud (1995).


pas du tout que l’embauche de l’enfant soit réalisée de manière formelle (soit un contrat et un<br />

salaire bien établis, des droits à la sécurité sociale…). Et les entreprises sans nom accueillent<br />

33% des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux (Tableau 25). Pour le reste des<br />

enfants, 7%, travaille simplement pour un autre travailleur directement ou pour une unité<br />

domestique. Néanmoins, de grosses différences par sexe et par groupes d’âges existent, les<br />

filles travaillant beaucoup plus souvent que les garçons dans une unité domestique ou par un<br />

autre travailleur. C’est le cas, par exemple, des travailleuses domestiques chez les particuliers.<br />

Mais cette situation, qui concerne plus les filles que les garçons, touche aussi davantage les<br />

plus jeunes.<br />

Tableau 25. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux,<br />

selon le type d’entreprise<br />

Groupes d’âges et<br />

sexe<br />

6 à 11 ans-garçons<br />

6 à 11 ans-filles<br />

12 à 14 ans-garçons<br />

12 à 14 ans-filles<br />

15 à 17 ans-garçons<br />

15 à 17 ans-filles<br />

Total<br />

Total<br />

%<br />

(N)<br />

100,0<br />

(22 818)<br />

100,0<br />

(18 260)<br />

100,0<br />

(67 975)<br />

100,0<br />

(38 896)<br />

100,0<br />

(294 955)<br />

100,0<br />

(136 803)<br />

Type d’entreprise<br />

Avec nom Sans nom<br />

Unité<br />

domestique<br />

ou un autre<br />

travailleur<br />

NS<br />

33,1 50,7 14,5 1,7<br />

23,3 55,1 21,6 0,0<br />

51,9 42,5 4,7 1,0<br />

47,0 27,9 22,2 3,0<br />

60,5 35,7 2,7 1,1<br />

70,5 19,0 10,3 0,1<br />

100,0<br />

(563 273)<br />

59,0 33,4 7,2 0,4<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Par ailleurs, au sujet du caractère formel ou informel que l’on peut attribuer aux entreprises<br />

selon la possession d’un nom, en grandissant les enfants sont progressivement plus présents<br />

dans les entreprises avec nom, « formelles », que dans les entreprises « informelles », une<br />

conséquence directe des restrictions légales à l’embauche des enfants. Etant donné que les<br />

conditions de travail sont censées être plus avantageuses dans une entreprise formelle, il est<br />

plausible de supposer que les enfants qui veulent ou qui ont besoin de travailler cherchent à<br />

rejoindre une entreprise formelle dès que possible (à partir de 14 ans, âge légal pour<br />

travailler). Et en attendant, ils travaillent dans les entreprises informelles qui pratiquement ne<br />

posent pas de restrictions au travail des enfants. Or, si l’on analyse par sexe le cas des<br />

287


travailleurs dans une entreprise sans nom, alors que la proportion de travailleurs concernés<br />

diminue à mesure que l’âge augmente, ce sont les garçons qui restent plus souvent dans ce<br />

type d’entreprises après l’âge de 14 ans. Les raisons de ce comportement sélectif par sexe<br />

peuvent être liées tantôt à l’offre, tantôt à la demande. Du côté de l’offre, par exemple, il y a<br />

une préférence pour embaucher des jeunes filles plutôt que des jeunes garçons dans certaines<br />

entreprises formelles, comme c’est le cas des industries « maquiladoras ». De même, il y a<br />

une plus grande offre de travail pour les garçons comme « apprentis » chez des artisans<br />

indépendants, la plupart « sans nom ». Du côté de la demande, on peut supposer que les<br />

garçons sont plus contraints ou plus impatients de travailler que les filles, et donc qu’ils<br />

acceptent tout type de travail, tandis que les filles ont les moyens d’être plus sélectives, et<br />

d’attendre un poste dans une entreprise formelle, ou bien dans un poste plutôt féminin :<br />

serveuse, baby-sitter, caissière, vendeuse...<br />

Concernant le lieu de travail, en excluant ceux qui travaillent pour un autre travailleur ou pour<br />

une unité domestique, qui représentent 7%, la plupart travaillent dans un bureau, un local ou<br />

un établissement (65%) ; et chez le patron ou chez les clients (12%). Le reste, dans un étal<br />

installé dans la rue (6%) ; comme ambulants ou nettement dans la rue (4%) ; chez soi (2%) ;<br />

dans un véhicule (2%) ou d’autres lieux (2%). Cependant, encore une fois, les filles et les<br />

garçons de différents âges ne travaillent pas dans les mêmes types de lieux (Graphique 15).<br />

Tout d’abord, il faut dire que, depuis l’âge de 6 ans, les travailleurs les plus nombreux sont<br />

ceux qui travaillent dans un établissement, un bureau ou un local. Et ces types de lieu de<br />

travail prennent de l’importance à mesure que l’âge augmente, et notamment chez les filles.<br />

Or, le travail chez le patron ou les clients concerne plus les garçons que les filles, à tous âges,<br />

mais diminue en grandissant. Par ailleurs, le travail en véhicules est plutôt masculin et<br />

augmente chez les plus âgés. Par contre, le travail subordonné à une unité domestique ou<br />

comme travailleur d’un autre travailleur est plus fréquent chez elles que chez eux, mais<br />

toujours en perte d’importance avec l’augmentation de l’âge. Le travail ambulant ou dans la<br />

rue a une importance semblable entre filles et garçons, mais il est toujours plus fréquent chez<br />

les plus jeunes. Il faut juste ajouter que le travail chez soi est peu fréquent, sauf pour les filles<br />

de 6 à 11 ans. Selon ces résultats, il est plausible de supposer que la majorité des travailleurs<br />

extradomestiques non familiaux doivent se déplacer pour aller travailler, ou même, qu’ils<br />

travaillent nettement dans les rues, avec toutes les conséquences que cela pourrait<br />

impliquer dans la vie de l’enfant. Une situation à prendre en compte dans un pays où la vie<br />

288


dans les rues des villes n’a rien de simple à cause principalement de l’insécurité publique<br />

(vols, escroqueries, enlèvements), de l’anarchie routière et du manque d’attention aux piétons.<br />

Graphique 15. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

par type d’établissement de travail, selon les groupes d’âges et le sexe<br />

Lieu de travail<br />

Autre lieu<br />

Ambulant, dans la rue<br />

Véhicule<br />

Etal dans la rue<br />

Chez le patron ou les<br />

clients<br />

Chez soi<br />

Unité domestique ou autre<br />

travailleur<br />

Etablissement, bureau,<br />

local<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

Lieu de travail<br />

Autre lieu<br />

Ambulant, dans la rue<br />

Véhicule<br />

Etal dans la rue<br />

Chez le patron ou les<br />

clients<br />

Chez soi<br />

Unité domestique ou<br />

autre travailleur<br />

Etablissement, bureau,<br />

local<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

Garçons<br />

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90<br />

Filles<br />

%<br />

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Enfin, à propos des conditions d’emploi de ces enfants, les aspects que nous analysons sont<br />

les horaires, les périodes, la rémunération et le milieu.<br />

%<br />

289


Tout d’abord, concernant les horaires de travail, la majorité des enfants travaillent pendant la<br />

journée (92%), cependant, même si les pourcentages sont faibles, certains le font la nuit<br />

(3%) ; la nuit et le jour (4%) ; ou en alternant jour et nuit (1%). 377 Et ce sont surtout les<br />

garçons et les plus âgés qui ne travaillent pas seulement en journée. En moyenne, ces enfants<br />

travaillent 33 heures hebdomadaires. Mais, il existe une relation directe entre l’âge de l’enfant<br />

et les heures moyennes de travail, ainsi que des différences par sexe. En général, les garçons<br />

travaillent plus que les filles à partir de 12 ans. Tandis que les enfants de 6 à 11 ans, de deux<br />

sexes, travaillent en moyenne 10 heures, et parmi les 15 à 17 ans, les garçons travaillent 39,4<br />

heures et les filles 34,4.<br />

Cependant, certains enfants n’ont pas un horaire régulier de travail (16%), c’est-à-dire qu'ils<br />

n’ont pas des heures précises d’entrée et de sortie, et encore moins des jours bien déterminés<br />

pour aller travailler. En l’occurrence, tous les enfants âgés de 6 à 11 ans ne travaillent pas de<br />

manière régulière. Et parmi ceux qui ont des horaires réguliers, la plupart travaillent au moins<br />

cinq jours par semaine (78%) : 19% cinq jours, 51% six jours et 8% sept jours. <strong>La</strong> situation<br />

par groupes d’âges et sexe est semblable, même si chez les plus âgés et chez les garçons les<br />

jours de travail sont plus nombreux que chez leurs pairs (Graphique 16). De manière que dans<br />

les extrêmes se trouvent les garçons de 15 à 17 ans, ceux qui travaillent le plus de jours, et les<br />

filles de 12 à 14 ans, celles qui travaillent le moins.<br />

377 Les horaires de jour sont de 6 h à 20 h et ceux de nuit de 20 h à 6 h.<br />

290


Graphique 16. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

par nombre de jours travaillés par semaine, selon les groupes d’âges et le sexe<br />

%<br />

60,0<br />

50,0<br />

40,0<br />

30,0<br />

20,0<br />

10,0<br />

0,0<br />

1 2 3 4 5 6 7<br />

Jours travaillés par semaine<br />

12 à 14-garçon 12 à 14-fille 15 à 17-garçon 15 à 17- fille<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Ce résultat est fort important pour montrer la grande importance du travail dans la vie des<br />

enfants concernés, au moins en termes de temps et de responsabilité. Comme le confirment<br />

les récits des enfants qui, malgré l’absence des contrats ou des compromis, essayent de<br />

travailler avec régularité :<br />

« Je rentrais de l’école, j’enlevais l’uniforme et partais. Je commençais (à travailler) l’après-midi vers<br />

2 h (de l'après-midi) et finissais vers 8 h (du soir), du lundi au vendredi. Les samedis de 7 h à 12 h<br />

seulement. » 378 […] « Parfois, nous ne faisons rien. Quelques jours, il n’y avait pas de travail, alors je<br />

rentrais chez moi. (…) Un jour je suis resté avec lui toute la journée, c’était un dimanche, je suis parti<br />

depuis le matin et je suis rentré vers 11 h (du soir). » 379 (Felipe, 14 ans, il travaillait pour son oncle qui<br />

était forgeur, il était rémunéré).<br />

« En période scolaire, le soir je l’aide à mettre les choses (à l’employeur) (...) J’y arrive vers 9 h 30 (du<br />

soir). Et vers 10 h (du soir) je mets les choses dans le local. J’essaie d’y aller tous les jours, de lundi à<br />

dimanche. (...) Pendant les vacances, je l’aide tous les matins, je commence vers 10 h et je finis vers<br />

2 h (de l'après-midi). (...) Après je reviens le soir pour l’aider à mettre les choses. » 380 (Alejandro, 14<br />

ans, il travaillait pour un épicier qui le payait à la tâche).<br />

Auparavant « Parfois je rentrais chez moi vers 2 ou 3 h (de l'après-midi), lorsqu’il arrivait le plus de<br />

378 « Llegaba de la escuela, me quitaba el uniforme y me iba. Empezaba como a las 2 de la tarde y terminaba<br />

como a las 8 de la noche, de lunes a viernes. Los sábados sólo de 7 à 12. »<br />

379 « Luego no hacíamos nada. Pero luego había días que no había trabajo. Los días que no había trabajo me<br />

venía. (…) Un día me fui hasta todo el día, fue domingo, me fui desde la mañana así como hasta las 11 de la<br />

noche. »<br />

380 « Cuando estoy en la escuela, en la noche le ayudo a meter las cosas (...) Voy como a las nueve y media. Y a<br />

las diez ya meto las cosas. Trato de ir todos los días, de lunes a domingo. (...) En las vacaciones le ayudo en las<br />

mañanas, como a las diez comienzo y termino como a las dos. (...) Después regreso en la noche para ayudarle a<br />

meter las cosas. »<br />

291


292<br />

monde au restaurant (où elle travaillait). J’y arrivais vers 10 h, ou parfois si jamais je me levais à 9 h, je<br />

m’habillais et j’y allais, c’était déjà ouvert le restaurant. Je n’avais pas un horaire. » […] Maintenant,<br />

« J’ai toujours le même horaire. De 3 h (de l'après-midi) à… prenant en compte mon repas ? De 3 à 5,<br />

ben, s’il y a beaucoup de monde à 5, mais s’il n’y a pas beaucoup de monde vers 4 h 30, je mange, et<br />

je finis à 5 h (de l'après-midi). » 381 (Alicia, 11 ans, elle travaillait du lundi au vendredi pour sa tante qui<br />

avait un petit restaurant à côté de chez elle).<br />

« Je faisais d’abord mes devoirs, puis ma mère me disait : va cirer les chaussures parce que sinon tu<br />

ne vas pas les rendre à temps. (…) J’y mettais comme deux heures. Pour toutes les chaussures. Mes<br />

parents m’aidaient (…) Parfois je mettais un peu de temps pour les leur rendre, et je les leur rendais le<br />

lendemain ou après le lendemain. » 382 (Pedro, 8 ans, il avait travaillé du lundi au vendredi de manière<br />

indépendante, il était payé à la tâche. Mais au moment de l'entretien, il ne travaillait plus).<br />

C’est-à-dire que malgré l’inexistence d’un horaire fixe, dans la majorité de cas, il s’agit bel et<br />

bien d’un travail dans tous les sens du terme. Or, 53% de ces enfants ne sont pas scolarisés, le<br />

travail étant leur activité principale, mais, la déscolarisation concerne surtout les garçons et les<br />

plus âgés. De sorte que l’importance de la scolarité parmi certains peut aussi aider à expliquer<br />

la fréquence du travail en week-ends chez les enfants, car 16% travaillent seulement samedi<br />

ou dimanche, tandis que 20% travaillent du vendredi au dimanche. Dans ces cas, le travail,<br />

voire le revenu, n’est pas sûrement quelque chose d’essentiel. Une situation qui concerne<br />

seulement quelques travailleurs extradomestiques non familiaux, mais qui montre la diversité<br />

de causes de la mise au travail précoce.<br />

Dans le même sens, les périodes de travail montrent aussi le caractère sérieux du travail de ces<br />

enfants. Parmi les 48% des travailleurs qui ont plus d’un an au travail, la plupart déclarent<br />

avoir travaillé tous les mois de l’année (96%), 383 chez les enfants de 6 à 14 ans 90%, et<br />

98,5% chez les 15 à 17 ans. Certes, la plupart des enfants n’ont même pas un an au travail<br />

dans tous les groupes d’âges et chez les deux sexes, et donc, nous ne connaissons pas leur<br />

situation à ce propos. Ils peuvent être des travailleurs saisonniers, ou bien de travailleurs qui<br />

viennent de commencer un travail permanent.<br />

381 « Pues a veces me venía a las dos o a las tres ya que empezaba a tener gente. Yo iba como a las 10 o a veces<br />

que me levantaba a las 9, me arreglaba y ya me voy, ya estaba abierto. No tenía un horario. » […] « Siempre ha<br />

sido el mismo horario. De 3 a... ¿contando mi comida? De 3 a 5, bueno cuando hay mucha gente a 5, pero<br />

cuando no hay mucha gente como a las 4 y media, ya como, y ya termino a las 5. »<br />

382 « Hacía primero la tarea. Luego ya me decía mi mamá: ya ponte a bolear los zapatos porque no los vas a<br />

entregar a tiempo. (...) Me tardaba como unas dos horas. De todos los zapatos que me entregaban y todo. Mis<br />

papás me ayudaban. (...) Luego me tardaba un poquito en entregarlos, y se los entregaba mañana o pasado<br />

mañana. »<br />

383 52% des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux ont moins d’un an au travail. Et donc, ils n’ont<br />

pas répondu à la question correspondante : « Dans quels mois de l’année… réalisez-vous votre travail ? »


Un autre aspect d’intérêt à propos des conditions de travail des enfants est la rémunération,<br />

car les enfants qui travaillent en dehors du milieu familial cherchent, pour diverses raisons,<br />

l’obtention d’argent. C’est pourquoi il n’est pas étonnant que 96% des travailleurs en question<br />

ait un revenu. Cependant, il existe des différences selon les âges et le sexe. <strong>La</strong> proportion de<br />

travailleurs non rémunérés est plus importante chez les plus jeunes (10%) que chez les 12 à 17<br />

ans (5%), ainsi que chez les filles, à peu près trois points de pourcentage de plus que les<br />

garçons dans chaque groupe d’âges. Mais, c'est à partir de 12 ans que la proportion d’enfants<br />

rémunérés augmente le plus, et après cet âge, l’augmentation est assez faible chez les deux<br />

sexes. Les travailleurs rémunérés reçoivent, en général, leur argent chaque semaine (55%) ou<br />

chaque jour (29%).<br />

Par rapport au niveau de rémunération, il faut être méfiants, car la majorité de déclarants sont<br />

les parents, alors, il est difficile de savoir la précision d’une telle information. Mais, à titre<br />

illustratif, nous donnons certains chiffres. Afin d’avoir des revenus comparables, étant donné<br />

la grande diversité du temps que les enfants dédient au travail (nombre d'heures et jours<br />

travaillés), ainsi que la diversité de conditions de paiement, nous calculons le revenu par<br />

heure, dès que possible. 384 Les résultats sont assez inespérés. Apparemment, le revenu moyen<br />

par heure est 115,66 pesos. Mais, le graphique 17 montre l’existence d’un nombre non<br />

négligeable d’enfants avec un revenu assez disproportionné par rapport aux autres,<br />

notamment les plus âgés. Il s’agit tantôt de valeurs éloignées, 385 tantôt de valeurs extrêmes, 386<br />

des valeurs qui font monter la moyenne. C’est pourquoi, en l’occurrence, la médiane<br />

représente un indicateur plus pertinent : 64,50 pesos par heure. Pour avoir une idée de la<br />

situation salariale au Mexique, il faut dire que le SM est approximativement de 6,50 pesos par<br />

heure travaillée effectivement (la ligne en points sur le Graphique 17). 387 C’est-à-dire que la<br />

moitié des enfants recevraient presque dix fois la valeur du SM, par heure effective. Difficile<br />

de déterminer jusqu’à quel point ces résultats sont conséquence d’un problème de déclaration<br />

ou d’une réalité. Car, selon les estimations de l’INEGI, en 2010, 13% des travailleurs<br />

384 Pour ceux dont on connaît le nombre d’heures travaillées par semaine, ainsi que le nombre de jours travaillés<br />

par semaine pour ceux payés par jour. Et la période de paiement.<br />

385 Les valeurs éloignées sont les observations dont les valeurs sont comprises entre 1,5 et 3 hauteurs de boîte du<br />

bord supérieur ou inférieur de la boîte à moustaches. <strong>La</strong> hauteur de boîte est l'intervalle interquartile.<br />

386 Les valeurs extrêmes sont les observations dont les valeurs sont à plus de 3 hauteurs de boîte du bord<br />

supérieur ou inférieur de la boîte à moustaches. <strong>La</strong> hauteur de boîte est l'intervalle interquartile.<br />

387 Il s’agit d’une estimation moyenne du montant par heure des trois zones géographiques officielles du SM<br />

existant au pays. Le SM par jour de 8 heures de travail est de 50,57 pesos pour la zone A ; 49,00 pesos pour la<br />

zone B : et 47,60 pesos pour la zone C. (SAT, 2011).<br />

293


mexicains de 12 ans et plus ont un revenu maximum d’un SM, 27% entre 1 et 2 SM, 38% de<br />

3 à 5 SM et seulement 9% plus de 5 SM.<br />

Graphique 17. Quartiles de revenus des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux,<br />

par revenu par heure, selon les groupes d’âges et le sexe<br />

294<br />

Revenu par heure (pesos)<br />

1000<br />

900<br />

800<br />

700<br />

600<br />

500<br />

400<br />

300<br />

200<br />

100<br />

0<br />

6 à 11garçon<br />

6 à 11-fille 12 à 14garçon<br />

12 à 14-fille 15 à 17garçon<br />

Groupes d'âges et sexe<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

15 à 17- fille<br />

En ce qui concerne les différences de revenu par âges et par sexe des enfants, ce qui attire le<br />

plus l’attention est le fait que la médiane est pratiquement la même dans tous les cas. 388 Pour<br />

tous les groupes d’âges et par chaque sexe, la moitié des enfants travailleurs gagnent moins de<br />

64,50 pesos par heure de travail. Cependant, contrairement à ce que l’on attendait, il semble<br />

que les plus jeunes sont susceptibles d’être mieux rémunérés. Par contre, comme attendu, les<br />

garçons sont mieux rémunérés que les filles, une inégalité précoce qui se conserve parmi les<br />

adultes.<br />

Alors que les plus jeunes sont mieux rémunérés à l’heure, ils travaillent moins d’heures par<br />

semaine, en moyenne, le temps de travail est de : 10 heures parmi les 6 à 11 ans, 24 heures<br />

parmi les 12 à 14 ans, et 38 parmi les 15 à 17 ans. C’est qui donne des revenus plus<br />

388 Les valeurs extrêmes et les valeurs éloignées sont écartées.


importants à la fin du mois chez les plus âgés. Par contre, les filles sont les moins bien<br />

placées, car elles gagnent moins et elles travaillent moins (35 heures hebdomadaires les<br />

garçons et 29 heures les filles). Au-delà des chiffres concrets, le revenu à l’heure est un<br />

indicateur de l’inéquité chez les enfants travailleurs.<br />

A ce sujet, les renseignements des enfants interviewés donnent une idée plus proche des<br />

revenus des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux. Le cas de Felipe est<br />

illustratif, garçon âgé de 14 ans, qui avait à peu près 6 ans d’expérience de travail. Il nous a<br />

parlé un peu sur ses divers revenus :<br />

« Il me payait par jour, mais il me donnait très peu, comme 30 pesos par jour (2 euros) (…) Je n’ai<br />

jamais pu épargner de l’argent. Avec ce travail, je n’ai jamais acheté quelque chose » 389 . A propos d’un<br />

travail postérieur : « (…) Au début, il me payait 250 pesos (17 euros) par semaine, parfois plus si nous<br />

avions eu beaucoup de travail, mais, après quelque temps d’être dans ce travail, il m’a donné 400<br />

pesos par semaine (27 euros). » 390 Et finalement sur son dernier travail : « Un gars m’a demandé : estce<br />

que tu veux travailler avec moi comme ‘taquero’ 391 les week-ends ? Je te paie 100 pesos par jour (7<br />

euros). J’ai accepté. (…) Je me lève à 5 h (du matin) et je rentre vers 3 h (de l’après-midi). » 392<br />

Un autre cas de figure est celui d’Alicia, fille âgée de 11 ans, qui au moment de l’interview<br />

travaillait tous les après-midi, du lundi au vendredi de 3 à 5 h (de l'après-midi) environ dans le<br />

petit restaurant familial de sa tante. Elle n’avait pas un salaire, mais elle recevait des<br />

pourboires, en tant que serveuse, un revenu qui peut être assez variable, mais quotidien. 393<br />

Depuis l’âge de 9 ans à peu près, elle avait commencé à travailler pour sa tante. Tout au début,<br />

elle ne travaillait que pendant les vacances scolaires, comme assistante de sa tante pour la<br />

préparation des petits-déjeuners, du lundi au vendredi de 10 à 2 h (de l'après-midi) environ, et<br />

pour ce travail-là :<br />

« Elle me payait 100 pesos (7 euros) par semaine, mais parce que je ne touchais pas les assiettes, ni<br />

rien d'autre. » 394<br />

389<br />

« Me pagaba todos los días, pero me daba muy poquito, como 30 pesos. (...) Nunca junté dinero. En ese<br />

trabajo nunca me compré nada. »<br />

390<br />

« (…) Al principio, me pagaba 250 pesos a la semana, a veces, si nos iba bien, me daba más, pero después de<br />

un tiempo de estar trabajando con él, me daba 400 a la semana. »<br />

391<br />

Personne qui prépare les tacos : coupe la viande cuite pour fourrer la tortilla (galette de maïs) et mettre<br />

ensuite les épices et la sauce.<br />

392<br />

« Un chavo me dijo: ¿no quieres trabajar conmigo de taquero los fines de semana? Te doy 100 baros por el<br />

día. Y le dije: pues sí. Y ya me fui. (…) Me paro a las cinco de la mañana y llego como a las 3 de la tarde. »<br />

393<br />

Au Mexique, le pourboire n’est pas inclus dans l’addition, et même s’il n’est pas obligatoire, dans la pratique<br />

il est mal vu de ne pas en donner quelque chose à la serveuse ou au serveur. L’habitude a imposé le 10% de<br />

l’addition. Et cette coutume s’applique dans n’importe quel restaurant (modeste ou non).<br />

394<br />

« Me pagaba 100 pesos a la semana, pero porque no agarraba los platos, ni nada. »<br />

295


Finalement, Pedro, âgé de 8 ans, qui a travaillé comme cireur à son compte, nous a raconté :<br />

296<br />

« Les chaussures je les cirais pour 10 pesos (0,70 euro) et les bottes pour 15 (1 euro). Parce que les<br />

bottes ont besoin de trop de cire (…) » 395<br />

Certes, les enfants interviewés travaillent pour avoir un peu d’argent de poche, pour acheter<br />

de « petits caprices », ou simplement pour éviter l’ennui périscolaire, mais, en tout cas, par<br />

décision personnelle. Et même si les familles de ces enfants vivent en toute simplicité, elles<br />

arrivent à satisfaire les besoins essentiels des enfants : nourriture, vêtements, scolarisation,<br />

soins… Ce sont des objets secondaires, souvent chers, que ces enfants désirent obtenir en<br />

travaillant : bonbons, jouets, téléphones portables, jeux vidéo, vêtements et chaussures de<br />

marque, et non par une contrainte économique liée à la survie, à proprement parler. Alors, le<br />

montant de revenus n’est pas essentiel pour leur mise au travail. En plus, ces enfants ont le<br />

travail comme activité secondaire, comme un « passe-temps ». En revanche, dans le cas des<br />

enfants travailleurs contraints d’avoir un revenu pour leur survie ou celle de leur famille, ainsi<br />

que pour ceux qui ont le travail comme activité principale, il est évident que le montant des<br />

revenus devient essentiel. Ils cherchent à maximiser les gains, même si la marge de manœuvre<br />

des demandeurs d’emploi est assez mince. Il faut supposer alors qu’ils ont des revenus plus<br />

importants que ceux des enfants non contraints de travailler, car ils travaillent aussi plus de<br />

temps. Nous n’avons pas trouvé des interviewés dans une telle situation.<br />

Enfin, l’INEGI à travers le MTI a mis l'accent sur les lieux de travail potentiellement<br />

dangereux. C’est ainsi que l’on constate que seulement une minorité travaille en ce type de<br />

lieu (3%) : mines souterraines ; rivières, lacs ou la mer ; sur des échafaudages ; lieux sans<br />

ventilation ; réservoirs de poubelles ; ou ambiances propres aux adultes (bars, spas…). Or, en<br />

regardant la situation par âges et sexe, nous trouvons que parmi les travailleurs dans des lieux<br />

périlleux, il n’existe pas d’enfants de 6 à 11 ans, ni de filles de 12 à 14 ans. Par contre,<br />

certains garçons de 12 à 14 ans sont parfois déjà exposés à des conditions à risque, comme le<br />

travail sur des échafaudages (1%), en des lieux sans ventilation (0,5%) et réservoirs de<br />

poubelles (0,4%). Les 15-17 ans sont plus exposés à des risques ; chez les garçons : sur des<br />

échafaudages (2.5%), en ambiances propres aux adultes (1,2%), en des lieux sans ventilation<br />

(0,4%) et en réservoirs de poubelles (0,3%) ; et chez les filles : dans des lieux sans ventilation<br />

(1,3%), en réservoirs de poubelles (0,1%) et en ambiances propres aux adultes (0,1%). Par<br />

395 « Los zapatos los boleaba de a 10 y las botas de a 15. Porque las botas gastan mucho la grasa. »


ailleurs, le travail dans les rues, trottoirs ou carrefours continuent d’être le travail à risque qui<br />

fédère le plus d’enfants (4,4%), de tous âges et des deux sexes. Mais les proportions les plus<br />

importantes s’observent chez les 12-14 ans (7% chez les garçons et 8% chez les filles), puis<br />

chez les 6-11 ans (6 et 5%, respectivement), et les moins concernés sont les plus âgés (5 et<br />

1%, respectivement).<br />

Plus que les lieux potentiellement dangereux, c’est l’exposition des enfants à des produits<br />

nocifs ou des conditions périlleuses qui est fréquente : poussière, gaz, feu (13%) ; bruit<br />

excessif ou vibrations (10%) ; humidité ou températures extrêmes (8%) ; et produits<br />

chimiques (5%). Ainsi, un enfant sur trois travaille dans des conditions « malsaines ». En<br />

général, en grandissant, les EAJ sont de plus en plus exposés à des risques, et les garçons plus<br />

que les filles, sauf dans le cas des produits chimiques, où filles et garçons âgés de 15 à 17 ans<br />

sont également exposés (5%).<br />

VII.3.2. Le monde du travail des enfants travailleurs extradomestiques familiaux.<br />

Les travailleurs extradomestiques familiaux se trouvent plus concentrés sur quelques branches<br />

de l’activité économique que les travailleurs non familiaux. Ils sont réunis plutôt dans la<br />

branche du commerce de détail : un enfant sur deux. Le reste se trouve surtout dans les<br />

services de logement temporaire et de préparation de repas et de boissons (20%) ; l’industrie<br />

manufacturière (13%) ; et même dans l’industrie du bâtiment (5%), des branches où les<br />

microentreprises familiales, ainsi que le travail indépendant sont bien présents. Et là, les<br />

enfants peuvent trouver une place pour travailler à côté des parents, parfois en toute légalité et<br />

sans intermédiaires. Cependant, filles et garçons des divers groupes d’âges ne se trouvent pas<br />

dans les mêmes branches (Graphique 18). Certes, le commerce de détail est la branche la plus<br />

importante parmi tous les travailleurs extradomestiques familiaux. Mais, au fur et à mesure<br />

que l’âge augmente, la présence de garçons s’étend parmi les diverses branches. Tandis que<br />

chez les plus jeunes et chez les filles de tous âges, la plupart se concentrent dans : le<br />

commerce de détail, les services de logement temporaire et de restauration, et l’industrie<br />

manufacturière.<br />

297


298<br />

Graphique 18. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques familiaux<br />

selon les branches d’activité économique par sexe et groupes d’âges<br />

Branches d'activité<br />

Services à la personne, aux automobiles et aux<br />

appareils domestiques<br />

Services de logement temporaire et de préparation<br />

de repas et des boissons<br />

Branches<br />

d'activité<br />

Commerce de détail<br />

Commerce de gros<br />

Industrie manufacturière<br />

Industrie du bâtiment<br />

Garçons<br />

Autres<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

Autres<br />

Services à la personne, aux automobiles et aux<br />

appareils domestiques<br />

Services de logement temporaire et de préparation<br />

de repas et des boissons<br />

Commerce de détail<br />

Commerce de gros<br />

Industrie manufacturière<br />

Industrie du bâtiment<br />

0 10 20 30 40 50 60 70<br />

Filles<br />

%<br />

0 10 20 30 40 50 60 70<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

Selon le MTI, en toute cohérence avec les résultats sur la branche d’activité économique, la<br />

plupart des enfants réalisent des activités en tant que commerçants (46%). Cependant, bien<br />

que moins fréquentes, d’autres activités sont aussi présentes : aide ou manœuvre (16%) ;<br />

travailleur en services personnels dans un établissement (14%) ; vendeur ambulant (10%) et<br />

%


artisan et ouvrier (6%). C’est-à-dire que les enfants travailleurs extradomestiques familiaux se<br />

concentrent sur quelques activités bien précises (Graphique 19).<br />

Graphique 19. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques familiaux<br />

selon l’activité principale par sexe et groupes d’âges<br />

Activité<br />

Autres<br />

Travailleurs en services personnels dans un<br />

établissement<br />

Vendeurs ambulants<br />

Commerçants<br />

Assistants administratifs<br />

Aides ou manœuvres<br />

Artisants et ouvriers<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

Activité<br />

Autres<br />

Travailleurs en services personnels dans un<br />

établissement<br />

Vendeurs ambulants<br />

Commerçants<br />

Assistants administratifs<br />

Aides ou manœuvres<br />

Artisants et ouvriers<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

Garçons<br />

0 10 20 30 40 50 60<br />

Filles<br />

%<br />

0 10 20 30 40 50 60<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

%<br />

299


Il y a des différences peu importantes à souligner par sexe et par âges. Concernant le sexe, à<br />

tous âges, il y a plus de garçons que de filles manœuvres ou aides, par contre, il y a plus de<br />

filles commerçantes. Les filles et les garçons vendeurs ambulants sont de moins en moins<br />

importants en grandissant, ainsi que les garçons commerçants et en services personnels dans<br />

un établissement. Par contre, les filles commerçantes et travailleuses en services personnels<br />

dans un établissement augmentent leur poids avec l’âge.<br />

Selon les interviews, ces enfants réalisent notamment des tâches simples et peu qualifiées :<br />

surveiller, donner la marchandise aux clients, nettoyer les outils… Mais l’activité dépend<br />

surtout de l’âge, du sexe et du type d’activité du parent-employeur :<br />

300<br />

« Je sers les sauces, si les personnes achètent un kilo de ‘carnitas’ 396 , alors je mets les oignons dans<br />

les sacs en plastique, je prends l’argent ou je rends la monnaie, je nettoie les assiettes (avec un<br />

torchon). Je sers les cocas. » 397 (María, 9 ans, travaillait pour sa mère, qui vendait des aliments dans la<br />

rue).<br />

« Parfois je l’aide à préparer les frites : les mettre du ketchup et ça. Ou sinon à mettre le papier sur<br />

l’assiette pour y mettre les hamburgers. » 398 (Sandra, 12 ans, travaillait avec sa mère qui vendait des<br />

hamburgers, des frites, des hot-dogs).<br />

« Ben, faire les comptes et recevoir le payement (dans une petite épicerie familiale), ou si l’on nous<br />

demande de l’huile je le lui donne, ou un savon, je le lui donne. » 399 (Claudia, 9 ans, travaillait avec ses<br />

parents dans une épicerie familiale, où les clients n’ont pas l’accès direct aux produits).<br />

« Depuis l’âge de 7 ans, j’ai commencé à utiliser la pelle. (…) Lorsque je vais avec mon père, je l’aide à<br />

pelleter les gravats au camion-benne. (…) Je charge les pierres... » 400 (Pedro, 8 ans, travaillait avec<br />

son père chauffeur de camion benne et pelleteur).<br />

« J’aide mon père à réviser les machines, à les vérifier et les nettoyer, à les laisser en bon état. » 401<br />

(Carlos, 14 ans, travaillait avec son père qui avait des machines distributrices d'ours en peluche dans<br />

des centres commerciaux).<br />

D’après ces récits, les enfants sont tout simplement les assistants des parents, qui réalisent<br />

aussi généralement des activités peu qualifiées n’offrant guère d’avantages à la vie<br />

professionnelle de l’enfant, sauf si celui-ci restait dans l’affaire. Mais, tous ces enfants rêvent<br />

396 Plat typique mexicain : viande de porc frite dans la graisse du porc.<br />

397 « Que sirvo las salsas, que si lleva un kilo de carnitas, pues meto la cebolla en una bolsa, recibo el dinero o<br />

doy el cambio, limpio los platos. Doy las cocas. »<br />

398 « A veces le ayudo a preparar las papas: le echo la catsup y eso. O sino a poner el polipapel en la charola para<br />

que ahí ella ponga la hamburguesa ... »<br />

399 « Pues cobrar, o si quieren aceite, llevar el aceite, o si quieren jabón, darle el jabón. »<br />

400 « Desde los 7 años empecé a agarrar la pala. (…) Cuando voy con él le ayudo a machetear, a agarrar la pala y<br />

meterla al escombro y luego aventarlo al camión. (…) Levanto piedras. (...) A veces es pesado, cuando hay<br />

muchas piedras... »<br />

401 « Le ayudo a mi papá a ver las máquinas, a checarlas, a limpiarlas, a dejarlas bien. »


de réussir une carrière universitaire, et ils sont scolarisés. Alors, en théorie, leur travail n’a pas<br />

du tout l’objectif de les préparer pour leur avenir, mais c’est une forme de solidarité familiale.<br />

Par rapport aux principales caractéristiques des entreprises où travaillent ces enfants, la<br />

plupart (92%) travaillent en microentreprises constituées de 2 à 5 personnes, l’enfant et le<br />

patron inclus. Le reste le fait principalement en des microentreprises de 6 à 10 personnes<br />

(6%). <strong>La</strong> présence d’enfants travailleurs familiaux dans des entreprises de plus de 10 salariés<br />

est assez rare. Ce qui montre que le travail familial des enfants concerne plutôt les ménages<br />

avec une entreprise familiale modeste, ou les parents travailleurs indépendants. Les<br />

différences par sexe et par âges sont peu considérables. Dans tous les groupes d’âges, les<br />

garçons travaillent un peu plus fréquemment que les filles dans des entreprises de plus de 5<br />

personnes ; et la proportion d’enfants dans les entreprises de moins de 6 personnes diminue<br />

progressivement avec l’âge, mais assez discrètement. De manière que la proportion de<br />

travailleurs dans des entreprises de 2 à 5 personnes reste toujours au-dessus de 90%.<br />

Par ailleurs, seulement 40% de ces enfants travaillent dans une entreprise avec un nom, soit<br />

« formelle » (Graphique 20). Concernant le lieu de travail, à différence de leurs pairs<br />

travailleurs non familiaux, la majorité n’a pas un local, un bureau ou un établissement spécial<br />

pour réaliser leur travail, même si une partie non négligeable travaille dans un établissement<br />

spécial (45%). Les autres travaillent surtout chez eux (18%), dans un étal dans la rue (17%),<br />

ou chez les clients (7%), pour mentionner les plus fréquents. Le travail ambulant ou<br />

directement dans la rue concerne 4% de ces enfants travailleurs. Mais, il y a deux différences<br />

à souligner quant au sexe ou à l’âge. Les garçons travaillent dans une variété de lieux plus<br />

large que les filles, qui se concentrent surtout dans trois lieux : établissements, bureau ou<br />

locaux ; étaux dans la rue ; ou chez elles. Et le travail dans la rue, dans un étal, dans un<br />

véhicule, ou en plein air, perd de l’importance progressivement au fur et à mesure que l’âge<br />

des enfants augmente.<br />

Enfin, à propos des conditions de travail des EAJ travailleurs extradomestiques familiaux,<br />

tout d’abord il faut dire qu’en général, ces enfants travaillent pendant la journée (95%),<br />

seulement 3% travaille la nuit, et 2% accomplit un horaire mixte (nuit et jour). Mais, les filles<br />

travaillent plus fréquemment pendant la nuit et en horaires mixtes que les garçons. Ces<br />

dernières conditions concernent à peu près 7% des filles et 3% des garçons de tous âges.<br />

301


302<br />

Graphique 20. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques familiaux<br />

par lieu de travail, selon le sexe et les groupes d’âges<br />

Lieu de travail<br />

Autre lieu<br />

Ambulant, dans la rue<br />

Véhicule<br />

Etal dans la rue<br />

Chez le patron ou les clients<br />

Chez soi<br />

Unité domestique ou autre travailleur<br />

Etablissement, bureau, local<br />

Garçons<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

Lieu de travail<br />

Autre lieu<br />

Ambulant, dans la<br />

rue<br />

Véhicule<br />

Etal dans la rue<br />

Chez le patron ou<br />

les clients<br />

Chez soi<br />

Unité domestique ou<br />

autre travailleur<br />

Etablissement,<br />

bureau, local<br />

6 à 11 ans 12 à 14 ans 15 à 17 ans<br />

0 10 20 30 40 50 60<br />

Filles<br />

%<br />

0 10 20 30 40 50 60<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

En général, ils travaillent de manière régulière, des jours bien précis (64%). Un EAJ sur cinq<br />

travaille uniquement pendant le week-end. Mais, en moyenne, tous les enfants à partir de 12<br />

ans travaillent cinq jours par semaine, tandis que tous les 6 à 11 ans n’ont pas un horaire<br />

%


égulier, sans différence par sexe. En effet, parmi les travailleurs réguliers, 31% travaillent six<br />

jours par semaine, et 29% les sept jours de la semaine. Mais, ce résultat représente plutôt la<br />

situation des garçons, car les filles travaillent davantage sept jours que six. A l’image des<br />

parents, ces EAJ fréquemment n’ont pas un jour de repos, car souvent l’entreprise familiale<br />

est l’unique source de revenus de la famille. Et dans certains types de microentreprises<br />

familiales du quartier comme les épiceries, les boulangeries, les tortillerías, les pharmacies,<br />

par exemple, la concurrence est très importante, alors c’est en travaillant plus que l’on gagne<br />

la fidélité de la clientèle. Un jour sans travailler implique la perte de revenus, mais aussi de<br />

clients. 402 Pour cette raison, ils n’arrêtent presque jamais : sept enfants sur dix travaillent tous<br />

les mois de l’année, et le reste n’a pas répondu à cette question, car il n’a pas encore un an au<br />

travail, sauf 2% qui travaille moins de 12 mois par an.<br />

Par ailleurs, il existe aussi beaucoup de microentreprises familiales informelles, où l'on<br />

propose souvent des aliments préparés dans les rues, de la restauration rapide, qui ne<br />

représentent pas le principal revenu de la famille, mais une source complémentaire bien<br />

précieuse. En général, ce sont les femmes qui sont à la tête de ces affaires, des femmes au<br />

foyer peu scolarisées, qui ont comme expérience le travail domestique et la cuisine. Et donc,<br />

une option pratique pour gagner de l’argent est de se mettre à leur compte, en exploitant leur<br />

savoir-faire. Cela se fait souvent de manière informelle et près de chez elles, pour pouvoir<br />

continuer leur rôle de femmes au foyer, mais aussi pour réduire les coûts de déplacement de la<br />

marchandise et du local, qui doivent être installés et désinstallés tous les jours de travail. Il<br />

faut dire qu’au Mexique, l’on a l’habitude de manger n’importe où et tout le temps. Alors,<br />

vendre quelque chose à manger est presque toujours une bonne affaire.<br />

Cependant, la régularité du travail de ces EAJ n’implique pas forcément un grand<br />

investissement en termes de temps. En moyenne, ils travaillent 20 heures par semaine,<br />

dont 25% travaillent moins de 8 heures ; 50% moins de 15 heures et 75% moins de 28 heures<br />

hebdomadaires. Mais le temps moyen consacré augmente en grandissant, notamment chez les<br />

garçons : les 6 à 11 ans des deux sexes travaillent 11 heures, tandis que de 15 à 17 ans, les<br />

garçons travaillent 29 heures et les filles 22 heures.<br />

402 Les petits commerces du quartier souvent ne ferment pas dans toute la journée. Mais cela dépend du type de<br />

commerce. Ceux où l’on travaille le plus ce sont les épiceries, en général, elles sont ouvertes de 7 h à 22 h du<br />

lundi au dimanche, tous les mois de l’année.<br />

303


L’implication des EAJ au travail familial dépend beaucoup des conditions de travail du parent<br />

« employeur ». Ainsi, si le parent-employeur travaille en horaire mixte, ou tous les jours,<br />

l’enfant le fait aussi (dans la limite imposée par l’emploi du temps scolaire) :<br />

304<br />

« J’y vais lorsqu’elle travaille (sa maman), les jeudis et les vendredis, j’y reste un petit moment, jusqu’à<br />

1 h 30 (de l’après-midi), à ce moment-là, j’ai déjà pris ma douche et tout, et alors je rentre et je<br />

m’habille avec l’uniforme. Ou si jamais je me suis tachée d’huile, je rentre avant et je prends encore ma<br />

douche vers 11 h, avant de partir à l’école. » 403 (María, 9 ans).<br />

« J’y vais tous les jours, au maximum…mmm… elle (sa maman) commence à 7 h (du soir), alors 8, 9,<br />

10... environ trois heures et demie. Et si je vois qu’ils (père et mère) vont y rester beaucoup de temps,<br />

alors je rentre vers 11 ou 12 h (du soir). Je leur dis juste : je vais rentrer. Et ils me disent que oui. » 404<br />

(Sandra, 12 ans. <strong>La</strong> mère de cette fille vendait tous les soirs du lundi au samedi, des hamburgers et<br />

des frites qu’elle préparait sur place dans un local semi-fixe, qu’elle installait tous les jours sur la rue,<br />

près de leur maison).<br />

Cependant, les EAJ ont une certaine flexibilité horaire qui est déterminée par le temps de<br />

scolarisation et l’accomplissement des devoirs. Ils travaillent seulement pendant le temps<br />

périscolaire, lequel étant long permet de partager travail et études avec une relative facilité.<br />

Les récits de nos enfants interviewés montrent clairement le caractère primordial qu’a la<br />

scolarisation face aux autres activités de la vie quotidienne. Le temps de travail s’organise par<br />

rapport au temps scolaire :<br />

« Tout d’abord, je finis mes devoirs et après je vais l’aider (sa maman). (...) Je l’aide dès que possible,<br />

ben presque toujours, mais parfois je dois rentrer pour faire mes devoirs ou comme ça. Et alors je<br />

rentre, mais après je sors encore. » 405 (Sandra, 12 ans).<br />

« Quand j’arrive de l’école, je mange, après je fais les devoirs, après j’aide ma maman. Ou, d’abord<br />

j’aide ma maman. Parfois, je l’aide en lui donnant les choses pour préparer les repas, ou dans<br />

l’épicerie, pour qu’elle cuisine (la mère quitte l’épicerie). Après, quand je finis d’étudier et de faire mes<br />

devoirs, alors je sors pour jouer un petit moment ou je regarde la télé une demi-heure, et après je<br />

rentre chez moi pour faire le ménage et c’est tout. » 406 (Claudia, 9 ans).<br />

« Parfois quand j’ai du temps et j’ai fini mes devoirs, je lui demande, lorsqu’il dit qu’il va aller travailler :<br />

papa, puis-je aller avec toi ? » 407 […] « Je l’accompagne les samedis ou les dimanches. Parfois en<br />

semaine. Mais, j’y vais pas toutes les semaines, ni chaque mois, plus de temps en temps. » 408 (Pedro,<br />

8 ans. Son père travaillait de manière indépendante comme pelleteur et chauffeur de camion-benne,<br />

alors il n’avait pas un horaire de travail, et parfois même pas de travail. Il devait être toujours<br />

disponible, du lundi au dimanche, au cas où un travail de dernière minute se présentait).<br />

403 « Siempre voy los jueves y los viernes. Voy y me quedo un ratito ahí hasta que de la una y media, y ya me<br />

bañé y todo. Y me vengo y me cambio. O si me lleno de grasa, me vengo y me baño otra vez a las once, antes de<br />

irme a la escuela. »<br />

404 « Voy todos los días, lo máximo es de… mmm... sale a las 7 de la noche, entonces 8, 9, 10... como tres horas<br />

y media. Y si ya veo que se la van a aventar larga, entonces me meto como a las 11 o 12. Sólo les digo: ya me<br />

voy a meter. Y ellos me dicen que sí. »<br />

405 « Primero termino mi tarea y luego voy a ayudarle. (...) Le ayudo cuando puedo, bueno casi siempre, pero a<br />

veces tengo que meterme a hacer mi tarea o así. Y entonces ya me meto y vuelvo a salir. »


Quant aux revenus des travailleurs extradomestiques familiaux, au contraire des non<br />

familiaux, les plus nombreux sont les travailleurs non rémunérés : trois sur quatre. Une<br />

situation attendue, car dans l’idée des parents et des enfants, le travail dans une affaire<br />

familiale est considéré comme une « aide », qui fait partie des obligations familiales de tous<br />

les membres, en incluant les enfants. Une aide au parent-employeur, évidemment, mais plutôt<br />

à toute la famille.<br />

En effet, souvent les activités de production et de reproduction sociale du ménage se mêlent,<br />

et toutes font partie d’un même panier. Implicitement, voire explicitement, tous les membres<br />

doivent y contribuer, être « solidaires » pour le bien-être de toute la famille. A ce propos, il est<br />

illustratif que, selon le MTI, 39% de ces enfants travaillent parce que « le ménage a besoin de<br />

leur travail », par contre seulement 2% travaillent parce que « le ménage a besoin de leur<br />

apport économique ». Dans les deux cas, l’enfant participe activement et directement au<br />

maintien de la famille, même si la valeur de son travail est perçue de manière différente. <strong>La</strong><br />

famille gagne toujours, en termes économiques, en remplaçant un éventuel salarié par<br />

l’enfant, et en termes du temps individuel, en distribuant les diverses activités entre plus de<br />

ses membres. C’est pourquoi, de plus en plus, la non-rémunération des enfants travailleurs<br />

dans les entreprises familiales est remise en question.<br />

Or, des différences par âges et sexe sont à souligner. Il y a des proportions plus importantes de<br />

travailleurs non rémunérés chez les filles que chez les garçons de tous âges. En plus, en<br />

grandissant, les garçons sont plus fréquemment rémunérés ; par contre, les filles n’ont pas une<br />

tendance claire quant à la rémunération, il semble plutôt que leur situation est de plus en plus<br />

précaire au fur et à mesure que l’âge augmente (78% de 6 à 11 ans et 83% de 15 à 17 ans ne<br />

sont pas rémunérées), un constat que nous avons perçu lors de notre travail de terrain. En<br />

effet, toutes les filles travailleuses domestiques interviewées étaient non rémunérées, tandis<br />

que les garçons recevaient un « revenu », même symbolique. Sauf le cas d’un garçon âgé de<br />

406<br />

« Cuando llego de la escuela, como, luego hago mi tarea, luego le ayudo a mi mamá. O primero le ayudo a mi<br />

mamá. Luego le ayudo llevándole las cosas para que haga la comida, o en la tienda para que ella vaya a cocinar.<br />

Luego, cuando ya estudié y ya hice mi tarea, ya es cuando ya voy a jugar un ratito o veo una media hora la tele, y<br />

luego ya me voy a mi casa a hacer el quehacer y ya. »<br />

407<br />

« Luego cuando tengo tiempo y hago la tarea, yo le digo, cuando dice que va a ir a un ‘tiro’: ¿papá puedo ir<br />

contigo? »<br />

408<br />

« Lo acompaño los sábados o los domingos. A veces entre semana. Pero no voy todas las semanas, ni cada<br />

mes, pasa más tiempo. »<br />

305


14 ans, Felipe, qui lorsqu’il était plus jeune (à 9 ans) travaillait avec sa mère. A ce propos,<br />

face à l’absence d’un revenu, les enfants trouvent à justifier cette situation, en se considérant<br />

récompensés d’autres manières. Les enfants essayent de montrer que le parent employeur fait<br />

quelque chose de spécial pour eux, pour leur effort supplémentaire, pour leur « aide », comme<br />

signalent ces enfants :<br />

306<br />

« Non (elle ne me paie pas), mais, elle me donne parfois à manger là-bas, ou elle me donne parfois 10<br />

pesos (0,70 euro) et elle m’aide. » 409 (María, 9 ans).<br />

« Non (elle ne me paie pas), mais, elle me laisse parfois acheter ceci et cela, c’est pourquoi je l’aide.<br />

Dans le magasin, je lui dis : je peux m'acheter ça ? Et elle me dit oui parce que je l’ai déjà aidé. » 410<br />

(Sandra, 12 ans).<br />

« Non (elle ne me paie pas). Parce que parfois je prends (de l’argent) pour aller acheter des ciseaux ou<br />

des trucs du genre pour l’école. Parfois, je prends pour m’acheter des concombres 411 , ou comme ça.<br />

(...) Je dois demander la permission (pour prendre des choses à l’épicerie). Parfois, on me le donne,<br />

parfois non. On ne me donne pas des chips, ni des sodas, ce qu’on me donne le plus est des glaces.<br />

Ou par exemple de petits chocolats. Mais juste de petites choses. » 412 (Claudia, 9 ans).<br />

« Les gains étaient destinés à l’achat de la marchandise et à ma maman. Mais elle nous donnait des<br />

choses. (…) Nous pouvions prendre ce que nous voulions. Ma mère ne disait rien, sauf si nous<br />

prenions beaucoup. » 413 (Felipe, 14 ans).<br />

Les travailleurs extradomestiques familiaux ne sont pas seulement plus fréquemment non<br />

rémunérés que les non familiaux, mais en plus, parmi ceux qui ont un revenu, celui-ci est plus<br />

faible. A titre illustratif, étant donné l'incertitude de l’information, le revenu moyen de ces<br />

enfants est de 119 pesos et le revenu médian est de 61,40 pesos. Selon la boîte à moustaches<br />

correspondante (Graphique 21), des valeurs éloignées et des valeurs extrêmes existent qui<br />

élèvent considérablement la valeur de la moyenne en général. Or, concernant les quartiles des<br />

revenus par sexe et par groupes d’âges, la situation a deux aspects à signaler.<br />

D’abord, le revenu médian n’est pas stable, comme chez les travailleurs extradomestiques non<br />

familiaux. A ce propos, les garçons sont moins favorisés que les filles. Chez les 6 à 11 ans,<br />

409<br />

« No (me paga), pero luego me da ahí de comer, o luego me da 10 pesos y me ayuda. »<br />

