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dimanche 26 juillet

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fillliui DlMÂNCH&ILLUSTRÉ miiiiiniiiiiiiiMiiiMiiuiHiiiiiiuiiiiiiiiiiniiMiiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiiiiiiiiiiniiiii g iiiiiiiiiiiirtniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiniiiiiiiiiniiiniinninMiiiiiiiiiiniiiiiiiiii LE <strong>26</strong> JUILLET 1925 njiiiiiii<br />

LES CONTES D'ACTION<br />

LE COIN DANS LE CHÊNE<br />

LA nuit était descendue sur la forêt<br />

des Ardennes.<br />

MandaSeptantin, le sorcier, venait<br />

de retirer l'échelle de corde par<br />

laquelle il accédait à la grotte qui<br />

lui servait de maison ; il avait poussé<br />

la cheville de bois derrière la claie qui constituait<br />

la porte et s'apprêtait à dormir quand il<br />

entendit un appel.<br />

A gauche, dans les profondeurs du bois,<br />

des chouettes ululaient. En face, entre les<br />

rochers.-qui formaient, à dix pieds au-dessous<br />

de la grotte, un entablement large de vingt et<br />

surplombant un précipice, les yeux perçants du<br />

vieillard distinguèrent, dans un rayon de lune,<br />

une forme mouvante. Un homme approchait,<br />

tâtant du bâton les blocs de granit que contournait<br />

l'étroit sentier. Bientôt une voix<br />

s'éleva, implorante, mais contenue, comme si<br />

elle eût craint d'être entendue de trop loin :<br />

— Manda !... Manda Septantin !...<br />

— Qui va là ?<br />

— Déroule ton échelle et descends ! H faut<br />

qu'on te parle tout de suite !<br />

— Qui es-tu ?<br />

— Jacques Girondelle, des Trois-Moulins.<br />

— Le sabotier ?<br />

— Oui. Viens çà, Manda Septantin ! Ce<br />

que j'ai à te dire est sérieux.<br />

— Le bois n'est point sûr, la nuit : les<br />

bêtes rôdent. Il fait meilleur ici qu'en bas.<br />

Pourras-tu grimper ?<br />

— Oui. Dépêche-toi !... - ' .<br />

L'échelle tomba. Le visiteur, un jeune<br />

homme, gravit agilement les barreaux et pénétra<br />

dans la grotte en se courbant.<br />

— Je n'ai pas de chandelle, dit le vieillard.<br />

— N'importe ! Pas besoin d'y voir pour<br />

causer !<br />

— Que veux-tu de moi ?<br />

— Ton conseil et ton secours... On dit que<br />

tu peux des choses... J'ai un ennui, une peine.<br />

Peut-être saurais-tu m'en tirer ? Je te donnerai...<br />

— Nous ferons marché tout à l'heure.On<br />

paie selon le travail. Dis-moi ton-souci !<br />

Jacques s'assit sur l'escabeau unique. Manda<br />

resta debout. Dehors, les chouettes ululaient<br />

toujours.<br />

— Il y a, aux Trois-Moulins, commença<br />

le jeune homme, une fille qui a nom Lucette<br />

Bonnin. De son état, elle est couturière. Des<br />

cheveux noirs et les yeux bleus... Sais-tu cela,<br />

Manda Septantin ?<br />

Le sorcier ne répondit que par un grogne-<br />

ment.<br />

— Je l'aime ! continua Jacques d'une voix<br />

sourde. Mais... à l'aimer, nous sommes deux.<br />

Il y a aussi Bruno Vernaire, le bûcheron.<br />

Le grand Bruno... Nous aimons Lucette<br />

