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que permettait à leurs yeux la société féodale. La plupart dřentre eux sřadaptent mal à la société monarchique qui triomphe avec le règne personnel de Louis XIV ; ils se tournent vers un passé quřils embellissent […]. Par excès ou par défaut, ils tentent de modifier le cours présent de lřhistoire en intervenant dans le domaine réservé au roi. La famille réagit immédiatement contre cette transgression et isole le fauteur de trouble dans sa passion. Mais elle a dřautant plus de mal à parvenir à ses fins que celui-ci est par ailleurs le chef auquel elle doit obéissance 32 . Il faut donc quřune figure dřordre, incarnation de lřautorité royale et de la justice, intervienne ; Anselme, dans L‟Avare, en donnant ses enfants en mariage, cautionne un futur pouvoir familial qui réinstaurera la séparation entre les sphères de lřhistoire et de lřéconomie, cřest-à-dire entre des systèmes de vie de valeur égale mais bien distincts au XVII e siècle. Lřélément perturbateur subit en général une peine provisoire qui le purifie 33 . Mais ni le vol de la cassette ni sa restitution finale ne semblent amender lřAvare 34 . Sa déviance ne consiste apparemment pas à « faire étalage » dřune hiérarchie basée sur lřhonneur ni dřy accoler une incompatible hiérarchie basée sur lřargent. Il nřest pas pleinement ce quřApostolidès nomme un « bourgeois gentilhomme », « catégorie sociale intermédiaire innommable », « souillure » dans la dynamique sociale 35 ; il est au contraire dřune discrétion extrêmement soucieuse sur son « métier » infâme, même auprès de ses enfants, dont la surprise est de taille lorsquřils la découvrent 36 . Il ne parle de sa réelle cassette quřen aparté, dans un des rares moments où il apparaît seul en scène 37 , et se défend farouchement dřavoir « assez de bien ». 32 Ibidem, p. 175. 33 Ibid., p. 176-77. 34 Avare, V, 6, p. 201-203. 35 Apostolidès, Le Prince sacrifié, op. cit., p. 177. 36 Avare, II, 2, p. 103 sq. 37 Au début de la quatrième scène de lřacte I ; Harpagon nřest ensuite plus jamais seul, sauf dans la fameuse scène de délire (IV, 7). 244
Il ne cherche pas non plus à sřallier à la noblesse. La fiancée quřil se choisit est, quand il sřen éprend, dřune famille apparemment honnête mais désargentée 38 , voire proche de la misère 39 . Lors du dénouement, Mariane raconte sa vraie histoire, sa captivité et son esclavage chez les corsaires, après le naufrage du vaisseau qui emmenait sa noble famille avec tous ses biens hors de Naples en révolte, les difficultés quřelle et sa mère rencontrèrent après leur libération, la récupération à Gênes dřun héritage dilapidé qui les fit vivre durant leur voyage jusquřà Paris 40 . Force est de constater quřHarpagon, à « soixante ans bien comptés », a conclu un mariage non dřintérêt mais dřamour, ou du moins selon un penchant dont lřobjet nřest pas lřargent, sans bien sûr renoncer à sa passion pour lřor. Plus encore, il réprouve la conduite de « ces larrons de noblesse », « imposteurs qui tirent avantage de leur obscurité, et sřhabillent insolemment du premier nom illustre quřils sřavisent de prendre » 41 . Ce rejet de lřimposture paraît comique au regard de la sournoiserie dont on le sait capable. Néanmoins, il tendrait à le disculper des soupçons dřalliance ambitieuse, du moins pour lui-même ; le mariage de sa fille avec le seigneur Anselme appartient déjà davantage à cette logique de reclassification sociale, mais encore est-elle très courante dans les milieux bourgeois 42 . Cette ambiguïté du discours dřHarpagon apparaît toujours dès que de lřargent est engagé : ce qui sřapplique à son usage personnel nřest pas valable pour lřusage de ses enfants. En fait, Harpagon est divisé entre une attitude et un discours « bourgeois » pour lui-même, dont le secret et lřaustérité ressemblent à ceux dřun Colbert par exemple 43 , et des attentes de « gentilhomme » envers ses enfants, qui dřailleurs répondent à ces exigences mi-conscientes : la dépense, parfois ostentatoire, la mondanité, lřesprit, la grâce de Cléante, et par ailleurs la 38 Voir Avare, I, 4, p. 80-81; II, 5, p. 111-112. 39 Avare, III, 6, et 7, p. 141. 40 Avare, V, 5, p. 197. 41 Ibid., p. 193. 42 Voir DURAND, Yves, L‟Ordre du monde. Idéal politique et valeurs sociales en France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, SEDES, 2001, p.175-82. 43 Sur la composition du visage et lřévolution de lřexpression de la passion au XVII e -XVIII e siècles, voir le livre de Jean-Jacques COURTINE et Claudine HAROCHE, Histoire du visage. Exprimer et taire ses émotions (XVIe Ŕ début XIXe siècle), Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1994, p. 160-177. 245
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38 Voir Avare, I, 4, p. 80-81; II, 5, p. 111-112.<br />
39 Avare, III, 6, et 7, p. 141.<br />
40 Avare, V, 5, p. 197.<br />
41 Ibid., p. 193.<br />
42 Voir DURAND, Yves, L‟Ordre du mon<strong>de</strong>. Idéal politique et valeurs sociales en France du XVIe <strong>au</strong> XVIIIe<br />
siècle, <strong>Paris</strong>, SEDES, 2001, p.175-82.<br />
43 Sur la composition du visage et lřévolution <strong>de</strong> lřexpression <strong>de</strong> la passion <strong>au</strong> XVII e -XVIII e siècles, voir le livre<br />
<strong>de</strong> Jean-Jacques COURTINE et Cl<strong>au</strong>dine HAROCHE, Histoire du visage. Exprimer et taire ses émotions (XVIe<br />
Ŕ début XIXe siècle), <strong>Paris</strong>, Petite Bibliothèque Payot, 1994, p. 160-177.<br />
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