410<br />

« No (me paga), pero luego me deja que me compre esto o lo otro, por eso le ayudo. En la tienda le digo: ¿me<br />

puedo comprar esto? Y me dice que sí, porque ya le ayudé. »<br />

411<br />

Des concombres épluchés et découpés, préparés avec du citron, du sel et du piment que l'on vend dans les<br />

rues pour grignoter.<br />

412<br />

« No (me paga). Porque luego yo agarro para ir a comprar tijeras o cosas así de la escuela. Alguna vez agarro<br />

para comprarme unos pepinos, o así. (...) Tengo que pedir permiso (para agarrar lo que quiero). A veces me lo<br />

dan a veces no. Papas ya no me dan, ni refresco, lo que me dan un poquito de más es las paletas de hielo. O por<br />

ejemplo: chocolates de pollito. Pero que sean cosas chiquitas. »<br />

413<br />

« <strong>La</strong>s ganancias eran para invertir o para mi mamá. Pero nos daba cosas. Agarrábamos lo que quisiéramos.<br />

No decía nada mi mamá, sólo si agarrábamos mucho. »


par exemple, la moitié des garçons reçoivent moins de 43 pesos par heure (3 €), et les filles<br />

104 pesos (7 €). Et chez les 12 à 14 ans, respectivement 46 et 86 pesos (3 et 6 €). Cependant,<br />

les différences par sexe diminuent au fur et à mesure de l’âge, jusqu’à ceux âgés de 15 à 17<br />

ans, qui ont un revenu médian semblable par sexe : 61,40 pesos (4 €). De manière qu’en<br />

grandissant, le niveau de revenus augmente faiblement chez les garçons, mais diminue chez<br />

les filles. Ensuite, à partir de 12 ans, ce sont les garçons qui ont plus souvent des revenus<br />

élevés (en ignorant les valeurs extrêmes et les valeurs éloignées qui sont aussi plus fréquentes<br />

parmi eux).<br />

Graphique 21. Quartiles de revenus des enfants travailleurs extradomestiques familiaux<br />

par revenu par heure, selon les groupes d’âges et le sexe<br />

Revenu par heure (pesos)<br />

1000<br />

900<br />

800<br />

700<br />

600<br />

500<br />

400<br />

300<br />

200<br />

100<br />

0<br />

6 à 11garçon<br />

6 à 11-fille 12 à 14garçon<br />

12 à 14-fille 15 à 17garçon<br />

Groupes d'âges et sexe<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

15 à 17- fille<br />

Certes, les chiffres du MTI à ce propos sont contestables, mais les tendances générales<br />

pourraient être révélatrices d’une situation réelle. Car il est difficile de supposer que la<br />

déclaration des revenus soit biaisée de forme indistincte par sexe ou par âges.<br />

Afin de mieux s’approcher de cette situation, il est pertinent de considérer aussi les<br />

renseignements obtenus à travers nos interviews. Sans oublier qu’il s’agit d’un contexte tout à<br />

fait particulier, ces informations sont importantes, car elles permettent de trouver d’autres<br />

307


éléments d’intérêt. A travers les récits des enfants travailleurs extradomestiques familiaux,<br />

nous trouvons que les enfants qui reçoivent un revenu de la part des parents sont souvent<br />

faiblement rémunérés. Il s’agit plus d’une forme de récompense, d’un pourboire, que d’un<br />

salaire proprement dit, comme c’est évoqué à travers le récit d’un garçon âgé de 14 ans, qui<br />

travaillait avec son père pendant les vacances ou parfois les week-ends en période scolaire :<br />

308<br />

« J’y vais tous les trois jours, presque. Environ cinq heures par jour. » 414 […] « Oui, chaque semaine il<br />

me donne 100 pesos (7 €). Peu importe le nombre de jours que j’y aille. » (Carlos).<br />

C’est-à-dire que la rémunération ne semble pas être la conséquence du travail réalisé, mais<br />

plutôt une forme de remercier l’enfant pour ses services, pour son aide. Une rémunération qui<br />

peut être certaines fois plus juste que d'autres, cela dépend du temps réellement investi à<br />

chaque fois, mais toujours symbolique, peu importe le travail réalisé, l’enfant aura toujours la<br />

même récompense.<br />

Enfin, en ce qui concerne le milieu d’emploi de ces enfants, ils sont moins exposés à des<br />

risques que les travailleurs non familiaux. Les enfants exposés à des conditions à risque<br />

travaillent notamment sur des échafaudages, dans des lieux sans ventilation ou réservoirs de<br />

poubelles (0,5% en total). Il s’agit notamment de garçons âgés de 15 à 17 ans. Encore une<br />

fois, les carrefours, les rues et les trottoirs représentent le milieu à risque où les enfants<br />

travailleurs sont les plus nombreux (3%), mais les cas sont rares parmi le total des EAJ<br />

travailleurs. Et là, il y a des enfants de tous âges et des deux sexes, mais les proportions les<br />

plus importantes s’observent chez les garçons les plus âgés (5%) et chez les filles de 12 à 14<br />

ans (4%).<br />

D’ailleurs, les EAJ exposés à des conditions périlleuses ou à des produits nocifs pendant la<br />

réalisation de leurs activités n’est pas négligeable : poussière, gaz, feu (11%) ; bruit excessif<br />

ou vibrations (4%) ; humidité ou températures extrêmes (4%) ; et outils dangereux (3%). En<br />

effet, 14% de ces enfants travaillent au moins dans une de ces conditions malsaines, les<br />

garçons étant plus concernés par ces problèmes, de même que les plus âgés.<br />

414 « Voy cada tercer día, casi. Como cinco horas cada día. » [...] « Sí, cada semana me da cien pesos. No<br />

importa cuántos días vaya. »


Concernant le milieu de travail, en général les travailleurs extradomestiques familiaux sont<br />

moins fréquemment exposés à des risques que les travailleurs non familiaux. Il s’agit<br />

justement de l’un des arguments qui font du travail familial un cas à part : le climat supposé<br />

de sécurité pour l’enfant qui est inhérent au lien de parenté. Dans ce sens, il est vrai que les<br />

enfants travailleurs courent plus de risques seuls qu’avec l’un des parents, même si des cas<br />

existent où ce sont les parents qui exploitent leurs propres enfants (Bhukuth, 2009) et où ce<br />

sont les parents qui les exposent à des conditions dangereuses, directement ou indirectement,<br />

des cas que nous n’avons pas rencontrés. A ce sujet, il est plausible que cet aspect de la<br />

sécurité des enfants soit à l’origine de la sortie du milieu familial plus précoce et plus<br />

fréquente chez les garçons que chez les filles, car ils sont pris comme plus forts, plus<br />

indépendants, moins vulnérables qu’elles, en plus de l’assignation traditionnelle de rôles où<br />

les hommes sont vus comme des sources potentielles de revenus, même d'un jeune âge, une<br />

image moins attachée aux filles, qui sont plus associées au domaine domestique. Et donc, ce<br />

sont plutôt les garçons que les filles qui doivent avoir cette expérience de travail, tôt ou tard.<br />

D’après nos résultats, force est de constater qu’il y a des différences importantes par rapport<br />

aux conditions de travail des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux et familiaux,<br />

qui sont sûrement en relation avec les causes qui motivent le travail, dont les caractéristiques<br />

du milieu familial sont fondamentales.<br />

Conclusions<br />

Le travail extradomestique touche presque un enfant sur dix (9%), soit à peu près 931 000<br />

enfants. A la différence des travailleurs domestiques familiaux, ce groupe de travailleurs est<br />

composé principalement par des garçons, notamment âgés de 15 à 17 ans. Cependant, la<br />

participation des EAJ plus jeunes dans le travail extradomestique n’est pas négligeable, pour<br />

les deux sexes, près de 116 000 enfants de 6 à 11 ans étant concernés.<br />

Chez les travailleurs extradomestiques, une condition nous a spécialement intéressé : celle du<br />

lien de parenté qui existe entre Ego et son employeur, familial ou non, en supposant qu’il<br />

s’agit de deux groupes de travailleurs bien différents quant aux motivations et conditions de<br />

travail, deux mondes qu’il faut alors regarder de manière indépendante. Les différences<br />

commencent avec l’intensité, puis que chez les travailleurs extradomestiques 62% sont non<br />

309


familiaux et 38% des familiaux, soit 579 000 et 353 000 respectivement. Le premier groupe<br />

est constitué principalement par des garçons, tandis que le deuxième a une distribution<br />

équitable par sexe, ce qui suggère que le travail extradomestique familial ne fonctionne pas<br />

sous une logique de genre, contrairement au travail non familial. Selon l’âge, des différences<br />

sont aussi notables : trois travailleurs extradomestiques non familiaux sur quatre sont âgés de<br />

15 ans et plus, filles et garçons, alors que parmi les travailleurs extradomestiques familiaux la<br />

proportion est d’un sur deux. Le travail extradomestique familial fonctionne moins sur des<br />

contraintes de génération que le travail non familial, en accord avec le fait que le travail non<br />

familial est soumis à des restrictions légales, tandis que le travail familial ne l’est pas. Ainsi, à<br />

partir de 14 ans, les enfants ont la possibilité de travailler formellement et légalement, un<br />

contexte qui ouvre la porte du travail extradomestique non familial. D’ailleurs, ce même âge<br />

marque la fin de la scolarisation obligatoire et la déscolarisation est aussi un trait différentiel<br />

entre ces deux groupes : elle atteint 48% parmi les travailleurs non familiaux et 18% parmi les<br />

travailleurs familiaux.<br />

Cependant, les contrastes entre ces deux groupes de travailleurs ne se limitent pas à leur<br />

composition générale, le processus de mise au travail se fait aussi différemment. Selon notre<br />

analyse quantitative, au sujet des raisons qui motivent les enfants au travail, nous trouvons<br />

que les travailleurs extradomestiques non familiaux travaillent principalement pour des motifs<br />

économiques, notamment à caractère personnel, ceux travaillant pour des raisons<br />

économiques familiales représentant une minorité. Apprendre un métier, avoir une occupation<br />

alternative à l’école et payer leurs études sont des causes rares. Tandis que chez les<br />

travailleurs extradomestiques familiaux, les raisons économiques perdent du poids, et les<br />

raisons familiales sont beaucoup plus importantes que les raisons personnelles. Les motifs liés<br />

à la formation professionnelle sont assez courants.<br />

<strong>La</strong> variété de raisons qui poussent les enfants au travail s’accorde à nos résultats sur le terrain.<br />

Le travail des enfants ne répond pas seulement à des raisons économiques, il a un intérêt plus<br />

large, comme la quête d’une distraction pendant le temps périscolaire, qu’ils jugent long et<br />

ennuyeux. Même si certains sont contraints de travailler, notamment chez les travailleurs<br />

familiaux, les enfants ont une certaine marge de liberté sur ce qu’ils font, et souvent ce sont<br />

eux-mêmes qui décident de travailler ou non. Et apparemment, malgré les interdictions<br />

légales, les options de travail existent sur le marché du travail. Face à la faiblesse du système<br />

judiciaire, les patrons n’hésitent pas à accepter une main-d’œuvre bon marché, à embaucher<br />

310


presque sans risque. D’autres deviennent sans problème les clients d’enfants qui proposent<br />

leurs services pas chers de manière indépendante.<br />

En général, parmi nos interviewés, les enfants travaillent pour un parent ou un proche, ou<br />

pour des personnes connues de la famille ou de l’enfant. De même, ils travaillent près de chez<br />

eux. Et les parents restent vigilants du bien-être des enfants, ils veillent notamment à leur<br />

scolarisation, laquelle ne doit pas être perturbée à cause du travail. Or, il faut signaler que ces<br />

enfants sont encore censés suivre la scolarisation obligatoire, car, ils sont tous âgés de moins<br />

de 15 ans, mais nous ne savons pas si après cet âge-là, les parents et les enfants continueraient<br />

de privilégier la scolarité et non le travail. Mais, au présent, comme membres de la famille,<br />

comme enfants, comme travailleurs et comme élèves, ils partagent sans problème, voire avec<br />

orgueil et fierté, une certaine indépendance d’adultes tout en gardant la dépendance propre à<br />

l’enfance.<br />

Un résultat important issu de l’analyse des entretiens auprès des enfants travailleurs<br />

extradomestiques est l’existence d’un lien sexué d’embauche (filles/femmes et<br />

garçons/hommes), une relation qui reproduit chez les enfants les bénéfices et les<br />

inconvénients des relations de genre qui dominent le monde des adultes plus nettement chez<br />

les travailleurs familiaux, notamment les plus jeunes.<br />

Quant aux conditions de travail, il existe aussi des différences entre travailleurs<br />

extradomestiques familiaux et non familiaux. Les enfants travailleurs familiaux se trouvent<br />

dans une variété moins étendue de branches d’activité que les non familiaux, se concentrant<br />

surtout dans le commerce de détail et les services de restauration et de logement. En plus,<br />

presque tous les travailleurs familiaux travaillent dans des microentreprises, de 2 à 5<br />

personnes, et une grande partie pour des entreprises sans nom (que nous pouvons dire<br />

informelles), et sans un lieu de travail spécialement établi. Or, seulement la moitié des<br />

travailleurs non familiaux travaillent dans une microentreprise, et moins de la moitié dans une<br />

entreprise sans nom ou sans local spécial. Les travailleurs familiaux travaillent moins de<br />

temps que les non familiaux (22 et 33 heures par semaine en moyenne, respectivement) et<br />

sont moins fréquemment rémunérés (25% contre 96%). Enfin, les travailleurs familiaux sont<br />

moins exposés à des conditions périlleuses que leurs pairs non familiaux. Bien évidemment,<br />

des différences importantes s’observent entre filles et garçons et par groupes d’âges, ce qui<br />

311


confirme la transmission des inégalités de genres et de générations qui dominent le marché du<br />

travail, dès un très jeune âge.<br />

Nous rappelons que le vécu des enfants travailleurs que nous avons interviewés a permis de<br />

compléter les résultats quantitatifs, en plus d’avoir une idée davantage détaillée par rapport<br />

aux conditions d’emploi extradomestique et aux processus d’entrée sur le marché du travail,<br />

ainsi que sur le rôle et les perceptions des enfants concernés.<br />

312


CHAPITRE VIII<br />

Le rôle du milieu familial sur le travail extradomestique des enfants<br />

Vu que la participation extradomestique des enfants est le résultat des stratégies familiales ou<br />

personnelles qui tendent tantôt à la reproduction sociale du groupe, tantôt à l’accomplissement<br />

de projets personnels, la composition du ménage, ainsi que les principales caractéristiques<br />

sociodémographiques des parents, en tant que chargés ou dirigeants du groupe, sont<br />

fondamentales. <strong>La</strong> composition familiale quant à l’âge, le sexe, et le nombre de personnes<br />

offre une idée des besoins, mais aussi des capacités du ménage à un moment donné du cycle<br />

de vie familiale. Et quant aux caractéristiques des parents, ce sont des aspects concernant le<br />

niveau de scolarité et la position professionnelle qui nous intéressent le plus, car c’est à<br />

travers ces aspects que nous approchons la situation socioéconomique du ménage, mais aussi<br />

les inégalités dans les relations de genre et de génération. En plus, connaître le type d’activité<br />

des deux parents est essentiel pour expliquer la mise au travail précoce, car il a une influence<br />

sur le travail des enfants.<br />

VIII.1. Caractéristiques familiales et travail extradomestique des enfants : en quête<br />

d’explications.<br />

Afin d’avoir une première idée sur la relation entre des aspects concrets du contexte familial<br />

et le travail extradomestique des enfants, nous comparons les pourcentages d’enfants<br />

travailleurs extradomestiques non familiaux et familiaux, selon certaines caractéristiques de la<br />

composition du ménage. Il faut signaler que parmi tous les EAJ qui font partie de notre<br />

population d’étude, 5,8% sont des travailleurs extradomestiques non familiaux et 3,5% des<br />

travailleurs extradomestiques familiaux.<br />

<strong>La</strong> composition du ménage<br />

Selon les données du MTI, la taille du ménage est un facteur déterminant de la mise au travail<br />

précoce, mais la relation n’est pas linéaire (Tableau 26). C’est dans les extrêmes que les<br />

pourcentages d’enfants travailleurs familiaux ou non familiaux sont les plus élevés : les<br />

313


ménages très nombreux (six personnes et plus) et les ménages constitués de deux personnes,<br />

soit un adulte et un EAJ. Par contre, les familles composées de quatre personnes sont celles où<br />

le pourcentage d’enfants travailleurs est le plus mince.<br />

Dans une étude sur l’importance de la composition du ménage, par sexe et âges des membres,<br />

Levison, Moe et Knaul (2001) ont trouvé que la présence de certains groupes de personnes<br />

dans le ménage peut encourager le travail des enfants. Par exemple, la présence d’hommes<br />

âgés de 15 à 64 ans augmente la probabilité du travail chez les filles, notamment en relation<br />

avec le travail domestique familial. Par contre, la présence de femmes âgées de plus de 20 ans<br />

et d’hommes âgés de plus de 64 ans le fait diminuer. De même, la présence d’adultes âgés de<br />

plus de 20 ans, hommes ou femmes, diminue le risque de travail chez les garçons.<br />

314<br />

Tableau 26. Répartition (%) des EAJ et pourcentage de travailleurs extradomestiques<br />

familiaux et non familiaux, selon la composition par groupes d’âges du ménage<br />

Composition du ménage<br />

EAJ dans ce<br />

type de<br />

ménage<br />

(%)<br />

% de travailleurs<br />

extradomestiques<br />

Non<br />

familiaux Familiaux<br />

Deux personnes<br />

Taille du ménage (ego inclus) :<br />

1,7 8,5 5,5<br />

Trois personnes 9,9 5,9 3,0<br />

Quatre personnes 30,5 4,1 2,6<br />

Cinq personnes 30,7 5,0 4,0<br />

Six personnes 15,3 7,2 3,7<br />

Sept personnes et plus 11,9 9,4 4,2<br />

Aucun<br />

Nombre d’enfants de 0 à 5 ans :<br />

69,3 5,8 3,8<br />

Un ou deux 29,6 5,7 2,9<br />

Trois et plus 1,1 8,0 2,6<br />

Nombre d’EAJ de 6 à 17 ans (sans Ego) :<br />

Aucun 27,7 5,3 3,1<br />

Un 40,8 5,2 3,6<br />

Deux 21,8 6,0 4,0<br />

Trois 7,4 8,6 3,2<br />

Quatre et plus 2,3 10,0 4,0<br />

Nombre d’adultes (18 ans et plus) :<br />

Un 10,6 7,4 3,5<br />

Deux 64,3 4,8 3,0<br />

Trois ou plus 25,1 7,5 4,8<br />

Nombre de personnes âgées (80 ans et plus) :<br />

Aucune 99,0 5,7 3,5<br />

Une ou Deux<br />

1,0 5,4 4,9<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0 5,8<br />

(10 070 536) (579 707)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

3,5<br />

(352 693)


Selon nos données sur la composition du ménage par âges, la relation est différente selon le<br />

type de travail. Ainsi, chez les travailleurs non familiaux, le nombre de jeunes enfants (moins<br />

de 6 ans) ainsi que d’autres EAJ dans le ménage est en relation directe avec le pourcentage<br />

d’enfants travailleurs, et une grande fratrie, notamment en âge scolaire, peut favoriser le<br />

travail des enfants. Le nombre d’adultes a la même tendance que la taille du ménage, où les<br />

cas extrêmes sont les plus propices au travail des enfants : un seul adulte ou bien trois et plus.<br />

Enfin, la présence de personnes âgées n’a pas d’effet. En conclusion, c’est justement dans les<br />

types de ménage les plus rares parmi les ménages mexicains que le pourcentage d’enfants<br />

travailleurs extradomestiques non familiaux est le plus élevé (Tableau 26).<br />

D’ailleurs, chez les travailleurs extradomestiques familiaux, le nombre de jeunes enfants est<br />

en relation inverse au travail des enfants. Ainsi, c’est dans les ménages où il n’y a pas de<br />

jeunes enfants que le travail familial est le plus fréquent (Tableau 26). L’absence de jeunes<br />

enfants ouvre, par exemple, la possibilité aux mères femmes au foyer de s’investir davantage<br />

dans des activités économiques afin d’aider aux revenus familiaux, voire d’être en quête<br />

d’indépendance. Les femmes entrent dans le marché du travail, car les enfants en âge scolaire<br />

sont plus autonomes pour rester seuls à la maison, ou même pour aider dans une affaire<br />

familiale. Et ce sont justement les affaires familiales, notamment informelles, qui représentent<br />

une option d’emploi pour les mères, lorsqu’elles sont peu scolarisées ou qu’elles ont une<br />

expérience de travail limitée. En plus, ce type de travail permet de continuer le rôle de femme<br />

au foyer, au moins à mi-temps, et de rester plus ou moins près des enfants. Si jamais il y a au<br />

moins un jeune enfant, la mère peut aussi envisager de travailler, mais dans ce cas, les enfants<br />

aînés seront poussés à devenir des travailleurs domestiques familiaux, soit à s’occuper des<br />

jeunes enfants, et éventuellement, des tâches domestiques aussi. Par ailleurs, il n’existe pas<br />

une relation claire entre le travail des enfants et le nombre d’autres EAJ dans le ménage. Pour<br />

sa part, le nombre d’adultes a toujours une tendance croissante dans les valeurs extrêmes,<br />

notamment dans la limite supérieure : trois adultes ou plus. Il existe une relation, mais elle<br />

n’est pas linéaire. Enfin, la présence de personnes âgées est en relation avec une augmentation<br />

du pourcentage d’enfants travailleurs. C'est-à-dire que le travail des enfants familial n’est pas<br />

une pratique des ménages peu communs (comme le travail non familial), il se trouve aussi<br />

dans les types de ménages les plus fréquents. Il faut donc chercher au-delà de la composition<br />

par âges du ménage d’autres facteurs de risque, en l’occurrence, le sexe des personnes,<br />

notamment des EAJ et des adultes.<br />

315


Il faut souligner que la place qu’occupe l’enfant dans la fratrie est aussi un facteur qui peut<br />

inhiber ou favoriser la mise au travail précoce. Pour les deux types de travail nous trouvons<br />

que le rang de naissance est très important, et plus nettement sur le travail non familial.<br />

Cependant, comme dans le cas du travail domestique familial, c’est plutôt le rang par rapport<br />

aux autres enfants âgés de moins de 18 ans qui compte. Car le rang de naissance parmi toute<br />

la fratrie (présente dans le ménage), lorsqu’il existe des frères ou des sœurs adultes, n’est pas<br />

déterminant. Ainsi, être l’aîné de l’ensemble de la fratrie âgée de moins de 18 ans est un<br />

facteur qui peut favoriser le travail des enfants.<br />

A propos de la composition du ménage par âges et sexe, il y a aussi des différences selon le<br />

type de travail. Chez les travailleurs non familiaux, la présence de deux femmes adultes ou<br />

plus coïncide avec un plus grand pourcentage d’enfants travailleurs (Tableau 27). L’absence<br />

de femmes adultes est moins importante. En revanche, l’absence d’hommes adultes fait<br />

grimper le pourcentage d’enfants travailleurs, et un peu moins leur présence nombreuse. En<br />

général, les ménages avec au moins deux garçons ou filles de 6 à 17 ans (sans Ego) sont ceux<br />

où le travail des enfants est le plus fréquent.<br />

Par rapport aux travailleurs familiaux, la présence d’autres enfants de 6 à 17 ans, filles ou<br />

garçons, ne semble pas fondamentale pour expliquer le pourcentage d’enfants travailleurs<br />

(Tableau 27). Quant aux adultes, l’absence des femmes est le facteur le plus important, et un<br />

peu moins, leur présence nombreuse. Enfin, au fur et à mesure que le nombre d’hommes<br />

adultes augmente, le pourcentage d’enfants travailleurs augmente aussi. Et c’est justement<br />

l’absence d’un homme adulte dans le ménage qui inhibe le plus le travail extradomestique<br />

familial des enfants.<br />

Vu l’importance de la présence ou de l’absence d'adultes, femmes et hommes, sur le travail<br />

des enfants, il est alors pertinent de regarder ce qui se passe lorsque les conditions du couple<br />

parental sont prises en compte. A ce propos, nous analysons d’abord la composition du couple<br />

dans la famille (biparentale ou monoparentale), selon le sexe du chef de ménage, et ensuite, la<br />

condition d’activité du couple selon le rôle de chacun de ses membres dans la famille.<br />

316


Tableau 27. Répartition (%) des EAJ et pourcentage de travailleurs extradomestiques<br />

familiaux et non familiaux, selon la composition du ménage par sexe et âges<br />

Composition du<br />

ménage<br />

EAJ dans ce type de<br />

ménage<br />

% de travailleurs<br />

extradomestiques<br />

(%) Non familiaux Familiaux<br />

Nombre de femmes adultes :<br />

Aucune 1,1 6,5 5,7<br />

Une 80,1 5,3 3,3<br />

Deux 15,6 7,4 4,2<br />

Trois et plus 3,2 8,7 4,8<br />

Nombre d’hommes adultes :<br />

Aucun 12,5 8,3 2,9<br />

Un 72,8 4,9 3,4<br />

Deux 12,0 8,0 4,5<br />

Trois et plus 2,7 7,7 5,0<br />

Nombre des filles de 6 à 17 ans (sans Ego)<br />

Aucune 54,9 5,7 3,3<br />

Une 34,3 5,5 3,8<br />

Deux et plus 10,7 6,9 3,6<br />

Nombre des garçons de 6 à 17 ans (sans Ego)<br />

Aucun 55,0 5,3 3,4<br />

Un 33,4 5,6 3,6<br />

Deux et plus 11,6 8,7 3,7<br />

Total<br />

(N)<br />

Le couple parental<br />

100,0<br />

5,8<br />

(10 070 536) (579 707)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

3,5<br />

(352 693)<br />

Des études en Amérique latine soulignent la pertinence de l’examen du type de famille pour<br />

comprendre l’importance de la participation des enfants dans le travail. Mier y Terán et Rabell<br />

(2004) montrent que dans les ménages monoparentaux, en général, les jeunes ont une plus<br />

grande probabilité de travailler que dans les ménages nucléaires ou élargis, mais la probabilité<br />

dépend du sexe d’Ego, ainsi que du secteur socioéconomique familial. Par rapport au sexe du<br />

chef de ménage, il n’existe pas un consensus quant à son effet sur le travail des enfants.<br />

Certains trouvent qu’il n’est pas discriminant (Mier y Terán et Rabell, 2001), d’autres<br />

soutiennent qu’une femme chef de ménage augmente la probabilité du travail des enfants<br />

(CLADEHLT, 1995 ; Psacharopoulos, 1997). Enfin, l’absence de l’un des parents, notamment<br />

317


de la mère, semble accroître la probabilité de travailler chez les enfants urbains de 12 à 17 ans<br />

au Mexique (Levison, Moe et Knaul, 2001).<br />

Pour notre étude, nous analysons un indicateur combiné de l’absence ou la présence du chef et<br />

du conjoint dans le ménage et du sexe du chef. En toute cohérence avec nos résultats sur<br />

l’importance des hommes ou des femmes adultes dans le ménage, l’absence du père dans le<br />

ménage est la condition qui motive le plus le travail extradomestique non familial des enfants<br />

(Tableau 28). Deux cas peuvent exister. D’une part, le père absent, qui garde sa place en tant<br />

que chef de ménage (chef homme absent et conjointe seule). Dans ce cas, le pourcentage<br />

d’enfants travailleurs est assez élevé par rapport aux autres cas (11%). D’autre part, le père<br />

absent qui a perdu sa place traditionnelle en tant que chef (chef femme sans conjoint). Là, le<br />

pourcentage est assez important aussi, mais plus discrètement (9%). Or, la présence du père<br />

dans le ménage, mais son « absence » comme chef est aussi une autre condition à signaler<br />

comme facteur de risque, soit les ménages avec chefs femmes avec conjoint (8%). Des<br />

résultats qui montrent la vulnérabilité des enfants face au travail extradomestique non<br />

familial, lorsqu’ils appartiennent aux ménages dirigés par des femmes. Une fragilité qui est en<br />

relation directe avec la position socioprofessionnelle des femmes et l’iniquité par sexe des<br />

salaires sur le marché du travail. Cependant, cette vulnérabilité des ménages dirigés par des<br />

femmes disparaît lorsqu’il s’agit du travail extradomestique familial. Là, par contre, c’est<br />

justement l’absence de la conjointe du chef homme qui expose le plus les enfants au travail.<br />

Et ensuite, c’est dans les ménages modèle, ceux constitués d’un chef homme et sa conjointe,<br />

que le travail est aussi assez important. L’importance du sexe du chef de ménage sur le travail<br />

des enfants est ainsi évident (Tableau 28).<br />

Pour compléter l’analyse sur le couple parental, nous regardons la condition d’activité du<br />

couple. A ce sujet, en ce qui concerne les travailleurs extradomestiques non familiaux, ce<br />

n’est pas la condition de travail des parents qui est discriminante, mais surtout le type de<br />

ménage. Les pourcentages les plus élevés correspondent encore aux ménages monoparentaux,<br />

au-delà de la condition d’activité du couple, notamment ceux où le chef est absent, et donc le<br />

conjoint est seul ; et pis encore, lors que ce dernier ne travaille pas (Tableau 28). Il s’agit<br />

sûrement des ménages avec des chefs qui ont émigré pour des raisons économiques, et donc<br />

cela signifierait que la migration internationale des chefs de ménage (pour des raisons<br />

économiques) génère une croissance du travail des enfants. Une hypothèse qui serait en<br />

contradiction avec le principe qui motive souvent la migration : augmenter les revenus du<br />

318


ménage. Or, il existe certainement une relation, mais l’importance de cette relation est<br />

inconnue, ainsi que ses diverses conditions. Peut-être qu’il s’agit d’une situation<br />

conjoncturelle, qui correspond au temps dans lequel le migrant trouve un travail dans son lieu<br />

de destination, s’installe et réussit à épargner de l’argent pour l’envoyer au ménage. Ou bien,<br />

d’une situation qui montrerait l’échec de la migration économique par rapport aux bénéfices<br />

auprès du ménage, ou concrètement des enfants, toute une analyse qui échappe aux objectifs<br />

de cette thèse et aux données disponibles. En revenant à notre discussion, il n’existe pas une<br />

relation claire entre la condition d’activité du couple et le pourcentage des travailleurs<br />

extradomestiques non familiaux. Les raisons sont sûrement liées plutôt à la position<br />

socioprofessionnelle du couple (les revenus, la scolarité, le type d’activité et les conditions<br />

d’emploi) qu’au simple fait de travailler. Car les pourcentages les plus faibles d’enfants<br />

travailleurs concernent les ménages où dans le couple, seul le chef travaille, ou bien les deux<br />

conjoints ne travaillent pas. Le revenu du chef ou du couple suffit aisément à la reproduction<br />

quotidienne du ménage, et que les revenus des autres membres ne sont alors pas nécessaires,<br />

les parents peuvent offrir sans difficulté de l’argent de poche aux enfants.<br />

Tableau 28. Répartition (%) des EAJ et pourcentage de travailleurs extradomestiques non familiaux et<br />

familiaux, selon la composition et la participation extradomestique du couple parental<br />

EAJ dans ce % de travailleurs<br />

type de extradomestiques<br />

Condition du couple parental ménage<br />

(%) Non<br />

Familiaux<br />

familiaux<br />

Composition :<br />

Chef homme sans conjointe 1,5 6,5 4,4<br />

Chef femme sans conjoint 14,2 9,0 3,1<br />

Chef homme avec conjointe 79,5 5,0 3,6<br />

Chef femme avec conjoint 3,3 8,2 3,3<br />

Chef homme absent, conjointe seule. 1,4 11,1 1,9<br />

Autres 0,1 6,7 4,3<br />

Participation au travail extradomestique :<br />

Couple : seulement le chef travaille 41,5 4,5 1,3<br />

Couple : les deux travaillent 36,8 5,7 6,3<br />

Couple : seulement le conjoint travaille 2,8 5,8 2,3<br />

Couple : Aucun ne travaille 1,6 5,1 1,3<br />

Chef seul : travaille 12,4 8,9 4,1<br />

Chef seul : ne travaille pas 3,3 8,0 0,3<br />

Conjoint seul : travaille 0,9 10,7 2,8<br />

Conjoint seul : ne travaille pas 0,5 11,7 0,2<br />

Autres cas 0,1 8,6 5,5<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0 5,8<br />

(10 070 536) (579 707)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

3,5<br />

(352 693)<br />

319


Chez les travailleurs extradomestiques familiaux, le plus fort pourcentage de travailleurs se<br />

trouve parmi les ménages biparentaux où les deux membres du couple travaillent (Tableau<br />

28). Et ensuite, l’autre condition favorable au travail familial des enfants est celle des<br />

ménages monoparentaux, où le chef travaille. Le premier cas est tout à fait compatible avec le<br />

fait, qu’en général, les microentreprises ou ateliers familiaux marchent grâce au travail de<br />

toute la famille : couple et enfants. Mais aussi, il s’agit d’une question d’offre, où l’emploi de<br />

chaque parent peut être une option potentielle de travail pour les enfants. Le deuxième cas est<br />

en relation au fait que la plupart des chefs seuls sont des femmes, sûrement commerçantes ou<br />

travailleuses dans d’autres activités peu qualifiées, où la participation de toute la famille, soit<br />

des enfants, n’est pas négligeable afin de maximiser les gains.<br />

Ces résultats montrent que certaines conditions du couple parental représentent un facteur de<br />

risque pour le travail familial, mais en même temps, un facteur qui inhibe le travail non<br />

familial, comme une forme de complémentarité. Ce qui prouve la pertinence d’une analyse<br />

séparée des deux types de travail, car le lien de parenté avec l’employeur révèle deux mondes<br />

différents.<br />

Un autre aspect qui nous intéresse est le degré de participation du couple parental dans les<br />

deux activités principales à la reproduction quotidienne du ménage : les tâches domestiques et<br />

le travail extradomestique. Car le travail des enfants fait partie des stratégies familiales, où la<br />

participation de chaque membre de la famille aux diverses activités répond aux besoins du<br />

groupe et individuels, mais aussi aux capacités de chacun. Et l’assignation de rôles peut servir<br />

d’approche au type de relations de genre et de génération qui dominent dans le ménage<br />

(Tableau 29).<br />

En ce qui concerne les enfants travailleurs extradomestiques non familiaux, la participation du<br />

chef de ménage aux tâches domestiques est sans relation avec le pourcentage de travail des<br />

enfants, mais le niveau d’investissement dans les tâches domestiques du conjoint est<br />

important (Tableau 29). Ainsi, lorsque le conjoint participe peu au travail domestique, la<br />

proportion d’enfants dans le travail non familial est plus élevée, un résultat cohérent avec le<br />

fait que les ménages biparentaux où seulement le chef homme travaille sont ceux où le travail<br />

des enfants est le moins fréquent. L’on peut supposer donc qu’il s’agit de familles<br />

suffisamment aisées, et traditionnelles, où chaque membre du ménage accomplit un rôle bien<br />

déterminé selon son sexe et son âge : le chef homme est le pourvoyeur économique, la<br />

320


conjointe est la femme au foyer, les enfants sont des écoliers. Par contre, les autres familles,<br />

dont l’assignation de rôles est moins « traditionnelle », soit que le conjoint participe moins ou<br />

ne participe pas au travail domestique, sont plus propices au travail des enfants. A l’origine<br />

d’un tel comportement, l’on peut trouver des raisons économiques ou des raisons<br />

d’organisation familiale.<br />

Tableau 29. Répartition (%) des EAJ et pourcentage des travailleurs extradomestiques<br />

familiaux et non familiaux, selon les activités du couple familial<br />

Activités du couple<br />

familial<br />

EAJ dans ce type<br />

de ménage<br />

(%)<br />

% de travailleurs<br />

extradomestiques<br />

Non<br />

Familiaux<br />

familiaux<br />

Heures hebdomadaires dédiées par le chef aux tâches domestiques :<br />

Aucune 35,6 5,7 4,1<br />

De 1 à 7 22,2 5,6 3,5<br />

Plus de 7 heures 42,2 5,7 3,1<br />

Total<br />

100,0<br />

(N)<br />

(9 909 299) 1<br />

5,7 3,5<br />

Heures hebdomadaires dédiées par le chef au travail extradomestique :<br />

1 à 20 heures 2,3 6,4 6,9<br />

20 à 40 heures 22,5 4,4 3,3<br />

Plus de 40 heures 75,2 5,6 3,6<br />

Total<br />

(N)<br />

100,0<br />

(8 350 164) 2<br />

5,3 3,6<br />

Heures hebdomadaires dédiées par le conjoint aux tâches domestiques :<br />

Aucune 2,8 7,5 3,1<br />

De 1 à 7 2,0 6,9 3,9<br />

Plus de 7 heures 95,2 5,1 3,6<br />

Total<br />

100,0<br />

(N)<br />

(8 471 959) 3<br />

5,2 3,5<br />

Heures hebdomadaires dédiées par le conjoint au travail extradomestique :<br />

1 à 20 heures 15,7 8,2 4,7<br />

20 à 40 heures 41,0 3,9 4,8<br />

Plus de 40 heures 43,3 6,7 7,2<br />

Total<br />

100,0<br />

(N)<br />

(3 744 167) 4<br />

5,8 5,8<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

1_/ Sont éliminés les EAJ où le travail domestique du chef n’est pas spécifié ou le chef ne<br />

cohabite pas avec eux, soit 161 237 enfants (695 cas).<br />

2_/ Sont éliminés les EAJ où le chef ne travaille pas, ne cohabite pas avec eux, ou le temps de<br />

travail n’est pas spécifié, soit 1 720 372 enfants (7 560 cas).<br />

3_/ Sont éliminés les EAJ où le travail domestique du conjoint n’est pas spécifié ou le conjoint ne<br />

cohabite pas avec eux, soit 1 598 577 enfants (7 339 cas).<br />

4_/ Sont éliminés les EAJ où le conjoint ne travaille pas, ne cohabite pas avec eux, ou le temps de<br />

travail n’est pas spécifié, soit 6 326 369 enfants (27 201 cas).<br />

321


D’ailleurs, dans le travail extradomestique, le temps de travail du chef est un facteur<br />

déterminant sur le pourcentage d’enfants travailleurs (Tableau 29), de sorte que le travail non<br />

familial des enfants est plus important dans les ménages où le chef et le conjoint travaillent à<br />

mi-temps (moins de 20 heures hebdomadaires), ou bien lorsqu’ils travaillent de manière<br />

excessive (dépassant les 40 heures hebdomadaires établies par la loi) ; des conditions de<br />

travail extrêmes qui peuvent révéler des problèmes économiques. D’un côté, on trouve le<br />

manque d’offre d’emploi qui limite le temps de travail des adultes, notamment de certains<br />

travailleurs indépendants, qui ont un revenu qui dépend du travail effectué. Le revenu est<br />

alors variable, voire parfois nul, et donc le travail des enfants devient plus ou moins<br />

nécessaire, mais surtout à l’extérieur du milieu familial. D’un autre côté, le surinvestissement<br />

au travail répond aussi parfois à des problèmes économiques. Etant donné les faibles niveaux<br />

de rémunération sur le marché du travail, beaucoup de travailleurs sont poussés à travailler<br />

plus pour gagner plus (en termes de temps ou de nombre de postes), pour couvrir les besoins<br />

essentiels de la famille. Ou même, dans les conditions actuelles du marché du travail, les<br />

travailleurs sont obligés d’accomplir des longues journées de travail pour garder leur place.<br />

Dans ces conditions, il est difficile de supporter seul la charge de la famille, alors d’autres<br />

membres sont censés travailler, dont les enfants. Et même si le travail des enfants ne sert qu’à<br />

avoir un peu d’argent de poche, cela décharge les parents de certaines dépenses (des<br />

vêtements, des chaussures…). En plus, les parents trop investis dans leur emploi passent<br />

moins de temps avec leurs enfants, ceux-ci peuvent donc trouver dans le travail une source de<br />

distraction, voire de socialisation.<br />

Quant à la situation des enfants travailleurs extradomestiques familiaux, le niveau<br />

d’investissement du chef de ménage et de son conjoint dans les tâches domestiques a une<br />

certaine importance sur le travail des enfants, mais la relation est faible. Par contre, le temps<br />

consacré par le chef ou par son conjoint au travail extradomestique est fondamental, mais pas<br />

dans les mêmes conditions. De la part du chef de ménage, seulement le travail à mi-temps<br />

(moins de 20 heures par semaine) est en relation avec l’augmentation du pourcentage de<br />

travail des enfants (Tableau 29). Il s’agit sûrement, encore une fois, d’un problème d’offre<br />

d’emploi, voire d’un problème économique. De nombreux travailleurs indépendants,<br />

notamment des artisans, sont concernés. Et ce sont les plus susceptibles d’amener leurs<br />

enfants avec eux au travail. En plus, si les revenus sont limités, car le travail manque, les<br />

enfants peuvent, le cas échéant, travailler avec un autre membre du ménage. De la part du<br />

conjoint du chef de ménage, par contre, lorsque le conjoint est trop investi dans son emploi, le<br />

322


travail des enfants prend de l’importance. Il s’agit, par exemple, de personnes qui ont des<br />

microentreprises familiales ayant besoin d’un travail intensif pour gagner plus d’argent et<br />

pour fidéliser leur clientèle. Mais pour maintenir un tel rythme de travail et maximiser les<br />

gains, il faut que tous les membres du ménage y participent activement, même s’ils ne le font<br />

pas de manière intensive, et comme ce sont surtout les enfants qui ont du temps disponible,<br />

alors l’on s’en sert. Or, une personne avec un travail assez prenant, en termes de temps, peut<br />

simplement chercher le soutien de ses enfants afin de réduire sa charge, si le type de travail le<br />

permet. Cependant, au-delà du temps investi par le conjoint dans le travail extradomestique, le<br />

facteur de risque est le fait que le conjoint exerce une activité économique, comme signalé<br />

plus haut.<br />

Un autre aspect relevant qui concerne le couple parental est le niveau de scolarité. En effet, de<br />

nombreuses études ont signalé l’importance du niveau scolaire des personnes sur leur<br />

comportement ou leurs pratiques : la fécondité, la mortalité infantile, l’état matrimonial,<br />

l’échec et l’abandon scolaires… Nous considérons que bien que les données issues du travail<br />

de terrain ne sont pas statistiquement représentatives, elles signalent le poids de la scolarité<br />

sur le travail des enfants. Car tous les parents de ces travailleurs interviewés sont peu<br />

scolarisés. Or, même si les études sur le travail des enfants, en général, ne prennent en compte<br />

que la scolarité du chef, maintenant certaines incluent la scolarité du conjoint, concrètement<br />

de la mère, comme facteur déterminant du devenir des enfants, comme par exemple, sur la<br />

trajectoire professionnelle des enfants en France (Singly et Thélot, 1986, cité in Blöss, 1997),<br />

ou sur la trajectoire scolaire des enfants en Afrique, dans une étude au Mali (Marcoux et al.,<br />

2006). C’est pourquoi nous considérons qu’il faut prendre en compte les deux niveaux, et<br />

même les deux dans son ensemble.<br />

Les résultats du MTI ne laissent aucun doute sur l’étroite relation entre la scolarité du chef de<br />

ménage et du conjoint du chef et le pourcentage d’enfants travailleurs extradomestiques non<br />

familiaux, même si la scolarité du chef a un rôle un peu plus remarquable que celle du<br />

conjoint. Au fur et à mesure que le niveau de scolarité du chef et du conjoint, séparément,<br />

augmente, le pourcentage d’enfants travailleurs diminue nettement (Tableau 30). De manière<br />

que les écarts entre les pourcentages d’enfants travailleurs selon les catégories extrêmes de<br />

scolarité du chef de ménage ou du conjoint sont assez importants. Ainsi, pour les chefs<br />

comme pour les conjoints, le travail des enfants parmi les non scolarisés est huit fois celui que<br />

l’on trouve parmi ceux qui ont 16 ans et plus de scolarité.<br />

323


324<br />

Tableau 30. Répartition (%) des EAJ et pourcentage des travailleurs extradomestiques<br />

non familiaux et familiaux selon la scolarité du couple parental<br />

Années de scolarité<br />

EAJ dans ce type de<br />

ménage<br />

(%)<br />

Chef de ménage :<br />

% de travailleurs<br />

extradomestiques<br />

Non<br />

Familiaux<br />

familiaux<br />

Sans scolarité 2,2 15,8 3,8<br />

De 1 à 5 ans 8,3 10,8 5,9<br />

De 6 à 8 ans 21,8 7,8 4,6<br />

De 9 à 11 ans 32,8 5,3 3,6<br />

De 12 à 15 ans 18,4 3,6 2,7<br />

16 ans et plus 16,5 2,0 1,6<br />

Total<br />

100,0<br />

(N)<br />

(9 918 640) 1<br />

5,7 3,5<br />

Conjoint du chef de ménage :<br />

Sans scolarité 2,9 11,5 5,4<br />

De 1 à 5 ans 7,7 10,7 4,4<br />

De 6 à 8 ans 23,9 7,5 4,6<br />

De 9 à 11 ans 34,0 4,6 3,6<br />

De 12 à 15 ans 20,2 2,6 2,6<br />

16 ans et plus 11,3 1,5 1,7<br />

Total<br />

100,0<br />

(N)<br />

(8 470 879) 2<br />

5,2 3,5<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

1/ Sont éliminés les EAJ dont la scolarité du chef n’est pas spécifiée, soit 151 896 enfants (655 cas).<br />

2/ Sont éliminés les EAJ dont la scolarité du conjoint du chef n’est pas spécifiée, soit<br />

1 599 657 enfants (7 346 cas).<br />

Dans le cas des enfants travailleurs extradomestiques familiaux, l’importance du niveau de<br />

scolarité du chef et du conjoint sur le pourcentage d’enfants travailleurs se confirme aussi,<br />

avec la tendance attendue. Mais, sur le tableau 30, nous observons que la différence entre les<br />

catégories extrêmes est plus nuancée que chez les travailleurs non familiaux, à peu près trois<br />

fois plus chez les non scolarisés que chez les plus scolarisés. Néanmoins, dans le cas des<br />

chefs, le niveau le plus bas est celui de 1 à 5 ans de scolarité, car le pourcentage d’enfants<br />

travailleurs parmi les non scolarisés s’éloigne de la tendance. A ce propos, le faible<br />

pourcentage d’enfants travailleurs familiaux lorsque le chef est sans scolarité peut répondre à<br />

des conditions d’emploi et familiales tellement précaires, qu’une rémunération<br />

supplémentaire de la part des enfants est souhaitable.<br />

Maintenant, pour mieux illustrer le cadre familial des enfants, nous analysons la scolarité<br />

combinée du couple parental à l’aide de trois catégories, selon la différence entre les années<br />

de scolarité du chef et du conjoint : le chef plus scolarisé que le conjoint ; sans différence de<br />

scolarité entre le chef et le conjoint ; et le chef moins scolarisé. En comparant ces catégories


selon le niveau de scolarité du chef, les pourcentages d’enfants travailleurs extradomestiques<br />

non familiaux les plus considérables s’observent lorsque le chef n’a jamais été scolarisé, peu<br />

importe si son conjoint l’a été ou non (presque 16%), voir graphique 22. Après, c’est lorsque<br />

le chef est plus scolarisé que son conjoint que le travail des enfants est important. Par contre,<br />

une scolarité moins élevée du chef que du conjoint coïncide avec les pourcentages les plus<br />

faibles d’enfants travailleurs, dans tous les groupes de scolarité du chef, sauf dans le cas des<br />

chefs qui ont 16 ans et plus de scolarité. Là, c’est chez les couples également très scolarisés<br />

que l’on trouve le pourcentage le plus faible d’enfants travailleurs non familiaux (0,7%). Il est<br />

probable que les conditions socioéconomiques des ménages soient plus aisées quand le<br />

conjoint a une scolarité plus élevée que le chef que quand le conjoint est moins scolarisé,<br />

alors, il y a moins besoin du travail des enfants.<br />

Concernant les enfants travailleurs extradomestiques familiaux, la situation est différente<br />

(Graphique 22). Tout d’abord, comme déjà vu, les pourcentages les plus élevés d’enfants<br />

travailleurs ne se présentent pas lorsque le chef n’a jamais été scolarisé, mais plutôt dans la<br />

catégorie de 1 à 5 ans, soit sans avoir fini la primaria. Or, c’est spécialement quand le<br />

conjoint est aussi peu scolarisé, ou bien plus scolarisé que le chef que le travail des enfants<br />

atteint les plus forts pourcentages. Par contre, face à un couple dont le chef est peu scolarisé et<br />

le conjoint est sans scolarité le pourcentage d’enfants travailleurs descend, car, dans ces<br />

conditions, il est peu probable que les parents aient la possibilité d’embaucher eux-mêmes un<br />

enfant. Cependant, à partir du moment où le chef a une scolarité de 6 et jusqu’à 11 ans (soit<br />

une scolarité élémentaire, et même de premier cycle), la participation des enfants au travail ne<br />

dépend pas trop de la différence avec la scolarité du conjoint. En revanche, dès que le chef a<br />

une scolarité de 12 ans et plus (soit au moins la scolarité obligatoire), le niveau de<br />

participation des enfants est en relation directe à la scolarité du conjoint. De manière que les<br />

pourcentages les plus élevés de travailleurs s’observent lorsque le conjoint est moins<br />

scolarisé, tandis que les pourcentages les plus bas se présentent quand le conjoint est plus ou<br />

aussi scolarisé que le chef, presque sans différence entre ces deux situations. Et les couples<br />

très scolarisés détiennent encore la plus faible proportion (1%) d’enfants travailleurs<br />

familiaux.<br />

325


326<br />

Graphique 22. Pourcentages d’enfants travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

et familiaux selon la scolarité combinée du couple parental<br />

%<br />

%<br />

18<br />

16<br />

14<br />

12<br />

10<br />

8<br />

6<br />

4<br />

2<br />

0<br />

10<br />

9<br />

8<br />

7<br />

6<br />

5<br />

4<br />

3<br />

2<br />

1<br />

0<br />

Travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

Sans scolarité 1 à 5 ans 6 à 8 ans 9 à 11 ans 12 à 15 ans 16 ans et plus<br />

Sans<br />

scolarité<br />

Scolarité du chef<br />

Chef plus scolarisé Sans différence Chef moins scolarisé<br />

Travailleurs extradomestiques familiaux<br />

1 à 5 ans 6 à 8 ans 9 à 11 ans 12 à 15 ans 16 ans et<br />

plus<br />

Scolarité du chef<br />

Chef plus scolarisé Sans différence Chef moins scolarisé<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

A la lumière de ces résultats, le niveau scolaire du chef de ménage semble être l’indicateur le<br />

plus important pour expliquer les différences sur le pourcentage d’enfants travailleurs<br />

extradomestiques non familiaux et familiaux. Cependant, bien que secondaire, la scolarité du<br />

conjoint ainsi que la scolarité combinée du couple parental ont un rôle important. Les<br />

contextes familiaux qui résultent des diverses combinaisons entre le niveau de scolarité du


chef et du conjoint peuvent effectivement favoriser ou non le travail extradomestique des<br />

enfants. Là, les relations de genre et de génération qui se créent ont sûrement un rôle<br />

important dans la mise au travail précoce. L’on suppose que lorsque le conjoint (femme) a un<br />

niveau de scolarité semblable ou plus élevé à celui du chef (homme), les relations sont plus<br />

équitables à l’intérieur de la famille, mais, seulement à partir d’un certain niveau de scolarité.<br />

En relation étroite avec la scolarité, la position professionnelle du couple est aussi un aspect à<br />

considérer dans cette quête d’explications relatives au cadre familial, sur le travail<br />

extradomestique des enfants. Il est alors important d’approfondir quel type d’activités<br />

économiques réalisent les adultes du ménage, notamment le couple parental. Car, face à<br />

l’énorme diversité des types d’emploi et des conditions de travail qui existent sur le marché, il<br />

serait simpliste de se contenter d’un indicateur limité à la condition d’activité des parents<br />

(travaille ou ne travaille pas). L’occupation principale des travailleurs est un indicateur proche<br />

de la position socioéconomique du ménage, qui a toujours été considérée comme le<br />

déterminant du travail des enfants. Or, depuis quelques années, la faiblesse de prendre en<br />

compte seulement l’occupation du chef (le père) comme référence à l’origine sociale a été<br />

mise en évidence (Bertaux-Wiame et Muxuel, 1996). C’est ainsi que, de plus en plus, l’on<br />

étudie le rôle de la mère sur le devenir des enfants, à travers certains aspects comme sa<br />

scolarité, sa condition d’activité et son occupation principale, le cas échéant. C’est pourquoi<br />

nous tenons à tester l’importance de l’occupation principale du conjoint sur le travail<br />

extradomestique des enfants, en plus de celle du chef de ménage. Nonobstant, il faut souligner<br />

qu’au Mexique, même si l’entrée des femmes au marché du travail a été progressive depuis<br />

quelques décennies, une partie importante des EAJ habite encore un ménage où seulement le<br />

chef travaille (54%) 415 . <strong>La</strong> position socioéconomique des ménages dépend alors surtout de<br />

l’occupation du chef, dont 82% d’hommes, soit le père.<br />

<strong>La</strong> position socioéconomique du ménage<br />

Pour la position socioéconomique du ménage, nous utilisons encore comme indicateur le<br />

classement en six groupes d’activité professionnelle proposé par Solís et Cortés (2009). Les<br />

résultats concernant les enfants travailleurs extradomestiques non familiaux confirment que<br />

l’activité du chef de ménage est en relation directe avec le niveau de travail des enfants. En<br />

415 Des familles biparentales et monoparentales.<br />

327


l’occurrence, il y a à peu près 2% d’enfants travailleurs dans la classe de services, tandis que<br />

chez les travailleurs non spécialisés et les travailleurs agricoles les pourcentages arrivent à<br />