depuis plus d'un an. Elle le sait. Pourquoi fautil<br />

qu'elle ne se décide point à choisir entre<br />

nous, l'un ou l'autre ? Elle fait la coquette.<br />

Chaque fois que je la presse de me dire oui,<br />

à moi, elle me répond " qu'on a bien le<br />

temps d'être en ménage ", qu'il faut d'abord<br />

" voir un peu ", et qu'on verra à la saison<br />

prochaine ! Tantôt, je crois que Lucette m aime<br />

et tantôt qu'elle se moque de moi. Parfois, le<br />

<strong>dimanche</strong>, au sortir de la messe, elle me sourit,<br />

et puis, aux vêpres, elle se détourne ! Enfin, je<br />

suis trop malheureux. Il faut que cela finisse.<br />

Ma patience est usée. Il faut que la belle se<br />

décide. Si c'est Bruno qu'elle préfère, qu'elle<br />

le dise !... Est-ce qu'il n'y aurait pas un moyen<br />

de l'obliger à choisir ? Connaîtrais-tu ce moyen,<br />

Manda ? Voilà ce que je veux de toi. J'ai tout dit.<br />

L<br />

E sorcier hechait la tête, tirait sa barbe<br />

d'argent. Il réfléchit plusieurs minutes.<br />

Jacques attendait impatiemment. Enfin :<br />

— Deux écus tout de suite, fit Manda<br />

Septantin, en serrant fortement, de ses doigts<br />

secs, le bras du jeune homme, et puis un boisseau<br />

de fèves... Après... la chose ! Je sais comment<br />

Lucette Bonnin sera ta femme.<br />

— Ma femme !...<br />

— Je sais comment Lucette Bonnin pourra<br />

être la femme de Jacques Girondelle.<br />

— Ma femme ! Et quand nous marieronsnous<br />

?<br />

— Bientôt... bientôt ! Mais, d'abord, ce<br />

que je te demande, me le donnes-tu ?<br />

— Deux écus ! c'est beaucoup. C'est tout<br />

ce que j'ai dans ma bourse. Je ne comptais<br />

t'en laisser, pour te payer de ton service, que<br />

la moitié !<br />

— Tu ne seras donc jamais qu'une moitié<br />

d'amoureux !<br />

Et le vieillard montrait à Jacques l'échelle,<br />

dont l'extrémité s'accrochait à une forte racine,<br />

comme pour l'inviter à prendre congé, tous<br />

pourparlers étant rompus..<br />

/F<br />

par PIERRE LADOUÉ<br />

Ce récit tragique d'un drame d'amour a été placé par<br />

Pierre Ladoué dans le cadre sublime de la grande forêt,<br />

pleine de clairs-obscurs et où les loups et la mort rôdent<br />

de compagnie, autour de leur victime, l'Homme.<br />

— Allons... Un écu ! fit le jeune homme.<br />

— Tu marchandes ? C'est que tu ne tiens<br />

pas à Lucette !...<br />

Jacques soupira et jeta vivement sa bourse<br />

de cuir sur le billot qui servait de table. Manda<br />

Septantin desserra posément le cordon, s'appro-<br />

dans les étoiles pour me faire devenir le mari<br />

de Lucette Bonnin ?... Tu ne connais donc pas<br />

Bruno Vernaire, plus haut que moi de dix<br />

pouces, Bruno, le plus fort gaillard du pays et<br />

de quatre lieues à la ronde ? C'est ma honte<br />

et ma mort que tu manigances là, sorcier de<br />

// secoua son bras prisonnier, fil craquer ses os dans un effort terrible. Il ne parvint<br />

qu'à accroître sa souffrance, à tel point que, près de défaillir, il tomba sur les genoux...<br />