8%. D’ailleurs, dans le cas des ménages biparentaux, l’activité du conjoint est aussi en<br />

relation directe avec le travail des enfants, celui-ci passe d’environ 1% chez les conjoints qui<br />

appartiennent à la classe de services à 9% chez les travailleurs non spécialisés. Cependant,<br />

dans ce cas, les conjoints employés comme travailleurs agricoles présentent un pourcentage<br />

d’enfants travailleurs assez faible (3%). A ce propos, il est plausible que si le conjoint est un<br />

travailleur agricole, c’est parce que la famille toute entière vit de cette activité économique,<br />

donc le travail des enfants devient du type familial (Tableau 31).<br />

Tableau 31. Répartition (%) des EAJ et pourcentage d’enfants travailleurs non familiaux et<br />

familiaux selon le groupe d’activité professionnelle du chef de ménage et du conjoint du chef<br />

Groupes d’activité professionnelle<br />

EAJ dans ce type<br />

de ménage<br />

(%)<br />

% de travailleurs<br />

extradomestiques<br />

Non<br />

Familiaux<br />

familiaux<br />

Classe de services<br />

Chef du ménage<br />

8,1 1,7 1,6<br />

Travailleur non manuel en activités<br />

routinières<br />

17,6 3,5 1,0<br />

Travailleur du commerce 10,1 4,7 10,3<br />

Travailleur spécialisé 35,9 6,5 3,6<br />

Travailleur non spécialisé 19,7 7,8 3,8<br />

Travailleur agricole 0,8 7,5 5,8<br />

Non travailleur 7,9 6,6 1,2<br />

Total<br />

100,0<br />

(N)<br />

(9 919 689) 1<br />

5,7 3,5<br />

Classe de services<br />

Conjoint du chef<br />

3,1 1,2 1,3<br />

328<br />

Travailleur non manuel en activités<br />

routinières<br />

11,8 3,0 2,2<br />

Travailleur du commerce 8,6 4,8 15,7<br />

Travailleur spécialisé 8,2 7,1 5,3<br />

Travailleur non spécialisé 16,4 8,6 4,7<br />

Travailleur agricole 0,1 3,2 18,1<br />

Non travailleur 51,8 4,6 1,3<br />

Total<br />

100,0<br />

5,2 3,5<br />

(N)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

(8 471 959)²<br />

1/ Sont éliminés tous les enfants dont l’information à propos de l’activité du chef de ménage est<br />

indisponible, soit 150 847 enfants (643 cas).<br />

2/ Sont éliminés tous les enfants dont l’information à propos de l’activité du conjoint du chef de<br />

ménage est indisponibles, soit 1 598 577 enfants (7 332 cas).<br />

Néanmoins, cette relation évidente entre le groupe d’activité du chef et celle du conjoint avec<br />

le niveau de travail des enfants extradomestiques non familiaux est moins nette lorsqu’il s’agit


des enfants travailleurs extradomestiques familiaux. Les groupes les mieux placés dans le<br />

classement présentent les plus faibles pourcentages d’enfants travailleurs, mais la relation<br />

entre position socioéconomique et pourcentage de travail des enfants n’est pas forcément<br />

directe. Ainsi, chez les chefs de ménage, par exemple, ce sont plutôt les travailleurs non<br />

manuels en activités routinières, que les travailleurs de la classe de services, qui ont les<br />

niveaux les plus bas d’enfants travailleurs. Par contre, soit chez les chefs, soit chez les<br />

conjoints, ce sont largement les travailleurs du commerce, et ensuite les travailleurs agricoles<br />

qui sont les plus concernés par ce type de travail des enfants (Tableau 31). C’est-à-dire que le<br />

travail familial des enfants dépend plus de l’activité économique des parents que de la<br />

position socioéconomique qui représente ce classement. En effet, le commerce et l’agriculture<br />

sont les deux branches de l’activité économique dont l’environnement permet plus au moins<br />

facilement l’accès des enfants au travail. De manière que si le chef ou le conjoint y travaillent,<br />

les enfants ont de fortes chances d’y travailler dès un jeune âge, même si cette entrée est<br />

sporadique et qu’elle n’est pas reconnue comme un travail proprement dit. Il s’agit bien de<br />

deux branches où le travail des enfants, et notamment le travail familial, est assez répandu, car<br />

des activités peu qualifiées y sont abondantes, que les enfants peuvent réaliser pour laisser les<br />

adultes s’occuper plutôt des activités moins simples ou plus lourdes, et ainsi maximiser la<br />

productivité familiale. Et en plus, ce type de travail, dans un environnement familial, est<br />

presque toujours bien accepté socialement, et il est en général dispensé des restrictions<br />

légales.<br />

VIII.2. Les incidences de l’environnement familial sur le travail extradomestique.<br />

Les analyses bivariées offrent d'ores et déjà, des idées sur les divers facteurs déterminants du<br />

travail des enfants associés au milieu familial. Il est clair que dans la mise au travail précoce,<br />

des aspects individuels, familiaux et du contexte (le marché du travail, la législation en<br />

matière d’emploi) jouent un rôle important. Mais dans la vie réelle, ces divers aspects se<br />

mêlent en créant des conditions familiales et sociales bien particulières, lesquelles dans leur<br />

ensemble peuvent inhiber ou favoriser la mise au travail précoce. C’est pourquoi nous<br />

proposons l’analyse des modèles de régression logistique, où nous prenons en compte un<br />

ensemble de variables individuelles et familiales qui nous intéressent, pour mieux apprécier<br />

leur rôle sur l’entrée des enfants sur le marché du travail, selon le type de travail familial ou<br />

non. Et vu que filles et garçons présentent de notables différences en ce qui concerne le<br />

travail, et que nous pensons que l’importance des facteurs familiaux varie selon le sexe des<br />

329


enfants, nous utilisons le modèle par sexe. Cela permet de comparer l’importance de divers<br />

facteurs d’intérêt selon le sexe d’Ego et le type de travail réalisé. Ainsi, grâce aux modèles de<br />

régression, nous analysons la relation de chaque variable incorporée, de manière isolée, sur la<br />

mise au travail précoce, soit en contrôlant l’influence des autres variables incorporées dans le<br />

modèle, en ayant toujours « toutes choses égales par ailleurs ». 416 A la lumière des résultats<br />

de l’analyse bivariée, nous proposons un modèle pour estimer les risques d’être un travailleur<br />

extradomestique, familial et non familial séparément, par rapport à ne pas l’être, en incluant<br />

des variables individuelles et de l’environnement familial (composition du ménage,<br />

caractéristiques du conjoint du chef de ménage, position socioéconomique du ménage). A<br />

savoir (Tableau 32) : 417<br />

• l’âge d’Ego (selon les trois sous groupes de référence) ;<br />

• la taille du ménage (non nombreux ou nombreux) ;<br />

• le nombre de moins de 18 ans dans le ménage (y compris Ego) ;<br />

• le rang occupé par Ego dans la fratrie de moins de 18 ans dans le ménage (aîné ou non) ;<br />

• la composition du couple parental (chef homme seul, chef femme seule, chef homme et<br />

330<br />

conjoint, chef femme et conjoint) ;<br />

• la condition d’activité du conjoint du chef de ménage (travailleur ou non travailleur) ;<br />

• les années de scolarité du conjoint du chef de ménage (sans scolarité, de 1 à 5 ans, de 6 à 8<br />

ans, de 9 à 11 ans, de 12 à 15 ans et 16 ans et plus) ; 418<br />

• le groupe d’activité professionnelle du chef de ménage, comme indicateur de la position<br />

socioéconomique familiale (travailleurs dans la classe de service, travailleurs non manuels<br />

en activités routinières, travailleurs spécialisés, travailleurs du commerce, travailleurs non<br />

spécialisés et travailleurs agricoles). 419<br />

Le niveau scolaire du chef de ménage fait partie de l’indicateur sur la position<br />

socioéconomique familiale, qui classe l’activité des chefs en six groupes d’activité<br />

professionnelle discriminants selon la scolarité, le niveau de revenus et la possession de biens<br />

matériels. C’est pourquoi nous ne l’avons pas inclus au modèle comme une variable<br />

indépendante.<br />

416<br />

Il faut dire qu’avant d’arriver au modèle que nous proposons, nous avons élaboré d’autres modèles pour tester<br />

les divers indicateurs et classements afin d’arriver à obtenir les différences les plus significatives statistiquement,<br />

mais aussi les variables et les catégories les plus pertinentes.<br />

417<br />

L’exigence de parcimonie dans les modèles de régression logistique limite toujours le nombre des variables<br />

incluses dans les modèles.<br />

418<br />

Des groupes qui correspondent aux divers cycles scolaires au Mexique.<br />

419<br />

L’indicateur proposé par Solís et Cortés (2009). Voir Annexe I.2.


Tableau 32. Etre travailleur extradomestique non familial ou familial par rapport à ne pas<br />

l’être. Rapport de risque et probabilité ajustée d’une régression logistique binomiale par sexe<br />

Variables indépendantes<br />

Etre travailleur extradomestique<br />

non familial<br />

Probabilité<br />

Rapport de risque<br />

ajustée (%)<br />

Etre travailleur extradomestique familial<br />

Rapport de risque<br />

Probabilité<br />

ajustée (%)<br />

Garçon Fille Garçon Fille Garçon Fille Garçon Fille<br />

Constante du modèle<br />

INDIVIDUELLES<br />

Age d’Ego :<br />

-7,408 -6,492 -5,975 -8,279<br />

6 à 11 ans --- --- 1,0 1,0 --- --- 1,6 0,7<br />

12 à 14 ans 1,634*** 0,863*** 5,0 2,3 0,942*** 0,948*** 4,1 1,7<br />

15 à 17 ans<br />

COMPOSITION DU MENAGE<br />

Taille du ménage<br />

3,070*** 2,433*** 18,2 10,3 1,488*** 1,264*** 6,9 2,4<br />

Non nombreux --- --- 3,3 2,2 --- --- 3,0 1,2<br />

Nombreux (plus de 5 personnes)<br />

Nombre de moins de 18 ans<br />

0,096 0,201* 3,7 2,7 0,84 0,149 3,2 1,4<br />

Nombre moyen (2,5) 0,188*** 0,083* 3,4 2,3 0,082* 0,015 3,1 1,2<br />

EXEMPLES : Un 2,6 2,1 2,7 1,2<br />

Deux 3,1 2,2 2,9 1,2<br />

Cinq<br />

Rang d’Ego<br />

5,4 2,9 3,7 1,3<br />

Non aîné --- --- 3,0 2,1 --- --- 2,6 1,2<br />

Aîné<br />

Composition du couple :<br />

0,258** 0,218* 3,8 2,6 0,260** 0,050 3,4 1,2<br />

Chef homme et conjoint --- --- 2,7 2,0 --- --- 2,7 0,7<br />

Chef femme et conjoint 0,146 0,299 3,1 2,6 -0,454* -0,318 1,7 0,5<br />

Chef homme seul 1,534*** 0,565 11,4 3,4 1,832*** 3,180*** 14,9 14,9<br />

Chef femme seule 1,744*** 1,258*** 13,7 6,6 0,831*** 3,803*** 6,0 24,6<br />

CONJOINT DU CHEF DE MENAGE<br />

Scolarité :<br />

Sans scolarité 1,973*** 1,315*** 9,1 4,9 0,817** 1,279*** 3,8 2,0<br />

1 à 5 ans 1,728*** 1,023*** 7,3 3,7 0,823*** 1,070*** 3,8 1,6<br />

6 à 8 ans 1,384*** 0,817*** 5,3 3,0 0,876*** 1,158*** 4,0 1,8<br />

9 à 11 ans 1,042*** 0,630** 3,8 2,5 0,698*** 0,784*** 3,4 1,2<br />

12 à 15 ans 0,501** 0,240 2,3 1,7 0,441** 0,634** 2,6 1,1<br />

16 ans et plus<br />

Condition d’activité :<br />

--- --- 1,4 1,4 --- --- 1,7 0,6<br />

Non travailleur --- --- 3,2 2,1 --- --- 1,9 0,3<br />

Travailleur extradomestique 0,128 0,276** 3,7 2,7 1,122*** 3,532*** 5,6 8,2<br />

POSITION SOCIOECONOMIQUE FAMILIALE<br />

Groupe d’activité du chef de<br />

ménage :<br />

Classe de services --- --- 1,4 1,2 --- --- 2,3 0,9<br />

Non manuel en activités 0,672*** 0,566** 2,6 2,2 -0,635** -0,487* 1,2 0,5<br />

routinières<br />

Travailleur du commerce 0,894*** 0,300 3,2 1,7 1,513*** 1,602*** 9,7 4,1<br />

Travailleur spécialisé 1,161*** 0,816*** 4,2 2,8 0,456** 0,404* 3,6 1,3<br />

Travailleur non spécialisé 1,329*** 0,868*** 4,9 2,9 0,372* 0,577** 3,3 1,5<br />

Travailleur agricole 1,064** 0,908* 3,8 3,0 1,463*** 1,040** 9,2 2,4<br />

TOTAL 1 3,4 2,3 3,1 1,2<br />

Nombre d’observations 20 730 20 172 20 730 20 172<br />

Khi-deux du modèle<br />

2885,864 1084,275<br />

1057,800 1259,183<br />

(ddl)<br />

(19) (19)<br />

(19) (19)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre). Sont considérés tous les enfants de 6 à 17 ans, fils ou filles du chef de<br />

ménage, célibataires et sans progéniture, dont l’activité du chef est connue. (Données non pondérées).<br />

*** Significative au seuil de 1‰ ; ** Significative au seuil de 1% et * Significative au seuil de 5%.<br />

--- Catégorie de référence.<br />

1/ Probabilité ajustée lorsque toutes les variables prennent la valeur moyenne.<br />

Lecture : « toutes choses égales par ailleurs », les garçons âgés de 12 à 14 ans travaillent plus fréquemment en tant que<br />

travailleurs extradomestiques non familiaux (l’odds ratio est de 1,634) que ceux âgés de 6 à 11 ans, celle-ci prise comme<br />

modalité de référence.<br />

331


Selon les résultats des régressions logistiques, de manière générale, le travail extradomestique<br />

non familial est un peu plus probable que le travail familial, et les garçons ont des probabilités<br />

plus élevées de travailler que les filles. Nous constatons aussi qu’il existe une relation<br />

différente entre les diverses variables dans le modèle et le travail des enfants, par type de<br />

travail (non familial ou familial) et par sexe également.<br />

Le travail extradomestique non familial est très sensible à l’âge d’Ego, qui représente la<br />

variable la plus discriminante dans le modèle, avec les probabilités les plus élevées et les plus<br />

basses de travailler, dans les groupes d’âges extrêmes. <strong>La</strong> probabilité augmente surtout à<br />

partir de 15 ans, soit lorsque le travail est légal et la scolarisation n’est pas forcement<br />

obligatoire. En second, c’est la composition du couple parental et le niveau scolaire du<br />

conjoint du chef de ménage qui importent, suivis par la position socioéconomique familiale.<br />

De son coté, le travail extradomestique familial dépend moins de l’âge d’Ego. Dans ce cas, est<br />

surtout essentielle la composition du couple parental, pour les deux sexes. En second, chez les<br />

garçons, c’est la position socioéconomique familiale qui compte, et chez les filles, la<br />

condition d’activité du conjoint du chef de ménage et la position socioéconomique familiale.<br />

Par la suite, nous allons procéder à l’analyse détaillée de chaque variable dans les modèles, en<br />

illustrant, dès que possible, les résultats quantitatifs avec les récits des enfants interviewés.<br />

VIII.2.1. Les enfants vis-à-vis du travail extradomestique : une participation sexuée et<br />

générationnelle, soumise à l’entourage.<br />

Les différences par sexe dans les probabilités estimées (%) de travailler suggèrent des formes<br />

de vie différentielles entre filles et garçons ; des destinées sexuées qui dominent les idées,<br />

mais aussi les pratiques, dès un très jeune âge (Tableau 32). Les rôles traditionnels par sexe<br />

persistent actuellement en faisant des garçons les principaux candidats au travail<br />

extradomestique. Etant donné que tôt ou tard ils rentreront sur le marché du travail, l’on<br />

considère qu’il vaut mieux commencer avant l’âge adulte, pour connaître progressivement ce<br />

monde qui dominera leur vie. Et aussi pour assumer le rôle qui leur correspondra dans la<br />

société et dans la famille : celui de pourvoyeur ou simplement comme individu autosuffisant,<br />

un rôle souhaité ou imposé par les circonstances familiales ou personnelles, qui façonne la vie<br />

des garçons dés un jeune âge. En ce qui concerne les filles, l’attente est différente. Elles ne<br />

sont pas censées être des pourvoyeuses, ou en tout cas, pas les responsables du soutien<br />

332


économique d’une famille. Elles pourraient devenir des personnes indépendantes, mais cela<br />

ne serait pas une obligation sociale comme chez les garçons. Elles peuvent alors, dès que<br />

possible, reporter le moment d’entrée dans la vie active. Par contre, leur participation dans la<br />

vie domestique est bien appréciée, encouragée, préférée, voire imposée. Et même si de plus en<br />

plus de filles souhaitent réussir de longues études, une formation professionnelle, la sphère<br />

domestique domine la sphère économique. Et leur professionnalisation semble plus un<br />

souhait, une fierté personnelle que la quête d’un mode de vie différente ou d’équité vis-à-vis<br />

des hommes. Certes, les conditions socioéconomiques du pays aujourd’hui poussent les<br />

femmes à entrer sur le marché du travail, par choix ou par contrainte, pour des raisons<br />

culturelles ou économiques ; mais en tout cas, leur travail (voire leur apport économique)<br />

reste plutôt secondaire de celui des hommes, tandis que leur responsabilité en tant que<br />

« femmes au foyer » ne diminue guère.<br />

D’ailleurs, il est clair qu’au fur et à mesure que les enfants grandissent leurs besoins changent,<br />

et ainsi parallèlement ceux de la famille. De façon que chaque étape de la vie familiale a des<br />

demandes sociales différentes, des tâches spécifiques à accomplir pour donner réponse aux<br />

nécessités du groupe familial et à celles de chacun de ses membres. Pour cette raison, la<br />

participation des enfants dans les diverses activités de production et de reproduction<br />

quotidienne du ménage peut être très dynamique.<br />

Parmi tous les aspects considérés dans les modèles, l’âge de l’enfant est la condition de plus<br />

grande envergure dans le cas du travail non familial. Certes, il est tout à fait logique qu’en<br />

grandissant, ils soient potentiellement plus susceptibles de travailler, malgré l’interdiction<br />

légale de le faire avant 14 ans. Mais cette tendance croissante devrait, en théorie, se faire<br />

progressivement, selon les diverses étapes qui se succèdent : l’enfance, l’adolescence et la<br />

jeunesse. Cependant, d’après les modèles, travailler étant âgé de moins de 15 ans est peu<br />

probable, notamment chez les filles, et surtout pour les plus jeunes en général (1% chez les 6 à<br />

11 ans), « toutes choses égales par ailleurs », et à partir de 15 ans la probabilité de travailler<br />

augmente de manière significative. En effet, elle passe de 5% chez les garçons de 12 à 14 ans<br />

à 18,2% chez les 15 à 17 ans. Et chez les filles respectivement de 2,3 à 10,3% (Tableau 32),<br />

des augmentations qui ne peuvent pas être expliquées simplement par le fait de grandir. Les<br />

explications se trouvent aussi ailleurs.<br />

333


Cette situation est en relation directe avec deux aspects qui caractérisent le contexte dans<br />

lequel vivent les enfants au pays. D’une part, les restrictions légales en matière d’emploi<br />

interdisant l’embauche avant l’âge de 14 ans. A l’évidence, une partie non négligeable<br />

d’enfants attendent le moment de pouvoir être embauchés pour entrer sur le marché du travail,<br />

même si quelques-uns s’y incorporent avant l’âge permis, illégalement. D’autre part, l’offre<br />

scolaire est insuffisante pour les enfants à partir de 15 ans. Il semblerait alors que le système<br />

juridique, ainsi que le système éducatif jouent un rôle de frein au travail des enfants. Mais,<br />

cette perception peut être trompeuse. Car, face aux conditions précaires de vie dont souffre<br />

une partie non négligeable de la population au Mexique, et les places limitées pour les<br />

diplômés sur le marché du travail, il est difficile de savoir si toutes les familles en difficulté<br />

seraient capables de maintenir leurs enfants à l’écart du travail, même si l’offre scolaire était<br />

plus ample et les restrictions légales plus laxistes. Il serait simpliste de penser qu’augmenter<br />

les places dans le système scolaire en deuxième et troisième cycles, ainsi qu’interdire le<br />

travail des enfants serait la solution à la mise au travail précoce. Parce que cela ne résoudrait<br />

pas, au moins au court terme, le problème de la précarité économique des familles, donc des<br />

enfants, et en plus, parce que les enfants ne travaillent pas seulement par des raisons de survie<br />

(même si les raisons économiques sont assez fréquentes). Enfin, parce que travail et<br />

scolarisation ne sont pas en opposition. Les enfants qui ont vraiment besoin de travailler vont<br />

travailler malgré les interdictions, et si possible, en continuant leur scolarisation.<br />

C’est un constat partout dans le monde. Et les conditions du marché du travail au Mexique (si<br />

flexible et informel), ainsi que du système scolaire le permettent plutôt aisément. De sorte que<br />

les lois en matière d’emploi rentrent en contradiction avec les conditions du marché du travail<br />

et de vie. Et c’est cette contradiction qui rend la législation inefficace. En effet, avec<br />

l’interdiction légale de travailler, les enfants se trouvent piégés entre la théorie (la loi) et la<br />

réalité (l’intégration au monde du travail, envers et contre tout), en devenant une cible de<br />

toutes sortes d’abus, car, malgré leurs intentions, les lois ne les protègent pas suffisamment.<br />

Le fait de se savoir en situation illicite pousse les enfants à être plus dociles face aux<br />

employeurs qui acceptent de transgresser les lois, ce qui est vu à travers les expériences des<br />

enfants interviewés, qui se contentent volontiers des revenus dérisoires, par exemple.<br />

Par ailleurs, les enfants qui veulent continuer leurs études font souvent des efforts personnels,<br />

en travaillant eux-mêmes parfois pour poursuivre leur scolarisation, alors que, dans ce cas,<br />

c’est l’interdiction au travail qui deviendrait un frein à la scolarité :<br />

334


« Je n’aimerais pas travailler dur maintenant, sinon juste comme ça, comme ce que je fais... mais si<br />

jamais ma mère ne peut plus, alors je travaillerais pour gagner de l’argent et continuer mes études. » 420<br />

(Felipe, 14 ans. Il travaillait pendant son temps périscolaire pour avoir un peu d’argent de poche, pour<br />

apprendre un métier et pour se distraire. Ses parents arrivaient à s’occuper de ses besoins essentiels,<br />

mais pas plus).<br />

Certes, la scolarisation doit occuper une place privilégiée dans la vie de tous les enfants, car<br />

malgré ses défaillances, c’est encore le moyen le plus approprié pour préparer les enfants à la<br />

vie future. Mais la vie présente des enfants compte aussi, et dans la réalité, les conditions<br />

actuelles du pays ne sont pas toujours favorables pour imposer la scolarité comme la seule<br />

activité des enfants. En plus, le travail n’est pas non plus synonyme d’exploitation, une<br />

activité qui met en danger le bien-être des enfants. Ce n’est pas le travail qui est dangereux, ce<br />

sont les conditions dans lesquelles il est réalisé qui peuvent nuire aux enfants (voire aux<br />

adultes). C’est pourquoi le travail familial des enfants est permis, car là, les enfants sont<br />

censés être protégés par leurs parents, une idée qui n’est pas toujours exacte, et pourtant<br />

acceptée.<br />

Contrairement au travail extradomestique non familial, le travail familial ne dépend pas trop<br />

des conditions externes à la famille, comme l’école et la législation. D’une part, les<br />

restrictions légales ne sont pas un frein, car ce type de travail échappe souvent aux lois en<br />

matière d’emploi. Les enfants peuvent y travailler à leur gré ou à celui des parents, et l’âge ne<br />

représente pas une contrainte externe. Les limites sont marquées plutôt par les capacités<br />

propres à l’enfant, lesquelles s’élargissent au fur et à mesure que l’âge augmente : la force, la<br />

motricité, la maturité, la logique. D’ailleurs, la maîtrise de la lecture, l’écriture et les<br />

opérations mathématiques évoluent aussi (pour ceux qui sont scolarisés). Ainsi, leurs<br />

capacités et leurs aptitudes sont de plus en plus amples, et leur participation de plus en plus<br />

importante en grandissant. D’autre part, le travail est souvent sporadique et flexible<br />

permettant aux enfants de continuer leurs études. Mais comme tous les EAJ, ils sont aussi<br />

touchés par le manque d’offre scolaire à partir d’un certain âge. Les enfants qui ne trouvent<br />

pas une place à l’école, ou qui ne veulent pas continuer leurs études après les cycles<br />

obligatoires sont censés s’impliquer dans une autre activité, au moins en attendant de<br />

reprendre leurs études. Le travail familial devient alors une possibilité pour certains, peut-être<br />

420 « No me gustaría trabajar ahora en algo pesado. Pero nomás así, como lo que hago. (...) ya si mi mamá ya no<br />

puede, pus ya trabajaría en alguna cosa para ganar algo y seguir estudiando. »<br />

335


la plus simple. C’est ainsi que les résultats des modèles montrent une croissance progressive<br />

de la probabilité de travailler d’un groupe d’âges à l’autre. Chez les garçons, la probabilité<br />

passe de 1,6% de 6 à 11 ans à 6,9% de 15 à 17 ans ; chez les filles, la probabilité passe<br />

respectivement de 0,7 à 2,4% (Tableau 32), une tendance qui suit l’évolution naturelle des<br />

enfants, sans être très perturbée par des contraintes externes.<br />

A mesure que les enfants s’approchent de l’âge adulte, la probabilité d’être un travailleur<br />

extradomestique familial est moins élevée que celle d’être un travailleur non familial, car<br />

celui-ci est censé être plus attractif et plus avantageux (surtout en termes économiques),<br />

notamment lorsque l’on compte commencer une vie professionnelle et quitter définitivement<br />

l’école, et que les restrictions légales diminuent. Mais dans les deux cas, les garçons sont plus<br />

concernés que les filles, même si les différences par sexe sont plus accentuées dans les cas du<br />

travail extradomestique familial. Cependant, en plus des caractéristiques individuelles d’Ego,<br />

les aspects liés à l’environnement familial peuvent avancer ou retarder le moment d’entrer<br />

dans la vie active.<br />

Parmi les aspects associés à la composition du ménage, nous considérons la taille, le nombre<br />

d’enfants âgés de moins de 18 ans, ainsi que le rang occupé par Ego dans la fratrie, des<br />

aspects qui ont été souvent signalés comme déterminants du travail des enfants. Or, selon nos<br />

résultats, parmi tous les aspects considérés dans les modèles, ceux qui concernent la<br />

composition du ménage sont les moins impliqués dans le travail extradomestique en général.<br />

Cependant, certaines de ces conditions peuvent favoriser la mise au travail précoce, selon le<br />

type de travail et le sexe d’Ego.<br />

Par rapport à la taille du ménage, même si les analyses bivariées évoquaient une relation<br />

étroite du travail des enfants selon le nombre de personnes de divers groupes d’âges, à travers<br />

l’analyse multivariée, nous trouvons que l'effet net (soit « toutes choses égales par ailleurs »)<br />

de la taille du ménage sur le travail des enfants est faible (Tableau 32). Il s'agit alors d'un<br />

facteur qui n’a pratiquement pas d’importance sur la mise au travail précoce, pour les deux<br />

sexes et pour les deux types de travail. 421 C'est-à-dire que ce n’est pas directement le nombre<br />

de membres du ménage qui détermine le risque de travailler, mais plutôt les conditions<br />

421 Statistiquement il n’existe pas une relation linéaire entre cette variable et la variable dépendante.<br />

336


inhérentes à chaque type de ménages (nombreux ou peu nombreux), des conditions qui sont<br />

cachées par la taille, dont nous avons contrôlé l’effet en les incluant dans les modèles.<br />

Ainsi, la probabilité de travailler ne change guère entre un EAJ qui appartient à un ménage<br />

nombreux (plus de 5 personnes) et un autre qui appartient à un ménage peu nombreux,<br />

notamment dans le cas du travail familial, pour les deux sexes. En effet, la taille du ménage<br />

n’intervient pas dans la mise au travail extradomestique familial. Dans le cas du travail<br />

extradomestique non familial, l’importance de cette variable est faible. Lorsqu’Ego appartient<br />

à un ménage nombreux, il a une probabilité estimée de travailler un peu plus élevée que<br />

lorsqu’il fait partie d’un ménage composé par moins de 6 personnes. 422 Mais la probabilité<br />

augmente juste d’un demi-point (%) pour les deux sexes (Tableau 32). Il est possible que ces<br />

familles nombreuses aient des coutumes plus traditionnelles que les peu nombreuses, et que le<br />

travail extradomestique précoce soit donc perçu comme faisant partie du processus de<br />

formation de l’enfant, et soit donc plus fréquent, au-delà de l’éventuel apport économique, car<br />

nous avons contrôlé l’effet de la position socioéconomique du ménage. Dans les conditions<br />

socioéconomiques actuelles du pays, c’est presque un luxe pour les couples, d’avoir plus de<br />

deux enfants, parfois même un seul enfant. 423 Les ressources économiques de l’Etat sont<br />

restreintes pour faire face aux besoins de presque 40 millions de moins de 18 ans. C’est<br />

pourquoi depuis des décennies la politique de population nationale vise à « motiver » la<br />

régulation de la fécondité. Ainsi, dans les milieux urbains du Mexique, en général les familles<br />

nombreuses sont rares, car il existe un accès facile aux divers moyens de contraception. Et<br />

avoir une fratrie nombreuse est plutôt mal vu, à cause du coût des enfants (scolarisation,<br />

nourriture, vêtements...).<br />

Dans ce même sens, le nombre d’enfants (moins de 18 ans) dans le ménage est très révélateur,<br />

il est un facteur relativement important chez les garçons, mais pas chez les filles. En effet,<br />

chez les filles cette condition n’est pas du tout significative pour expliquer le travail familial,<br />

et concernant le travail non familial, le nombre d’enfants est sans grand intérêt. Il faut la<br />

présence de plus de cinq enfants pour que la probabilité de travailler parmi les filles augmente<br />

422 Nous avons trouvé pendant les analyses bivariées, que la proportion d’enfants travailleurs est aussi<br />

considérable dans les ménages petits (deux personnes). Mais l’incorporation de trois catégories de ménage s’est<br />

avérée sans intérêt dans le modèle (nombreux, moyen ou petit). C’est pourquoi nous avons décidé d’incorporer<br />

juste les deux catégories significativement différentes.<br />

423 Parmi les ménages de notre population d’étude, celles qui comptent au moins un enfant âgé de 6 à 17 ans, le<br />

nombre moyen d’enfants âgés de moins de 18 ans est de 2,5.<br />

337


au-delà d’un point (%). Or, parmi les garçons la relation est plus nette : au fur et à mesure que<br />

le nombre d’enfants augmente, la probabilité de travailler s’élève pour les deux types de<br />

travail, mais avec une plus grande intensité dans le cas des enfants travailleurs non familiaux.<br />

Ainsi, par rapport au travail non familial, la probabilité estimée de travailler passe de 2,6%<br />

lorsqu’Ego est l’unique enfant âgé de moins de 18 ans dans le ménage à 5,4% lorsqu’il y a<br />

quatre enfants en plus d’Ego, et dans le cas du travail familial, respectivement de 2,7 à 3,7%<br />

(Tableau 32). Des raisons culturelles sont sûrement à l’origine de cette influence sexuée du<br />

nombre d’enfants, où les garçons sont plus susceptibles de réaliser un travail extradomestique<br />

que les filles. Et comme nous l’avons prouvé auparavant, dès que le nombre de moins de 18<br />

ans dans le ménage augmente (soit des jeunes enfants ou d’autres EAJ), les filles sont plus<br />

concernées par le travail domestique familial, ce qui expliquerait le manque d’influence de la<br />

taille de la fratrie par rapport au travail extradomestique lorsque la fratrie est nombreuse.<br />

En plus du nombre d’enfants âgés de moins de 18 ans dans le ménage, il est aussi important<br />

de considérer le rang de naissance d’Ego : si c’est l'aîné ou non, une condition souvent<br />

considérée comme un déterminant essentiel. A ce propos, les aînés ont une probabilité plus<br />

élevée de travailler que les cadets, mais les différences sont plutôt faibles, et en général, ces<br />

différences concernent, encore une fois, plutôt les garçons que les filles. En effet, chez les<br />

filles, le rang n’est pas significatif par rapport au travail familial, et il a un rôle assez discret<br />

par rapport au travail non familial. Un peu plus important est-il chez les garçons, soit pour le<br />

travail familial, soit pour le non familial. Mais la différence dans les deux cas est d’à peine 0,8<br />

point (%) entre un aîné et un cadet, « toutes choses égales par ailleurs » (Tableau 32), une<br />

situation qui est cohérente avec les résultats à propos de l’âge des enfants. Il s’agit d’une<br />

hiérarchie générationnelle. Parmi les enfants du ménage, en général l’aîné serait le premier à<br />

entrer sur le marché du travail, surtout lors qu’il s’agit du travail non familial et chez les<br />

garçons, car le travail extradomestique familial est moins déterminé par cette hiérarchie<br />

générationnelle.<br />

C’est-à-dire qu'il existe dans la fratrie un certain ordre d’entrée sur le marché du travail,<br />

lequel dépend de l’ensemble des quatre conditions : l’âge d'Ego, son rang et la taille de la<br />

fratrie cohabitant, mais aussi et surtout le sexe d’Ego, car les filles sont beaucoup moins<br />

dépendantes de ce type de conditions, peut-être parce qu’elles sont davantage prises par le<br />

travail domestique familial, lequel est fortement déterminé pour la composition du ménage. Il<br />

338


faut souligner aussi le fait que ces trois conditions sont plus en relation avec le travail non<br />

familial qu’avec le travail familial.<br />

Etant donné le rôle fondamental des parents dans tout ce qui concerne la vie familiale, en plus<br />

de la composition du ménage, il faut aussi prendre en compte l’effet des variables liées<br />

directement à la composition du couple parental, car les particularités peuvent favoriser ou<br />

non le travail des enfants. A ce propos, nous considérons trois caractéristiques du couple en<br />

même temps : le sexe, le rôle dans la famille et la présence ou l’absence de chacun des parents<br />

d’Ego, en supposant qu’il s’agit des parents d’Ego, car l’on sait par notre définition de la<br />

population d’études qu’Ego est le fils ou la fille du chef de ménage, mais le lien de parenté<br />

entre Ego et le conjoint du chef n’est pas connu, même s’il est fort probable qu’Ego soit fils<br />

ou fille aussi du conjoint du chef.<br />

VIII.2.2. Des enfants qui remplacent un conjoint absent.<br />

Selon les modèles, la composition du couple parental est un facteur fondamental pour<br />

expliquer le risque de travailler parmi les EAJ. En effet, concernant le travail extradomestique<br />

familial, la composition du couple est la variable qui a l’effet le plus discriminant parmi<br />

toutes ; et quant au travail non familial, elle est la deuxième variable la plus importante après<br />

l’âge d’Ego. En général, nous pouvons dire que les deux aspects associés à la composition du<br />

couple parental qui favorisent le plus le travail des enfants sont la monoparentalité et<br />

l’autorité féminine, avec des nuances selon le type de travail et le sexe d’Ego.<br />

Ainsi, par rapport au travail non familial, chez les garçons, la probabilité de travailler présente<br />

des différences marquées à propos de la monoparentalité, et ensuite des différences subtiles<br />

s’observent selon le sexe du chef. De manière que, pour un garçon, le plus grand risque est<br />

d’appartenir à un ménage monoparental, et après, si en plus le chef est une femme la<br />

probabilité augmente légèrement par rapport à un chef homme (respectivement 13,7 et<br />

11,4%), la probabilité dans les familles biparentales étant autour de 3%. Concernant les filles,<br />

le plus grand risque de devenir des travailleuses extradomestiques non familiales se présente<br />

lorsqu’elles appartiennent à un ménage monoparental dirigé par leur mère (6,6%). Dans les<br />

autres cas, la probabilité est plus faible, les rapports de risque étant non significatifs<br />

(Tableau 32). Il faut rappeler que c’est justement lorsque les filles appartiennent à un ménage<br />

339


monoparental masculin qu’elles ont de fortes probabilités de prendre la responsabilité du<br />

travail domestique familial, ce qui les empêcherait de s’investir dans un travail<br />

extradomestique, tandis que les garçons ne sont pas très concernés par le travail domestique.<br />

En tout cas, filles et garçons ont moins de risques de travailler lorsqu’ils font partie d’un<br />

ménage biparental avec un chef homme (le type de couple conventionnel et le plus fréquent).<br />

Des différences notables séparent les probabilités de travailler entre les EAJ des familles<br />

biparentales avec un chef homme, et les EAJ de familles monoparentales avec un chef<br />

femme : chez les filles la différence est de 3,3 fois, tandis que chez les garçons elle est de 5<br />

fois, ce qui montre l’importance de la composition du couple parental sur le travail<br />

extradomestique non familial des enfants.<br />

En effet, la monoparentalité est un facteur de risque pour le travail des enfants, car toutes les<br />

responsabilités qui appartiennent normalement au couple (économiques, émotionnelles…)<br />

sont fréquemment assumées par un seul des parents. Les aides sociales de la part de l’Etat<br />

pour les parents et les enfants seuls ou en difficulté n’existent guère au Mexique. Et le parent<br />

qui reste avec la fratrie perd souvent tout contact avec son conjoint, qui disparaît sans aucun<br />

sens de responsabilité envers leurs enfants ; ou en cas de décès, laissant leur famille parfois<br />

très fragilisée. Les processus de demande de divorce, ainsi que les indemnisations par décès<br />

sont rares. Par conséquent, certaines familles restent assez vulnérables face à la perte de l’un<br />

des membres du couple. Les enfants sont alors censés prendre une place plus active dans la<br />

vie familiale. Néanmoins, la participation des EAJ dépendra de leurs caractéristiques<br />

individuelles, ainsi que de celles du chef qui reste seul, et de la condition socioéconomique de<br />

la famille. Or, les ménages monoparentaux dirigés par une femme sont encore plus<br />

vulnérables, car la scolarité et la position dans l’occupation des femmes sont fréquemment<br />

pires que celles des hommes, ce qui se traduit par un niveau de revenus plus bas que celui<br />

d’autres ménages. Et donc, en tant que pourvoyeuse principale, la chef est en désavantage par<br />

rapport aux ménages où le chef est un homme, ou bien où les revenus du ménage proviennent<br />

du travail combiné de la chef femme et de son conjoint. Cela expliquerait la plus forte<br />

probabilité des EAJ de participer aux activités de production lorsqu’ils appartiennent à un<br />

ménage monoparental, et notamment des ménages dirigés par une femme.<br />

Concernant le travail familial, la composition du couple parental est encore plus<br />

discriminante, la différence des probabilités entre les cas extrêmes étant considérable pour les<br />

340


deux sexes. D'un côté, chez les garçons, la probabilité de travailler la plus élevée se présente<br />

lorsque le chef homme est seul (14,9%), et pour les autres cas, les probabilités diminuent : 6%<br />

lorsque la chef est seule ; 2,7% pour une couple dont le chef est le père ; et 1,7% pour un<br />

couple dont la chef est la mère. Dans ce cas, la vulnérabilité des ménages monoparentaux<br />

masculins est notable. D'un autre côté, chez les filles, la composition du couple parental est<br />

essentielle, et c'est surtout la monoparentalité qui importe, puis le sexe du chef. Dans ce cas,<br />

les filles qui appartiennent à un ménage monoparental avec une chef femme ont une<br />

probabilité très élevée de travailler, 24,6% ; et 14.9% pour celles dont le chef est un homme.<br />

En revanche, pour les ménages biparentaux, peu importe le sexe du chef, la probabilité de<br />

travailler est assez réduite : moins de 1% (Tableau 32).<br />

Bien évidemment, en cas de besoin ou d’envie de travailler de la part de l’enfant, d'une part,<br />

les parents eux-mêmes n’ont toujours pas un poste à leur offrir, d'autre part, le travail dans un<br />

milieu extérieur au milieu familial peut être plus avantageux qu'à l'intérieur, et donc, dans ces<br />

cas, l'enfant cherchera à travailler ailleurs, ce qui arrive plutôt dans les cas des filles et des fils<br />

de chefs seuls, notamment de chefs femmes. A ce propos, nous rappelons l'hypothèse d'une<br />

embauche sexuée des enfants travailleurs extradomestiques non familiaux : les garçons<br />

travaillant souvent pour un homme, en général sans lien de parenté, même s’il est connu de la<br />

famille ; et les filles travaillant surtout pour une femme apparentée (des parents collatéraux :<br />

grand-mère, tante), filles et garçons réalisant des activités plutôt « propres » à leur sexe.<br />

Ainsi, l’absence de l’un des parents dans la famille est le facteur de risque le plus important<br />

par rapport au travail des enfants. Les enfants sont censés participer davantage dans les<br />

diverses activités de production et de reproduction quotidienne du ménage, et cette place est<br />

parfois prise par l’un des enfants. Cela dépend des caractéristiques individuelles de l'enfant, et<br />

aussi des besoins familiaux aux différents moments du cycle familial de vie, selon la<br />

composition par âges et sexe du ménage. Nous l’avons déjà vu par rapport au travail<br />

domestique familial, où surtout les filles (mais pas seulement) prennent souvent la<br />

responsabilité des tâches ménagères lorsque la mère est absente, soit en devenant les<br />

remplaçantes de la femme au foyer, soit des travailleuses domestiques familiales. Mais,<br />

lorsque les EAJ habitent dans un ménage monoparental, leur participation peut dépasser les<br />

responsabilités d’ordre domestique, et arriver ainsi à faire des EAJ des pourvoyeurs<br />

supplémentaires dans la famille, notamment dans le cas des garçons, qui ont une probabilité<br />

assez importante de devenir des travailleurs extradomestiques non familiaux. Pour leur part,<br />

341


les filles participent aussi comme travailleuses extradomestiques non familiales, mais plus<br />

discrètement.<br />

<strong>La</strong> rémunération des enfants travailleurs peut être mise au service de toute la famille ou<br />

gardée à titre personnel, mais dans les deux cas, il s’agit d’une participation active, soit en<br />

apportant directement de l’argent à la famille, soit en lui évitant certaines dépenses, comme<br />

nous l’avons illustré avec les expériences des enfants interviewés. Le travail extradomestique<br />

familial des enfants représente aussi un apport indirect au bien-être familial, car les EAJ<br />

concernés sont rarement rémunérés, et ce sont les filles qui y participent davantage. Les<br />

résultats confirment l’existence d’une embauche sexuée dans le milieu familial, les chefs<br />

femmes ayant tendance à « employer » surtout leurs filles, une situation moins fréquente avec<br />

leurs fils, qui participent plutôt au travail en dehors du milieu familial. De même, les chefs<br />

hommes emploient plutôt leurs garçons.<br />

VIII.2.3. <strong>La</strong> scolarité et l’activité du conjoint du chef de ménage : un rôle important,<br />

mais secondaire.<br />

Pour valoriser le rôle du conjoint du chef de ménage (généralement la mère) dans la vie<br />

familiale, et ainsi dans la vie des enfants, nous analysons l’effet individuel de la scolarité du<br />

conjoint du chef de ménage sur le travail des enfants, parce que la participation du conjoint du<br />

chef de ménage dans une activité économique, ainsi que ses conditions d’emploi sont en<br />

étroite relation avec son niveau de scolarité. Pour information, il faut signaler que 34% des<br />

EAJ appartiennent à un ménage où le couple à un niveau scolaire semblable et 40% où le chef<br />

est le plus scolarisé.<br />

D’après nos résultats, par rapport au travail extradomestique non familial, il existe une<br />

relation inverse entre la scolarité du conjoint et la probabilité de travailler : plus le conjoint est<br />

scolarisé, moins Ego est en risque de travailler (Tableau 32). Etant donné que nous avons<br />

contrôlé la position socioéconomique du ménage, ces résultats suggèrent plutôt des<br />

différences culturelles, où le degré de valorisation de la scolarité serait fondamental, ainsi que<br />

l’existence de relations de genre et de génération plus ou moins équitables, ce qui peut<br />

favoriser ou pas le travail des enfants ou la déscolarisation, notamment après les cycles<br />

obligatoires d’enseignement. <strong>La</strong> moitié des conjoints sans scolarisation sont avec un chef peu<br />

scolarisé (moins de 6 ans de scolarité), et par contre, la plupart des conjoints les plus<br />

342


scolarisés (16 ans et plus de scolarisation) sont en couple avec un chef aussi scolarisé : 70%<br />

avec un chef qui a 16 ans et plus de scolarisation, et 17% avec un chef qui a de 12 à 15 ans de<br />

scolarisation (soit au moins le lycée). Ainsi, les chances d’avoir un meilleur milieu familial se<br />

multiplient au fur et à mesure que le conjoint a un meilleur niveau scolaire.<br />

Les différences dans les probabilités de travailler par sexe suggèrent que les garçons sont plus<br />

sensibles au niveau scolaire de la mère, la probabilité la plus faible de travailler s’observe<br />

lorsque le conjoint du chef a plus de 15 ans de scolarité, soit un niveau superior (troisième<br />

cycle) : 1,4% pour les deux sexes. A l’autre extrême, les probabilités les plus élevées de<br />

travailler se présentent lorsque le conjoint est sans scolarité : 9,1% parmi les garçons et 4,9%<br />

parmi les filles (Tableau 32). Ce comportement peut s’expliquer par des relations de genre et<br />

de génération moins égalitaires dans les familles où le conjoint est le moins scolarisé que dans<br />

les familles où il est le plus scolarisé. Car, même si les enfants veulent ou doivent travailler,<br />

dans le premier cas, ce sont plutôt les garçons qui ont les probabilités les plus importantes de<br />

le faire ; par contre dans le deuxième cas, filles et garçons ont la même probabilité de le faire.<br />

Concernant le travail extradomestique familial, la situation n’est pas évidente. Il n’y a pas une<br />

tendance claire dans la relation entre la scolarité du conjoint du chef et le travail des enfants.<br />

Même si un bon niveau scolaire du conjoint est toujours en relation avec une faible probabilité<br />

de travailler, parmi les conjoints peu scolarisés, voire sans scolarité, la probabilité de travailler<br />

ne change guère (Tableau 32). Ainsi, en général, le plus important à signaler est le fait que les<br />

probabilités de travailler les plus élevées se trouvent lorsque le conjoint est sans scolarité ou<br />

peu scolarisé (de 1 à 8 ans de scolarité), soit une personne qui n’a même pas fini la<br />

scolarisation obligatoire (qui est justement de 9 ans). C'est-à-dire que la réussite de la<br />

scolarisation obligatoire marque un vrai point de repère. Une situation plutôt attendue, car une<br />

embauche dans le secteur formel de travail, censée être plus avantageuse que dans le secteur<br />

informel, est soumise à la condition d’avoir au minimum une scolarité obligatoire, ce qui rend<br />

plus vulnérables les personnes qui en manquent. Dans ce cas, la relation entre la scolarité du<br />

conjoint et les relations de genres est moins claire, car, pour tous les groupes de scolarisation,<br />

les garçons ont une probabilité de travailler toujours plus élevée que celles des filles. Ce qui<br />

montre que, lorsque les conditions sont propices au travail extradomestique familial (par<br />

exemple, si la famille a une microentreprise, un atelier, une affaire, ou le conjoint est<br />

travailleur indépendant), les garçons sont plus touchés que les filles, au-delà du niveau de<br />

scolarité. Apparemment, lorsqu’il existe la possibilité d’embaucher un enfant dans une affaire<br />

343


familiale, à chaque niveau scolaire du conjoint persiste une assignation de rôles plutôt<br />

traditionnelle.<br />

Chaque environnement familial a des traits particuliers, façonnés notamment par les<br />

caractéristiques combinées des deux parents, le niveau de scolarité étant fondamental. En<br />

général, les parents les moins scolarisés ont des emplois à faible rémunération, et pour cette<br />

raison la situation socioéconomique du ménage est plus restreinte, et le travail des enfants<br />

peut s’avérer plus fréquent, tandis qu’une scolarité plus élevée peut être liée à un meilleur<br />

niveau de revenus. En plus, les différents niveaux de scolarité peuvent être en relation avec<br />

l’existence de relations de genre et de génération plus ou moins équitables au sein du ménage.<br />

Même si l’importance de la scolarisation des enfants est plutôt universelle dans les milieux<br />

urbains, les divers niveaux de scolarité des parents peuvent donner lieu à une valorisation<br />

différente des avantages de la scolarité et du travail des enfants (Grootaert et Kanbur, 1995 ;<br />

Camacho 1999 ; Levison, Moe et Knaul, 2001 ; Mier y Terán et Rabell, 2004). Les parents les<br />

moins scolarisés prendraient plus souvent le travail des enfants comme une forme de<br />

socialisation ou d’apprentissage nécessaire à la bonne éducation des enfants, avec l’idée que<br />

le travail est une activité qui ennoblit (Sosenski, 2010).<br />

Par ailleurs, en continuant avec l’idée que le rôle du conjoint du chef de ménage est important<br />

pour expliquer la participation des enfants, nous avons trouvé lors des analyses bivariées que<br />

l’activité du conjoint n'est pas sans intérêt dans la mise au travail précoce, raison pour laquelle<br />

nous observons le rôle de la condition d’activité du conjoint. Selon nos résultats, cette<br />

variable concerne plutôt le travail extradomestique familial. En plus, son importance dépend<br />

aussi du sexe d’Ego, la relation étant plus étroite avec le travail des filles que des garçons. En<br />

effet, la condition d’activité du conjoint est la deuxième variable qui a l’effet net le plus<br />

important sur le travail extradomestique familial des filles. Tandis que chez les garçons cette<br />

place est occupée par la position socioéconomique familiale, soit l’activité du chef de ménage.<br />

Ce résultat suggère encore une embauche sexuée, où les mères impliquent davantage leurs<br />

filles et les pères leurs fils.<br />

Par rapport au travail non familial, la condition d’activité du conjoint n’est pas significative<br />

chez les garçons, la mise au travail des garçons ne dépendant pas de cette condition, « toutes<br />

choses égales par ailleurs ». Chez les filles, cette condition prend un peu d’importance, mais<br />

elle reste assez faible : les filles dont le conjoint du chef de ménage travaille sont juste un peu<br />

344


plus susceptibles de travailler que les autres (respectivement 2,7 et 2,1%). Par contre,<br />

concernant le travail extradomestique familial, le rôle de la condition d’activité du conjoint est<br />

assez notable. Le fait que le conjoint du chef travaille fait grimper la probabilité de travailler,<br />

surtout chez les filles. Ainsi, la probabilité d’être travailleur familial passe de 1,9% chez les<br />

garçons lorsque le conjoint ne travaille pas à 5,6% lorsqu’il travaille. Et chez les filles, la<br />

différence est encore plus accentuée : de 0,3 à 8,2% (Tableau 32).<br />

Le travail du conjoint peut répondre à diverses situations. Si nous considérons que la plupart<br />

des conjoints sont des femmes, il faut souligner que l’entrée des femmes sur le marché du<br />

travail au Mexique a été principalement la réponse des familles face aux crises économiques<br />

des dernières décennies. Et même si des raisons culturelles et personnelles de la mise au<br />

travail des femmes sont de plus en plus fréquentes, les raisons économiques en sont toujours à<br />

la base. A l’heure actuelle, c’est presque un luxe qu’une mère ne travaille pas, soit pour aider<br />

au revenu familial, soit juste pour avoir un peu d’indépendance économique. Mais, trouver un<br />

travail formel n’est pas facile, surtout lorsque les compétences professionnelles sont<br />

restreintes et les occupations domestiques prenantes (le ménage et la garde des enfants). Dans<br />

l'hypothèse où les mères (conjoints) sont les principales responsables du domaine domestique,<br />

et les pères (chefs) du domaine économique, il n’est pas rare chez les mères, de trouver ou de<br />

créer toutes sortes d’emplois informels, à leur compte, pour pouvoir continuer leur rôle de<br />

femme au foyer, en gagnant au moins un peu d’argent, avec de petits travaux abondants grâce<br />

à la flexibilité et à la régulation insuffisante du marché du travail urbain. 424 C’est une quête<br />

d’indépendance économique ou une revendication de femme à leur mesure, mais une aide<br />

jamais négligeable aux revenus du ménage, car au moins elles peuvent assumer certaines<br />

dépenses. Donc, l’entrée des femmes sur le marché du travail peut répondre à une nécessité<br />

économique pour le bien-être familial ou personnel, mais aussi simplement à la quête d’une<br />

certaine indépendance ou à l’accomplissement d’un projet individuel, des raisons diverses qui<br />

impliquent des environnements familiaux distincts et pas seulement la précarité familiale.<br />

Ainsi, bien que le travail du conjoint puisse répondre à une contrainte économique familiale<br />

importante, où les enfants seraient peut-être appelés à participer activement, il peut aussi<br />

424 De plus en plus, les femmes vendent de produits par catalogue parmi leurs connaissances (produits de beauté,<br />

produits de décoration pour la maison, produits pour la cuisine, des chaussures…). Cela demande un minimum<br />

d’investissement en termes de temps et d’argent, et il n’y a pas de contrat, ni des exigences… mais non plus de<br />

droits. Les gains dépendent du nombre et du prix des produits vendus. D’autres femmes, qui ont plus de temps et<br />

un peu plus d’argent à investir, vendent des aliments préparés, de vêtements, des chaussures… à la porte de leur<br />

maison ou tout près. Elles travaillent hors la loi. Et pour continuer, elles payent le silence des agents du<br />

gouvernement, les policiers, qui viennent de temps en temps leur rappeler leur situation irrégulière.<br />