cha de l'entrée de la grotte et, au clair de lune,<br />

fit luire les deux pièces. Puis il regarda les<br />

astres un long moment.<br />

— Écoute-moi bien, dit-il, revenu à son<br />

visiteur et lui posant sur les épaules ses deux<br />

mains, afin de lui mieux faire pénétrer ses<br />

paroles dans l'esprit. Ecoute-moi bien, Jacques<br />

Girondelle, et ne t'écarte point des prescriptions<br />

de Manda Septantin, qui ht l'avenir dans les<br />

étoiles ! Le crois-tu, que je lis l'avenir dans les<br />

étoiles ?... Le crois-tu ?<br />

— Je l'ai toujours ouï dire et tout un chacun<br />

le répète aux Trois-Moulins, fit Jacques, soudainement<br />

intimidé.<br />

— Bien parlé. Connais-tu le Val-Cranioux ?<br />

C'était un endroit perdu, un des fonds les<br />

plus sauvages de la grande forêt, à une lieue<br />

de la grotte de Manda et à deux de toute autre<br />

habitation.<br />

— Oui, j'y suis allé une fois... On y voit<br />

de beaux hêtres.<br />

— Et de beaux chênes. A cent pas de la<br />

source, dans l'herbe, il y a un grand tronc de<br />

rouvre, abattu depuis plusieurs années, et qui<br />

paraît avoir été oublié par les bûcherons. Un<br />

coin rouillé est resté enfoncé dedans. Jacques<br />

Girondelle, tu vas emmener auprès de cet<br />

arbre Bruno Vernaire, et tu lui diras ceci :<br />

Mon camarade, puisque Lucette Bonnin<br />

ne se résout point à prendre l'un de nous<br />

deux pour mari, décidons qui le sera par le<br />

moyen d'un jugement de Dieu. Eprouvons<br />

nos forces. Celui qui, de ses seules mains, sans<br />

le secours d'aucun outil, arrachera ce coin de<br />

ce tronc, sera vainqueur : il jDOurra épouser la<br />

belle en tranquillité, car l'autre quittera le pays<br />

et plus jamais n'y reviendra !<br />

■— Traître ! interrompit Jacques Girondelle<br />

en se levant de son escabeau. C'est ainsi que<br />

tu te moques de moi et que tu me voles mon<br />

argent ! Voilà le beau moyen que tu as trouvé<br />

malheur ! Tiens, rends-moi plutôt ma bourse<br />

et laisse-moi m'en retourner chez nous !<br />

— Nenni ! fit le vieillard d'une voix lente.<br />

Il te faut calmer, Jacques, et te rappeler ce que<br />

tu as ouï raconter de Manda Septantin dans<br />

les hameaux. Tes paroles sont inconsidérées,<br />

et je te les pardonne à cause de ta jeunesse.<br />

Ecoute-moi jusqu'à la fin... T'ai-je dit que je<br />

possède une plante qui rend le plus chétif<br />

capable de soulever les rochers ? T'ai-je dit<br />

que les paroles que je prononcerai de loin, dans<br />

le temps même qu'aura lieu l'épreuve à quoi<br />

je t'engage, réduiront à rien la force de Bruno<br />

Vernaire ?... T'ai-je dit cela ?<br />

— Non... non !... Bien sûr que, si c est<br />

ainsi... Fais excuse, Manda... Je ne savais<br />

point ! balbutia Jacques, apaisé, en se rasseyant<br />

sur l'escabeau.<br />

— L'herbe que je te donnerai, reprit le<br />

vieillard, tu t'en frotteras les bras, après en<br />

avoir mâché les feuilles, et tu garderas précieusement<br />

les tiges dans ta poche... A présent,dis-moi<br />

quand, Bruno et toi, vous vous rendrez<br />

au Val-Cranioux, à seule fin que je puisse dire<br />

les paroles en temps voulu.<br />

— Dès demain ! Je voudrais y aller demain !<br />

— Demain, donc. A l'heure où la lune se<br />

lèye...<br />

— Oui. Le matin, j'irai trouver Bruno pour<br />

lui proposer la chose. Mais... s'il allait refuser ?<br />

— Il ne refusera pas. Il connaît le poids de<br />

ses bras !<br />

— Tu as raison... Mais... lu m assures bien,<br />

Manda, que cette herbe me rendra plus fort<br />

que lui, plus fort que Bruno Vernaire ?.:.<br />

— Aussi vrai que la lune est en son plein et<br />

que l'oiseau de nuit pleure là-bas !<br />

— Et si Bruno, après, ne voulait pas quitter<br />

le pays ? ..<br />

— S'il avait cette malice-là, je saurais encore<br />

le moyen de l'obliger à se montrer loyal !<br />

—_ Et Lucette ? Tu me promets que Lucette,<br />

ensuite, sera ma femme ?<br />

— Imagine que tu balances toi-même entre<br />

deux filles, et que l'une des deux disparaisse<br />

un matin : est-ce que tu n'épouserais pas<br />

l'autre ?<br />

Convaincu par les arguments du sorcier<br />

et nanti de la plante merveilleuse, le sabotier<br />

voulait sans plus attendre regagner les Trois-<br />

Moulins, mais son hôte lui représenta que de<br />