345


empêcher la participation des enfants sur le marché du travail. C’est pourquoi nous<br />

considérons la condition d’activité du conjoint plutôt comme un indicateur d’opportunité de<br />

travail pour les EAJ, un environnement qui facilite l’embauche directe des EAJ. En ce sens,<br />

l’activité du conjoint peut devenir un raccourci du chemin vers l’emploi des enfants.<br />

Bien évidemment, cette logique concerne aussi les chefs et les autres travailleurs du ménage.<br />

De manière que, si seulement le chef travaille, les enfants n’ont qu’une option potentielle<br />

d’embauche directe, mais si le conjoint travaille aussi, les enfants ont deux possibilités, et<br />

ainsi de suite. Il faut prendre en compte que le droit à l’embauche, ainsi que l’offre de travail<br />

pour les enfants en dehors du milieu familial sont restreints, tandis que le travail familial est<br />

en général légal. Mais, pour le moment, nous allons juste nous attarder sur le cas du conjoint,<br />

comme coresponsable du bien-être familial, mais souvent en deuxième place après le chef,<br />

lequel est censé travailler, presque par définition. Il faut rappeler que 41% de conjoints<br />

travaillent, tandis que 91% de chefs le font.<br />

Les conditions d’emploi des parents peuvent favoriser ou non l’embauche des EAJ. Certains<br />

emplois, d’accès difficile aux enfants, les pousseront, le cas échéant, plutôt vers le travail<br />

extradomestique non familial (cadres, fonctionnaires…). En revanche, d’autres activités<br />

facilitent le travail extradomestique familial des enfants, même s’il n’est pas essentiel à la<br />

famille. En effet, il faut rappeler que parmi notre population d’étude, près de la moitié des<br />

conjoints travailleurs sont des travailleurs non spécialisés (vendeurs ambulants, travailleurs en<br />

services à la personne…) ou des travailleurs du commerce (dans des établissements), soit des<br />

activités manuelles et peu qualifiées, où les enfants peuvent trouver une place plus ou moins<br />

facilement. Et si en plus le conjoint est le patron ou un travailleur indépendant, la décision<br />

d’embaucher l’enfant dépend directement et uniquement de lui, voire de la famille, en toute<br />

légalité. C’est pourquoi le travail extradomestique familial ne répond pas forcément à une<br />

contrainte économique du ménage, il est aussi le résultat de la facilité d’entrée au travail que<br />

les EAJ peuvent trouver dans le milieu familial, même à leur insu. En effet, dans certains<br />

ménages, les activités de production font partie de la vie familiale, où tous sont censés<br />

participer, presque de manière naturelle, comme nous l’avons vu à travers les récits des<br />

enfants interviewés.<br />

Les différences observées selon le sexe confirment la tendance à garder les filles, plus de<br />

temps que les garçons, tout près du sein familial, et si possible, éloignées des activités<br />

346


productives. Ainsi, les filles travaillent surtout s’il existe une place près des parents,<br />

notamment à côté de la mère, ou bien si le travail reste dans le milieu familial. D’ailleurs,<br />

même si les garçons sont touchés aussi par cette facilité d’embauche familiale, ils sont plus<br />

ouverts aux offres en dehors du noyau familial, ce qui les rend plus disponibles au travail<br />

extradomestique en général que les filles.<br />

VIII.2.4. Le travail extradomestique : soit une question de précarité familiale, soit une<br />

question d’offre de travail.<br />

Même si la pauvreté a été souvent considérée comme la cause principale de la mise au travail<br />

précoce, l’on sait maintenant qu’elle n’est pas toujours à l’origine du travail des enfants. Les<br />

enfants travailleurs ne sont pas seulement des enfants pauvres, et les enfants pauvres ne sont<br />

pas tous de travailleurs. <strong>La</strong> position socioéconomique familiale joue effectivement en rôle<br />

important sur la participation ou non des enfants au travail, mais son effet dépend plutôt du<br />

type de travail et du sexe d’Ego. Le travail extradomestique non familial dépend plus du<br />

milieu familial que le travail extradomestique familial.<br />

En utilisant l’activité du chef de ménage comme indicateur de la position socioéconomique<br />

familiale, nous trouvons que le travail extradomestique non familial est en relation étroite<br />

avec cette variable. En effet, les fils et les filles d’un chef de ménage qui appartient à la classe<br />

de service, le groupe le mieux placé dans notre échelle, sont les moins concernés par le travail<br />

(1,4% chez les garçons et 1,2% chez les filles). En général, la probabilité de travailler<br />

augmente au fur et à mesure que les chefs sont liés à des conditions socioéconomiques moins<br />

favorables (Tableau 32). 425 Donc nos résultats confirment un lien entre précarité et travail non<br />

familial des enfants, mais, il existe des différences selon le sexe d’Ego. Au sujet des garçons,<br />

il s’avère que les fils d’un travailleur non spécialisé (4,9%), ou même spécialisé (4,2%) sont<br />

plus susceptibles de travailler que les fils d’un travailleur agricole (3,8%), alors que ces<br />

derniers sont les moins bien placés. Chez les filles, une situation comparable s’observe, mais<br />

dans un autre groupe d’activité du chef. Elles ont une probabilité moins élevée de travailler<br />

lorsque le chef est travailleur du commerce (1,7%) que lorsque le chef est travailleur non<br />

manuel en activités routinières (2,6%). Pourtant ce dernier groupe est mieux placé que le<br />

425 Il faut rappeler qu’il s’agit d’un indicateur de l’occupation du chef de ménage qui classe de manière<br />

hiérarchique les familles selon le niveau scolaire du chef, les revenus du ménage et le type de biens matériels<br />

appartenant à la famille.<br />

347


premier. Or il s’agit des deux groupes d’activité où le travail des enfants est<br />

traditionnellement très répandu : commerce et agriculture, ce qui pourrait sembler<br />

contradictoire. Mais, l’explication peut se trouver avec les résultats sur le travail<br />

extradomestique familial. L’on peut supposer alors qu’une partie importante de chefs dans le<br />

commerce et dans l’agriculture peuvent « embaucher » directement leurs propres enfants<br />

(notamment les patrons ou les travailleurs indépendants), dans des emplois extradomestiques<br />

familiaux, plutôt que non familiaux. C’est-à-dire que lorsque le chef de ménage travaille dans<br />

les milieux du commerce ou l’agriculture, les enfants travaillent en général directement pour<br />

lui, et très rarement pour une tierce personne étrangère au ménage. Pour les autres groupes<br />

d’activité du chef, mieux il est placé dans cette échelle, moins les enfants sont en risque de<br />

travailler.<br />

D’ailleurs, les résultats qui concernent le travail extradomestique familial montrent qu’il<br />

n’existe pas une tendance claire entre le risque de travailler et la position socioéconomique du<br />

ménage, pour les deux sexes. Les trois conclusions que nous pourrions énoncer à ce propos<br />

sont : d’abord, que les enfants des chefs des groupes les mieux placés sont les moins touchés<br />

par ce type de travail ; ensuite, que les enfants des chefs travailleurs spécialisés ou non<br />

spécialisés sont plutôt peu concernés ; enfin, que le travail familial est important lorsque le<br />

chef est un travailleur agricole ou un travailleur du commerce. Ces résultats sont révélateurs<br />

de la relation entre le travail des enfants et l'offre de travail disponible, en plus de la situation<br />

socioéconomique familiale, car, la probabilité de travailler d’un enfant de travailleur agricole<br />

(les moins bien placés dans notre classement), n’est pas plus élevée que la probabilité d’un<br />

enfant de travailleur du commerce (mieux placés). <strong>La</strong> situation est beaucoup plus nette chez<br />

les garçons que chez les filles. Ainsi, au-delà de la situation socioéconomique, qui peut<br />

expliquer en partie cette mise au travail précoce, notamment chez les travailleurs agricoles,<br />

ceux qui travaillent le plus sont justement les enfants qui appartiennent aux ménages où une<br />

offre de travail potentielle existe, en relation avec le type d’emploi des parents (chef ou<br />

conjoint). Les filles ont une probabilité de travailler plus importante face à l’offre familiale<br />

dans le commerce (4,1%) que dans l’agriculture (2,4%) ; tandis que les garçons sont<br />

concernés presque de la même manière par ces deux secteurs d’activité économique :<br />

respectivement 9,7 et 9,2% (Tableau 32).<br />

Jusqu’ici, nous avons traité des aspects seulement en relation à la demande, des aspects<br />

individuels et familiaux, lesquels ont montré leur importance sur le travail des enfants. Mais<br />

348


les résultats ont aussi ouvert une autre voie d’analyse complémentaire qui se réfère au rôle des<br />

conditions d’emploi des parents, lesquelles peuvent favoriser ou non le travail des enfants. A<br />

ce sujet, Levison, Moe et Knaul (2001) ont montré que les enfants dont le chef de ménage<br />

travaille dans une affaire familiale ont des risques plus élevés de travailler que ceux dont le<br />

chef travaille dans le secteur formel. Dans ce sens, tous les adultes ne sont pas en mesure<br />

d’embaucher leurs propres enfants, de même que tous les parents n’ont pas d’enfants<br />

susceptibles d’être « embauchés » (vu par exemple leur âge ou leur sexe), malgré le fait<br />

d'avoir une offre de travail familial, alors ils embauchent éventuellement d’autres personnes,<br />

voire d'autres enfants. Et certains qui ont tout pour le faire ne le font point. D’ailleurs, de la<br />

part des enfants, certains veulent travailler, d'autres sont contraints de le faire, alors ils le font,<br />

si possible, pour l’un des parents (le plus facile), et sinon ailleurs. Or certains n’ont ni envie ni<br />

besoin de travailler, mais ils sont contraints de le faire dans l’affaire familiale, à la demande<br />

des parents. Et là, un éventail des possibilités s’esquisse pour les enfants et pour les familles,<br />

des situations qui font de la mise au travail précoce un phénomène complexe et<br />

multidimensionnel.<br />

Dans le cas concret du travail familial, il est clair qu’avant tout, pour qu’un enfant devienne<br />

un travailleur familial, il faut que l’un des membres du ménage ait la possibilité réelle de<br />

l’« embaucher », ce qui n’est pas donné à toutes les familles. Alors, l’offre d’emploi, qui<br />

normalement fait partie du domaine public, extérieur, dans certains cas fait partie du domaine<br />

privé de la famille. Et c’est là que l’entrée de l’enfant au travail se fait plus facilement, car<br />

elle ne dépend que de la famille. Ainsi, le travail extradomestique familial fonctionne sous<br />

une logique propre, spéciale, qui se développe grâce à la confusion qui existe entre les<br />

activités de production et de reproduction sociale dans le sein familial, et à l’acceptation<br />

légale et sociale d’une telle pratique.<br />

Vu que le travail extradomestique des enfants répond aussi à un problème d’offre, qui peut<br />

être représentée directement par l’activité des parents d’Ego, il est important de considérer la<br />

participation du chef et du conjoint en tant que « facilitateurs » de la mise au travail précoce,<br />

en plus de leur rôle fondamental dans la construction de l’environnement familial. Mais<br />

l’activité des parents n’est pas l’unique aspect à considérer, car elle est seulement une partie<br />

de ce qui peut façonner l’offre d’emploi pour les enfants, la position dans l’emploi (salarié,<br />

patron, travailleur indépendant, travailleur familial) est aussi fondamentale.<br />

349


VIII.3. L’offre de travail disponible grâce à l’emploi des parents.<br />

Pour commencer, nous considérons l’activité du chef et du conjoint du chef de manière<br />

combinée. Nous trouvons que la plupart des EAJ appartiennent à un ménage où le chef<br />

travaille et le conjoint ne travaille pas (52%). Or, presque un EAJ sur quatre habite un ménage<br />

où le chef est travailleur spécialisé et le conjoint ne travaille pas. Les autres combinaisons les<br />

plus importantes sont : chef travailleur non spécialisé et conjoint non travailleur (9%) ; chef<br />

travailleur non manuel en activités routinières et conjoint non travailleur (8%) ; et chef<br />

travailleur spécialisé et conjoint travailleur non spécialisé (7%). Seulement 1,5% d’EAJ font<br />

partie d’un ménage où le chef et le conjoint appartiennent à la classe de services, soit les<br />

ménages les mieux placés selon notre échelle. Il faut rappeler que les ménages où le chef et/ou<br />

le conjoint sont des travailleurs agricoles sont assez rares dans les grandes villes, et parmi eux,<br />

la combinaison la plus fréquente est celle des ménages où le chef est travailleur agricole et le<br />

conjoint ne travaille pas (0,6%).<br />

Sur la totalité des EAJ de ménages biparentaux, les travailleurs extradomestiques non<br />

familiaux représentent 5,1%, tandis que les travailleurs extradomestiques familiaux sont 3,6%<br />

(Tableau 33A y 33B). Mais des différences existent selon la combinaison qui résulte de<br />

l’activité de chaque membre du couple. En général, les pourcentages les plus élevés d’enfants<br />

travailleurs extradomestiques non familiaux s’observent dans les groupes les moins bien<br />

placées dans l’échelle socioéconomique et les groupes où le travail familial n’est pas toujours<br />

possible à développer. <strong>La</strong> faible présence d’enfants travailleurs non familiaux dans les<br />

ménages où le couple est composé des travailleurs agricoles, ou d’un travailleur agricole ou<br />

d’un travailleur du commerce peut s’expliquer par le travail familial, car très probablement<br />

dans ce cas, leur travail est de type familial (Tableau 33A). Il s’agit bien des branches de<br />

l’activité économique où le travail en famille est bien répandu et habituel, comme le<br />

confirment les résultats sur le travail extradomestique familial (Tableau 33B). A ce propos, les<br />

pourcentages les plus élevés se présentent justement dans les ménages où au moins l’un des<br />

deux membres du couple est un travailleur du commerce ou un travailleur agricole, et même<br />

dont le chef est un travailleur non spécialisé. Dans tous les cas, les exceptions concernent les<br />

ménages dont les conjoints appartiennent à la classe de services, ou dont les conjoints ne<br />

travaillent pas. Il est clair donc que l’emploi des parents dans un milieu propice est un facteur<br />

déterminant du travail familial des enfants, au-delà de la situation socioéconomique, laquelle<br />

350


Conjoint du chef de ménage<br />

Conjoint du chef de ménage<br />

peut, dans certains cas, inhiber la participation des enfants aux activités économiques, malgré<br />

l’existence d’un environnement propice (une affaire, une entreprise ou un atelier familiaux).<br />

Groupes<br />

d’activité<br />

combinée<br />

Tableau 33. Pourcentage d’enfants travailleurs, selon le groupe d’activité combinée<br />

du chef de ménage et du conjoint du chef<br />

Classe de<br />

services<br />

Non<br />

manuel en<br />

activités<br />

routinières<br />

Travailleur<br />

du<br />

commerce<br />

Travailleur<br />

spécialisé<br />

Travailleur<br />

non<br />

spécialisé<br />

Travailleur<br />

agricole<br />

Non<br />

travailleur<br />

Classe<br />

de<br />

services<br />

A. Travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

Non<br />

manuel en<br />

activités<br />

routinières<br />

Travailleur<br />

du<br />

commerce<br />

Chef de ménage<br />

Travailleur<br />

spécialisé<br />

Travailleur<br />

non<br />

spécialisé<br />

Travailleur<br />

agricole<br />

Non<br />

travailleur<br />

0,4 1,4 0,9 0,3 9,9 --- 0,0 1,2<br />

1,4 2,0 4,7 4,2 3,6 --- 4,6 3,0<br />

0,9 5,7 3,8 6,3 4,1 1,0 6,8 4,8<br />

1,4 3,4 4,3 6,9 10,5 14,1 7,1 7,1<br />

6,4 5,9 8,4 9,1 9,0 11,0 5,7 8,4<br />

0,0 --- 0,0 0,0 --- 0,0 4,1 3,2<br />

1,2 3,1 3,9 5,4 5,3 7,7 5,1 4,5<br />

Total 1,3 3,3 4,3 6,1 6,7 7,3 5,6 5,1<br />

Groupes<br />

d’activité<br />

combinée<br />

Classe de<br />

services<br />

Non<br />

manuel en<br />

activités<br />

routinières<br />

Travailleur<br />

du<br />

commerce<br />

Travailleur<br />

spécialisé<br />

Travailleur<br />

non<br />

spécialisé<br />

Travailleur<br />

agricole<br />

Non<br />

travailleur<br />

Classe<br />

de<br />

services<br />

B. Travailleurs extradomestiques familiaux<br />

Non<br />

manuel en<br />

activités<br />

routinières<br />

Travailleur<br />

du<br />

commerce<br />

Chef de ménage<br />

Travailleur<br />

spécialisé<br />

Travailleur<br />

non<br />

spécialisé<br />

Travailleur<br />

agricole<br />

0,9 0,2 3,4 3,0 1,0 ---<br />

Non<br />

travailleur<br />

2,3 1,0 6,0 1,3 6,3 1,1 0,0 2,2<br />

12,0 6,3 21,1 18,4 10,2 11,0 11,6 15,8<br />

4,3 2,7 11,1 5,3 7,2 9,4 2,2 5,4<br />

1,1 2,0 12,8 4,5 6,4 1,4 0,9 4,8<br />

--- --- 35,2 48,9 --- 44,6 2,7 18,1<br />

0,6 0,2 3,5 1,6 0,5 4,8 1,3 1,3<br />

Total 1,7 1,2 9,7 3,6 3,6 5,8 2,0 3,6<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre). Sont éliminés tous les enfants dont l’information à propos de l’activité<br />

du chef de ménage ou du conjoint est indisponible, soit 1 737 366 enfants (7 929 cas).<br />

--- Aucun EAJ dans ce cas.<br />

2,8<br />

Total<br />

Total<br />

1,2<br />

351


En plus, il faut souligner que tous les parents qui travaillent comme commerçants ou comme<br />

travailleurs agricoles n’ont pas une entreprise familiale ou sont indépendants, et ne sont pas en<br />

mesure d’embaucher leurs propres enfants. Alors, les enfants sont censés travailler pour une<br />

tierce personne s’ils en ont besoin ou envie, donc être des travailleurs extradomestiques non<br />

familiaux.<br />

Il faut souligner qu’en général, l’activité des membres du couple, selon le rôle que chacun<br />

occupe dans le ménage (chef ou conjoint), a une relation différente avec le niveau du travail<br />

des enfants, c’est-à-dire que l’environnement familial ne dépend pas seulement de la<br />

combinaison des deux types d’activité, mais aussi de qui fait quoi. En l’occurrence, le<br />

pourcentage d’enfants travailleurs extradomestiques non familiaux est de 4,1% lorsque le chef<br />

est travailleur non spécialisé et le conjoint travailleur du commerce (chef moins bien placé<br />

que le conjoint), mais il est de 8,4% dans le cas inverse, soit le chef travailleur du commerce<br />

et le conjoint travailleur non spécialisé. Par contre, le pourcentage d’enfants travailleurs<br />

extradomestiques familiaux est de 6,3% lorsque le chef est travailleur non spécialisé et le<br />

conjoint travailleur non manuel en activités routinières (chef moins bien placé que le<br />

conjoint), et dans le cas inverse le pourcentage est de 2%.<br />

Cependant, même s’il faut faire la différence entre ce qui fait le conjoint et ce qui fait le chef,<br />

il semble qu’il n’y a pas une hiérarchie systématique entre l’activité du chef et celle du<br />

conjoint. Dans le cas du travail extradomestique non familial, chez les couples formés par un<br />

travailleur de la classe de services et un travailleur non manuel en activités routinières ou un<br />

travailleur du commerce, les mieux placés dans le classement, le travail des enfants est plutôt<br />

rare. Donc, si les deux parents sont bien placés, les enfants sont moins susceptibles de<br />

travailler, et le pourcentage d’enfants travailleurs augmente au fur et à mesure que les deux<br />

membres du couple sont moins bien placés. Ainsi, pour mieux comprendre la mise au travail<br />

précoce, il semble important de prendre en compte les conditions d’emploi du chef et du<br />

conjoint de manière individuelle.<br />

Pour finir avec le sujet de l’offre de travail pour les enfants, nous observons maintenant les<br />

pourcentages d’enfants travailleurs selon la situation dans l’activité du chef et du conjoint de<br />

manière combinée.<br />

352


<strong>La</strong> plupart des EAJ (qui font partie d'un ménage biparental) habitent des ménages où le chef<br />

est un salarié (67%), et ensuite, un patron (15%) ou un travailleur indépendant (13%). Pour la<br />

plupart des EAJ, les conjoints du chef de ménage ne travaillent pas (52%), ou bien sont des<br />

salariés (31%) ou travailleurs indépendants (9%). Or, en analysant de manière combinée la<br />

situation dans l’activité du chef et du conjoint, les arrangements les plus fréquents sont : le<br />

chef est salarié et le conjoint est non travailleur (39%) ou les deux sont salariés (23%). Les<br />

autres arrangements ne représentent même pas 10% chacun, comme chef travailleur<br />

indépendant et conjoint non travailleur (7%), chef patron et conjoint non travailleur (6%) et<br />

chef salarié et conjoint travailleur indépendant (6%). Ceci implique, a priori, que la plupart<br />

d’enfants ne sont pas exposés à une facilité d’embauche de la part des parents.<br />

Par rapport au travail extradomestique non familial, les proportions d’enfants travailleurs les<br />

plus importantes se présentent notamment lorsque le couple parental est composé d’un chef<br />

travailleur sans rémunération 426 et un conjoint qui ne travaille pas (11,5%), de deux<br />

travailleurs indépendants (9,8%), d’un chef travailleur indépendant et un conjoint salarié<br />

(8,5%), et d’un chef non travailleur et un conjoint travailleur indépendant (7%), soit dans des<br />

situations où les conditions d’emploi peuvent s’avérer difficiles pour les adultes (sans un<br />

contrat formel, sans un horaire fixe, avec des revenus incertains, sans le droit à la sécurité<br />

sociale…) (Tableau 34.A).<br />

Dans ce cas, il est fort probable que les EAJ soient contraints de travailler, soit pour<br />

augmenter le revenu familial, soit pour s’occuper de leurs propres dépenses. Or, certains<br />

travailleurs indépendants, surtout les artisans ou les travailleurs manuels en général, en ayant<br />

une relation plutôt directe avec le client-employeur, ont parfois la possibilité de trouver un<br />

travail à leurs enfants dans leur même milieu de travail (des travaux peu qualifiés), soit en<br />

offrant directement au client-employeur les services de leur enfant, ou en amenant leur enfant<br />

avec eux, comme partie de l'« équipe de travail », comme des travailleurs indépendants et non<br />

comme leurs employés. Ainsi, même si le parent travaille à côté de son enfant, parent et<br />

enfant ont une relation de collègues, et non d’employeur-employé. Dans ce cas, l’enfant est un<br />

travailleur non familial. Certes, il existe aussi le cas où un parent travailleur indépendant<br />

embauche directement son enfant, et là, l’enfant devient alors un travailleur extradomestique<br />

426 Un travailleur occupé qui ne reçoit pas un paiement par son travail, mais qui est susceptible de recevoir<br />

d’autres types de prestations.<br />

353


familial. Mais apparemment, c’est le travail extradomestique non familial le plus répandu<br />

parmi les parents travailleurs indépendants.<br />

354<br />

Conjoint du chef de ménage<br />

Conjoint du chef de ménage<br />

Tableau 34. Pourcentage d’enfants travailleurs, selon la situation dans l’activité<br />

combinée du chef de ménage et du conjoint du chef<br />

Situation dans<br />

l’activité combinée Salarié<br />

A. Travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

Travailleur<br />

indépendant<br />

Chef de ménage<br />

Patron<br />

Travailleur sans<br />

rémunération<br />

Non<br />

travailleur<br />

Salarié 5,4 8,5 4,1 --- 5,6 5,7<br />

Travailleur<br />

indépendant<br />

Total<br />

5,9 9,8 4,2 --- 7,0 6,4<br />

Patron 6,0 4,1 5,0 0,0<br />

Travailleur sans<br />

rémunération<br />

0,0 --- 0,0 3,1<br />

Non travailleur 5,0 3,6 2,6 11,5 5,1 4,5<br />

Total 5,2 5,7 3,4 3,4 5,6 5,1<br />

Situation dans<br />

l’activité combinée Salarié<br />

B. Travailleurs extradomestiques familiaux<br />

Travailleur<br />

indépendant<br />

Chef de ménage<br />

Patron<br />

Travailleur sans<br />

rémunération<br />

4,9<br />

---<br />

Non<br />

travailleur<br />

Salarié 0,8 1,1 9,2 --- 0,2 1,6<br />

Travailleur<br />

indépendant<br />

5,4<br />

2,9<br />

Total<br />

0,8 0,2 14,4 --- 0,3 2,0<br />

Patron 32,4 31,2 20,7 0,0 23,7 28,2<br />

Travailleur sans<br />

rémunération<br />

0,0 --- 0,0 19,9 --- 18,7<br />

Non travailleur 0,4 0,2 8,6 0,0 1,3 1,3<br />

Total 1,6 1,7 10,5 18,7 2,0 2,7<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre). Sont éliminés tous les enfants dont l’information à propos de la<br />

situation dans l’activité du chef de ménage ou du conjoint est indisponible, soit 2 060 787 enfants (9 458 cas).<br />

--- Aucun EAJ dans ce cas.<br />

<strong>La</strong> situation du chef domine parmi les conditions de l’environnement familial. <strong>La</strong> proportion<br />

d'EAJ travailleurs est plus importante lorsque le chef de ménage est travailleur indépendant<br />

que lorsque le conjoint l’est, sauf chez les chefs non travailleurs. De même, le travail non<br />

rémunéré et l’inactivité économique du chef ont des effets plus accentués sur le travail des<br />

enfants que le travail non rémunéré et l’inactivité du conjoint. Le caractère secondaire du<br />

travail du conjoint y est évident, même si parfois la situation dans l’activité du conjoint peut


éduire la vulnérabilité des enfants au travail, comme chez les chefs de ménage travailleurs<br />

indépendants dont le conjoint est patron. <strong>La</strong> situation dans l’activité de chaque membre du<br />

couple parental a son propre rôle à jouer dans la mise au travail précoce.<br />

Concernant le travail extradomestique familial, il est évident que l’offre de travail pour les<br />

enfants est essentielle à la mise au travail précoce. Car, ce sont justement les couples<br />

composés par un patron (voire deux), qui présentent les pourcentages les plus élevés d’enfants<br />

travailleurs (Tableau 34.B). Mais, d’un point de vue légal, le travail des enfants est interdit<br />

dans les entreprises où au moins un salarié n’est pas un ascendant ou un descendant du patron.<br />

Ainsi, même si le patron est le père ou la mère, dans ce cas, l’enfant serait embauché<br />

illégalement avant 14 ans. D’ailleurs, d’autres aspects liés directement aux conditions de<br />

l’offre, comme un environnement de travail périlleux pour le bien-être des enfants, pourraient<br />

éventuellement décourager les patrons à embaucher leurs propres enfants, pour des raisons de<br />

santé, ou encore, morales ou légales, car l’embauche formelle des enfants de 14 à 15 ans est<br />

exclut dans des conditions dangereuses, comme l’utilisation de produits chimiques ou des<br />

matériaux coupants, un bruit excessif, une faible lumière... Dans la pratique, si ces conditions<br />

peuvent représenter un frein à l’embauche des enfants, elles ne l’empêchent pas non plus.<br />

Nous en avons parlé auparavant : les cas d’enfants travailleurs, tantôt familiaux, tantôt non<br />

familiaux, dans un environnement « malsain » sont rares, mais ils existent.<br />

Dans le cas du travail extradomestique familial, l’importance de la situation dans l’activité du<br />

conjoint est très nette, au-delà de celle du chef. Même si les patrons (chefs ou conjoints)<br />

présentent les pourcentages les plus élevés d’EAJ travailleurs, ce sont surtout les EAJ dont le<br />

patron est le conjoint qui participent le plus. En effet, au moins un EAJ dont le conjoint du<br />

chef est patron sur cinq travaille. Or la proportion peut grimper jusqu’à un EAJ sur trois dans<br />

le cas des chefs salariés et des chefs travailleurs indépendants. Il existe des différences<br />

qualitatives entre un patron qui est le chef de ménage (un homme) et un patron qui est le<br />

conjoint du chef de ménage (une femme). Par exemple, chez les chefs de ménage-patrons les<br />

plus nombreux sont les travailleurs spécialisés (33%) et les travailleurs du commerce (28%),<br />

tandis que chez les conjoints-patrons ce sont les travailleurs du commerce (38%) et les<br />

travailleurs non spécialisés (23%). <strong>La</strong> scolarité est aussi un facteur différentiel entre chefs de<br />

ménages et conjoints, et ceux avec un niveau supérieur représentent : 23 et 16%,<br />

respectivement. C’est-à-dire que l’offre de travail pour les EAJ est différente selon le rôle<br />

dans la famille et le sexe du patron. Par ailleurs, le cas des deux parents travailleurs sans<br />

355


émunération est aussi à souligner, car il s’agit sûrement de deux personnes en difficulté, qui<br />

amènent leurs enfants avec eux sur le même chemin.<br />

A la lumière des nos résultats, il est évident que le travail extradomestique des enfants dépend<br />

des conditions individuelles et des conditions familiales, où les caractéristiques du chef de<br />

ménage et du conjoint du chef sont importantes, mais aussi des conditions externes. Le travail<br />

des enfants est une pratique en relation directe avec la demande, mais aussi avec l’offre sur le<br />

marché du travail.<br />

Conclusions<br />

Quant à la relation entre l’environnement familial et la participation des enfants au marché du<br />

travail, selon le lien de parenté, les résultats confirment des différences entre les deux<br />

groupes, qui ne sont pas comparables en termes de l’intensité de la relation, mais dont les<br />

tendances peuvent rendre compte de contrastes.<br />

Chez les travailleurs extradomestiques non familiaux, les caractéristiques individuelles de<br />

l’enfant sont essentielles, l’âge étant le facteur le plus relevant lorsque l’on contrôle l’effet des<br />

autres variables du modèle. A propos des conditions familiales, il n’existe pas de différences<br />

notables par sexe, c’est la composition du couple parental qui importe le plus. <strong>La</strong><br />

monoparentalité favorise la mise au travail précoce. Or, chez les garçons, le sexe du chef de<br />

ménage n’est pas fondamental, tandis que chez les filles, les familles monoparentales<br />

féminines sont les plus favorables au travail des filles. Ensuite, pour les deux sexes encore, la<br />

scolarité de la mère s’est révélée de grand intérêt, avec des différences assez importantes entre<br />

les enfants de mères les plus scolarisées et celles sans scolarisation. Le rang d’Ego dans la<br />

fratrie de moins de 18 ans est un peu significatif, suggérant une plus grande participation des<br />

aînés. Et la position socioéconomique du ménage a aussi une importance secondaire, même si<br />

le fait d’appartenir à une famille bien placée, dans notre échelle de référence, réduit<br />

sensiblement le risque de travailler.<br />

Concernant les travailleurs extradomestiques familiaux, pour les deux sexes, l’âge de l’enfant<br />

n’est pas le facteur le plus important, mais la composition du couple, et après la position<br />

socioéconomique familiale. Mais l’on trouve des différences entre filles et garçons par rapport<br />

356


au rôle du couple parental. Ainsi, chez les garçons, la monoparentalité masculine est le facteur<br />

de plus grand risque pour le travail des enfants, et après la monoparentalité féminine ; la<br />

situation inverse s’observe chez les filles, et en plus, les différences avec les familles<br />

biparentales sont énormes. <strong>La</strong> condition d’activité de la mère, plus que sa scolarité a aussi un<br />

grand intérêt, notamment chez les filles, tandis que les variables associées à la composition du<br />

ménage sont sans importance, sauf dans le cas du rang chez les garçons, qui a une relation<br />

faible, mais significative. Il faut souligner que le groupe d’activité du chef de ménage a mis<br />

en évidence l’offre de travail, plus que des conditions socioéconomiques, de manière que c’est<br />

le fait d'appartenir à une famille liée aux branches du commerce et de l’agriculture qui<br />

favorise la mise au travail précoce.<br />

Nous trouvons que l’activité du chef et du conjoint ont une relation différentielle avec la<br />

participation des enfants au travail. Ainsi, la configuration de l’environnement familial ne<br />

dépend pas seulement de l’activité combinée du père et de la mère (chef et conjoint), mais<br />

aussi de qui fait quoi spécifiquement. A l’évidence, la mise au travail dans le cas des<br />

travailleurs familiaux dépend de l’existence d’une option de travail avec l’un des parents,<br />

justement dans les secteurs du commerce et de l’agriculture où les conditions sont les plus<br />

propices.<br />

Même si les travailleurs extradomestiques ont des traits communs, le lien de parenté avec leur<br />

employeur présente des différences importantes. L’entourage familial continue d’apporter aux<br />

enfants une ambiance plus détendue, mais moins avantageuse en termes économiques et<br />

professionnels. Le travail familial s’inscrit plutôt dans une logique de solidarité et<br />

d’organisation familiales, tandis que le travail non familial accomplit des objectifs surtout<br />

personnels et économiques. Cette stratégie peut se mettre en marche facilement grâce aux<br />

conditions favorables de la société locale : un marché du travail amplement dérégulé dans la<br />

pratique, un système légal très flexible et peu efficace, un système éducatif insuffisant, et une<br />

acceptation implicite du travail des enfants.<br />

357


358


CHAPITRE IX<br />

Les conséquences du travail : les vicissitudes d’une expérience précoce<br />

Nous voudrions finir notre recherche en traitant le sujet qui est au centre de multiples<br />

discussions sur le travail des enfants partout dans le monde : les conséquences. D’habitude,<br />

l’on s’attarde en évoquant les préjudices, en prenant comme exemple les cas les plus<br />

intolérables. Ainsi, l’on finit par donner à tous les enfants travailleurs l’unique image de<br />

victimes passives, en négligeant la valeur de leur participation, mais surtout en minimisant la<br />

diversité des cas. C'est-à-dire que le sujet est plongé dans une vision partielle de la situation,<br />

qui nie aux enfants leur rôle d’acteurs, de protagonistes dans l’édification de leur propre vie,<br />

et ainsi dans celle de la famille et de la société tout entière. Or, les enfants, comme nous<br />

venons de le montrer tout au long de notre étude, ont une participation plutôt active. Certes,<br />

des inconvénients, plus ou moins graves, existent par rapport à la mise au travail précoce,<br />

mais le travail ne représente pas toujours une source de problèmes. En plus, les enfants sont<br />

souvent fiers et orgueilleux de travailler. Le vécu des enfants interviewés permet d’en rendre<br />

compte.<br />

Les répercussions du travail précoce s’inscrivent dans le court et le long termes,<br />

cependant, étant donné qu’on a eu tendance à regarder l’enfance d’un point de vue prospectif,<br />

en s’intéressant plus à leur avenir qu’à leur présent, on s’est focalisé sur les conséquences<br />

potentielles du travail dans le futur. C’est ainsi que l’opposition entre travail et scolarisation a<br />

été énoncée comme l’un des problèmes fondamentaux, car c’est l’avenir de l’enfant qui est en<br />

jeu, les implications les plus immédiates restant dans une place plus modeste, ainsi que les<br />

problèmes de santé qui ont été plutôt peu étudiés. 427 C’est pourquoi nous tenons à analyser<br />

dans ce chapitre, d’abord, les conséquences du travail sur la vie quotidienne des enfants de<br />

manière générale, pour finir avec une analyse de la relation entre travail et scolarisation. En<br />

considérant qu’il n’est pas toujours possible de déterminer le sens de la causalité entre ces<br />

deux activités, vu la nature de nos données, nous proposons une approche relationnelle plus<br />

que causale.<br />

427 Plusieurs études, dans divers domaines, ont été consacrées à l’analyse de la relation entre le travail des enfants<br />

et la scolarisation. Voir par exemple : Llomovate, 1991 ; Psacharopoulos, 1997 ; Levison et Moe, 1998 ;<br />

Escalante Cantú, 2000 ; Heady, 2000 ; Knaul, 2000 et 2001 ; Levison, Moe et Knaul, 2001 ; Myers, 2001 ;<br />

Marcoux et al., 2006 ; Mier y Terán et Rabell, 2001a ; Schlemmer, 2007.<br />

359


A ce propos, les données du MTI concernent uniquement les enfants travailleurs<br />

extradomestiques, parce que le travail domestique familial, bien que reconnu officiellement<br />

comme un type de travail chez les enfants, n'est pas l'objet d'approfondissement de ses<br />

conditions, ses causes et ses conséquences. Or, grâce à notre travail de terrain, nous pouvons<br />

avoir certaines pistes sur les conséquences du travail dans le cas des travailleurs domestiques<br />

familiaux, ainsi que des informations complémentaires dans le cas des travailleurs<br />

extradomestiques. Nous traiterons le sujet séparément pour les trois types de travailleurs, avec<br />

l’hypothèse que si la mise au travail des enfants et les conditions d’emploi sont particulières<br />

dans chaque cas, alors, les conséquences sont aussi diverses.<br />

IX.1. Le vécu quotidien des enfants travailleurs.<br />

IX.1.1. Les travailleurs domestiques familiaux : une vie en double.<br />

Comme nous l'avons déjà signalé, le travail domestique familial, qui se confond souvent avec<br />

une forme de solidarité ou d’obligation familiale des enfants envers la famille, demande<br />

parfois aux enfants concernés un important investissement de temps et d’énergie, ainsi que de<br />

certains sacrifices dans l’immédiat, des sacrifices qui façonnent déjà leur vie, ainsi que son<br />

futur.<br />

Pour avoir une approche des conséquences du travail domestique familial, nous allons nous<br />

appuyer sur l’entretien de Karen, qui est l'unique enfant interviewé qui appartient au groupe<br />

de travailleurs de ce type. C’est une adolescente âgée de 14 ans, qui s’occupe de son frère et<br />

de sa sœur cadets (respectivement 10 et 8 ans), et elle est aussi la principale responsable des<br />

tâches domestiques chez elle. Sa mère ne vit plus avec eux, et son père travaille toute la<br />

journée. Elle est l’aînée de la fratrie, et elle est inscrite en dernière année de secundaria.<br />

Si nous devions résumer et qualifier en un mot le récit de Karen, nous pourrions le faire avec<br />

le mot « responsabilité » ou ses dérivés. Elle en parle assez lorsqu’elle se met à nous raconter<br />

sa vie au quotidien. Et cela est justement l’une des conséquences les plus importantes à court<br />

terme : un excès de responsabilité précoce. Car, en plus de jouer le rôle de fille, d’EAJ,<br />

d’élève, elle doit veiller au bien-être d’autres personnes et s’occuper des tâches domestiques,<br />

un travail qui peut se dire « à mi-temps », l’autre mi-temps étant consacré aux études, des<br />

360


« obligations » qui pèsent lourd dans la vie d’une jeune personne. Cette jeune fille a du mal à<br />

trouver des moments d’épanouissement personnel ou avec ses copains. En effet, elle est<br />

tellement prise par cette responsabilité plutôt filiale que fraternelle que même les week-ends<br />

où son père est à la maison et peut s’occuper des cadets, elle a du mal à reprendre son rôle de<br />

fille :<br />

« Mon papa me dit : les week-ends si tu veux sortir, alors sors avec tes amis ! Mais, au lieu d'aller au<br />

cinéma avec des amis et des amies que je vois presque tous les jours, et avec qui je partage presque<br />

tous les jours de la semaine et je bavarde avec eux, ben, je préfère passer le temps avec ma famille,<br />

parce que je peux sortir avec eux pour m’amuser. Parce que quand je sors avec mes amis pour<br />

m’amuser, mon papa et mon frère restent là, à la maison. Et ils ne font rien. Ou ma sœur sort avec eux<br />

et ils ne font rien. Ils ne font rien parce que je ne suis pas là. Parce que nous avons l’habitude de sortir<br />

tous ensemble, ou sinon, personne. Et nous sommes comme ça. Et lorsque je sors, parfois je vois<br />

qu’ils ont envie de dire : ah, tu vas sortir maintenant ? Et moi, j'avais déjà un programme ! (pour tous).<br />

Et je préfère sortir avec ma famille qu’avec mes amis que je vois presque tous les jours. Et je sais que<br />

je vais m’amuser avec ma famille autant qu’avec mes amis. » 428<br />

D’après son discours, il y a un fort attachement familial, qui s’accorde plus à une figure<br />

maternelle dans le ménage, qu’à une fille ou une adolescente. Elle est devenue la remplaçante<br />

de la mère absente, le symbole de l’union familiale, un aspect fondamental dans la société<br />

mexicaine, où tout tourne autour de la famille. Et la vie familiale tourne autour de la figure<br />

maternelle. En effet, elle a fini pour partager une double vie, qui est à la fois d’adolescente et<br />

d’adulte, de femme au foyer et d’élève, de sœur et de mère, de fille et de « compagne » de son<br />

père :<br />

« Ben, nous commençons par nous diviser les choses, avec mon papa, lorsqu’il s’est séparé de ma<br />

maman. On a dit : ben, je travaille et toi, tu fais ceci et cela, ou tu ne fais qu’étudier et je fais le reste, et<br />

tu m’aides à la maison à faire ce que tu pourras. » 429<br />

[…]<br />

« Je ne sais pas, il m’a dit : tiens ça (de l’argent), je veux que tu l’administres pour voir comment tu le<br />

fais. Je lui ai dit que je ne sais pas bien le faire. Mais il a dit : il s’agit juste d’essayer, si jamais tu le fais<br />

bien, ben, je ne dois plus y penser, et je m’enlève un poids. » 430<br />

428 « Mi papá me dice: los fines de semana si quieres salirte, ¡pues salte con tus amigos! Pero de ir al cine con<br />

amigas y amigos, que los veo casi diario y convivo con ellos casi diario, toda la semana, y platico y todo esto,<br />

pues paso mejor el tiempo con mi familia, que puedo salir con ellos a divertirme. Porque cuando salgo yo con<br />

mis amigos a divertirme, mi papá y mi hermano se quedan aquí en la casa. Y no hacen nada. O mi hermana sí<br />

sale con ellos y no hacen nada. Porque yo salgo. Y somos de: si sale uno salen todos. Y ya somos así. Y cuando<br />

yo salgo a veces veo que ellos así como que dicen: ya vas a salir, y yo que tenía planes. Y prefiero salir con mi<br />

familia que con mis amigos que los veo casi diario. Y sé que lo que me voy a divertir con ellos, lo puedo divertir<br />

con mi familia. »<br />

429 « Bueno, empezamos a dividirnos las cosas, con mi papá, cuando se separó de mi mamá. Dijimos: bueno, yo<br />

trabajo y tú haces esto o lo otro, o nada más estudias y yo hago lo demás, y ayudas aquí en lo que puedas. »<br />

361


362<br />

[…]<br />

« Parfois, lorsque je ne peux pas faire les choses (repasser ou laver le linge), ils (les cadets) me<br />

demandent pourquoi je ne l’ai pas fait. Parce que oui, ils sont déjà habitués à le voir, et après ils me<br />

l’exigent. Et ils me disent : mais c’est à toi de le faire. Et je leur dis, mais, est-ce que suis-je leur mère ?<br />

Ils répondent : non, mais, on dirait que tu l'es. Je dis : non, non, non, lorsque j’aurai mes enfants, je vais<br />

m’en occuper et je ne vais pas les abandonner. Mais toi, quoi ? Qu'est-ce que tu es en train de<br />

faire tout de suite ? Ben, jouer, alors, je leur dis de faire les choses, et ils rient et le font. Mais parfois ils<br />

se fâchent parce que je ne leur fais pas les choses. Et parfois, ils sont déjà habitués au fait que, moi ou<br />

ma mamie, nous fassions tout. Toi, tu es déjà âgé, tu dois déjà aussi te faire responsable. Toute la vie<br />

je ne serai pas auprès de vous. Je dois aussi réaliser ma vie. Et toute la vie, je ne vais pas être en train<br />

de te dire quoi faire. Lorsque tu seras plus âgé, tu dois le faire. Tu dois te faire responsable de tes<br />

notes, de si tu étudies ou non. Et alors, ils comprennent et ils me disent oui. » 431<br />

Une double mission sûrement difficile à gérer dans la vie quotidienne, où rester dans le rôle<br />

d’enfant peut s’avérer compliqué. L’on change forcément de statut dans la famille, pour le<br />

mieux et pour le pire. Et donc, les relations entre les membres de la famille et l’enfant qui<br />

prend une telle responsabilité prennent une autre dimension. Ainsi, Karen, par exemple, a du<br />

mal à trouver sa place, car malgré ses efforts pour privilégier son rôle de fille, dans la<br />

pratique, c’est son rôle maternel qui domine, dans la manière où elle fait référence à ses<br />

cadets, mais aussi aux gros soucis qu’elle se fait pour eux :<br />

« A l’école, on ne voulait pas nous les recevoir, car ils avaient de mauvaises notes. On ne nous les<br />

voulait pas accepter, alors mon papa a dû discuter, aller voir. Et maintenant ils travaillent dur, et mon<br />

frère augmente (dans ces notes), mais diminue, et comme ça. Mais ils voient déjà les choses. Et ils<br />

voient que ma mamie fait la cuisine, que là, on les soutient, que là, si je ne suis pas là, ben, mon oncle<br />

leur dit : puis-je t’aider ? Ou, non, là, tu vas mal. On les gronde seulement lorsqu’ils font de mauvaises<br />

choses ou ils ne veulent pas obéir. » 432<br />

[…]<br />

« Si mon frère a une mauvaise note, il me dit : c’est parce que je n’ai pas étudié, peux-tu signer (le<br />

rapport de la maîtresse) ? Parce que mon papa a toujours désigné comme tuteurs mon oncle Santiago,<br />

430 « No sé, me dijo: ten esto, quiero que me lo administres tú para ver qué tan buena eres. Yo le dije que no soy<br />

tan buena. Pero dijo: nada más es para probar, por si tú eres buena, pues yo ya no tengo que estar pensando en<br />

eso, y me quito un peso de encima. »<br />

431 « A veces cuando no puedo hacer las cosas, me dicen que porqué no lo he hecho. Porque si ya están<br />

acostumbrando a que lo ven, ya después me lo exigen. Y me dicen: pero es que tú lo tienes que hacer. Y les digo:<br />

¿pero es que yo soy su mamá? Y me dicen: no pero es como si lo fueras. Yo digo: no, no, no, cuando yo tenga<br />

mis hijos, los voy a cuidar yo y no los voy a dejar. Pero tú qué, a ver ¿qué estas haciendo ahorita? Pues jugando,<br />

entonces les digo que ellos hagan las cosas, y se ríen y lo hacen. Pero a veces sí se enojan porque yo no les tengo<br />

las cosas. Y a veces ya están acostumbrados a que yo o mi abuelita les tengan las cosas. Tú ya estás grande, tú<br />

también ya tienes que hacerte responsable. No toda la vida voy a estar con ustedes. Yo también tengo que<br />

realizar mi vida. Y no toda la vida voy a estarte diciendo qué hacer. Cuando estés grande tú lo tienes que hacer.<br />

Tú te tienes que hacer responsable de tus calificaciones, de si estudias o no estudias. Y agarran y, sí entiende, y<br />

me dicen que sí. »<br />

432 « En la escuela no nos los querían aceptar por las bajas calificaciones. No nos los querían recibir, entonces mi<br />

papá tuvo que hablar, que ver. Y ahorita ya le está echando ganas, y mi hermano subió, pero baja, y así. Pero<br />

ellos ya ven las cosas. Ya ven que mi abuelita cocina, que aquí se les apoya más, que aquí si no estoy yo, o no<br />

está mi abuelita, pues mi tío les dice: en qué te puedo ayudar, o no aquí estás mal. Y sólo se les regaña cuando<br />

hacen cosas malas o no quieren obedecer. »


lui ou moi, et sinon ma mamie ou mes tantes. Mais, ben, ils me demandent à moi, parce que c’est moi<br />

qui suis avec eux, et voilà. S'ils obtiennent des mauvaises notes, ou font mal quelque chose, ils me<br />

disent à moi, parce qu’ils savent qu’on va les gronder, alors, ils me disent à moi. Parce qu’ils me font<br />

plus de confiance à moi. » 433<br />

[…]<br />

« J’espère juste qu’ils seront des personnes bien, parce que je le leur ai dit : soyez responsables ! Et<br />

qu’ils voient la situation dans laquelle nous sommes. Surtout que s’ils n’étudient pas, ils ne<br />

décrocheront ni un bon travail, ni gagner d’argent, ni acheter la voiture qu’ils veulent. S’ils n’étudient<br />

pas, ils ne pourront pas avoir un bon futur. Et en étudiant, ben, ils peuvent avoir quelque chose de<br />

mieux que ce que mon papa est en train de nous offrir. » 434<br />

Le côté maternel est si fort chez cette fille, qu’elle a même projeté sa propre vie en fonction<br />

de celle de sa sœur et de son frère, en privilégiant toujours leur bien-être au sien. En effet, il<br />

s’agit d’une attitude de soumission, d’un acte d’abnégation qui caractérise les « bonnes<br />

mères mexicaines » :<br />

« Ben, me marier et tout ça, je suis en train de le projeter, ainsi, quand j’aurai 30 ou 35 ans, parce que<br />

maintenant je suis en train de les aider et je suis en train d’étudier, et je dis : plus tard je pourrai réussir<br />

ma carrière et je pourrai aussi réussir ma vie et dire : maintenant, le moment d’aller m’amuser ou d’aller<br />

à un tel endroit ou d’aller avec ma sœur et mon frère est arrivé. (…) Mais d’abord, avant de finir<br />

l’université je continuerais à aider ma sœur et mon frère. » 435<br />

[…]<br />

« Mon papa dit : le jour où je m’absenterais, je vous laisserai de l’argent (qu’il économise au cas<br />

d'urgence), mais tu seras censée travailler. Et moi, je sais que là, j’ai le soutien de ma mamie, qui nous<br />

veut près d’elle. Et je sais aussi que j’ai un toit, parce que là, ce n’est pas à moi, c’est à mon frère,<br />

parce que mon papi lui a hérité. Alors, nous avons où vivre. Et moi, je pourrais les aider pour qu’ils<br />

puissent continuer leurs études. Et si jamais j’ai l’opportunité, alors je continuerais aussi mes<br />

études. » 436<br />

Il ne s’agit pas d’un discours de gentille sœur, car elle a fait autrefois des sacrifices<br />

personnels, lorsque sa fratrie s’est séparée pendant quelques mois à cause des problèmes entre<br />

433 « Si mi hermano saca dos o algo así y me dice: es que no estudié, me firmas tú. Porque mi papá siempre ha<br />

puesto de tutor a mi tío Santiago, a él o a mí, y en otro caso a mi abuelita o a mis tías Pero luego me dicen a mí,<br />

porque como yo soy la que luego estoy con ellos, o algo así. Cuando sacan bajas calificaciones o hacen algo<br />

malo me dicen a mí, porque saben que los van a regañar, así que me dicen a mí. Porque me tienen más confianza<br />

a mí. »<br />

434 « Bueno nada mas espero que sean unas personas de bien, porque se los he dicho. Que sean responsables. Y<br />

que vean la situación en la que estamos viviendo. Más que nada de que si no estudian no van a conseguir un<br />

buen trabajo, ni ganar dinero, ni comprarse el carro que quieren. Si no estudian no podrán tener un buen futuro.<br />

Y al estudiar pues pueden tener algo mejor a lo que mi papá nos está ofreciendo. »<br />

435 « Pues casarme y eso, lo estoy planeando, así, hasta que tenga unos 30 o 35, porque ahorita los estoy<br />

ayudando y estoy estudiando, y digo: no pues más adelante podré realizar mi carrera y podré realizarme como<br />

persona y decir: ahora sí llegó el momento de irme a divertir o de irme a tal lugar, o de irme con mis hermanos.<br />

[...] Pero, antes de terminar la universidad seguiría apoyando a mis hermanos. »<br />

436 « Mi papá dice: el día que yo falte, yo ya les tengo dinero, pero tú tendrías que meterte a trabajar. Y yo sé que<br />

aquí cuento con el apoyo de mi abuelita, que nos quiere aquí. Y sé que cuento con un techo, porque allá arriba,<br />

no es mío es de mi hermano, porque se lo dejó mi abuelito. Pues ya tenemos dónde estar. Y yo podría apoyarlos<br />

para que ellos sí puedan seguir estudiando. Y ya en dado caso de que yo tenga la oportunidad, pues también<br />

seguir estudiando. »<br />

363


leurs parents. A l’époque, elle avait décidé de vivre avec son père, et sa sœur et son frère avec<br />

leur mère. Mais, progressivement, elle avait le sentiment que les jeunes enfants n’allaient pas<br />

bien, alors elle s’est inquiétée :<br />

364<br />

« Je suis partie un temps là-bas (chez sa mère). Parce que je disais à mon papa : ma mère ne nous<br />

permet pas de voir mon frère et ma sœur. Elle ne nous le permettait pas. (…) Et j’ai dit à mon papa : ils<br />

ne vont pas bien, à l’école ils n’ont pas du tout de bons résultats. Je pourrais les aider. <strong>La</strong>isse-moi voir<br />

ce que je peux faire. Et je suis partie deux semaines. » 437<br />

Et pendant cette période-là, elle a écarté la vie qu’elle avait choisie avec son père et sa grand-<br />

mère, et elle n’a pas non plus assisté à l’école, car sa mère vivait dans un autre Etat. Karen<br />

comptait même se réinscrire à un collège près de chez sa mère, en pensant qu’elle allait y<br />

demeurer longtemps. Mais, peu de temps après, elle est repartie avec ses cadets vivre<br />

volontairement chez son père, et donc, Karen a repris l’école après deux semaines d’absence.<br />

Or, étant donné la grande valeur assignée à la scolarisation des enfants dans l’actualité, et<br />

notamment dans les villes, outre la responsabilité du travail domestique acquise par ces<br />

enfants, malgré les contraintes familiales, on essaie d’éviter l’abandon scolaire, presque<br />

« coûte que coûte ». Et donc, les enfants sont contraints de partager leur temps entre l'école et<br />

le travail domestique, deux grandes responsabilités sociales et morales. Une double charge qui<br />

semble difficile à gérer aisément, qui devient très compliquée à vivre comme dans le cas de<br />

Karen :<br />

« J’aime toujours leur dire ce qui ne va pas. Et lorsque je crie, c’est parce que parfois ils me rendent<br />

folle. Et ils savent que quand je dis quelque chose, ils doivent obéir. Parce que parfois, je suis si<br />

stressée de l’école, de faire ceci et cela, que je les gronde. Eh oui, je perds patience. Et ils me disent :<br />

tu dois te calmer ! Ou de trucs du genre. Il vaut mieux que tu quittes l’école, regarde dans quel état tu<br />

te mets ! Ou des trucs du genre. » 438<br />

Cependant, la quotidienneté et l’inévitabilité de cette charge, en plus de sa conviction sur<br />

l’importance des études, son envie de réussir une carrière professionnelle, semblent parfois<br />

négliger la valeur du temps libre et du temps de repos personnel :<br />

437 « Yo me fui un tiempo para allá. Porque yo le decía a mi papá: es que mi mamá no nos deja ver a mis<br />

hermanos. No nos lo permitía. (…) Yo le dije a mi papá: ellos están mal, en la escuela van muy mal. Yo los<br />

podría apoyar. Déjame ver qué puedo hacer yo. Y me fui como dos semanas. »<br />

438 « Siempre me ha gustado decirles en lo que están mal. Y cuando a veces les grito es porque a veces sí me<br />

sacan de quicio. Y ya saben que cuando les digo algo, me tienen que hacer caso. Porque a veces, yo también<br />

estoy tan estresada de la escuela, de hacer esto y lo otro, que los regaño. Y sí me desespero. Y me dicen: ya<br />

mejor contrólate, o algo así. Ya mejor no vayas a la escuela, ve como te pones de histérica o algo así. »


« Parce que si j’avais ce temps libre, et je ne faisais rien, ben, qu’est-ce que je ferais ? Je serais en<br />

train de perdre le temps, ou j’aiderais ma mamie. Je ne sais pas, je ne ferais rien. Ainsi c’est du temps<br />

occupé. » 439<br />

Il semble que « ne rien faire » perd sa qualité de droit, pour devenir une forme de<br />

« gaspillage ». Néanmoins, cette mauvaise idée sur le temps libre est un peu à l’encontre du<br />

fait que, selon elle-même, c'est justement la tranquillité qui lui manque le plus pour mettre de<br />

l’ordre dans sa vie personnelle, même si elle ne regrette pas explicitement le manque de temps<br />

de repos, sinon le manque de temps pour s’occuper mieux de ses affaires. A la question : « si<br />

jamais tu n’avais pas cette responsabilité, que ferais-tu ? » Elle a répondu :<br />

« Je ne sais pas, je me lèverais et prendrais mon petit-déjeuner tranquillement, parce que parfois je<br />

prends mon petit déjeuner rapidement. Ou faire mes devoirs scolaires avec plus de tranquillité et avoir<br />

plus de temps pour moi. Je ne sais pas, pour ranger mon linge, parce que les soirs je suis censée avoir<br />

mes vêtements prêts et avoir mes devoirs scolaires presque finis, mais parfois je ne peux pas parce<br />

que j’ai trop de devoirs scolaires. Et cela serait plus de temps pour moi. Plus de temps, je ne sais pas,<br />

pour bien organiser mes cours. Parce que parfois je suis très mal organisée. Organiser mieux mes<br />

vêtements. Organiser mieux les choses de l’école ou les choses de la maison, mieux ma chambre,<br />

mieux mon lit. » 440<br />

Tous ses efforts semblent récompensés par le fait qu’elle trouve dans cette responsabilité<br />

presque inéluctable, la satisfaction d’être utile à sa famille. L’orgueil d’aider ses cadets et son<br />

père face à leur situation difficile :<br />

439 « Porque a veces, si tuviera ese tiempo libre, y no hiciera nada, pues nada más ¿qué estuviera haciendo?<br />

Haciéndome tonta, o ayudándole aquí a mi abuelita. No sé, o no estaría haciendo nada. Así, es tiempo que<br />

ocupo. »<br />

440 « No sé, pararme y desayunar con tranquilidad, porque a veces sí desayuno así (rápido). O hacer mi tarea con<br />

más tranquilidad y tener más tiempo para mí. No sé, para acomodar mi ropa, porque ya en la noche tengo que<br />

tener mi ropa y casi mi tarea completa, pero a veces no porque me dejan demasiada. O tener lo más sencillo para<br />

ahorita, y lo más difícil para al rato. Y eso sería más tiempo para mí. Más tiempo, no sé, en organizarme bien con<br />

mis materias. Porque luego soy muy desorganizada. Organizar mejor mi ropa. Organizar mejor las cosas del<br />

estudio o las cosas de mi casa, más mi cuarto, más mi cama. »<br />

365


366<br />

« Cela me fait plaisir (lorsque mes cadets me cherchent en cas de problèmes), parce que, ben, tout ce<br />

que je peux faire pour eux, ben, c’est bien. Parce que je suis plus âgée. » 441<br />

[…]<br />

Elle se sent responsable de faire le ménage « Parce que mon frère et ma sœur sont jeunes et ils sont<br />

en train d’étudier, ils ne sont pas si jeunes que ça, mais ils sont jeunes. Et ils étudient ou ils veulent<br />

jouer ou regarder la télé. Et les matins, ils ne peuvent pas le faire (le ménage, car ils vont à l’école la<br />

matinée, et elle l’après-midi). Et ce que je fais, je peux le faire. Et j’aide mon père parce qu’il n’a pas de<br />

temps pour faire ses choses, et il travaille, et il nous soutient comme il peut. » 442<br />

[…]<br />

« Oui (mes cadets m’obéissent), et s’ils ne m’obéissent pas, je leur dis : si tu ne m’obéis pas, à partir<br />

de ce moment, si tu ne m’obéis pas, je ne veux pas que tu me dises ce dont tu en as besoin, ne me<br />

demande rien. Parce que, en premier, ce n’est pas ma responsabilité, mais je le fais parce que j’aime le<br />

faire, mais en deuxième, tu dois te faire responsable. Et je vous aide comme je peux. Et après vous me<br />

dites : j’ai envie de ça. Et si j’ai de l’argent, ben, je vous l’achète. Et ils restent muets parce qu’ils savent<br />

que j’ai raison et ils obéissent. » 443<br />

Il existe aussi l’orgueil qui lui donne le pouvoir qu’elle a acquis dans la sphère familiale, son<br />

nouveau statut est hiérarchiquement plus important. Elle est passée d’être l’aînée à être la<br />

maîtresse de maison. Et cela a des privilèges. Mais il faut signaler que dans ce cas, elle-même<br />

a proposé de jouer ce rôle à ses parents, pourvu que la fratrie reste ensemble, car auparavant<br />

les enfants étaient séparés, les cadets vivaient avec la mère, et elle vivait avec son père. Cette<br />

initiative a sûrement façonné ses sentiments, et évidemment, cela ne concerne pas tous les<br />

enfants travailleurs domestiques familiaux. Cependant, ces sentiments de fierté et de<br />

satisfaction pourraient être compréhensibles dans d’autres situations, étant donné la taille de la<br />

responsabilité accomplie, de gré ou de force. Or, la maturité requise par une telle<br />

responsabilité peut être sûrement un atout dans sa vie présente et future, non en termes à<br />

proprement parler professionnels, mais dans son développement personnel. Mais, c’est un<br />

atout qui implique peut-être une enfance volée, selon certains, et d’autres inconvénients<br />

pourraient en résulter.<br />

Bien évidemment, nous ne pouvons pas prétendre représenter la situation des enfants<br />

travailleurs domestiques familiaux avec le récit d’une seule, qui en plus, vit une situation<br />

441 « Pues siento bonito porque pues en lo que yo les pueda ayudar, pues está bien. Porque estoy grande. »<br />

442 « Porque mis hermanos como están chiquitos y están estudiando, no están tan chiquitos pero si están<br />

chiquitos. Y estudian o quieren jugar o quieren ver la tele. Y ellos en las mañanas pues no lo pueden hacer. Y lo<br />

que yo hago pues sí lo puedo realizar. Y yo le ayudo a mi papá porque él no tiene el tiempo para realizar esas<br />

cosas, y él trabaja, y nos apoya en lo que puede. »<br />

443 « Sí, y si no me hacen caso les digo: si no me haces caso, de este momento en adelante, si no me haces caso<br />

no quiero que me digas lo que necesitas, no me pidas nada. Porque en primera, no es mi responsabilidad, pero lo<br />

estoy haciendo porque me gusta hacerlo, pero en segunda, tú tienes que hacerte responsable. Y yo los apoyo en<br />

lo que puedo. Y luego me dicen: se me antojó esto. Y si tengo dinero pues se los compro. Y se quedan callados<br />

porque saben que tengo la razón, y lo hacen. »


familiale tout à fait particulière (une famille modeste qui se trouve dans un cycle<br />

d’expansion, 444 qui a subi l’abandon total de la mère). Il est clair que d’autres conséquences<br />

peuvent exister, et que l’expérience et les sentiments d’autres enfants dépendent aussi de leur<br />

propre contexte familial, de leur propre manière de voir et de vivre la situation, ainsi que du<br />

temps investi et du niveau de responsabilité acquise. Mais, nous tenons à évoquer l’expérience<br />

de Karen, parce qu’elle nous permet de rentrer dans le monde privé du travail domestique<br />

familial, si difficile à approcher, et ainsi, d'avoir des idées, des pistes, sur divers aspects de la<br />

vie quotidienne de ce type d’enfants travailleurs.<br />

Maintenant, nous allons passer au cas des enfants travailleurs extradomestiques, plus visibles<br />

au regard étranger et plus faciles à approcher, et pourtant, ils sont encore aujourd’hui entourés<br />

de multiples préjugés.<br />

IX.1.2. Les problèmes engendrés par le travail extradomestique : entre mythes et réalité.<br />

Pour analyser les problèmes qui pourraient survenir à cause du travail extradomestique<br />

précoce, nous utilisons comme principale source les données du MTI, et comme source<br />

secondaire nos données du travail de terrain. Dans le MTI on a inclus une question à propos<br />

des problèmes engendrés par le travail. Les problèmes considérés dans l’enquête sont : 1)<br />

avoir mal au dos ou douleur musculaire ; 2) problèmes respiratoires ; 3) problèmes de vision ;<br />

4) blessures ; 5) problèmes scolaires ; 6) surinvestissement de temps (travailler beaucoup<br />

d’heures) ; 7) maltraitance, menaces, insultes ; 8) angoisse ou peur de quelque chose ; et 9)<br />

manque de temps pour jouer. 445 L’on demande alors aux répondants si Ego s’est plaint<br />

quelquefois de ces problèmes à cause de son travail. Nous voudrions encore rappeler que ce<br />

sont souvent les parents, et non les enfants eux-mêmes, qui répondent aux enquêteurs.<br />

Concernant les enfants travailleurs extradomestiques familiaux, selon les résultats du MTI, les<br />

plaintes les plus courantes sont avoir mal au dos et des douleurs musculaires (4%) et ne pas<br />

avoir de temps pour jouer (2%). Tous les autres problèmes ne représentant même pas 1%. Le<br />

444 Selon le classement basé sur l’âge des enfants et de la mère : formation (des enfants âgés de moins de 6 ans<br />

ou mère en âge reproductif et sans enfants), expansion (des enfants âgés de 6 à 14 ans), consolidation (des<br />

enfants de 15 à 24 ans), nid vide (des enfants âgés de 25 ans et plus ou mère en âge non reproductif), années<br />

dorées (retraite du mari ou des deux conjoints), et veuvage (décès de l’un des conjoints).<br />

445 Il s’agit de la question 11a du questionnaire pour les 5 à 11 ans et de la question 8a du questionnaire pour les<br />

12 à 17 ans (Voir Annexe II.2).<br />

367


problème de mal au dos et douleurs musculaires concerne surtout les garçons, et les enfants<br />

les plus âgés. Ainsi, les garçons de 15 à 17 ans concernés par ce type de problème<br />

représentent 10%, tandis que chez les filles, 2%, car ce sont justement les garçons, et surtout<br />

les plus âgés, qui réalisent des activités physiques, qui peuvent finir par affaiblir leur état de<br />

santé. A propos du regret sur le temps de jeu, ce type de plainte est beaucoup plus fréquent<br />

chez les plus jeunes, et il n’existe pas de différence par sexe, sauf dans le groupe de 6 à 11<br />

ans. Ainsi, parmi ceux-ci, 8% des garçons et 1% des filles sont concernés ; tandis que parmi<br />

les 12 à 14 ans, 3% pour les deux sexes, et parmi les 15 à 17 ans, 1% pour les deux sexes, une<br />

situation cohérente avec le développement des enfants, qui en grandissant trouvent le jeu de<br />

moins en moins attractif. Les intérêts des enfants changent, et la manière d’utiliser le temps<br />

aussi. Vraisemblablement, les enfants qui travaillent pour leurs parents ne sont guère exposés<br />

à des conditions qui peuvent aboutir à des problèmes de santé, physique ou morale, ou de<br />

performance scolaire, par exemple.<br />

D’ailleurs, concernant les enfants travailleurs extradomestiques non familiaux, nous trouvons<br />

dans le MTI une plus forte proportion d’EAJ qui se plaint des problèmes évoqués, par rapport<br />

aux travailleurs familiaux, sauf concernant le manque de temps pour jouer (qui n’arrive même<br />

pas à 1%). Cependant, à l’exception de la catégorie « mal au dos et des douleurs<br />

musculaires », qui représente le problème le plus observé (15%), les autres pourcentages sont<br />

aussi plutôt faibles : 4% les blessures, et pour le reste, au maximum 2%. En considérant le<br />

sexe et les groupes d’âges, nous trouvons toujours que les problèmes de santé sont plus<br />

fréquents chez les garçons que chez les filles, et ils augmentent au fur et à mesure de l’âge, les<br />

enfants les plus concernés étant les garçons de 15 à 17 ans. Par exemple, chez les garçons de<br />

cette tranche d’âges, 17% ont eu mal au dos ou des douleurs musculaires, et 6% des<br />

blessures ; et chez les filles, respectivement 14 et 2%.<br />

Apparemment, les enfants travailleurs non familiaux souffrent davantage de problèmes à<br />

cause du travail que les travailleurs familiaux. Mais, à l’évidence, le lien de parenté ne<br />

garantit pas non plus l’absence des problèmes. Or, l’idée de vulnérabilité qui entoure les filles,<br />

qui sont souvent éloignées des activités physiques, les protège sûrement de ce type de<br />

problèmes de santé, plus récurrents chez les garçons.<br />

Parmi nos interviewés, nous avons aussi constaté que les problèmes survenus à cause du<br />

travail sont rares, mais, ces enfants ont la caractéristique de réaliser des activités plutôt<br />

368


simples, peu risquées, et peu physiques. Ils ont tous comme priorité les études, car ils veulent<br />

réussir une carrière universitaire, et le travail est secondaire dans leurs vies. En effet, tout est<br />

organisé autour du temps scolaire, et le temps de jeu est plus ou moins respecté. Alors, la<br />

performance scolaire et la santé des enfants sont rarement mises en jeu. En général, les<br />

parents y veillent de très près, comme nous l’avons montré auparavant. Cependant, nous<br />

avons trouvé que, lorsqu’il s’agit d’un travail qui demande un effort physique important,<br />

même si celui-ci est sporadique, les enfants n’hésitent pas à se plaindre de fatigue ou même de<br />

douleurs musculaires :<br />

« C’est parfois fatigant, parfois non. Je jette seulement une pelletée et je reste ainsi un petit peu, je jette<br />

une autre et, je reste ainsi un petit peu plus, et ainsi de suite. Pour éviter d’avoir mal au dos. Lorsque<br />

j’ai fait trop, comme je me baisse ainsi, j’ai mal. Et lorsque je commence à avoir mal mon papa<br />

m’allonge dans le camion, et il me masse. Et j’y reste. (…) Parfois c’est dur, quand il y a beaucoup de<br />

pierres. (...) Mon père me demande si je suis fatigué, et je dis oui. Il me dit : alors, va au camion et dors<br />

un petit peu. Et je l’attends là-bas. » […] « Parfois j’ai mal, mais maintenant presque pas. Je dis que je<br />

me suis déjà habitué. » 446 (Pedro, 8 ans, rémunéré. Il travaillait à sa demande, de temps en temps,<br />

comme pelleteur avec son père aux chantiers.)<br />

« Auparavant, ma cousine seule le lavait (le comal), mais elle se fatiguait beaucoup. Alors, on m’a dit si<br />

je voulais l’aider ; et j’ai dit oui. » […] « Je mets environ une heure. Ça dépend, si j’ai la flemme je mets<br />

beaucoup de temps. Mais sinon, ben, je le lave rapidement. » 447 […] « Oui (laver le comal me plaît).<br />

Ben, un petit peu, cela dépend, parce que parfois j’ai trop la flemme, mais parfois non. Parce que<br />

parfois je ne me sens pas bien ou comme ça, et je dois le laver. Eh ben, je le lave. » 448 (Sandra, 12<br />

ans, travailleuse familiale et non familiale. Elle et sa cousine, du même âge, lavaient un grand comal (à<br />

peu près 1m²) qui servait à leur grand-mère dans son travail. Les filles étaient rémunérées pour ce<br />

travail. 449 Elles le lavaient à leur tour, une semaine sur deux, dans la cour de chez elles. Elles et sa<br />

grand-mère vivaient dans le même lot, propriété de leurs grands-parents, mais chaque famille dans son<br />

propre logement).<br />

Les récits de ces enfants montrent la pénibilité de certaines activités, qui peuvent affecter plus<br />

ou moins l’état de bien-être des enfants, mais aussi, le fait que les parents essayent de limiter<br />

les « dégâts » à leur façon. Par exemple, la mère de Sandra s’est mise d’accord avec la grand-<br />

446<br />

« Luego es cansado, pero luego no. Solamente echo un palazo y me quedo así tantito, echo otro palazo y me<br />

quedo otro ratito, y así. Para que no me duela mi espalda. Cuando he hecho mucho, como me agacho así, me<br />

duele. Y cuando me empieza a doler mi papá me acuesta en el camión, y me soba. Y ahí me quedo. (…) A veces<br />

es pesado, cuando hay muchas piedras. (...) Me dice mi papá que si ya me cansé, y yo le digo que sí. Y me<br />

dice: pues vete al camión y aunque sea duérmete tantito. Y ahí lo espero.» [...] « A veces me duele, pero ya casi<br />

no. Yo digo que ya me acostumbré. »<br />

447<br />

« Antes mi prima nada más lo lavaba, pero se cansaba mucho. Y me dijeron que si le ayudaba, y yo dije que<br />

sí. » […] « Me tardo como una hora. Depende, es que si tengo flojera me tardo mucho. Pero si no, pues rápido lo<br />

lavo. »<br />

448<br />

« Sí. Bueno un poquito, depende, es que luego me da mucha flojera, pero luego no. Es que luego me siento<br />

mal o así, y lo tengo que lavar. Y pues lo lavo. »<br />

449<br />

Il faut souligner que le comal sert à frire des aliments à base de pâte de farine de maïs, alors après utilisation<br />

intensive pendant toute la journée de travail, il reste imprégné de la graisse brûlée avec des restes de nourriture.<br />

Ainsi, le lendemain, au moment de le laver, ce n’est pas évident d’enlever la graisse collée.<br />

369


mère pour qu’elle fasse ce travail par relais, afin de laisser un temps de repos aux filles, et de<br />

diminuer la fatigue. Cependant, les parents ne les mettent pas totalement à l’abri, en les<br />

empêchant de le faire, peut-être parce que ces problèmes sont perçus comme ordinaires,<br />

temporaires, en tout cas, sans conséquences graves, car les enfants mènent une vie<br />

quotidienne sans problèmes de santé. Une telle subjectivité est à la base des controverses qui<br />

existent autour du travail des enfants, car ce qui est « inapproprié » pour les enfants n’est pas<br />

universel.<br />

Pour compléter l’analyse sur les conséquences du travail extradomestique, nous allons<br />

discuter sur les possibles conséquences d’un éventuel arrêt du travail de la part de ces<br />

enfants. 450 Une question incluse dans le MTI, où les possibilités de réponse proposées dans le<br />

questionnaire sont :<br />

1) On devrait embaucher quelqu’un d'autre pour le remplacer,<br />

2) le revenu économique du ménage serait affecté,<br />

3) il n’aurait pas d’argent pour continuer les études,<br />

4) il n’aurait pas suffisamment d’argent pour l’habiller ou le chausser,<br />

5) il n’apprendrait pas un métier manuel (oficio),<br />

6) il n’aurait pas d’argent pour son propre divertissement,<br />

7) il retournerait à l’école,<br />

8) il se consacrerait aux tâches domestiques chez lui,<br />

9) il deviendrait une personne irresponsable,<br />

10) il serait un fainéant (tomberait dans les vices),<br />

11) autre,<br />

12) rien,<br />

13) je ne sais pas.<br />

Il faut dire que les résultats illustrent plutôt le point de vue des parents qui sont ceux qui<br />

répondent souvent aux enquêteurs.<br />

Chez les travailleurs extradomestiques familiaux, l’arrêt du travail n’aurait pas d’importance<br />

pour la plupart : il ne se passerait « rien » dans 63% des cas. Mais, il s’avère que pour 4% de<br />

ces enfants les revenus du ménage seraient touchés, et pour 7% la famille serait obligée<br />

d’embaucher quelqu’un pour le remplacer. C’est-à-dire qu'en termes pratiques, dans les deux<br />

450 Question 10c du questionnaire pour les 5 à 11 ans et question 7c du questionnaire pour les 12 à 17 ans : Que<br />

se passerait-il si X quittait son travail ? (Voir Annexe II.2).<br />

370


cas, les conséquences concernent directement une réduction des revenus du ménage. Pour les<br />

autres enfants, les préjudices seraient plutôt individuels, mais de divers types : 3% ne pourrait<br />

pas s’habiller et se chausser (ce qui montre qu’une partie des enfants travaillent pour<br />

s’habiller, une aide très importante aux parents), 451 et 3% n’auraient pas d’argent pour<br />

s’amuser ; 3% n’apprendraient pas un métier manuel ; 5% deviendraient des fainéants ; 4%<br />

deviendraient des personnes irresponsables. Par contre, 1% pourrait retourner à l’école.<br />

Apparemment, le travail familial n’est pas fréquemment une activité fondamentale pour le<br />

ménage et pour la plupart des enfants, au moins en matière de survie. Il faut rappeler que la<br />

plupart de ces enfants travailleurs n’ont pas de revenu (74%). Et, parmi ceux qui ont un<br />

revenu, 69% n’apporte rien au ménage, 18% moins de la moitié de leur revenu, 7% la moitié<br />

ou plus, et seulement 6% apporte tout à la famille.<br />

Chez les travailleurs extradomestiques non familiaux, les implications sont un peu plus<br />

importantes, même si dans 45% des cas, il ne se passerait « rien ». Pour le reste, les dégâts<br />

seraient plutôt individuels : 12% n’aurait pas d’argent pour acheter des vêtements ou des<br />

chaussures ; 7% n’auraient pas d’argent pour leur propre divertissement ; 6% deviendraient<br />

des fainéants ; et 5% n’auraient pas d’argent pour continuer leurs études. Cependant, pour<br />

certains, le travail des enfants représente une activité importante pour les conditions familiales<br />

de vie : pour 15% le revenu du ménage serait touché. Par contre, pour d’autres enfants le<br />

travail représente un empêchement à la scolarité, car 4% d’enfants retourneraient à l’école,<br />

des résultats qui s'accordent au fait que la plupart des travailleurs extradomestiques non<br />

familiaux sont rémunérés (96%). Pourtant, les revenus sont utilisés surtout à titre personnel :<br />

36% n’apporte rien au ménage, 37% apporte moins de la moitié de son revenu, 24% au moins<br />

la moitié et seulement 3% tout. Bien évidemment, certaines de ces conséquences peuvent<br />

peser lourd sur la vie des enfants, voire des familles, tandis que d’autres ne seraient pas<br />

déterminantes pour le bien-être de l’enfant.<br />

Néanmoins, ce qui est très révélateur en matière des conséquences probables de l'arrêt du<br />

travail est la différence par sexe (Tableau 35). A l’évidence, d’après les parents, la<br />

participation de filles et de garçons n’a toujours ni la même valeur, ni la même signification.<br />

Par exemple, pour les deux sexes, l’arrêt du travail n’aurait aucune conséquence (« rien »)<br />

451 Selon nos entretiens, l’argent que gagnent les enfants sert à acheter des vêtements et des chaussures de<br />

marque, et non pas forcément de quoi s’habiller. Ainsi, il n’est pas possible de savoir si cette réponse dans le<br />

MTI correspond à cette situation particulière.<br />

371


dans la plupart des cas. Cependant, ce sont les filles qui se trouvent davantage dans une telle<br />

situation. L’on dirait que leur travail est considéré sans importance, vu de l’extérieur. Or,<br />

certains préjugés de genre sont aussi clairs, comme le fait que ce sont surtout les garçons qui<br />

pourraient devenir des fainéants ou des vicieux, tandis que ce sont les filles qui se<br />

consacreraient davantage que les garçons au travail domestique familial. D’ailleurs,<br />

l’économie familiale serait plus touchée par la perte du travail des filles que des garçons<br />

(notamment dans le travail familial). Tandis que les « dégâts » individuels et « superflus »<br />

sont plus importants chez les garçons, comme dans le cas du divertissement. Enfin, de faibles<br />

différences par sexe s’observent par rapport au travail comme moyen pour fréquenter l’école ;<br />

ce sont un peu plus fréquemment les filles qui travaillent pour continuer leurs études. Par<br />

contre, ce sont plutôt les garçons qui retourneraient à l’école dans le cas de ne pas travailler.<br />

Mais, par rapport à ce dernier constat, il est difficile de dire s’il s’agit d’une situation<br />

souhaitable par l’enfant, car c’est l’un des parents qui répond.<br />

Tableau 35. Répartition (%) des enfants travailleurs extradomestiques selon les conséquences<br />

d’un éventuel arrêt de travail, par type de travail et par sexe<br />

Travailleurs extradomestiques<br />

372<br />

Conséquences<br />

Familiaux Non familiaux<br />

Garçons Filles Garçons Filles<br />

On devrait embaucher quelqu’un pour le remplacer 7,7 6,7 0,0 0,0<br />

Le revenu économique du ménage serait affecté 2,4 6,2 14,2 15,3<br />

Il n’aurait pas d’argent pour continuer les études 0,4 0,1 4,2 6,4<br />

Il n’aurait pas suffisamment d’argent pour l’habiller ou<br />

3,5 2,0 12,2 11,2<br />

lui chausser<br />

Il n’apprendrait pas un métier manuel 2,6 3,2 0,9 0,3<br />

Il n’aurait pas d’argent pour son propre divertissement 4,3 0,5 8,8 4,9<br />

Il retournerait à l’école 1,9 0,3 4,9 1,9<br />

Il se consacrerait aux tâches domestiques chez lui 0,5 5,0 0,8 3,5<br />

Il deviendrait une personne irresponsable 4,3 3,8 1,7 0,8<br />

Il deviendrait un fainéant (vicieux) 8,1 1,8 6,6 0,8<br />

Autre 4,7 2,8 2,6 3,5<br />

Rien 59,4 67,1 42,5 51,1<br />

Je ne sais pas 0,2 0,4 0,6 0,1<br />

Total<br />

100,0<br />

(190 383)<br />

100,0<br />

(162 310)<br />

100,0<br />

(382 938)<br />

100,0<br />

(193 928)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

En toute cohérence avec les réponses du MTI, à travers nos entretiens, nous observons que le<br />

travail de certains enfants est important pour les familles. Et même si la survie n’en dépend<br />

pas, dans ces cas concrets, la participation active des enfants contribue quotidiennement à la<br />

vie du ménage. En général, la contribution n’est pas directement un apport économique, sinon<br />

que grâce au travail des enfants, les revenus du ménage ne diminuent pas. Mais, pour la


plupart, les enfants interviewés travaillent pour des raisons personnelles et plutôt superflues,<br />

ainsi, un éventuel arrêt de leur travail serait préjudiciable surtout en termes personnels pour<br />

l’enfant qui ne pourrait plus acheter, par exemple des vêtements et des chaussures de marque,<br />

des téléphones portables, des jeux vidéo, voire des bonbons et de petits « caprices ». En plus,<br />

nous trouvons aussi que certains enfants travaillent afin d’apprendre un métier manuel, mais<br />

dans la plupart de cas, le travail actuel est considéré plus comme un passe-temps d’enfance,<br />

une simple distraction, que le début d’une carrière professionnelle. En effet, la majorité des<br />

enfants sont scolarisés et souhaiteraient réussir une formation universitaire, ou en tout cas, ne<br />

pas suivre les pas de leurs parents, qui sont presque tous peu scolarisés et qui ont des emplois<br />

peu qualifiés. Enfin, nous trouvons dans les récits des enfants travailleurs l’idée qui lie le fait<br />

de ne pas travailler avec celle d'être une personne paresseuse ou irresponsable, une perception<br />

qui montre que le travail des enfants n’a pas perdu sa qualité historique d’ennoblir les<br />

personnes, au moins dans les secteurs populaires urbains, ce qui est favorable au<br />

développement de cette pratique (Sosenski, 2010).<br />

Pour finir avec ce chapitre nous allons discuter maintenant sur l’un des points les plus<br />

controversés au sujet du travail des enfants : la relation entre travail et scolarité. Bien que<br />

jusqu’à ce moment, les résultats, tantôt dans l’approche qualitative, tantôt dans l’approche<br />

quantitative, montrent un possible partage entre ces deux activités, il est tout à fait pertinent<br />

de regarder plus en détail la situation.<br />

IX.2. Scolarisation et travail : entre dépendance et partialité.<br />

Le travail a été fréquemment perçu comme la cause principale des problèmes liés à la<br />

scolarité : l’assiduité, la performance, l’abandon. Pourtant, nous avons constaté le caractère<br />

partiel de l’opposition présumée entre travail et scolarité : tous les enfants qui travaillent ne<br />

sont pas déscolarisés, et tous les enfants déscolarisés ne sont pas des travailleurs. Et il existe<br />

même des enfants qui peuvent continuer leurs études grâce aux revenus de leur travail. Certes,<br />

des cas existent où le travail est à l’origine de la déscolarisation, mais cela ne suffit pas pour<br />

attacher systématiquement au travail tous les problèmes liés à la scolarisation. En effet, la<br />

réalisation du travail n’est pas toujours un obstacle à la scolarisation, car deux enfants<br />

travailleurs extradomestiques sur trois sont scolarisés, et trois enfants travailleurs domestiques<br />

familiaux sur quatre (pour ceux qui travaillent 15 heures ou plus hebdomadaires). Mais, tous<br />

373


les enfants travailleurs ne forment pas un groupe homogène, et c’est pourquoi il faut observer<br />

ce qui se passe dans des conditions plus particulières.<br />

A travers l’expérience des enfants travailleurs interviewés, nous avons une approche de la<br />

perception des enfants sur la relation entre scolarité et travail. Il faut rappeler qu’il s’agit<br />

d’enfants qui ont comme activité principale les études et leur temps de travail est organisé en<br />

fonction de leur emploi de temps scolaire. A la question « Le travail a gêné ta performance<br />

scolaire ? » Ils ont répondu, par exemple :<br />

374<br />

« Non, lorsque je suis malade ou si jamais j’ai beaucoup de devoirs, je reste chez moi, il n’y a pas de<br />

problème ! Je vais chez ma tante et je lui dis : vous savez tante, je ne vais pas venir travailler, ne<br />

comptez pas avec moi, je vais faire mes devoirs, je dois aller au café internet, j’ai trop de devoirs. Elle<br />

me dit : fais tes devoirs, correctement, ne te mets pas de la pression, et si jamais tu finis avant ton<br />

heure de sortie du travail, tu peux venir et tu peux nous aider à ramasser les assiettes, et après tu<br />

manges. Et je dis : oui. » 452 (Alicia, 11 ans, travailleuse extradomestique non familiale. Elle travaillait<br />

pour sa tante qui avait un petit restaurant à côté de chez elle).<br />

« Non, c’est pareil. Moi, si j’ai des devoirs scolaires, et il (le patron) me demande de l’accompagner, je<br />

dis : je ne peux pas, et je ne vais pas. Alors il s’en va. » 453 […] « Si jamais je ne peux pas y aller, alors il<br />

(l’employeur) les met (les marchandises dans le local de l’épicerie), s’il voit que je n’arrive pas alors il<br />

commence à les mettre. » 454 (Alejandro, 14 ans, travailleur extradomestique non familial, il travaillait<br />

pour un voisin, propriétaire d'une épicerie du quartier, qui louait aussi des jeux gonflables).<br />

Il faut signaler que la plupart des interviewés considèrent que le travail n’est pas un obstacle à<br />

leur scolarisation, car ils ont des emplois flexibles et sans engagements formels. En plus, leur<br />

travail n’est pas indispensable. Cependant, pour ceux qui ont un travail « imposé » le partage<br />

entre école et travail est moins évident. C’est le cas de Karen par exemple, qui à l’âge de 14<br />

ans, joue le rôle de maîtresse de maison, en plus de poursuivre ses études. Nous avons observé<br />

que, bien que le temps scolaire soit peu touché, car elle continue ses études et apparemment<br />

elle arrive à accomplir ses devoirs comme auparavant, c’est le temps périscolaire, le temps<br />

libre ou le temps de repos, qui sont en jeux, et qui affectent la vie de cette fille :<br />

« Parfois lorsque je me couche tard (le lendemain) j’ai les yeux cernés et je me sens fatiguée. (Elle doit<br />

452<br />

« No, cuando estoy enferma o si tengo mucha tarea me quedo en casa ¡no hay problema! Yo voy y le digo:<br />

sabe que tía, no voy a venir, no cuente conmigo, voy a hacer mi tarea, tengo que ir a Internet, me dejaron mucha<br />

tarea. Me dice: ponte a hacer tu tarea, bien hechesita, no te presiones nada, y si terminas antes de que salgas de<br />

trabajar supuestamente, puedes venir y ya nos ayudas a recoger los platos y después tú ya comes. Y digo: sí. »<br />

453<br />

« No, yo estoy igual. Yo, si tengo tarea, y él me dice: acompáñame, yo le digo: no puedo, y pues no voy.<br />

Entonces, él se va. »<br />

454<br />

« Si no puedo ir pues ya las mete (las mercancías de la tienda), si ya ve que no llegué, pues las empieza a<br />

meter. »


se lever de bonne heure pour faire le ménage et préparer ses cadets qui partent à l’école). Mais après,<br />

dès que j’arrive à l’école, si je me sens fatiguée, après, dans l’après-midi, je commence à sentir que je<br />

suis en train de me réveiller. » 455 […] « Ben, au début je sentais que c’était trop de pression, ainsi : je<br />

dois faire ceci et cela… Mais maintenant, je me suis déjà habituée. Et même parfois j’ai l’impression<br />

que le temps est plus long. Lorsque je n’ai pas de devoirs scolaires, je dis : ah, quel repos ! Maintenant,<br />

je vais me coucher pour regarder la télé. Parce que parfois je ne peux pas la regarder. Mais quand je<br />

ne vais pas à l’école ou ça, je me mets à jouer ou à les aider (ses cadets). J’ai plus du temps pour moi.<br />

Vraiment, je ne sais pas, l’on dirait que (pour accomplir cette responsabilité) j’utilise le temps que je<br />

n’utilisais pas. » 456<br />

Une situation qui pourrait bien être à l’origine de la déscolarisation. Car il serait plus facile<br />

d’abandonner l’école, même temporairement, que de laisser tomber la famille face à une<br />

situation délicate qui demande d’une attention immédiate. En effet, comme nous l’avons<br />

montré plus haut, elle est même prête à renoncer à ses études pour soutenir ses cadets. Or, au<br />

fur et à mesure que ses cadets grandiront, ils seront plus autonomes et peut-être partageront<br />

avec elle les tâches ménagères, en lui laissant un peu plus de temps pour elle. Ainsi, la facilité<br />

du partage entre travail domestique familial et scolarité dépend beaucoup du cycle de vie<br />

familiale, ainsi que des multiples conditions de l'environnement familial, comme la<br />

composition du couple parental, la scolarité des parents, la position socioéconomique, etc.,<br />

comme nous l’avons montré dans les chapitres antérieurs.<br />

D’ailleurs, au-delà du travail, nous avons trouvé que certaines difficultés d’adaptation à la vie<br />

scolaire, ainsi que des défaillances familiales, peuvent entraîner les enfants à avoir de mauvais<br />

résultats à l’école, comme dans le cas de Felipe âgé de 14 ans. Depuis son entrée en primaria,<br />

il cumule des problèmes et un certain scepticisme pour le système scolaire — il a évoqué<br />

comment la possession d’un diplôme ne garantit plus l’obtention d’un bon travail. Il faut dire<br />

que pendant les premières années de primaria, c’était son frère aîné qui s’occupait de lui et de<br />

son autre frère, car ses deux parents (maçon et femme de ménage) était absents la plupart de<br />

la journée. C’est son frère aîné qui l’a toujours aidé à faire ses devoirs lorsqu’il a des doutes.<br />

Il reconnaît que son travail affecte sa performance scolaire, même s’il a eu toujours des<br />

455 « Sí, a veces cuando me duermo tarde, sí traigo las ojerotas y me siento cansada. Pero ya después de que llego<br />

a la escuela, y si me siento cansada, ya después, en eso que es la tarde ya me empiezo a sentir como que ya estoy<br />

despertando. »<br />

456 « Bueno, al principio sí sentía que era mucha presión, así de: que tengo esto, y lo otro... Pero ya ahorita ya me<br />

acostumbré. Y ya hasta veo que a veces ya me dura más el tiempo. Cuando no tengo tarea sí digo: ah, qué<br />

descanso, ahorita me voy a acostar a ver la tele. Porque a veces no la puedo ver. Pero sí cuando no voy a la<br />

escuela, o algo así, ya me pongo a jugar o a ayudarles. Ya tengo más tiempo para mí. Realmente, no sé, como<br />

que me quita el tiempo que a veces tengo, que no lo tengo utilizado. »<br />

375


problèmes de résultats et de comportement à l'école. Ainsi, à la question : « As-tu eu des<br />

difficultés à cause de ton travail ? », il a répondu :<br />

376<br />

« Pas beaucoup, mais oui. Je n’aime pas faire les devoirs, mais j’aime aller à l’école » […] « Oui, parce<br />

que je ne faisais pas mes devoirs. J’avais du temps et tout, mais, je ne sais pas, j’avais la<br />

flemme. Parfois, je les faisais à l’école. » […] « J’ai redoublé une classe deux fois, j’ai fini la ’primaria’<br />

vers 14 ans (on est censé finir à 12 ans). J’ai redoublé la première et la cinquième année. <strong>La</strong> première<br />

année, je ne me souviens pas pourquoi, mais la cinquième année parce que parfois je n’y allais pas, et<br />

voilà, par une mauvaise conduite. Je me conduisais mal, ben, toujours, mais moins. Maintenant au<br />

collège je vais mal, j’aime étudier, mais je fais plus de bêtises que d’étudier. » 457<br />

Et malgré ses problèmes scolaires, il continue ses études, d’une part, obligé par ses parents, et<br />

d’autre part, parce qu’il pense que pour « réussir dans la vie », pour « être quelqu’un », il doit<br />

au moins finir la scolarisation obligatoire. C'est pourquoi probablement il a toujours aimé<br />

travailler, et a cherché à tout prix à apprendre un métier, en se préparant peut-être à quitter<br />

l’école dès que possible. Dans ce cas, il est difficile de dire jusqu’à quel point le travail est un<br />

obstacle à sa performance scolaire, car il avait des problèmes scolaires avant de travailler.<br />

Cette situation n’est pas exceptionnelle, si l’on en croit les résultats du MTI sur les raisons de<br />

l’abandon scolaire, où 7% des enfants urbains âgés de 6 à 17 ans déscolarisés ont abandonné<br />

l’école à cause d’un redoublement de classe ou de mauvais comportement (soit près de 64 000<br />

enfants). Là, le travail devient une option à la déscolarisation, voire à la déscolarisation<br />

potentielle vécue au quotidien par les enfants qui trouvent des difficultés à s’adapter au<br />

système scolaire, sans autres alternatives de formation.<br />

Les conséquences du travail en général, mais concrètement les conséquences sur la<br />

scolarisation, dépendent du type de travail réalisé, mais surtout du temps qui lui est consacré.<br />

<strong>La</strong> dynamique de vie des enfants qui travaillent sporadiquement, sans horaire fixe, pendant les<br />

vacances, les week-ends est sûrement différente des enfants qui ont un travail à plein temps,<br />

ou même à mi-temps. C’est-à-dire que le temps consacré au travail devient un facteur<br />

fondamental pour la possibilité de combinaison des activités. C’est pourquoi nous ferons des<br />

analyses entre le niveau de déscolarisation et les résultats scolaires, selon le temps de travail<br />

et le type de travail. Néanmoins, l’information disponible ne permet pas de savoir depuis<br />

457 « No mucho, pero sí. No me gusta hacer tareas, aunque sí me gusta la escuela. » […] « Sí, porque no hacía<br />

tarea. Sí me daba tiempo y todo, pero, no sé, me daba flojera. Luego la hacía en la escuela. » […] « Reprobé dos<br />

años, terminé la primaria como a los 14. Reprobé primero y quinto. En primero no me acuerdo por qué, pero en<br />

quinto porque luego no iba, o algo así, por mala conducta. Me portaba mal, bueno todavía, pero ya menos. Ahora<br />

en la secundaria voy mal, sí me gusta estudiar, pero es que hago más despapaye que estudiar. »


quand ces enfants travaillent ou sont déscolarisés, une information forte importante pour<br />

déterminer le rôle causal du travail sur les problèmes scolaires. Nous avons juste des données<br />

du moment, qui font un portrait de la semaine de référence à l’enquête. Alors, le sens de la<br />

causalité du travail sur la scolarisation est difficile à mesurer dans ces conditions, et nous ne<br />

pouvons que nous contenter de parler en termes de « relation » entre le travail et la<br />

déscolarisation.<br />

IX.2.1. <strong>La</strong> déscolarisation : une question de temps.<br />

<strong>La</strong> déscolarisation est une question de temps dans deux sens : chronologique, soit l’âge<br />

biologique ; et de l’utilisation du temps, soit le temps consacré au travail. Mais, est-ce que ce<br />

temps a les mêmes implications pour tous les enfants, par sexe, et pour les trois types de<br />

travail : domestique familial, extradomestique familial et extradomestique non familial ?<br />

Il existe une relation directe entre travail et déscolarisation selon les âges qui est liée à un<br />

processus normal du développement des personnes, mais aussi aux contraintes imposées par<br />

les conditions macrosocioéconomiques. Au fur et à mesure que l’âge augmente, les EAJ sont<br />

de plus en plus déscolarisés, mais avec une tendance qui s’accentue à partir de l’âge de 14<br />

ans, lorsque l’école n’est plus obligatoire et le travail formel est légal. Or, selon les données<br />

du MTI, filles et garçons travailleurs ne font pas face à la déscolarisation de la même manière.<br />

Bien que la déscolarisation soit en relation directe avec l’âge, le sexe est aussi important, car,<br />

ce sont les garçons qui subissent plus cette situation que les filles. Il faut noter que parmi les<br />

travailleurs extradomestiques familiaux âgés de 6 à 11 ans, tous sont scolarisés. C’est-à-dire<br />

que la fréquentation de la primaria est accomplie. Par contre, parmi les travailleurs<br />

extradomestiques non familiaux la déscolarisation s’observe très tôt, 4% des garçons et 8% de<br />

filles de 6 à 11 ans sont déscolarisés, il s’agit peut-être d’enfants jamais scolarisés. Une<br />

situation semblable se trouve chez les travailleurs domestiques familiaux, qui dès un très<br />

jeune âge peuvent souffrir l’abandon scolaire : 3% chez les garçons et 6% chez les filles de 6<br />

à 11 ans. Par ailleurs, le niveau de déscolarisation des garçons âgés de 15 à 17 ans travailleurs<br />

extradomestiques non familiaux est frappant : 62%, des enfants qui ont atteint au maximum<br />

une scolarisation du premier cycle, vu leur âge. Donc ils ont fini au maximum la scolarité<br />

obligatoire, un niveau de scolarité faible qui peut avoir des conséquences lourdes sur l’avenir<br />

de ces enfants. Cette situation est moins fréquente chez les filles, mais pas négligeable (48%).<br />

377


Or, la relation entre déscolarisation et travail est difficile à établir, car, parfois le travail est<br />

une cause, mais parfois il est une conséquence de la déscolarisation. En tout cas, pour une<br />

partie importante des jeunes, à partir de 15 ans, ou même avant, la place privilégiée des études<br />

est remplacée par le travail dans leur vie quotidienne.<br />

Pour avoir une approche plus détaillée sur la relation entre la déscolarisation et le type travail<br />

par âges et par sexe, nous présentons le graphique 23. Nous observons que chez les garçons, il<br />

y a certains cas de travailleurs déscolarisés à un jeune âge, pourtant, la déscolarisation<br />

concerne surtout les 12 ans ou plus, soit à partir de la fin de la primaria. Les garçons les plus<br />

fréquemment déscolarisés sont les travailleurs extradomestiques non familiaux, qui présentent<br />

une tendance progressive à la hausse avec l’âge, ils passent de 9% chez les 12 ans jusqu’à<br />

72% chez les 17 ans, c’est-à-dire qu'à 17 ans seulement un travailleur extradomestique non<br />

familial sur quatre est scolarisé. Ensuite, ce sont les travailleurs extradomestiques familiaux<br />

qui sont touchés par la déscolarisation, mais ils le sont seulement à partir de 12 ans, sans une<br />

relation directe avec l’âge. Chez les plus âgés, de 15 à 17 ans, la proportion de déscolarisation<br />

arrive à 36% en moyenne, soit deux sur trois sont scolarisés. Enfin, les travailleurs<br />

domestiques familiaux sont les moins concernés par la déscolarisation, laquelle s’observe<br />

surtout à partir de 14 ans, même si des cas existent avant cet âge. De manière générale, il<br />

existe une tendance croissante avec l’âge. Ainsi, les 17 ans arrivent presque à 40% de<br />

déscolarisés.<br />

Chez les filles, la situation est un peu différente (Graphique 23). D’abord, les plus touchées<br />

par la déscolarisation sont aussi les travailleuses extradomestiques non familiales, mais il n’y<br />

a pas une relation nette avec l’âge, même si les niveaux de déscolarisation grimpent à partir de<br />

14 ans, pour toucher à peu près 44% en moyenne entre 14 et 17 ans. Ensuite, ce sont les<br />

travailleuses domestiques familiales les plus concernées, avec une tendance croissante avec<br />

l’âge à partir de 12 ans. Elles passent de 5% à 12 ans à 44% de déscolarisées à 17 ans. Enfin,<br />

les travailleuses extradomestiques familiales sont les moins touchées, elles ne connaissent la<br />

déscolarisation qu’à partir de 12 ans, avec un maximum à 16 ans (34%). Il faut signaler qu'à<br />

16 ans, l'on trouve la plus forte déscolarisation chez les filles, pour tous les types de<br />

travailleuses (46% en moyenne), et ensuite la déscolarisation semble diminuer. Les enfants<br />

étant censés finir l’école basique à 15 ans, il est possible qu’en finissant cette obligation<br />

scolaire, certaines filles, de gré ou de force, abandonnent l’école pour essayer d’autres<br />

options, lesquelles peuvent dans certains cas ne pas être meilleures que l’école, et alors, elles<br />

378


eprennent leurs études l’année suivante. En conclusion, le travail extradomestique non<br />

familial est celui où le partage avec la scolarisation se fait le plus rare, pour les filles et les<br />

garçons. Après, pour les autres types de travail cela dépend du sexe, et de l’âge aussi.<br />

Graphique 23. Proportion (%) des EAJ déscolarisées par sexe et âges, selon le type de travail<br />

% déscolarisation<br />

% déscolarisation<br />

80,0<br />

70,0<br />

60,0<br />

50,0<br />

40,0<br />

30,0<br />

20,0<br />

10,0<br />

0,0<br />

80,0<br />

70,0<br />

60,0<br />

50,0<br />

40,0<br />

30,0<br />

20,0<br />

10,0<br />

0,0<br />

Garçons<br />

6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

Ages<br />

Travailleurs domestiques familiaux (>=15h) Travailleurs extradomestiques familiaux<br />

Travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

Filles<br />

6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17<br />

Ages<br />

Travailleurs domestiques familiaux (>=15h) Travailleurs extradomestiques familiaux<br />

Travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

379


Les raisons de l’abandon scolaire peuvent aider à expliquer les différentes tendances par sexe<br />

et type de travail. En général, la déscolarisation, pour les deux sexes, a pour cause surtout des<br />

problèmes personnels : soit l’enfant n’aime pas l’école, soit il a des problèmes d’adaptation ou<br />

de performance. Mais le manque d’argent, qui est associé à un problème de type familial, est<br />

aussi parmi les raisons les plus importantes. En effet, ce sont les trois motifs les plus fréquents<br />

de l’abandon scolaire. Or, l’importance de chaque cause est variable selon le sexe d’Ego et le<br />

type de travail réalisé.<br />

<strong>La</strong> situation des travailleurs domestiques familiaux présente des particularités très marquées<br />

selon le sexe. Chez les garçons, la raison la plus importante reste le manque d’intérêt pour les<br />

études, mais la proportion (38,9%) est notablement plus faible que pour les travailleurs<br />

extradomestiques (62% chez les travailleurs familiaux et 58% chez les non familiaux).<br />

Ensuite, ce sont des mauvais résultats scolaires ou des problèmes d’adaptation au système<br />

scolaire qui motivent la déscolarisation (16,6%). Le manque d’argent pour payer l’école<br />

représente la troisième cause. D’autres motifs, qui peuvent s’avérer de type<br />

temporaire, comme une maladie ou un accident (4,1%), ainsi que la migration familiale de<br />

travail (2,8%), ont des pourcentages plus élevés que dans les autres types de travail. Chez les<br />

filles, la principale cause est aussi le manque d’intérêt pour les études (40,4%). Ensuite, c’est<br />

le manque d’argent pour payer l’école qui est assez important (23,4%). Un peu plus loin, les<br />

mauvais résultats et les problèmes d’adaptation au système scolaire sont à la base de la<br />

déscolarisation chez les filles (10,7%). Les grossesses et les unions présentent une proportion<br />

plus élevée que dans les autres groupes de travailleurs, même si elle reste faible (3,5%) ; de<br />

même que le manque des personnes du ménage pour faire les tâches domestiques et s’occuper<br />

d’autres membres (2,9%) (Tableau 36).<br />

Chez les travailleurs extradomestiques familiaux, la plupart ont abandonné l’école pour des<br />

raisons personnelles, notamment parce qu’ils n’aiment pas étudier (62,4% chez les garçons et<br />

58,4% chez les filles), les problèmes économiques familiaux perdant de l’importance<br />

(Tableau 36). Ceci suppose que ce sont plutôt les enfants qui décident de quitter l’école de<br />

leur plein gré, avec une grande liberté, et que les parents jouent un rôle assez discret, en les<br />

laissant s’investir dans le travail familial, plutôt que de continuer leurs études. Apparemment,<br />

il s’agit d’un abandon définitif. Or, étant donné que ce sont les parents qui répondent à<br />

l’enquête, il est difficile de savoir si les réponses correspondent à ce que pense l’enfant<br />

380


concerné ou seulement le parent, qui en l’occurrence est l’employeur ou le conjoint de<br />

l’employeur.<br />

Enfin, les travailleurs extradomestiques non familiaux présentent les pourcentages les plus<br />

importants d’EAJ non scolarisés. Chez les filles, la déscolarisation est moins liée à des<br />

problèmes individuels en comparaison avec les autres types de travailleurs, même si le<br />

désintérêt pour l’école reste la raison principale (35,7%) ; par contre, les problèmes de type<br />

familial, comme le manque d’argent pour payer l’école (28,7%) prennent de l’importance.<br />

Malgré la forte tendance à éloigner les filles du monde du travail extradomestique non<br />

familial, en cas d’une situation familiale (économique) délicate, elles travailleront. Chez les<br />

garçons, 70% sont déscolarisés à cause de problèmes personnels, notamment parce qu’ils<br />

n’aiment pas étudier (58,4%) ou parce qu’ils ont eu des mauvais résultats ou une mauvaise<br />

conduite (8,9%). Et 13,2% parce que leur famille n’avait pas d’argent pour payer l’école.<br />

Globalement, nous pouvons dire que la déscolarisation est souvent liée à des problèmes<br />

économiques familiaux, lesquels ne sont pas forcément associés à une situation de pauvreté<br />

(Tableau 36). Par exemple, au cas où il n’y a pas d’argent pour payer l’école, nous avons déjà<br />

signalé que l’offre scolaire après l’enseignement obligatoire est limitée, alors la suite des<br />

études demande parfois d’inscrire les EAJ en école privée, une dépense qui n’est pas toujours<br />

possible.<br />

De ces résultats, nous pouvons supposer qu’une partie importante de ces enfants ne<br />

retourneront pas à l’école. Selon les données du MTI, chez les enfants travailleurs actuels, un<br />

éventuel abandon du travail n’aurait pas forcément des effets positifs sur la scolarisation des<br />

enfants : chez ceux qui sont scolarisés, 4,5% ne pourraient pas continuer l'école ; par contre,<br />

chez ceux qui sont déscolarisés, seulement 6,5% retourneraient à l’école. Dans ce sens, Knaul<br />

(2000, cité in Mier y Terán et Rabell, 2004) a montré que même s’il existe une grande<br />

mobilité des enfants entre leurs activités, lorsque l’enfant travaille de manière exclusive le<br />

retour à l’école est peu fréquent.<br />

381


Tableau 36. Répartition (%) de la population urbaine de 6 à 17 ans qui ne fréquente pas l’école,<br />

selon les raisons de déscolarisation par type de travail, pour les deux sexes<br />

382<br />

Raisons de déscolarisation<br />

Garçons<br />

Total : non<br />

scolarisés 3<br />

Domestique<br />

familial 4<br />

Type de travail<br />

Extradomestique<br />

familial<br />

Extradomestique<br />

non familial<br />

Associées à l’offre<br />

L’école est loin 1,0 0,8 0,1 0,8<br />

Autres 1 1,8 0,7 0,4 2,5<br />

Individuelles<br />

Il (elle) a redoublé l’année ou a été<br />

expulsé(e) ou suspendu(e)<br />

13,2 16,6 16,5 8,9<br />

Il (elle) n’aime pas étudier 47,2 38,7 62,4 58,4<br />

L’école n’est pas utile pour le futur 0,1 0,4 0,0 0,2<br />

Maladie ou accident 3,1 4,1 0,9 0,7<br />

Mariage ou union 0,6 0,2 0,0 0,9<br />

Handicap physique ou mental<br />

Familiales<br />

2,8 0,4 0,7 0,4<br />

Il n’y avait pas d’argent pour payer l’école 13,2 15,8 8,1 13,2<br />

Il était nécessaire d’apporter de l’argent à la<br />

maison<br />

2,7 0,7 1,2 4,8<br />

Il n’y avait personne d'autre pour faire les 0,3 1,4 0,3 0,1<br />

tâches domestiques 2<br />

Le père ou le tuteur ne le permet pas 0,3 0,2 0,2 0,2<br />

Migration familiale de travail 1,0 2,8 0,7 0,0<br />

Autres 12,7 17,3 8,4 8,9<br />

Total %<br />

N<br />

Raisons de déscolarisation<br />

100,0<br />

(503 305)<br />

Filles<br />

Total :<br />

non<br />

scolarisés 3<br />

100,0<br />

(48 706)<br />

Domestique<br />

familial 4<br />

100,0<br />

(53 337)<br />

Type de travail<br />

Extradomestique<br />

familial<br />

100,0<br />

(220 923)<br />

Extradomestique<br />

non familial<br />

Associées à l’offre<br />

L’école est loin 1,3 1,1 0,0 0,0<br />

Autres 1 1,5 0,2 1,0 1,9<br />

Individuelles<br />

Il (elle) a redoublé l’année ou a été<br />

expulsé(e) ou suspendu(e)<br />

10,8 10,7 13,5 8,8<br />

Il (elle) n’aime pas étudier 35,1 40,4 58,4 35,7<br />

L’école n’est pas utile pour le futur 0,1 0,0 0,0 0,1<br />

Maladie ou accident 2,6 1,5 0,0 0,7<br />

Grossesse, mariage ou union 1,9 3,5 0,8 1,6<br />

Handicap physique ou mental<br />

Familiales<br />

3,5 0,8 0,3 0,1<br />

Il n’y avait pas d’argent pour payer l’école 21,5 23,4 13,2 28,7<br />

Il était nécessaire d’apporter de l’argent à la<br />

maison<br />

2,0 1,2 0,4 3,9<br />

Il n’y avait personne d'autre pour faire les 1,7 2,9 0,4 0,4<br />

tâches domestiques 2<br />

Le père ou le tuteur ne le permet pas 0,4 0,1 0,0 0,0<br />

Migration familiale de travail 1,3 0,7 0,4 0,3<br />

Autres 16,4 13,5 11,4 17,7<br />

Total %<br />

100,0 100,0<br />

100,0<br />

100,0<br />

N<br />

(382 369) (186 998) (21 792) (89 789)<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).<br />

1/ L’enfant a souffert de discrimination ou de violence dans l’école, ou l'école n'était pas un lieu sûr pour l’enfant.<br />

2/ Inclus les tâches ménagères et la garde d’autres personnes du ménage (malades, enfants, personnes âgées).<br />

3/ Tous les filles déscolarisées, y comprit celles qui ne travaillent pas.<br />

4/ Les travailleurs qui consacrent 15 heures ou plus par semaine au travail.