mauvaises rencontres étaient à redouter, sous<br />

bois, à pareille heure, et le jeune homme<br />

accepta de passer le reste de la nuit sur la<br />

paillasse de Manda, qui ne dormit pas.<br />

Loin d'avoir goûté lui-même un véritable<br />

repos, tant son esprit demeurait surexcité,<br />

Jacques déroula l'échelle de corde et descendit<br />

de la grotte dès que les oiseaux de la forêt<br />

eurent signalé l'aurore entre les branches.<br />

Le sorcier lui adressa, d'en haut, un adieu de<br />

la main. Jacques reviendrait, dans quelques<br />

jours, apporter le boisseau de fèves, après la<br />

réussite de l'affaire : c'était convenu.<br />

Il s'enfonça rapidement, entre les rochers,<br />

dans les fougères que mouillait la rosée du<br />

matin, et bientôt il eut disparu.<br />

D<br />

A * *<br />

ANS la clairière transformée en chantier,<br />

Bruno Vernaire, armé de sa bonne<br />

cognée, entamait un chêne.<br />

Han ! Han !... l'arbre résonnait et frémissait<br />

de toutes ses fibres. Des éclats de - bois<br />

durs comme des silex volaient autour du travailleur.<br />

La cognée docile décrivait un cercle<br />

brillant et venait s'appliquer exactement, à<br />

chaque coup, dans l'entaille agrandie.<br />

A voir ainsi besogner ce grand garçon si<br />

vigoureux et si adroit, -quelle fille n'eût senti<br />

pour lui de l'amour dans son cœur ?... Mais,<br />

à cette heure matinale, Lucette Bonnin ne<br />

songeait pas à courir les futaies pour y contempler<br />

les bûcherons. Devant son miroir, sans<br />

doute lissait-elle à présent ses bandeaux noirs,<br />

ou ajustait-elle sa guimpe avant de prendre son<br />

aiguille...<br />

C'est ainsi du moins que Bruno se la représentait,<br />

ayant interrompu, pour souffler un<br />

moment, le fier jeu de son outil, lorsque Jacques<br />

Girondelle déboucha par le sentier qui venait<br />

du village...<br />

— Holà, Bruno, te voilà aux prises avec<br />

un rude compagnon, fit-il, goguenard, en<br />

mesurant le chêne de la racine aux hautes<br />

branches. Penses-tu le mettre par terre avant<br />

ce soir ?<br />

— Avant midi, lui et puis un autre ! A<br />

moins que le manche de ma cognée ne me<br />

reste dans les mains, ce qui m'étonnerait,<br />

car il est de bon hêtre et bien durci au feu...<br />

Et que fais-tu si matin par ici, mon camarade ?<br />

Cherches-tu des morilles, ou n'as-tu plus de<br />

bois sec pour tes sabots ?<br />

Ainsi les deux jeunes gens s'abordaient-ils,<br />

en toute occasion, sur un ton de plaisanterie<br />

aigre-douce, à cause de Lucette Bonnin.<br />

Apparemment, ils se faisaient bon visage.<br />

Au fond, ils se détestaient.<br />

— Je suis venu, Bruno, parce que j'ai à<br />

te parler... à te parler franc.<br />

— C'est bon. Je t'écouterai de même.<br />

Bruno s'appuya sur sa cognée et attendit<br />

que son rival commençât.<br />

Jacques parlait bien quand il voulait. Il<br />

n'eut pas de peine à convaincre Bruno de<br />

la nécessité qu il y avait d'obtenir de Lucette<br />

qu'elle optât enfin pour l'un ou pour l'autre<br />

de ses poursuivants. En vérité, le manège de<br />

la. coquette durait depuis trop longtemps. On<br />

commençait à rire dans le pays des amoureux<br />

soumis de la sorte au jeu de la balançoire.<br />

Il fallait forcer son choix et décider pour elle,<br />

sans attendre son caprice, lequel des deux la<br />

mènerait devant le curé... Pour ce faire,<br />

Jacques avait un moyen... Et il décliqua tout<br />

d'une haleine, devant Bruno ébahi, le projet<br />

que lui avait soufflé Manda Septantin, dont il<br />

se garda bien, naturellement, de prononcer le<br />

nom.<br />

Quand il eut fini, Bruno s'exclama :<br />

— N'as-tu pas la cervelle brouillée, ami<br />

Jacques, ou veux-tu qu'on se gausse de toi<br />

dans tout le canton ? Pour être départagés de<br />

cette sorte, m'est avis qu'il nous faudrait à<br />

peu près force égale !... Veux-tu regarder<br />

tes bras auprès des miens ?<br />

Et Bruno, relevant la manche de sa chemise<br />

jusqu'à l'épaule, découvrait de formidables<br />

bosses. Jacques n'eut garde d'imiter<br />

ce geste, encore qu'il y fût invité par le regard<br />

moqueur de l'autre. Il mit, au contraire, ses<br />

mains derrière son dos, et reprit sur un ton<br />

tranquille :

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