Par ailleurs, nous allons observer la déscolarisation selon le temps consacré aux différents<br />

types de travail par sexe. Il faut seulement signaler, pour avoir un repère, que parmi<br />

l’ensemble d’EAJ (travailleurs et non travailleurs), la déscolarisation atteint 7% (8% chez les<br />

garçons et 6% chez les filles), un pourcentage qui s’éloigne de celui qui s’observe chez les<br />

travailleurs à mesure que le temps de travail augmente (Graphique 24). Ainsi, sans aucun<br />

doute, la déscolarisation a une relation directe avec le temps de travail, même si le sens de la<br />

causalité ne peut pas être déterminé : dans quels cas est-ce le travail qui est à l’origine de la<br />

déscolarisation et dans quels cas est-ce la déscolarisation qui est à l’origine de la mise au<br />

travail ? Nos données ne nous permettent pas de répondre à une telle question, mais avec<br />

certitude, nous savons que les deux sens se présentent. Or, des différences existent selon le<br />

type de travail et le sexe d’Ego.<br />

Chez les garçons, la déscolarisation des travailleurs extradomestiques non familiaux est en<br />

général la plus élevée, pour tous les temps de travail (Graphique 24). Elle arrive à 85% chez<br />

ceux qui travaillent 40 heures hebdomadaires et plus, soit à plein temps. Ensuite, c’est le<br />

travail extradomestique familial qui atteint 77% chez les travailleurs à plein temps ; puis ce<br />

sont les travailleurs domestiques familiaux, dont la déscolarisation arrive à 20% entre 15 et 39<br />

heures hebdomadaires. Pour les garçons qui travaillent plus de 39 heures, peu nombreux, les<br />

résultats ne sont pas représentatifs, et donc ignorés sur le graphique. Or, il faut dire que parmi<br />

les travailleurs qui ont les semaines de travail les plus courtes (de 8 à 14 heures),<br />

indépendamment du type de travail, le niveau de déscolarisation n’est guère différent de celui<br />

de l’ensemble de garçons, lequel atteint 8% (qui concerne les enfants travailleurs et non<br />

travailleurs) ; et même les travailleurs extradomestiques familiaux présentent une<br />

déscolarisation assez faible (1%). Ainsi, il existe une tendance croissante de déscolarisation<br />

associée au temps de travail, sauf pour le travail domestique familial qui reste presque au<br />

même niveau à partir de 15 heures.<br />

D’ailleurs, chez les filles, la relation entre temps de travail et niveau de déscolarisation est<br />

plus nette pour les trois types de travail, avec une tendance progressive à la hausse ; mais les<br />

pourcentages sont en général moins élevés que chez les garçons. L’abandon scolaire le plus<br />

important est observé chez les travailleuses à plein temps : 77% parmi les extradomestiques<br />

non familiaux, 62% parmi les travailleurs domestiques familiaux ; et 49% parmi les<br />

travailleurs extradomestiques familiaux. Par contre, les travailleuses des trois groupes qui ont<br />

la semaine de travail la plus courte ont une déscolarisation assez proche, qui ne dépasse pas<br />

383


7%, où les travailleuses domestiques familiales l’emportent (Graphique 24), en présentant des<br />

niveaux de déscolarisation toujours supérieurs à ceux des travailleuses extradomestiques<br />

familiales. Sauf pour celles qui travaillent à plein temps, les travailleuses domestiques<br />

familiales présentent aussi une déscolarisation plus importante que les travailleuses<br />

extradomestiques non familiales, une situation presque inverse à celle des garçons.<br />

Graphique 24. Proportion (%) des EAJ déscolarisés par sexe, selon le type et le temps de travail<br />

384<br />

% déscolarisation<br />

% déscolarisation<br />

90<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

90<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

Garçons<br />

De 8 à 14h De 15 à 19h De 20 à 39h 40h et plus<br />

Temps du travail hebdomadaire<br />

Travailleurs domestiques familiaux<br />

Travailleurs extradomestiques familiaux<br />

Travailleurs extradomestiques non familiaux<br />

Filles<br />

De 8 à 14h De 15 à 19h De 20 à 39h 40h et plus<br />

Temps du travail hebdomadaire<br />

Travailleuses domestiques familiales<br />

Travailleuses extradomestiques familiales<br />

Travailleuses extradomestiques non familiales<br />

Source : MTI-ENOE, 2007 (élaboration propre).


A l’évidence, la déscolarisation est en relation directe avec le type de travail et avec le sexe de<br />

l’enfant, en plus du temps consacré au travail. Car, pour une même période de travail, la<br />

déscolarisation n’est pas semblable pour les filles et pour les garçons, et moins encore selon le<br />

type de travail. Ainsi, un travail sporadique, en termes du temps consacré par semaine, est<br />

compatible avec la scolarisation. Or, c’est le travail extradomestique familial qui semble avoir<br />

les meilleures qualités pour permettre la combinaison. Car, comme le confirment les<br />

expériences sur le terrain, il s’agit d’un travail souvent très flexible, qui demande peu<br />

d’engagement de la part des enfants. Par exemple, lorsque le lieu de travail est comme une<br />

extension de la vie familiale, où, entre autres, l’on peut travailler et réaliser d’autres activités<br />

parallèlement, comme raconte Felipe, âgé de 14 ans, à propos de son expérience lorsqu’il<br />

travaillait pour sa mère dans une petite « épicerie » placée dans un coin du salon, chez eux. Il<br />

a travaillé dans cette affaire de 9 à 13 ans d’âge :<br />

« Je faisais là mes devoirs (en s’occupant de l’épicerie). Nous vendions, mais il n’y avait pas beaucoup<br />

de gens (clients), de temps en temps venaient les gens. » 458<br />

Or, ce type de travail se fait souvent aussi comme une forme de jeu ou de distraction, à<br />

l’initiative de l’enfant lui-même, qui peut sans problème accomplir son rôle principal d’élève.<br />

Alors que l’accomplissement du travail domestique familial relève d’un engagement moral<br />

qui touche directement le bien-être familial et qui demande la réalisation de tâches bien<br />

précises, nécessaires, et parfois impossibles à reporter. L’enfant y est plus occupé par son<br />

travail, le temps pour les devoirs scolaires étant plus limité, peut-être secondaire. De même, le<br />

travail extradomestique non familial peut être moins flexible, car il s’agit d’une tierce<br />

personne étrangère au ménage, même si l’engagement est informel. En effet, d’une certaine<br />

manière, l’employeur compte sur le travail de l’enfant, et peut l’interrompre à tout moment<br />

s’il n’est plus satisfait, ce qui serait vécu comme un échec pour l’enfant qui a besoin ou envie<br />

de travailler, qui essayera de faire de son mieux pour garder son travail.<br />

Ainsi, face à certaines conditions particulières, le partage entre scolarité et travail se fait<br />

moins aisément. Et bien entendu, plus l’enfant travaille, moins il a du temps pour étudier, et<br />

s’il n’étudie pas, il a tout le temps pour se consacrer au travail. De manière que les enfants qui<br />

458 « Hacía ahí la tarea. Sí vendíamos y todo, pero no había mucha gente, de repente venía la gente. »<br />

385


travaillent à plein temps sont pour la plupart déscolarisés, de gré ou de force. Ceux qui ont<br />

quitté l’école définitivement chercheront une place plutôt comme travailleurs<br />

extradomestiques non familiaux, en quête de conditions d’emploi plus avantageuses et<br />

propices au commencement d’une « carrière professionnelle ». Cependant, cette tendance<br />

touche moins les filles, qui restent encore confinées plutôt à la sphère familiale, notamment<br />

dans le domaine domestique.<br />

Conclusions<br />

Le travail des enfants continue en partie parce que dans les faits, cette pratique ne semble pas<br />

toujours nuire à la vie des enfants. Certains enfants travailleurs peuvent vivre cette expérience<br />

plutôt de manière positive, sans négliger que ceux qui sont obligés de travailler, pour des<br />

raisons d’urgence ou ceux qui sont exploités, doivent avoir un tout autre regard à ce propos.<br />

Mais en général, le travail des enfants a des aspects positifs et négatifs. Et ce sont justement<br />

ces aspects qui nous avons voulu approcher en analysant les conséquences.<br />

Grâce à la disponibilité des données qualitatives, nous avons pu aborder le point sur les<br />

conséquences du travail domestique familial (un sujet impossible à traiter avec les<br />

informations du MTI), ce qui représente un progrès dans la connaissance de ce monde. De<br />

plus, les données qualitatives ont permis d’élargir nos analyses basées sur les données<br />

quantitatives dans le cas des enfants travailleurs extradomestiques. Ce qui confirme la valeur<br />

d’une démarche basée sur ces deux approches complémentaires.<br />

Avec les restrictions que méritent nos résultats à propos des conséquences du travail<br />

domestique familial, étant donné qu’ils proviennent d’un seul cas d’étude, tout d’abord, nous<br />

avons trouvé que les conséquences de ce type de travail peuvent peser lourd sur le bien-être<br />

général de l’enfant, lorsqu’il assume complètement la responsabilité du travail domestique<br />

familial. Et pis encore, si l’enfant continue ses études. Dans la pratique, les enfants se trouvent<br />

alors face à une double journée de travail, en considérant la scolarisation comme une forme de<br />

travail, vu la charge physique et émotionnelle demandée. Le travail domestique familial est<br />

une activité fatigante et peu valorisée, supportée par nécessité, et vécue plutôt d'une manière<br />

positive et avec abnégation, grâce aux sentiments de solidarité familiale et de fierté qui en<br />

découlent. Or, nous n’avons pas d’information sur le vécu des enfants travailleurs<br />

386


domestiques familiaux qui sont déscolarisés, ni de ceux qui partagent une telle charge avec<br />

d’autres enfants de la fratrie, par exemple.<br />

Par rapport au travail extradomestique, nous avons trouvé qu’il existe de multiples préjugés,<br />

certains étant exacts, d’autres plutôt des mythes. Les résultats quantitatifs, appuyés par les<br />

expériences des enfants interviewés, montrent que la plupart des enfants travailleurs ne sont<br />

pas exposés à des conditions qui mettent en risque leur développement. Certes, des cas où les<br />

enfants subissent des problèmes à cause du travail existent, mais ils restent rares par rapport à<br />

la masse de travailleurs. Les plaintes les plus courantes étant les maux aux dos et les douleurs<br />

musculaires. Or, des différences s’observent entre travailleurs extradomestiques familiaux et<br />

non familiaux, les premiers présentant moins de problèmes que les deuxièmes. D’ailleurs, des<br />

différences s’observent aussi selon le sexe et l’âge, les garçons et les plus âgés étant<br />

davantage touchés par les problèmes de santé à cause du travail.<br />

Par ailleurs, en général, un éventuel abandon du travail n’aurait pas de conséquences<br />

importantes sur la vie des enfants ou celle de la famille. Évidemment, l'abandon du travail<br />

pourrait bénéficier à certains, qui pourraient aller à l’école par exemple, mais les cas restent<br />

rares. Une partie non négligeable serait plutôt affectée négativement, soit personnellement :<br />

déscolarisation, impossibilité d’accomplir des souhaits personnels (voyager, sortir, acheter des<br />

articles superflus, mais chers à eux), ou même une perte de leur indépendance ; soit en termes<br />

d’un préjudice pour l’économie familiale.<br />

Au sujet du lien entre travail et déscolarisation, nous trouvons qu’il existe une relation qui est<br />

forte, mais qui ne peut pas être interprétée systématiquement en termes de causalité, étant<br />

donné la nature de nos données. <strong>La</strong> relation prend de l'importance avec le temps de travail.<br />

Ainsi, parmi les enfants travailleurs la déscolarisation est plus importante que chez les non<br />

travailleurs, et à mesure que les enfants consacrent plus de temps au travail la déscolarisation<br />

augmente nettement. Or, parfois la déscolarisation est la cause du travail, par exemple,<br />

lorsque les enfants ne trouvent pas de place dans l’école à leur convenance, ou lorsqu’ils ont<br />

des problèmes d’apprentissage ou de discipline et sont donc obligés de sortir du système<br />

éducatif. Mais parfois la déscolarisation est la conséquence de l’investissement dans un<br />

travail. Il s’agit d’une relation assez complexe, où même la scolarité peut être continuée grâce<br />

aux gains obtenus par la réalisation d’un travail à temps partiel. Une chose est claire, dans les<br />

387


conditions du système scolaire mexicain, la scolarisation et le travail ne sont pas forcément<br />

opposés.<br />

D’ailleurs, à la lumière de nos résultats, le temps investi dans le travail n’est pas l’unique<br />

facteur lié à la déscolarisation, il est important aussi de considérer le type de travail réalisé, et<br />

qui le réalise : une fille ou un garçon, ainsi qu’un enfant, un adolescent ou un jeune. Les<br />

conséquences du travail semblent particulières à chaque condition, ce qui confirme la<br />

nécessité de traiter les enfants travailleurs comme un groupe hétérogène, qui doit se<br />

différencier selon les activités réalisées, mais aussi selon les caractéristiques des enfants eux-<br />

mêmes, vu l’inégalité de genre et de génération qui domine le monde des enfants travailleurs.<br />

388


CONCLUSION GÉNÉRALE<br />

De nos jours, dans les grandes villes du Mexique, la plupart des enfants sont avant tout des<br />

écoliers, comme prévu par l’idée moderne de l’enfance, qui domine la scène internationale et<br />

nationale. Néanmoins, pour une partie non négligeable d’enfants âgés de 6 à 17 ans, le travail,<br />

domestique ou extradomestique, a trouvé une place dans leur vie quotidienne. En effet, dès un<br />

jeune âge, certains enfants réalisent des activités diverses afin d’accomplir des « projets »<br />

familiaux ou personnels, par choix ou par contrainte.<br />

Au-delà des chiffres toujours incertains dans ce domaine, nous avons constaté la complexité<br />

et l’hétérogénéité qui dominent le monde des enfants travailleurs. Ces constats semblent<br />

actuellement banaux, mais souvent oubliés au moment d’étudier et de traiter cette population.<br />

L’un des apports de notre recherche s’est justement inscrit dans l’effort de respecter cette<br />

diversité, sans pour autant prétendre être exhaustifs, en réalisant des analyses distinctes selon<br />

le type d’activité (extradomestique ou domestique) et le lien de parenté de l’enfant travailleur<br />

avec son employeur (familial ou non).<br />

Même si le type d’activité est un classement plutôt ordinaire, nous avons proposé des critères<br />

particuliers pour l’élaboration de nos catégories, afin de mieux traiter notre population<br />

d’étude. Ce classement a montré sa pertinence, quant à la reconnaissance d’une partie des<br />

EAJ travailleurs souvent négligés, comme ceux qui s’occupent des tâches ménagères et<br />

d’autres personnes de la famille, notamment lorsque le temps de travail est inférieur à 15<br />

heures hebdomadaires ; ou ceux qui réalisent des activités extradomestiques dites marginales,<br />

qui sont exclus des indicateurs proposés par l’INEGI. Ce sont des EAJ qui dans les faits<br />

investissent fréquemment du temps, de l’énergie et parfois de l’argent dans la réalisation de<br />

leur travail, et qui grâce à leur participation rendent une aide, plus ou moins importante, à leur<br />

famille, directement ou indirectement, en épargnant aux parents certaines tâches ménagères<br />

indispensables au bon fonctionnement de la famille, ou l’embauche d’un salarié, ou encore,<br />

certaines dépenses pour les enfants (habillement, loisirs...).<br />

Quant au deuxième classement qui concerne le lien de parenté, il représente une approche tout<br />

à fait originale, surgie à partir de résultats, de réflexions, d’expériences et d’hypothèses,<br />

rassemblés en plusieurs études réalisées dans des contextes différents, un peu partout dans le<br />

389


monde. Ces études tentent, d’une part, de revendiquer l’importance de la participation des<br />

enfants à l’intérieur du noyau familial, souvent non reconnue comme une forme de travail,<br />

parce que noyée dans la multitude des activités familiales ; et, d’autre part, elles questionnent<br />

la bienveillance naturelle de la famille, à travers l’exemple des différentes formes d’abus sur<br />

les enfants dans le sein familial lui-même. Notre intérêt étant surtout de connaître l’effet du<br />

lien de parenté entre l’employeur et l’enfant sur la participation des enfants au travail, nous<br />

avons prouvé qu’en fait, il s’agit de deux mondes différents, dans la pratique et dans les<br />

représentations sociales. Bien que le milieu familial offre une majeure sécurité aux enfants, il<br />

n’exclut pas les abus envers eux. Mais, à ce propos, ce n’est apparemment pas une mauvaise<br />

volonté de la part des parents qui est à l’origine de ces excès au sein du ménage, parce qu’ils<br />

se trouvent parfois piégés par des événements indésirables et imprévisibles, dont la<br />

complexité restreint les solutions.<br />

Tout d’abord, nous avons prouvé que la composition et l'étendue de chacun des trois types de<br />

travail analysés sont distinctes. Ensuite, que les causes, les conditions et les processus<br />

d’entrée dans le monde du travail, ses conséquences, et même la perception sur les activités<br />

que les enfants réalisent ont tous des spécificités, selon le type de travail et le lien de parenté<br />

avec l’employeur. D'où la nécessité de traiter les enfants travailleurs d’une manière<br />

différentielle et contextuelle.<br />

D’ailleurs, notre choix d’utiliser la combinaison d’une approche qualitative et d’une autre<br />

quantitative s’est avéré très pertinent pour avoir un regard global sur le travail des enfants, car<br />

les limites de chaque approche se sont affaiblies au contact de l’autre. D’une part, l’existence<br />

d’une source de données spéciale, intéressante et solide a rendu possible l’analyse des divers<br />

aspects du travail des enfants : raisons, conditions de travail, conséquences. Et la possibilité<br />

de lier ces données à d’autres contenant l’information sur les autres membres du ménage,<br />

notamment les parents d’Ego, a permis aussi la réalisation des analyses relationnelles entre<br />

deux niveaux essentiels pour l’étude de notre sujet : individuel et familial. D’autre part, même<br />

si nos analyses qualitatives restent ponctuelles, l’information sur le vécu et la vision des<br />

enfants a été inestimable pour avoir des idées à propos du processus de mise au travail<br />

précoce et du processus de sa continuation, et d’autres aspects qui sont impossibles à déceler à<br />

partir seulement de données statistiques ; des aspects rarement abordés dans les études sur le<br />

sujet. Faire des enfants l’une des sources d’information pour notre étude a alors été<br />

fondamental, enrichissant et révélateur. Or, cela n’empêche pas de reconnaître les limites de<br />

390


notre travail de terrain, et donc la nécessité de continuer dans ce sens, en élargissant l’analyse<br />

à d’autres contextes peu touchés, comme celui des classes moyennes, où les enfants<br />

travailleurs ne manquent pas, et celui du milieu rural, où le travail des enfants est encore plus<br />

fréquent que dans les villes et revêt d’autres conditions. De même qu’il faut encore suivre<br />

l’approfondissement de cas concrets, à travers un plus grand nombre d’entretiens, comme<br />

pour les travailleurs domestiques familiaux, qui manquent d’information. Par ailleurs, il faut<br />

réussir à recueillir l’information au cours des enquêtes officielles à travers les enfants eux-<br />

mêmes, pour tenter de minimiser les réponses faussées et les biais qui résultent du fait<br />

d'interviewer les adultes (les parents) sur les activités des enfants.<br />

A la lumière de nos résultats, les enfants travailleurs sont loin de se conformer à l’image tant<br />

diffusée de « victimes pauvres » ou de « pauvres victimes », même si ces cas existent bel et<br />

bien. Dans ce sens, il est important de souligner ce que nous avons observé : le travail<br />

accompli des fonctions diverses dans la vie des EAJ urbains. L'entrée précoce au travail et sa<br />

continuation sont favorisées par des raisons de tous genres : économiques, formatives, de<br />

socialisation, de transmission, de solidarité, d'organisation familiale, et même ludiques. Or,<br />

les EAJ ne sont pas toujours obligés de travailler ; le travail est parfois aussi le résultat d’une<br />

décision qui peut survenir à l’initiative de l’enfant, par lui-même, ou bien par l’intermédiaire<br />

de quelqu’un d’autre qui lui aura donné l’exemple, ou son conseil. C’est pourquoi nous<br />

soutenons que le travail des EAJ urbains s’inscrit comme une pratique entre contrainte et<br />

choix.<br />

Comme les causes qui poussent les enfants au travail sont assez diverses, leurs conditions de<br />

travail le sont encore : à plein temps ou de temps en temps, sans ou avec un horaire fixe, avec<br />

rémunération ou non... Pour certains, les conditions de travail peuvent représenter un vrai<br />

problème pour leur santé physique et mentale, pour d’autres, elles ne semblent pas être un<br />

frein à leur bon développement. Les conséquences du travail des enfants sont donc aussi<br />

variées, dépendant des conditions dans lesquelles les enfants œuvrent, du type de travail qu'ils<br />

réalisent, du lien de parenté avec l’employeur, ainsi que des raisons qui en sont à l’origine.<br />

Dans une dimension moins pratique, grâce aux récits des enfants travailleurs que nous avons<br />

eus l’occasion d’interviewer, nous avons confirmé que le travail est source de différents<br />

sentiments chez les enfants concernés, qui vont de la soumission et l’abnégation à<br />

l’autonomie et l’indépendance. Certes, tous n’ont pas une expérience négative de leur travail,<br />

391


mais le travail n’est pas toujours un bonheur. En général, ils se sentent fiers, parce que, de gré<br />

ou de force, ils contribuent de manière dynamique à l’accomplissement d’objectifs personnels<br />

ou familiaux, plus ou moins importants. Cependant, il s’agit d’un orgueil parfois nourri par<br />

l’infortune, sorte d’attitude positive qui aide les enfants concernés à mieux vivre leur<br />

quotidien. Ce qui est tout à fait admirable à leur jeune âge, parce qu’avec un grand sens de<br />

dignité, ils préfèrent être traités comme des acteurs, des protagonistes, plutôt que comme des<br />

victimes, notamment lorsqu’ils se trouvent dans une situation difficilement réversible.<br />

Or, nous avons confirmé avec nos deux approches que certaines conditions structurelles,<br />

familiales et personnelles peuvent être propices au travail des enfants. En effet, il s’agit d’une<br />

pratique qui se développe grâce à un ensemble de conditions à trois niveaux. Ainsi, au niveau<br />

macrosocioéconomique, nous pouvons parler de divers aspects. En termes juridiques, bien<br />

que le cadre légal national en matière de travail dispose de restrictions sur l’emploi des<br />

enfants, en suivant les consignes internationales de lutte contre le travail des enfants, ces<br />

restrictions sont plutôt ambiguës et d’application limitée, en permettant, dans les faits, la<br />

participation des enfants à certaines activités. Ainsi, l’on trouve par exemple une importante<br />

participation (économique ou non économique) des enfants dans le domaine familial, un<br />

domaine privé qui est exclu du cadre légal. Un autre espace où les enfants trouvent souvent<br />

une place est celui du secteur informel, qui est très développé en milieu urbain, et qui<br />

fonctionne déjà en dehors de la loi. Enfin, il faut reconnaître que l’existence de lois ne garantit<br />

pas leur respect, et certains enfants travaillent illégalement, malgré les interdits, avec la<br />

complicité, explicite ou implicite, de tous les acteurs : enfants, parents, employeurs, collègues,<br />

gouvernement, inspecteurs, clients.<br />

Cependant, les tendances du travail des enfants selon l’âge laissent voir que les contraintes<br />

légales servent effectivement d’obstacle au travail extradomestique des enfants, notamment en<br />

dehors du milieu familial. Car c’est justement à partir de 14 ans, l’âge légal pour travailler,<br />

que les enfants s’intègrent plus massivement au monde du travail. Dans ce sens, le système<br />

éducatif joue aussi un rôle fondamental. Même si nous ne pouvons pas parler d’une<br />

opposition systématique entre scolarité et travail, il est vrai que l’instruction gratuite et<br />

obligatoire jusqu’à 14 ans sert de frein à la mise au travail avant cet âge-là. Mais, cela<br />

n’empêche pas son existence, car le temps périscolaire est suffisamment long pour que les<br />

enfants partagent, plus ou moins aisément, l’école avec d’autres activités, dont le travail. A<br />

partir du moment où l’école perd son statut d’obligation et de gratuité, de multiples raisons<br />

392


contribuent à la forte déscolarisation des enfants. D’une part, une offre scolaire publique<br />

restreinte en termes qualitatifs et quantitatifs ; d’autre part, le désintérêt personnel ou familial<br />

pour la poursuite des études, ainsi que des contraintes personnelles ou familiales de divers<br />

genres. De manière qu’à 14 ans, le travail devient une « option » légitime et légale (sous<br />

certaines conditions) pour les enfants, qui à cet âge-là, semblent avoir une grande marge de<br />

décision en ce qui concerne leur vie. En l’occurrence, nous avons trouvé une importante<br />

déscolarisation des EAJ qui abandonnent l’école, même pendant la période obligatoire, par<br />

manque d’intérêt personnel ou à cause de mauvais résultats, une situation qui demanderait un<br />

approfondissement, d’une part, de la qualité et de la pertinence du système éducatif au<br />

Mexique, car l’école n’arrive pas toujours à convaincre la population de sa valeur, et manque<br />

souvent à son rôle de moyen d’intégration sociale. D’autre part, un examen du rôle des<br />

parents, qui apparemment ont parfois du mal à persuader leurs enfants de l’importance d’une<br />

formation professionnelle. Ces deux aspects sont étroitement liés et semblent plongés dans un<br />

cercle vicieux.<br />

Néanmoins, les systèmes éducatif et juridique, qui représentent deux moyens pour repousser<br />

le moment d’entrée des enfants au travail formel ou exclusif, ne suffisent pas pour maîtriser<br />

un phénomène qui est multidimensionnel. Malgré les efforts dans ces deux domaines, les<br />

conditions actuelles du marché du travail permettent la participation des enfants, légalement<br />

ou illégalement. Par exemple, les Conventions internationales de lutte contre le travail des<br />

enfants, 459 ainsi que la plupart des programmes internationaux et nationaux de lutte contre la<br />

pauvreté (lesquels visent indirectement l’éradication du travail des enfants par la<br />

scolarisation), manquent d’une vision objective sur le sujet. En restant dans l’ombre<br />

d’opinions ou de théories obsolètes, qui supposaient, d’une part, l’opposition entre<br />

scolarisation et travail, avec le travail pour cause de la déscolarisation, et d’autre part la<br />

pauvreté comme cause univoque du travail, 460 ils se sont avérés inefficaces à lutter contre le<br />

travail des enfants.<br />

459<br />

Par exemple la Convention 138 sur l’âge minimum du travail, et la Convention 182 sur les pires formes de<br />

travail des enfants de l’OIT.<br />

460<br />

Comme les Programmes gouvernementaux : PROGRESA et OPORTUNIDADES au Mexique, dont les<br />

objectifs ont été de soutenir les familles pauvres, à travers des allocations spécifiques, pour garantir la scolarité<br />

des enfants et ainsi éviter l’abandon scolaire et le travail des enfants. Ou le Programme Millénaire pour le<br />

Développement de l’ONU, prétendant élargir l’offre scolaire publique dans les pays en développement, au moins<br />

au niveau du primaire, afin de garantir une place en école à tout enfant.<br />

393


Depuis quelques années, l’on sait que la réussite de la scolarisation basique universelle, 461<br />

bien qu’un objectif inestimable, n’est pas en contradiction systématique avec la persistance du<br />

travail des enfants, de même que la pauvreté n’est pas l’unique motivation pour la mise au<br />

travail précoce. C’est pourquoi, peu à peu, les nouvelles préoccupations se concentrent sur<br />

certains groupes d’enfants travailleurs que l’on croit en danger, exclus de leurs droits les plus<br />

essentiels, selon les préceptes de la CIDE 1989, laissant le reste des travailleurs, pourtant les<br />

plus nombreux, un peu à l’écart. Au Mexique, les enfants des rues continuent d’être la<br />

principale cible, et actuellement, ce sont les enfants travailleurs journaliers agricoles, les<br />

enfants piégés dans les réseaux des narcotrafiquants et de prostitution, qui font l’objet<br />

d’attention spéciale. Cependant, il faut reconnaître que malgré une position officielle,<br />

politique et sociale, qui condamne le travail des enfants et qui a mis en marche divers<br />

instruments de lutte contre le travail des enfants, dans la pratique, la société mexicaine tolère<br />

grosso modo cette activité sous certaines conditions, qui supposent le respect du « bon »<br />

développement de l’enfant. Le rejet se concentre sur les enfants qui travaillent dans des<br />

conditions d’exploitation ou périlleuses, plus que sur le travail en lui-même. L’idée selon<br />

laquelle le travail ennoblit est encore présente, et sert souvent de justification à la participation<br />

active des enfants. Cet environnement artificiel et confus, où la tolérance et le refus se<br />

côtoient, a contribué à l’état actuel de la situation, où les enfants trouvent « facilement » une<br />

place pour travailler, mais dans une position défavorable. Ils sont censés être protégés en tant<br />

qu’enfants, mais ne le sont pas toujours en tant que travailleurs, comme signale Liebel (2003).<br />

Or, les enfants travailleurs extradomestiques non familiaux, au même titre que les adultes,<br />

souffrent en général de la précarité et de la flexibilité du marché du travail national. Lorsque<br />

l’on y rentre dans des conditions désavantageuses, sans qualifications et sans expérience, les<br />

conditions de travail sont assez mauvaises. Mais évidemment, leur qualité de « mineurs », et<br />

en situation parfois illégale les place davantage en position de faiblesse, où ils peuvent être<br />

plus facilement l’objet de multiples abus. Nonobstant, ils se plaignent rarement, en se<br />

contentant d’une rémunération quelconque (s’il y en a), ou d’une distraction, d’une formation,<br />

d’une activité qui peut leur offrir un peu d’« empowerment » au sein de la famille ou de la<br />

communauté. Il semble qu’ils se rendent compte qu’ils ont intégré un milieu censé être celui<br />

des adultes, et donc, en tant qu’intrus, ils y restent plutôt discrets et soumis. En effet, ils ont le<br />

461 Il faut dire que la qualité de l’éducation n’est guère mise dans la cible, les objectifs se concentrant sur le<br />

nombre d’inscriptions.<br />

394


sentiment premier que le travail ennoblit, à n’importe quel âge, mais ce sont la position et le<br />

discours officiels qui les condamnent et qui les dénigrent. Dans certains groupes assez étendus<br />

de la population, on a toujours eu l’habitude de voir ou d’exercer cette pratique<br />

quotidiennement, et l'on grandit familiarisé avec elle. Alors, le travail des enfants n’est plus<br />

l’objet de scandale ou de refus, voire d’attention spéciale, sauf si des injustices ou des dangers<br />

sont observés, et notamment si le travail est la cause de la déscolarisation.<br />

Quant au niveau familial, à travers les analyses bivariées et multivariées, nous avons<br />

corroboré que le travail des enfants persiste par la combinaison de diverses conditions<br />

relatives à l’environnement familial. <strong>La</strong> vie et les activités des enfants sont liées aux<br />

conditions sociales, économiques, culturelles et démographiques du ménage. Et certaines<br />

situations familiales peuvent favoriser le travail des enfants. Or, il faut souligner que notre<br />

initiative d’aborder l’environnement familial à travers les caractéristiques du couple parental,<br />

ensemble et de manière individuelle (chef de ménage et conjoint du chef/père et mère), s’est<br />

avérée très positive. Dans les études sur le sujet, l’on trouve d’habitude une approche de la<br />

famille à partir seulement des caractéristiques du chef de ménage, négligeant le rôle du<br />

conjoint. Nous avons eu l’occasion de montrer qu’en général, il existe un effet différentiel de<br />

chacun des parents sur le façonnement de l’environnement familial, et sur la vie des enfants,<br />

même si nous avons aussi trouvé qu’effectivement, tout ce qui concerne le chef influe plus sur<br />

la famille que ce qui concerne le conjoint, une conséquence directe du rôle secondaire des<br />

femmes (qui représentent la plupart des conjoints) dans le ménage et dans la société. A la<br />

lumière de nos analyses, l’influence des diverses caractéristiques familiales dépend du type de<br />

travail, et nous allons rappeler brièvement les résultats les plus notables.<br />

Bien que la réalisation de tâches domestiques au sein du ménage fasse partie de la vie<br />

quotidienne de la plupart des EAJ, comme une forme de coopération familiale, voire comme<br />

une obligation infantile, ou simplement comme une activité formative, pour certains cette<br />

activité devient une vraie forme de travail, voire d’exploitation. Cette activité est réalisée au<br />

sein du ménage, au bénéfice de la famille, et sans rémunération versée aux enfants concernés,<br />

soit les enfants travailleurs domestiques familiaux. Ces enfants sont contraints de travailler<br />

souvent à cause d’un problème familial qui demande, explicitement ou implicitement, leur<br />

participation ; en l’occurrence, nous avons trouvé des situations comme l’abandon de l’un des<br />

parents, des problèmes économiques, le travail intensif des deux parents, et des attitudes<br />

irresponsables des parents envers leurs enfants. Mais, d’autres causes peuvent être à l’origine<br />

395


d’un tel investissement de la part des EAJ, car le travail précoce dépend d’une série de<br />

facteurs simultanés, et non d’un seul événement, bien qu’une situation spéciale puisse être le<br />

déclencheur.<br />

A ce propos, nous avons prouvé l’effet de certaines conditions familiales qui peuvent<br />

favoriser la participation des EAJ comme travailleurs domestiques familiaux, dont la plus<br />

importante est la présence de nombreux jeunes enfants (de moins de 6 ans). Dans certaines<br />

familles, la garde de ceux-ci devient un investissement de tous les membres, surtout à la<br />

charge des EAJ. D’ailleurs, la composition du couple parental et le nombre de femmes adultes<br />

dans le ménage sont aussi deux facteurs de risque pour ce type de travail. En l’occurrence,<br />

nous trouvons que les EAJ remplacent souvent l’absence temporaire (travail) ou permanente<br />

(séparation) des femmes adultes dans la famille, tandis que les pères restent dans leur rôle<br />

principal de pourvoyeurs, à la marge de toute responsabilité du travail domestique. Tandis que<br />

si la mère est seule en charge de la famille, elle et les EAJ (notamment les filles) partagent le<br />

travail domestique, et rentrent tous dans une logique de double journée de travail : les mères<br />

comme femmes au foyer (travailleuses domestiques familiales) et travailleuses<br />

extradomestiques, et les EAJ comme élèves et travailleurs domestiques familiaux, car la<br />

plupart des EAJ continuent leurs études. Or, la responsabilité du travail domestique incombe<br />

principalement à l’aîné parmi les EAJ de la fratrie, et de préférence aux filles. Mais,<br />

l’investissement des EAJ comme travailleurs domestiques familiaux dépend aussi de la<br />

position socioéconomique du ménage. Evidemment, les ménages les plus favorisés se<br />

serviront moins du travail des enfants, en ayant la possibilité d’employer une tierce personne<br />

pour un tel besoin. Mais dans le cas des filles, car les garçons sont en général épargnés par ce<br />

problème, peu importe la situation socioéconomique du ménage, de sorte que la précarité<br />

familiale touche différemment filles et garçons.<br />

Quant aux travailleurs extradomestiques, des différences sont avérées selon le lien de parenté,<br />

mais une seule et unique condition reste essentielle à la participation des EAJ dans les deux<br />

cas : la composition du couple parental. En effet, la monoparentalité est la condition qui<br />

favorise le plus le travail extradomestique des enfants, filles et garçons. L’absence de l’un des<br />

parents peut précipiter donc la mise au travail des EAJ. Il faut souligner maintenant les<br />

principales différences selon le lien de parenté. Parmi les travailleurs extradomestiques non<br />

familiaux, on observe que le niveau de scolarité du conjoint du chef de ménage (très<br />

probablement la mère d’Ego) est de grande importance, tandis que son activité est sans<br />

396


intérêt. Des aspects comme le rang qu’occupe Ego parmi sa fratrie âgée de moins de 18 ans et<br />

la position socioéconomique familiale (approchée à travers l’activité du chef de ménage) ont<br />

également un effet, mais il est plutôt discret. Par contre, dans le cas des travailleurs<br />

extradomestiques familiaux, la position socioéconomique familiale est fondamentale, ainsi<br />

que la condition d’activité du conjoint du chef de ménage ; tandis que la scolarité du conjoint<br />

et le rang d’Ego restent secondaires. Nous avons ici trouvé que l’activité du chef de ménage et<br />

l’activité du conjoint, expliquaient l’offre de travail. Ainsi, lorsque les parents travaillent dans<br />

les branches du commerce ou de l’agriculture, là où le travail familial est habituel, voire<br />

nécessaire, les EAJ ont un risque majeur de travailler. Et en regardant de plus près cette<br />

situation, nous trouvons aussi des différences selon ce que fait chacun des parents. Par<br />

exemple, les risques de travailler ne sont pas égaux pour un enfant dont c’est la mère qui<br />

travaille dans le commerce, et pour celui dont c’est le père qui est commerçant, ni pour celui<br />

dont ce sont les deux parents. D’où l’importance de différencier le rôle de chacun des<br />

membres du couple parental.<br />

Enfin, au niveau individuel, nous avons vérifié l’importance de l’âge et du sexe sur la<br />

participation des EAJ, et nos résultats démontrent que leur effet est différentiel selon chaque<br />

type de travail. L’intensité et le calendrier du travail extradomestique non familial sont plus<br />

liés à ces deux conditions, car il s’agit d’un milieu fortement dominé par les relations de<br />

genres et de générations traditionnelles et inéquitables, ainsi que profondément déterminé par<br />

les conditions structurelles, contrairement au travail extradomestique familial, qui dépend<br />

moins des particularités des EAJ et des conditions structurelles, et plutôt de l’activité des<br />

parents, en termes d’offre d’emploi. Quant au travail domestique familial, l’âge et le sexe des<br />

EAJ sont aussi importants, parce que c’est un milieu aussi soumis aux inégalités de genres et<br />

de générations, et dans ce cas l’environnement familial importe le plus. Le classement dans<br />

trois groupes d’âges, bien qu’encore large, s’est avéré aussi essentiel pour la qualité de nos<br />

analyses. Un résultat que nous tenions à accentuer, quant au sexe des enfants, est la tendance<br />

d’un lien sexué d’embauche, qui sert à reproduire parmi les enfants travailleurs les inégalités<br />

de genres qui dominent le monde du travail des adultes, et qu’ils pourraient perpétuer à<br />

l’avenir, ce qui serait un obstacle surtout pour le développement des filles. Mais, nous<br />

pensons que la vie des personnes n’est pas toujours déterminée par les expériences de<br />

l’enfance, bien qu’elles aient un impact sur l’avenir, et que la plus grande scolarisation des<br />

filles, ainsi que les avancements en matière d’équité de genres dans la société mexicaine<br />

pourraient atténuer les disparités que subissent les enfants dès leur jeune âge. Néanmoins, les<br />

397


possibles implications d’une telle situation sur la vie des enfants, à court et à long terme,<br />

demanderaient d’un plus grand approfondissement, car nous avons à peine touché le sujet, et<br />

nos résultats à ce propos restent limités.<br />

Par ailleurs, dans de nombreux cas, la mise au travail précoce répond à une stratégie<br />

personnelle face à une contrainte économique qui limite les possibilités d’acquisition des<br />

biens superflus, mais peut-être trop chers aux enfants, dans la construction de leur identité et<br />

l’acceptation par leurs pairs. Le travail peut être donc un moyen important de socialisation et<br />

de meilleure estime de soi. Et à ce propos, le rôle du travail comme un moyen d’intégration<br />

sociale et d’empowerment pour les enfants vaut la peine d’être approfondi, une approche à<br />

l’opposé de la vision moderne occidentale de l’enfance, qui pose le travail comme un<br />

problème dans la vie des enfants. Dans ce sens, il est aussi nécessaire d’analyser le rôle des<br />

médias par rapport aux besoins de consommation des enfants, de plus en plus excessifs et<br />

chers : des téléphones portables, des jeux vidéo, des jouets sophistiqués, qui les poussent très<br />

souvent au travail rémunéré, pour parvenir à leurs désirs individuels. Et ainsi, il faut réfléchir<br />

au rôle des enfants, en tant que consommateurs/producteurs avec des particularités propres,<br />

dans l’économie nationale et mondiale.<br />

Afin d’illustrer et de résumer de manière générale les résultats de nos modèles, nous<br />

élaborons deux tableaux pour comparer l’ordre d’importance de chaque variable sélectionnée<br />

par type de travail, selon le sexe d’Ego (Tableau 37).<br />

398


Tableau 37. L’ordre d’importance des variables sélectionnées dans le modèle.<br />

Travail domestique familial selon le temps de travail et le sexe d’Ego<br />

Travail domestique familial (hebdomadaire)<br />

Variables<br />

Plus de 7 heures 15 heures et plus<br />

Garçons Filles Garçons Filles<br />

Age d’Ego 1 1 2 1<br />

Rang d’Ego 6 5 6 5<br />

Nombre de jeunes enfants 3 2 1 2<br />

D’autres garçons de 6 à 17 ans --- 5 --- 6<br />

D’autres filles de 6 à 17 ans --- 7 --- ---<br />

Nombre de femmes adultes 5 6 4 4<br />

Composition du couple 2 3 3 3<br />

Condition d’activité du conjoint<br />

du chef de ménage<br />

4 5 5 6<br />

Position socioéconomique<br />

familiale<br />

5 4 5 5<br />

Travail extradomestique selon le lien de parenté et le sexe d’Ego<br />

Travail extradomestique<br />

Variables<br />

Non familial Familial<br />

Garçons Filles Garçons Filles<br />

Age d’Ego 1 1 3 4<br />

Taille du ménage --- 6 --- ---<br />

Nombre de moins de 18 ans 6 7 7 ---<br />

Rang d’Ego 5 6 6 ---<br />

Composition du couple 2 2 1 1<br />

Niveau de scolarité du conjoint du<br />

chef de ménage<br />

3 3 5 5<br />

Condition d’activité du conjoint<br />

du chef de ménage<br />

--- 5 4 2<br />

Position<br />

familiale<br />

socioéconomique<br />

4 4 2 3<br />

--- Variable no significative.<br />

Il nous reste juste à souligner la réactivité des EAJ face aux contraintes imposées par leur<br />

entourage. Certes, tous les EAJ ne sont pas confrontés aux mêmes problèmes, options,<br />

besoins, inquiétudes, limites, soutiens, projets, etc. ; et tous les EAJ n'ont pas la même<br />

capacité, volonté et condition pour y répondre ; mais, pour ceux dont le travail fait partie de<br />

leur vie, de gré ou de force, nous ne pouvons qu’être reconnaissants. Leur contribution,<br />

presque toujours oubliée, fait évoluer leur vie, celle de leur famille et de leur communauté<br />

vers une direction particulière selon les cas. Et, leur participation n’est pas invariablement<br />

soumise à des effets négatifs. Cependant, cette reconnaissance ne doit pas faire oublier qu’en<br />

participant, les enfants sont parfois l’objet d’abus en tous genres, de la part de différents<br />

acteurs, parfois les parents eux-mêmes. Et vu que le travail des enfants fait partie du temps de<br />

la globalisation, il est tout à fait pertinent de réfléchir sur leur droit au travail et sur la<br />

nécessité d’encadrer le travail familial, toujours dans l’esprit de chercher le bénéfice des<br />

399


enfants, et en respectant leurs autres droits. Mais cela demande de la volonté à tous les agents<br />

concernés : Etat, employeurs, familles, enfants, clients, ce qui rend plus difficile la tâche.<br />

C’est un sujet intéressant qui échappe aux objectifs de cette recherche, deux questions qui<br />

n’ont rien d’anodin, sur lesquelles les discussions sont plutôt inexistantes dans l’agenda<br />

national, bien que présentes depuis quelques années dans d’autres pays, comme le Pérou et la<br />

Bolivie. 462<br />

Perspectives de recherche et de politiques publiques futures.<br />

L’expérience de cette étude nous permet de souligner que les enfants travailleurs représentent<br />

un groupe de la population qui demande encore des efforts pour mieux les connaître et les<br />

protéger, s’il y a lieu. Il s’agit d’un sujet peu abordé scientifiquement, notamment par les<br />

démographes, et pourtant un terrain d’études vaste et complexe, qui réclame une attention<br />

plus ample dans tous les domaines : théorique, méthodologique, conceptuel et analytique.<br />

D’ailleurs, dans le terrain de l’action, une mise à jour des programmes internationaux et<br />

nationaux d’ordre officiel s’impose, car ils sont parfois devenus obsolètes, inefficaces et<br />

incongrus. Ils exigent donc une révision et un réajustement sur la base des études récentes sur<br />

la réalité des enfants travailleurs.<br />

En matière de recherche, tout d’abord, il existe un fort besoin de créer des indicateurs et des<br />

définitions solides et plus appropriés à la problématique, et de les rendre comparables en<br />

termes temporels et spatiaux, afin d’avoir une continuité dans les analyses nationales et<br />

internationales, et ainsi de pouvoir élaborer des programmes plus efficaces et bien ciblés, pour<br />

améliorer les conditions de développement des enfants, et notamment des enfants travailleurs.<br />

De manière spéciale, il faut aborder le cas des enfants travailleurs domestiques familiaux,<br />

dont l’étude manque d’information et d’outils, même s’il faut admettre que sa reconnaissance<br />

officielle comme l’une des formes du travail des enfants est, d’ores et déjà, un énorme<br />

progrès.<br />

En termes analytiques, nous pensons que de prochaines recherches pourraient être entreprises<br />

en suivant notamment deux nouvelles considérations. Premièrement, l’inclusion du temps de<br />

travail (heures) comme critère d’analyse, car l’étude de l’ensemble des travailleurs reste trop<br />

462 Voir par exemple le site web de l’Institut de formation pour les éducateurs de jeunes, adolescents et enfants<br />

travailleurs de l’Amérique latine et des Caraïbes, IFEJANT. Disponible sur : .<br />

400


large pour rendre compte de l’hétérogénéité des cas. Etant donné qu’il s’agit d’une activité<br />

fréquemment secondaire dans la vie des enfants, le temps devient un aspect fondamental. Un<br />

tel classement permettrait de mieux apprendre la complexité de cette pratique : les raisons, les<br />

conditions et les conséquences. Nous sommes confrontés à des situations différentes lorsque<br />

l’on parle des enfants qui travaillent à mi-temps, à plein temps, à caractère saisonnier ou<br />

sporadique, par exemple. Nous l’avons à peine corroboré avec les résultats du dernier chapitre<br />

sur la relation entre déscolarisation et travail. Deuxièmement, la nécessité d’aborder le sujet<br />

sous une perspective longitudinale, pour tenter de répondre aux questions qui sont<br />

inabordables à travers une approche transversale et pour compléter ce que l’on sait déjà sur les<br />

enfants travailleurs. Appuyés sur ce type de sources, nous pourrions, par exemple, vérifier<br />

statistiquement des résultats que nous avons obtenus grâce à nos données qualitatives, les<br />

solidifier, en plus d’étudier les dynamiques familiales et les transformations qui s’opèrent au<br />

sein de la société, pour tenter de mieux comprendre les mécanismes qui conduisent les enfants<br />

vers le travail. Des études de ce type, réalisées avec des enquêtes sociodémographiques<br />

rétrospectives élaborées spécialement pour l’étude des enfants en Afrique, ont montré déjà la<br />

valeur d’une approche longitudinale (Antoine et al., 2007 ; Kobiané et Marcoux, 2007). Au<br />

Mexique, la préoccupation de produire de l’information concernant le travail des enfants est<br />

assez récente, et les rares sources disponibles sont transversales. Pourtant, l’application de la<br />

première et unique enquête sociodémographique rétrospective nationale réalisée en 1998<br />

(EDER), qui est le commencement d’un projet censé avoir de la continuité, ouvre la porte aux<br />

approches biographiques de l’étude sur le travail des enfants au Mexique. Or, évidemment,<br />

ces deux propositions représentent seulement une partie des possibilités d’étude qu’offre un<br />

sujet aussi complexe (naguère négligé dans le monde académique), mais elles nous semblent<br />

d’un intérêt spécialement pratique.<br />

En matière de politiques publiques, la scolarisation, malgré ses défaillances, reste encore le<br />

meilleur moyen pour les enfants d’arriver à l’âge adulte dans des conditions optimales pour<br />

mieux se placer sur le marché du travail. Mais, selon nos résultats, il ne suffit pas de finir les<br />

niveaux obligatoires, car la scolarité reste faible, il faut faire encore des efforts pour offrir aux<br />

enfants une formation de qualité, et la possibilité de poursuivre leurs études au-delà des 9 ans<br />

obligatoires actuels. Car nous avons prouvé, à travers le niveau scolaire du couple parental,<br />

que la participation des enfants au travail extradomestique ne change guère entre les familles<br />

dont les parents sont sans scolarité et les familles dont les parents en ont 9 ans. A ce propos, il<br />

serait pertinent de réaliser une évaluation de l’impact de l’élévation de la scolarité obligatoire<br />

401


de 6 à 9 ans, laquelle a été imposée à peine en 1993, sur les divers aspects du travail des<br />

enfants : intensité, calendrier, caractéristiques, et donc, connaître de manière plus solide le<br />

rôle de la scolarisation sur le présent et l’avenir des enfants. Dans ce sens, étant donné que<br />

scolarité et travail ne sont pas toujours opposés, nous soutenons que l’éradication du travail<br />

des enfants ne doit pas être au centre de la discussion, mais c'est la manière de garder les<br />

enfants (travailleurs ou non travailleurs) le plus longtemps possible dans le système éducatif<br />

qui doit être au centre des préoccupations. D’ailleurs, le système juridique est un autre pilier<br />

de la lutte contre le travail précoce, et l’existence de restrictions légales semble freiner le<br />

développement du travail des enfants ; pourtant, il faut reconnaître que dans un pays comme<br />

le Mexique (où les lois sont souvent transgressées), l’importance des lois quant à la<br />

diminution du travail des enfants est ambiguë. C'est pourquoi il serait aussi souhaitable<br />

d’évaluer l’effet qu’a la législation sur le développement du travail des enfants dans la réalité.<br />

Et de rendre le cadre juridique en matière de travail des enfants plus efficace et plus approprié<br />

pour lutter contre les abus envers les enfants, en cherchant avant tout le bien-être de ceux-ci.<br />

Parce que, peut-être, comme jadis au Mexique, la pénalisation de l’embauche des enfants dans<br />

le marché du travail formel a servi seulement à les déplacer vers le secteur informel, mais pas<br />

à les dissuader de travailler (Sosenski, 2010), au détriment de leurs conditions de travail.<br />

Par ailleurs, en ce qui concerne le bien-être des enfants travailleurs, il est nécessaire<br />

d’accepter que tous les enfants travailleurs ne représentent pas un problème social, et donc,<br />

que les programmes d’éradication du « travail des enfants » sont peu efficaces. Pour les<br />

rendre plus féconds, il faudrait prendre en compte deux aspects, à nos yeux indispensables.<br />

D’une part, on doit tenter de cibler les enfants prioritaires et les regrouper théoriquement,<br />

comme l’OIT l’a fait dernièrement avec les enfants soldats, les enfants des rues, et les enfants<br />

travailleurs en service domestique pour une tierce personne, par exemple. Un travail qui a été<br />

accompli au Mexique seulement à propos des enfants des rues, déjà à la tête des<br />

préoccupations nationales dans ce domaine. Cependant, les autres enfants travailleurs ont été<br />

oubliés, comme ceux dans les champs de culture intensive qui travaillent dans des conditions<br />

pénibles, ou ceux qui travaillent dans la prostitution, dont la situation est très délicate. Chaque<br />

groupe nécessite une attention spéciale, ce qui semble banal, et pourtant plutôt ignoré par les<br />

diverses instances chargées de l’enfance. Or, ce travail demande une approche locale,<br />

régionale ou par Etat, étant donné les différences territoriales qui dominent dans le pays. A ce<br />

propos, il faut prendre en compte la réalité sociale et économique de chaque lieu, et donc<br />

repérer les groupes d’enfants travailleurs en difficulté dans chaque contexte, parce qu’ils ne<br />

402


sont pas les mêmes dans les régions agricoles, industrielles, touristiques… D’autre part, il y a<br />

un vrai besoin d’élaborer des programmes sociaux en prenant en compte les enfants<br />

concernés, les protagonistes. Il faut s’approcher d’eux, dès que possible, afin de connaître<br />

leurs besoins, leur entourage et la manière dont ils souhaiteraient être aidés, et ainsi,<br />

ensemble, réfléchir à des solutions pour améliorer leur vie.<br />

Certes, le travail des enfants a des aspects inacceptables qu’on ne peut ni justifier ni cacher,<br />

mais cela n’implique pas de renoncer à reconnaître un autre visage de cette problématique, un<br />

visage négligé, qui montre une enfance solidaire, responsable, entrepreneuse et engagée, entre<br />

elle et avec son entourage. Cette enfance est active et réactive et elle ne reste pas toujours<br />

immobile face aux vicissitudes quotidiennes. Ceci nous force à continuer de réfléchir sur ce<br />

qu’est l’enfance et sur sa place dans la société, en plus de continuer les recherches sur les<br />

enfants travailleurs, leurs familles et les politiques sociales.<br />

403


404


BIBLIOGRAPHIE<br />

1. ABDALLA Ahmed (1990). Le travail des enfants en Egypte : les tanneries du Caire. In<br />

Bequele Assefa, Boyden Joe. L’enfant au travail. Rungis : Fayard. p. 65-91. Collection<br />

Les enfants du fleuve.<br />

2. ABRIC Jean-Claude (1994). L’organisation interne des représentations sociales :<br />

Système central et système périphérique. In GUIMELLI Christian (dir.). Structures et<br />

transformations des représentations sociales. <strong>La</strong>usanne : Delachaux et Niestlé. p. 73-<br />

84.<br />

3. ANKER Richard (2000). L’économie du travail des enfants : un cadre de mesure. Revue<br />

internationale du travail, vol. 139, n° 3, p. 289-317. Genève : OIT.<br />

4. ANTOINE Philippe, BOCQUIER Philippe, MARCOUX Richard, PICHE Victor (2007).<br />

L’expérience des enquêtes biographiques en Afrique. In SHOUMAKER Bruno, TABUTIN<br />

Dominique (dirs.) Les systèmes d’information en démographie et en sciences sociales.<br />

Nouvelles questions, nouveaux outils. Louvain-<strong>La</strong> Neuve : Academia-Bruylant.<br />

5. ARAIZA DIAZ Erika (2004). <strong>La</strong> représentation sociale du travail chez les adolescents<br />

du quartier Miguel Hidalgo, Estado de México, le Mexique. Mémoire de DEA en<br />

Anthropologie. <strong>Paris</strong> : <strong>Université</strong> <strong>Paris</strong> 3, IHEAL-Sorbonne <strong>La</strong> Neuve.<br />

6. ARIES Philippe (1973). L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime. <strong>Paris</strong> : Seuil.<br />

316 p.<br />

7. ARIZA Marina, OLIVEIRA Orlandina DE (2001). Familias en transición y marcos<br />

conceptuales en redefinición. Papeles de Población, avril-juin, n° 28, p. 9-39. Toluca :<br />

UAEM.<br />

8. ARIZA Marina, OLIVEIRA Orlandina DE (2004). Universo familiar y procesos<br />

demográficos. In ARIZA Marina, OLIVEIRA Orlandina DE (coord.). Imágenes de la<br />

familia en el cambio de siglo. México : IISUNAM. p. 9-45.<br />

9. BALLET Jérôme, BHUKUTH Augendra (2005). Les labels sociaux et la lutte contre le<br />

travail des enfants : un mode de régulation éthique controversé [en ligne]. Workshop<br />

Commerce international et normes sociales. <strong>Université</strong> Montesquieu Bordeaux IV, 30<br />

septembre 2005. 10 p. Disponible sur : .<br />

(Consulté le 20.08.2009).<br />

10. BARREIRO Norma (2000). El trabajo infantil : un concepto de difícil consenso. In DEL<br />

RIO Norma (coord.). <strong>La</strong> infancia vulnerable de México en un mundo globalizado.<br />

México : UAM. p. 147-167.<br />

11. BEQUELE Assefa, BOYDEN Joe (1988). Combating child labour. Geneva : OIT. 226 p.<br />

12. BEQUELE Assefa, BOYDEN Joe (1988a). Le travail des enfants : tendances actuelles et<br />

réactions des pouvoirs publics. Revue Internationale du travail, vol. 127, n° 2. p. 179-<br />

199. Genève : OIT.<br />

405


406<br />

13. BEQUELE Assefa, BOYDEN Joe (1990). L’enfant au travail, Rungis : Fayard. 386 p.<br />

Collection Les enfants du fleuve.<br />

14. BENERIA Lourdes (1992). The Mexican debt crisis: restructuring the economy and the<br />

household. In BENERIA Lourdes, FELDMAN Shelley (eds.). Unequal burden: economic<br />

crisis, persistent poverty, and women’s work. Boulder, CO : Westview Press. p. 2-16.<br />

15. BERTAUX-WIAME Isabelle, MUXEL Anne (1996). Transmissions familiales : territoires<br />

imaginaires, échanges symboliques et inscription sociale. In SINGLY François DE et al.<br />

<strong>La</strong> famille en questions : état de la recherche. <strong>Paris</strong> : Syros. p. 187-210.<br />

16. BHUKUTH Augendra (2009). Exploitation ‘faible’ et ‘forte’ d’enfants au sein<br />

d’entreprises familiales pauvres. Alternatives Sud : Contre le travail des enfants ?<br />

Points de vue du Sud, vol. 16, n° 1. p. 103-115. Louvain-la-Neuve : Centre<br />

Tricontinental.<br />

17. BLÖSS Thierry (1997). Les liens de famille : Sociologie des rapports entre<br />

générations. <strong>Paris</strong> : PUF. 154 p.<br />

18. BOLTVINIK Julio, HERNANDEZ Enrique (1999). Pobreza y distribución del ingreso en<br />

México. México : Siglo XXI. 354 p.<br />

19. BONNET Michel (1993). Le travail des enfants en Afrique. Revue internationale du<br />

travail, vol. 132, n° 3. p. 411-430. Genève : OIT.<br />

20. BONNET Michel (1996). Introduction : Le travail des enfants à la lumière de la<br />

servitude pour dettes. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité : Oppression,<br />

mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 251-265.<br />

21. BONNET Michel (1998). Regard sur les enfants travailleurs. <strong>La</strong> mise au travail des<br />

enfants dans le monde contemporain. Analyse et études de cas. Genève : Page deux,<br />

CETIM, Quotidien, Le courrier. 231 p.<br />

22. BONVALET Catherine, LELIEVRE Eva (1995). Du concept de ménage à celui<br />

d’entourage : une redéfinition de l’espace familial. Sociologie et sociétés [en ligne].<br />

vol. 27, n° 2. p. 177-190. Disponible sur : .<br />

(Consulté le 19.09.2008).<br />

23. BOSSIO Juan Carlos (1992). El trabajo infantil en América <strong>La</strong>tina: extensión, causas,<br />

problemas, tendencias y posibilidades. Genève : OIT. 25 p.<br />

24. BOYDEN Jo (1990). Childhood and policy makers: A comparative perspective on the<br />

globalisation of childhood. In JAMES Allison, PROUT Allan (eds.). Constructing and<br />

deconstructing childhood. London : Falmer Press. p. 184-215.<br />

25. BOYDEN Jo, ENNEW Judith (eds.). (1997). Children in focus – A manual for<br />

participatory research with children. Stockholm : Rädda Barnen, 194 p.


26. BOYDEN Jo, LING Birgitta, MYERS William (1998). What works for working children.<br />

Stockholm : Rädda Barnen ; Florence : UNICEF. 364 p.<br />

27. BOURDILLON Michael (2006). Children and work : a review of current literature and<br />

debates. Development and change, vol. 37, n° 6. p. 1201-1226.<br />

28. BOURDILLON Michael (2007). Child domestic workers in Zimbabwe: children’s<br />

perspectives. In HUNGERLAND Beatrice, LIEBEL Manfred, MILNE Brian, WIHSTUTZ<br />

Anne (eds.). Working to be someone: Child focused research and practice with<br />

working children. Londres : Jessica Kingsley publishers. p. 55-65.<br />

29. BOURDILLON Michael (2009). Enfants et travail : examen des conceptions et débats<br />

actuels. Alternatives Sud : Contre le travail des enfants ? Points de vue du Sud, vol.<br />

16, n° 1. p. 37-69. Louvain-la-Neuve : Centre Tricontinental.<br />

30. BRONDI Milagros (2001). Niño, familia y comunidad en los Andes. Culturas e<br />

infancia. p. 19-63. Lima : Terre des Hommes Germany.<br />

31. BUCHMANN Claudia, HANNUM Emily (2001). Education and stratification in<br />

developing countries : a review of theory and recherche. Annual Review of Sociology,<br />

vol. 27. p. 77-102.<br />

32. CABANES Robert (1996). Logique domestique et logique du marché. In SCHLEMMER<br />

Bernard (dir.). L’enfant exploité : Oppression, mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> :<br />

Karthala. p. 386-391.<br />

33. CAIN Michael (1977). The economic activities of children in a village in Bangladesh.<br />

Population and Development Review, n° 3. p. 201-227.<br />

34. CAMACHO Agnes (1999). Family, child labour and migration. Child domestic workers<br />

in Metro Manila. Childhood. A global journal of children research. p. 57-73.<br />

University of the Philippines.<br />

35. CAMACHO SERVIN Fernando (2011). Mujeres, la mayoría de ninis. <strong>La</strong> Jornada [en<br />

ligne], juin 2011. Rubrique Sociedad y Justicia. Disponible sur :<br />

.<br />

(Consulté le 12.07.2011).<br />

36. CAMARENA CÓRDOVA Rosa María (2004). Actividades domésticas y extradomésticas<br />

de los jóvenes mexicanos. In ARIZA Marina, OLIVEIRA Orlandina DE (coords.).<br />

Imágenes de la familia en el cambio de siglo. México: IISUNAM. p. 89-134.<br />

37. CASTILLO TRONCOSO Alberto DEL (2006). <strong>La</strong> invención de un concepto moderno de<br />

niñez en México en el cambio del siglo XIX al XX. In SANCHEZ CALLEJA María<br />

Eugenia, SALAZAR ANAYA Delia (coords.). Los niños: su imagen en la historia.<br />

México : INAH. p. 101-115.<br />

38. CESPEDES SASTRE Béatriz, ZARAMA María-Isabel (1996). Le travail des enfants dans<br />

les mines de charbon en Colombie. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité :<br />

Oppression, mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong>: Karthala. p. 123-134.<br />

407


408<br />

39. CLADEHLT (1995). Rostros de nuestro futuro. El niño trabajador en América <strong>La</strong>tina.<br />

Caracas : CLADEHLT. 57 p.<br />

40. CLEMENT Céline (2009). <strong>La</strong> mère et ses enfants : devenir adulte et transmissions<br />

intergénérationnelles. <strong>Paris</strong> : L’Harmattan. 320 p.<br />

41. CODIGO CIVIL FEDERAL [en ligne]. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 26.06.2008).<br />

42. CONAPO (2003). Informe de ejecución 2001-2003. Programa Nacional de Población<br />

2001-2006. [en ligne]. México : CONAPO. Disponible sur :<br />

. (Consulté le<br />

11.10.2011).<br />

43. CONEVAL (2011). Medición de la pobreza [en ligne]. Disponible sur :<br />

. (Consulté<br />

le 04.05.2011).<br />

44. CONSTITUCION POLITICA DE LOS ESTADOS UNIDOS MEXICANOS [en ligne]. Disponible<br />

sur: . (Consulté le 22.07.2010).<br />

45. CORNIA Giovanni (1987). Ajuste a nivel familiar : potencial y limitaciones de las<br />

estrategias de supervivencia. In CORNIA Giovanni, JOLLY Richard, STEWARD Frances<br />

(eds.). Ajuste con rostro humano: protección de los grupos vulnerables y promoción<br />

del crecimiento. Madrid : Siglo XXI de España. 385 p.<br />

46. CORTES Fernando, HERNANDEZ Daniel, HERNANDEZ LAOS Enrique, SZEKELY Miguel,<br />

VERA LLAMAS Hadid (2002). Evolución y características de la pobreza en México en<br />

la última década del siglo XX. México : SEDESOL. 31 p.<br />

47. COS-MONTIEL Francisco (2000). Sirviendo a las mesas del mundo: las niñas y niños<br />

jornaleros agrícolas en México. In DEL RIO Norma (coord.). <strong>La</strong> infancia vulnerable de<br />

México en un mundo globalizado. México: UAM, UNICEF. p. 15-38.<br />

48. COSIO-ZAVALA María Eugenia (1998). Changements démographiques en Amérique<br />

latine. <strong>Paris</strong> : ESTEM, AUPELF-UREF. 122 p.<br />

49. COUBÈS Marie-<strong>La</strong>ure, ZAVALA DE COSÍO María Eugenia, ZENTENO René (2005).<br />

Introducción. In COUBÈS Marie-<strong>La</strong>ure, ZAVALA DE COSÍO María Eugenia, ZENTENO<br />

René (coords.). Cambio demográfico y social en México del siglo XX: una perspectiva<br />

de historias de vida. Tijuana : El COLEF. 522 p.<br />

50. CUELLAR Oscar (1987). Balance, reproducción y oferta de fuerza de trabajo familiar.<br />

México : Universidad Iberoamericana. 40 p.<br />

51. CUSSIANOVICH Alejandro (2004). Tipología del trabajo infantil desde el punto de vista<br />

de los derechos humanos: la necesidad de una diferenciación. NATs-Revista<br />

Internacional desde los niños/as y adolescentes trabajadores, année VII, n° 11-12. p.<br />

77-96. Lima : Ifejant.


52. DE MAUSE Lloyd (1983). <strong>La</strong> historia de la infancia. Madrid : Alianza. 471 p.<br />

53. DELGADO Eduardo (2004). Aproximaciones al pensamiento y estrategia de la OIT-<br />

IPEC para la erradicación del trabajo infantil. NATs-Revista Internacional desde los<br />

niños/as y adolescentes trabajadores, année VII, n° 11-12. p. 71-75. Lima: IFEJANT.<br />

54. DOMIC RUIZ Jorge (1999). Niños trabajadores: la emergencia de nuevos actores<br />

sociales. <strong>La</strong> Paz : PIEB-Sinergia. 233 p.<br />

55. DOMIC RUIZ Jorge (2004). <strong>La</strong> concepción andina de la infancia y el trabajo. NATs-<br />

Revista Internacional desde los niños/as y adolescentes trabajadores, année VII, n°<br />

11-12. p. 31-37. Lima : Ifejant.<br />

56. DUCHESNE Sophie, HAEGEL Florence (2005). L’enquête est ses méthodes. L’entretien<br />

collectif. <strong>Paris</strong> : Armand Colin. 126 p. Collection 128, Sociologie ; n° 299.<br />

57. DUMAS Christelle, LAMBERT Sylvie (2008). Le travail des enfants : quelles politiques<br />

pour quels résultats ?. <strong>Paris</strong> : Rue D’Ulm-Presses de l’ENS. 80 p.<br />

58. DUQUE Joaquín, PASTRANA Ernesto (1973). <strong>La</strong>s estrategias de supervivencia<br />

económica de las unidades familiares del sector popular urbano : una investigación<br />

exploratoria. Santiago de Chile : PROELCE. 224 p.<br />

59. ECHARRI CANOVAS Carlos Javier (2009). Estructura y composición de los hogares en<br />

la Endifam. In RABELL ROMERO Cecilia (coord.). Tramas familiares en el México<br />

contemporáneo. Una perspectiva sociodemográfica. México : IISUNAM, El<br />

COLMES. 600 p.<br />

60. ELSON Diane (1982). The differentiation of children’s labour in the capitalist labour<br />

market. Development and change, année 13, n° 4. p. 479-497.<br />

61. ESCALANTE CANTU Miguel Angel (2000). Escribir el surco. <strong>La</strong> escuela y los saberes<br />

agrícolas en la formación para la vida de los habitantes de una comunidad rural<br />

migrante de Michoacán. Mémoire de Maestría en Anthropologie sociale. Michoacán :<br />

Centro de Estudios Antropológicos-El COLMICH. 100 p.<br />

62. ESTEINOU Rosario (2004). <strong>La</strong> parentalidad en la familia: cambios y continuidades. In<br />

ARIZA Marina, OLIVEIRA Orlandina DE (coords.). Imágenes de la familia en el cambio<br />

de siglo. México : IISUNAM. p. 251-281.<br />

63. ESTEINOU Rosario (2005). <strong>La</strong> juventud y los jóvenes como construcción social. In<br />

MIER Y TERÁN Marta, RABELL Cecilia (coords.). Jóvenes y niños : Un enfoque<br />

sociodemográfico. México : IISUNAM, FLACSO-México, Porrúa. p. 25-37.<br />

64. ESTRADA Liliana (2004). Le travail des enfants au Mexique. Mémoire de DEA en<br />

Mutations des sociétés contemporaines. <strong>Nanterre</strong> : <strong>Université</strong> <strong>Paris</strong> X. 73 p.<br />

65. ESTRADA QUIROZ Liliana (2005). Familia y trabajo infantil y adolescente en México,<br />

2000. In MIER Y TERAN Marta, RABELL Cecilia (coords.). Jóvenes y niños. Un enfoque<br />

409


410<br />

sociodemográfico. México : H. Cámara de Diputados, FLACSO-México, IISUNAM.<br />

p. 203-247.<br />

66. FLAMENT Claude (1989). Structure et dynamique des représentations sociales. In<br />

JODELET Denise (dir.). Les représentations sociales. <strong>Paris</strong> : PUF.<br />

67. FLORES Julia Isabel (1998). Persistencia y cambios en algunos valores de la familia<br />

mexicana de los noventa. In VALENZUELA José Manuel, SALLES Vania (coords.). Vida<br />

familiar y cultura contemporánea. México : CONACULTA. p. 227-245.<br />

68. FUKUI Lia (1996). Pourquoi le travail de l’enfant est-il toléré ? Le cas du Brésil. In<br />

SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression, mise au travail,<br />

prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 181-199.<br />

69. FURSTENBERG Friedrich (1997). El conocimiento de lo social. Seis lecciones sobre la<br />

teoría de las ciencias sociales. Puebla : El Colegio de Puebla. 100 p.<br />

70. GAITAN Lourdes (2006). Sociología de la infancia. Nuevas perspectivas. Madrid :<br />

Síntesis. 263 p.<br />

71. GALLI Rossana (2001). The economic impact of children labour. Switzerland :<br />

International Institute for <strong>La</strong>bour Studies, University of Lugano. 26 p.<br />

72. GARCIA Brígida, MUÑOZ Humberto, OLIVEIRA Orlandina DE (1979). Migration, family<br />

context and labor force participation in Mexico City. In BALAN J. (ed.).Why people<br />

move. <strong>Paris</strong> : UNESCO. p. 211-229.<br />

73. GARCIA Brígida, MUÑOZ Humberto, OLIVEIRA Orlandina DE (1982). Hogares y<br />

trabajadores en la ciudad de México. México : El COLMEX-IISUNAM. 202 p.<br />

74. GARCIA Brígida, OLIVEIRA Orlandina DE (1994). Trabajo y familia en la investigación<br />

sociodemográfica en México. In ALBA Francisco, CABRERA Gustavo (comps.). <strong>La</strong><br />

población en el desarrollo contemporáneo de México. México : El COLMEX. p. 251-<br />

279.<br />

75. GARCIA Brígida, OLIVEIRA Orlandina DE (2001). Cambios socioeconómicos y división<br />

del trabajo en las familias mexicanas. Investigación Económica, n° 236, avril-juin. p.<br />

137-162.<br />

76. GARCIA CASTRO María (1998). <strong>La</strong>s adecuaciones de la familia a los nuevos tiempos.<br />

In VALENZUELA José Manuel, SALLES Vania (coords.). Vida familiar y cultura<br />

contemporánea. México : CONACULTA. p. 247-261.<br />

77. GARZA Gustavo (coord.) (2000). Atlas demográfico de México. México : CONAPO-<br />

PROGRESA. 217 p.<br />

78. GATCHALIAN Jeffrey (coord.) (1990). Le travail des enfants aux Philippines : les<br />

industries du bois et du vêtement. In BEQUELE Assefa, BOYDEN Joe. L’enfant au<br />

travail. Rungis : Fayard. p. 141-160. Collection Les enfants du fleuve.


79. GENDREAU Francis (1996). Présentation : Travail des enfants, société civile et<br />

politiques publiques. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression,<br />

mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 153-162.<br />

80. GONZALEZ Román (2004). Disminuye 20 por ciento mortalidad infantil en México.<br />

Cimacnoticias [en ligne], juillet 2004. Disponible sur :<br />

.<br />

(Consulté le 30.01.2006).<br />

81. GONZALEZ CHAVEZ Humberto (1982). Socialización y trabajo infantil en el tercer<br />

mundo. El capital, la clase y las generaciones. Michoacán : Centro de Estudios<br />

Antropológicos-El COLMICH. 49 p.<br />

82. GRIMA José Manuel, LE FUR Alicia (1999). ¿Chicos de la calle o trabajo chico?<br />

Ensayo sobre la función paterna. Buenos Aires : Lumen. 254 p.<br />

83. GROOTAERT Christiaan, KANBUR Ravi (1995). Le travail des enfants : un point de vue<br />

économique. Revue internationale du travail, vol. 134, n° 2. p. 205-223. Genève :<br />

OIT.<br />

84. GUILLEN-MARROQUIN Jesús (1990). Le travail des enfants au Pérou : l’industrie de<br />

l’or à Madre de Dios. In BEQUELE Assefa, BOYDEN Joe. L’enfant au travail. Rungis :<br />

Fayard. p. 113-140. Collection Les enfants du fleuve.<br />

85. GULRAJANI Mohini (1996). Travail des enfants et secteur de l’exportation –une étude<br />

de cas: l’industrie du tapis indien. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité.<br />

Oppression, mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : KARTHALA-ORSTOM, p. 67-<br />

86.<br />

86. HEADY Christian (2000). What is the effect of child labour on learning achievement?<br />

Evidence from Ghana. Innocenti Working Papers, n° 79. 40 p.<br />

87. HEMMER Hans-Rimbert, STEGER Thomas, WILHELM Rainer (1997). Child labour and<br />

international trade : an economic perspective. Giessen : Justus-Liebig-Universität. 45<br />

p.<br />

88. HERZLICH Claudine (1972). <strong>La</strong> représentation sociale. In MOSCOVICI Serge (ed.).<br />

Introduction à la psychologie sociale. <strong>Paris</strong> : <strong>La</strong>rousse. p. 317-325.<br />

89. HEVENER Natalie, RIZZINI Irene, WILSON Kathleen, BUSH Malcolm (2002). The<br />

impact of global economic, political, and social transformations on the lives of<br />

children : A framework for analysis. In HEVENER Natalie, RIZZINI Irene (eds.).<br />

Globalization and children. Exploring potentials for enhancing opportunities in the<br />

lives of children and youth. London : Kluwer Academic-Plenum Publisher. p. 3-18.<br />

90. HOBBS Sandy, LINDSAY Sandra, MCKECHNIE Jim (1996). Le travail des enfants au<br />

Royaume-Uni – idéologie et réalité. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité.<br />

Oppression, mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 215-222.<br />

411


412<br />

91. HOBBS Sandy, MCKECHNIE Jim (2007). The balance model reconsidered: changing<br />

perceptions of child employment. In HUNGERLAND Beatrice, LIEBEL Manfred, MILNE<br />

Brian, WIHSTUTZ Anne (eds.). Working to be someone: Child focused research and<br />

practice with working children. Londres : Jessica Kingsley publishers. p. 225-231.<br />

92. HOSMER David Jr., LEMESHOW Stanley (1989). Applied logistic regression. New<br />

York: J. Wiley. 307 p.<br />

93. INEGI (2001). Síntesis de resultados de los Estados Unidos Mexicanos. XII Censo<br />

General de Población y Vivienda, 2000 [en ligne]. Aguascalientes : INEGI. 146 p.<br />

Disponible sur :<br />

. (Consulté le 25.01.2006).<br />

94. INEGI (2003). México en el mundo 2003. México : INEGI. 602 p.<br />

95. INEGI. (2003a). Síntesis metodológica del XII Censo General de Población y<br />

Vivienda 2000 [en ligne]. Aguascalientes : INEGI. 56 p. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 25.01.2006).<br />

96. INEGI (2004). El trabajo infantil en México : 1995-2002. Aguascalientes : INEGI.<br />

116 p.<br />

97. INEGI (2005). Encuesta nacional de empleo y seguridad social, 2004 [en ligne].<br />

Aguascalientes : INEGI. 303 p. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 02.09.2006).<br />

98. INEGI (2006). Sistema nacional estadístico y de información geográfica: Indicadores<br />

seleccionados sobre nivel de escolaridad, promedio de escolaridad, aptitud para leer<br />

y escribir y alfabetismo, 1960-2005 [en ligne]. México : INEGI. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 24.02.2006).<br />

99. INEGI(2006a). Sistema nacional estadístico y de información geográfica. México [en<br />

ligne]. México : INEGI. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 25.01.2006).<br />

100. INEGI (2007). Cómo se hace la ENOE. Métodos y procedimientos [en ligne].<br />

Aguascalientes : INEGI. 85 p. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 10.04.2010).<br />

101. INEGI (2010). Encuesta Nacional de Ocupación y Empleo, ENOE 2009: Consulta<br />

interactiva de indicadores estratégicos [en ligne]. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 04.05.2011).<br />

102. INEGI (2011). Panorama sociodemográfico de México. México : INEGI. 104 p.


103. INEGI (2011a). Glosario completo [en ligne]. Disponible sur :<br />

.<br />

(Consulté le 31.07.2011).<br />

104. INEGI-STPS (2008). Resultados del módulo de trabajo infantil 2007. Encuesta<br />

Nacional de Ocupación y Empleo 2007 [en ligne]. Aguascalientes: INEGI. 264 p.<br />

Disponible sur :<br />

. (Consulté le 02.12.2010).<br />

105. INEGI-STPS (2008a). Módulo de trabajo infantil 2007. Encuesta Nacional de<br />

Ocupación y Empleo 2007. Documento metodológico [en ligne]. Aguascalientes :<br />

INEGI. 66 p. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 10.04.2010).<br />

106. INEGI-STPS (2008b). Módulo de trabajo infantil 2007. Encuesta Nacional de<br />

Ocupación y Empleo 2007. Instructivo de llenado del módulo de actividades de niños,<br />

niñas y adolescentes, 2007 [en ligne]. Aguascalientes : INEGI. 51 p. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 10.04.2010).<br />

107. INEGI-STPS (2011). Resultados del módulo de trabajo infantil 2009. Encuesta<br />

Nacional de Ocupación y Empleo 2009 [en ligne]. Aguascalientes : INEGI. 356 p.<br />

Disponible sur :<br />

. (Consulté le 25.03.2011).<br />

108. INSULZA José Miguel (2011). AL, con 38 millones de ‘ninis’ en riesgo por crimen :<br />

Insulza. Vanguardia [en ligne]. juin 2011. Rubrique Internacional. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 12.07.2011).<br />

109. INVERNIZZI Antonella (2003). Des enfants libérés de l’exploitation ou des enfants<br />

doublement discriminés ? Positions et oppositions sur le travail des enfants. Déviance<br />

et société, vol. 27, n° 4. p. 459-481. Suisse : Médecine et Hygiène.<br />

110. JELIN Elizabeth (1983). Familia, unidad doméstica y división del trabajo : ¿Qué<br />

sabemos ? ¿Hacia dónde vamos?. Memorias del Congreso latinoamericano de<br />

población y desarrollo, vol. II. p. 645-674. México : UNAM, El COLMEX, PISPAL.<br />

111. JODELET Denise (1989). Représentations sociales : un domaine en expansion. In<br />

JODELET Denise (dir.). Les Représentations sociales. <strong>Paris</strong> : PUF. p. 31-61.<br />

112. JOVCHELOVITCH Sandra (2004). Contextualiser les focus groups : comprendre les<br />

groupes et les cultures dans la recherche sur les représentations. Bulletin de<br />

psychologie, tome 57, vol. 3, n° 471, mai-juin. p. 245-252. <strong>Paris</strong>.<br />

413


414<br />

113. KALAMPALIKIS Nikos (2004). Les focus groups, lieux d’ancrages. Bulletin de<br />

psychologie, tome 57, vol. 3, n° 471, mai-juin. p. 281-290. <strong>Paris</strong>.<br />

114. KANBARGI Ramesh (1990). Le travail des enfants en Inde : L’industrie du tapis à<br />

Varanasi. In BEQUELE Assefa, BOYDEN Joe. L’enfant au travail. Rungis : Fayard. p.<br />

161-187. Collection les enfants du fleuve.<br />

115. KITZINGER Jenny, MARKOVA Ivana, KALAMPALIKIS Nikos (2004). Qu’est-ce que les<br />

focus groups ? Bulletin de psychologie, tome 57, vol. 3, n° 471, mai-juin. p. 237-243.<br />

<strong>Paris</strong>.<br />

116. KNAUL Felicia (2000). Gender differentials in the impact of child labor and school<br />

drop out on returns to human capital in Mexico. Mimeo.<br />

117. KNAUL Felicia (2001). The impact of child labor and school dropout on human<br />

capital: gender differences in Mexico. In KATZ Elizabeth, CORREIA María (eds.). The<br />

economics of gender in Mexico : Work, family, state and market. Washington D.C. :<br />

The World Bank. p. 46-84.<br />

118. KOBIANE Jean-Fraçois (2001). Revue générale de la littérature sur la demande<br />

d’éducation en Afrique. In PILON Marc, YARO Yacouba (dir.). <strong>La</strong> demande<br />

d’éducation en Afrique : Etat de connaissances et perspectives de recherche. Dakar :<br />

UEPA. p. 20-47.<br />

119. KOBIANE Jean-François, MARCOUX Richard (2007). Dynamiques familiales et<br />

activités des enfants en Afrique subsaharienne : apports et limites des enquêtes<br />

biographiques rétrospectives. In SHOUMAKER Bruno, TABUTIN Dominique (dirs.) Les<br />

systèmes d’information en démographie et en sciences sociales. Nouvelles questions,<br />

nouveaux outils. Louvain-<strong>La</strong> Neuve : Academia-Bruylant.<br />

120. KONO Shigemi (1977). The concept of family life cycle as a bridge between<br />

demography and sociology. International Population Conference. Liège :<br />

International Union for the scientific study of population. p. 355-370.<br />

121. LABAZEE Pascal (1996). L’emploi d’enfants en période de crise : la pluri-activité des<br />

ménages dans le Nord ivoirien. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité.<br />

Oppression, mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 109-121.<br />

122. LANGE Marie-France (1996). Une force de travail disputée : la main-d’œuvre<br />

enfantine en milieu rural togolais. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité.<br />

Oppression, mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 407-418.<br />

123. LEROY Aurélie (2009). Contre le travail des enfants ? Présupposé à débattre.<br />

Alternatives Sud : Contre le travail des enfants ? Points de vue du Sud, vol. 16, n° 1.<br />

p. 7-34. Louvain-la-Neuve : Centre Tricontinental.<br />

124. LEVISON Deborah (2000). Children as economics agents. Feminist Economic, n° 6. p.<br />

125-134.


125. LEVISON Deborah (2007). A feminist economist’s approach to children’s work. In<br />

HUNGERLAND Beatrice, LIEBEL Manfred, MILNE Brian, WIHSTUTZ Anne (eds.).<br />

Working to be someone: Child focused research and practice with working children.<br />

London : Jessica Kingsley publishers. p. 17-21.<br />

126. LEVISON Deborah, MOE Karine (1998). Household work as a deterrent to schooling:<br />

an analysis of adolescent girls in Peru. Journal of developing areas, vol. 32, n° 3. p.<br />

339-356. Tenesse: Tenessee State University.<br />

127. LEVISON Deborah, MOE Karine, KNAUL Felicia (2001). Youth education and work in<br />

Mexico. World Development, vol. 29, n° 1, janvier. p. 167-188. Great Britain :<br />

Elsevier Science Ltd.<br />

128. LEY FEDERAL DEL TRABAJO [en ligne]. Disponible sur:<br />

. (Consulté le 22.07.2010).<br />

129. LIEBEL Manfred (1994). Protagonismo infantil. Movimientos de niños trabajadores en<br />

América latina. Managua : Nueva Nicaragua. 234 p.<br />

130. LIEBEL Manfred (2000). Social transformations by working children’s organisations?.<br />

Information Bulletin International Conference Rethinking Childhood, n° 2. p. 67-76.<br />

131. LIEBEL Manfred (2003). Infancia y trabajo. Para una mejor comprensión de los niños<br />

y niñas trabajadores de diferentes culturas y continentes. Lima : Ifejant. 344 p.<br />

132. LLOMOVATE Silvia (1991). Adolescentes entre la escuela y el trabajo. Buenos Aires :<br />

Miño y Dávila. 122 p.<br />

133. LUCCHINI Ricardo (1998). Sociología de la supervivencia : El niño y la calle. México :<br />

UNAM.<br />

134. MARCOUX Richard (1995). Le travail, un jeu d’enfant ? À propos de la contribution<br />

des enfants à la subsistance des ménages au Mali. Les Études du CEPED : Ménages et<br />

familles en Afrique. Approches des dynamiques contemporaines, n° 15. p. 210-221.<br />

Lomé.<br />

135. MARCOUX Richard, GUEYE Mouhamadou, KONATE Mamadou Kani (2006).<br />

Environnement familial, itinéraires scolaires et travail des enfants au Mali. Enfants<br />

d’aujourd’hui : diversité de contextes, pluralité des parcours. <strong>Paris</strong> : AIDELF-PUF.<br />

tome 2, n° 11. p. 961-973.<br />

136. MARKOVA Ivana (2004). <strong>La</strong>ngage et communication en psychologie sociale :<br />

dialoguer dans les focus groups. Bulletin de psychologie, tome 57, vol. 3, n° 471, maijuin.<br />

p. 231-236. <strong>Paris</strong>.<br />

137. MEDA Dominique (1997). Réflexions sur une disparition. In MONTELH Bernard (dir.).<br />

C’est quoi le travail ? Quelles valeurs transmettre à nos enfants. <strong>Paris</strong> : Autrement. p.<br />

54-62. Collection Mutations ; n. 174.<br />

415


416<br />

138. MEILLASSUOX Claude (1996). Economie et travail des enfants. In SCHLEMMER<br />

Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression, mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> :<br />

Karthala. p. 55-66.<br />

139. MEISER Ute (1997). Spiel, kreativität und gruppe: Die institution der “horizontalen”<br />

gruppen in der sozialen und emotionalen entwicklung tonganisher kinder. In RENNER<br />

Riemann, SCHNEIDER Verl, TRAUTMANN Thomas (eds.) Spiele der kinder.<br />

Interdisziplinäre annäherungen. Weinheim : Deutscher Studienverlag.<br />

140. MENDELIEVICH Elias (1979). Le travail des enfants. Genève: OIT.<br />

141. MENDOZA GARCIA Ma Eulalia, TAPIA COLOCIA Graciela (2010) Situación<br />

demográfica de México 1910-2010. In CONAPO. <strong>La</strong> situación demográfica de<br />

México 2010. México: CONAPO. 236 p.<br />

142. MIER Y TERAN Marta, RABELL Cecilia (2001). Familia y actividades de los jóvenes en<br />

México. Présentation dans le Congrès organisé par <strong>La</strong>tin American Studies<br />

Association, LASA, Washington D.C. 42 p.<br />

143. MIER Y TERAN Marta, RABELL Cecilia (2001a). Condiciones de vida de los niños en<br />

México: 1960-1995 : El entorno familiar, la escolaridad y el trabajo. In GOMEZ DE<br />

LEON José, RABELL Cecilia (coords.). <strong>La</strong> población de México : tendencias<br />

sociodemogràficas y perspectivas hacia el siglo XXI. México : FCE, CONAPO.<br />

144. MIER Y TERAN Marta, RABELL Cecilia (2004). Familia y quehaceres entre los jóvenes.<br />

In ARIZA Marina, DE OLIVEIRA Orlandina (coords.). Imágenes de la familia en el<br />

cambio de siglo. México : IISUNAM. p. 135-179.<br />

145. MIER Y TERAN Marta, RABELL Cecilia (coords.) (2005). Jóvenes y niños : Un enfoque<br />

sociodemográfico. México : FLACSO-México, IISUNAM. 373 p.<br />

146. MIZEN Phil (2007). Exploring children’s work through pictures. In HUNGERLAND<br />

Beatrice, LIEBEL Manfred, MILNE Brian, WIHSTUTZ Anne (eds.). Working to be<br />

someone: Child focused research and practice with working children. London :<br />

Jessica Kingsley publishers. p. 233-242.<br />

147. MOLINA BARRIOS Ramiro, ROJAS LIZARAZU Rafael (1995). <strong>La</strong> niñez campesina. Uso<br />

del tiempo y vida cotidiana. <strong>La</strong> Paz : UNICEF, SIP.<br />

148. MOREL Marie-France (2004). Histoire de l’enfance en Occident. In SINGLY François<br />

DE (dir.). Enfants-adultes : vers une égalité de status ?. <strong>Paris</strong> : Encyclopaedia<br />

Universalis. p. 127-141. Collection Le tour du sujet.<br />

149. MORICE Alain (1996). Le paternalisme, rapport de domination adapté à l’exploitation<br />

des enfants. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression, mise au<br />

travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 269-290.<br />

150. MORROW Virginia (2007). Challenges for social research and action with working<br />

children. In HUNGERLAND Beatrice, LIEBEL Manfred, MILNE Brian, WIHSTUTZ Anne


(eds.). Working to be someone: Child focused research and practice with working<br />

children. London : Jessica Kingsley publishers. p. 213-217.<br />

151. MORTIER Gaëtan (2006). Mexique. Entre l’abîme et le sublime. Boulogne : Editions<br />

Toute <strong>La</strong>titude, 251 p.<br />

152. MOSCOVICI Serge (1976). <strong>La</strong> psychanalyse : son image et son publique. <strong>Paris</strong> : PUF.<br />

506 p.<br />

153. MOSCOVICI Serge (1991). Des représentations collectives aux représentations sociales.<br />

Eléments pour une histoire. In JODELET Denise (dir.). Les représentations sociales,<br />

<strong>Paris</strong> : PUF. p. 62-86.<br />

154. MYERS William (2001). Can children’s work and education be reconciled ?.<br />

International journal of educational policy : Research and practice, vol. 2, n° 3. p.<br />

307-330.<br />

155. MYERS William (2007). Some suggestions for social research on working children’s<br />

initiatives. In HUNGERLAND Beatrice, LIEBEL Manfred, MILNE Brian, WIHSTUTZ Anne<br />

(eds.). Working to be someone: Child focused research and practice with working<br />

children. London : Jessica Kingsley publishers. p. 219-223.<br />

156. NGUEYAP Ferdinand (1996). Société, réussite économique et travail des enfants –les<br />

cas des Bamiléké de l’<strong>Ouest</strong> Cameroun. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant<br />

exploité. Oppression, mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 393-406.<br />

157. NIEUWENHUYS Olga (1996). L’exploitation des enfants en économie domestique –le<br />

cas du Kerala (Inde). In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression,<br />

mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 419-435.<br />

158. NIEUWENHUYS Olga (2006). Les enfants travailleurs et le principe de réciprocité. In<br />

BONNET Michel, HANSON Karl, LANGE Marie-France, PAILLET Graciela,<br />

NIEUWENHUYS Olga, SCHLEMMER Bernand. Enfants travailleurs : Repenser l’enfance.<br />

<strong>La</strong>usanne : Page deux. p. 165-188. Collection Cahiers libres.<br />

159. NORANDI Mariana (2010). Excluir a mujeres de cifras ninis, doble estrategia de<br />

invisibilización: UNAM. <strong>La</strong> Jornada [en ligne], août 2010. Rubrique Sociedad y<br />

Justicia. Disponible sur :<br />

.<br />

(Consulté le 19.07.2011).<br />

160. O’CONNELL DAVIDSON Julia (2005). Children in the global sex trade. Cambridge :<br />

Polity Press. 224 p.<br />

161. OIT (1990). <strong>La</strong> lucha contra el trabajo infantil. Ginebra : OIT. 257 p.<br />

162. OIT (1999). El trabajo infantil: Lo intolerable en el punto de mira, Conferencia<br />

Internacional del Trabajo, 86ª reunión, Rapport VI, Partie 1. Ginebra : OIT. 133 p.<br />

417


418<br />

163. OIT (2002). Un avenir sans travail des enfants. Rapport global en vertu du suivi de la<br />

Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail.<br />

Conférence Internationale du travail 90ª session 2002. Rapport I (B) [en ligne].<br />

Genève : OIT. 153 p. Disponible sur : .<br />

(Consulté le<br />

15.08.2008).<br />

164. OIT (2006). Eliminación del trabajo infantil: un objetivo a nuestro alcance. Informe<br />

global con arreglo al seguimiento de la Declaración de la OIT relativa a los principios<br />

y derechos fundamentales en el trabajo [en ligne]. Ginebra : OIT. 117 p. Disponible<br />

sur :<br />

.<br />

(Consulté le 17.04.2001).<br />

165. OIT (2007). <strong>La</strong> fin du travail des enfants. Des millions de voix, un espoir partagé.<br />

Travail. Le magazine de l’OIT [en ligne]. n° 61, décembre. 56 p. Disponible sur :<br />

.<br />

(Consulté le 28.05.2010).<br />

166. OIT-IPEC (2005). Manual de análisis de datos e informes estadísticos sobre el<br />

trabajo infantil [en ligne]. Ginebra : OIT. 187 p. Disponible sur :<br />

.<br />

(Consulté le 11.05.2011).<br />

167. OLIVARES ALONSO Emir (2011). Faltan opciones educativas para la juventud, afirma<br />

Narro Robles. <strong>La</strong> Jornada [en ligne], avril 2011. Rubrique Sociedad y Justicia.<br />

Disponible sur : .<br />

(Consulté le 12.07.2011).<br />

168. OLIVEIRA Orlandina DE (2006). Jóvenes y precariedad laboral en México. Papeles de<br />

población, année 12, n° 49. p. 37-73. Toluca : Nueva época.<br />

169. OOSTERHOUT Henk VAN (1990). Le travail des enfants aux Philippines : la pêche<br />

muro-ami. In BEQUELE Assefa, BOYDEN Joe. L’enfant au travail. Rungis : Fayard. p.<br />

189-211. Collection Les enfants du fleuve.<br />

170. PARRADO Emilio, ZENTENO René (2005). Medio siglo de incorporación de la mujer a<br />

la fuerza de trabajo: cambio social, reestructuración y crisis económica en México. In<br />

COUBES Marie-<strong>La</strong>ure, ZAVALA DE COSÍO María Eugenia, ZENTENO René (coords.).<br />

Cambio demográfico y social en México del siglo XX : una perspectiva de historias de<br />

vida. Tijuana : El COLEF. p. 191-226.<br />

171. PEDRAZA-GOMEZ Zandra (2007). Working children and the cultural perception of<br />

childhood. In HUNGERLAND Beatrice, LIEBEL Manfred, MILNE Brian, WIHSTUTZ Anne<br />

(eds.). Working to be someone: Child focused research and practice with working<br />

children. London : Jessica Kingsley publishers. p. 23-30.<br />

172. PILON Marc, GERARD Etienne, YARO Yacouba (2001). Introduction. In PILON Marc,<br />

YARO Yacouba (dir.). <strong>La</strong> demande d’éducation en Afrique : Etat de connaissances et<br />

perspectives de recherche. Dakar : UEPA. p. 5-15.


173. PNUD (2009). Rapport mondial sur le développement humain 2009. Lever les<br />

barrières : Mobilité et développement humains [en ligne]. New York : PNUD. 202 p.<br />

Disponible sur :<br />

. (Consulté le<br />

03.05.2011).<br />

174. PNUD (2011). Rapport mondial sur le développement humain 2010. <strong>La</strong> vraie richesse<br />

des nations : les chemins du développement humain. [en ligne]. New York : PNUD.<br />

254 p. Disponible sur :<br />

.<br />

(Consulté le 02.10.2011).<br />

175. POLLOCK Linda (1983). Forgotten children: parent-child relation from 1500 to 1900.<br />

Cambridge : Cambridge University Press, 334 p.<br />

176. PORTOCARRERO Ricardo (1998). El trabajo infantil en el Perú: Apuntes de<br />

interpretación histórica. Lima : Ifejant. 80 p.<br />

177. PRZEWORSKI Adam (1982). Teoría sociológica y el estudio de la población.<br />

Reflexiones sobre el trabajo de la Comisión de Población y Desarrollo. In MERTENS<br />

Walter, PRZEWORSKI Adam, ZEMELMAN Hugo. Reflexiones téorico-metodológicas<br />

sobre las investigaciones en Población. México: El COLMEX. p. 58-99.<br />

178. PSACHAROPOULOS Georges (1997). Child labor versus educational attainment. Some<br />

evidence from <strong>La</strong>tin America. Journal of population economics. p. 377-386.<br />

Washington DC : The World Bank.<br />

179. QVORTRUP Jens (1994). Formas de acercarse a las vidas y actividades de los niños.<br />

Investigación y políticas de infancia en Europa en los años 90. Madrid : Ministerio de<br />

Asuntos Sociales.<br />

180. QVORTRUP Jens (2000). Does children’s work have a value? Colonisation of children<br />

through their school work, Conference paper, “Rethinking childhood: Working<br />

children’s challenge to social sciences”, Bondy.<br />

181. RAMANATHAN Usha (1996). Le travail des enfants et la loi en Inde. In SCHLEMMER<br />

Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression, mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> :<br />

Karthala. p. 223-235.<br />

182. RAMIREZ SANCHEZ Martha Arelí (2007). ‘Helping at home’ : the concept of childhood<br />

and work among the Nahuas of Tlaxcala, Mexico. In HUNGERLAND Beatrice, LIEBEL<br />

Manfred, MILNE Brian, WIHSTUTZ Anne (eds.). Working to be someone: Child focused<br />

research and practice with working children. London : Jessica Kingsley publishers. p.<br />

87-95.<br />

183. RANJAN Priya (1999). An economic analysis of child labor. Economics Letters 64. p.<br />

99-105. California : Department of Economics, University of California.<br />

419


420<br />

184. RENDON Teresa (2004). El mercado laboral y la división intrafamiliar del trabajo. In<br />

ARIZA Marina, DE OLIVEIRA Orlandina (coords.). Imágenes de la familia en el cambio<br />

de siglo. México : IISUNAM. p. 49-87.<br />

185. RETHERFORD Robert, CHOE Minja (1993). Statistical models for causal análisis. New<br />

York : John Wiley and sons. 258 p.<br />

186. ROBLES BERLANGA Francisco (2000). El trabajo infantil urbano informal en la Ciudad<br />

de México. Revista mexicana del trabajo y la previsión social, n° 2, deuxième<br />

semestre. México : STPS.<br />

187. RODGERS Gerry, STANDING Guy (1981). Le rôle économique des enfants dans les pays<br />

à faibles revenus. Revue internationale du travail. vol. 120, n° 1. p. 35-54. Genève :<br />

OIT.<br />

188. RODGERS Gerry, STANDING Guy (1981a). Child Work, poverty and underdevelopment.<br />

Geneva : OIT. 310 p.<br />

189. RODRÍGUEZ ROCA María Hilda (2005). Sociedad e infancia en los Andes. Dialogando.<br />

p. 53-69. Cochabamba : Terre des homes.<br />

190. ROJAS FLORES Jorge (2004). El trabajo infantil y la infancia popular. NATs-Revista<br />

internacional desde los niños/as y adolescentes trabajadores, année VII, n° 11-12,<br />

mars. p. 15-29. Lima : Ifejant.<br />

191. ROLLET Catherine (2001). Les enfants au XIX siècle. <strong>Paris</strong> : Hachette Littératures. 264<br />

p.<br />

192. ROUBAUD François (1995). <strong>La</strong> economía informal en México: De la esfera doméstica<br />

a la dinámica macroeconómica. México: FCE. 484 p.<br />

193. SAENZ Alvaro, DI PAULA Jorge (1981). Precisiones téorico-metodológicas sobre la<br />

noción de estrategias de existencia. Demografía y economía, vol. XV, n° 2. p. 149-<br />

163. México : El COLMEX.<br />

194. SALAZAR María Cristina (1990). Le travail des enfants en Colombie : les carrières et<br />

les briqueteries de Bogota. In BEQUELE Assefa, BOYDEN Joe. L’enfant au travail.<br />

Rungis : Fayard. p. 93-112. Collection Les enfants du fleuve.<br />

195. SALAZAR ORVIG Anne, GROSSEN Michèle (2004). Représentations sociales et analyse<br />

de discours produits dans des focus groups : un point de vue dialogique. Bulletin de<br />

psychologie, tome 57, vol. 3, n° 471, mai-juin. p. 263-272. <strong>Paris</strong>.<br />

196. SANCHEZ CALLEJA María Eugenia, SALAZAR ANAYA Delia (coords.) (2006). Los<br />

niños: su imagen en la historia. México : INAH. 167 p.<br />

197. SARI Djilali (1996). <strong>La</strong> recrudecence de l’emploi des enfants en Algérie. In<br />

SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression, mise au travail,<br />

prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 99-108.


198. SAT (2011). Salarios mínimos [en ligne]. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 04.08.2011).<br />

199. SCHIBOTTO Giangi, CUSSIANOVICH Alejandro (1994). Working children. Building an<br />

identity. Lima : MANTHOC. 223 p.<br />

200. SCHILDKROUT Enid (1981). The employment of children in Kano (Nigeria). In<br />

RODGERS Gerry, STANDING Guy (eds.). Child work, poverty and underdevelopment.<br />

Geneva : OIT. p. 81-112.<br />

201. SCHLEMMER Bernard (1996). Présentation générale. In SCHLEMMER Bernard (dir.).<br />

L’enfant exploité. Oppression, mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 7-<br />

27.<br />

202. SCHLEMMER Bernard (1997). Propositions de recherche sur l’exploitation des enfants<br />

au travail, faites aux sciences sociales qui, en France, ignorent encore la question.<br />

Recherches internationales, n° 50, automne. p. 67-88.<br />

203. SCHLEMMER Bernard (2005). Le BIT : <strong>La</strong> mesure du ‘travail des enfants’ et la<br />

question de la scolarisation. In VINOKUR Annie (dir.). Cahiers de la Recherche sur<br />

l’éducation et les savoirs : Revue internationale de sciences sociales. Pouvoirs et<br />

mesure en éducation. Hors-série, n°1, juin. p. 229-248. Bondy : ARES<br />

204. SCHLEMMER Bernard (2006). Le ‘travail des enfants’, étapes et avatars dans la<br />

construction d’un objet. In SIROTA Régine (dir.). Eléments pour une sociologie de<br />

l’enfance. Rennes : PUR. p. 173-183. Collection Le sens social.<br />

205. SCHLEMMER Bernard (2007). Working children in Fez, Morocco : relationship<br />

between knowledge and strategies for social and professional integration. In<br />

HUNGERLAND Beatrice, LIEBEL Manfred, MILNE Brian, WIHSTUTZ Anne (eds.).<br />

Working to be someone: Child focused research and practice with working children.<br />

London : Jessica Kingsley publishers. p. 109-115.<br />

206. SCHMINK Marianne (1984). Household economic strategies: Review and research<br />

agenda. <strong>La</strong>tin American Research Review, vol. 3, n° 19. p. 87-101.<br />

207. SCHWARTZ Olivier (1990). Le monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord.<br />

<strong>Paris</strong> : PUF. 532 p.<br />

208. SEDESOL-CONAPO-INEGI (2004). Delimitación de las zonas metropolitanas de<br />

México [en ligne]. México : SEDESOL-CONAPO-INEGI. 169 p. Disponible sur :<br />

. (Consulté le<br />

12.07.2006).<br />

209. SEP (2002). Estadística histórica del sistema educativo nacional [en ligne].<br />

Disponible sur : .<br />

(Consulté le 06.07.2006).<br />

421


422<br />

210. SEP (2010). Sistema Interactivo de estadísticas educativas [en ligne]. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 10.02.2010).<br />

211. SILVA TELLES Vera DA, ABRAMO Helena (1987). Experiencia urbana, trabajo e<br />

identidad. Apuntes a una investigación sobre menores proletarios en Sao Paulo. In<br />

CARRION Diego, VAINSTOC Ana (eds.). <strong>La</strong> ciudad y los niños. Quito: Ciudad-Centro<br />

de investigaciones. p. 197-214.<br />

212. SINGLY François DE, THELOT Claude (1986). Racines et profils des ouvriers et des<br />

cadres supérieurs. Revue française de sociologie, XXVI. p. 47-86.<br />

213. SINGLY François DE (dir.). (2007). L’injustice ménagère. <strong>Paris</strong> : Armand Colin. 236 p.<br />

214. SNIIM (2011). Mercados nacionales [en ligne]. Disponible sur :<br />

. (Consulté le 04.08.2011).<br />

215. SOLIS Patricio, CORTES Fernando (2009). <strong>La</strong> movilidad ocupacional en México: rasgos<br />

generales, matices regionales y diferencias por sexo. In RABELL ROMERO Cecilia<br />

(coord.). Tramas familiares en el México contemporáneo: Una perspectiva<br />

sociodemográfica. México: IISUNAM, El COLMEX. p. 395-433.<br />

216. SOSENSKI Susana (2010). Niños en acción. El trabajo infantil en la ciudad de México,<br />

1920-1934. México : El COLMES. 365 p.<br />

217. STELLA Alessandro (1996). Pour une histoire de l’enfant exploité –du Moyen Age à la<br />

révolution industrielle. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression,<br />

mise au travail, prolétarisation. <strong>Paris</strong> : KARTHALA-ORSTOM. p. 31-51.<br />

218. TARACENA Elvira, TAVERA Maria-Luisa (1996). Le travail des enfants dans les rues de<br />

Mexico. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression, mise au travail,<br />

prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 201-214.<br />

219. TIENDA Marta (1979). The economic activity of children in Peru: labor force behavior<br />

in rural and urban contexts. Rural sociology, vol. 44, n° 2. p. 370-391.<br />

220. TORRADO Susana (1981). Sobre los conceptos de ‘Estrategias familiares de vida’ y<br />

‘Proceso de reproducción de la fuerza de trabajo’ : Notas téorico-metodológicas".<br />

Demografía y Economía, vol. XV, n° 2. p. 204-233. Mexico : El COLMEX.<br />

221. TORRADO Susana (1982). El enfoque de las estrategias familiares de vida en América<br />

<strong>La</strong>tina. Orientaciones téorico-metodológicas. Cuadernos del CEUR, n° 2. 25 p.<br />

Buenos Aires.<br />

222. TRISCIUZZI Leonardo, COMBI Franco (1998). Infancia e historia. Lima : Ifejant. 29 p.<br />

223. TUIRAN Rodolfo (1999). Dominios institucionales y trayectorias de vida en México. In<br />

FIGUEROA Beatriz (coord.). México diverso y desigual. Enfoques sociodemográficos.<br />

vol. 4. México : El COLMEX, SOMETE. p. 201-206.


224. UNICEF (1986). Exploitation of Working and Street Children. New York : UNICEF.<br />

225. UNICEF (1990). Convention Internationale des Droits de l’enfant [en ligne]. <strong>Paris</strong> :<br />

UNICEF. 31 p. Disponible sur : . (Consulté<br />

le 22.07.2011).<br />

226. UNICEF-DIF (2000). Programa para la prevención, atención, desaliento y<br />

erradicación del trabajo infantil urbano marginal. México : UNICEF-DIF.<br />

227. UNICEF-DIF-DF (2000). Estudio de niñas, niños y jóvenes en el Distrito Federal.<br />

México : UNICEF. 166 p.<br />

228. VALENZUELA José Manuel, SALLES Vania (1998). Introducción. In VALENZUELA José<br />

Manuel, SALLES Vania (coords.). Vida familiar y cultura contemporánea. México :<br />

CONACULTA. p. 11-26.<br />

229. VARGAS EVARISTO Susana (2006). El papel de los niños trabajadores en el contexto<br />

familiar : El caso de migrantes indígenas asentados en el Valle de San Quintín, Baja<br />

California. Papeles de Población, année 12, n° 48, avril-juin. p. 227-245. Toluca :<br />

Nueva época.<br />

230. VERLET Martin (1996). Grandir à Nima (Ghana) : dérégulation domestique et mise au<br />

travail. In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression, mise au travail,<br />

prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 311-329.<br />

231. WEISS Florence (1993). Von der schwierigkeit, über kinder zu forschen. Die Iatmul in<br />

Papua-Neuguinea. In LOO Marie-José VAN DE, REINHART Margarete (eds.). Kinder.<br />

Ethnologische forschungen in fünf kontinenten. Munich : Trickster. p. 96-153.<br />

232. WHITE Ben (1996). Globalisation of the child labour problem. Journal of International<br />

Development, année 8, n° 6. p. 829-840.<br />

233. WIBECK Victoria, ADELSWARD Viveka, LINELL Per (2004). Comprendre la<br />

complexité : les focus groups comme espace de pensée et d’argumentation à propos<br />

des aliments génétiquement modifiés. Bulletin de psychologie, tome 57, vol. 3, n° 471,<br />

mai-juin. p. 253-261. <strong>Paris</strong>.<br />

234. WIHSTUTZ Anne (2007). The significance of care and domestic work to children : a<br />

German Portrayal. In HUNGERLAND Beatrice, LIEBEL Manfred, MILNE Brian,<br />

WIHSTUTZ Anne (eds.). Working to be someone: Child focused research and practice<br />

with working children. London : Jessica Kingsley publishers. p. 77-86.<br />

235. WINTERSBERGER Helmut (2003). Niños como productores y como consumidores:<br />

Sobre la percepción del significado económico de las actividades de los niños. NATs-<br />

Revista Internacional desde los niños/as y adolescentes trabajadores, année VI, n° 10.<br />

p. 11-27. Lima : Ifejant.<br />

236. YARO Yacouba (1996). Les jeunes chercheurs d’or d’Essakan ‘l’Eldorado burkinabé’.<br />

In SCHLEMMER Bernard (dir.). L’enfant exploité. Oppression, mise au travail,<br />

prolétarisation. <strong>Paris</strong> : Karthala. p. 135-149.<br />

423


424<br />

237. ZELIZER Vivian (1992). Repenser le marché : la construction sociale du “marché aux<br />

enfants” aux Etats-Unis. Actes de la recherche en sciences sociales, n° 94. p. 3-26.<br />

238. ZELIZER Vivian (1994). Pricing the priceless child. The changing social value of<br />

children. New Jersey : Princeton University Press. 277 p.<br />

BASES DES DONNES<br />

INEGI, Encuesta Nacional de Empleo [en ligne]. Disponible sur :<br />

. (Consulté<br />

le 12.07.2006).<br />

INEGI, Encuesta Nacional de Ocupación y Empleo 2007 [en ligne]. Aguascalientes :<br />

INEGI. Disponible sur :<br />

<br />

(Consulté le 12.10.2011).<br />

INEGI, Módulo de trabajo infantil 2007 [en ligne]. Aguascalientes : INEGI Disponible sur :<br />

.<br />

(Consulté le 12.10.2011).<br />

Tableau des abréviations employées (auteurs)<br />

Abréviation Nom de l’organisme<br />

BANXICO Banco de México<br />

CLADEHLT Comisión latinoamericana por los derechos y libertades de los trabajadores (Caracas)<br />

CONAPO Consejo Nacional de Población (Mexico)<br />

DIF Sistema para el desarrollo integral de la familia (Mexico)<br />

INEGI Instituto nacional de estadística, geografía e informática (Aguascalientes, Mexique)<br />

IPEC Programme international pour l’abolition du travail des enfants<br />

OIT Organisation Internacionale du Travail<br />

PNUD Programme des nations unies pour le développement<br />

SAT<br />

Sistema de administración tributaria. Secretaría de hacienda y crédito público<br />

(Mexico).<br />

SEDESOL Mexique. Secretaría de desarrollo social<br />

SEP Mexique. Secretaría de educación pública<br />

SNIIM<br />

Sistema nacional de información e integración de mercados. Secretaría de Economía<br />

(Mexico)<br />

STPS Mexique. Secretaría de trabajo y previsión social (Mexico)<br />

UNICEF Fonds des nations unies pour l’enfance


ANNEXES<br />

425


426


I.1. Extraits de la Loi fédérale du travail<br />

ANNEXE I. Information Générale<br />

TITULO QUINTO BIS<br />

Trabajo de los Menores<br />

Artículo 173.- El trabajo de los mayores de catorce años y menores de dieciséis queda sujeto a vigilancia y<br />

protección especiales de la Inspección del Trabajo.<br />

Artículo 174.- Los mayores de catorce y menores de dieciséis años deberán obtener un certificado médico<br />

que acredite su aptitud para el trabajo y someterse a los exámenes médicos que periódicamente ordene la<br />

Inspección del Trabajo . Sin el requisito del certificado, ningún patrón podrá utilizar sus servicios.<br />

Artículo 175.- Queda prohibida la utilización del trabajo de los menores:<br />

I. De dieciséis años, en:<br />

a) Expendios de bebidas embriagantes de consumo inmediato.<br />

b) Trabajos susceptibles de afectar su moralidad o sus buenas costumbres.<br />

c) Trabajos ambulantes, salvo autorización especial de la Inspección de Trabajo.<br />

d) Trabajos subterráneos o submarinos.<br />

e) <strong>La</strong>bores peligrosas o insalubres.<br />

f) Trabajos superiores a sus fuerzas y los que puedan impedir o retardar su desarrollo físico normal.<br />

g) Establecimientos no industriales después de las diez de la noche.<br />

h) Los demás que determinen las leyes.<br />

II. De dieciocho años, en:<br />

Trabajos nocturnos industriales.<br />

Artículo 176.- <strong>La</strong>s labores peligrosas o insalubres a que se refiere el artículo anterior, son aquellas que, por<br />

la naturaleza del trabajo, por las condiciones físicas, químicas o biológicas del medio en que se presta, o<br />

por la composición de la materia prima que se utiliza, son capaces de actuar sobre la vida, el desarrollo y la<br />

salud física y mental de los menores. Los reglamentos que se expidan determinarán los trabajos que queden<br />

comprendidos en la anterior definición.<br />

Artículo 177.- <strong>La</strong> jornada de trabajo de los menores de dieciséis años no podrá exceder de seis horas<br />

diarias y deberán dividirse en períodos máximos de tres horas. Entre los distintos períodos de la jornada,<br />

disfrutarán de reposos de una hora por lo menos.<br />

Artículo 178.- Queda prohibida la utilización del trabajo de los menores de dieciséis años en horas<br />

extraordinarias y en los días domingos y de descanso obligatorio. En caso de violación de esta prohibición,<br />

las horas extraordinarias se pagarán con un doscientos por ciento más del salario que corresponda a las<br />

horas de la jornada, y el salario de los días domingos y de descanso obligatorio, de conformidad con lo<br />

dispuesto en los artículos 73 y 75.<br />

Artículo 179.- Los menores de dieciséis años disfrutarán de un período anual de vacaciones pagadas de<br />

dieciocho días laborables, por lo menos.<br />

Artículo 180.- Los patrones que tengan a su servicio menores de dieciséis años están obligados a:<br />

I. Exigir que se les exhiban los certificados médicos que acrediten que están aptos para el trabajo;<br />

II. Llevar un registro de inspección especial, con indicación de la fecha de su nacimiento, clase de trabajo,<br />

horario, salario y demás condiciones generales de trabajo;<br />

III. Distribuir el trabajo a fin de que dispongan del tiempo necesario para cumplir sus programas escolares;<br />

IV. Proporcionarles capacitación y adiestramiento en los términos de esta Ley; y,<br />

V. Proporcionar a las autoridades del trabajo los informes que soliciten.<br />

TITULO SEXTO<br />

Trabajos Especiales<br />

CAPITULO XV<br />

Industria familiar<br />

Artículo 351.- Son talleres familiares aquellos en los que exclusivamente trabajan los cónyuges, sus<br />

ascendientes, descendientes y pupilos.<br />

Artículo 352.- No se aplican a los talleres familiares las disposiciones de esta Ley, con excepción de las<br />

normas relativas a higiene y seguridad.<br />

Artículo 353.- <strong>La</strong> Inspección del Trabajo vigilará el cumplimiento de las normas a que se refiere el artículo<br />

anterior..<br />

Source : Ley Federal del trabajo. http://www.diputados.gob.mx/LeyesBiblio/pdf/125.pdf<br />

427


I.2. Groupes d’activité professionnelle<br />

428<br />

Groupes Activité professionnelle<br />

Classe de services<br />

Travailleurs non manuels en<br />

activités routinières<br />

Cadres, gérants et directeurs de haut niveau dans les secteurs public et<br />

privé, professeurs du troisième cycle. 463<br />

Directeurs en seconde dans les secteurs public ou privé, techniciens,<br />

professeurs non du troisième cycle, artistes et sportifs, travailleurs en<br />

activités routinières dans les bureaux (secrétaires, comptables, etc.),<br />

agents immobiliers et d’assurances. 464<br />

Travailleurs du commerce Travailleurs en activités commerciales en général (commerce formel) 465<br />

Travailleurs spécialisés<br />

Travailleurs non spécialisés<br />

Superviseurs dans l’industrie, opérateurs de machine fixe, artisans,<br />

chauffeurs et d’autres conducteurs de véhicules, ouvriers spécialisés. 466<br />

Vendeurs ambulants, travailleurs en services personnels, travailleurs en<br />

service domestique, travailleurs en services de sécurité, aides,<br />

apprentis d’artisan, ouvriers non spécialisés, travailleurs non spécialisés<br />

du bâtiment. 467<br />

Travailleurs agricoles Travailleurs en activités agricoles en général. 468<br />

Source : Solís et Cortés, 2009.<br />

Les six groupes d’activité ont été obtenus à partir de méthodes statistiques bivariées<br />

(pourcentages, moyennes, coefficients de variation et écart interquartile) et multivariées<br />

(l’analyse en composantes principales) à partir de trois variables : le niveau de scolarité du<br />

chef de ménage, le niveau de revenu mensuel du ménage et l’actif disponible dans le ménage<br />

(29 articles ont été choisis : petits et gros électroménagers, véhicules, ordinateur et<br />

périphériques, climatiseurs).<br />

463<br />

Profesionistas; gerentes y directivos de alto nivel en los sectores público y privado; profesores universitarios.<br />

464<br />

Directivos de nivel medio en el sector público y privado; técnicos; maestros de nivel inferior al universitario;<br />

artistas y deportistas; trabajadores de rutina en oficinas (archivistas, secretarios, etc.). Agentes de ventas en<br />

seguros o bienes raíces.<br />

465<br />

Trabajadores en actividades comerciales en general (comercios establecidos).<br />

466<br />

Supervisores en la industria; operadores de maquinaria; artesanos; choferes y otros conductores de vehículos;<br />

obreros especializados.<br />

467<br />

Vendedores ambulantes; trabajadores en servicios personales; trabajadores en servicios domésticos;<br />

trabajadores en servicios de seguridad; peones; ayudantes; aprendices de artesano; obreros no especializados;<br />

trabajadores no especializados en la construcción.<br />

468<br />

Trabajadores en actividades agrícolas en general.


ANNEXE II. Les instruments de travail<br />

429


II.1. Travail de terrain<br />

L’entretien collectif<br />

GRILLE DE LECTURE DES ENTRETIENS COLLECTIFS<br />

Infancia y escolaridad<br />

¿Se consideran niños? ¿Por qué?<br />

¿Qué otra diferencia hay entre los niños y los jóvenes o los adultos?<br />

¿Qué actividades hacen las niñas y los niños?<br />

¿Hasta qué año deben estudiar las niñas y los niños? ¿Por qué?<br />

¿Qué pasaría si se estudia sólo hasta la secundaria?<br />

¿Conocen a alguien que haya dejado de estudiar, qué pasa cuando los niños dejan de estudiar?<br />

¿Qué les gustaría ser cuando sean adultos? ¿Por qué?<br />

Actividades familiares<br />

¿Quién vive con ustedes?<br />

¿Quién o quiénes hacen el quehacer en la casa?<br />

¿Como cuántas horas al día le dedican al quehacer?<br />

¿Todos los hermanos hacen quehacer?<br />

¿Su mamá participa? ¿Su papá participa?<br />

¿Quién prepara la comida en casa? ¿Quién la sirve?<br />

Cuando alguien se enferma en su casa ¿quién lo cuida?<br />

¿Quién cuida a los hermanos más chicos?<br />

¿Qué cosas hacen con su mamá?<br />

¿Y con su papá?<br />

¿Con sus hermanos?<br />

¿Su papá qué hace?<br />

El trabajo en la familia<br />

¿Su mamá trabaja?<br />

¿Cuánto tiempo trabaja?<br />

¿Qué piensan de que su mamá trabaje?<br />

¿Hay alguien más en su familia que podría trabajar? ¿Por qué no lo hace?<br />

¿Cuándo es el mejor momento para comenzar a trabajar? ¿Por qué?<br />

¿Cuándo les gustaría empezar a trabajar? ¿Por qué?<br />

¿Para qué sirve trabajar?<br />

¿Alguna vez han trabajado?<br />

¿Quién decidió que trabajaran?<br />

¿Trabajan nada más en vacaciones o también cuando están en la escuela?<br />

¿El trabajo les afecta en la escuela?<br />

¿Qué hacen con el dinero que les pagan?<br />

Para los que no han trabajado ¿si pudieran trabajar les gustaría?<br />

¿En qué les gustaría trabajar ahorita?<br />

¿Alguien más trabaja con algún amigo o pariente?<br />

¿Qué opinan sobre el trabajo con los papás?<br />

Percepción sobre el trabajo infantil<br />

Qué opinan sobre :<br />

Los otros niños que trabajan.<br />

Los niños que trabajan en la calle.<br />

Los cerillos.<br />

Los que cuidan a sus hermanos.<br />

430


Le questionnaire appliqué lors des entretiens collectifs<br />

Cuestionario sociodemográfico<br />

Fecha : _______________________ Hora : __________<br />

Nombre: ____________________________________________ Edad: _________<br />

Dirección: ___________________________________________________________<br />

Ocupación: __________________________________________________________<br />

Fecha de Nacimiento: _________________________ Sexo: __________________<br />

Escolaridad: __________________________________________________________<br />

L’entretien individuel<br />

Le questionnaire de renseignements généraux<br />

Fecha: ____________ Hora:____<br />

Datos generales<br />

Nombre:_________________ Edad:______ Sexo: ______ Escolaridad: ___________________<br />

Lugar de nacimiento: _____________________ Año de nacimiento: __________<br />

Ocupaciones: _________________________________________________________________<br />

Religión: _______________ Personas en el hogar: ____________<br />

No. de hermanos: ___________ Orden de nacimiento: _______<br />

Datos sobre las personas de su hogar:<br />

Parentesco Edad Sexo Escolaridad Ocupaciones<br />

1________________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

2________________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

3________________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

4________________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

5________________ _____ _____ _____________________ _________________________<br />

6________________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

7________________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

8________________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

9________________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

10_______________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

11_______________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

12_______________ _____ _____ _________________________ ____________________<br />

13_______________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

14_______________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

15_______________ _____ _____ _________________________ _____________________<br />

Observaciones:<br />

431


Grille de lecture de l’entretien individuel<br />

Infancia y escolaridad<br />

¿Te consideras un niño(a)? ¿Por qué?<br />

¿Qué diferencia a los niños de otras personas?<br />

¿Qué actividades hacen los niños y las niñas?<br />

¿Hasta cuándo deben estudiar las niñas?<br />

¿Y los niños?<br />

¿Qué has visto que sucede cuando las niñas o los niños dejan de ir a la escuela? ¿A qué se dedican o qué pasa<br />

con ellos?<br />

¿A ti qué te gustaría hacer cuando seas adulto?<br />

¿Por qué?<br />

<strong>La</strong>s actividades familiares<br />

Tu papá ¿hace trabajo doméstico? ¿qué hace? ¿cada cuándo?<br />

¿Tu mamá?<br />

¿Tú?<br />

¿Tus hermanos?<br />

¿Los otros miembros de la familia?<br />

¿Por qué X no hace trabajo doméstico?<br />

¿Quién prepara la comida? ¿Quién la sirve? Y cuando no está X ¿quién lo hace?<br />

Cuando alguien se enferma en tu casa ¿quién lo cuida?<br />

¿Quién cuida a los niños más pequeños? (darles de comer, cambiarlos, bañarlos)<br />

¿A qué edad las niñas pueden cocinar? lavar trastes, planchar, lavar ropa, cuidar a los enfermos, cuidar a los<br />

hermanos menores.<br />

¿Y los niños?<br />

¿Qué actividades haces con tu mamá?<br />

¿Y con tu papá?<br />

¿Y con tus hermanos?<br />

¿Qué otras acividades hace tu papá?<br />

¿Tu mamá?<br />

¿Tú?<br />

¿Tus hermanos?<br />

¿Los otros miembros de la familia?<br />

El trabajo en la familia<br />

¿Quién de la casa trabaja?<br />

¿En qué trabaja? ¿Dónde trabaja? ¿Le pagan? ¿Cuánto tiempo dedica?<br />

¿Qué piensas de que tu mamá trabaje / se quede en casa a hacer el quehacer?<br />

¿Qué piensas de que tu papá trabaje?<br />

¿Quién más de la familia podría trabajar? ¿Por qué no lo hace? ¿Quién lo mantiene?<br />

¿Para qué sirve trabajar? ¿Cuáles son los beneficios?<br />

El trabajo infantil<br />

¿Alguna vez has trabajado? ¿En qué? ¿Dónde? ¿Con quién? ¿Cuánto tiempo?<br />

¿Qué hacías? ¿Quién te enseñó?<br />

¿A qué edad iniciaste la primera vez? ¿Quién te dijo de ese trabajo?<br />

¿Te pagaban? ¿Qué hacías con el dinero?<br />

¿Quién decidió que trabajaras y por qué?<br />

¿Y estudiabas al mismo tiempo? ¿Tu trabajo afectó en tu rendimiento escolar?<br />

¿Afectó en tu salud?<br />

¿Te gustó trabajar?<br />

¿Qué te decían tus papás de que trabajaras?<br />

432


Si tuvieras la posibilidad de no trabajar ¿te gustaría dejar de hacerlo? / Si tuvieras la posiblidad de trabajar ¿ te<br />

gustaría trabajar?<br />

¿Alguno de tus hermanos trabajó cuando era niño? ¿A qué edad inició la primera vez? ¿Dónde? ¿Con quién?<br />

¿Cuánto tiempo? ¿Qué hacía?<br />

<strong>La</strong> percepción sobre el trabajo infantil<br />

¿Qué opinas sobre las niñas y los niños que trabajan en algún negocio o taller con sus papás?<br />

¿Qué opinas de los niños y las niñas que trabajan en la calle vendiendo cosas o limpiando parabrisas, por<br />

ejemplo? ¿Qué sientes ante estos niños? ¿Por qué crees que trabajan?<br />

¿Qué piensas del trabajo de las niñas y los niños que trabajan como “cerillos” en los supermercados?<br />

¿Qué piensas de los niños y de las niñas que tienen que cuidar a sus hermanos o que tienen que hacer el<br />

quehacer de la casa y la comida?<br />

¿Cuándo piensas que es el mejor momento o la mejor edad para comenzar a trabajar?<br />

¿Por qué?<br />

A ti ¿cuándo te gustaría comenzar a trabajar? ¿Por qué?<br />

Algunas personas piensan que todas las niñas y los niños deben tener el derecho a trabajar si así lo desean o si<br />

lo necesitan, y que entonces deberían crearse leyes especiales para proteger a los niños que trabajan ¿qué opinas<br />

de esto?<br />

433


II.2. Les questionnaires de l’ENOE et du MTI 2007<br />

434


435


436


437


438


439


440


441


442


443


444


445


446


447


448


449


450


451


452


453


454


ANNEXE III. Présentation des interviewés<br />

Les enfants sont présentés dans l’ordre dans lequel ils ont été interrogés :<br />

1. Juan<br />

2. Gloria<br />

3. Mariana<br />

4. María<br />

ENTRETIEN 1<br />

5. Pedro<br />

6. Felipe<br />

7. Karen<br />

8. Carlos<br />

Juan (non travailleur, mais avec expérience professionnelle)<br />

Garçon de 12 ans en 6e année de primaria (école privée).<br />

9. Sandra<br />

10. Alejandro<br />

11. Alicia<br />

12. Claudia<br />

Depuis l’âge de 10 ou 11 ans, il travaille les après-midi, s’il a envie, dans l’atelier de dessin<br />

publicitaire que son oncle possède chez eux. Quand son père vivait avec eux, il l’aidait à vendre des<br />

poulets rôtis les samedis. Il avait environ 11 ans à ce moment-là. Il n’a jamais été rémunéré.<br />

Il voudrait embrasser la carrière de son oncle.<br />

Contexte familial<br />

Ménage élargi monoparental de 8 membres. Ses parents séparés, Juan vit avec sa mère, sa sœur<br />

cadette (9 ans), ses grands-parents maternels, ainsi que son oncle, la femme de ce dernier et sa<br />

cousine âgée de 9 mois. Ils habitent la maison des grands-parents. Sa mère (32 ans) est employée dans<br />

une entreprise privée, elle a fini une formation universitaire. Son grand-père (53 ans) est propriétaire<br />

de l’épicerie dans laquelle il travaille, située au rez-de-chaussée de la maison. Sa grand-mère (54 ans)<br />

est standardiste. Son oncle (29 ans) et sa tante possèdent l’équivalent d’un baccalauréat professionnel.<br />

Ils travaillent dans un petit atelier de publicité dont ils sont propriétaires. Les enfants ne voient guère<br />

leur père. Les femmes de la famille sont responsables des tâches ménagères et des repas, les hommes<br />

et les enfants n’y participant pas. Du lundi au vendredi, les enfants vont manger avec leur grand-mère<br />

paternelle, qui habite aussi dans le quartier.<br />

Sa famille est l’une des plus aisées du quartier.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

Juan a participé à un entretien collectif avant son entretien individuel.<br />

<strong>La</strong> rencontre s’est tenue chez lui, dans le salon, où sa tante travaillait face à un ordinateur dans l’autre<br />

coin de la grande habitation. Le téléphone sonnait souvent et sa tante conversait beaucoup, mais à<br />

voix basse. Sa sœur était présente lors de l’entretien, mais silencieuse.<br />

455


Nous avons tenté de le mettre à l’aise, car il semblait très anxieux. Il bougeait souvent dans la chaise<br />

giratoire où il était assis. Il a répondu de manière assez succincte à toutes les questions, répondant<br />

parfois juste : « non », « oui » ou « je ne sais pas ». L’entretien a duré 26 minutes.<br />

ENTRETIEN 2<br />

Gloria (non travailleuse)<br />

Fille âgée de 10 ans en 5e année de primaria (école privée).<br />

Elle n’a jamais eu d’expérience de travail.<br />

Elle participe parfois aux tâches ménagères. Lorsque son père et sa mère travaillent, elle s’occupe de<br />

son frère cadet : elle l’aide à faire ses devoirs scolaires, ils regardent la télévision et jouent ensemble.<br />

Elle pratique la danse hawaïenne comme loisir, et souhaiterait être chef de cuisine.<br />

Contexte familial<br />

Ménage nucléaire biparental de 4 membres. Gloria a un frère cadet (âgé de 5 ans) scolarisé. Son père<br />

(34 ans) est vendeur indépendant de voitures d’occasion. Il va chercher des voitures américaines<br />

d’occasion au nord du pays pour les vendre à Mexico dans un marché public spécialisé. Et il est aussi<br />

machetero indépendant (pelleteur). Sa mère (29 ans) est vendeuse, employée à plein temps chez un<br />

opticien. Ses parents ne sont pas allés plus loin que l’enseignement obligatoire. Les enfants passent<br />

plus de temps avec leur père qui travaille surtout les week-ends. Le reste du temps, celui-ci bricole et<br />

fait de la mécanique. Sa mère est responsable des tâches ménagères et de la préparation des repas,<br />

mais le père participe de façon assez régulière au travail domestique. Ses deux parents sont impliqués<br />

dans la surveillance et l'attention aux enfants.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

Elle a participé à un entretien collectif après l’entretien individuel.<br />

<strong>La</strong> rencontre s’est déroulée chez ses parents, dans la cuisine. Sa mère était absente et son père<br />

bricolait dans la cour. Son frère présent perturbait nos échanges ignorant les remontrances de Gloria.<br />

Il a fallu de notre intervention pour qu’il aille jouer ailleurs finalement. Anxieuse, elle s’est détendue<br />

peu à peu, répondant de façon concrète aux questions. L’interview a duré 41 minutes.<br />

ENTRETIEN 3<br />

Mariana (non travailleuse)<br />

Fille âgée de 7 ans en 2e année de primaria (école publique).<br />

456


Elle n’a jamais eu d’expérience de travail. En plus de l’école, elle suit les cours de soutien scolaire<br />

qui propose le centre social du quartier.<br />

Elle participe toujours aux tâches ménagères et s’occupe parfois de sa plus jeune sœur.<br />

Elle voudrait être professeur de mathématiques.<br />

Contexte familial<br />

Ménage nucléaire biparental de 8 membres. Les frères de Mariana ont 15 et 12 ans et les sœurs 18, 9<br />

et 2 ans. Son père (49 ans) est maçon et souffre d’alcoolisme. Sa mère (44 ans) travaille avec sa tante<br />

qui place un local improvisé pour vendre de tacos dans l’une des rues du quartier. Elle y travaille<br />

toute la journée des jeudis et vendredis. Trois matinées par semaine, elle travaille comme aide à<br />

domicile. Ses parents ne sont allés que jusqu’en fin de primaria. Sa sœur aînée suit une formation<br />

d’esthéticienne et travaille aussi comme baby-sitter chez une famille voisine. Ses frères scolarisés<br />

travaillent parfois les samedis avec leur père. Ils sont rémunérés. Prêt à quitter l’école, le frère aîné<br />

souhaite rejoindre leurs cousins aux Etats-Unis dans le but de trouver un emploi. Sa plus jeune sœur<br />

reste toujours à la maison et l’autre est écolière. Quand sa mère ne peut pas s’occuper des tâches<br />

ménagères et de la préparation des repas, c’est sa sœur aînée qui en a la responsabilité (elle est<br />

comme une deuxième mère pour les filles), ou éventuellement, une de leurs tantes voisine. En leur<br />

absence, les autres enfants partagent les taches ménagères et s’occupent de la benjamine. Son père,<br />

peu impliqué dans les corvées ménagères ne participe pas plus à la surveillance des enfants. Les filles<br />

sont souvent frappées par leurs frères, malgré la désapprobation des parents.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

Invitée à participer à un entretien collectif, après l’entretien individuel, elle a oublié le rendez-vous.<br />

<strong>La</strong> rencontre s’est déroulée chez ses parents, dans la cuisine. Il y avait beaucoup de bruit (de la<br />

musique) à l’extérieur. Nous y étions seules, mais de temps en temps un enfant passait près de nous,<br />

mais sans nous déranger. Les parents étaient absents, et elle devait s’occuper de sa petite sœur qui<br />

jouait dans la cour. Au milieu des échanges, elle m’a demandé de faire une pause pour s’assurer que<br />

sa sœur allait bien. Elle aimait discuter, expliquer. Elle avait l’air décontractée. Elle en a profité pour<br />

nous faire part des soucis rencontrés avec ses frères et ses professeurs. L’interview a duré 1 heure et 5<br />

minutes.<br />

ENTRETIEN 4<br />

María (travailleuse extradomestique familiale)<br />

Fille de 9 ans, en 3e année de primaria (école publique).<br />

457


Avant d’aller à l’école, elle travaille les matinées des jeudis et vendredis avec sa grand-mère<br />

maternelle dans un local improvisé dans le quartier. Elle s’occupe de mettre la nourriture commandée<br />

dans les sacs, de servir les sodas, de nettoyer les assiettes et de rendre la monnaie. Elle y passe<br />

environ deux heures chaque jour. Elle n’est pas rémunérée.<br />

Elle repasse son propre linge, et aide parfois à préparer les repas ou faire le ménage. S’il le faut, elle<br />

réchauffe son repas avant d’aller à l’école.<br />

Elle assiste à l’atelier de soutien scolaire et pratique aussi la danse hawaïenne dans le centre social du<br />

quartier.<br />

Elle voudrait être professeur de danse hawaïenne, maîtresse d’école élémentaire ou médecin.<br />

Contexte familial<br />

Ménage élargi non parental de 7 personnes. Ses parents séparés, María vit chez ses grands-parents<br />

maternels (qui elle appelle papa et maman) depuis quelques années, loin des problèmes de drogue de<br />

ses parents. Dans le ménage, il y a aussi deux oncles (dont un est marié), et une cousine. Son grand-<br />

père (54 ans) est propriétaire et chauffeur d’un camion-benne. Il est travailleur indépendant. Sa grand-<br />

mère (52 ans) est responsable d’un commerce informelle, employée à domicile chez une personne<br />

âgée et chargée de l’église locale (salariée). Sa grand-mère et sa grand-tante placent leur local<br />

informel toute la journée les jeudis et vendredis dans l’une des rues du quartier. Elles vendent des<br />

tacos. Parfois, ses grands-parents vendent des aliments qu’ils préparent face à leur maison. L’un de<br />

ses oncles (29 ans) est machetero et l’autre (20 ans) est chauffeur de taxi et machetero. Sa tante (23<br />

ans) a cessé de travailler pour s’occuper de son nouveau-née. María a une sœur cadette (7 ans) qui<br />

habite avec sa mère et son nouvel ami dans le même quartier. Sa mère et sa grand-mère ne s’adressent<br />

plus la parole. Les adultes du ménage sont allés jusqu’à la secundaria, sauf les grands-parents qui ont<br />

juste fini la primaria. Sa grand-mère est responsable du ménage et des repas, mais si elle ne peut pas<br />

le faire, quelqu’un d’autre s’en charge. Cependant, les tâches ménagères sont une affaire des femmes.<br />

Toutefois, son grand-père les effectue s’il y a vraiment besoin.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

Invitée à participer à un entretien collectif après l’entretien individuel, elle a également oublié le<br />

rendez-vous. <strong>La</strong> première date fixée pour l’entretien individuel a été annulée à la dernière minute par<br />

sa grand-mère.<br />

<strong>La</strong> rencontre a eu lieu chez ses grands-parents, dans la cuisine. Nous étions seules. Les autres<br />

personnes vaquaient à leurs occupations dans la maison. Personne ne nous a dérangées. Mais, il y<br />

avait de la musique très forte à l’extérieur. Elle s’est montrée à tout moment décontractée, mais<br />

timide.<br />

L’entretien a duré 42 minutes.<br />

458


ENTRETIEN 5<br />

Pedro (non travailleur, mais avec expérience professionnelle)<br />

Garçon âgé de 8 ans, en 2e année de primaria (école publique).<br />

Il travaille occasionnellement avec son père. Il a commencé à accompagner son père au travail<br />

environ à l’âge de 4 ans. Au début, il jouait seulement, mais depuis presque un an, il a commencé à<br />

utiliser la pelle pour débarrasser le camion-benne ou déplacer les pierres. Il fait ce qu’il peut. Il<br />

accompagne son père au travail quand il en a envie, mais toujours après avoir finit ses devoirs<br />

scolaires. Il est rémunéré par son père. A l’âge de 7 ans, il a travaillé comme cireur de chaussures<br />

pour des parents et des voisins, sur la suggestion de son grand-père qui était cireur et lui a tout acheté.<br />

Pedro travaillait à la maison. Ses parents l’aidaient parfois. Il avait ses tarifs : la paire de chaussures<br />

50 cents d’euro et les bottes 1 euro. Avec regret, il a arrêté ce travail car il n’avait plus de cire, son<br />

grand-père ne voulant plus l’en fournir.<br />

Il voudrait être architecte ou médecin.<br />

Contexte familial<br />

Ménage élargi biparental de 5 membres. Pedro est enfant unique. Son père (26 ans) est pelleteur<br />

(machetero) et chauffeur d’un camion-benne qui appartient à son oncle. Il travaille quand il y a du<br />

travail. Il est allé jusqu’à la secundaria. Sa mère (26 ans) est femme au foyer et étudiante au lycée. Il<br />

vit chez ses grands-parents maternels. Son grand-père est chef de maintenance électrique dans une<br />

entreprise privée. Sa grand-mère est standardiste dans une entreprise privée également. Tous les<br />

adultes, sauf son grand-père, participent au travail domestique et à la préparation des repas.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

Il a participé à un entretien collectif après l’entretien individuel.<br />

<strong>La</strong> rencontre s’est tenue chez ses grands-parents, dans la salle à manger. Nous étions seuls. Sa mère<br />

était dans une pièce au fond de la cour de la maison. Pedro semblait tranquille, il a répondu<br />

concrètement aux questions. Il n’y a pas eu de dérangement pendant l’entretien qui a duré 53 minutes.<br />

ENTRETIEN 6<br />

Felipe (travailleur extradomestique non familial)<br />

Garçon de 14 ans en 1ère année de secundaria (école publique).<br />

Il a commencé à travailler à 8 ans aidant son oncle forgeur. Il donnait les outils à son oncle, les<br />

nettoyait et les rangeait. Il a travaillé pendant une année tous les après-midi, sans horaire fixe. Le<br />

459


matin il étudiait. Comme il avait une faible rémunération (2 euros par jour) et que le métier<br />

l’ennuyait, il a quitté son emploi pour se consacrer à l’école et travailler chez lui, avec sa mère et son<br />

frère, à vendre des sucreries et des sodas, sans revenu. A environ 13 ans, il a commencé à travailler<br />

avec son parrain comme serrurier. Il a appris le métier. Il a travaillé plus d’un an. Il a débuté à 17<br />

euros par semaine, pour finir à 27 euros. Il travaillait les après-midi du lundi au samedi. Ses parents,<br />

inquiets de l’addiction à l’alcool de son parrain l’ont poussé à quitter son travail. De plus, son emploi<br />

du temps scolaire a changé, il allait à l’école l’après-midi. Peu après, il a trouvé un travail les week-<br />

ends dans une taquería (restaurant spécialisé dans la vente de tacos) grâce à une connaissance. Il<br />

effectue près de huit heures par jour, et est rémunéré 7 euros par jour. De plus, il vient de trouver un<br />

travail avec un ami charpentier pour les vacances d’été.<br />

Il voudrait être mécanicien.<br />

Contexte familial<br />

Ménage nucléaire biparental de 5 personnes (Felipe ne connaît pas l’âge de ses parents). Il a deux<br />

frères aînés (20 et 16 ans). Le plus âgé étudie au lycée et est employé dans un cinéma. Il a toujours<br />

travaillé et étudié simultanément depuis d’âge de 13 ans. L’autre frère, élève en secundaria, il n’a<br />

jamais travaillé en dehors de la maison. Son père, après avoir été policier, travaille comme maçon<br />

depuis 4 mois. Il n’est pas allé au-delà de la primaria. Sa mère est femme de ménage et femme au<br />

foyer. Elle a suivit le cursus scolaire obligatoire. Sa mère prépare le repas, ou parfois une tante leur<br />

apporte. Les parents et le cadet de ses frères s’occupent du ménage. Quand ils étaient plus jeunes,<br />

l’aîné, environ âgé de 11 ans, s’occupait d’eux, les parents travaillant toute la journée. Il les douchait,<br />

préparait les repas, les amenait à l’école... Les trois enfants étaient responsables des tâches<br />

ménagères. Pendant cinq ans, sa mère, son frère et lui vendaient des sodas et des sucreries à la<br />

maison. Il y a un an qu’ils ont cessé cette activité.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

Invité à participer à un entretien collectif après l’entretien individuel, il n’a pu se joindre à nous, car il<br />

travaillait à la date prévue pour la réunion.<br />

<strong>La</strong> rencontre s’est tenue dans le salon de la maison. Felipe semblait à l’aise, parlant doucement et<br />

répondant concrètement aux questions, sans oublier de nous faire part de ses expériences et<br />

anecdotes. L’entretien a duré 1 heure.<br />

ENTRETIEN 7<br />

Karen (travailleuse domestique familiale)<br />

Fille de 14 ans en 2e année de secundaria (école publique).<br />

460


Depuis des années, elle s’occupe de sa sœur et de son frère cadets. Elle participe aux tâches<br />

ménagères, sauf la préparation des repas, et partage avec son père la responsabilité des cadets.<br />

Elle voudrait être pédiatre.<br />

Contexte familial<br />

Famille élargie monoparentale de 7 membres. Ses parents séparés depuis trois ans, la fratrie ne<br />

fréquente plus la mère. Karen a un frère de 10 ans et une sœur de 8 ans, écoliers. Les enfants ont vécu<br />

quelque temps chez leur mère, mais depuis 6 mois, ils habitent avec leur père (33 ans) qui est<br />

mécanicien, employé dans un garage privé de motos. Il a réussi son bac. Il travaille presque toute la<br />

journée du lundi au vendredi, et les samedi matin. Il est souvent en déplacement en province. Ils<br />

vivent dans un studio aménagé dans la maison de la grand-mère paternelle, où habitent aussi son<br />

oncle et sa tante (frère et sœur du père). <strong>La</strong> grand-mère (64 ans), femme au foyer, prépare le repas<br />

pour tous, et fait la plupart des tâches ménagères. L’oncle (30 ans) travaille comme baby-sitter et<br />

comme artisan indépendant, en plus, il est bénévole dans le centre social du quartier. Il a arrêté ses<br />

études après deux ans d’université. <strong>La</strong> tante (20 ans) est vendeuse, salariée dans une boutique. Elle est<br />

allée jusqu’au lycée. Les week-ends, tous aident la grand-mère à faire le ménage.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

Elle a participé à un entretien collectif après l’entretien personnel.<br />

<strong>La</strong> rencontre a eu lieu chez elle, dans la salle à manger, où nous étions seules, la grand-mère était<br />

dans la cuisine en train de préparer les repas. Plus tard, elle est sortie de la maison. Nous n’avons pas<br />

été dérangées.<br />

Au début, elle était un peu nerveuse, mais peu à peu, elle s’est montrée plus à l’aise. Elle aimait parler<br />

et donner des exemples, profitant de l’entretien pour nous faire part des problèmes avec sa mère.<br />

L’entretien a duré 1 heure et 34 minutes.<br />

ENTRETIEN 8<br />

Carlos (non travailleur, mais avec expérience professionnelle)<br />

Garçon de 14 ans en 3e année de secundaria (école publique).<br />

Cette année, il a commencé à travailler avec son père. Il l’aide à nettoyer les distributeurs de petits<br />

ours en peluche installés dans divers centres commerciaux. Il travaille plus ou moins tous les trois<br />

jours pendant les vacances, certains week-ends en période scolaire, environ cinq heures par jour. Il est<br />

rémunéré 7 euros par semaine, peu importe le temps travaillé.<br />

Généralement, il lave la vaisselle après les repas.<br />

Il voudrait être médecin.<br />

461


Contexte familial<br />

Famille nucléaire biparentale de 4 personnes. Carlos a une sœur âgée de 10 ans, écolière. Son père<br />

(34 ans) est chargé de l’entretien des distributeurs de petits ours en peluche. Il est allé jusqu’au lycée.<br />

Sa mère (35 ans) femme au foyer n’est pas allée au-delà de la secundaria, n’a jamais travaillé après<br />

son mariage. Elle est l’unique responsable des tâches ménagères et des repas. Les enfants s’occupent<br />

de leurs affaires. Le père ne participe pas aux corvées ménagères.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

Après son refus de participer aux entretiens collectifs, nous l’avons proposé un entretien individuel<br />

qu’il a accepté.<br />

<strong>La</strong> rencontre s’est déroulée chez ses parents, dans le salon. Nous étions seuls. Sa mère et sa sœur<br />

lavaient le linge dans la cour de la maison. Carlos répondait de façon assez brève et à voix basse. Il<br />

avait l’air anxieux. Personne ne nous a dérangés lors de l’entretien qui a duré 35 minutes.<br />

ENTRETIEN 9<br />

Sandra (travailleuse extradomestique familiale et non familiale)<br />

Fille de 12 ans en 6e année de primaria (école publique).<br />

Depuis l’âge de 9 ans, elle travaille tous les soirs sans revenu, avec sa mère dans un local improvisé<br />

du quartier. De plus, sa grand-mère la paie pour laver un comal (poêle très plate, épaisse et grande) 15<br />

jours par mois.<br />

Elle partage le travail ménager avec ses frères, et lave le linge avec sa mère. Depuis l’âge de 9 ou 10<br />

ans elle cuisine de temps en temps.<br />

Elle voudrait être médecin ou infirmière.<br />

Contexte familial<br />

Famille nucléaire biparentale de 5 membres. Sandra a deux frères (10 et 8 ans) écoliers, et une sœur<br />

aînée de 18 ans qui ne vit plus chez eux, mariée et mère d’un enfant de 2 ans. Son père (40 ans) est<br />

fonctionnaire, il a suivi une formation universitaire. Sa mère (40 ans), femme au foyer et<br />

commerçante informelle, est allée jusqu’à la secundaria. Toutes les soirées, sauf les dimanches, sa<br />

mère installe son local improvisé face à leur maison dans la rue, où elle vend des hamburgers et des<br />

frites, à côté de sa grand-mère, qui est aussi commerçante informelle, et vend également des aliments.<br />

Les trois enfants s’occupent des tâches ménagères avec leur mère. Quant elle ne peut pas cuisiner,<br />

chaque enfant prépare son propre repas. Son père participe à la préparation des repas et lave la<br />

vaisselle, mais seulement les week-ends.<br />

462


Déroulement de l’entretien<br />

Elle a participé à un entretien collectif avant l’entretien individuel.<br />

<strong>La</strong> rencontre s’est déroulée chez elle, dans la salle à manger. Nous étions seules, les parents<br />

travaillent et les frères jouent dans la rue. Personne ne nous a dérangés. Elle s’est montrée à l’aise,<br />

mais timide. Elle parlait en voix basse.<br />

L’entretien a duré 37 minutes.<br />

ENTRETIEN 10<br />

Alejandro (travailleur extradomestique non familial)<br />

Garçon de 14 ans en 1ère année de secundaria (école publique).<br />

Depuis l’âge de 8 ans, pendant les périodes scolaires, il travaille une heure par soirée dans une<br />

épicerie du quartier. Pendant les vacances, il travaille environ quatre heures par jour, avec le même<br />

employeur, qui en plus de l’épicerie, loue des machines de jeux vidéo et des aires des jeux gonflables.<br />

Depuis l’âge de 7 ou 8 ans, sa mère lui a appris à préparer certains plats.<br />

Sa famille est l’une des plus pauvres du quartier.<br />

Il voudrait être avocat.<br />

Contexte familial<br />

Famille nucléaire biparentale de 5 personnes. Alejandro a un frère de 12 ans et une sœur de 10 ans,<br />

écoliers. Son beau-père (65 ans), gardien de nuit, vient d’épouser sa mère (35 ans), femme au foyer.<br />

Tous les deux ont été peu scolarisés. Les enfants et leur beau-père participent parfois aux tâches<br />

ménagères, mais la mère fait la plus grande partie du travail.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

Il a participé à un entretien collectif avant l’entretien individuel.<br />

<strong>La</strong> rencontre a eu lieu dans la cour du centre social du quartier, car il ne nous a pas proposé de le faire<br />

chez ses parents. Nous nous sommes installés dans un coin tranquille, où de temps en temps des<br />

personnes passaient, sans nous déranger. Quelques minutes après avoir commencé l’entretien, un<br />

camion-poubelle a stationné à côté du centre social pour ramasser les poubelles. Il y a eu alors trop de<br />

bruit pendant quelques minutes. Lors de l’entretien, Alejandro avait l’air détendu, mais s’est montré<br />

timide et peu bavard.<br />

L’entretien a duré 30 minutes.<br />

463


ENTRETIEN 11<br />

Alicia (travailleuse extradomestique non familiale)<br />

Fille de 11 ans en 6e année de primaria (école publique).<br />

Elle a commencé à travailler dans le petit restaurant de sa tante à l’âge de 9 ans, pendant les vacances<br />

d’été. Elle y allait tous les matins, du lundi au vendredi, 4 heures en moyenne. Sa tante lui payait 7<br />

euros par semaine. Elle assistait sa tante dans la préparation de plats et était aussi serveuse.<br />

Depuis un an, elle travaille encore avec sa tante comme serveuse, cette fois tous les après-midi, du<br />

lundi au vendredi, après l’école. Elle n’est plus payée par sa tante, mais reçoit des pourboires de la<br />

part des clients (ce qui est une coutume au Mexique) et déjeune sur place.<br />

Comme elle aime cuisiner, les week-ends, elle prépare parfois le petit-déjeuner pour sa famille. Elle<br />

lave de temps en temps son linge.<br />

Elle voudrait être chef de cuisine, vétérinaire ou médecin.<br />

Contexte familial<br />

Famille nucléaire biparentale de 3 personnes. Elle est fille unique. Son père (33 ans), forgeur est<br />

employé dans un petit atelier. Sa mère (33 ans) est femme au foyer. Ses parents ne sont pas allés plus<br />

loin que la secundaria. Ils habitent une maison construite dans une propriété familiale, où les autres<br />

frères et sœurs du père ont aussi leur logement. Sa mère est chargée des tâches ménagères et des<br />

repas, mais les week-ends, Alicia et son père y participent aussi un peu. Sa mère ne travaille pas parce<br />

qu’elle veut s’occuper d’Alicia.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

<strong>La</strong> rencontre a eu lieu chez ses parents, dans le salon. Nous étions seules, sa mère était sortie et son<br />

père travaillait. Au début de l’entretien, elle a avoué être nerveuse car intimidée. Toutefois, elle s’est<br />

vite détendue, a beaucoup parlé et argumenté ses propos, a partagé quelques anecdotes.<br />

L’entretien a duré 1 heure et 10 minutes.<br />

ENTRETIEN 12<br />

Claudia (travailleuse extradomestique familiale)<br />

Fille de 9 ans en 3e année de primaria (école publique)<br />

Elle travaille de manière irrégulière dans l’épicerie familiale. Tous les jours, elle ou son frère<br />

s’occupe du magasin lorsque la mère doit préparer les repas, faire le ménage ou se reposer. Elle y va<br />

aussi lorsqu’elle n’a rien à faire d’autre et qu’elle s’ennuie. Elle y va depuis les 7 ans. Elle s’occupe<br />

464


de l’épicerie, même si elle ne connaît pas les prix des articles, elle se débrouille. Elle n’est pas<br />

rémunérée.<br />

Elle lave parfois son linge ou les chaussettes de toute la famille, et d’habitude elle balaye la maison.<br />

Elle voudrait être médecin ou infirmière.<br />

Contexte familial<br />

Ménage nucléaire biparental de 4 personnes. Claudia a un frère aîné âgé de 10 ans, écolier, qui<br />

travaille aussi parfois avec sa mère. Son père (36 ans) loue des machines de jeux vidéo et des aires de<br />

jeux gonflables. Il est travailleur indépendant. Il n’est pas allé au-delà de la primaria. Sa mère (29<br />

ans) est femme au foyer. Elle n’est pas allée au-delà de la secundaria. Ces parents s’occupent d’une<br />

épicerie, propriété de son grand-père maternel, qui se trouve dans la cour de la maison. Elle est<br />

ouverte 7 jours sur 7, de 7 h à 22 h. Son père et son frère ne participent jamais aux tâches ménagères,<br />

ni à la préparation des repas.<br />

Déroulement de l’entretien<br />

Elle a participé à un entretien collectif avant l’entretien individuel.<br />

<strong>La</strong> rencontre a eu lieu dans notre voiture, car il pleuvait, et sa mère ne nous a pas proposé de nous<br />

accueillir chez elle. <strong>La</strong> pluie s’est arrêtée quelques minutes après, et certains enfants sortis jouer dans<br />

la rue où nous étions garés, se sont approchés de la voiture, en distrayant Claudia. Il nous a donc fallu<br />

intervenir pour leur demander de nous laisser tranquilles un moment. Mais elle était inquiète et<br />

regardait les enfants jouer. Elle répondait de façon brève et en voix basse. L’entretien a duré une<br />

demi-heure.<br />

465

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!